Le credo de Guillaume Musso Régine Deforges quitte Léa

Transcription

Le credo de Guillaume Musso Régine Deforges quitte Léa
LITTÉRATURE
Max Gallo à l’Académie française
L
'ÉCRIVAIN Max Gallo, 75 ans, a été élu hier
à l'Académie française, au fauteuil du
philosophe Jean-François Revel, au premier
tour. Historien et romancier prolifique, Max
Gallo est l'auteur d'une centaine de romans,
biographies et études historiques. Né en 1932
à Nice dans une famille d'immigrés italiens,
Max Gallo a également mené une carrière
politique. Député (1981-83), puis porte-parole
du gouvernement socialiste (1983-84), il a
depuis pris ses distances avec la gauche et
rallié récemment Nicolas Sarkozy. Photo AFP
R1---
VENDREDI 1 juin 2007
MOTS
CROISÉS
Passagères
Paul Auster, l’écrivain de
Brooklyn dissimulé derrière
les fumées de Smoke ? Non,
ce ne peut être lui. Marc
Austère alors, un petit
Français amoureux de sa
copine de classe, Amélie,
comme il est indiqué dès le
premier chapitre ? C’est plus
vraisemblable. Pourtant, on
le sent bien, ce livre, Les
Dames de nage (Métailié), a
été écrit par quelqu’un
d’autre, un marin qui sait
aimer une femme différente
dans chaque port. Quelqu’un
qui aurait appris à tenir
plusieurs rôles, à interpréter
sa vie à travers celle des
autres. Un acteur aux yeux de
mer, devenu cinéaste le
temps de signer un
documentaire sur le Chili. Et
le nom vient alors
naturellement : Bernard
Giraudeau, maintenant lancé
dans le roman toutes voiles
dehors. Son écriture déjà
bien trempée du Marin à
l’ancre a pris là, dans Les
Dames de nage, l’ampleur
des voyages au long cours de
trois amis imaginaires. Trois
parties de lui-même en fait,
reliées par les souvenirs du
petit Marc Austère et de son
amoureuse retrouvée,
Amélie, qui sert de fil rouge
tendre au récit. Trois destins
aussi à la recherche
d’eux-mêmes et de l’amour à
travers un vaste monde où
les escales ont les parfums
de maîtresses exotiques.
Mama l’initiatrice africaine à
peine quittée pour les
femmes de Dikilou, Jo et Ysé,
ont ces senteurs d’embruns
au féminin que n’a pas
Marco / Marcia le travesti
chilien, malgré ses grands cils
à rendre jalouses toutes les
filles du trottoir… Bref,
Bernard Giraudeau, né à La
Rochelle, sait nous
embarquer avec talent vers
ces inconnues fascinantes,
regrettées à peine quittées
comme des passagères
oubliées sur le quai.
Jean-Charles REIX
Le credo de Guillaume Musso
n'est pas une insulte d'être traité d'auteur populaire. Il n'y a
rien de plus gratifiant à ce que
les gens vous lisent. Vous savez, ma mère était bibliothécaire et j'ai été biberonné à
Flaubert. Question culture savante, je pourrais en étonner
plus d'un.
ENTRETIEN
➜ En l'espace de trois
ans, Guillaume Musso a
vendu ses romans à plus
de deux millions
d'exemplaires
M. L : Votre dernier livre,
comme les trois précédents, se
déroule aux Etats-Unis. D'où
vous vient cette fascination ?
G. M : Je ne dirais pas qu'il
s'agit d'une fascination, car je
n'ai pas d'attirance pour le modèle social américain. Mais il
est vrai que c'est bizarre :
après tout en France, dans le
roman de divertissement, on a
une tradition : Alexandre Dumas, les feuilletonistes, même
Barjavel plus récemment. Et
pourtant, quand les histoires
me viennent, elles arrivent
dans le cadre américain. C'est
lié au cinéma, je pense : à
Franck Capra, Mankiewicz, la
période américaine de René
Clair. Et New York où j'ai vécu
quelque temps à l'âge de
19 ans est propice, dans l'imaginaire, à l'apparition du surnaturel.
Pourquoi cet attachement, de
livre en livre, au surnaturel ?
Le surnaturel est juste un
prétexte pour parler de la
mort de façon plus ludique,
sans risquer le refus frontal.
C'est ce que j'ai fait dans Et
après. Si l'on dit « C'est un li-
Malgré votre immense succès,
il paraît que vous continuez à
enseigner l'économie dans un
lycée…
Pour Musso, il est très gratifiant d’être lu par le plus grand nombre.
vre sur la mort », les gens sont
réticents alors que si l'on parle
d'un ange, d'un messager, cela
passe mieux.
Ce qui m'intéresse, c'est
d'évoquer la fragilité de la vie,
la notion de hasard, de destin,
du choix de l'existence ou
comment nos actions vont affecter les autres. Dans un roman divertissant, il y a toujours deux niveaux.
