7488 cnes qualité 43

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7488 cnes qualité 43
© CNES/Emmanuel GRIMAULT
RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Pour des données
numériques durables
Comme les systèmes d’exploitation évoluent rapidement,
la conservation des données s’avère difficile.
The fact that operating systems evolve rapidly makes
it difficult to preserve data so that they remain available.
Trop poussiéreux, synonyme
de travail de fourmi, l’archivage
n’a jamais enthousiasmé les foules.
Pourtant, à l’échelle des activités
spatiales, la pérennité des données
numériques, patiemment
accumulées au cours de missions
à la fois uniques et coûteuses, est
un enjeu de plus en plus sensible,
compte tenu de l’évolution rapide
des systèmes de stockage et
d’exploitation des données.
Retour d’expérience du CNES qui,
par nécessité, a très tôt fait le pari
de la conservation.
Comment illustrer l’enjeu de la pérennité des
données numériques ? « Il y a 6 ou 7 ans,
explique Claude Huc, spécialiste de cette
question au CNES, j’avais été contacté par un
laboratoire ayant besoin, pour une mission
future, d’avoir accès aux données de la
mission Eole* datant du début des années 70.
J’ai eu la chance de retrouver ces données
dans un centre de données américain, alors
qu’en France, plus aucune trace ! ». Très tôt,
les Etats-Unis ont pris conscience de la valeur
des données. En effet, comme les
expériences spatiales sont financées par le
contribuable américain, il faut lui rendre
des comptes, ce qui suppose de stocker
soigneusement les informations. Mais, dans la
mesure où les systèmes d’exploitation de
données changent de plus en plus souvent,
conserver le caractère exploitable des
données génère d’importantes difficultés,
comme le souligne Claude Huc : « Dès 1995,
il est devenu impossible de relire en Microsoft
Word 95 des documents enregistrés en 1990
avec Microsoft Word 2. Il a fallu ressaisir
les informations. Autre exemple : il y a deux
ans, nous avons ressaisi en partie toute une
série d’équations mathématiques saisies en
Word 95. » Même sur une période de dix ans,
l’information devient extrêmement vulnérable,
car il ne suffit pas de la stocker, encore faut-il
pouvoir l’exploiter. Ce préambule donne un
peu la mesure d’une préoccupation qui
dépasse largement le champ du CNES.
Préserver et valoriser
les données issues de
l’expérience spatiale
Pour nourrir le débat, le CNES a associé d’autres
organismes à sa réflexion. Il y a cinq ans, un
groupe de travail, le PIN (pour « Pérennisation
des Informations Numériques »), a été créé
pour rassembler des organismes confrontés à
ce problème. Le CNES y joue un rôle naturel de
pilote et d’expert, du fait de ses 35 ans
d’expériences en matière d’enregistrement de
données numériques. Des réunions plénières
réunissent régulièrement entre 25 et 30
participants et, en parallèle, un certain nombre
d’actions ont été lancées. Par exemple, un
module de formation de 4/5 jours autour de la
pérennisation de l’information -qui n’existait
nulle part ailleurs- a été conçu, rassemblant des
participants aux profils variés : ingénieurs en
science de l’information, enseignants, experts
juristes, experts de l’archivage, gestionnaires
d’archive, etc. D’autres types de travaux sont
également mis en commun, concernant par
exemple le problème des formats (des
données enregistrées sous Word sont-elles
pérennes ?). Cet enjeu du format est essentiel,
car c’est lui qui permet de convertir des trains
de bits en informations intelligibles. Le groupe
de travail a donc établi un certain nombre de
critères d’évaluation des formats pour identifier la
marche à suivre : les formats présentant des
dangers, les méthodologies à suivre pour le choix
du format, etc. Afin de partager avec elle les
enseignements de son retour d’expérience, le
CNES a reçu un certain nombre de délégations :
Commisariat à l’énergie atomique, Bibliothèque
nationale de France, Centre informatique
national de l’enseignement supérieur et Service
des archives historiques du ministère de la
Défense, etc.
Pourquoi faut-il conserver
les données au CNES?
Concernant les données d’observation de la
Terre, tout ce qui touche à l’environnement
terrestre nécessite, pour en comprendre
l’évolution, que l’on dispose d’observations
relevées sur des dizaines d’années. Et cette
logique est valable pour d’autres domaines
scientifiques tels que l’étude des plasmas
naturels et plus généralement les sciences de
l’Univers. Par ailleurs, des observations de très
bonne qualité ont pu être réalisées à une
époque où les ordinateurs n’étaient pas assez
puissants pour exploiter les volumineux
* Eole, satellite de localisation et de collecte de données, a été réalisé sous la responsabilité du Centre Spatial de Toulouse, et lancé le 16 août 1971 par la NASA. Conçu pour l'étude des vents dans la haute
troposphère de l'hémisphère sud, il fut l’un des éléments d'un système, également constitué d’une flottille de ballons dérivants.
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EXPERIENCE FEEDBACK
For sustainable exploitation
of digital data
Long seen as boring and repetitive
work, archiving has never been a
great crowd-pleaser. Nevertheless,
for space activities, the durability of
digital data, which has been
patiently accumulated from costly
one-off missions, is an increasingly
critical issue, especially with the
rapid evolution of data storage and
exploitation systems. Early on, CNES
was obliged to invest in data
preservation. Here are the lessons
it has learned.
How do you demonstrate the importance of
sustainable exploitation of digital data?
"Around six or seven years ago," explained
Claude Huc, a CNES specialist on the subject,
"I was contacted by a laboratory which
needed (for a future mission) to access data
from the Eole* mission, dating from the
early 1970s. Fortunately, I was able to find
them in an American data centre, because
in France there was no longer any sign of
them! " The Americans realised the value of
data early on: this is because their space
activities are financed by American taxpayers,
who expect accountability which in turn
implies careful information storage. However,
insofar as data exploitation systems change
with increasing frequency, maintaining
useable data becomes more difficult. Claude
Huc emphasised this with the following
example: "Since 1995 it has become
impossible to read documents in Microsoft
Word 95 that were saved with Microsoft Word 2
in 1990. The information has had to be
re-entered. Here is another example: two
years ago we had to partially re-enter a
whole series of mathematical equations
which had been produced in Word 95." Even
in just ten years information can become
extremely vulnerable: storing it is not enough,
it must also remain useable. This introduction
gives an idea of a complex issue that extends
far beyond CNES's area of expertise.
Preserving data from
space experiments and
adding value to it
To encourage the debate, CNES began
working with other organisations. Five years
ago, the PIN working group (the acronym
stands for Pérennisation des Informations
Numériques, or Sustainable Exploitation of
Digital Information) was created to bring
together organisations faced with the same
problem. CNES was naturally able to play
both a management and an expert role, due
to its 35 years experience of recording digital
data. Plenary meetings of between 25 and
30 participants are held regularly and a
number of concurrrent activities have been
initiated. For example, a four-to five-day
training module was developed around the
issue of the sustainable exploitation of
information. This innovative training activity
brought together a wide range of
participants: information science engineers,
teachers, legal experts, archiving experts,
archive managers, etc. Other research was
also shared, for example relating to the
problem of data formats (how durable is
information saved in Microsoft Word? etc).
The choice of format is essential, as this is
how bit streams are converted into
intelligible information. The working group
therefore determined several format
evaluation criteria in order to identify the
steps to be taken: formats with inherent
risks, methodologies to be followed in
choosing a format, etc. CNES furthermore
invited a number of delegations from French
institutions to share the information it had
acquired: CEA (Commissariat à l'Energie
Atomique), BNF (Bibliothèque Nationale de
France), CINES (Centre Informatique National
de l’Enseignement Supérieur), the Defence
Ministry's historic archives department, etc.
Why does CNES need
to preserve data for
long-term exploitation?
Regarding Earth observation data, any study
of our planet's environment requires
observations that have been made over
several decades, in order to understand the
changes over time. This is also true for other
scientific fields such as the study of natural
plasmas and Universe sciences in general.
Moreover, observations of a very high quality
may have been made at a time when
* Eole, a tracking and data collection satellite was developed by the Toulouse Space Centre and launched on 16 August 1971 by NASA. It was designed to study winds in the southern hemisphere's upper
troposphere and was part of a system which also included a flotilla of free-floating balloons.
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RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Pour des données numériques durables
© CNES/C. BARDOU
Bandothèque du CNES. Dès 1994 le CNES a créé un service de transfert et archivage de fichiers.
CNES Bandothèque. In 1994 CNES created a file transfer and archiving department.
