Maladie de Fahr associant démence et mouvements choréiques

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Maladie de Fahr associant démence et mouvements choréiques
FAIT CLINIQUE
Maladie de Fahr associant
démence et mouvements choréiques :
cas clinique et revue de littérature
Fahr’s Disease with dementia and chorea:
a case report and review of literature
Claire VANHAECKE COLLARD1, Daniel PARRA1, André DARTIGUEPEYROU1
RÉSUMÉ __________________________________________
SUMMARY ________________________________________
La maladie de Fahr associe classiquement des troubles
cognitifs et/ou psychiatriques à des anomalies motrices de
type parkinsonien, ataxique ou choréique. L’âge habituel
au moment du diagnostic est autour de 40-50 ans, mais
nous rapportons ici le cas d’une patiente chez qui le
diagnostic a été posé à 97 ans devant l’association d’une
démence, de mouvements choréiques et d’images de calcifications cérébrales typiques au scanner cérébral.
Fahr’s disease commonly associates cognitive and/or
psychiatrics symptoms with movements disorders as
parkinsonism, ataxia or chorea. Patients are usually
diagnosed between the ages of 40 and 50 years old but
we report the case of a patient diagnosed at the age of
97 who presented dementia, chorea and typical cerebral
calcifications on the computerized tomography.
Rev Geriatr 2015 ; 40 (5) : 293-6.
Mots clés : Maladie de Fahr - Calcification des
ganglions de la base - Chorée - Troubles de la marche Démence
L
Keywords: Fahr’s disease - Basal ganglia calcification Chorea - Gait disorders - Dementia
a maladie de Fahr est une pathologie associant des calcifications des ganglions de la base à des tableaux neurologiques et/ou psychiatriques très variés. Les patients
peuvent en effet présenter une symptomatologie très hétérogène comportant par exemple des crises comitiales, des
céphalées, des tableaux ataxiques ou choréiques, des troubles
de la marche, des démences ou des tableaux psychotiques.
L’âge au moment du diagnostic se situe habituellement
autour de 40-50 ans et il est donc rarement porté au sein
de la population gériatrique, bien que plusieurs cas aient été
décrits chez des patients gériatriques(1). Nous rapportons ici
le cas d’une patiente, relativement isolée sur le plan médicosocial, chez qui le diagnostic a été porté très tardivement, à
97 ans, devant une démence, des mouvements choréiques
et des images typiques de calcifications intracrâniennes au
scanner cérébral.
1 Service de Court Séjour Gériatrique, Centre Hospitalier Alpes Léman, 558 route
de Findrol, BP 20500, 74130 Contamine-sur-Arve, France.
Auteur correspondant : Docteur Claire Vanhaecke Collard, Service de Court Séjour
Gériatrique, Centre Hospitalier Alpes Léman, 558 route de Findrol, BP 20500,
74130 Contamine-sur-Arve, France.
Courriel : [email protected]
Article reçu le 08/03/2015 et accepté le 29/04/2015.
© La Revue de Gériatrie, Tome 40, N°5 MAI 2015
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Maladie de Fahr associamence et mouvements choréiques : cas clinique
Fahr’s Disease with dementia and chorea: a case report
Figure 1 : Calcifications bilatérales et symétriques du cervelet et des ganglions de la base.
Figure 1: Bilateral and symetrical calcifications of the basal ganglia and cerebellum.
CAS CLINIQUE ____________________________
Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 97
ans hospitalisée dans le service de court séjour gériatrique pour une impotence fonctionnelle douloureuse du
membre inférieur droit en lien avec une radiculalgie liée à
de l’arthrose lombaire. Les antécédents de cette patiente
sont marqués par des thromboses veineuses profondes des
membres inférieurs répétées, une hypertension artérielle,
une probable polyarthrite rhumatoïde et une fracture de
la malléole interne secondaire à une chute il y a 7 ans.
La patiente est traitée de façon habituelle par amlodipine, inhibiteur de la pompe à protons et supplémentation vitamino-calcique (l’observance médicamenteuse est
douteuse). La patiente est une ancienne agricultrice, qui vit
dans une ferme assez reculée avec un isolement médico-social marqué.
