BIP 60
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Pour recevoir les prochains numéros du BIPAM, envoyez nous vos coordonnés à [email protected] Bulletin d’Information sur la Population en Afrique et à Madagascar Numéro 60 – Avril 2011 Enjeux démographiques et enjeux de développement en Afrique et au Bénin Mouftaou AMADOU SANNI (CEFORP), Astrid FLENON (IRD, CEFORP) Bénédicte GASTINEAU (IRD), Moustapha GIBIGAYE (CEFORP) Saturnine MICHOZOUNNOU (CEFORP) Du 24 mai au 5 juin 2011, le Centre de Formation et de Recherche en matière de Population (CEFORP) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) organisent à l’Institut Français du Bénin plusieurs événements autour des grands enjeux démographiques et de développement : exposition, rencontres entre chercheurs et scolaires, conférences, etc. C’est une occasion pour le Bulletin d’Information sur la Population de faire un bref point sur le lien supposé entre croissance démographique et développement socioéconomique sur le continent africain. L’Afrique : une évolution démographique singulière siècle a été marqué par une succession de crises de subsistance, d’épidémies de variole, de choléra, de typhoïde. Le paludisme est aussi à l’origine de nombreux décès. La forte mortalité à Madagascar a également des causes politiques : les guerres, les migrations forcées et les corvées obligatoires. L’évolution de la population était donc largement limitée par une forte mortalité mais aussi, de manière plus inattendue, par une natalité faible qui s’explique notamment par l’état sanitaire de la population féminine. L’Afrique subsaharienne a connu au début des années 1950 une baisse de la mortalité sans précédent. Ce recul de la mortalité des enfants et des adultes a eu pour impact une accélération de la croissance démographique : avant le 20ième siècle, la croissance démographique de la population africaine au Sud du Sahara ne dépasse pas 0,25% par an (Tabutin, Schoumeker, 2004). Le nombre de décès était si élevé qu’il était proche de celui des naissances. La population africaine selon les pays stagnait, ou augmentait peu, et même certaines années, celles des épidémies ou des famines, elle diminuait. A Madagascar par exemple, la population au début du 19ième siècle (1818) est estimée à 2 millions d’individus ; à la fin de ce même siècle, il n’y a guère plus de 2,5 millions d’habitants. Sur la Grande île, le 19ième Tout au long du 20ième siècle, le taux d’accroissement annuel de l’effectif de la population malgache va augmenter : 1% entre 1900 et 1950, puis 1,9% entre 1950-1955 et 2,6% entre 1955-1960, jusqu’à atteindre 3% aux alentours de l’année 2000. La vaccination des populations adultes et des enfants, le développement des centres de san- 1 té et des hôpitaux sont parmi les facteurs qui permettent une amélioration de l’état de santé des populations : la mortalité recule et le nombre de décès relatif diminue, le nombre de grossesses menées à terme par les femmes qui sont en meilleur santé augmente. C’est ainsi que Madagascar entre en transition démographique au début des années 1950. Ce constat peut être fait de la même façon dans beaucoup d’autres pays d’Afrique Subsaharienne. planification familiale (Livenais, 1986). Ils sont financés par de l’aide internationale largement américaine (Chasteland, 1997) via la coopération (USAID) ou des ONG et fondations privées. Les politiques de réduction de la fécondité sont même parfois devenues une des conditions à l’obtention de prêts par les Institutions de Bretton Woods dans les années 1950-1960 (Jones et Leetes, 2002) comme dans les années 1990 (Gautier, 2004). Les tenants du planning familial argumentent que « même artificiellement imposée de l’extérieur, la limitation des naissances aura un impact appréciable sur le développement, parce qu’elle modifiera nécessairement la taille et les fonctions familiales, parce qu’elle libérera les femmes de l’emprise des travaux ménagers en les faisant participer davantage à l’activité économique, parce qu’elle brisera le cercle infernal de la misère en permettant que la croissance n’alimente plus simplement les investissements démographiques » (Loriaux, 1984 : 99-100). La crainte de l’explosion démographique estelle sensée ? On pouvait s’attendre à ce que tout le monde se félicite de la baisse de la mortalité mais l’accélération de la croissance démographique africaine a aussi suscité de grandes inquiétudes chez beaucoup d’observateurs : états, citoyens, scientifiques, organisations internationales. Après 1960, le continent africain est celui qui connaît le plus fort taux de croissance démographique et le plus faible développement économique. Nombreux sont ceux qui défendent l’idée que la