Tous vos livres sont des
best-sellers. Ça fait quoi d'être
un phénomène à trente-deux
ans ?
Je ne me pose pas toutes
ces questions, même s'il est
vrai que c'est allé très vite. On
pense parfois que je suis un
pur produit de marketing. On
m'a collé une étiquette et c'est
dur de s'en défaire. Mais je ne
me plains pas. A mes yeux, ce
Propos recueillis par
Laure JOANIN
◗ "Parce que je t'aime"
(Editions XO), 19,90 €.
Histoire Vieux os et cadavres exquis
Un livre gai… Oiseau si rare !
Et sujet si grave pourtant.
Car Histoires d’Os, c’est un
peu comme si les Monty Python se promenaient au Père
Lachaise : il y a du loufoque
dans les catafalques et du cliquetis festif dans les ossuaires. Sur le papier l’idée de
Clémentine Portier-Kaltenbach, journaliste de métier,
historienne de passion,
n’était pourtant pas de natu-
re à mettre les rieurs de son
côté : aller voir ce que, au fil
des siècles, étaient devenues
les dépouilles de nos grands
hommes. Où les ossements
de Descartes ? Où le cerveau
de Voltaire ? Et la barbiche
de Richelieu ?
Nauséeux ? Non pas :
drôlatique au contraire. Et picaresque. Et même, oui, réjouissant. Car cette enquête
d’historienne légiste conduit
à des découvertes extravagantes : le crâne de Descartes exposé – horreur pour
l’austère philosophe ! – à côté de celui de Sade. Et le
squelette de Cadoudal, chef
chouan, monté sur fil de fer.
Et la jambe momifiée de Catherine de Médicis. Et Voltaire vendu à la découpe !
Sacrilège ? Au contraire :
Clémentine, sous le sourire
de l’écriture, garde pour ses
Régine Deforges quitte Léa
C'est la fin d'une saga en dix vo-
lumes. Elle avait commencé en
1981 par la publication de La
Bicyclette bleue. Régine Deforges avait répondu à une commande de l'éditeur Jean-Pierre
Ramsay qui avait lancé une série de romans « à la manière
de ».
Pour Deforges, papesse
d'une littérature érotique et féministe, il choisira Autant en
emporte le vent, de Margaret
Mitchell. A partir de ce modèle
imposé, elle imagina une héroïne tout feu tout flamme, Léa
Delmas, qui allait devenir un
personnage extrêmement populaire.
Les volumes se succédèrent
au rythme d'un feuilleton couvrant les années 40, 50 et 60. Le
septième Cuba libre ! était un
récit à la gloire de la révolution
cubaine. Partie rencontrer les
"barbudos", Léa, mariée à François Tavernier, un gaulliste de
la première heure, véritable
trompe-la-mort, aura des faiblesses pour Ernesto Guevara.
L'aura romantique du Che,
d'origine argentine, ne pouvait
que faire frissonner de volupté
cette jeune femme libre et gourmande de la vie.
Oui, toujours à mi-temps.
L'argent n'a jamais été pour
moi le premier critère pour
prendre une décision. Conduire une Porsche ou posséder
une montre à 50 000 euros ne
m'a jamais fait fantasmer. Garder une profession, me lever
tôt, permet de rester dans la
vraie vie. C'est structurant et
cela évite de se monter la tête.
Ecrire, il n'y a rien de moins
glamour. C'est un type en robe
de chambre qui planche douze
heures par jour devant un ordinateur. C'est une tâche solitaire et angoissante. C'est vrai
que je n'ai plus besoin d'aller
au lycée pour vivre, mais j'ai
choisi ce métier d'enseignant
par goût. J'estimais avoir réussi ma vie avant d'avoir du succès en tant qu'écrivain.
Régine Deforges termine en beauté la vaste fresque de son héroïne Léa. AFP
Considérant Guevara d'un
œil jaloux, François Tavernier
faillit lui casser la figure alors
qu'il n'était plus l'amant de sa
femme dont le cœur qui a trop
battu finira par s’affoler. Ce
sont quelques-unes des dernières lignes de Et quand viendra
la fin du voyage… (1964-1967).
Léa Delmas, la femme fatale devenue l'épouse de François Tavernier, ne reverra pas le domaine vinicole qu'ils exploitent
à Montillac, en Gironde. Faisant fi de ses soucis de santé,
elle voulut accompagner son
mari en Amérique latine où le
général de Gaulle l'avait nom-
mé ambassadeur itinérant. Derrière cette fonction se cachait
l'homme d'action chargé par le
chef de l'Etat d'enlever Klaus
Barbie réfugié en Bolivie depuis 1951.