En dehors de la radiculalgie qui a motivé l’admission de la
patiente, l’examen clinique d’entrée retrouve des troubles
cognitifs assez marqués mais jamais explorés auparavant,
avec un score de MMSE coté à 11/30. La totalité des
fonctions explorées par le MMSE étaient déficitaires. La
sévérité des troubles cognitifs ne permet pas de pousser les
investigations avec un bilan neuropsychologique complet.
Il existe également une marche rendue très difficile par des
mouvements d’allure choréique et des troubles de l’équilibre
sans syndrome cérébelleux ou vestibulaire. L’ancienneté de
ce tableau neurologique est impossible à dater précisément
par l’interrogatoire de la patiente et de son entourage, mais
ce tableau semble assez ancien. La patiente se plaint par
ailleurs de céphalées importantes, dont le début est difficile à préciser, mais qui évoluent de façon chronique. La
pression artérielle est correctement équilibrée, il n’existe
aucun signe plaidant pour une maladie de Horton, en particulier pas de syndrome inflammatoire biologique (VS à
22 mm H1). Le bilan biologique (ionogramme sanguin,
fonction rénale, hépatique, bilan inflammatoire, numération
formule sanguine, albuminémie et dosages vitaminiques) est
sans grande particularité en dehors d’une atteinte modérée
de la fonction rénale (clairance estimée à 55 ml/min selon
le MDRD) et d’une hypoalbuminémie à 34 g/l. La calcémie,
la phosphorémie et la parathormone (PTH) sont normales.
Il existe une carence sévère en vitamine D (8 nmol/l).
Compte tenu du tableau neurologique présenté par la
patiente associant céphalées, mouvements choréiques,
troubles de la marche et atteinte cognitive, nous demandons un scanner cérébral qui retrouve des calcifications
symétriques intéressant les noyaux lenticulaires et les 2
hémisphères cérébelleux (Figure 1). Il n’existe pas lésion
ischémique constituée en dehors d’une leucoaraïose d’intensité modérée.
L’association des anomalies neurologiques, des céphalées, des images de calcifications cérébrales symétriques
et l’absence d’anomalie du bilan phosphocalcique et de la
PTH plaident pour une maladie de Fahr, dont l’originalité
tient en ce diagnostic très tardif.
DISCUSSION ______________________________
Ce qui allait devenir la maladie de Fahr a été décrit par
Delacour pour la première fois en 1850, comme étant des
calcifications vasculaires des ganglions de la base associées
à un tableau neurologique. La première publication par
Fahr date de 1930(2).
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Maladie de Fahr associant démence et mouvements choréiques : cas clinique
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Sur le plan physiopathologique, on retrouve effectivement
des dépôts de calcium mais aussi d’autres minéraux dans les
parois vasculaires ainsi que dans les espaces péri-vasculaires
au niveau cérébral, essentiellement dans les ganglions de
la base. Ces calcifications seraient à l’origine de l’atteinte
neuronale et gliale(3). Cependant, les mécanismes physiopathologiques exacts ne sont pas encore clairement élucidés.
Sur le plan génétique, on décrit classiquement cette
maladie comme autosomique dominante, mais des formes
autosomiques récessives et sporadiques ont également été
décrites. Le rôle du chromosome 14q est le plus fréquemment évoqué, mais des anomalies des chromosomes 8 et 2
sont parfois également rapportées(2).
Dans le cas de notre patiente, le tableau neurologique
incluait des mouvements choréiques associés à des troubles
de la marche et à une démence. L’âge moyen au diagnostic
est nettement plus jeune que celui de notre patiente et se
situe entre 40 et 50 ans. Le sexe-ratio est à 2/1. Actuellement, les critères diagnostiques de cette maladie sont
définis par :
- des calcifications bilatérales des noyaux de la base ;
- des troubles neurologiques d’installation progressive
incluant généralement des mouvements anormaux et/ou
des troubles psychiatriques ;
- l’absence d’anomalie évoquant un autre trouble métabolique ou mitochondrial, l’absence de cause infectieuse,
traumatique ou toxique et un contexte familial évocateur(3).
Les signes neurologiques les plus fréquemment retrouvés
sont des mouvements anormaux (incluant des mouvements choréiques, un tremblement, une dystonie, des
mouvements athétosiques et des dyskinésies), des troubles
cognitifs, des signes cérébelleux et des troubles du langage.
