Le monde du patronat

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Le monde du patronat
ENS de Lyon – Concours Lettres et sciences humaines
Session 2016
Epreuve d’admission :
EPREUVE ORALE DE SOCIOLOGIE
Série : SES
jury : Frédérique Giraud / Pierre Mercklé
dossier n° 9
Le monde du patronat
ATTENTION !
A L’ATTENTION DU (DE LA) CANDIDAT(E)
Vous devez impérativement :
1- écrire lisiblement vos noms et prénoms,
2- signer, ci-dessous,
3- remettre votre sujet au jury et lui présenter votre pièce d’identité
munie d’une photographie.
Si plusieurs sujets sont proposés, vous effectuerez votre choix pendant
le temps de préparation. Vous signalerez le sujet choisi en l’entourant
ou en barrant l’autre ou les deux autres.
NOM :
______________________________________
PRENOM :
______________________________________
DATE :
______________________________________
SIGNATURE :
______________________________________
ENS de Lyon – Concours Lettres et sciences humaines
Session 2016
Epreuve d’admission :
EPREUVE ORALE DE SOCIOLOGIE
Série : SES
jury : Frédérique Giraud / Pierre Mercklé
dossier n° 9
Le monde du patronat
Sources
Comet Catherine, Finez Jean, 2010, « Le cœur de l’élite patronale », Sociologies pratiques, n° 21, p. 49-66,
http://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2010-2-page-49.htm.
Comet Catherine, Finez Jean, 2011, « Solidarités patronales et formation des interlocks entre les principaux
administrateurs du CAC40 », Terrains et Travaux, 2011, p. 57-76,
https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=TT_019_0057.
Bourdieu Pierre, De Saint-Martin Monique, 1978, « Le patronat », Actes de la recherche en sciences sociales,
n° 20-21, 1978, p. 3-82, http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1978_num_20_1_2592.
Denord François, Lagneau-Ymonet Paul, Thine Sylvain, 2011, « Le champ du pouvoir en France », Actes de la
recherche en sciences sociales, n° 190, p. 24-57, https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-ensciences-sociales-2011-5-page-24.htm.
Pour comprendre ces résultats
Les données du document 1 (Comet et Finez 2010) ont été collectées dans des bases de données sur les
entreprises telles qu’Amadeus, dans les éditions 2003, 2008 et 2010 du dictionnaire biographique Who’s Who
in France, dans la presse et dans les documents de référence annuels des sociétés. Plusieurs variables ont été
construites pour décrire les profils des dirigeants : des variables démographiques (âge, sexe, nationalité), des
variables sur l’origine sociale en fonction de la profession du père, sur le fait d’être un héritier de la famille
propriétaire du groupe dirigé ou de faire partie des 500 plus grandes fortunes industrielles en France d’après le
magazine Challenges, des variables sur le type de diplôme acquis, des variables sur la carrière (début dans
l’administration, carrière internationale ou carrière interne au groupe), des variables sur le prestige
(ancienneté dans le Who’s Who, capitalisation de la société dirigée).À partir de ces caractéristiques, sont
étudiés la structure des liens interlocks. Pour décrire la structure de ces liens, sont analysés notamment la
densité du réseau, c’est-à-dire le nombre de liens rapporté au nombre total de liens possibles, et la centralité
de degré des dirigeants, qui dépend du nombre de coappartenances dans les organes de gouvernance.
Ce dossier comporte 5 documents numérotés de 1 à 5.
ENS de Lyon – Concours Lettres et sciences humaines
SES : épreuve orale de sociologie / session 2016
Document 1
Le réseau des dirigeants
des plus grandes sociétés cotées françaises
« Cœur de l’élite patronale »
Source des données
L’étude porte sur les dirigeants des 101 plus grandes sociétés cotées françaises du point de vue de leur
capitalisation boursière. Plus de 90 % de ces entreprises sont reliées entre elles par des liens interlocks : un
lieninterlock apparaît entre deux sociétés dès lors que l’administrateur de l’une d’elles siège dans un organe de
gouvernance de l’autre.
Champ
Pour des questions de lisibilité, seuls sont indiqués dans le schéma les dirigeants ayant au moins un mandat
commun dans un organe de gouvernance.