croissance démographique est un frein au développement. On parle d’explosion démographique et même de Bombe P. (en référence à la Bombe H). Jusqu’à la Conférence Internationale sur la population et le développement au Caire en 1994, les programmes de planification familiale ont constitué l’essentiel des mesures des politiques démographiques (Vimard, 2010). La conférence du Caire marque un tournant en mettant l’accès sur les droits reproductifs des femmes et des couples : chacun doit être libre de décider de sa vie sexuelle et reproductive. Le paradigme néomalthusien sur lequel les politiques démographiques reposaient depuis plus de 30 ans passe au second plan (Vimard, 2010). Toutefois, la mise en œuvre des principes de la Conférence du Caire s’est avérée difficile et aujourd’hui encore, l’accès à la santé reproductive et sexuelle et le respect des droits reproductifs des couples sont loin d’être acquis en Afrique subsaharienne. Le soutien international à la réalisation des politiques de santé reproductive est insuffisant et même en forte diminution depuis 1995 : les moyens financiers se sont déplacés vers les programmes de lutte contre le VIH-Sida (Vimard, 2010). Lors des deux premières Conférences mondiales sur la Population (Bucarest en 1974 et Mexico en 1984) les débats vont être animés. Pour résumer, disons que s’affrontent les pays riches qui souhaitent des mesures pour mettre un frein à la croissance démographique du Tiers Monde et les pays du Tiers Monde qui répondent par l’urgence du développement comme préalable à la résolution des problèmes démographiques (Livenais, 1986). Le Plan d’action mondiale décidé lors de la Conférence de Bucarest (1974) adopte une position intermédiaire : on peut y lire « pour résoudre les problèmes démographiques, il faut avant tout une transformation socio-économique ». A Mexico en 1984, les « pays riches » imposent leur point de vue. Leurs revendications en faveur de mesures publiques de réduction de la fécondité s’accentuent. Sur le continent africain, ceci s’est traduit le plus souvent par des programmes de Après 1994, les défenseurs de l’idée que « la croissance démographique est un frein au déve2 loppement de l’Afrique » se font un peu plus discrets, rassurés par la baisse de la fécondité dans plusieurs pays et par les projections de population des Nations Unies qui prévoient une stabilisation de la population mondiale en 2050 aux alentours de 9 milliards d’habitants. Cette parenthèse va durer à peine plus d’une décennie. En effet, depuis quelques années, les interprétations malthusiennes du lien entre population et développement reviennent au devant de la scène. Le Fond des Nations Unies pour la Population, en février 2010, à quelques semaines du Sommet de Copenhague sur le Climat relance le débat ainsi : « L’effort à long terme nécessaire pour maintenir un bien-être collectif qui soit en équilibre avec l’atmosphère et le climat exigera en fin de compte des modes viables de consommation et de production, qui ne peuvent être atteints et maintenus que si la population mondiale ne dépasse pas un chiffre écologiquement viable. ». refont leur apparition dans le discours politiques au sens large, il est intéressant de s’interroger une nouvelle fois sur cette question – tant débattue – du lien entre croissance démographique et développement. Croissance démographique et développement : quel lien ? Y-a-t-il vraiment un lien entre la croissance démographique et le développement ? Les pays africains seraient moins pauvres si leur croissance démographique était plus faible ? Intuitivement il est aisé de répondre : si la population était moins nombreuse, il y aurait moins de pression sur les ressources, il serait plus facile de donner accès à tous à l’éducation, à la santé, à l’eau potable, etc. Malthus aurait peut-être répondu que moins les convives sont nombreux, plus le banquet est copieux ! La réalité est tout autre et les relations entre la population et le développement en Afrique est un système complexe. Tout d’abord, il faudrait s’entendre sur l’indicateur de développement qui permet de mesurer cette relation. Au niveau du continent, si on choisit le revenu national brut par habitant (RNB), alors la relation entre cet indice et le taux d’accroissement démographique est très faible : à un même niveau de richesse correspondent des situations démographiques bien différentes (Figure 1). Au même moment (août 2009) était publié un document du Optimum Population Trust (OPT), ONG britannique très influente, qui affirme que la meilleure arme pour lutter contre le réchauffement climatique serait une baisse importante de la fécondité. Selon cette étude, il serait même économiquement bien plus rentable