La salle I du Colisée reste désespérément fermée

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La salle I du Colisée reste désespérément fermée
14 SEPT 14
Quotidien
OJD : 171431
AVENUE JEAN BAYLET
31095 TOULOUSE CEDEX 9 - 05 62 11 36 93
Surface approx. (cm²) : 527
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La salle I du Colisée reste désespérément fermée
Dans « Les gens du Monde », Yves Jeuland plonge dans
la ruche du service politique du quotidien « Le Monde
», en pleine effervescence à l'approche des élections
présidentielles.
Pourquoi avoir voulu montrer le quotidien du « Monde » ?
C'est une proposition faite par un producteur, Folamour
Productions. Le genre de proposition qui ne se refuse pas.
« Le Monde », c'est le journal qu'on lisait à la maison. C'est
le journal où, comme me le disait une jeune journaliste, on
sent « le poids du gothique », le caractère d'imprimerie du
Monde. Et puis j'avais envie de voir comment se fabrique
l'information.
Et pourquoi avoir choisi précisément la campagne
presidentielle pour tourner ?
Elle arrivait à grands pas et j'ai toujours eu une passion
pour la politique. J'ai firme le s journalistes du service
politique du « Monde » dans cette période où l'information
transpire davantage. Il y a de la matière et des débats. Une
campagne, c'est un temps un peu hystérisé.
Comment êtes-vous parvenu à vous fondre dans le décor
pour que les acteurs oublient la caméra ?
En étant seul et le plus discret possible, le dispositif est
plus léger. A deux, c'est déjà une équipe. Avec un tournage
de soixante-huit jours étalés sur cinq mois on finit par
faire partie du décor. Et les journalistes dont les regards
caméra étaient trop insistants ne sont pas les acteurs
principaux du film.
Il n'y a aucun entretien « face caméra » avec les
journalistes ?
Non. Parce que je serais sorti du mode narratif du film.
Que cherchiez-vous à montrer ? Les rapports entre
journalistes et politiques ? La connivence ?
Non. J'ai suivi la campagne de François Hollande. Il y a
beaucoup de off avec les équipes de François Hollande.
Quand on lit des phrases telles que « On dit, dans
l'entourage du candidat... », cela peut être le candidat luimême qui a donné l'information mais ne veut pas qu'on
le sache. Il y a le tutoiement aussi, des rapports parfois
un peu plus détendus ; ce sont les us et coutumes de la
presse. Un drôle de manège, parfois, entre journalistes et
politiques, mais nécessaire à l'information du public. Mais
ce n'est pas ça que j'ai fumé. J'ai gardé les contrechamps,
qui m'intéressent plus. Ce n'est surtout pas un film
d'actualité ou un film de révélations mais un film sur
des hommes et des femmes qui travaillent sur l'actualité.
Dans un quotidien, surtout dans le temps hystérisé d'une
campagne, il y a beaucoup de futilité, d'informations
périssables. Ils rendent leur copie tous les jours, moi non.
Quel sentiment, quelle impression cela a-t-il provoqué
chez vous ?
Parfois un sentiment de vertige. Même après le bouclage,
il y a les blogs, les tweets, le live... Arnaud Leparmentier
dit que « Le Monde c'est l'empire espagnol : le soleil
ne se couche jamais ». J'ai vu les journalistes dans
cette essoreuse de l'information. Dans l'accélération de
l'information. Ils sont dans la roue du hamster.
L'inverse du documentaire en somme...
La difficulté de faire le film résidait là, dans le fait d'être au
cœur de ce réacteur où on manque de distance. Le montage
a donc été important.
Cette accélération de l'information dont vous parlez, estee un bien ou un mal, selon vous ?
Pour moi qui suis un peu influence, par nature et par mon
travail, par l'école de la lenteur, j'aurais tendance à dire
que c'est un mal. Dans l'actualité on voit des épisodes de
24 heures, 36 heures, une information chasse une autre...
Il y a une angoisse : qu'est-ce qu'il reste de tout ça ? Même
si comme tout le monde je me suis fait un peu manger par
Facebook, je ne suis pas sur Twitter, je suis attaché à l'idée
du papier. Je découpe des articles, je suis plutôt du style
à garder les journaux.
Outre cette accélération, la presse connaît une autre
constante aujourd'hui : ses difficultés économiques. Ontelles une incidence sur le contenu du journal, les choix
éditoriaux ?