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gisements de données recueillies dans ces
observations. D’où l’intérêt de retravailler 10 ou
20 ans plus tard sur ces mêmes données pour
en extraire enfin les fruits attendus. Parmi les
autres motifs de conservation des données,
celui du patrimoine d’informations techniques
du CNES n’est pas le moindre. Il est en effet
essentiel pour le CNES de pouvoir, dans un
domaine donné, disposer des acquis et des
études techniques réalisées au cours des 10 ou
20 dernières années, voire sur une durée
supérieure, notamment pour l’élaboration des
missions présentes et futures. Les difficultés
rencontrées sont multiples. A l’origine, chaque
fois qu’une mission spatiale démarrait, un
système de gestion et d’accès aux données lui
était associé, pour mettre celles-ci à la
disposition des laboratoires utilisateurs.
Cependant, compte tenu de l’évolution de
l’informatique, le CNES fut rapidement dans
l’incapacité de maintenir durablement le
nombre croissant de ces systèmes, tous
différents. D’autant plus que, si l’évolution de
l’informatique est en général progressive, elle
se fait parfois aussi par palier majeur. Dès lors,
de simples opérations de maintenance ne
suffisent plus et une réécriture complète du
logiciel s’impose. Toutes ces raisons ont conduit
le CNES à réfléchir au moyen de rendre les
données disponibles de manière générique.
Le stockage sur bande
magnétique devient
obsolète
Dans les années 90, chaque projet du CNES
stockait ses propres données en utilisant des
moyens communs, mais en restant
propriétaire de ses bandes magnétiques. Or,
les équipes-projets ne sont pas des structures
pérennes : elles se constituent, déroulent les
étapes du projet et se défont une fois le projet
terminé. « Dès lors les données du projet
devenaient orphelines et les équipes-projets
ne détenaient pas forcément les compétences
pour les conserver convenablement pendant la
durée du projet , ne serait-ce que de dérouler
tous les deux ou trois ans les bandes
magnétiques pour qu’elles restent lisibles »,
explique Claude Huc. D’où la mise en place au
CNES, en 1994, d’un service de stockage
commun : le STAF (service de transfert et
d’archivage des fichiers). Sa responsabilité est
de garantir dans le temps l’intégrité des
trains de bits emmagasinés par les projets,
quelles que soient les évolutions
technologiques. C’est un rouage essentiel
dans le processus de préservation de
l’information, mais cela ne suffit pas. En effet,
dès la création du STAF, une vaste opération
de migration de l’information, concernant
plusieurs dizaines de milliers de bandes
magnétiques, a été effectuée vers ce service,
en migrant une par une les collections de
bandes associées à tel ou tel projet.
Cependant, cette migration n’avait de sens
que si le CNES détenait les clés pour décoder
ces données. Or, quelques collections,
heureusement marginales, ont été perdues
parce que certaines bandes n’étaient plus
lisibles, n’avaient pas de copie, ou encore
parce que la copie elle-même n’était plus
lisible... En revanche, d’autres collections de
données n’étaient décrites que partiellement
ou de manière erronée, ce qui explique que,
dans certains cas, le CNES n’ait pas été en
mesure de retrouver la description des
données. Sachant que les données
scientifiques sont constituées d’une
succession de nombres de longueur
variable, avec pour chaque nombre, une
signification scientifique particulière, il
apparaît que si le système de traduction est
absent, les données sont inexploitables.
« Par exemple, toutes les données du
satellite D2B, mission CNES des années 70
dédiée à la fois à l’astronomie et à la
physique solaire, qui intéressaient encore
des laboratoires dans les années 90, ont pu
être migrées vers le STAF. Mais hélas, plus
aucune trace du système de traduction ! Ces
données ne pouvant plus être exploitées,
elles sont définitivement perdues », regrette
Claude Huc.
Pérenniser les bits pour
pérenniser l’information
Au-delà du problème de conservation des
données issues des instruments scientifiques
spatiaux, il est donc essentiel de pérenniser aussi
l’information permettant de convertir ces bits en
information intelligible : la description des
données, qui comporte des aspects syntaxiques
et sémantiques. Cette prise de conscience a
d’ailleurs suscité de multiples réflexions. Au plan
normatif d’abord, il n’y avait pas de norme ni de
standard traitant globalement de l’archivage des
données spatiales. En 1995, les instances de l’ISO
ont demandé au Comité Consultatif pour les
Systèmes de Données Spatiales (CCSDS) de se
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EXPERIENCE FEEDBACK
For sustainable exploitation of digital data
computers were not yet powerful enough to
exploit the enormous amounts of data these
observations yielded. This is why it is worth
returning to the same data ten or twenty
years later, when the anticipated results can at
last be extracted. Another significant reason
for conserving data is CNES's technical
information heritage. CNES has to be able to
access the knowledge and technical research
data acquired over the last ten or twenty
years or more, in any given field, particularly
when developing present and future missions.
However, this led to many difficulties. Firstly,
every time a new space mission was
undertaken, a data access and management
system was associated with it, so the data
could be made available to users in the
laboratories involved. However, due to
computing developments, it soon became
impossible for CNES to maintain the growing
number of different systems over the longer
term. This was especially true because,
although computing development is generally
regular, it sometimes moves forward in major
leaps. When this happens simple
maintenance operations are no longer enough
and the software has to be completely
rewritten. All these factors led CNES to
consider the best generic way of ensuring that
its data would remain usable in the future.
Storage on magnetic tape
becomes obsolete
In the 1990s, each CNES project stored its data
using shared facilities, while retaining
ownership of its own magnetic tapes. The
problem with this system was that project
teams are not permanent structures: they are
formed, they work on the different stages of
the project and are then disbanded once it has
been completed. "Consequently, the project
data would become 'orphaned' and the
project teams would not always be capable
of maintaining them properly throughout the
project's duration, even if this only meant
unwinding the tapes every two or three years
in order to keep them readable," explained
Claude Huc. As a result of this, in 1994 CNES
set up a shared storage facility: the STAF
© 2003 Take Stock, Inc.
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(Service de Transfert et d’Archivage des
Fichiers or file transfer and archival
department), in order to ensure the long term
integrity of the bit streams accumulated by
the projects, regardless of technological
developments. This archiving is an essential
step in the information preservation process,
although not enough in itself. Since STAF's
creation, a huge information migration
operation – involving tens of thousands of
magnetic tapes – has been transferring data to
this department: migrating the collections of
tapes associated with a project one by one.
However, this migration will only work if CNES
is able to decode the data. Already, several
collections – fortunately minor ones – have
been lost because certain tapes were
unreadable, had not been copied or even
because the copies were themselves
unreadable. Moreover, other data collections
had been only partially or erroneously
indexed, which meant that CNES was
sometimes unable to find the data
description. As scientific data consists of a
series of numbers of varying length, each with
a specific scientific meaning, if the translation
system is missing, the data can simply not be
used. "For example, all the data from the D2B
satellite (a CNES mission for studying
astronomy and solar physics from the 1970s),
which was still of interest to laboratories in
the 1990s, were migrated to the STAF.
Unfortunately, there was no sign of the
translation system! This made the data
unreadable, so they were therefore lost for
good", said Claude Huc with regret.
Preserving the bits so that
the information is available
for later use
Apart from the problem of keeping the
scientific data from satellite instruments, it is
also essential to maintain the information
needed to convert the bits into intelligible
information: the data description, containing
the syntactic and semantic elements. Once
this had been understood it was clear that
more groundwork was needed. First, from a
standards perspective, there were no
guidelines for the overall archiving of space
data. In 1995 the ISO authorities asked the
CCSDS (Comité Consultatif pour les Systèmes
de Données Spatiales) to look at the issue and
to examine the possibility of developing a
standard for the long-term archiving of space
data. The working group that was formed, in
which Claude Huc participated, began by
issuing two statements: 1- this issue is not
unique to the space industry, because any
organisation wishing to maintain digital data
>>>>>>
2 - Reliability, availability, maintainability, safety
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Pour des données numériques durables
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pencher sur le problème et d’étudier la possibilité
d’élaborer une norme en matière d’archivage
longue durée des données spatiales. Le groupe
de travail constitué pour l’occasion, et auquel
Claude Huc a participé, a préalablement émis
deux remarques. 1- cette question n’est pas
spécifique au domaine spatial, dans la mesure où
tout organisme ayant des données numériques à
conserver est confronté à ce problème. C’est
pourquoi il a été décidé d’associer des
représentants des Archives nationales
américaines ou de grandes bibliothèques à ce
groupe de trav. 2- il était nécessaire de définir un
modèle de référence permettant d’appréhender
le problème dans toutes ses dimensions. L’Open
Archival Information System (OAIS) a ainsi été
normalisé tant par le CCSDS que par l’ISO (1). Une
traduction française a d’ailleurs été effectuée par
le CNES et la BNF. Cette norme de référence
n’apporte pas de solution sur la méthode
d’archivage sur le long terme des données, mais
elle permet déjà d’avoir une compréhension
commune et complète du problème : par
exemple, comment être sûr que l’information
récupérée est bien celle qui a été archivée il y a
10 ans, comment identifier un objet numérique
archivé de manière unique, etc. ? Les problématiques d’archivage de publications « papier »
sont similaires, avec le même souci d’identifier
clairement les objets par un n° ISBN (International
Serial Bibliographic Number). Le CNES a également
assuré la responsabilité rédactionnelle d’une autre
norme qui, en lien avec la première, traite des
relations entre l’archiviste et le producteur
d’information. Depuis plus d’un an, le CNES traite
de ces questions au niveau de son référentiel
normatif, afin de disposer de l’organisation
appropriée pour les résoudre de façon globale.