L’analyse de la littérature permet aussi de retrouver de l’épilepsie, des troubles de la marche, des signes pyramidaux et
des troubles psychiatriques. Les céphalées sont décrites de
façon habituelle(4). On retrouve également la description de
plusieurs cas présentant des troubles cognitifs et psychiatriques sans autre atteinte neurologique(1, 5, 6).
Dans notre cas, il était difficile d’exclure formellement la
coexistence d’une autre pathologie à l’origine des troubles
cognitifs. L’isolement médico-social ne permettait pas de
retracer précisément l’évolution des troubles et la sévérité
des déficits ne permettait pas de réaliser de façon fiable
et interprétable un bilan neuropsychologique complet. On
peut cependant affirmer que les troubles cognitifs étaient
apparus assez tardivement, la patiente étant restée relativement autonome à domicile jusqu’à un âge avancé.
Sur le plan paraclinique, l’imagerie met en évidence des calcifications des noyaux de la base, facilement visualisables par
un scanner cérébral. Ces calcifications sont symétriques et
touchent principalement les noyaux dentelés, les ganglions
de la base, les thalami et les centres semi-ovales. L’examen
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systématique des scanners cérébraux permet de mettre en
évidence des calcifications cérébrales chez 0,3 à 1,5 % des
patients en dehors de tout contexte de maladie de Fahr, et
ce d’autant plus chez les sujets âgés. Mais la localisation
de ces dernières, leur caractère symétrique et l’association
à un tableau neurologique ou psychiatrique doivent faire
rechercher une maladie de Fahr(2).
Différents diagnostics différentiels existent et il convient de
les éliminer avant d’étiqueter un syndrome de Fahr comme
étant une maladie de Fahr. On retrouve des calcifications
cérébrales intracrâniennes dans les pathologies génétiques,
que ce soit des formes sporadiques ou familiales(3). Parmi
les causes de calcifications secondaires, on retrouve au
premier plan les anomalies du métabolisme phosphocalcique : l’hypoparathyroïdie (d’où le dosage systématique
de la PTH), la pseudo-hypoparathyroïdie et l’hyperthyroïdie. Parmi les autres causes de calcifications, on retrouve
les pathologies infectieuses comme la toxoplasmose, la
syphilis, la méningo-encéphalite, le virus Epstein Barr ou
les pathologies inflammatoires comme le lupus(2, 7). Diverses
intoxications telles que les intoxications au plomb ou au
monoxyde de carbone peuvent également donner des
tableaux similaires(2).
Dans le cas de notre patiente, aucune thérapeutique spécifique n’a été mise en place. De la quétiapine a déjà été
essayée dans la littérature sur les mouvements choréiques
survenant dans le cadre des maladies de Fahr(8). Cependant, le grand âge et la fragilité de cette patiente nous
ont poussés à ne pas mettre ce traitement en place. A ce
jour, aucune thérapeutique n’a montré de réelle efficacité
dans la prise en charge de ces patients. Le traitement est
le plus souvent symptomatique. Le syndrome parkinsonien
répond généralement assez peu à la dopathérapie. Les
signes psychiatriques nécessitent le plus souvent un traitement par antipsychotiques, mais on préfèrera dans ce cas
les antipsychotiques atypiques compte tenu de la fréquence
des syndromes parkinsoniens et des troubles de la marche
le plus souvent associés.
CONCLUSION _____________________________
La maladie de Fahr reste une entité rare dans la population âgée et ne doit pas être confondue avec les calcifications banales fréquemment retrouvées par l’imagerie.
L’existence d’un tableau neuro-cognitif et/ou psychiatrique
associé à des images cérébrales caractéristiques doit cependant alerter le médecin. A ce jour, l’absence de traitement
à l’efficacité prouvée limite cependant la prise en charge
proposée à ces patients.
n
Liens d’intérêts : les auteurs n’ont déclaré aucun lien d’intérêt concernant
cet article.
Maladie de Fahr associamence et mouvements choréiques : cas clinique
Fahr’s Disease with dementia and chorea: a case report
RÉFÉRENCES _____________________________________________________________________
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