d’investir à grande échelle dans la planification familiale que dans des techniques propres (énergie solaire, véhicules électriques). On peut faire la même analyse si on utilise l’indicateur de développement humain du PNUD. Certes, globalement « plus l’IDH est élevé, plus la croissance démographiques est faible » (Figure 2), mais la corrélation est faible. D’ailleurs, pour un indice de développement humain comparable, on observe de grands écarts de niveaux de fécondité et donc de croissance démographique. Les Comores et l’Ouganda ont des IDH proches (0,422 et 0,428) mais des indices synthétiques de fécondité respectifs de 4,1 et 6,5 enfants par femme. En 2011, une étude du Conseil économique et social des Nations Unies met en garde : une douzaine de pays, la plupart en Afrique n’ont pas encore amorcé leur transition de la fécondité et sans un effort considérable pour diminuer le nombre de naissances, le scenario optimiste d’une population à 9 milliards en 2050 serait chimérique. Les Nations Unies agitent le spectre de la surpopulation : destruction de l’environnement, pression sur les ressources naturelles, urbanisation anarchique, etc. De nouveau, les programmes de planification familiale sont présentés comme une solution. Des fondations américaines affirment leur intention de les financer en Afrique. Dans ce contexte où les théories malthusiennes 3 n’explique pas tout. Les études empiriques semblent montrer qu’il n’y a pas de constance dans la relation entre la démographie et l’économie au sens large : il est nécessaire d’intégrer d’autres facteurs explicatifs (sociaux, culturels, institutionnels, sanitaires, etc.). Figure 1 Revenu national brut par habitant et taux annuel d’accroissement naturel (TAN) (%) pour 43 pays d’Afrique subsaharienne Données disponibles en 2010 Le maintien d’une forte fécondité Sur 43 pays d’Afrique subsaharienne, 9 ont une fécondité égale ou supérieure à 6 enfants par femme (Malawi, Burkina, Zambie, Tchad, RDC, Somalie, Ouganda, Mali, Niger). C’est au Niger que la fécondité est la plus forte avec 7,4 enfants par femme. A l’autre extrême, l’Indice synthétique de fécondité est égal ou inférieur à 4 dans 7 pays (Maurice, Seychelles, Cap Vert, Gabon, Zimbabwe, Djibouti, Ghana). La majorité des pays se situe donc entre 4 et 6 enfants. Coefficient corrélation : -0,34 Sources : PNUD, 2010 et PRB, 2010 Figure 2 Indicateur de développement humain et taux annuel d’accroissement naturel (TAN) (%) pour 43 pays d’Afrique subsaharienne Données disponibles en 2010 Quelles sont les causes d’une forte fécondité ? Elles sont nombreuses et nous ne prétendons pas les exposer toute ici mais en voici deux qui nous semblent fondamentales : les fonctions assurantielles de l’enfant et la mortalité infantile. L’enfant tient une place très importante dans les organisations sociales africaines en milieu urbain comme en milieu rural en jouant une fonction d’assurance indispensable à la survie des familles. Les enfants sont les seules garanties pour les parents en cas de maladie, d’incapacité à travailler, de chômage, de récolte agricole mauvaise… Les adultes malades ou trop âgés pour subvenir seuls à leurs besoins (alimentation, approvisionnement en eau, etc.) font appel à leur descendance. Aller habiter chez ses enfants mariés, déscolariser ses plus jeunes enfants pour les mettre au travail, envoyer des enfants en migration en ville, accueillir des petits enfants qui vont vous aider…sont quelques-unes des stratégies possibles par exemple pour faire face à des dépenses imprévues, à une baisse de revenus, à un mauvais moment (le décès d’un membre du ménage, une mauvaise récolte, une maladie, etc.). Or les ménages africains vivent dans des sociétés où les contraintes et les risques sont nombreux : la Coefficient corrélation : -0,31 Sources : PNUD, 2010 et PRB, 2010 On peut aussi s’interroger sur le sens du lien : l’Afrique est-elle pauvre parce que sa croissance démographique est forte ? Ou la croissance démographique est-elle forte parce que l’Afrique est pauvre ? Pour répondre à cette question, interrogeons-nous sur les causes d’un maintien de la forte fécondité dans un certain nombre de pays africains. Au niveau macro comme au niveau micro, le niveau de richesse ou de développement 4 Prenons l’exemple du Bénin : tenant compte du fait que ce sont généralement les fils, et non les filles, qui prennent en charge les parents âgés et tenant compte du niveau de mortalité observé aujourd’hui, il faut qu’un couple mette au monde en moyenne 6 enfants pour être assuré d’avoir deux fils qui vont survivre jusqu’à l’âge de 50 ans et pourront donc les aider au cours de leur vieillesse. Le niveau de fécondité de 5,7 enfants par femme observé