Propositions pour la rédaction du compte rendu de coloscopie
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Propositions pour la rédaction du compte rendu de coloscopie
Acta Endosc. DOI 10.1007/s10190-014-0422-9 RECOMMANDATIONS / RECOMMENDATIONS Propositions pour la rédaction du compte rendu de coloscopie Proposals for Editing Colonoscopy Reports P. Pienkowski ∙ I. Joly‑Le‑Floch ∙ D. Heresbach ∙ J.‑M. Canard ∙ G. Lesur ∙ M. Robaszkiewicz ∙ B. Richard‑Molard et le Conseil d’administration de la SFED © Lavoisier SAS 2014 Le compte rendu d’endoscopie est une pièce essentielle du dossier médical à valeur médicolégale. Toute coloscopie doit donc faire l’objet d’un compte rendu écrit, descriptif et circonstancié, remis au patient à l’issue de l’examen ou, à défaut, envoyé dans les meilleurs délais. C’est une obliga‑ tion du praticien, le patient devant avoir accès à ces infor‑ mations (articles L.1111‑17 et R.4127‑45 CSP). Le compte rendu n’a pas vocation à faire double emploi avec les informations exhaustives contenues dans le dossier médical, notamment l’observation clinique, ou avec les élé‑ ments réglementaires des registres d’hospitalisation, cahier de bloc opératoire ou d’endoscopie, etc. Son rôle est de pré‑ ciser ce qui a été vu et fait, pourquoi, dans quelles condi‑ tions et le résultat [1]. Ce faisant, il doit être le reflet fidèle de l’ensemble de la procédure et contenir tous les éléments pertinents de l’examen, notamment les informations qu’un expert souhaiterait y trouver pour pouvoir se prononcer sur une éventuelle responsabilité du praticien. Le compte rendu doit rester concis et ne contenir que les éléments directe‑ ment liés à l’examen, le tout devant de préférence tenir sur une page. Les informations administratives, notamment celles relatives à la référence de la structure de soins et à l’identité du patient ne seront pas ici considérées. Les éléments à faire figurer sur le compte rendu sont de plusieurs ordres : contexte clinique, environnement tech‑ nique et description de l’examen. P. Pienkowski (*) Clinique du Pont-de-Chaume, 330, avenue Marcel-Unal, F-82017 Montauban cedex, France e-mail : [email protected] Contexte clinique Le praticien qui réalise l’acte dispose de son libre arbitre pour apprécier son indication et sa faisabilité. Si l’acte se révèle être à l’origine d’un dommage et s’il apparaît à l’analyse qu’il n’aurait pas dû être réalisé, le praticien ne pourra pas se décharger de sa responsabilité au détriment du seul prescripteur. L’indication de l’examen doit être mentionnée en clair de manière succincte. La HAS a établi des recommanda‑ tions pour l’endoscopie basse dont il faut tenir compte. En cas de complication, un examen non justifié pourrait être un élément à charge. Il en est de même lorsqu’une endoscopie haute est couplée à la coloscopie, et l’indication de ce second geste doit être précisée sur le compte rendu de l’endoscopie haute qui doit être distinct. Certaines circonstances particulières doivent être men‑ tionnées, surtout si elles sont à l’origine de difficultés poten‑ tielles lors de la réalisation de l’examen : ●● patient sous anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire : il convient de préciser si le traitement a été interrompu, si un relais a été fait ou si l’examen a lieu sous traitement ; ●● prescription d’une antibioprophylaxie sans détailler obli‑ gatoirement le protocole, en se référant aux recomman‑ dations actualisées de la SFED [2] ; ●● examen réalisé dans le cadre de l’urgence ; ●● allergie au latex, il convient de préciser alors les mesures prises ; ●● comorbidités spécifiques : diverticulose connue, cica‑ trices de laparotomie, antécédent de radiothérapie, MICI, prise de corticoïdes… et d’une manière générale toutes les comorbidités susceptibles de constituer un facteur de risque du geste endoscopique ou de l’anesthésie. La juris‑ prudence invite à bien mentionner ces situations, notam‑ ment en cas de perforation colique. 2 Acta Endosc. Environnement technique de l’examen Niveau atteint L’identification des intervenants, nom du ou des endoscopiste(s), nom du médecin anesthésiste (et de l’infir‑ mier anesthésiste), nom de l’aide endoscopique, et l’identifi‑ cation du ou des endoscope(s) utilisé(s) sont indispensables. Les informations de ce type peuvent être retrouvées dans les registres de traçabilité des salles d’endoscopie. Des informations spécifiques peuvent toutefois figurer dans le compte rendu : la référence de l’appareil, éventuelle‑ ment la date de mise en service, la procédure de désinfec‑ tion. Lorsque la coloscopie est associée à une endoscopie digestive haute, les deux endoscopes utilisés (endoscope haut et coloscope) doivent être référencés individuellement. Ces mesures s’appliquent de la même manière aux endos‑ copes de prêt ou de démonstration. Les informations concer‑ nant le niveau de