Le sujet est présent dans les conversations mais cela
ne se traduit pas dans le contenu. Avec la baisse de la
vente au numéro, la notion d'audience de plus en plus
importante, les journalistes se posent des questions, u y a
une inquiétude.
Entre « Le Monde » d'aujourd'hui et celui de votre enfance,
le journal a changé. Quel rapport au « Monde » aviez-vous,
enfant ou adolescent ?
« Le Monde », c'est le journal que lisaient et lisent
mes parents. À la maison, il y avait « Le Monde » et «
L'Indépendant ». Et « La Dépêche » chez mes grandsparents, à Toulouse. La maquette du « Monde» était plus
austère qu'aujourd'hui, il n'y avait pas de photos. Je lisais
plus le journal local, plus proche. Je reconnaissais les
gens. Le journal, finalement, ça fait partie des objets du
quotidien, ça imprègne votre mémoire au même titre que
la boîte de « Tonimalt ». Alors forcément, quand on m'a
proposé ce film, j'ai pensé à mon grand-père, à mes
parents...
Dans « Les gens du Monde », vous plongez une nouvelle
fois dans la politique. D'où vous vient cette passion ?
C'est plus une passion pour l'élection que pour la politique.
Il y a une dramaturgie naturelle dans une élection. Les
campagnes, les affiches, les débats, et le jour du vote,
l'isoloir, le dépouillement... En 1974, j'avais 6 ans. On
habitait à La Conte. On avait reçu les professions de foi des
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candidats. J'avais fait mon choix : Jacques Chaban-Delmas,
au grand dam de mes parents.
L'idée d'un engagement en politique ne vous a-t-il jamais
traversé l'esprit ?
Si, bien sûr ! D'abord par le milieu associatif, à Carcassonne
où j'ai créé l'antenne de SOS Racisme. Au lycée PaulSabatier ensuite. On a mis le lycée en grève, j'ai été militant
comme mes parents. Mon père faisait partie du Comité
antinucléaire, il a été responsable CFDT à Carcassonne.
Et puis plus tard, en Alsace où j'ai travaillé, je me suis
présente à des élections cantonales. Il s'en est fallu de peu
que je gagne. La vie a fait que je parte à Paris où je suis
devenu réalisateur de documentaires, un peu par hasard.
Sans être militants, peut-on dire de vos documentaires
qu'ils sont engagés ?
Oui, citoyens, engagés. Je ne veux pas faire de cinéma
militant, je n'aime pas trop ça. fl y a une subjectivité dans
mes films mais il y a une autre voie que celle de Michael
Moore. Je n'aime pas trop les films qui disent au spectateur
qui sont les bons et qui sont les méchants. Tourner des
documentaires, c'est souvent une question de distance.
Distance entre le fumeur et le filmé, mais aussi entre le
film et le spectateur. J'aime bien l'idée de sortir d'un film
en ayant plus de questions que de réponses.
Propos recueillis par
Jean-Louis Dubois-Chabert
Mercredi, le film d'Yves Jeuland sera projeté deux fois, à
1 8 h l 5 e t 2 1 heures. La raison ? La magnifique salle I,
d'une capacité de 220 places (sans compter les balcons) est
toujours fermée et les travaux de mise aux normes ne sont
toujours pas réalisés. « J'en suis triste. Depuis trois ans,
chaque fois que je reviens à Carcassonne je le regrette »,
dit le réalisateur lui-même dont le film sera donc projeté
dans la salle 2, d'une capacité de 135 places.
Le bras de fer entre Cap Cinéma et la ville dure depuis
des années quant à la prise en charge du coût des travaux.
La demande de rendez-vous avec la nouvelle municipalité,
lancée après les élections par Philippe Dejust, le patron
de Cap Cinéma est restée lettre morte. Ce qui pose une
nouvelle fois la question de l'avenir du Colisée, seul cinéma
du centre-ville (dans une roborative double interview
fleuve à « La Dépêche du Midi », le maire, Gérard Larrat a
définitivement écarté l'hypothèse que l'Odeum redevienne
un cinéma). « Dommage ! regrette Alain Bouet, des Amis
du Cinoch'. L'an dernier, on a été obligés de refuser plus
de 100 personnes pour la venue de Gérard Mordillât. Il y
a un public pour le cinéma d'Art & Essai. Le 3 août, pour
Winter Sleep, un film de 3 h 16, palme d'or 2014 à Cannes,
il y avait 96 spectateurs ».
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