au Bénin en 2006 apparaît tout à fait rationnel. morbidité et la mortalité sont fortes, nombre d’adultes se retrouvent dans l’incapacité de travailler, les revenus sont irréguliers et faibles pour une majorité de la population, les activités agricoles très dépendantes des aléas climatiques ou environnementaux…et ces risques ne s’atténuent pas : crises économiques et changements climatiques rendent le contexte de plus en plus incertains pour les familles africaines. Autant de raisons qui peuvent justifier que la fécondité reste élevée : les couples ont besoin d’une descendance nombreuse pour survivre. A ce fait, s’ajoute la très forte mortalité infantile : la moitié des pays d’Afrique Subsaharienne ont une mortalité infantile supérieure à 80 pour 1000. En Guinée Bissau et au Tchad, elle est même supérieure à 120 pour 1000 : sur 1000 enfants nés vivants, 120 décéderont avant leur premier anniversaire. Les couples intègrent cette donnée dans leur choix de fécondité, ils savent que s’ils veulent avoir des enfants survivants lorsqu’ils en auront le plus besoin, c’est-à-dire lorsqu’eux-mêmes seront âgés, il faut que leur descendance soit nombreuse. Au niveau du continent, il y a une forte corrélation entre niveau de fécondité et mortalité infantile (Figure 3). Croissance démographique et développement économique : peut-on conclure ? Aujourd’hui, les niveaux élevés de fécondité s’expliquent très bien par le contexte sanitaire, institutionnel et économique de l’Afrique subsaharienne. Sans exclure totalement le fait que dans certaines conditions une forte croissance démographique peut ralentir le développement économique, il est évident que l’absence de développement explique les forts niveaux de fécondité. La mise en œuvre de programmes de planification familiale peut-elle alors être moteur de la baisse de la fécondité ? Il est indiscutable que tous les couples qui souhaitent limiter ou espacer les naissances doivent avoir facilement accès à des méthodes contraceptives de qualité et les femmes à des services de santé maternelle (suivi des grossesses, accouchement médicalisé, etc.) mais il est aussi vrai que multiplier les services de planification familiale n’a jamais fait baisser la fécondité. Il ne suffit pas de rendre accessible la contraception pour que les couples l’utilisent et l’histoire démographique de l’Europe montre bien que la fécondité peut diminuer en l’absence de programme de planification familiale. La fécondité diminue en France au début du 18ième siècle pour atteindre rapidement 3 enfants par femme à un moment où la contraception médicalisée, moderne et efficace n’existe pas. L’Afrique reste le continent ou la fécondité est la plus élevée non pas parce que les couples éprouvent des difficultés à avoir accès à la contraception mais parce qu’ils souhaitent avoir « beaucoup » d’enfants pour tout un ensemble de raisons (so- Figure 3 Taux de mortalité infantile et ISF Afrique Subsaharienne pour 43 pays d’Afrique subsaharienne Données disponibles en 2010 8 lSF 6 4 2 Coefficient de corrélation : O,79 0 0 50 100 150 Taux de mortalité infantile (p. 1000) Sources : PNUD, 2010 et PRB, 2010 5 ciale, économique, etc.) dont certaines ont été évoquées précédemment. Selon l’enquête démographique et de santé de 2006, les femmes mariées (15-49 ans) au Bénin souhaitent en moyenne 5,2 enfants, les hommes (15-64 ans) en veulent 6,9. Pour le Mali, les chiffres sont respectivement de 6,4 et 8,4 et pour la République Démocratique du Congo, de 6,8 et 8,0 (EDS, 2006). La demande en enfants peut difficilement diminuer en l’absence de développement : le plus souvent, la réduction du nombre d’enfants souhaités est la conséquence d’une modernisation des structures socio-économiques, d’une augmentation du coût des enfants et de la mise en place de mécanismes d’assurance publics ou privés (assurance maladie, retraite, invalidité…) qui déchargent les enfants de leurs fonctions assurantielles. Les trois derniers recensements (INSAE, 1979, 1992, 2002), montrent que la population du Bénin est passée de 3 331 210 habitants en 1979 à 4 915 555 en 1992 et à 6 769 914 en 2002 avec un taux de croissance intercensitaire de 2,8% entre 1979 et 1992 et de 3,2% entre 1992 et 2002. Figure 4 Evolution de l’effectif de la population au Bénin (1910-2002) 8 000 000 7 000 000 6 000 000 5 000 000 4 000 000 3 000 000 2 000 000 1 000 000 0 Comment ceci peut-il s’appliquer au Bénin ? Après avoir fait un rappel de la situation démographique béninoise, nous verrons pourquoi le secteur de la santé et celui de l’éducation sont au centre de la question du lien entre croissance démographique et développement telle que nous venons de la développer. 