23 mars 2015 OBJET : Marché unique du numérique : quels enjeux

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23 mars 2015 OBJET : Marché unique du numérique : quels enjeux
NOTE DES AUTORITES FRANÇAISES
23 mars 2015
OBJET : Marché unique du numérique : quels enjeux pour l’Union européenne ?
La mutation numérique entraîne une profonde reconfiguration des processus économiques, sociaux et
culturels en Europe. Cette mutation rend aujourd’hui nécessaire une approche ambitieuse et globale de
l’Union européenne afin de lui permettre de tirer pleinement profit des opportunités du monde numérique.
L’Union doit faire du numérique un vecteur de croissance majeur au sein de l’économie européenne tout en
organisant le marché des services numériques sur des bases efficaces et justes, dans le respect des droits
fondamentaux. A cette fin, l’Union doit aujourd’hui se doter d’une stratégie efficace et cohérente à l’égard
des différents enjeux du numérique
1. Développer l’entrepreneuriat et l’innovation
Le marché unique du numérique doit être une opportunité pour développer une filière européenne
performante dans les technologies et usages d’avenir. Cela passe par la mise en place de moyens efficaces de
financement et de développement des start-ups européennes afin de leur permettre d’atteindre une taille
critique pour rayonner à l’échelle mondiale, notamment dans les domaines des services d’informatique en
nuage, du traitement massif des données et des objets connectés. Ces développements requièrent à la fois la
mise en place d’infrastructures numériques adaptées et la définition de normes techniques européennes
permettant aux acteurs de se développer à l’échelle du marché européen. Dans ce cadre, une révision rapide
du cadre européen applicable aux télécommunications sera un atout important.
Le développement des startups européennes demande également une politique volontaire pour mettre en
réseau les écosystèmes d’innovation européens et encourager les stratégies de croissance des start-ups au
sein de l’Union. Le plan Juncker en faveur de l’investissement européen doit contribuer à cette ambition, en
accroissant notamment le financement du capital-risque.
Il s’agira également de veiller à ce que le développement du commerce électronique permette d’assurer
l’information et la protection des consommateurs, notamment en matière de droits de contrats de vente en
ligne.
Afin de favoriser l’Union en tant qu’espace d’innovation et de création, les réglementations nationales
sectorielles doivent être mises en cohérence pour permettre aux entreprises du numérique d’avoir accès à un
marché de taille comparable à leurs concurrents mondiaux. La mise à disposition d’une offre de services et
d’usages les plus larges possibles aux consommateurs doit s’accompagner d’un renforcement du cadre
réglementaire applicable aux plateformes numériques structurantes pour le marché. Cette action doit
notamment viser à garantir la loyauté de ces plateformes vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux et à
assurer l’accès de tous les utilisateurs finaux aux informations, contenus, services et applications de leur
choix. Pour protéger l’innovation et les consommateurs, elle doit apporter une réponse européenne efficace
et rapide en cas d’usage abusif du pouvoir économique dont disposent certaines plateformes.
En outre, il est essentiel d’assurer une équité entre les acteurs s’agissant de la fiscalité applicable et des
règles de concurrence. Les bouleversements induits par la croissance des activités de services numériques
rendent nécessaire l’adaptation des règles existantes et la mise en place de nouvelles règles spécifiques au
secteur du numérique afin de lutter contre l’optimisation fiscale et de permettre aux Etats de taxer les
bénéfices là où ils sont réalisés.
Par ailleurs, en vertu du principe de neutralité technologique, la fiscalité indirecte applicable au livre
électronique et à la presse en ligne doit être la même que celle à laquelle sont soumis les produits physiques
correspondants. Ainsi, s’agissant des taux de TVA, l’application de taux réduits aux ventes de livres
numériques et de presse en ligne devrait être autorisée.
Enfin, il est nécessaire de poursuivre la mise en avant d’échanges de bonnes pratiques pour développer
l’administration numérique au niveau européen, dans la mesure où un Etat numérique renforce les services
publics. A cet égard, la numérisation administrative doit se renforcer au service de trois impératifs : la
simplification, afin de soutenir la croissance et libérer l’activité ; l’innovation, pour bâtir des services publics
performants ; et l’ouverture, pour dialoguer avec la société civile.
2. Moderniser le droit d’auteur en assurant le financement de la création et de la diversité
culturelle
Une modernisation équilibrée du cadre juridique européen du droit d’auteur doit répondre à deux principaux
objectifs.
Le premier est celui de valoriser le potentiel de l’industrie créative. Avec plus de 4,2 % du PIB de l’Union et
près de 7,1 millions d’emplois directs, la diversité de la création européenne est sa première richesse dans
l’économie mondialisée et un instrument clé de son rayonnement. La juste rémunération des auteurs,
condition de cette diversité culturelle et de la production de contenus doit être prise en compte dans
l’évolution du cadre réglementaire du droit d’auteur justifiée par les changements induits par
l’environnement numérique.
C’est pourquoi il est aujourd’hui indispensable de préserver l’assise territoriale du droit d’auteur qui en
assure le financement.
Il convient également de prendre en compte l’évolution de la chaîne de valeur, qui justifie un examen du
statut des plates-formes, aujourd’hui couvertes de façon impropre par la législation européenne (par exemple
statut de l’hébergeur) et de renforcer les outils au service du respect effectif du droit d’auteur pour lutter plus
efficacement contre le piratage. La stratégie numérique est également une véritable opportunité pour la mise
en place de règles équitables de participation des acteurs du numérique au soutien du financement et à la
promotion du secteur de la création (cinématographique, audiovisuelle et musicale) ainsi qu’à la diffusion
d’œuvres françaises et européennes.
Si le premier objectif est atteint, un second objectif peut être poursuivi, celui d’améliorer la portabilité des
contenus et l’interopérabilité des formats et de développer l’accès au savoir.
