La limite d`âge dans le secteur public ne constitue pas une

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La limite d`âge dans le secteur public ne constitue pas une
La limite d’âge dans le secteur public ne constitue pas une
discrimination au sens de la directive 2000/78 du 27 novembre
2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de
traitement en matière d’emploi et de travail
Note sur l’arrêt de la Cour administrative d’appel de NANTES n°10NT02197 du
10 février 2012.
Monsieur X était enseignant-chercheur à l’École des Hautes Études en Santé
Publique (EHESP) sous contrat à durée indéterminée.
Par une décision en date du 21 septembre 2009, le directeur de l’EHESP a mis fin au
contrat de Monsieur X à la date de son 65ème anniversaire par application des
dispositions de l’article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947, imposant la mise à la
retraite d’office à l’âge de soixante cinq ans des agents publics contractuels (Il
convient de noter qu’une disposition similaire est prévue pour les fonctionnaires par la loi
n°84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans le secteur public).
Monsieur X a présenté une requête tendant à l'annulation de la décision du
21 septembre 2009, au motif que la mise à la retraite d’office à l’âge de 65 ans dans
le secteur public constituerait une discrimination au sens de la directive 2000/78 au
regard de la possibilité qu’ont les salariés de droit privé de continuer à travailler
jusqu’à l’âge de soixante-dix ans.
Cette requête a été rejetée par un jugement n°10-690 du Tribunal administratif de
RENNES en date du 2 septembre 2010.
En effet, les premiers juges avaient considéré que, d’une part, la directive était
correctement transposée par la loi du 27 mai 2008 et d’autre part qu’en tout état de
cause « les règles qui régissent l'âge limite d'activité pour les salariés du secteur privé et
pour les contractuels de droit public ne sont pas contraires au principe d'égalité de
traitement, dès lors que ces règles ne créent aucune différence de traitement entre les
personnes placées dans la même situation de droit ou de fait ; qu'en l'espèce, les salariés du
secteur privé et les contractuels de droit public ne sont pas placés dans une même situation
de droit et de fait ».
Devant la Cour, Monsieur X, ayant interjeté appel de la décision du Tribunal,
soutenait que la circonstance que les agents contractuels de droit public ne peuvent
être maintenus en activité au-delà de l’âge de soixante-cinq ans, alors que les
salariés du secteur privé peuvent l’être jusqu’à l’âge de soixante-dix ans, constituait
une discrimination sur l’âge au sens de la directive 2000/78.
SELARL Cabinet COUDRAY – 17 février 2012 – www.cabinet-­‐coudray.fr « La limite d’âge dans le secteur public ne constitue pas une discrimination » Aux fins de se prévaloir de l’effet direct de la directive 2000/78, M. X faisait valoir que
cette directive avait été transposée incomplètement et imparfaitement par la loi 2008496 du 27 mai 2008 et qu’elle aurait dû en conséquence être directement appliquée
par le juge administratif dans ce litige.
La Cour, écartant ces arguments, a confirmé le jugement de première instance en
considérant que «cette directive a été correctement transposée en droit interne par la loi du
27 mai 2008, antérieurement aux décisions contestées ; qu’en admettant même que la
transposition de la directive aurait été incomplète et imparfaite, comme le prétend Monsieur
X, la limite d’âge qui a été opposée au requérant met en œuvre, ainsi que le fait valoir l’École
des hautes études en santé publique, un objectif légitime qui est d’assurer le renouvellement
des cadres, de manière nécessaire et proportionnée en permettant de travailler au-delà de
l’âge légal d’admission à la retraite fixé pour ces cadres ; qu’il résulte de l’instruction que la
différence de traitement entre les agents contractuels de droit public et les salariés de droit
privé s’applique à des personnes qui se trouvent placés en des situations différentes ; que la
limite d’âge en litige ne s’oppose pas par elle-même, à ce que le requérant poursuive
éventuellement son activité professionnelle dans le secteur privé ; que, par suite, les
décisions contestées doivent être regardées comme ne reposant pas sur des motifs
entachés de discrimination ; »
A la lecture de cet arrêt, il est permis d’observer que la Cour a opéré une juste
application de la jurisprudence « Mme Perreux » en écartant l’effet direct de la
directive 2000/78 (1). Bien que la directive ne soit pas opposable en droit interne, la
Cour a estimé nécessaire de préciser de manière convaincante que la limite d’âge
dans le secteur public ne constitue pas une discrimination (2).