1910 1930 1950 1970 1990 2010 Sources : Recensements et enquête démographique de 1961 La croissance démographique du Bénin s’explique par l’effet conjoint du maintien d’une forte fécondité et de la baisse de la mortalité. En 2006, l’indice synthétique de fécondité est de 5,7 enfants par femme. Après une légère baisse (de 7,1 en 1982 à 5,7 en 2006), le niveau de fécondité stagne depuis 2001. Les progrès en matière de mortalité sont eux flagrants : l’espérance de vie à la naissance est passée de 42 ans en 1979 à 62 ans en 2010. De même, le niveau de la mortalité des enfants (entre 0 et 5 ans) a diminué au cours des 15 dernières années, passant de 151‰ en 1991-1996 à 125‰ en 2001-2006. Toutefois la mortalité des très jeunes enfants reste élevée. Durant la période la plus récente (2001-2006), sur 1 000 enfants qui naissent, 67 décèdent avant d’atteindre leur premier anniversaire. Forte fécondité et mortalité encore élevée expliquent que la population du Bénin soit « jeune » : 53% des Béninois ont moins de 18 ans. La croissance démographique au Bénin Plusieurs sources permettent de retracer l’évolution démographique au Bénin: les recensements administratifs de l’époque coloniale, l’enquête démographique par sondage de 1961, les recensements de 1979, 1992, 2002, l’enquête sur la fécondité de 1982, et les EDS (Enquêtes Démographiques et de Santé) de 1996, 2001 et 2006. Entre 1910 et 1956, l’effectif de la population du Bénin est multiplié par deux : de 878 000 à 1,73 millions d’habitants. La croissance démographique est alors relativement lente, la mortalité reste élevée. On observe après 1960 une accélération du rythme de croissance démographique : alors que le nombre d’habitants avait doublé entre 1910 et 1956 (soit 46 ans), elle quadruple entre 1956 et 2002 (soit le même pas de temps, 46 ans). 6 pressions sur les ressources naturelles, les dépenses publiques improductives (logement, éducation, santé, etc.), etc. A l’inverse, d’autres soulignent les effets positifs de la croissance démographique : économies d’échelle, spécialisation, pression démographique permettant l’innovation, etc. Des travaux empiriques ont apporté une certaine confirmation d’une association positive entre la densité de population et l’adoption de techniques de production avancées (Easterlin, 1996 ; Gastineau, Sandron, 2006). Même si la croissance démographique elle-même a des effets négatifs sur la productivité économique, l’amélioration de la santé et le recul de la mortalité et de la morbidité (qui sont à l’origine de la croissance démographique) peuvent avoir des effets compensateurs : diminution du nombre de jours perdus pour les travailleurs, meilleur productivité du travail agricole, meilleur résultat scolaire des enfants, etc. Une étude a montré que dans une région du Pakistan Oriental la lutte contre le paludisme avait permis non seulement de faire baisser la mortalité infantile mais aussi de faire augmenter la production de riz de 15% sans aucune amélioration des techniques de production (Easterlin, 1996). Au Bénin où l’agriculture est peu mécanisée et occupe une grande partie de la population active, le besoin en « bras », en maind’œuvre est jusqu’à aujourd’hui important. Ce besoin est d’autant plus important que les actifs en incapacité à travailler (pour des raisons de santé) sont nombreux. Figure 5 Pyramide des âges du Bénin en 2010 Source : INSAE, Projections révisées des données du RGPH3, 2009 Perspectives de développement et perspectives démographiques au Bénin L’inertie démographique fait que le Bénin connaitra encore dans les décennies à venir une forte croissance démographique. En 2030, le Bénin devrait dépasser les 15 millions d’habitants. L’effectif de la population active à l’horizon final de 2030 serait quatre fois supérieur à celle de 2003 (INSAE, 2009). Le rapport de dépendance (nombre de personnes à charge pour 100 personnes économiquement actives) devrait diminuer de 102 en 2002 à 86 en 2030. La croissance démographique depuis 1950 et celle à venir sont-elles des obstacles au développement du Bénin ? Il est difficile d’apporter une réponse ferme et définitive. L’association à long terme entre croissance démographique et croissance économique fait apparaître aussi bien des périodes de relation positive que des périodes de relation négative. L’évolution économique du Bénin est liée à tout un ensemble de facteurs qui dépassent de beaucoup les questions de démographie : crise financière mondiale, environnement économique régional, cours des matières premières, etc. Dans le débat sur le lien entre dynamique démographique et développement, une position intermédiaire serait de dire que plus que la quantité de population ce qui doit être considérée c’est la qualité