3. Assurer la sécurité de nos concitoyens et la protection de leurs données personnelles
Les attentats terroristes récents ont montré la nécessité pour l’Union d’adapter les règles en matière de
contrôle des contenus sur Internet ainsi que d’interception des communications électroniques. Ces dernières,
opérées dans le cadre des législations nationales et dans le respect des droits fondamentaux, constituent un
outil essentiel de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Dans le contexte d’une généralisation du
chiffrement des flux de données qui rendent inexploitables les interceptions pour des services numériques
souvent localisés hors de l'UE, les lenteurs de la coopération judiciaire avec des autorités étrangères et la
réticence des plateformes à transmettre les données des utilisateurs identifiés par les autorités compétentes
constituent des obstacles majeurs qui devront être traités, dans le respect de la sécurité des réseaux et de la
protection de la vie privée.
En matière de protection de la vie privée et des données personnelles, nous promouvons le principe d’un haut
niveau de protection, indispensable pour établir la confiance des citoyens européens dans l’économie
numérique. Dans ce contexte, la révision du cadre législatif de l’Union européenne en matière de protection
des données est une réforme nécessaire et importante à laquelle la France souscrit pleinement et qu’elle
souhaite voir aboutir en 2015, comme demandé par le Conseil européen d’octobre 2013.
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Une fois le cadre européen stabilisé, l’Union européenne devra envisager la renégociation de certains cadres
bilatéraux, en particulier le « Safe Harbour » avec les Etats-Unis, afin, en particulier, d’assurer aux
entreprises européennes des conditions de concurrence loyale. Par ailleurs, les futurs accords commerciaux
ne devront pas comporter de dispositions affectant la protection des données personnelles.
4. Prendre pleinement part à la définition d’une nouvelle gouvernance mondiale de l’internet
Enfin, l’Union européenne doit mener une action ambitieuse dans les instances mondiales de gouvernance de
l’internet comme par exemple l’ICANN, afin de veiller à la pleine prise en compte des intérêts publics
légitimes. Elle doit également définir une stratégie coordonnée en vue des prochaines échéances : évolution
de la gestion de la fonction IANA et rencontre à haut niveau sur les suites du Sommet Mondial de la Société
de l’Information (SMSI+10). Certaines questions suscitent en effet une attention renouvelée, comme la
protection de l’acquis communautaire et notamment des indications géographiques protégées (IGP), et ont
montré que la pleine implication de l’UE comporte une réelle valeur ajoutée. L’Union européenne devrait de
ce point de vue défendre un modèle multi-acteurs réellement inclusif et partagé et éviter l’appropriation de la
gouvernance par des intérêts particuliers.
Afin de préciser les positions françaises sur certains des éléments évoqués ci-dessus, des fiches thématiques
sont proposées en annexe.
Annexes :
- 1 : Droit des contrats de vente en ligne
- 2 : Régulation des plateformes structurantes pour l’économie
- 3 : Economie numérique et fiscalité
- 4 : Réforme du droit d’auteur
- 5 : Participation à la création
- 6 : Numérique et négociations commerciales
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Annexe 1 : Droit des contrats de vente en ligne
I : ENJEUX
Dans le cadre de l’Agenda numérique, la Commission européenne souhaite lever les obstacles au commerce
en ligne afin d’aboutir à un véritable marché unique numérique. Ce dispositif pourrait être poursuivi via un
instrument juridique propre au contrat de vente en ligne. Une telle initiative ferait suite à une proposition de
la Commission de créer un droit commun européen de la vente (DCEV), qui avait rencontré une forte
opposition au Conseil et qui a été depuis abandonné.
II : POSITION FRANÇAISE
Un éventuel texte propre au contrat de vente en ligne ne pourrait recevoir le soutien des autorités françaises
s’il constituait un régime optionnel potentiellement moins-disant en termes de protection des consommateurs
(de la même manière que pour la proposition de droit commun européen de la vente).
En particulier, la France ne pourrait souscrire à des propositions qui aboutiraient à appliquer la loi de l’Etat
membre du vendeur (« home option ») si elles ne s’accompagnaient pas d’un rapprochement des
réglementations nationales permettant un haut niveau de protection des consommateurs, y compris dans les
relations B to C, écartant ainsi le principe fixé à l’article 6 du règlement « Rome I », ou qui créeraient un
29ème régime de contrat pour la vente en ligne générant ainsi une insécurité juridique importante et une
complexité inutile.
En effet, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs harmonise, déjà,
de manière maximale les législations nationales des Etats membres pour ce qui concerne la vente ou la
fourniture à distance de biens ou de services dans le cadre de relations entre professionnels et
consommateurs, s’agissant tout particulièrement des contrats conclus par voie électronique. Elle contient par
ailleurs des dispositions applicables à tous les contrats quel que soit leur mode de conclusion (concernant par
exemple les délais de livraison ou l’absence d’obligation de paiement pour le consommateur, en cas de vente
forcée).
La priorité devrait donc être donnée à assurer l’effectivité des dispositions de la directive 2011/83/UE,
dont il conviendrait, avant toute remise en cause, de pouvoir mesurer les effets sur le marché intérieur.
Ainsi, le rôle déterminant des plates-formes numériques dans l’émergence et le développement d’un nouveau
modèle économique construit autour de l’économie collaborative, qui se traduit par le prêt, la location, le
don, le troc ou la vente de biens et de services entre particuliers, conduit nécessairement à s’interroger sur la
nécessité de mieux encadrer leur activité.
A cet égard, les autorités françaises sont favorables à une évolution de la législation européenne afin de
permettre la création d’un statut spécifique à ces plates-formes (cf. annexe 2) visant à accroître leur
responsabilité dans la réalisation des échanges qu’elles permettent.
