Prise en charge des adolescents avec obésité sévère par chirurgie

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Prise en charge des adolescents avec obésité sévère par chirurgie
Prise en charge des adolescents avec obésité sévère par chirurgie bariatrique :
que faut il en penser ? Par Ariane Sultan, décembre 2015
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Source : http://www.nejm.org
Lire : Inge TH et al. Weight loss and health status 3 years after bariatric surgery in adolescents. N Engl J Med. 2015 Nov
6. doi: 10.1056/NEJMoa1506699
Aujourd’hui, 4,4 millions d’enfants sont atteints d’obésité sévère aux Etats Unis [1]. Depuis une dizaine
d’années, la prise en charge par chirurgie bariatrique de ces enfants/adolescents s’est peu à peu
développée. Ainsi, on estime qu’environ 800 adolescents ont été opérés en 2003 [2] et 1600 en 2009
[3]. Cependant, nous n’avons que peu de données en ce qui concerne les techniques chirurgicales
utilisées, la perte pondérale et le devenir de ces adolescents en post-opératoire [4,5].
L’étude Teen-Longitudinal Assessment of Bariatric Surger y (Teen-LABS), étude prospective
observationnelle multicentrique américaine, a donc eu pour objectif de déterminer l’efficacité et les
risques d’un traitement par chirurgie bariatrique chez des adolescents. Les données pondérales, de
qualité de vie, de morbi-mortalité cardiovasculaire ainsi que les mesures de concentrations
plasmatiques en micronutriments ont été collectées pendant 3 ans. Des adolescents âgés de moins de
19 ans ont été inclus, bénéficiant d’une chirurgie bariatrique entre mars 2007 et février 2012. Le suivi
a été effectué à 6 mois, 1 an, 2 ans et 3 ans post-opératoires.
242 participants ont été inclus : 161 (67%) ont bénéficié d’un by-pass, 67 (28%) d’une gastrectomie en
manchon (sleeve gastrectomy) et 14 (6%) d’un anneau gastrique. Cependant, au vu du faible nombre
de patients opérés d’un anneau, ces données n’ont pas été inclues dans les analyses principales. A
l’inclusion, 29% des patients avaient un âge compris entre 13 et 15 ans, 40% entre 16 et 17 ans, et
32% entre 18 et 19 ans. L’IMC moyen était de 53 kg/m2, avec 98% des patients ayant un IMC
supérieur à 40 kg/m2. La plupart des adolescents étaient issus de famille dont le revenu annuel était
inférieur à 50,000 dollars. Le taux de suivi à 6 mois était de 89% à 6 mois, 90% à 1 an, 89% à 2 ans,
et 85% à 3 ans.
Les données d’évolution pondérale montrent que :
• le pourcentage moyen de perte de poids était de 27% ; 28% chez les patients opérés d’un by-pass
et 26% chez les patients opérés d’une sleeve.
• 26% des participants ne présentaient plus d’obésité après 3 ans de suivi.
• la proportion de patients avec réduction de l’IMC supérieure à 10% était de 89% chez les patients
opérés d’un by-pass et de 85% chez les patients opérés d’une sleeve.
Société Francophone du Diabète ⎯ Décembre 2015
En ce qui concerne l’évolution des facteurs de risque cardiovasculaire :
• à l’inclusion, 96 patients présentaient une HTA ; 74% des patients avaient des chiffres de pression
artérielle normalisés à 3 ans.
• à l’inclusion, 171 patients présentaient une dyslipidémie; 66% des patients avaient un bilan lipidique
normalisé à 3 ans.
• à l’inclusion, 29 patients présentaient un diabète de type 2 ; 19 patients sur 20 (pour les autres
patients, les données sont manquantes) présentaient une rémission du diabète à 3 ans.
• à l’inclusion, 19 patients présentaient une anomalie de la glycémie à jeun, normalisée chez 76% des
patients à 3 ans.
En ce qui concerne l’évolution des concentrations plasmatiques en micronutriments :
• à l’inclusion, 5% des patients présentaient une concentration en ferritine basse, contre 57% après 3
ans de suivi.
• la concentration de vitamine B12 a baissé de 35% en 3 ans ; 8% des sujets présentaient un déficit en
B12 après 3 ans de suivi.
• à l’inclusion, 6% des patients opérés d’un by-pass présentaient un déficit en vitamine A, contre 16%
après 3 ans de suivi.
• à l’inclusion, 37% des patients présentaient un déficit en vitamine D, et la prévalence restait stable
après 3 ans de suivi.
En ce qui concerne les complications de la chirurgie bariatrique :
Pendant les 3 ans de suivi, 47 interventions abdominales ont été effectuées chez 30 patients (13%),
majoritairement chez les patients opérés d’un by-pass (23 interventions) : dans 25% des cas, dans la
première année post-opératoire, et dans 55 % des cas dans la deuxième année post-opératoire. Des
procédures endoscopiques hautes ont été effectuées chez 29 patients (13%).
Enfin, une amélioration significative de la qualité de vie était également mise en évidence.
Cette étude confirme le bénéfice de la chirurgie bariatrique sur les paramètres anthropométriques,
cardio-métaboliques ainsi que sur la qualité de vie chez des adolescents avec obésité sévère. De plus,
ces bénéfices semblent nettement supérieurs à ceux obtenus chez les adultes obèses traités par bypass, chez qui on observe des moindres taux de rémission du diabète (de l’ordre de 50-70%) et de
l’HTA (40%) [6,7], ce qui laisserait à penser que ces complications sont plus facilement réversibles
chez les sujets jeunes. Cependant, force est de constater que ce traitement est également associé à
des risques significatifs tels que l’apparition/aggravation de carences en micronutriments et la nécessité
de recours à des interventions abdominales. Difficile de conclure sur l’indication de la chirurgie
bariatrique chez les adolescents à partir de cette étude observationnelle, nous aurons besoin d’études
randomisées pour être un peu plus convaincus…
Société Francophone du Diabète ⎯ Décembre 2015
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Références
[1] Skinner AC et al. Prevalence and trends in obesity and severe obesity among children in the United States,
1999-2012. JAMA Pediatr 2014,168:561-6. doi: 10.1001/jamapediatrics.2014.21
[2] Tsai WS et al. Bariatric surgery in adolescents: recent national trends in use and in-hospital outcome. Arch Pediatr
Adolesc Med 2007,161:217- 215. PMID: 17339501
[3] Zwintscher NP et al. The increasing incidence of adolescent bariatric surgery. J Pediatr Surg 2013, 48:2401-7.
doi: 10.1016/j.jpedsurg.2013.08.015
[4] Treadwell JR et al. Systematic review and meta-analysis of bariatric surgery for pediatric obesity. Ann Surg 2008,
248:763-76. doi: 10.1097/SLA.0b013e31818702f4
[5] Paulus GF et al. Bariatric surgery in morbidly obese adolescents: a systematic review and meta- analysis. Obes Surg
2015, 25:860-78. doi: 10.1007/s11695-015-1581-2
[6] Schauer PR et al. Bariatric surgery versus intensive medical therapy for diabetes — 3-year outcomes. N Engl J Med
2014, 370:2002-13. doi: 10.1056/NEJMoa1401329
[7] Courcoulas AP et al. Weight change and health out- comes at 3 years after bariatric surgery among individuals with
severe obesity. JAMA 2013, 310:2416-25. doi: 10.1001/jama.2013.280928
Société Francophone du Diabète ⎯ Décembre 2015

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