de la population. Peu importe le nombre et la rapidité de la croissance de la population pourvue qu’elle soit en mesure de contribuer au développement de son pays, et donc à l’amélioration de son bien être (alimentation, accès à l’eau potable, à la santé, à l’éducation). C’est en mettant l’accent sur la qualité de la population que l’on permet le développement qui doit rester le but ultime et non pas la limitation de la croissance démographique. Toutefois, certains considèrent que le fort taux de croissance démographique réduit les opportunités de croissance économique en augmentant les 7 santé et dans l’éducation, s’il n’a pas pour objectif premier la baisse de la fécondité y contribue à long terme. Il ne s’agit plus de s’inquiéter du nombre croissant d’enfants à scolariser mais de faire de l’éducation une priorité car bien formées, les futures générations faciliteront le développement économique de leur pays et pourront ainsi par les richesses créées financer l’éducation des générations qui les suivront. L’amélioration du niveau d’instruction dans une population favorise les progrès scientifiques, l’innovation technologique, la mobilité, mais aussi l’esprit d’entreprise, etc. Les récentes réformes de l’enseignement au Bénin (gratuité depuis 2006) ont permis une hausse du taux de scolarisation à l’école primaire mais il reste beaucoup à faire et les effets ne seront visibles que dans quelques années. A l’inverse, un ralentissement même rapide de la croissance démographique en l’absence d’amélioration des secteurs de l’éducation et de la santé ne permettra pas automatiquement un développement économique rapide. Conclusion La question du lien entre démographie et développement anime toujours la communauté scientifique et politique. Il convenait dans ce Bulletin de rappeler que la question est complexe et que les affirmations simplistes (la croissance démographique est un frein au développement) doivent être évitées. Limiter la croissance démographique nécessite souvent des progrès substantiels en matière de développement et vice-versa…Les politiques de population qui ont été les plus efficaces sont celles qui ont été intégré totalement dans des politiques plus vastes de modernisation, de promotion du statut de la femme, etc. Il en est de même pour la santé. Point de développement sans un recul spectaculaire de la mortalité et de la morbidité qui passe par un accès pour tous à des soins de santé de qualité et ce à un coût supportable par les individus. Ceci nécessite des systèmes d’assurance privés ou publics. Mécaniquement, l’universalisation de l’éducation et l’accès à la santé fait diminuer la croissance démographique. Toutes les politiques qui favorisent le développement économique et conduisent au renforcement de l’éducation, à l’amélioration de la santé, à la hausse des revenus individuels et à la baisse de la pauvreté sont associées à un déclin de la fécondité, même s’il ne s’agit pas de leur objectif principal (Perkins et al., 2008). Ainsi, par exemple, l’éducation accrue des filles conduit ces futurs mères à accéder à des emplois mieux rémunérés et qui permettent plus d’autonomie aux femmes. Le coût d’opportunité du temps des mères augmente et entre en concurrence avec l’éducation des enfants. Les femmes n’ont plus besoin d’une descendance nombreuse pour être valorisées. De même la réduction de la mortalité infantile et celle des adultes donne aux parents l’assurance que les enfants nés vivants pourront effectivement le rester jusqu’à l’âge adulte. Les couples choisiront de faire donc moins d’enfants. Ainsi, l’investissement dans la La question est cruciale pour le Bénin dont la croissance démographique est l’une des plus rapides du continent africain. Quels secteurs doivent être priorisés pour assurer un développement socio-économique et une amélioration de la qualité de vie des individus ? Quel doit être le contenu d’une politique de population ? Aucune réponse ne peut être donnée sans une analyse approfondie du contexte : les questions de démographie et à plus forte raison celles qui touchent à la procréation, à la contraception, aux relations entre les hommes et les femmes sont à considérer au regard d’un ensemble de facteurs certes économique mais aussi social, culturel, historique, géographique. Des recherches pointues sur le lien entre population et développement à l’échelle du pays mais aussi de la sous région sont à encourager. 8 Références bibliographiques Chasteland J. C. 1997. De la fin de la seconde guerre mondiale à la Conférence du Caire : la communauté internationale face au problème de la croissance de la population mondiale. In Chesnais J.C. La population du monde : enjeux et problèmes. Travaux et documents. Cahier n°139. PUF/INED : 588-617. Easterlin R. 1996. La croissance triomphante. Une perspective historique sur le XXIe siècle. Nouveaux Horizons. 