Sous le nom de Klaus Altman, dans les petits papiers du
président bolivien., il paradait
à La Paz entouré d'anciens nazis. Epaulé par Dominique Ponchardier, l'ambassadeur de
France, auteur de la série des
Gorille, Tavernier va se lancer
dans une traque qui lui fera
croiser le chemin du Che à la tête de ses guérilleros. L'emblématique combattant recevra la
visite du jeune Régis Debray
bientôt arrêté et torturé par le
colonel Quintanilla, conseillé
par Klaus Barbie, le bourreau
de Jean Moulin.
S'inspirant en partie de la
réalité historique, Régine Deforges, termine en beauté une vaste fresque où Léa, lumineuse et
sensuelle, nargue la mort avec
l'audace d'une Carmen. ●
Jean-Claude LAMY
◗ "Et quand viendra la fin du
voyage…", Régine Deforges,
Fayard, 486 pages, 22 €.
cendres de conséquence
– pour voler l’expression de
Brassens – une tendresse visible. Et après tout, quand
tel chevalier se glorifiait au
XVIIIe de porter une bague
en os de Descartes, on préfère cet hommage-ci. ●
J. V.
◗ "Histoires d’Os et autres
illustres abattis", Ed. JC. Lattès
256 p. 18 €.
MÉMO IR E
Images vécues
témoins d’une guerre
Ce n’est
jamais
simple
de
raconter
une
guerre
quand
on l’a
vécue et
quelle a
été aussi
déchirante que celle qui a
ensanglanté l’Algérie de
1954 à 1962. Jean-Baptiste
Ferraci, aujourd’hui patron
d’une entreprise de
communication à
Montpellier, a trié les photos
qu’il avait prises quand il a
sillonné les pistes et les villes
de l’Algérie et du Sahara de
1959 à 1961. Appelé,
reporter au journal Le Bled il
"couvre" les événements
comme pudiquement on les
appelait en métropole à
l’époque. Avec une grande
rigueur et sans parti-pris,
avec le recul et l’objectivité
nécessaire quand on traite
de l’un des plus grands
drames de notre histoire.
Jean-Baptiste Ferraci
témoigne simplement par
ses photos. Ses chapitres
illustrés souvent de clichés
inédits sont autant
d’hommages. A toutes les
victimes du conflit mais aussi
aux soldats français dont les
appelés du contingent,
étayés par des textes sobres
qui resituent le contexte et
les dates. Il y a de la passion,
certes, dans le travail de
Ferraci en particulier face à la
notion de repentance si
délicate à évoquer. Mais avec
ses images vécues préfacées
par Hélie de Saint Marc
Jean-Baptiste Ferraci qui sera
à la Comédie du Livre
aujourd’hui à Montpellier
apporte un regard émouvant,
chaleureux et responsable.
Ce qui n’est pas rien.
J.-L. TRUC
"Images vécues de l’Algérie
en guerre", Nouvelles
Presses du Languedoc, 35 €.
NOTES DE LECTURE
Une éducation sentimentale
Sorti de sa Brière pour devenir étudiant en droit à Nantes, Jérôme,
la tête bien faite et une silhouette sportive
soigneusement entretenue, est parti à la conquête
des femmes. A la cité universitaire, il se contente de
rêver devant le poster d'une beauté californienne.
Isolé au milieu d'une famille de ploucs, il continue
de vivre en solitaire dans l'attente de l'âme sœur. Sa
lecture de Béatrix le roman de Balzac, son livre
culte, lui laisse l'espoir de rencontrer une Camille
Maupin pour faire son éducation sentimentale.
Serveur l'été dans un restaurant de plage de La
Baule, il est la convoitise des femmes mûrissantes. Une Camille se
présentera mais elle a seize ans et un grand-père bourgeois
pète-sec. Ancien prix Roger-Nimier, Stéphane Hoffmann mène
habilement sa barque au fil d'un récit entraînant.
"Des filles qui dansent", Stéphane Hoffmann, Albin Michel,
229 pages, 16 €.
Les femmes d'Elvis
Le roi du rock'n’roll était aussi un prince charmant. L'envoûtant
interprète de Love me tender, disparu à l'âge de quarante-deux ans
en 1977, collectionna les conquêtes. Patrick Mahé, ancien directeur
de la rédaction de Télé 7 jours, déjà auteur de Sur
la route d'Elvis (Grasset, 2002), les répertorie, du
moins ses amours, comme Priscilla Beaulieu sa
seule épouse, et ses amitiés intimes affichées. Dans
ce "roman" des romances de Presley apparaît
Ursula Andress avec laquelle il tourna son 13e film
Fun in Acapulco. Mais le King qui avait qualifié
Brigitte Bardot de « huitième merveille du monde »
n'a jamais rencontré l'actrice de ses fantasmes.
Sacha Distel aura eu plus de chance.
"Le Roman des amours d'Elvis", Patrick Mahé, éditions du
Rocher, 267 pages, 19,90 €.
J.-C. L.