Les Cigognes ou puits à balancier

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ANGOULÊME
Les Cigognes
ou puits à balancier
Joseph CHAUVEAU
PHOTO JOSEPH CHAUVEAU
Petite histoire d’un puits au long bec emmanché d’un long cou…
L
a présence d’une vingtaine de lieux-dits
nommés « la Cigogne » dans notre région a
intrigué depuis longtemps l’ornithologue
amateur que je suis. Nous savons que la
cigogne blanche niche aujourd’hui sur les
zones littorales de la Charente-Maritime et que ce
département se situe au deuxième rang français pour
la reproduction de l’espèce, juste derrière le département du Haut-Rhin1.
Une autre espèce, la cigogne noire2, oiseau forestier
particulièrement discret, niche probablement dans
notre région mais demeure très rare en dehors des
périodes de migration.
Le nom de lieu « la Cigogne » est cependant plus largement répandu que l’aire de répartition actuelle de ces
espèces. Les toponymes « la Cigogne » sont déjà relevés dans des écrits de la fin du Moyen Âge. Cela signifie-t-il que l’oiseau, dans ce passé lointain, était plus
largement et plus densément présent au point de
donner son nom aux hameaux qu’il fréquentait ?
Faut-il imaginer les villages du Poitou-Charentes
ressemblant aux cités espagnoles d’aujourd’hui, avec
leurs églises surmontées de nids encombrants et
résonnant des claquements de bec des oiseaux ?
La recherche sur la signification de ce nom de lieu
nous a emmené dans une toute autre direction…
Montvalier, Ansac-sur-Vienne,
Charente.
Aux origines de la cigogne
Ce n’est pas la cigogne elle-même qui est à l’origine
du toponyme mais un mécanisme ressemblant, par
sa silhouette, à cet oiseau. Ce qu’on appelle alors
cigogne est en réalité un puits à balancier, également
dénommé cigognier, puits-cigogne ou puits à bascule.
C’est un système simple de puisage de l’eau, utilisé
depuis l’antiquité dans des civilisations étalées de
l’Afrique à la Russie et à la Chine. En Hongrie, les
puits à balancier sont encore aujourd’hui un des
symboles de la puszta, une des dernières grandes prairies sauvages d’Europe.
Les deux sens d’oiseau échassier et de puits à balancier
coexistent, semble-t-il, depuis l’apparition du mot
cigogne. Au VIIe siècle, Isidore de Séville désigne déjà ce
| Le Picton n° 204 | Novembre Décembre 2010 |
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1. La cigogne blanche niche
également de nos jours en
Aquitaine et dans une moindre
mesure dans les Pays-de-la-Loire,
la Basse-Normandie, ainsi que
dans l’Ain et la Moselle.
2. La cigogne noire, environ
une soixantaine de couples
en France, niche principalement
en Champagne-Ardenne et
Bourgogne ainsi que, non loin
de nous, en Anjou et Touraine.