208p. Gastineau B., Sandron F. 2006. 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Perkins D.H., Radelet S., Lindauer D.L. 2008. Economie du Développement. Editions De Boeck : 985p. PNUD 2010. Rapport sur le développement humain. UNDP. www.undp.org PRB 2010. Fiche de données sur la population mondiale. Washington. Population Bureau Reference. www.prb.org Tabutin D., Schoumaker B. 2004. La démographie de l'Afrique au sud du Sahara des années 1950 aux années 2000. Population, 3 (59) : 521-622. Vimard P., Fassasi R. 2010. Changements démographiques et développement durable en Afrique. Document de recherche n°18. Laboratoire Population-Environnement-Développement. Marseille : 48p. www.lped.org 9 Un mot, une histoire Espérance de vie L’espérance de vie, comme son nom l’indique est la moyenne du nombre d’années vécues par un groupe d’individus. C’est donc la moyenne des âges au décès de la population d’un pays, d’une région une année donnée ou une génération donnée. Généralement on calcule l’espérance de vie à la naissance mais on peut aussi calculer l’espérance de vie à un âge particulier : l’espérance de vie à un an par exemple (le nombre d’années vécues en moyenne par les individus survivants à un an). L’espérance de vie est un excellent indicateur de l’état sanitaire d’un pays et d’une population. Dans les contextes où la mortalité des enfants est élevée, l’espérance de vie ne peut être que faible. Les données les plus récentes montrent que 15 pays ont encore une espérance de vie inférieure à 50 ans (Afghanistan, Tchad, Guinée Bissau, Mozambique, Swaziland, Lesotho, Nigeria, Angola, RDC, Zimbabwe, Mali, République centrafricaine, Sierra Leone, Zambie). Les causes sont multiples : des systèmes de santé particulièrement défaillants, des conflits, des fortes prévalences du Sida, etc. En Afrique subsaharienne, si on exclut le Cap vert et l’Ile Maurice, c’est le Togo qui affiche la meilleure situation avec une espérance de vie de 63,3 ans….soit 20 ans de moins que le Japon qui détient le « record » de longévité. Vingt-trois pays ont une espérance supérieure ou égale à 80 ans. La Petite Guerre eut ses origines en un été troublé vers la fin des années Soixante. La Jeunesse alors essaya sa force. On vit des occupations de locaux, des manifestations d’étudiants. Vers mille neuf cent soixante-dix, 75 pour cent de la population du globe avait moins de vingt et un ans. La population ne cessa d’augmenter, et avec elle, le pourcentage de la jeunesse : 79,7 pour cent en 1980. 82,4 pour cent en 1950. En l’An 2000 : masse critique Logan’run a été adapté au cinéma en 1976 (en français : L’Age de Cristal) Ainsi commence Logan’s Run, un roman écrit en 1967 par deux jeunes auteurs de science fiction : William F. Nolan et Geoges Clayton Johnson. Le roman décrit une société totalitaire (en 2116) qui après avoir connu à la fin du 20ième siècle, une période de famine pendant laquelle les « hommes se reproduisait comme des bouillons de culture » impose une régulation démographique drastique : l’espérance de vie est limitée à 31 ans. Tous les individus qui atteignent cet âge doivent se soumettre au « Profond sommeil ». La majorité de la population accepte cette règle : « Le système a raison, je le sais. La terre ne peut nourrir qu’un certain nombre d’hommes. Il faut bien qu’il y ait un moyen d’empêcher la population de s’accroître. ». Toutefois, quelques-uns résistent, des fugitifs qui ont entendu dire qu’un homme pouvait vivre jusqu’à 70 ans…parmi lesquels Logan le héro de ce roman. Nolan et Johnson 1967. Logan’s Run. Dial Press New York Traduit en français en 1969 aux Editions Denoël Paris, sous le Titre Quand ton cristal mourra 10 Appels à contribution Santé de la mère et de l’enfant au Maroc L’université Cadi Ayyad (Marrakech, Maroc) et le Laboratoire Population-Environnement-Développement (IRD, France) organisent des Journées scientifiques internationales sur le thème : Santé de la mère et de l’enfant au Maroc. Progrès récents et nouveaux enjeux nationaux et régionaux. Les différents thèmes proposés par cet appel sont : les tendances et les progrès de la santé de la mère et de l’enfant ; la santé de la mère et de l’enfant, inégalités et vulnérabilités ; la santé de la mère et de l’enfant et maladies de société ; la santé de la mère et de l’enfant, IST et VIH/sida ; l’impact des programmes et services de santé maternelle et infantile ; les nouvelles stratégies de santé materno-infantile. Les résumés doivent être envoyés avent le 30 mai 2011. Pour tout renseignement complémentaire, veuillez