En effet, le rôle d’intermédiaire actif joué par les plates-formes numériques se distingue de plus en plus
fréquemment de celui des simples hébergeurs qui se contentent de mettre à disposition un serveur et de la
bande passante ou de l’activité des éditeurs qui choisissent voire produisent les contenus qu'ils diffusent sur
Internet. Cette distinction entre intermédiaire actif et intermédiaire technique peut parfois se caractériser par
le versement d’une commission sur les transactions, dépassant les simples frais d’hébergement.
Par ailleurs, il serait opportun de soumettre ces plates-formes à une double exigence de transparence et de
loyauté à l’égard des usagers, tant sur les conditions de référencement des offres de vente, d’achat, de prêt, et
d’échanges, en général, que sur leurs droits et obligations.
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Annexe 2 : Régulation européenne des plateformes numériques structurantes pour l’économie
I : ENJEUX
Le développement de l'économie numérique a contribué à l’émergence de nouveaux modèles d'affaires dans
lesquels les relations traditionnelles directes entre fournisseurs et utilisateurs finaux se sont estompées au
profit de nouveaux intermédiaires : les plateformes numériques.
Ces plateformes sont devenues quasi-incontournables pour les entreprises européennes qui fournissent des
services et des contenus sur Internet. Elles leur permettent de toucher un large public et de profiter d’effets
de réseaux importants. Ces plateformes exploitent le plus souvent des solutions propriétaires en écosystèmes
fermés et intégrés, ce qui leur permet de bénéficier d’une position centrale sur le marché.
Certaines plateformes numériques peuvent abuser de leur pouvoir économique pour imposer des
conditions contractuelles significativement déséquilibrées à leurs partenaires commerciaux. Lorsque la
plateforme est verticalement intégrée, elle peut par ailleurs restreindre la concurrence en intervenant
notamment sur la visibilité des offres de ses concurrents, au profit des siennes. Ce positionnement lui permet
également de capter une partie non négligeable de la valeur issue des services et des contenus créés par des
tiers, et de placer ses partenaires commerciaux dans une situation de dépendance économique.
Cette situation est également préjudiciable aux consommateurs des services numériques. Les espaces
de « référencement commercial » prenant le pas sur les « référencements organiques », les mécanismes de
sélection pourront à terme se traduire par une réduction de la qualité et de la diversité du choix global et des
conditions d’information. En outre, les enjeux économiques vont de pair avec des externalités culturelles et
sociales (ex : accès à une information non biaisée, pluralisme, enjeux de souveraineté). Enfin, ces
écosystèmes ne sont pas toujours les plus protecteurs en termes d’utilisation des données personnelles.
Afin de s’assurer que les consommateurs et les entreprises européennes puissent tirer pleinement bénéfice du
marché unique du numérique, il convient de favoriser la concurrence et d’éviter que la compétitivité des
acteurs européens soit affaiblie en raison des comportements préjudiciables de certains intermédiaires.
A cet égard, le droit européen de la concurrence se révèle insuffisant à lui seul. Il intervient
majoritairement ex post en réaction à un comportement anti-concurrentiel et offre donc des solutions trop
tardives au regard de la rapidité avec laquelle les positions de marché évoluent dans le secteur numérique,
d’autant plus que l’absence de mesures conservatoires ne permet pas d’empêcher que des situations
n’évoluent de façon irréversible en attendant une prise de décision.
Sans être nécessairement dominantes, certaines plateformes peuvent utiliser leur pouvoir de marché pour
fausser une concurrence par les mérites. De plus, les règles actuelles du droit européen de la concurrence
permettent seulement de sanctionner les comportements ayant des effets macroéconomiques sur un marché
global, mais elles n’appréhendent pas les pratiques restrictives de concurrence entre professionnels, ni les
déséquilibres significatifs qui sont induits par certaines pratiques contractuelles litigieuses. Ainsi, certaines
plateformes numériques peuvent bousculer l’équilibre du marché sans pour autant être inquiétées du fait de
leurs comportements.
Une régulation adaptée apparaît donc indispensable pour garantir la loyauté des plateformes
numériques vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux européens et ainsi assurer l’accès des
entreprises à tous les utilisateurs finaux. Une telle régulation des plateformes contribuera in fine à assurer
la neutralité de l’internet en garantissant également l’accès de tous les utilisateurs finaux aux informations,
contenus, services et applications de leur choix.
II : POSITION FRANÇAISE
Afin de prévenir la dépendance et l’enfermement des acteurs économiques européens dans des écosystèmes
captifs, il est proposé d’engager une réflexion sur le dispositif le mieux à même de garantir la loyauté des
« plateformes numériques structurantes pour l’économie », qui pourrait reposer notamment sur les
objectifs politiques suivants :
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promouvoir la compétitivité des acteurs européens en supprimant les obstacles à la fourniture de
services innovants ;
contrôler l’impact des logiques propriétaires sur le fonctionnement du marché, et, le cas échéant,
remédier aux dysfonctionnements constatés ;
garantir aux entreprises européennes un accès non discriminatoire au marché et aux utilisateurs
finaux européens en identifiant les « plateformes numériques structurantes pour l’économie» et
garantir un traitement non discriminatoire et équitable dans les conditions de classement ou de
référencement des activités des partenaires économiques des plateformes ;
s’assurer que les partenaires des plateformes soient en mesure de connaître les raisons d’un
déréférencement, d’une perte ou d’une dégradation des conditions d’accès à une interface de
programmation (souvent désignée par le terme API pour Application Programming Interface), et
d’anticiper l’apparition ou les évolutions de tarifications ou d’algorithmes, etc. ;
créer un environnement favorable à un rapport de force équilibré dans les négociations commerciales
entre les entreprises et les plateformes afin d’assurer un cadre de partage de valeur équitable ;
prévenir les effets prédateurs des stratégies excessives de mise sous intermédiation des filières
industrielles ;
veiller à la préservation d’un écosystème propice à l’innovation européenne ;
favoriser la capacité des utilisateurs finaux à accéder à l’information et à en diffuser, ainsi qu’à
utiliser des applications et des services de leur choix ;
garantir la neutralité technologique et la neutralité de services ;
garantir in fine les droits des utilisateurs finaux, y compris dans les nouvelles formes de transactions
en ligne (cf. annexe 1).