risque vis-à-vis des agents transmissibles sont déclarées sur un support spécifique et il n’est donc pas nécessaire de les faire figurer dans le compte-rendu. Si un endoscope est utilisé en dehors de son marquage CE (coloscopie avec un endoscope haut ou l’inverse), cette pratique ne peut se concevoir que dans l’intérêt particulier du patient et le motif doit en être clairement explicité. Le non‑respect de ces recommandations peut exposer le pra‑ ticien à des problèmes d’assurabilité en cas de dommage. L’objectif de l’examen doit être une exploration complète du côlon avec un taux d’atteinte du caecum le plus élevé possible, affirmé par la reconnaissance de la valvule iléo cæcale (voire son franchissement avec iléoscopie) et de la fossette appendiculaire. Le niveau de la progression doit être clairement explicité dans tous les cas avec référence aux repères anatomiques [4-6]. Description de l’examen L’objectif de l’examen est une exploration minutieuse, attentive et idéalement complète du côlon. De grandes dis‑ parités interopérateurs ayant été observées dans les études de dépistage avec un ratio de 1 à 3 pour le nombre d’adé‑ nomes réséqués, la qualité est un des enjeux majeurs de la coloscopie [3]. La qualité et la performance diagnostique sont au centre des procédures d’évaluation de la coloscopie, notamment dans le cadre du développement professionnel continu (DPC). Les informations d’ordre anesthésique sont colligées sur les documents ad hoc et n’ont pas lieu de figu‑ rer dans le compte-rendu de coloscopie. Type et qualité de la préparation La qualité de la préparation conditionne le résultat de la colos‑ copie ; elle doit être aussi parfaite que possible et évaluée pour chaque examen [4-7]. Il est fortement suggéré d’utiliser des scores chiffrés, notamment le score de Boston qui permet d’analyser la préparation au niveau des trois segments coliques (côlon ascendant, transverse, côlon gauche). Si la qualité n’est pas satisfaisante, il convient de le signaler et d’indiquer préci‑ sément le délai dans lequel une nouvelle coloscopie doit être réalisée (généralement dans les deux à trois mois). Durée de l’examen La minutie de l’exploration est un critère de qualité de l’examen conditionnant le taux de détection lésionnel [8]. Le caractère minutieux de l’examen étant d’appréciation très subjective, certains ont proposé d’utiliser des para‑ mètres temporels de quantification comme le temps de retrait ou l’heure de début et de fin de l’examen, mais ces critères ont une valeur scientifique discutée. Les temps décrits dans la littérature sont des temps moyens par prati‑ cien et non des temps individuels par patient. Leur valeur statistique, observée pour certains groupes de patients, ne constitue pas un indicateur individuel. Le temps global d’examen qui figure généralement dans les registres de traçabilité dépend de nombreux paramètres (âge, condi‑ tions techniques de réalisation, urgence ou non, difficultés techniques, état antérieur…). Compte tenu de la nécessité d’adapter les conditions de réalisation de l’examen au cas particulier de chaque patient, il est difficile de recomman‑ der un temps minimum. En l’absence de consensus professionnel fort, il n’est pas actuellement possible de recommander l’indication systé‑ matique de la durée de l’examen dans le compte rendu (ce qui n’enlève rien à l’obligation de consacrer un « temps suf‑ fisant » à une exploration de qualité). Toute difficulté par‑ ticulière dans la progression (boucles, spasmes, tolérance anesthésique…) doit être signalée. Bilan lésionnel descriptif Le compte rendu proprement dit doit comporter les indica‑ tions suivantes [6,7] : ●● description des lésions, taille, topographie étendue, sémiologie élémentaire ; ●● mention des scores et classifications validés (classifica‑ tion de Paris des polypes et classification de Kudo, score de Rutgeerts…) ; ●● mention des difficultés, voire des échecs techniques et de leurs causes, si elles sont identifiées ; ●● gestes complémentaires à visée diagnostique : biopsie, coloration vitale, tatouage… ; Acta Endosc.3 gestes thérapeutiques réalisés : polypectomie, muco‑ sectomie avec une description détaillée des diffé‑ rentes étapes de la procédure, particulièrement utile en cas de complication secondaire, pose de clips en cas de complication… ; ●● en cas d’utilisation du plasma argon ou d’un insufflateur à CO2, il convient d’indiquer le débit et la puissance ; ●● prendre soin de noter la survenue d’une complication dont le diagnostic est fait lors de l’examen et le cas échéant la conduite immédiate adoptée. Les dispositifs implantables et les dispositifs à usage unique font l’objet d’une traçabilité rigoureuse sous la res‑ ponsabilité de l’établissement. Les références du « gros » matériel utilisé, comme les prothèses, ballonnets de dila‑ tation, kits de gastrostomie, peuvent être indiquées