Car aujourd’hui, le problème n’est que
partiellement résolu.
Compétences informatiques
et scientifiques
Dans les années 90, il est ressorti des réflexions
menées par les groupes de travail CNESlaboratoires que des compétences informatiques
et scientifiques étaient nécessaires afin de
préserver des données scientifiques provenant
d’instruments scientifiques complexes. L’archivage
Les membres du groupe de travail PIN*
> Commissariat à l’Energie Atomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Institut
National de la Recherche en Informatique et en Automatique, Institut Géographique National
> Bibliothèque Nationale de France
> Institut National de l’Audiovisuel
> Direction des Archives de France et Archives de Paris, qui ont un mandat de préservation
intrinsèque.
> Organismes du secteur de la santé, privés (laboratoires pharmaceutiques) ou publics
(Institut Pasteur, organisme en charge de la mise sur le marché des médicaments)
> Représentants des ministères : Agriculture, Equipement, Défense, Justice (la gestion des
dossiers judiciaires peut parfois durer 30 ans)
> EADS et Airbus (la documentation d’un avion est volumineuse et complexe et il faut la
conserver pendant 50 ans)
> EDF, France Télécom
> Caisses de retraite, etc.
(*PIN : Pérennisation de l’Information Numérique - http://pin.cnes.fr)
a en effet pour but de conserver les données sous
une forme étalonnée, mais également tout les
outils nécessaires à la communauté d’utilisateurs
pour récupérer et comprendre l’information
archivée… aujourd’hui comme dans dix ou vingt
ans. D’où la nécessité de mettre en place un
process de normalisation. Le Centre de Données
de la Physique des Plasmas (CDPP) a ainsi été
créé afin d’assurer la pérennisation des données
de toutes les expériences sol ou spatiales dans le
domaine de la physique des plasmas, de rendre
ces données accessibles à la communauté
scientifique et, enfin, de veiller à ce que leur
utilisation génère une plus-value scientifique. Mais le caractère sectoriel du CDPP montre que la
pérennisation des données a encore du chemin à
faire, dans la mesure où les missions du CNES ne
répondent pas encore toutes aux préconisations
de pérennité de l’information. A l’époque de la
création de ce centre, le CNES n’avait pas de
politique établie en matière de gestion à long
terme des données. Depuis, les choses ont été
clarifiées. Le CNES, dans le cadre des missions
spatiales dont il a la charge, est responsable de la
réception, de la production et de l’archivage à
long terme de ce qu’on appelle les données de
niveau 1, celles qui émanent des instruments. Il
faut les transformer en valeurs physiques, car
elles sortent des instruments en valeurs brutes et
non calibrées. Or, le maintien des compétences
sur les instruments est quelque chose
d’extrêmement difficile. Par conséquent, les
communautés appelées à utiliser des données
sans avoir participé à l’expérience initiale et sans
connaître les instruments éprouvent de
nombreuses difficultés à travailler à partir de
données brutes non calibrées. Actuellement, le
CNES ne dispose pas de service dédié à cet
objectif. Or, pour qu’une action de pérennisation
de longue durée soit menée de manière
systématique, il faut en amont préciser aux
équipes-projets ce qu’on attend d’elles. D’où la
nécessité, à terme, d’intégrer les recommandations dans le référentiel normatif du CNES pour
que, sur cet enjeu, les consignes soient claires. A
partir du moment où ce qui relève de la
responsabilité du projet y sera tracé, des actions
organisationnelles pourront être menées pour
l’archivage adéquat. A terme, l’objectif serait
d’instaurer, au sein du CNES, un point d’entrée
ayant une vision d’ensemble sur tous les aspects
de l’archivage : la nature des données
disponibles et leur localisation, la localisation de
leur description, les documents associés, etc.
(1) CCSDS 650.0-B-1. Reference Model for an Open Archival Information System (OAIS), January 2002, ISO 14721
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For sustainable exploitation of digital data
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is faced with the same problem. This is why
the decision was made to include
representatives from the American national
archives and major libraries in the working
group. 2- A reference model needed defining
which would enable all aspects of the
problem to be understood. The Open Archival
Information System (OAIS) was therefore
standardised by both the CCSDS and the ISO (1).
Moreover, a French language version was
produced by CNES and the BNF (French
National Library). This reference standard does
not offer a solution to the method of longterm data archiving, but it does provide us
with a full and common understanding of the
problem: for example, how can we be sure
that information retrieved is the same as that
which was archived ten years ago, or how can
we identify a digital object which has been
archived in a particular way, etc. The problems
associated with archiving 'paper' publications
are similar, with the same concern for clearly
identifying objects, as demonstrated by the
use of the ISBN (International Serial
Bibliographic Number) system. CNES also took
on editorial responsibility for another standard
which, together with the first one, deals with
the relationships between the archivist and
the person producing the information. For
more than a year, CNES has been addressing
these questions at the standardisation
documents level, in order to devise an
appropriate organisational procedure to
resolve them globally. Currently, they have
only been partially resolved.
Scientific and computing
skills
In the 1990s, the discussions led by the joint
CNES/Laboratories working groups concluded
that both computing and scientific expertise
were needed to preserve the scientific data
from complex scientific instruments. The aim
of archiving was to maintain data in a
calibrated form and also to maintain all the
tools required by the user community for
retrieving and interpreting the archived
information, both today and in ten or twenty
years time. Whence the need to establish a
The members of the PIN* working group
> French atomic energy agency (CEA), the French Centre for Scientific Research (CNRS), the
French Institue for research into Computing and Automation (INRIA), the French geographic
institute (IGN).
> The French National Library (BNF).
> The French audiovisual institute. (INA)
> The management of the Archives de France and the Archives de Paris, who have an intrinsic
mandate to preserve data.
> Organisations in the health industry, both private (pharmaceutical laboratories) and public
(Institut Pasteur, the organisation in charge of approving drugs for market).
> Representatives of government ministries: Agriculture, Infrastructure, Defence, Justice
(management of legal briefs may sometimes last for thirty years)
> EADS and Airbus (aircraft documentation is bulky and complex and must be kept for fifty
years)
> The French Electricity Board (EDF), France Télécom
> Pension funds, etc.
(*PIN: Pérennisation de l’Information Numérique or Sustainable Exploitation of Digital Information - http://pin.cnes.fr)
standardisation process. The CDPP (Centre de
Données de la Physique des Plasmas) was
thus created to ensure that data from all
ground or Space experiments in the field of
plasma physics were preserved, to make
these data accessible to the scientific
community and lastly to ensure that their use
generated added scientific value.
However, the sectoral nature of the CDPP
demonstrates that long-term data preservation
still has a long way to go in that CNES missions
are not yet all following the recommendations
on preserving information. When the CDPP was
created, CNES had not yet formulated its policy
on long-term data management. Since then,
the situation has become clearer. For the space
missions under its control, CNES is in charge of
receiving, producing and archiving over the
long term what are known as level 1 data, i.e.
those yielded by the instruments. They then
have to be converted into physical values, as
they come from the instruments in a raw and
uncalibrated form. However, maintaining the
skills required for handling the instruments is
extremely difficult. Consequently, research
teams wanting to use the data, if they did not
participate in the original experiment and do
not fully understand the instruments, will
encounter many difficulties when working with
the uncalibrated raw data. CNES does not yet
have a department devoted to this issue.