Ce dispositif pourrait être mis en place dans le cadre d’un renforcement du cadre réglementaire de la
concurrence (1), et/ou dans celui d’une réglementation spécifique (2).
1. Renforcement du cadre réglementaire de la concurrence
Plusieurs axes de réflexions sont envisageables :
‐
Conformément à la possibilité pour les Etats membres de choisir librement les moyens et la forme
pour parvenir à un objectif fixé au niveau européen (tout en garantissant le respect d’un niveau
national de protection plus élevé), la mise en œuvre d’un dispositif européen minimal interdisant
certaines pratiques commerciales restrictives afin de prévenir ou de sanctionner les
comportements visant à :
o obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun
service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la
valeur du service rendu ;
o soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans
les droits et obligations des parties ;
o obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales,
des conditions manifestement abusives concernant notamment les prix, les délais de
paiement, les modalités de vente.
L’introduction de nouveaux outils afin d’améliorer l’efficacité du droit de la concurrence et répondre
aux problématiques spécifiques du marché numérique (mise en œuvre de mesures conservatoires afin
d’empêcher que des situations n’évoluent de façon irréversible pour les partenaires économiques des
plateformes, réflexion sur les critères caractérisant les abus de position dominante…).
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2. Mise en œuvre d’une régulation spécifique
Le cadre réglementaire européen pourrait être complété afin de définir :
D’une part, les plateformes dont l’activité est encadrée : il s’agirait ainsi de cibler les plateformes
numériques structurantes pour l’économie, définies sur la base de critères cumulatifs :
o services de la société de l’information, destinés à des personnes ou des entreprises résidant dans
un ou des Etats membres de l’Union Européenne ;
o fournis par des entreprises exerçant à titre professionnel une activité économique d’intermédiaire
sur un marché biface dans le domaine de la société de l’information ;
o dont le positionnement sur le marché permet à ces entreprises d’adopter des comportements
indépendants (ex : définition de conditions économiques et commerciales) vis-à-vis de leurs
concurrents, de leurs clients et des consommateurs en général.
Dans ce périmètre, seraient ainsi visés certain(e)s:
 moteurs de recherche;
 places de marchés, y compris de vente ou diffusion de contenus culturels;
 magasins d’applications et systèmes d’exploitation des équipements terminaux voire
terminaux eux-mêmes;
 écosystèmes à venir des objets connectés.
Le caractère structurant d’une plateforme pourrait être caractérisé au niveau européen en se fondant sur des
critères les plus objectifs possibles (par exemple, d’audience ou de fréquentation) afin de limiter les
possibilités d’interprétation et les difficultés en résultant.
D’autre part, il conviendrait de définir le régime juridique (droits et obligations) qui serait applicable à ces
plateformes. Ce régime pourrait s’articuler autour des thématiques suivantes (détaillées ci-dessous) :
o transparence et non-discrimination des conditions d’accès aux plateformes ;
o traitement équitable dans les conditions de référencement et transparence des critères de
fonctionnement des algorithmes ;
o traitement lisible des résultats sponsorisés et naturels ;
o encadrement des clauses de contraintes tarifaires ;
o prévisibilité des modifications d’API (stabilité des règles et délai préalable d’information en
cas de changement) ;
o encadrement de l’accès aux (méta) données utilisées pour le référencement ;
o encadrement des conditions commerciales ;
o transparence sur la localisation géographique des données ;
o encadrement de l’extraction des données (métriques, contenu) et de la portabilité vers une
autre plateforme ;
o transparence sur les écosystèmes avec lesquels la plateforme peut interopérer ;
o transparence sur les conditions de licence sur les contenus / données ;
o le cas échéant, respect des obligations liées à la promotion de la diversité culturelle (cf
annexe 5 : participation à la création).
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Propositions de thématiques sur lesquelles porterait un encadrement réglementaire des plateformes
numériques structurantes pour l’économie
o
« Accès aux plateformes » :
 transparence des conditions d’accès (liste limitative de motifs de refus d’accès) ;
 non-discrimination des conditions d’accès ;
 transparence des conditions d’exclusion ;
 motivation des exclusions ;
 préavis raisonnable de résiliation ;
 transparence sur les services liés.
o
« Conditions de référencement (éditeurs) » :
 équité de traitement (par exemple dans le cadre d’enchères pour le référencement,
possibilité de tiers certificateur, par exemple) ;
 transparence des critères de classement et de référencement, a minima ceux correspondant à
un avantage commercial pour la plateforme (rétribution, commission, partenariat,
appartenance financière, …): les critères doivent être clairement énoncés et accessibles afin
de ne pas laisser au gestionnaire de la plateforme la possibilité de discriminer les contenus
de façon arbitraire ;
 transparence suffisante des critères de fonctionnement des algorithmes ;
 motivation des déréférencements par des considérations légitimes (qualité, personnalisation,
etc.) et vérifiables par des tiers ;
 délai raisonnable de préavis en cas de changement des conditions (modification de
l’algorithme), degré d’information sur les modifications et fréquence des modifications
« majeures » ;
 possibilité de limiter le moteur d’exploration automatique (crawling) de la plateforme aux
parties strictement utiles au référencement (refus des liens profonds) voire de refuser le
« crawling » (robot opt-out) sans déréférencement.
o
« Visibilité » :
 règle sur les conditions graphiques d’exposition (affichage des résultats), en particulier
neutralité entre différents liens sponsorisés et lisibilité des liens sponsorisés et ceux de la
galaxie de la plateforme et facilité à les identifier comme tels ;
 obligation de neutralité de traitement des offres concurrentes à celles de la plateforme, voire
séparation fonctionnelle des services référencés et de ceux de la plateforme ;
 obligation d’équilibre entre résultats organiques et résultats sponsorisés.