Lecture
Gérard Pauget et Xavier Fontanet siègent ensemble dans au moins un même conseil d’administration d’une des
101 plus grandes sociétés françaises cotées. Ils appartiennent tous les deux au « cœur de l’élite patronale », qui
désigne ici la plus grande composante connexe du graphe (une composante connexe est un ensemble de points
tous reliés les uns aux autres par des liens ou des suites de liens).
Source du document
Comet et Finez, 2010, p. 56.
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SES : épreuve orale de sociologie / session 2016
Document 2
Caractéristiques de l’élite patronale
Source des données
Voir document 1.
Lecture
92% des 53 dirigeants du cœur de l’élite patronale sont de nationalité française.
Source du document
Comet et Finez, 2010, p. 58.
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SES : épreuve orale de sociologie / session 2016
Document 3
Patrons privés et patrons d’État
L'espace des propriétés des dirigeants de grandes sociétés s'organise autour de
l'opposition entre les patrons d'«Etat », placés à la tête des grandes affaires fortement
liées à l'Etat, grandes sociétés industrielles (entreprises nationalisées, d'économie mixte
ou entreprises fortement tributaires des marchés d'Etat) ou grandes banques, et les
patrons privés des banques et des sociétés industrielles ou commerciales privées, plus
petites (relativement) et moins liées à l'Etat : les premiers, moins souvent originaires du
patronat et plus souvent issus de familles de hauts fonctionnaires ou de professions
libérales, possèdent un fort capital scolaire et un fort capital social de relations hérité
et/ou accumulé par le passage dans la bureaucratie d'Etat et les cabinets ministériels et
toute leur carrière scolaire et professionnelle est placée sous le signe du public, grands
lycées d'Etat, grandes écoles, haute administration et grands corps de l'Etat (notamment
l'Inspection des finances, le Conseil d'Etat et le Corps des Mines) et enfin grandes
sociétés d'échelle nationale ; les seconds, héritiers de grandes dynasties bourgeoises ou
parvenus issus de la petite bourgeoisie du commerce. Le monde des grands patrons
compte un nombre infime de self made men, exceptions exemplaires, aussi rares
aujourd'hui qu'aux origines, et aussi prédisposées à alimenter la légende méritocratique
de l'entrepreneur fils de ses œuvres. De même que, comme de nombreux travaux
historiques l'ont montré, les entrepreneurs de la première révolution industrielle
étaient issus pour la plupart de la bourgeoisie d'affaires et avaient reçu une éducation
secondaire, de même, aujourd'hui, les fils d'ouvriers ou d'employés sont extrêmement
rares parmi les grands patrons (7 sur 216, soit 3%) et ne se rencontrent que dans les
entreprises de second rang (on n'en compte que 2 parmi les 100 premières) ; les fils de
petits entrepreneurs indépendants, artisans ou petits commerçants (au nombre de 7) ou
de cadres moyens (au nombre de 9) occupent des positions inférieures à celles des
patrons issus de la classe dominante (c'est ainsi qu'ils sont particulièrement représentés
parmi les directeurs de filiales étrangères qui ne sont le plus souvent que des
appendices de firmes multinationales ayant leur véritable centre de décision à
l'étranger). En outre, on ne compte pratiquement pas d'autodidactes : 88% des patrons
déclarent au moins le baccalauréat et la plupart de ceux qui ne disposent d'aucun titre
scolaire ont fait des études secondaires. Les rares « self-made-men » ne partent
d'ailleurs pas de rien.
Source du document
Bourdieu et Saint-Martin, 1978.
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SES : épreuve orale de sociologie / session 2016
Document 4
Le champ du pouvoir
Note sur le graphique : « P : » désigne le père.
