Emma B. se rend au Musée des Beaux Arts de Rouen et visite l

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Emma B. se rend au Musée des Beaux Arts de Rouen et visite l
Emma B. se rend au Musée des Beaux Arts de Rouen et visite l'exposition « Scènes de la vie impressionniste »
Elle repensait à cette délicieuse lune de miel qu'elle venait de savourer dans les bras de son amant retrouvé.
Épuisée par ces trois jours de grande activité dans le cœur de la ville de Rouen, Emma profita du chemin du retour
dans l'Hirondelle pour s'assoupir le temps d'un instant…
« le déjeuner dans la serre » de Louise
Abbéma, lut-elle du bout des lèvres.
Louise Abbéma, une femme, pensa-telle. Ahurie par l'immensité de cette
toile, elle se laisse prendre au jeu de son
imagination qui divaguait.
Son regard se posa d'abord sur le nœud rose et gourmand de la petite fille de dos. Pourquoi ne pas en en
commander un semblable à Monsieur Lheureux ? Puis elle aperçut une femme à l'arrière du tableau. Mais celle-ci
portait un tailleur, n'est-ce pas ? C'était très masculin mais quelle prestance se dégageait de sa personne, comme si
son habit lui permettait de s'affirmer, alors qu'elle se trouvait dans un espace entre intérieur et extérieur !
Guidée par ses pas, elle se déplaça dans les galeries du musée des
Beaux Arts de Rouen, sans prêter attention aux regards intrigués qui la
dévisageaient, comme si elle venait d'une autre époque.
Puis elle s'attarda devant le portait d'une femme, Berthe Morisot,
peinte par Manet, lut-elle. Emma envia la légèreté cachée et le jeu de
séduction que semble renfermer cette toile. Le regard rieur du modèle
suggère un public plus large que le simple spectateur. Elle devina la
complicité entre l'artiste et la femme dont la chevelure virevoltante
accentuait cette proximité qu'elle soupçonnait et enviait. Elle aussi
voudrait être la muse d'un peintre. Emma s’éloigna du portrait avec une
rage jalouse qui contribua à renforcer ses aspirations romantiques, qui se
développaient au fil de ses pas sur le parquet du musée.
Mais la tenue de Madame Bartholomée, peinte par son époux dans une
serre, portait atteinte à ses pulsions de liberté. Cette dernière apparaissait
debout, le corps emprisonné dans une longue robe dont la taille, plus que
marquée, semblait vouloir retenir la femme dans l'ombre du XIXe siècle. Bien
qu'elle la trouvât dotée d'un certain goût, Emma la détesta, la tenant pour
responsable de la morosité et de l'ennui autour desquels sa vie, qu'elle haïssait
également, s'organisait. Décidée à fuir cet endroit qui fonctionnait comme un
écho de ce dont elle rêvait mais qu'elle n'effleurait que du bout des doigts,
Emma se dirigea d'un pas ferme vers la sortie.
La dernière chose qu'elle aperçut, ce fut un
tableau de Caillebotte dans lequel la seule chose
qu'elle distinguait était un homme dont la
petitesse le rendait ridicule. Elle pensa
immédiatement à Charles. Aveuglée par sa
colère, elle ne remarqua pas que celui-ci, un
roman dans les mains, s’opposait à une femme
plongée dans un journal au premier plan...

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