o
« Accès aux API (développeurs) » :
 transparence des conditions d’accès au magasin d’applications ;
 stabilité des règles et délai préalable d’information en cas de changement :mises à
disposition suffisamment à l’avance afin de maintenir l’accès des partenaires économiques à
la plateforme dans le temps ( ex : obligation de notification préalable des changements
d’algorithmes ou des politiques relatives aux contenus) ;
 règle sur l’ouverture des API en fonction des services (et non-discrimination) ;
 interopérabilité des API / facilité de mise en place de passerelles vers d’autres API (ex : coût
de transfert) ;
 règle sur les conditions limitatives mises sur l’exploitation des API.
o
« Données (marché final, métadonnées) » :
 règle sur l’accès aux données relatives au contexte de l’utilisateur ;
 règle sur l’accès aux (méta)données utilisées pour le référencement.
o
« Lieu d’hébergement des données » :
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
Règle sur l’indication de la localisation géographique des données.
o
« Portabilité » :
 règle sur la capacité d’extraction des données (métriques, contenu) et de portabilité vers une
autre plateforme ;
 transparence sur les écosystèmes avec lesquels la plateforme peut interopérer ;
 obligation de restitution des données en cas de résiliation et « montant » des pénalités (ex :
encadrement des conditions de résolution du contrat) ;
 obligation d’ouverture aux produits « Cross-platforms » (support de technologie
interopérable).
o
« Politique de licence » :
 transparence sur les conditions de licence sur les contenus / données.
o
« Conditions de modification du contrat »
 préavis et concertation préalable sur les modifications du contrat à fort impact
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Annexe 3: Economie numérique et fiscalité
I : ENJEUX
En matière de fiscalité du numérique, l’enjeu principal est de lutter contre l’optimisation que réalisent les
opérateurs économiques car elle aboutit à priver les Etats membres d’une partie de leur recettes.
Le développement du secteur de l’économie numérique nécessite par ailleurs des adaptations de la fiscalité :
- d’une part, adapter à l’insertion des technologies numériques les règles fiscales applicables à
l’ensemble des opérateurs économiques ;
- d’autre part, adapter certaines règles fiscales pour tenir compte des spécificités du secteur de
l’économie numérique.
Au plan international, la prise en compte du numérique dans la fiscalité constitue la 1ère action du plan
d’action BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), piloté par l’OCDE et arrêté en septembre 2014.
II : POSITION FRANÇAISE
Le développement du numérique a conduit les entreprises à s’adapter et à créer de nouveaux modèles
économiques. Il s’agit d’un formidable facteur de progrès et de croissance pour l’économie mondiale.
Toutefois, ces nouveaux modèles, parce qu’ils permettent à un opérateur d’agir sur un marché en y limitant
sa présence, voire sans y être présent, ont permis à certains acteurs économiques internationaux de limiter la
charge fiscale dans les pays de consommation où ils réalisent une grande part de leur chiffre d’affaires en
s’implantant dans des Etats à fiscalité réduite ou nulle. Cette optimisation fiscale régulièrement dénoncée en
France comme dans d’autres pays porte un fort préjudice aux finances des Etats. De surcroît, elle
occasionne des distorsions de concurrence entre entreprises, y compris dans le secteur numérique. Les
autorités françaises sont donc convaincues qu’il convient d’agir contre l’optimisation fiscale, en privilégiant
une action coordonnée aux niveaux international et européen.
Au plan international, la France s’appuie avant tout sur les travaux visant à lutter contre la sous-imposition
des bénéfices des multinationales (ne concernant pas que les géants du numériques), qui ont été engagés au
sein de l’OCDE, à travers le projet BEPS (Base Erosion and Profits Shifting). Ils doivent constituer une
réponse à l’échelle mondiale. Dans le plan d’action détaillé publié en septembre 2014, l’action n°1 s’intitule
« Relever les défis posés par l’économie numérique ». Une task force dédiée, co-présidée par la France et les
Etats-Unis, doit rendre ses conclusions fin 2015. La France plaide dans le cadre de ce chantier pour une
adaptation de la fiscalité internationale aux nouveaux modèles économiques reposant sur les
technologies numériques. Dans un contexte où la notion d’utilisateur joue un rôle majeur dans la création
de valeur, à travers la mobilisation des données personnelles, la France défend, pour ce secteur d’activité, un
aménagement des règles de localisation des bénéfices.
Au niveau de l'Union européenne, la France défend la mise en œuvre d’un plan d’action permettant, à
l’image du projet BEPS, de lutter contre l’optimisation fiscale dans le contexte spécifique du marché
intérieur.
En matière de fiscalité directe, la France préconise un assujettissement des opérateurs
économiques aux règles générales (prix de transfert, propriété intellectuelle, etc) sous réserve des
spécificités du secteur, l’idée étant de taxer les revenus qui ne le seraient pas, le cas échéant, par l’imposition
d’une taxe assise sur la « présence digitale ». La France préconise une action portant sur l’ensemble
des entreprises multinationales, qui s’articule entre, d’une part, un renforcement de la transparence (y
compris des rulings) et, d’autre part, le renforcement des règles communes en matière de fiscalité directe,
en vue de parvenir à une taxation effective des revenus générés par l’activité, y compris numérique, au sein
de l’UE.
S’agissant plus particulièrement du numérique, la France défend des propositions concrètes visant à
garantir que les entreprises internationales de ce secteur soient taxées, au sein du marché intérieur, en
assurant le rattachement des bénéfices aux différents pays où ils sont effectivement réalisés. Deux
options, le cas échéant cumulatives, sont possibles : soit un assujettissement des revenus tirés des activités
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numériques à une taxation directe dans le cadre de la directive ACCIS, qui ferait, en outre, l’objet d’une
règle de territorialité adaptée; soit la création d’une taxation ad hoc au niveau européen, dont l’assiette
serait constituée par les recettes réalisées sur le marché intérieur. Assortie d’un taux faible, la taxe serait
imputable sur l’IS et le guichet électronique en vigueur depuis le 1er janvier 2015 pourrait faciliter sa mise
en œuvre et, en particulier, sa ventilation entre les Etats membres.