However, if a long-term preservation initiative
is to be systematically implemented, the
project teams have to be told beforehand what
they are expected to do. This is why the
recommendations will eventually need to be
integrated into CNES's standardisation
documents, so that the instructions on this
issue are clear. When a project’s archiving
responsibilities are clearly laid out, in the
standardisation documents, organisational
initiatives for adequate archiving can be
implemented. The ultimate objective will be to
establish within CNES a department with an
overall view of every aspect of archiving: the
kind of data available and their location, where
their description can be found, related
documents, etc.
Data archiving requires many skills relating to
storage systems, networks, formats, content,
etc. One person alone cannot provide all the
answers, so CNES decided to divide this activity
(1) CCSDS 650.0-B-1. Reference Model for an Open Archival Information System (OAIS), January 2002, ISO 14721
>>>>>>
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RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Pour des données numériques durables
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L’organisation de l’archivage à long terme
Au CNES, l’archivage long terme est organisé en trois services qui assurent
respectivement les fonctions suivantes :
> les entrées
En interface avec les projets producteurs. Ce service doit s’assurer que l’information à archiver
est complète et intelligible, que les formats utilisés sont bons (sinon, il en assure le
transcodage pour les stocker dans des formats pérennes). Ce service doit garantir une
description des données suffisamment complète pour ensuite les retrouver. Ceci nécessite des
compétences informatiques et des compétences d’archiviste, qui marquent l’émergence de
métiers nouveaux de gestionnaire de données. En raison de la complexité, de la multiplicité
et de la diversité des relations avec les projets ou laboratoires, cette fonction est certainement
la plus complexe, ou du moins la plus gourmande en ressources humaines ;
> le stockage
Ce service est assuré au CNES par le STAF (Service de Transfert et d’Archivage des Fichiers). Il
garantit la préservation de n’importe quel train de bits, quelle que soit l’évolution de la
technologie. Il veille également à protéger l’accès aux données (gestion des habilitations). Il
propose une interface d’accès stable utilisée par les différentes entités ou projets ayant une
responsabilité d’archivage. La mise en commun de moyens centraux s’est vite révélée
payante en matière de compétences. En effet, grâce à la puissance croissante des
équipements et à l’expertise de plus en plus poussée de l’équipe, le nombre de « clients »
du STAF a été au moins multiplié par 10 et le volume de données archivées par 100 au cours
de ces dix dernières années et ceci à effectif constant (4 personnes).
> la mise à disposition
Celle-ci suppose la mise en œuvre d’un mécanisme intelligent de recherche de l’information.
Lorsqu’un scientifique souhaite accéder à une information ou à une représentation graphique
qui lui permette de juger rapidement de l’intérêt des données, il est demandeur de services
à valeur ajoutée : qu’on lui transmette par exemple les données dans le format qu’il a
l’habitude d’utiliser (parfois différent du format d’archivage). Les compétences associées à ce
service de distribution de données sont basées sur les technologies d’Internet, de gestion de
bases de données, d’interfaces permettant d’accéder aux bases de données, etc. Grâce à ce
troisième service, le CNES a également réussi à mettre en place un système générique, le
Système d’Information de Préservation et d’Accès aux Données (SIPAD), capable de mettre
des données à la disposition de la communauté Mercator, ou encore de celle des plasmas.
L’archivage de données met en jeu de
nombreuses compétences, qu’il s’agisse des
systèmes de stockage, des réseaux, des
formats, des contenus… Or, une seule personne
ne peut pas apporter toutes les réponses. C’est
pourquoi le CNES a pris le parti de structurer
cette activité en trois services dotés chacun
de budget, d’équipes, de fonctions et de
responsabilités clairement identifiés (cf.
encadré ci-dessus). « Malgré ce dispositif
tricéphale, l’organisation du CNES pour garantir
cette préservation des données est perfectible.
Il faudra encore plusieurs années pour que
cette valorisation des données archivées soit
parfaitement au point », reconnaît cependant
Claude Huc.
54 > q
u a l i t é
e s p a c e
n ° 4 3
Une prise de conscience
nécessaire
Les équipes-projet CNES sont-elles conscientes
du caractère stratégique de la préservation des
données ? Cette prise de conscience a
beaucoup progressé ces derniers temps. Le fait
de se conformer à un processus organisé, plutôt
que de laisser les données « en jachère » dans
un projet, demande davantage d’efforts
et de ressources… mais moins que prévu
si le problème est pris à la source. Car s’il
faut pérenniser un ensemble de données
existantes, tout est à refaire. Si à l’inverse, un
système est mis en place dès le lancement du
projet, afin que le sous-ensemble de données
Mars/March 2006
ayant vocation à être pérennisé soit d’emblée
soumis à des règles adéquates, l’effort sera
moindre. « La problématique des données doit
donc être analysée le plus en amont possible du
projets : pour qui les données sont-elles produites,
que va-t-il falloir pérenniser ? Ces questions
doivent être posées avant de démarrer la
production des données et avant même que les
systèmes qui exploitent ces données soient mis
sur pied », commente Claude Huc. L’équipeprojet est non seulement responsable de la
validité des données qu’elle produit, mais elle
doit également s’assurer que ces données seront
disponibles, convenablement décrites et
documentées.
Parmi les fruits issus des compétences
développées par le CNES dans le domaine de la
pérennisation des données, la mise en place d’un
domaine de référence normatif traitant de cette
question constitue le challenge des années à
venir. Il faut maintenant mettre ce référentiel en
application sur l’ensemble des projets, en
s’appuyant sur les retours d’expérience obtenus
sur des domaines précis. Par ailleurs, au niveau
international, des catalogues - encore appelés
bases de métadonnées - décrivant les données
existantes, sont disponibles. « A la fin des années
90, si les données américaines étaient
convenablement et systématiquement décrites
et référencées dans ces bases, c’est parce que le
gouvernement américain investissait déjà sur cet
objectif. Or, à la même époque, si la description
des données issues des missions du CNES restait
peu visible, c’est par manque d’organisation
et/ou de politique volontariste. Aujourd’hui,
malgré les progrès effectués, beaucoup reste à
entreprendre dans ce domaine », résume Claude
Huc. Et pour que ces progrès aient lieu, encore
faut-il que tout le monde soit conscient de cet
enjeu. Car, pour paraphraser La Fontaine, rien ne
sert d’accumuler, il faut conserver à point.
Propos recueillis par
Hervé de la Giclais auprès de Claude Huc,
spécialiste de la préservation
des données numériques au CNES.
[email protected]
EXPERIENCE FEEDBACK
For sustainable exploitation of digital data
>>>>>>
Organisation of long-term archiving
At CNES, long-term archiving is divided into three departments which carry out
the following respective functions:
> Input
This involves interfacing with the projects generating the data. This department has to ensure
that the information to be archived is complete and intelligible and that the correct formats
are used (otherwise it converts the code to store the data in durable formats). It has to
guarantee a sufficiently complete data description, so that it can be retrieved later. This
requires both computing and archiving skills, marking the appearance of new data
management professions. Because of the intricacy, quantity and variety of relationships with
different projects or laboratories, this function is certainly the most complex and requires the
most human resources.
> Storage
At CNES this service is provided by the STAF (Service de Transfert et d’Archivage des Fichiers
or file transfer and archival department). It ensures the preservation of any bit stream,
regardless of technology developments. It also manages data access (security clearance
management). It offers a stable access interface for the various organisations or projects
responsible for archiving. The benefits in terms of efficiency from sharing centralised facilities
soon became apparent. Because of the growing power of computing equipment and the
team's increasing expertise, the number of STAF 'customers' has been multiplied by at least
ten and the volume of archived data by one hundred over the last ten years, while the
number of employees (4 people) remained unchanged.
> Data distribution
This implies the implementation of an intelligent information retrieval system. When a
scientist wishes to access an item of information or a graphical representation enabling him
to assess the value of some data rapidly, he is requesting value-added services: for example
he may want to receive the data in the format he normally uses (which is sometimes
different to the archive format). The skills associated with this data distribution service are
based on Internet technologies, database management, management of interfaces for
accessing databases, etc. With this third department, CNES also succeeded in setting up a
generic system, the SIPAD (Système d’Information de Préservation et d’Accès aux Données
or System for Data and Information Preservation and Access), which is able to make data
available to the Mercator and plasma physics communities.
between three different departments, each
with its own budget, teams and clearly
identified functions and responsibilities (see box
below). "Despite this three-pronged approach,
CNES's organisation for guaranteeing data
preservation can still be improved. We need a
few more years to perfect techniques for
maximising the value of the archived data",
acknowledged Claude Huc.
A necessary awareness
Are the CNES project teams aware of the
strategic value of data preservation? This
awareness has increased a lot lately.