Source des données
L’échantillon est constitué de 7 000 personnes tirées au sort sur 21 000 inscrits dans le Who’sWho (édition
2009). Après codage, une centaine de variables correspondant à quatre ensembles de questions ont été
construites :des caractéristiques socio-démographiques comme l’âge, le sexe, l’origine sociale ou géographique
; la trajectoire scolaire avec le diplôme, les types d’institutions fréquentées et les disciplines étudiées ; les
professions et secteurs d’activités dans lesquels l’individu a effectué sa carrière ; des indicateurs de pouvoir et
de notoriété, enfin, comme le nombre annuel de citations dans la presse quotidienne, la publication de livres
ou les décorations arborées. Pour établir une cartographie d’ensemble du champ du pouvoir contemporain,
une analyse des correspondances multiples a été menée. 25 questions ont été prises en compte, renvoyant à
74 modalités actives.
Lecture
Le graphique représente les coordonnées des modalités actives les plus contributives sur les deux premiers
axes de la décomposition factorielle, qui représentent respectivement 35,3%, et 20,3% de l’inertie totale.
Source du document
Denord et ali., 2011, p.46.
ENS de Lyon – Concours Lettres et sciences humaines
SES : épreuve orale de sociologie / session 2016
Document 5
Cartographier le champ du pouvoir
La conception sociologique du pouvoir dérivée de Bourdieu et de Mills donne un principe
opératoire pour construire le champdu pouvoir et circonscrire son élite. Faute d’en connaître
d’emblée la topographie et de disposer d’un ou plusieurs critères objectifs pour en fixer
clairement les frontières, l’enquête peut d’abord s’attacher à analyser celles et ceux
auxquels leurs positions institutionnelles prééminentes confèrent du prestige. Autrement
dit, plutôt qu’à l’élite, on s’intéressera à ce que des institutions spécialisées appellent élites,
en opérant une sélection des individus sur la base de leur position et de leur notoriété. On
considérera ainsi comme faisant partie des élites les membres d’un groupe socialement
préconstruit dont la liste, sans prétendre à l’exhaustivité, serait elle-même instituée, c’est-àdire légitimée. Dans cette optique, la plupart des palmarès (les « 50 qui comptent », les
grandes fortunes, les meilleures ventes de livres, les plus gros cachets du cinéma, etc.) ne
font guère autorité ou conservent une dimension professionnelle forte. C’est également le
cas de nombreux annuaires biographiques qui, lors même que leur titre prétend à une
certaine généralité (comme le Guide du pouvoir publié aux éditions du Pouvoir), se
cantonnent en fait à un secteur d’activités en particulier (en l’occurrence, la politique). On
rencontre une difficulté de même nature avec le Bottin Mondain dont l’assise sociale se
restreint aux familles qui revendiquent l’appartenance de leurs membres à la grande
bourgeoisie. L’inscription au Bottin Mondain procède en effet d’une volonté de
représentation sociale chez celles et ceux qui sollicitent le comité de rédaction de l’annuaire.
Dans le même mouvement qui les incite à se faire reconnaître comme appartenant aux «
élites de naissance » recensées dans l’annuaire (quelle que soit la position institutionnelle
des inscrits), ces individus signifient non seulement qu’ils reconnaissent ces élites, mais qu’ils
s’en revendiquent.
En revanche, le Who’s Who in France (éditions Jacques Lafitte), un dictionnaire biographique
publié depuis 1953, s’avère nettement plus adapté pour constituer une population
représentative de l’image sociale des élites contemporaines. Riche d’environ 21 000 entrées,
il mêle logique positionnelle et logique réputationnelle : les individus qui y figurent doivent
leur entrée dans cette instance biographique soit à leur place dans des organigrammes
officiels, soit à leur notoriété médiatique. Sur la place du Who’s Who parmi les dictionnaires
biographiques.... Ils ne demandent pas à en être. À la différence des biographies publiées par
des guides sectoriels (comme Le guide des états-majors des grandes entreprises), celles du
Who’s Who incluent des données d’état civil (origines sociales et géographiques, statut
matrimonial, nombre d’enfants, etc.) homogènes et vérifiées par les rédacteurs de
l’annuaire. Enfin et surtout, ce dictionnaire ne se contente pas de collecter des portraits de
dirigeants et de célébrités : à la manière d’un miroir, il leur renvoie leur image, puisque la
moitié des achats annuels (un peu plus de 10 000 exemplaires, dont un quart de ventes par
Internet) sont le fait d’individus inscrits dans le Who’s Who.
Source du document
Denord et al., 2011.