En matière de fiscalité indirecte, des progrès ont été réalisés récemment s’agissant de la règle
de territorialité applicable aux services en ligne au niveau de l’UE. La France soutient la généralisation du
principe de taxation de la TVA au lieu de la consommation et demande à la Commission d’engager
rapidement des discussions à cette fin. S’agissant des taux de TVA, la France invite la Commission à faire
des propositions permettant l’application de taux réduits pour le livre numérique et la presse en ligne. Plus
généralement, il s’agit d’actualiser la législation européenne, afin d’assurer la nécessaire neutralité fiscale
entre des produits culturels identiques, que leurs supports soient numériques ou physiques. Ceci permettrait
d’éviter les distorsions de marché et participerait du soutien à l’industrie du numérique, notamment
européenne.
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Annexe 4: Réforme du droit d’auteur
I : ENJEUX
La directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 « sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des
droits voisins dans la société de l’information » fixe aujourd’hui le cadre européen applicable en matière de
droit d’auteur. La Commission européenne a engagé un chantier de révision de cette directive dans la
perspective d’une proposition législative qui pourrait être prête à la fin de l’automne.
L’enjeu consiste à :
- saisir l’occasion de la proposition législative pour traiter les questions de rémunération de la création, sous
le double angle de la chaîne de valeur dans le numérique et de la mise en œuvre des droits ;
- confirmer la territorialité du droit d’auteur, tout en prévoyant la portabilité pour répondre à l’enjeu
d’amélioration du fonctionnement du marché intérieur.
II : POSITION FRANÇAISE
Les autorités françaises ne pourraient pas accepter une révision de la directive qui fragiliserait le financement
de la création, condition essentielle pour des contenus à forte valeur ajoutée, pour une industrie culturelle et
créative européenne forte et surtout pour la promotion de la diversité culturelle par l’UE. Il n’y a pas
d’opposition entre financement de la création et intérêts des consommateurs : sans financement pérenne de la
création, le choix et la diversité culturelle s’amenuisent.
Par ailleurs, les autorités françaises considèrent que le caractère optionnel de certaines exceptions au droit
d’auteur constitue un levier essentiel à la disposition des Etats membres dans le cadre de la définition de
leurs politiques culturelles. C’est tout particulièrement le cas pour l’exception de copie privée, où tout
surcroît d’harmonisation doit être écarté, et qui finance en France la création de façon primordiale (200
millions d’euros par an).
Enfin, une initiative législative qui présenterait le droit d’auteur comme un obstacle à l’innovation et se
contenterait de supprimer la territorialité et de multiplier les exceptions ne serait pas acceptable pour les
autorités françaises, alors que beaucoup d’éléments relèvent de l’approche contractuelle, comme l’a montré
l’exercice « Licences pour l’Europe ». A tout le moins, toute initiative législative devrait être le plus ciblée
possible et étayée par des justifications solides.
En matière de services musicaux en ligne, la mise en œuvre de la directive 2014/26 facilite l’acquisition de
licences pan-européennes. D’ores et déjà, de nombreux opérateurs tels que Spotify ou iTunes ont signé des
contrats leur permettant de proposer dès aujourd’hui un large répertoire à l’ensemble des consommateurs
européens. Une intervention législative n’est pas nécessaire. Du point de vue du consommateur, il ne
semble pas qu’il y ait un sentiment de limitation d’accès aux œuvres. La difficulté est en revanche celle de
l’importance de la contrefaçon et du défaut d’effectivité des outils juridiques dont nous disposons
aujourd’hui.
Dans le domaine audio-visuel, les effets bénéfiques liés aux exclusivités territoriales sont largement
documentés. En effet, confier un droit d’exploitation exclusif à un distributeur lui permet d’entreprendre des
efforts de promotion de l’œuvre sans craindre qu’un concurrent qui n’a pas supporté ces investissements n’en
retire les fruits. De même, l’exclusivité territoriale permet de maintenir une chronologie des médias adaptée à
chaque pays et répondant à la diversité culturelle, à la subsidiarité, et à une logique d’amortissement des
investissements et d’un bénéfice raisonnable eu égard aux risques pris. Enfin et surtout, l’exclusivité
accordée au distributeur lui garantit des revenus suffisants pour qu’il accepte, à l’avance, de soutenir
financièrement la création par le mécanisme des préventes. La remise en cause des exclusivités menacerait
donc l’ensemble du circuit de la création audio-visuelle.
Les autorités françaises considèrent en outre qu’il est fondamental :
(i) d’assurer l’avenir de la rémunération de la création dans l’environnement numérique en revoyant les
règles juridiques applicables à certains opérateurs qui jouent un rôle actif dans la distribution, la
12
sélection et la promotion de œuvres en lignes mais dévoient l’application du régime juridique des
hébergeurs posé par l’article 14 de la directive commerce électronique (lequel doit au contraire être
pleinement préservé pour les opérateurs qui le justifient). Ces opérateurs doivent être intégrés dans le
champ d’application du droit d’auteur et des droits voisins, ce qui restaurera des conditions équitables de
concurrence avec les éditeurs de services en ligne.
(ii) de restaurer l’effectivité de la lutte contre la contrefaçon, en associant les intermédiaires de
l’internet. Les dispositions de la directive « droit d’auteur » relatives aux sanctions et voies de recours
pourraient être renforcées en vue de moderniser le dispositif applicable aux actes de violation des droits.