Conforming to an organised process, rather
than leaving data to 'lie fallow' within a
project requires more effort and resources,
although this is lessened if the problem is
dealt with at its source. For instance, if a set of
existing data is to be preserved, it must all be
regenerated. Conversely, if a system is set up
at the start of a project, the subset of data to
be preserved can immediately be subjected to
appropriate measures which will take less
effort. "The data issue should therefore be
analysed as early as possible before the
projects begin: Who are the data being
produced for? What data needs preserving?
etc. These questions must be asked before
any data is produced and even before the
systems using the data become operational"
commented Claude Huc. The project team is
not only responsible for the validity of any
data it produces, it must also ensure that it
will be available, suitably described and
documented.
The recent creation of a set of standards to
address the issue of data preservation is just
one result of the skills CNES has acquired in
this area and represents a challenge for the
years to come. These standards must now be
applied to every project, with the help of
feedback obtained for specific fields.
Moreover, on an international level,
catalogues – also called meta-databases –
describing existing data, are available. "At the
end of the 1990s, American data were
suitably and systematically described and
indexed in these databases, because the
American government was already investing
towards this objective. At the time, the
description of data from CNES missions was
not very visible, due to a lack of organisation
and/or policy. Today, in spite of the progress
made, a lot remains to be done in this field,"
continued Claude Huc. To consolidate the
work, everyone must be aware of the stakes
involved. To paraphrase La Fontaine: there is
no point in just accumulating things, you have
to preserve them for a purpose.
from an interview of Claude Huc,
CNES expert in the long-term preservation
of data, conducted by Hervé de la Giclais
[email protected]
55 >
© CNES/D.Sarraute, 2005
RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Composant optique.
Optical component.
Quand
l’industrie spatiale
adhère au
Au carrefour des équipes bureau
d’études, intégration et assurance
qualité, le département Qualité
Technologies et Matériaux (QTM)
d’EADS-Astrium basé à Toulouse
regroupe un noyau d’experts
sur des domaines aussi variés que
le câblage filaire, la métallurgie et
les composites, le traitement
de surface, le collage, et
l’environnement spatial. Bien que
le collage soit utilisé de longue
date dans l’industrie spatiale, des
résultats prometteurs obtenus dans
le domaine du vieillissement des
assemblages collés ont incité EADSAstrium à entreprendre, depuis
trois ans, une véritable démarche
d’amélioration continue dans la
connaissance et la pratique des
procédés de collage.
collage
Deux types d’assemblage sont aujourd’hui
co u ra m m e n t u t i l i s é s d a n s l ’ i n d u s t r i e.
L’assemblage mécanique par rivets, boulons
ou écrous, représente l’assemblage classique
en vigueur dans le domaine aéronautique et
spatial. L’assemblage par collage est de plus
en plus développé et maîtrisé dans le domaine aérospatial, aussi bien pour des pièces
métalliques que pour des pièces en composite
ou en céramique. Les assemblages par collage
présentent de nombreux atouts. Ils offrent une
grande souplesse d’utilisation et peuvent parfois se prévaloir parfois de performances
meilleures que les assemblages purement
mécaniques, comme l’explique Christian Puig,
re s p o n s a b l e d u d é p a r te m e n t Q u a l i t é
Technologies & Matériaux chez EADS-Astrium :
« Les pièces assemblées par collage n’ont nul
besoin d’être percées ou taraudées : elles sont
assemblées par un joint de colle dont l’épaisseur varie entre 100 et quelques centaines de
microns. Il n’y a plus le “stress mécanique“ qui
existe quand on utilise un assemblage riveté
ou boulonné. Dans certains cas, en utilisant
des colles souples, il est possible de bénéficier de meilleures aptitudes en thermo-élasticité, car les phénomènes de dilatation à
froid ou à chaud sont parfois mieux compensés qu’avec des assemblages mécaniques. En
revanche, un collage nécessite une préparation de surface extrêmement méticuleuse,
une formation adaptée des opérateurs et un
choix judicieux du couple colle/matériaux à
assembler en fonction des contraintes d’environnement. »
Colles qualifiées
Dans la plupart des cas, EADS utilise des colles
de grands fournisseurs tels que 3M ou Hysol.,
56 > q
u a l i t é
e s p a c e
n ° 4 3
Mars/March 2006
notamment pour des assemblages structurels
de satellite appelés à supporter de fortes sollicitations en terme d’effort. Mais les produits
sont également utilisés pour des assemblages
collés ayant une vocation thermique : l’on
vient rapporter par collage des réchauffeurs ou
des sondes de températures destinés au
contrôle thermique du satellite. En amont de
toutes ces opérations, il convient de qualifier
la colle en terme de tenue mécanique et thermique : « Pour information, la qualification
thermique la plus importante que nous ayons
menée, a consisté à tester un collage sur une
amplitude thermique de –192°C à +185°C »,
précise Christian Puig. En effet, lorsqu’un
satellite entre en éclipse (Soleil occulté par la
Terre), l’absence de convection due au vide
occasionne des montées et descentes en températures extrêmement brutales. Il faut donc
qualifier la tenue thermique et mécanique au
moment où le collage est réalisé, puis pendant toute la durée de vie du satellite (15 ans
pour un satellite télécom, 5 ans pour un satellite d’observation, etc.). Quant au stockage au
sol, il peut représenter une part non négligeable de la vie de certains satellites. En effet,
certains opérateurs ou agences commandent
fréquemment un ou deux satellites supplémentaires qui serviront à assurer une continuité du service – de télécommunications ou
d’observation de la Terre – en cas d’anomalie
en orbite. Dans le cas ou tous les satellites en
orbite se comportent nominalement, les satellites restant au sol peuvent être stockés plusieurs années. Dans ce cas, outre les campagnes de tests réguliers et les changements de
certains matériaux, des tests accélérés de chaleur humide doivent être systématiquement
réalisés sur les collages pour simuler ce
vieillissement au sol.
>>>>>>
EXPERIENCE FEEDBACK
When
the Space industry
adheres to
Somewhere in between
engineering, integration and quality
assurance teams, the EADS-Astrium
Technologies and Materials Quality
(QTM) department, based in
Toulouse, is made up of a group of
specialists in fields as varied as
wiring, metallurgy and composites,
surface treatments, bonding and
the Space environment. Although
bonding has long been used in the
Space industry, promising results
from studies of the ageing of
bonded assemblies has led EADSAstrium to undertake a
comprehensive research and
development programme over the
past three years, to improve its
understanding of bonding
processes for Space applications.
bonding
Two kinds of assembly or fastening techniques
are most commonly used in industry today.
Mechanical assembly, fastened with rivets,
bolts or nuts, is the most conventional one in
the aeronautical and Space industries, while
bonded assembly has become more
sophisticated and widespread for aerospace
purposes, for composite and ceramic parts as
well as those made of metal. There are many
advantages to bonded joints. They are very
adaptable and can sometimes even
outperform wholly mechanical assemblies.
This is explained by Christian Puig,
Technologies and Materials Quality
department manager at EADS-Astrium: "Parts
joined with adhesive do not need piercing or
tapping: they are assembled with an adhesive
joint of between one hundred and several
hundred microns thick. They do not suffer
from the 'mechanical stress' that you get with
a riveted or bolted joint and in some cases,
flexible adhesives have greater thermoelastic
properties, as thermal expansion or
contraction phenomena due to heat or cold
are sometimes compensated for better than
with mechanical joints. On the other hand,
bonding requires extremely meticulous
surface preparation, specialised operator
training and a careful choice of the
combination of adhesive and materials to be
assembled, according to the environmental
constraints".
Qualified adhesives
In most cases, EADS-Astrium uses
adhesives from major suppliers such as
3M or Hysol, particularly in satellite
structural assemblies likely to support
great loads when stressed. However,
these products are also employed for
bonded assemblies with a thermal
function: for example, where adhesive is
used to fasten heaters or temperature
probes for controlling the satellite's
temperature. Prior to carrying out these
operations, the adhesive must be
qualified in terms of its mechanical and
thermal resistance: "For information, the
most noteworthy thermal qualification
we carried out involved testing a bonding
for a thermal amplitude ranging from 192° to +185°” pointed out Christian Puig.
In fact, when a satellite enters or leaves
an eclipse (during which the Sun is hidden
by the Earth), the lack of convection due
to the Space vacuum causes extremely
sharp rises and falls in temperature. The
thermal and mechanical resistance of the
bonding must therefore be qualified not
only when it is first made, but also for the
satellite's entire lifetime (fifteen years for
a telecommunications satellite, five years
for an observation satellite, etc).
