Le Messager boiteux bien ancré
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Le Messager boiteux bien ancré
Veveyse et région Vendredi 23 septembre 2005 9 ALMANACH VEVEYSE ET RÉGION Le Messager boiteux bien ancré Véritable institution romande, imprimé depuis peu dans l’imprimerie Säuberlin et Pfeiffer à Châtel-St-Denis, Le Messager boiteux vient de publier sa 299e édition. Par ailleurs, l’homme qui l’incarne habite Jongny. Le Messager (qui ne boite pas du tout, celui-là!) est parti à la rencontre des principaux acteurs qui perpétuent cette tradition bientôt trois fois centenaire. Amateur de musique et de peinture, le rédacteur en chef du Messager boiteux Roger Simon Vermot respecte la longue tradition de l’almanach sans négliger les innovations. Frédéric Hausammann Roger Simon Vermot, rédacteur en chef du Messager boiteux depuis six ans, nous a reçu chez lui à la Sarraz. «Ça a toujours été comme ça, depuis la nuit des temps il y avait ces rubriques. On ne va pas déroger à la règle.» D’entrée de jeu, Roger Simon Vermot, rédacteur en chef du Messager boiteux, précise le cadre dans lequel il exerce son mandat: celui d’une institution bientôt trois fois centenaire. Fondé en 1707, l’almanach romand a publié ces derniers jours sa 299e édition, intitulée «Le véritable messager boiteux de Berne et Vevey pour 2006». «Notre ligne de conduite se résume en une phrase, explique Roger Simon Vermot: Ce qui d’hier, reste vivant jusqu’à aujourd’hui.» C’est à l’intérieur de ce cadre à la fois très large et très strict que les sujets doivent être choisis, ce qui de l’aveu du rédacteur en chef, n’est pas évident: «Il y a énormément de paramètres. Ce n’est pas facile de trouver des sujets qui respectent la ligne, d’une part, et il y a de nombreuses rubriques obligatoires, qui nécessitent beaucoup de travail.» Et Roger Simon Vermot, qui signe de son seul nom composé Simon Vermot, d’énumérer la liste de ces derniers. Etant un peu longue, nous ne saurions la reproduire ici de manière exhaustive, mais les 158 pages de l’ouvrage contiennent certes une foule de renseignements très variés et très fouillés. Le temps de l’année prochaine On ne pourrait tout d’abord oublier que le Messager boiteux est un almanach, et ☎ qu’il contient à ce titre les prévisions météorologiques pour l’année prochaine. «C’est un de nos hits, explique Simon Vermot. Les gens l’achètent beaucoup pour ça, pour les prévisions du temps.» Le rédacteur en chef croit-il à leur fiabilité? «C’est une bonne question, rit-il. Même si je fais ça, j’ai un certain recul. Je sais que ce n’est pas scientifique et donc sujet à erreur (même si les scientifiques se trompent aussi), mais c’est très étonnant: on tombe souvent juste. Au fond, comme je dis souvent, on a une chance sur deux.» Une mémoire de l’actualité Parmi les autres rubriques obligatoires, on trouve également les horoscopes, les éphémérides, les conseils jardiniers, la composition des gouvernements cantonaux, une liste des états et territoires officiels (fournie par le Département fédéral des affaires étrangères), un calendrier des foires ou encore la «grande planche», une séries de photos couleurs sur une page panoramique pliée au cœur de l’almanach. «Il s’agit de belles photos, d’un intérêt général, précise Simon Vermot. Elles sont si possible en rapport avec l’esprit du Messager boiteux: un peu ésotérique, artisanal et paysan.» En l’occurrence, l’édition 2006 contient des images d’anciens outils exposés au musée du bois d’Aubonne. On peut encore citer une recension des événements de l’année précédente. Cette dernière rubrique, réalisée par Simon Vermot, lui demande un gros travail: «Je lis tous les jours trois ou quatre quotidiens et je tape sur mon ordinateur ce qui m’intéresse, explique-t-il. Je fais ensuite une sélection.» Le même travail est effectué en ce qui concerne les