Non, le vieux punk n`est pas mort!
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Non, le vieux punk n`est pas mort!
Non, le vieux punk n’est pas mort! V ALBUM Après «Carla se mange» en 2007, Fox Kijango délivre enfin «Chanteur mortel», son deuxième album. Sombre, rock et convaincant D isons-le d’entrée: il était temps! Après plus de quatre ans de tergiversations – et c’est un euphémisme – Fox Kijango a fini par donner vie à son deuxième album. Intitulé Chanteur mortel, ce disque a été verni en bonne et due forme le 11 avril dernier à la galerie du Sauvage à Porrentruy. Il était temps, parce que les aléas de la vie d’artiste n’ont pas ménagé le citoyen de Saint-Ursanne. Richard Tschirren – c’est son nom – est passé de désillusions en échecs et de coups de grisou en déconvenues. Il a aussi fallu gratter les fonds de tiroir pour réunir l’argent nécessaire à la réalisation de cet album autoproduit. A force de vouloir tout contrôler, cet ancien punk (fort heureusement pas encore complètement repenti) a fatalement égaré un peu de substance artistique. «J’ai de la peine de déléguer. J’en suis conscient», reconnaît-il sans peine. Une Médaille d’or et une résidence de renom Il est facile, comme le fait Kijango, de prétendre qu’un deuxième album s’apparente à celui de la maturité. Mais avec une carrière de plus 30 ans derrière lui, le vieux renard n’a pas dû attendre cette deuxième livraison pour montrer l’étendue de son savoir-faire. En 2006, le jury de la Médaille d’or de la chanson à Saignelégier ne s’y était d’ailleurs pas trompé en lui décernant la palme avec beaucoup de jugeote. Un an plus tard, Fox Kijango participait aux fameuses rencontres d’Astaffort, dans le sud-ouest de la France. Un rendez-vous musical sous forme de résidence, parrainé par un certain Francis Cabrel, ancien conseiller municipal du bled. Membre fondateur du collectif des Astapotes, Fox Kijango a dès lors su tisser son réseau sur la terre de France qu’il affectionne tout particulièrement. «Je n’ai pas de grandes ambitions en Suisse romande», oset-il. Comment, finalement, le lui reprocher? Des textes parfois dérangeants Mais revenons à cet album. Chanteur mortel est un disque de rock. Du vrai. Sombre. Noir même. Dans lequel la mort rôde. On peut même parler d’une œuvre dédiée à la grande faucheuse. Mais la réalité est plus subtile. A travers des textes délicats et parfois dérangeants, Fox Kijango s’est amusé à la conceptualiser. Pourtant, c’est par un hymne à la jouissance (le tube Baise) que les affaires commencent avant de laisser place à Barnabé, peut-être le titre le plus évocateur de l’univers du chanteur de Saint-Ursanne. En un peu plus de trois minutes, il dresse, sans concession, le portrait d’un type d’apparence «bien sur lui» devenu pédophile. «Barnabé se crée un frère qui pour lui va voyager.» Glaçant. De la musique «d’ambiances» Musicalement, la succession d’ambiances singulières s’interpénètrent avec réussite. Gros rock qui tache, boucles electro-dark, pop aux considérants country: rien n’effraie l’ancien cuistot qui prend un malin plaisir d’accommoder ces sous-genres à sa sauce. Surtout, ce disque propose à l’auditeur quelques riffs entêtants, bien gras, prompts à se démettre les cervicales. Cette ambiance éclectique est encore exacerbée par le large spectre vocal de Fox Kijango. Qu’il chante, qu’il hurle ou qu’il déclame ses textes à voix basse, l’artiste jurassien saute en effet d’un registre à l’autre, déstabilisant parfois l’auditeur. Il n’empêche que c’est bien lorsqu’il crie fort ses mots – à l’image d’un Bertrand Cantat – qu’il exploite le mieux ses ressources vocales. C’est d’ailleurs particulièrement vrai sur scène. 550 kilomètres les séparent La scène justement. Fox Kijango possède le grand avantage de travailler avec un groupe à géométrie variable. En duo intimiste piano-voix, avec une batterie en plus, ou à travers un set rock à cinq musiciens, le chanteur peut compter sur l’excellence de son pote Syan, chanteur-clavier de Châteauroux issu, justement, du collectif des Astapotes. Une collaboration faite pour durer, en dépit de la distance qui sépare les deux artistes. Dans l’attente de la concrétisation d’une mini-tournée au Québec, Fox Kijango travaille également sur un gros recueil de ses textes, ainsi que sur deux clips vidéo, outil devenu indispensable – y compris dans la région – pour la promotion d’un album. On l’aura compris, Kijango se donne les moyens de faire passer son message. Un message qui dénonce les injustices avec le poing levé de la culture punk, mais aussi avec les mots tendres du poète introverti. Au pire, comme le scande si bien sur scène cet homme sensible, «on s’en fout!» Demain est un autre jour. Et ça fait le plus grand bien de nous le rappeler. PATRICK CERF Fox Kijango, alias Richard Tschirren. Le citoyen de Saint-Ursanne possède un catalogue de près de 200 chansons. PHOTO SÉBASTIEN HUSTÉ • Plus d’infos sur www.kijango.com. Album également disponible à l’Atelier 104, Michel Marchand à Saint-Ursanne, au pub la Pomme d’Or à Porrentruy, chez Fournier Musique à Delémont, chez Mu- sic-O-Mania à Delémont, à La Méridienne, chez Gabson, à La Chaux-de-Fonds et auprès de cartonidees.com à Delémont. Ainsi que sur les sites de téléchargement légaux.