Moreover, some satellites may spend a
significant part of their lifetime in storage
on the ground, as there are operators or
agencies which often order one or two
additional satellites to ensure that their
service – telecommunications or Earth
observation – is maintained in the event
of an anomaly occurring in orbit. If all the
orbiting satellites perform nominally, the
unused satellites may be stored on the
ground for several years. In this case,
apart from regular testing campaigns and
replacement of certain materials, the
bondings should systematically be
subjected to accelerated humid heat tests
in order to simulate ageing on the ground.
>>>>>>
57 >
RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Quand l’industrie spatiale
adhère au collage
>>>>>>
© EADS-Astrium
Un mode d’assemblage de
plus en plus répandu
© EADS-Astrium
Exemple d’embasage de câblage collé.
Example of bonded wiring connector.
Eprouvettes de cisaillement :
rupture dite « cohésive » de l’interface de colle.
Shearing samples:
“cohesive“ rupture of the adhesive interface.
D’une manière générale, l’assemblage par collage se développe dans l’industrie classique
(automobile, chaînes d’assemblage d’Airbus,
etc.). Dans le domaine des céramiques ou des
composites, Dominique Rostaing, spécialiste
des matériaux composites au sein du département QTM, précise qu’il est possible d’obtenir
d’excellentes tenues mécanique (plusieurs
dizaines de méga pascal) avec les assemblages
collés. Il n’en demeure pas moins vrai que la
modélisation d’un joint de colle s’avère très
complexe du point de vue chimique (chaînes
polymères, composés organiques, etc.) ou de la
modélisation thermique. Les colles sont constituées d’un composé double : une base ou résine
– par exemple en silicone ou en époxy – est
alliée à un durcisseur. C’est le mélange des
deux qui permettra à des chaînes organiques de
s’assembler, de former des mailles dans les
trois dimensions également à l’interface des
deux substrats qu’ils soient céramique, composite ou métallique. Une fois ces chaînes réticulées ou polymérisées – c’est le terme consacré –
l’interface de colle s’avère extrêmement résistant en terme de tenue mécanique, soit en traction soit en cisaillement selon la sollicitation
demandée. Claire Tonon et Nathalie Beth,
respectivement responsables de la R&D et des
qualifications collage au sein du département
QTM, insistent sur la nécessité de qualifier
conjointement les vieillissements sol et vol :
« Au-delà de la résistance aux variations extrêmes de température, il faut aussi veiller à ce
que le collage ne se dégrade pas pendant le
stockage, puis pendant les 15 ans dans des
environnements extrêmes de vide, de radiations, de particules chargées telles que des
électrons et des protons, etc. » C’est toute cette
problématique qu’EADS-Astrium s’efforce d’étudier, afin de dépasser les limites et les risques
du stade empirique qui prévalait encore il y a
quelques années seulement.
Explorer des voies nouvelles en s’attachant les
meilleures compétences du moment. Depuis
trois ans, EADS-Astrium développe des collaborations avec des stagiaires longue durée (par
exemple, des élèves-ingénieurs d’Ecoles des
Mines) dont les apports sont aussi importants
en matière de recherche théorique qu’en
matière de réalisation de campagnes d’essais
qu’EADS-Astrium n’a pas, en tant que systémier,
la vocation première de mener.
Chasse aux délais
Ces stagiaires sont encadrés et rémunérés et
l’objectif poursuivi est toujours que leurs travaux
débouchent sur une application qui permette de
dégager, à terme, un retour sur investissement.
En l’occurrence, le stage réalisé en 2005 a généré des résultats « gagnant/gagnant », selon
Christian Puig : « Le stagiaire a suffisamment
de matière pour présenter une thèse et EADSAstrium bénéficie d’un retour sur investissement quasi immédiat ». Issu de l’Ecole des
Mines d’Albi, Mathieu Chevalier, stagiaire de
l’année 2005, a eu pour mission de reprendre le
travail réalisé par ses prédécesseurs en 2003 et
2004 sur un produit de collage précis issu de
chez 3M, pour démontrer qu’il pouvait avoir
une tenue mécanique quasi-équivalente en
réduisant de 7 jours à 24 heures le temps de
polymérisation. Pendant les 7 jours qui suivent
l’opération de collage, le fabricant recommande
de ne pas du tout solliciter la partie collée : ne
pas y placer le moindre câblage, etc. Or, la chasse aux délais est impérative pour fabriquer un
satellite de télécom en moins de 2 ans.
Campagnes d’essais
L’enjeu ? Démontrer qu’au bout de 24 heures il
était déjà possible d’obtenir une tenue mécanique amplement suffisante. Le stage a donc
été consacré à une étude bibliographique sur ce
produit de collage précis, suivie d’un certain
nombre d’essais menés aussi bien en milieu
>>>>>>
58 > q
u a l i t é
e s p a c e
n ° 4 3
Mars/March 2006
EXPERIENCE FEEDBACK
When the Space industry
adheres to bonding
>>>>>>
© EADS-Astrium
An increasingly widespread
bonding method
Exemple d’embasage de cablage collées.
Example of bonded wiring connector.
1
3
4
© Techniques de l'ingénieur
2
Faciès de ruptures :
1 - Ruptures de cohésion (CF)
2 - Ruptures de cohésion spéciale (SCF)
3 - Ruptures adhésives (AF)
4 - Rupture de cohésion avec pelage (ACFP)
Break facets :
1 - Breaks in cohesion.
2 - Breaks in specific cohesion.
3 - Breaks in adhesion (AF).
4 - Breaks in cohesion with peeling (ACFP).
Generally speaking, the use of bonded joints
is growing in traditional sectors such as the
automotive industry, Airbus assembly lines,
etc. As for ceramics and composites,
Dominique Rostaing, a specialist in composite
materials in the QTM department, explains
that it is possible to achieve excellent
mechanical resistance with bonded joints
(a few tens of megapascals). It is equally true,
however, that it is very difficult to model a
bonded joint from a chemical (polymer
chains, organic compounds, etc) or thermal
perspective. An adhesive consists of a dual
compound: a base or 'resin' (silicone or epoxy,
for instance) combined with a hardener. The
mixture of the two causes organic chains to
form, in a three-dimensional lattice, including
at the interface of the two substrates, whether
they be ceramic, composite or metal. Once
these chains have become reticulated or
'polymerised' – the correct term – the
adhesive's interface proves to be extremely
resistant in mechanical terms, to either
traction or shearing according to the type of
stress applied. Claire Tonon and Nathalie Beth,
responsible for R&D and Bonding Qualification
respectively in the QTM department, both
emphasise the need for combined ageing
qualification tests for both ground storage
and flight: "Apart from resistance to
extreme temperature variations, we must
also ensure that the bonding will not
deteriorate during storage and after that
during fifteen years in an extreme
environment, where it will be subjected to
vacuum, radiation, charged particles such as
electrons and protons, etc". This is the nature
of the problem that EADS-Astrium is
attempting to study, in order to overcome
the limits and risks of empirical use which
were the rule only a few years ago.
The policy at EADS-Astrium is to explore new
opportunities while taking advantage of the
best skills currently available. Over the last
three years, it has been developing
partnerships with long-term trainees (for
example, engineering students from the
French Écoles des Mines). These trainees have
contributed as much to theoretical research as
they have to testing campaigns, which, being
a main system manufacturer, is not EADSAstrium's principal activity.
Chasing lead times
These trainees are paid and supervised; the
objective is always for their studies to lead to
applications which eventually provide a return
on investment. In particular, according to
Christian Puig the 2005 placement resulted in a
real 'win/win' situation: "The student obtained
enough material to be able to submit his thesis,
while EADS-Astrium benefited from an almost
immediate return on investment". Mathieu
Chevalier from the École des Mines in Albi, a
trainee for the 2005 academic year, was asked
to continue the work undertaken in 2003 and
2004 by his predecessors on a 3M precisionbonding product, in order to demonstrate that
an almost identical degree of mechanical
resistance could be achieved in spite of reducing
the polymerisation time from seven days
to 24 hours. The manu-facturer's recommendations stated that for a period of seven
days after bonding, the glued part should not be
stressed in any way: wiring should not be fixed
onto the part, etc. The problem with this is that
chasing lead times is crucial when attempting to
manufacture a telecommunications satellite in
less than two years.