événements sportifs. Toutes ces tâches pour le Messager boiteux représentent finalement un tiers du temps de travail de Simon Vermot. Journaliste depuis trente-cinq ans (il en a aujourd’hui 65), il a exercé sa profession d’abord comme indépendant puis dans diverses publications suisses comme l’Illustré, Coopération ou la Tribune de Genève. Il a pris la succession de Michel Zangger (qui fut rédacteur en chef du Messager boiteux durant trente-deux ans) il y a six ans, après avoir appris à ses côtés les particularités du poste durant trois ans. Quelque trente personnes (correspondants, photographes, dessinateurs, etc.) collaborent à la rédaction de l’almanach. Votre groupe, le Français Autajon, a repris Le Messager boiteux en 2002. Pourquoi? Denis Rohmer: Pour être présents sur les autres marchés européens, la Suisse en l’occurrence. Nous sommes maintenant présents en France, en Allemagne et en Suisse, et nous poursuivons une stratégie européenne. Le Messager boiteux ne représente qu’une petite partie de notre chiffre d’affaires, mais pour nous, c’est une question d’image de marque, de notoriété. Est-elle si remarquable? Le Messager boiteux est l’almanach le plus vieux d’Europe. Il existe depuis 1707 (et pas 1708, comme imprimé par erreur depuis les années 40-50), et nous en possédons tous les numéros. C’est une chance: tous les imprimeurs successifs se sont à chaque fois passés l’ancienne collection, que nous conservons dans un Amateur de musique, de peinture et de bandes dessinées (il est l’auteur du scénario d’une BD consacrée au 700e de la Confédération), le rédacteur en chef a déjà apporté sa marque en introduisant une nouvelle rubrique consacrée au 9e art: «J’essaye d’en faire une rubrique obligatoire, explique-t-il. Tout en visant les classiques.» Avec Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer) cette année, Popeye dans la dernière édition et Betty Boop pour la suivante, les amateurs de bulles traditionnelles seront servis. Dépositaire malgré ses nouveautés d’une longue tradition, Roger Simon Vermot s’efforce de la perpétuer, sans pour autant être écrasé par son poids symbolique: «Je fais ça avec beaucoup de plaisir, confiet-il. Travailler ici est un petit plus, une institution. Donc il ne faudrait pas que ça se casse la figure à cause de moi, ce serait lourd à porter.» Mais on n’en est pas là. Simon Vermot annonce déjà de nombreuses manifestations autour du 300e anniversaire du Messager boiteux, qui promettent d’être ambitieuses. On ne peut que souhaiter longue vie au futur tricentenaire. Frédéric Hausammann ☞ SERVICE: en vente en kiosque au prix de 11,80 francs. local anti-feu. Ce que le Messager boiteux personnalise, c’est la continuité, la tradition et la durée de vie. mots d’esprit sur les prévisions à une semaine qui étaient moins précises que les prévisions sur une année. Le connaissiez-vous avant que votre groupe ne le rachète? Je suis alsacien, donc non. Mais je dois dire que je m’y suis attaché, car il a une personnalité, ce n’est pas un produit standard. Contrairement aux autres produits que nous faisons d’habitude, par exemple des emballages, où il s’agit plutôt de réaliser ce que les clients ont créé, nous avons là une position d’éditeur, avec un aspect de création. Ce n’est pas le même plaisir. C’est quelque chose qui donne un supplément d’âme à notre activité ici en Suisse. C’est un plaisir et une fierté de travailler avec quelque chose d’aussi ancien et avec une telle notoriété, car on peut rarement dire dans le quotidien qu’on travaille sur un projet qui a 300 ans. Vous n’avez pas répondu… (Rire) Il faut garder une part de mystère… Une des raisons pour lesquelles il est acheté, ce sont les dates de plantation des légumes, etc. Et ça, c’est fiable, pour répondre indirectement à la question… Croyez-vous aux prévisions météo? Je me suis renseigné : l’almanach