1. L’absence d’effet direct de la directive 2000/78
Le juge administratif admet l’applicabilité directe des dispositions d’une directive pour
pallier une norme nationale non conforme au droit de l’Union, depuis l’arrêt
d’Assemblée du 30 octobre 2009 (CE Ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux, concl. M.
Guyomar, n°298348, Lebon).
La mise en œuvre de l’effet direct des directives est soumise à deux conditions
cumulatives : d’une part la non transposition de la directive par l’État membre
concerné dans les délais impartis et d’autre part le caractère précis et inconditionnel
des dispositions en cause de cette directive.
La directive n° 2000-78 ayant été transposée en droit interne par la loi n°2008-496 du
27 mai 2008, comme l’ont relevé très justement tant le Tribunal que la Cour, il n’était
pas possible pour le requérant d’invoquer l’effet direct de ses dispositions.
SELARL Cabinet COUDRAY – 17 février 2012 – www.cabinet-­‐coudray.fr « La limite d’âge dans le secteur public ne constitue pas une discrimination » 2. La limite d’âge fixée à 65 ans dans le secteur public n’est pas contraire
au principe de non discrimination
Il découle de l’article 6 de la directive n°2000-78 qu’une différence de traitement
fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination si elle répond de manière
appropriée et nécessaire à un objectif légitime.
En matière de mise à la retraite d’office des travailleurs ayant atteint un certain âge,
la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne a clairement établi que
les États membres peuvent mettre en œuvre une différence de traitement fondée sur
l'âge dès lors qu'elle poursuit un objectif légitime. (CJUE Grande Chambre, 16 octobre
2007, Palacios de la Villa c/ Cortefiel Servicios SA, aff. C-411/05, Rec. CJCE I-8531, point
77 - 12 octobre 2010, Gisela Rosenbladt c/ Oellerking Gebäudereinigungsges. mbH, aff. C45/09 - 22 novembre 2005, Werner Mangold c/Rüdiger Helm, aff. C-144/04, point 61 et 62).
Or sur ce point, la Cour a considéré que, d’une part, la limite d’âge dans le secteur
public met en œuvre un objectif légitime qui est d’assurer le renouvellement des
cadres, de manière nécessaire et proportionnée en permettant de travailler au-delà
de l’âge légal d’admission à la retraite fixé pour ces cadres et, d’autre part, que la
différence de traitement entre les agents contractuels de droit public et les salariés
de droit privé s’applique à des personnes qui se trouvent placées dans des situations
différentes.
Enfin, la Cour relève pertinemment que la limite d’âge en litige ne s’oppose pas à ce
que le requérant poursuive éventuellement son activité professionnelle dans le
secteur privé.
En conséquence, quand bien même les dispositions de la directive n°2000/78
auraient pu avoir un effet direct en droit interne, cela n’aurait pas remis en cause les
dispositions législatives instituant la limite d’âge pour les agents publics (lois n°471465 pour les agents non titulaires et n°84-834 pour les fonctionnaires).
À toutes fins utiles, il convient de noter que ces dispositions législatives, modifiées par la loi
n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, prévoient dorénavant que la
limite d’âge dans le secteur public est fixée à soixante-sept ans ; ces nouvelles dispositions
sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.
L’arrêt commenté fait l’objet d’un pourvoi devant le Conseil d’État. Ainsi, la question
de la validité de la limite d’âge dans le secteur public sera définitivement tranchée.
Laurent PEQUIGNOT
Avocat à la cour
Layla ASSOULINE
Avocat Associé
Spécialisée en droit de la fonction publique
SELARL Cabinet COUDRAY – 17 février 2012 – www.cabinet-­‐coudray.fr « La limite d’âge dans le secteur public ne constitue pas une discrimination » 

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