Testing campaigns
The issue here was to demonstrate that
after only 24 hours, a largely-adequate
degree of mechanical resistance could be
>>>>>>
59 >
RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Quand l’industrie spatiale
adhère au collage
>>>>>>
industriel - laboratoire matériaux d’EADS - qu’en
milieu universitaire - laboratoire de physique
des polymères de l’Université Paul Sabatier
(Toulouse). Tous ces travaux ont été menés en
étroite liaison avec les experts du CNES en
matière de collage (les équipes de Christian
Durin). Les résultats obtenus par ce stagiaire ont
été suffisamment probants pour les présenter,
en septembre dernier à l’issue de son stage,
aux équipes d’intégration d’EADS-Astrium :
« Notre stagiaire a réussi à démontrer que, au
bout de 24h, 85% de la tenue mécanique en
cisaillement de la colle étaient déjà atteints
(soit environ 20 méga pascal) », commente
Christian Puig. Certes, cette démonstration a été
limitée dans le temps à l’étape de collage. Mais
les travaux se poursuivent actuellement pour
démontrer qu’un joint de colle sur lequel des
sollicitations mécaniques ont été portées 24h
seulement après le collage, ne subira aucune
altération au bout de 15 ans. Vis-à-vis des
clients, et notamment de certains ceux du secteur des télécommunications extrêmement exigeants, ou des agences CNES et ESA, il faut
démontrer, justifier et apporter la preuve que
c’est « 100% qualifié ». Il ne faut rien laisser au
hasard, afficher une démarche technique sans
faille, avec notamment des essais sur plusieurs
dizaines d’échantillons, de véritables campagnes d’essais, etc. Quant au chiffrage du retour
sur investissement issu de cette étude, la réduction du temps passé par les opérateurs à attendre que le collage ait atteint le taux de tenue
souhaité, représente sur la plate-forme d’un
seul satellite un gain de plusieurs milliers d’euros et de plusieurs heures de travail. C’est donc
loin d’être négligeable, même si cela semble
une goutte d’eau dans le coût global de fabrication d’un satellite de télécoms de plusieurs
dizaines de millions d’euros.
Vers un référentiel
des normes de collage
Avec une telle stratégie, EADS-Astrium poursuit
un objectif de recherche appliquée à son métier
de fabricant de satellite. D’ici fin 2007-2008, les
équipes QTM d’EADS-Astrium souhaitent enrichir
les travaux actuels par des abaques de vieillissement au sol, en orbite géostationnaire, en
orbite basse ou en orbite intermédiaire qui
seront utilisés par la constellation Galiléo. EADSAstrium souhaite également aller plus loin, en
disposant à terme d’un référentiel des procédés
de collage certifié par le CNES, résultat d’ailleurs
déjà atteint dans d’autres domaines, comme le
souligne Jean-Pierre Bonzom, responsable de
l’équipe câblage filaire au sein du département
QTM : « Une étape similaire a déjà été franchie
en 2003 dans le domaine du câblage, ce qui a
débouché sur un référentiel méthodes-qualité
d’environ 50 documents audités par le CNES
pendant plus de deux jours ». Ce référentiel a
ainsi reçu un agrément de savoir-faire renouvelable tous les deux ans par audit, ce qui permet
de démontrer qu’EADS-Astrium possède sur le
site de Toulouse et chez ses principaux soustraitants câblage un réel savoir-faire dans le
domaine du câblage filaire. Transposer cette
démarche au domaine du collage constitue une
entreprise de grande envergure, dans la mesure où l’objectif est de disposer de cet agrément
de savoir-faire pour 2007. L’audit est très poussé, car il s’attache aussi bien à la documentation associée qu’aux pratiques mises en œuvre
sur le terrain : une colle dont la date de
péremption serait dépassée, ou un opérateur
dont l’habilitation aurait récemment expiré,
entraînerait un refus pur et simple de l’agrément délivré par le CNES.
Choisir le bon procédé
L’agrément CNES étant également reconnu par
l’ESA, cela permettra à EADS-Astrium de le valoriser vis-à-vis de ses clients. Un audit interne
« à blanc » a déjà permis à EADS de bien avancer dans le domaine de l’assurance-qualité collage. Le processus est aujourd’hui globalement
maîtrisé, même si d’importants points d’amé-
Epoxy ou silicone
Les colles les plus utilisées dans l’industrie
spatiale sont des colles époxy et silicone. A
titre d’exemple, les colles silicone sont
comparables dans leur texture au joint de
salle de bain, sauf qu’elles peuvent résister à
des températures de –150° C! Trois modèles
de colles et deux modèles de ruban adhésif
couvrent 80 % des applications EADS-Astrium
Toulouse. Certaines colles sont plus
spécifiques, notamment dans le domaine
optique où elles doivent être parfaitement
transparentes.
lioration subsistent, que ce soit dans le domaine de l’approvisionnement des colles (contrôle
d’entrée, gestion des stocks, vérification des
dates de péremption, conditions de prolongation de la durée d’une colle, etc.) ou dans celui
des opérateurs (procédures à jour et sans faille,
formation et tutorats parfaitement adaptés).
Comment par exemple être infaillible en matière de nettoyage des surfaces avant collage ? « Il
est fondamental de s’assurer que les procédures de nettoyage sont réellement bien expliquées dans des documents à jour, mais aussi
lues et comprises par les opérateurs et, enfin,
parfaitement appliquées », répète Christian
Puig, en toute connaissance de cause : « la maîtrise de la configuration des documents et l’habilitation des opérateurs sont des pré-requis à
toute opération visant à améliorer ses procédés
industriels. C’est le B-A-BA de la production. »
Autre exemple de domaine nécessitant des procédures extrêmement rigoureuses : le choix du
bon procédé de collage en fonction des substrats, la vérification que ladite colle est qualifiée dans les plages de température adéquates,
etc. A ce titre, EADS-Astrium est parfois obligé
de requalifier des colles pourtant « labellisées
spatial », lorsque l’environnement du satellite
est inédit, à l’instar de la sonde Vénus-Express
dont l’environnement thermique et radiatif
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Mars/March 2006
EXPERIENCE FEEDBACK
When the Space industry
adheres to bonding
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achieved. The placement was therefore
initially devoted to studying literature on
this precision-bonding product, then to
conducting a number of tests, in both an
industrial situation: in EADS' materials
laboratory and a university context: in the
Laboratory of Polymer Physics at the Paul
Sabatier University in Toulouse, while working
closely with CNES bonding specialists
(Christian Durin's group). This student's results
were sufficiently convincing to warrant
presentation to the EADS-Astrium integration
teams in September 2005, at the end of the
student's placement: "Our trainee succeeded
in demonstrating that after 24 hours, 85% of
the adhesive's mechanical resistance to
shearing had already been attained (around
20 megapascal)." commented Christian Puig.
Obviously, the duration of this demonstration
was limited to the bonding stage, but work is
now continuing in order to demonstrate that a
bonded joint, which has been subjected to
mechanical stresses only 24 hours after
bonding, will not deteriorate, even after
15 years. Regarding customers, particularly
some extremely demanding ones in the
telecommunications industry, as well as CNES
and ESA, we have to demonstrate, justify and
prove to them that this product has been
'100% qualified'. Nothing can be left to
chance; we must demonstrate that our
approach
is
technically
faultless,
specifically by conducting tests on dozens
of samples, undertaking real testing
campaigns, etc. As for calculating this
study's return on investment, the decrease
in the time spent by operators waiting for
the bonded joint to reach the required level
of resistance results in a saving of several
thousand euros for a single satellite
platform and several hours of work. This is
far from insignificant, even if it only seems
like a drop in the ocean given that the total
manufacturing cost of a satellite is several
tens of million euros.
Towards recognised
bonding standards
In terms of this strategy, EADS-Astrium does
applied research to further its satellite
manufacturing business. By the end of 20072008, the company's QTM teams plan to
supplement the present studies with materialageing charts giving characterised values for
the bonded joints on the ground, in
geostationary orbit, low Earth orbit or
intermediate orbit (to be used by the Galileo
constellation).
Moreover, EADS-Astrium intends to go even
further, eventually producing CNES-certified
bonding process standards, something which
has already been achieved in other areas,
emphasises Jean-Pierre Bonzon, manager of
the wiring team in the QTM department:
"A similar milestone was passed in 2003 in
wiring, which resulted in the drawing-up of
quality methods standards consisting of around
50 documents, which took CNES more than two
days to audit". This set of standards was
awarded knowledge certification, renewable
every two years by audit, which enables EADSAstrium to demonstrate that it has the requisite
wiring know-how, both at its site in Toulouse
and through its main wiring sub-contractors.
Extending this approach to bonding is a largescale undertaking, insofar as the objective is to
obtain this knowledge certification by 2007.
The auditing process is extremely thorough, in
that it examines the related documentation as
well as the practices implemented in the field:
an adhesive whose expiry date had passed, or
an operator whose certification had recently
lapsed, would quite simply lead to CNES's
certification being refused.