Il conviendrait d’éviter en tout état de cause :
- une harmonisation généralisée et un développement sans contrôle des exceptions, qui leur
ferait perdre leur caractère dérogatoire, au mépris du « triple test »1 imposé par les obligations
internationales de l’Union européenne et de ses Etats membres , et qui serait source d’insécurité
juridique ; il convient en particulier de s’opposer à toute exception, même optionnelle, sur des
sujets émergents et où le développement des licences doit avoir toutes ses chances, ce qui est le
cas en particulier du prêt de livres numériques en bibliothèques ou encore des plateformes de
contenus générés par les utilisateurs, car des exceptions dans ces domaines, dont les
conséquences ne pourraient être maîtrisées, pourraient s’avérer gravement destructrices de valeur
pour l’Europe.
- toute harmonisation accrue de l’exception de copie privée, dans un contexte où la
rémunération associée à celle-ci finance la création en France à hauteur de 200 millions d’euros
par an2 ;
- tout élargissement du principe de l’épuisement3 au profit des copies numériques.
Au Parlement européen, le rapport d’initiative sur l’évaluation de l’application de la directive 2001/29
porté par Mme Reda a donné lieu au dépôt de presque 600 amendements. Les autorités françaises sont
particulièrement préoccupées par les amendements qui remettent en cause la durée des droits d’auteur, la
territorialité des droits et la rémunération pour copie privée. Certaines des interrogations exprimées,
notamment en matière de développement international des débats scientifiques et de diffusion des
connaissances méritent d’être approfondies.
En effet, la France partage l’objectif d’une large diffusion des travaux réalisés dans un cadre de recherche,
notamment par le déploiement de l'accès libre (open access). La révision de la directive s’inscrit dans un
double contexte d’accroissement de la masse des publications et données produites par les opérateurs de
recherche et d’innovation et d’apparition de nouveaux usages. Cette production constitue un potentiel
immense de création de connaissance et d’innovation. Elle ne relève pas directement de l’industrie « créative
et culturelle », mais d’un modèle où les acteurs publics sont dominants et les financements majoritairement
issus de fonds publics. L’accès aux publications scientifiques, notamment dans le prolongement des
recommandations émises par la Commission européenne le 17 juillet 2012, ainsi que l’exploitation des textes
et des données » (text and data mining – TDM) sont des enjeux cruciaux à traiter dans ce contexte.
Une attention toute particulière doit être portée aux productions scientifiques, dans un triple souci :
- de cohérence avec le déploiement progressif de l’accès libre aux données et aux publications de
recherche dans l’Union européenne ;
- de compétitivité de la recherche et de l’innovation européenne ;
- et d’harmonisation des politiques nationales, en particulier concernant l’exploitation des textes et
des données (TDM) à des fins de recherche, en excluant toute visée commerciale et en se cantonnant
au droit de reproduction.
1
Les exceptions au droit d’auteur ne sont applicables qu’à la triple condition qu’elles correspondent à cas spéciaux, qu’elles ne
portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, et qu’elles ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du
titulaire du droit.
2
75% des sommes collectées doivent être "réparties à raison des reproductions privées dont chaque œuvre fait l'objet" par les sociétés
de gestion collective; les 25% restant sont utilisés pour des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des
actions de formation des artistes. Ce sont annuellement près de 50 millions d’euros qui sont affectés à cet effet.
3
En vue de concilier la liberté de circulation des marchandises et l’exclusivité conférée par les droits de propriété intellectuelle, le
principe de l’épuisement signifie qu’un titulaire de droits de propriété intellectuelle ne peut s’opposer à la libre circulation de ses
créations ou du produit de son invention dès lors qu’il en a autorisé, au préalable, leur mise sur le marché.
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Annexe 5: Participation des services numériques à la création
I : ENJEUX
Le secteur de la création (cinématographique, audiovisuelle et musicale), ainsi que la diffusion des œuvres
européennes, a besoin d’un soutien accru et les services numériques devraient y contribuer.
De nombreux services numériques donnent accès directement ou non à des contenus. C’est le cas des
services de partage vidéo ou audio, des services de média audiovisuels à la demande réunis en catalogues
mais aussi de nombreux autres acteurs comme les réseaux sociaux, les moteurs de recherches, ou encore les
services de recommandations en matière de musique, de séries ou de films.
Ils connaissent un développement rapide et jouent aujourd’hui un rôle quasi-incontournable dans l’accès, la
distribution et la consommation de biens et services culturels. Cependant, leur faible participation au financement et
à la promotion du secteur de la création ainsi qu’à la diffusion d’œuvres françaises et européennes constitue une
question dont l'Union doit s'emparer.
Par exemple, les services de partage, initialement créés pour permettre aux particuliers d'héberger leurs
vidéos ou leurs créations sonores personnelles, ne relèvent pas tous de la réglementation audiovisuelle fixée
par la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) et, en conséquence, ne contribuent pas à la
promotion de la création cinématographique, audiovisuelle et musicale.
II : POSITION FRANÇAISE
Les questions relatives au champ d’application et aux règles de territorialité se posent de manière forte. A
titre d’exemple, à défaut d’établissement en France de ces services, qui concurrencent les acteurs français, la
réglementation audiovisuelle nationale et plus largement tous les mécanismes nationaux de soutien à la
création ne leur sont pas applicables. Il conviendrait, en outre, de renforcer les règles minimales européennes
applicables aux services à la demande (SMAd), de manière à contraindre ces derniers à assurer la promotion
des œuvres européennes.
1. La remise en cause du principe du pays d'origine
Le cadre juridique européen, à travers notamment les directives Services de médias audiovisuels, commerce
électronique ou Paquet Télécom, pose le principe du pays d'origine: un service audiovisuel ou un service en
ligne établi dans un État membre A est soumis à la réglementation de cet État et peut ensuite être librement
reçu dans un Etat B de l’Union. Dès lors, les services établis en dehors de ce dernier ne sont pas soumis aux
dispositions en faveur de la création adoptées dans ce pays.