avait prévu la canicule en 2003. Ce qui fait qu’on a eu droit dans les médias à des Habitant de Jongny, Jean-Luc Sansonnens incarne le messager boiteux depuis la Fête des vignerons de 1999. Le Messager a rencontré ce père de famille très actif pour qui ce rôle réserve quelquefois des surprises. Mélomane et amateur de BD Dring dring à... Denis Rohmer, directeur du site de production de Säuberlin & Pfeiffer, à Châtel-St-Denis, où est fabriqué Le Messager boiteux. Un rôle qui n’est pas toujours évident Jean-Luc Sansonnens incarne cette vénérable institution qu’est le Messager boiteux en particulier pour soutenir les œuvres caritatives. Frédéric Hausammann «Le rôle de messager boiteux, c’est à la fois facile et pas facile.» Habitant de Jongny, Jean-Luc Sansonnens endosse depuis les préparatifs de la dernière Fête des vignerons (1999) les habits du célèbre personnage. Le but était tout d’abord de participer à la fête: «En ayant une jambe en moins, et habitant la région, je me suis dit que j’avais peut-être un poste assuré», rigole-t-il. Jean-Luc Sansonnens est en effet unijambiste, depuis un accident de moto en 1988. Mais cela ne l’empêche pas le moins du monde de mener une vie bien remplie: marié et père de trois enfants (de 3, 6 et 9 ans), il est actuellement conducteur de travaux et chef de chantier dans les domaines du bâtiment et du génie civil. Mais de là à mettre en avant son handicap, en jouant publiquement le rôle du messager boiteux, on peut constater peutêtre une importante évolution intérieure. «Quand j’ai perdu ma jambe, comme j’étais conscient durant tout l’accident, j’ai tout de suite tourné la page, répondil. La vie, c’est comme un bouquin: on tourne les pages et il ne faut pas ressasser. Une bonne thérapie, c’est d’aller de l’avant.» Par exemple en devenant le messager boiteux? «Non. J’ai toujours été actif, mais ça m’a fait connaître des gens.» Soutenir la solidarité Qui sont vos lecteurs? On a un peu de tout, mais la cible se sont les personnes à partir de 50 ans. C’est un public qui a plus temps, notamment pour planter des légumes. Mais on va travailler sur le rajeunissement du public. Prévoyez-vous des bouleversements? Pas dans une publication aussi vénérable. Mais il y a déjà des essais de s’adapter, et on travaille d’arrache pieds sur l’édition du 300e, qui ne va ressembler à aucune autre édition. Ça va trancher: on n’a pas tous les jours 300 ans. Propos recueillis par Frédéric Hausammann Après avoir été accepté pour ce rôle par la Confrérie des vignerons (les organisateurs de la Fête), Jean-Luc Sansonnens est approché par le rédacteur en chef du Messager boiteux , Michel Zangger, qui lui propose dans la foulée de représenter sa parution. «Avant la fête, je suis allé vendre deux-trois almanachs dans des foires, raconte ce maçon de formation. Après, j’ai laissé tomber car j’ai repris mes études.» D’abord, le «Tech» à Fribourg, comme conducteur de travaux, puis une Maîtrise fédérale d’entrepreneur. Le Jongnyssois ne rechigne toutefois pas à renfiler son costume à l’occasion: «Si c’est pour des œuvres de bienfaisance, je suis d’accord, explique-t-il. Par exemple pour «Handicap international», ou pour l’association «Les Quatre roues de secours», de Vevey, qui m’ont demandé l’hiver passé d’être le parrain de la manifestation Les Sapins du cœur.» Un personnage public En tant que messager boiteux, il n’est pas rare que Jean-Luc Sansonnens se fasse approcher par les anonymes: «Presque à chaque fois que je vais au comptoir ou ailleurs, des gens m’approchent pour me parler de leurs problèmes ou de choses intimes. Comme je ne suis pas psychiatre ou psychologue, c’est pas facile de répondre. Peut-être qu’il y a une certaine sagesse qui se dégage de ce personnage, mais je ne sais pas si je l’ai toujours eue. Ce n’est pas toujours évident, comme rôle.» Frédéric Hausammann Publicité