Selecting the right process
As CNES's certification was recently acknowledged by ESA, EADS-Astrium can use this to
its advantage with its customers. A
Epoxy or silicone
The most widely used adhesives in the
Space industry have epoxy or silicone
bases. To give an example, the texture of
silicone adhesives can be compared to that
of bathroom sealant, except that they can
withstand temperatures as low as -150°C!
Three types of adhesive and two types of
adhesive tape are used for 80% of the
applications at EADS-Astrium in Toulouse.
Some are more specialised than others,
particularly those used in optics which must
be completely transparent.
preliminary internal audit has already
enabled EADS-Astrium to make good
progress in quality assurance for bonding.
Today the process is generally well managed,
although certain points which need to be
improved have been identified, concerning
either supply of the adhesive (delivery
inspections, stock management, checking
expiry dates, conditions for extending
nominal adhesive lifetime, etc) or its users
(faultless, up-to-date procedures, fullytailored training and tutoring). For example,
how do we ensure that surface cleaning prior
to bonding is infallible? "It is vital to ensure
that the cleaning procedures are really well
explained in up-to-date documents, but also
that they have been read and understood by
the operators and lastly, that they are being
correctly applied." repeated Christian Puig,
who knows what he's talking about.
"Document configuration management
and operator certification are essential
prerequisites for any organisation aiming to
improve its industrial processes. It's the ABC
of production." Other areas where extremely
thorough procedures are required include
choosing the correct bonding process
according to the type of substrate, verifying
that the adhesive is qualified for the relevant
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RETOUR D ’ EXPÉRIENCE
Quand l’industrie spatiale
adhère au collage
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était particulièrement contraignant. D’où des
extensions de qualification et des choix de
matériaux et de procédés de collage parfois
inhabituels.
Même s’il est utilisé depuis longtemps, l’assemblage par collage est plus que jamais considéré
comme une solution d’avenir. Il n’en demeure
pas moins vrai que ce procédé critique peut, s’il
n’est pas bien maîtrisé, conduire à de graves
anomalies. Le domaine spatial a un rôle moteur
à jouer sur cet enjeu de la maîtrise du collage.
Mais comment s’en donner les moyens ? « En
utilisant le tissu universitaire pour allier recherche fondamentale et recherche appliquée
directement dans les procédés de tous les
jours. Or, le tissu universitaire de Toulouse est
extrêmement compétent et reconnu dans ce
domaine, ceci au niveau mondial », répondent
sans hésiter Christian Puig et Claire Tonon. Et
cela suppose aussi de prendre conscience des
délais nécessaires pour acquérir des informations techniquement exploitables et pour les
déployer à l’échelle d’un groupe industriel
européen. Pour aller plus vite dans ce domaine
de la maîtrise du collage, pourquoi ne pas développer des synergies avec des industriels également très concernés par l’enjeu croissant du
collage, comme Eurocopter ou Airbus ?
Propos recueillis par
Hervé de la Giclais auprès de Christian Puig,
responsable du département Qualité
Technologies et Matériaux chez EADS-Astrium
[email protected]
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Mars/March 2006
Harmoniser les
pratiques nationales
Implanté dans plusieurs pays en Europe
(Angleterre, Allemagne, France et Espagne),
EADS s’efforce d’harmoniser ses processus de
collage afin de réduire le nombre de colles
utilisées et, par conséquent, le nombre de
qualifications à mener.
Chaque pays a en effet ses propres habitudes
de travail qui peuvent être différentes.
En terme environnemental, Angleterre et
Allemagne appliquent plus de restrictions
d’utilisation : certains produits sont interdits
depuis plusieurs années en Angleterre ou en
Allemagne, alors que l’interdiction est encore
balbutiante en France comme tout pays latin
– même si la très prochaine certification ISO
14001 tendra à unifier les pratiques. Ces
nuances culturelles sont fortement ancrées
mais les efforts pour harmoniser les
pratiques conduiront à des synergies
« européennes » fortes qui dépasseront très
largement ces problèmes culturels.
Seule une implication sans faille du
management « transnational » permettra de
réussir cette convergence indispensable à la
simplicité et la compétitivité des modes de
fonctionnement sur la scène internationale.
C’est un travail de longue haleine, de terrain,
avec déjà des résultats encourageants à la clé.
Ainsi, depuis plus d’un an, une commission
Technologies et Matériaux réunit tous les
deux mois tous les responsables matériaux et
procédés des quatre pays afin d’avancer
ensemble vers cette harmonisation.
EXPERIENCE FEEDBACK
When the Space industry
adheres to bonding
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temperature range, etc. As such, EADSAstrium sometimes has to requalify
adhesives, even Space-rated ones, when a
spacecraft is to be used in an entirely new
environment, such as with Venus Express,
whose thermal and radiative environment
was particularly harsh. Hence the need for
extended qualification tests and occasionally,
unusual bonding materials and processes.
Even though it has been in use for a long time,
the bonded assembly is now seen more than
ever as a promising solution. It is nevertheless
true that this critical process can lead to
serious anomalies. The Space industry has a
key role to play with respect to the bonding
process. But how can this be achieved? "By
using the university structure to combine
fundamental and applied research directly to
establish routine processes. The University
researchers in Toulouse are renowned for
their skills in this area." reply Christian Puig
and Claire Tonon promptly. However the lead
times required for acquiring technically
useable information and then for using it in a
pan-European industrial group need to be taken
into account. To speed up the learning process
needed for mastering bonding processes might
it not be possible to develop synergism with
other manufacturers, such as Eurocopter or
Airbus, who also have an interest in the
increasing potential of bonding?
Interview with Christian Puig,
Quality Technologies & Materials
manager at EADS-Astrium,
conducted by Hervé de la Giclais
[email protected]
Vient de paraître
L’analyse et la gestion des risques de A à Z
Un ouvrage fort utile que ce Dictionnaire de l’analyse et de la gestion des
risques édité chez Hermes/Lavoisier. Vous y trouverez les principaux termes utilisés dans ce domaine, que ce soit dans le secteur de l’industrie
ou des services. Chaque définition présente l’usage le plus courant et
précise également les différences avec les terminologies existantes
(essentiellement des normes). Lorsqu’il est important de préciser le
contexte d’utilisation, la définition est complétée par des exemples pratiques d’application. Les auteurs - Alain Desroches, Alain Leroy, JeanFrançois Quaranta et Frédérique Vallée – sans tous trois spécialistes de l’analyse des risques
dans divers domaines. Expert en sûreté de fonctionnement et gestion des risques au CNES,
Alain Desroches enseigne à l’Ecole Centrale de Paris. Il préside la Commission scientifique
«risques accidentels» et fait partie du bureau du conseil scientifique de l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques (INERIS). Diplômé de l’Ecole nationale supérieure des
Harmonising
national practices
EADS-Astrium has sites in several European
countries (England, Germany, France and
Spain) and is attempting to standardise its
bonding processes in order to reduce the
variety of adhesives used and, consequently,
the number of qualification tests conducted.
Each country has its own working practices,
which can vary a great deal. In environmental
terms, for example, England and Germany
apply more restrictions on use: some products
have been banned for many years in England
and Germany, whereas their prohibition in
France and other 'Latin' countries, is still in the
early stages (although the imminent ISO
14001 certification will tend to have a unifying
effect). These cultural nuances are well
established, but the efforts being made to
harmonise practices will lead to considerable
'European' synergism which will easily
overcome these cultural issues.
O n l y t h e co m m i t te d i nvo l ve m e n t of
'transnational' management will enable this
convergence to succeed, but it is vital in order
to ensure simple and globally competitive
operational procedures. This will require longterm commitment in the field, although
encouraging results are already emerging. For
over a year now, a Technologies and Materials
board, involving all the materials and
processes managers from the four different
countries, has been meeting every two
months to further standardisation progress.
techniques avancées (ENSTA), Alain Leroy est expert en management des risques technologiques. Médecin et professeur à l’université de Nice Sophia-Antipolis, Jean-François Quaranta
coordonne les Vigilances sanitaires et la gestion des risques au CHU de Nice. Enfin, Frédérique
Vallée est expert en sûreté de fonctionnement des systèmes programmés et présidente du chapitre français de la société Reliability de l’IEEE. Elle est aussi expert auprès de la Commission
européenne pour les projets de génie logiciel et de sûreté de fonctionnement.
Collection management et informatique. Préfaces de Yannick d'Escatha, Jacques Repussard,
Alain Coulomb. Avant-propos de Hervé Biausser. 480 p - 90 €.
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www.cnes.fr
rubrique médiathèque

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