Pour remédier à cette difficulté, une solution consiste à substituer au principe du pays d'origine celui du pays
de destination des services. Ainsi, à l'instar du dispositif retenu pour la directive TVA, quel que soit le lieu
d'établissement des services en Europe, la réglementation nationale serait appliquée à la partie du service qui
est principalement destinée au public du pays concerné.
Compte tenu de l'essor de la consommation de services de médias audiovisuels à la demande et plus
largement des plateformes numériques actives dans le domaine de l’accès aux contenus, cette question est
centrale pour assurer la défense de la diversité culturelle et garantir une concurrence équitable entre les
acteurs nationaux et ceux qui sont établis dans d'autres États membres.
2. Autres pistes
D’autres pistes de réflexion pourraient être ouvertes afin d'assurer la participation au financement4, à la
promotion du secteur de la création (cinématographique, audiovisuelle et musicale) et à la diffusion d’œuvres
européennes.
4 On entend ici une participation au financement de la création au-delà du reversement des droits de propriété intellectuelle
auxquelles certaines plateformes sont éventuellement déjà soumises.
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En premier lieu, en complément du renforcement, souhaité par la France, de la législation européenne
relative aux plateformes numériques structurantes pour l’économie, il pourrait être envisagé de mettre en
place des dispositions spécifiques pour s’assurer de la participation des acteurs mentionnés supra au soutien
de la création.
En deuxième lieu, il pourrait être envisagé d’élargir le champ d’application du cadre réglementaire européen
applicable à l’audiovisuel, fixé par la directive Services de médias audiovisuels, aux services de partage de
video ou audio.
En troisième lieu, il pourrait être envisagé d'imposer un minimum d'obligations de promotion (quotas de
production et de diffusion) des œuvres européennes aux éditeurs de SMAd. En effet, l'article 13 de la
directive SMA, qui prévoit que les États membres veillent à ce que ces services promeuvent la production
d’œuvres européennes ainsi que l’accès à ces dernières, ne fixe pas de seuil de contribution des SMAd
contrairement aux règles applicables aux chaînes de télévision; ce n'est donc qu'une possibilité ouverte aux
États membres que très peu d’États ont mise en œuvre.
En quatrième lieu, une réflexion pourrait être engagée pour imposer aux distributeurs de services des
obligations de « mise en avant » des services assurant la promotion d’œuvres européennes.
Enfin, il importe de prendre en compte les objectifs de promotion de la diversité culturelle dans les
algorithmes de recommandation utilisés par les sites internet, car la consommation à la demande de contenus
repose sur la « trouvabilité » de ceux-ci sur les plateformes numériques (moteurs de recherche, magasins
d’applications, etc.).
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Annexe 6 : Numérique et négociations commerciales
I : ENJEUX
Face à la concurrence d’acteurs non-européens du numérique occupant des positions centrales dans ce
domaine, l’Union européenne ne doit pas se limiter au rôle de consommateur de services numériques, mais
doit s’imposer comme un acteur incontournable de la régulation de ce secteur, et renforcer sa stratégie
autonome, dans la droite ligne des orientations définies par le Conseil européen en octobre 2013, tout en
garantissant la préservation des préférences collectives européennes dans ce domaine, et notamment la
protection de la vie privée et des données personnelles des citoyens.
Cette stratégie doit orienter la négociation des accords commerciaux en cours (comme le TTIP ou le TiSA),
afin de s’affirmer face aux Etats-Unis, qui ont adopté une vraie stratégie de négociation en privilégiant
d'abord le cadre du TiSA pour le dupliquer ensuite dans le contexte du TTIP.
Les enjeux numériques des accords commerciaux apparaissent donc comme le « volet externe » de
l’agenda européen du numérique.
Ce « volet externe » nécessite que l’UE dégage rapidement des règles internes sur deux sujets :
- La réforme du règlement général sur la protection des données personnelles.
- La définition européenne de la neutralité du Net, d’autant plus que la Federal Communications
Commission vient de se doter de ses propres règles.
II : POSITION FRANÇAISE
La position française à l’égard de la dimension externe de la politique européenne numérique figure dans un
non-papier de juillet 2014, élaboré en réaction à une proposition offensive des Etats-Unis sur le commerce
électronique.
L’approche stratégique proposée dans ce non-papier s’articule autour de quatre axes principaux :
 Le sujet du numérique doit faire l’objet d’une approche européenne offensive en vue (i) d’assurer
des conditions de concurrence équitable et non discriminatoire (« level-playing field ») entre
opérateurs européens et américains, (ii) de promouvoir la concurrence dans l’univers numérique, (iii)
de renforcer les droits des consommateurs et (iv) garantir le principe de neutralité de l’Internet dans
le cadre des négociations commerciales ;
 En même temps, l’UE devra prévoir de conserver un droit à réguler des Etats (« policy space »)
suffisant sur les questions qu’elle a identifiées mais sur lesquelles elle ne s’est pas encore donné de
cadre conceptuel ou juridique unifié (notamment les domaines couverts par les réserves GATS ). A
cet égard, une réflexion pourrait être engagée au sujet de la localisation des données ;
 La protection des données personnelles ne saurait faire l’objet de négociations dans les accords
commerciaux. A ce titre, les questions relevant de la négociation d’un nouveau règlement de l’UE
relatif à la protection des données personnelles doivent être exclues du champ des accords
commerciaux (bien que constituant un enjeu majeur de compétitivité pour les entreprises
européennes. En effet, les règles fixées par la règlementation européenne contraignent l’utilisation
qu’elles peuvent faire des données personnelles par rapport aux entreprises étrangères et notamment
américaines).
 De même, les services audiovisuels et leurs contenus doivent être exclus pour les négociations
commerciales européennes, y compris les contenus audiovisuels délivrés par voie digitale (principe
de la neutralité technologique).
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