avec le nom du fabricant et le numéro de lot. ●● Cas particulier des coloscopies dans le cadre du dépistage organisé La démarche qualité propre au dépistage organisé, notam‑ ment l’analyse des indicateurs de résultats, nécessite un recueil de l’information le plus circonstancié possible [3]. Les éléments relatifs à la qualité de l’examen et à la des‑ cription exhaustive des lésions devant figurer sur un compte rendu de coloscopie (à adresser au centre de dépistage) sont les suivants : ●● qualité de l’examen : –– qualité de la préparation colique mesurée à l’aide d’un score quantitatif (type score de Boston) ; –– complétude de l’examen : préciser la cause d’un éventuel examen incomplet et indiquer l’examen complémentaire éventuellement envisagé ; ●● bilan lésionnel : –– cancer colorectal : topographie précise, franchissable ou non ; –– polypes : nombre et pour chacun individuellement : taille, morphologie, siège et type, et qualité de l’exérèse ; ●● complication immédiate éventuelle : hémorragie, per‑ foration ; ●● recommandations de suivi : retour au dépistage orga‑ nisé dans cinq ans si examen normal, date du prochain contrôle dans le cas contraire. Conclusion du compte rendu Elle doit être synthétique reprenant les données les plus pertinentes à prendre en compte sans rajouter d’élément nouveau. Elle peut le cas échéant suggérer un diagnostic lésionnel, tout en restant très prudente sachant que le dia‑ gnostic définitif précis est histologique. Une précédente recommandation préconisait la réalisa‑ tion de huit photos au cours des examens endoscopiques. L’iconographie constitue un critère de qualité supplémen‑ taire et un argument tangible en cas de problème médicolé‑ gal. La réalisation de photos est donc fortement conseillée, au minimum une photo du cæcum et une photo de toute lésion significative ou en cas de geste thérapeutique… Les photos doivent être identifiées et datées, elles peuvent être imprimées et remises au patient ou mémorisées dans le dossier médical informatisé personnel ou d’hospitalisa‑ tion, et il convient alors de mentionner sur le compte rendu qu’elles sont disponibles et sur quel support. Des recommandations pour le suivi immédiat et la sur‑ veillance à distance peuvent être formulées (date d’un éventuel prochain contrôle) en sachant qu’elles seront le plus souvent à nuancer en fonction des résultats histolo‑ giques définitifs. Des conseils quant à la conduite à tenir vis‑à‑vis d’un éventuel traitement anticoagulant ou antia‑ grégant peuvent être précisés sur le compte rendu ou joints à ce dernier. Addendum Les éléments qui précèdent ne sont pas des recom‑ mandations opposables, mais le fruit d’une réflexion d’experts de la SFED menée par la commission juri‑ dique en collaboration avec les professionnels du droit. Les avis exprimés s’appuient à chaque fois que possible sur des données cliniques validées ou des élé‑ ments de jurisprudence. La philosophie générale des propositions formulées ci‑dessus est de fournir un cadre minimal reprenant les principaux critères d’un compte rendu de qua‑ lité tout en restant pragmatique sur certains points moins consensuels. Ce document est mis à la disposition de la profession, mais chacun reste libre de personnaliser son compte rendu d’examen en fonction de ses modalités d’exercice et de sa pratique. Références 1. Letard JC, CA de la SFED. Recommandations de la SFED : le compte rendu d’endoscopie 2004. 2. Heresbach D, Vanbiervliet G. Recommandations pour l’anti bioprophylaxie en endoscopie digestive. Acta Endosc 2012;42: 150–3. 3. Bretagne JF, Hamonic S, Piette C, Manfredi S, Leray E, Durand G, et al. Variations between endoscopists inrates of detection of colorectal neoplasia and their impact on a regional screening program based on colonoscopy after fecal occult blood testing. Gastrointest Endosc 2010;71:335–41. 4 4. Kaminski MF, Regula JR, Kraszwenska E, Polkowski M, Wojciechowska U, Didkowska J. Quality indicators for colonos‑ copy and risk of interval cancer. N Engl J Med 2010;362:1795–803. 5. Lieberman DA, Faigel DO, Logan J, Mattek N, Holub J, Eisen G, et al. Assessment of colonoscopy quality: results from a multi center consortium. Gastrointest Endosc 2009;69:645–53. 6. Lee TJ, Rutter MD, Blanks RG, Moss SM, Goddard AF, Chilton A, et al. Colonoscopy quality measures from the NHS Bowel Scree‑ ning Programme. Gut 2012;61:1050–7. Acta Endosc. 7. Rex DK, Bond JH, Winawer S, Levin TR, Burt RW, Johnson DA, et al. Quality in the technical performance of colonoscopy and the continuous quality improvement process for colonos‑ copy: recommendations of the US Multi‑Society Task Force on Colorectal Cancer. Am J Gastroenterol 2002;97:1296–308. 8. Barclay RL, Vicari JJ, Doughty AS, Johanson JF, Greenlaw RL. Adenoma detection rate and colonoscopic withdrawal times during screening colonoscopy. N Engl J Med 2006;355: 2533–41.