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POSITIF
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Au-delà des collines de Cristian Mungiu
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N°621 novembre 2012
Martyrs et prédicateurs
Religion et politique sont au cœur de ce numéro. Avec l’amour profane et l’amour sacré
d’Au-delà des collines, et la foi dans le marxisme et la révolution pour la génération perdue
d’Après Mai. L’actualité critique révèle ces derniers mois une autre forme de culte : celle des
cinéastes qui ont leur futur derrière eux. On a pu lire, dans une revue qui n’avait pas consacré une ligne au chef-d’œuvre de Michael Cimino (Voyage au bout de l’enfer) lors de sa sortie,
un reportage sur le réalisateur à la retraite qui le suivait de station-service en snack-bar et
en hall d’hôtel pour recueillir sur plus de vingt pages ses propos désabusés. Capricci, une
très active maison d’édition qui est aussi distributrice, a consacré un livre à Monte Hellman
et sorti son dernier film Road to Nowhere qui n’est qu’un pâle reflet des grandes œuvres que
furent L’Ouragan de la vengeance et Two-Lane Blacktop, défendues longuement dans nos
colonnes comme le Voyage… de Cimino dès leur apparition. Il nous semble plus important
de saluer et de soutenir les réalisateurs au présent, qu’ils soient Paul Thomas Anderson,
David Fincher ou Jeff Nichols. Alberto Barbera, le nouveau directeur artistique du festival
de Venise qui vient de réussir une excellente Mostra (voir dans ce numéro), a décerné
très légitimement le prix Persol à Michael Cimino en regrettant « la reconnaissance trop
tardive de la grandeur d’un cinéaste visionnaire, l’une des voix les plus intenses et les plus
originales de ces quarante dernières années, graduellement réduit au silence après l’échec
au box-office d’un chef-d’œuvre, La Porte du paradis, auquel ont contribué les producteurs
avec des coupes absurdes ».
S’il faut condamner le comportement des Artistes Associés et le scandaleux accueil critique réservé à ce grand film, est-il pour autant nécessaire d’opter pour un manichéisme
forcément réducteur ? Orson Welles, autre membre du martyrologue et qui a beaucoup
contribué à ses déboires, n’a-t-il pas déclaré un jour : « Un poète a besoin d’une plume, un
peintre d’un pinceau et un cinéaste d’une armée. » Et Malraux de conclure ainsi un essai
sur le 7e art : « Par ailleurs le cinéma est une industrie. » Impossible d’oublier les producteurs castrateurs, les films mutilés, les projets non aboutis. Mais impossible aussi de ne
pas reconnaître l’importance de producteurs qui ont fait que Mizoguchi, Renoir, Buñuel,
Kurosawa, Lang, Ford, Kubrick, Resnais ou Fellini ont réussi dans un cadre industriel à
construire une œuvre semée d’aléas, certes, mais d’une extrême richesse. Si Cimino avec ses
trois derniers films a tourné un navrant biopic sur Salvatore Giuliano, Le Sicilien, un remake
de La Maison des otages qui ne renouvelle rien et un Sunchaser à la beauté éparse, faut-il
attribuer ses échecs à ses seuls commanditaires ? Cette politique des auteurs défaillants
rejoint le goût d’une certaine presse branchée pour le film malade et sa méfiance pour la
maîtrise qu’Alain Masson analyse brillamment dans notre prochain Chantier de réflexion.
On a pu lire ainsi dans un quotidien que le Lion d’argent décerné à Paul Thomas Anderson
pour The Master allait inutilement gonfler son ego déjà surdimensionné. Il ne pouvait s’agir
de la personnalité du metteur en scène, homme courtois et direct, sans prétention affichée,
au contraire d’un Leos Carax ou d’un Abel Ferrara chéris de la presse tendance, mais de son
film lui-même : splendeur du 70 mm, interprétation hors pair de Philip Seymour Hoffman
et Joaquin Phoenix, scénario et sujet passionnants. Faire son travail d’artiste, voilà qui vous
condamne un homme.
Forts de leur statut de réalisateurs à succès, deux réalisateurs admirés de Positif et aux deux
extrêmes du spectre idéologique, Clint Eastwood et Ken Loach, ont tenu pour notre plus
grande déconvenue à monter sur l’estrade politique. Eastwood le 30 août à la convention
républicaine de Tampa a dialogué pendant treize pénibles minutes avec une chaise vide
censée représenter Obama, avant d’ajouter dans le Carmel Pine Cone, gazette de la ville où il
réside, « le président Obama est la plus grosse arnaque ourdie contre le peuple américain ».
Ken Loach, prix Lumière 2012, a répondu au prix Lumière 2009 le 5 septembre à Venise
en recevant le prix Robert-Bresson des mains du patriarche de la ville, Francesco Moraglia,
avec l’accord du Vatican : « Quand j’écoute Clint Eastwood je suis heureux que le pouvoir
du cinéma ne soit pas que dans ses mains. S’il en était ainsi, nous serions tous comme
Charlton Heston avec le revolver à la main. » Il en a profité pour appeler une fois de plus
au boycott d’Israël. Adepte des deux poids deux mesures, le cinéaste britannique, réservant
sa vindicte à l’État hébreu, ne s’est pas interrogé sur la contribution de l’Église à la propagation du sida en Afrique par son interdiction de la contraception, ni sur l’éventuel boycott
de la Russie pour son extermination des Tchétchènes et de la Chine qui met en prison ses
dissidents et massacre les Tibétains. Deux États avec, réellement, un revolver à la main.
Michel Ciment