contacter : [email protected] Penser les masculinités Les Cahiers d’études africaines lancent un appel à contribution pour un numéro intitulé Penser les masculinités. Où sont les hommes en Afrique ? Partout, assurément, comme en rend largement compte la littérature en sciences sociales consacrée au continent. Rarement, pourtant, les hommes sont étudiés en tant que tels. Pendant longtemps, le point de vue observé et restitué par les chercheurs, bien que se donnant implicitement comme valable pour tous, était un point de vue principalement masculin. Le développement des études féministes puis des études de genre, à partir des années 1970, a permis de mettre au jour cette déformation androcentrique du regard et de la corriger à travers la multiplication des recherches sur les femmes. Ce faisant, il a en partie maintenu dans l’ombre ce qui est longtemps resté un angle mort de la recherche en sciences sociales en Afrique : l’analyse des constructions de la masculinité. Dans ce numéro, les éditeurs souhaitent à la fois rassembler des études initialement conçues sous cet angle et inviter à s’interroger sur la masculinité ceux qui, se consacrant à des objets divers, enquêtent notamment auprès d’hommes. Les propositions d’articles (titre et résumé d’une page) sont à envoyer à Anne Doquet ([email protected]) et à Christophe Broqua ([email protected]) avant le 1er juin 2011. Sixième conférence Africaine sur la Population Nous vous rappelons que la sixième conférence Africaine sur la Population, organisée par l’Union pour l’Etude de la Population Africaine se déroulera à Ouagadougou (Burkina Faso) du 5 au 9 décembre 2011. Un appel à communication est en cours sur le thème « La population africaine : Passé, Présent et Futur ». Il est possible de soumettre des communications, des posters, des propositions d’atelier, d’expositions. Les soumissions sont faites en ligne sur le site web de la 6ème Conférence Africaine sur la Population, http://uaps2011.princeton.edu . Il est demandé aux auteurs de soumettre: un court résumé (150 mots) à charger en ligne; ou un résumé long (2-4 pages, tableaux inclus) ou une communication complète à charger sur le site web suivant les instructions disponibles en ligne. Les auteurs peuvent modifier leurs soumissions en ligne à tout moment jusqu’au 31 mai 2011. Toutes les informations sont disponibles sur le site de l’UEPA : http://www.uaps-uepa.org 11 Ressources en ligne Relations intergénérationnelles. Enjeux démographiques En 2010, l’Association des démographes de Langue française (AIDELF) avait réuni de nombreux spécialistes de population à Genève autour de la question des Relations intergénérationnelles. Enjeux démographiques. Les actes de ce sont dorénavant en ligne. http://www.aidelf.org/geneve-2010/actesgeneve2010.html Economie de la santé et vieillissement Le Collège des Economiste de la Santé a organisé le 8 février 2011 la 5ème conférence du cycle Economie de la santé et vieillissement sur le thème des Aidants, il a réuni plus de 100 participants. L’intégralité des interventions est accessible en ligne sur le site du CES. http://www.ces-asso.org Du Sud au Nord et du Nord au Sud Organisé par le Musée des Confluences de Lyon, dans le cadre du programme Confluences des Savoirs et l'Année du Mexique en France, Maria E. Cosio-Zavala, professeur de démographie à l'Université de Paris Ouest, a donné une conférence le 5 avril 2011 à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon: Du Sud au Nord et du Nord au Sud : frontières, sociétés, vies quotidiennes. Une video de cette conférence est disponible sur : http://www.museedesconfluences.fr/musee/conferences_colloques/confluence_savoirs/programme.php Perspectives de Population La division Population des Nations Unies vient de mettre à jour ses perspectives de population. Les données disponibles pour chaque pays couvrent la période 1950-2100. Les perspectives ont en effet été étendues jusqu’à l’année 2100. Une base de données est consultable à l’adresse suivante : http://www.unpopulation.or Les différentes facettes des crises sanitaires Le 12ème numéro de la revue Questions de Santé Publique vient de paraître. Il s'intitule Les différentes facettes des crises sanitaires". Vous pouvez le consulter sur l’adresse suivante : http://iresp.net/index.php?goto=valorisation&rub=pu Coordination : M. Amadou Sanni (Ceforp), B. Gastineau (IRD-LPED), S. Michozounnou (Ceforp). Centre de formation et de recherche en matière de Population Comité de lecture : A. Adjamagbo (IRD) M. Amadou Sanni (Ceforp), V. Delaunay (IRD) Communication, diffusion : L. Hinson (Ceforp), R. Saudegbee (IRD) Contact : [email protected] Ce numéro a été édité avec la collaboration de l’UNFPA 12