Les nouvelles régions doivent très vite utiliser leur puissance Par

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Les nouvelles régions doivent très vite utiliser leur puissance Par
LES ECHOS, 11/01/2016
Les nouvelles régions doivent très vite utiliser leur puissance
Par Nicolas BOUZOU, économiste, directeur et fondateur d’Asterès
Dans notre vieux pays qui a eu la drôle d'idée de canoniser un roi (et donc de canoniser l'Etat central), on
méprise les collectivités locales. On les accuse d'être clientélistes et d'avoir la main légère sur les dépenses
publiques, comme si l'Etat ou la Sécurité sociale n'étaient pas parés des mêmes défauts. Cet a priori négatif
nous empêche de voir qu'il existe un lien positif établi entre le degré de décentralisation d'un pays et ses
performances économiques. Bien sûr, il existe des contre-exemples : une Angleterre centralisée et
performante (je parle bien de l'Angleterre et pas du Royaume-Uni) ou une Espagne décentralisée et qui a
beaucoup souffert. Néanmoins, la règle générale veut que les meilleures politiques publiques soient prises aux
échelons locaux, régionaux essentiellement.
C'est bien la raison pour laquelle la mise en place des nouveaux exécutifs des nouvelles régions doit être
pensée sous l'angle économique et pas seulement politique. Et ne pas oublier que depuis la loi NOTRe
d'août 2015, nos désormais immenses régions n'ont pas plus de moyens financiers, mais elles ont davantage
de compétences dans le domaine des politiques économiques. Ce sont désormais elles qui ont en charge les
aides aux entreprises, la formation professionnelle, l'apprentissage et le pilotage du service public de l'emploi.
Bien sûr, les doublons et les inefficiences qui existent dans ces domaines, notamment liés aux empiétements
de l'Etat, ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Mais c'est justement pourquoi les grandes régions
doivent vite utiliser leur nouvelle puissance et leur autorité, certes fragile, pour s'imposer comme les
coordinateurs, voire les ordonnateurs des politiques publiques sur leurs territoires. Trois exemples concrets
vont me permettre de me faire comprendre.
La région Ile-de-France doit rapidement prendre à bras-le-corps le dossier des transports ferroviaires, sujet clef
pour la mobilité des Franciliens. La forte polarisation spatio-temporelle du trafic en Ile-de-France constitue le
principal facteur de surcoût pour SNCF-Transilien qui, du coup, ne dispose plus des moyens suffisants pour
améliorer des installations existantes à bout de souffle. Cette polarisation tient notamment à une déconnexion
des politiques de transport (relevant du STIF, lui-même dirigé par la région) d'avec les autres politiques en
matière d'aménagement (notamment le logement qui relève des municipalités). La région doit être capable
d'animer cette coordination pour permettre à SNCF Transilien de contribuer encore davantage au
développement économique.
La région Paca, déjà avancée dans le domaine du développement durable notamment grâce à Nice Grid, ou la
région Grand Est peuvent devenir parmi les territoires européens les plus en pointe dans l'économie circulaire
en dirigeant les aides aux entreprises vers la réalisation de coopérations intersectorielles (et non plus
seulement sectorielles). Comme le propose Ecofolio, qui gère en France le recyclage du papier, de telles
coopérations pourraient être encouragées entre le bois, le papier et la chimie, trois secteurs qui sont au coeur
de la révolution technologique de la papeterie qui connaît de graves problèmes de compétitivité.
Enfin la grande région Aquitaine- Limousin-Poitou-Charentes pourra mette en oeuvre une proposition d'Alain
Rousset : créer la grande école européenne des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, sciences de
l'information et sciences cognitives), domaine révolutionnaire confisqué par les Etats-Unis et l'Asie, alors
même que l'Europe a bien des arguments à faire valoir dans ces secteurs.
Cette réforme territoriale est loin d'être parfaite. Simplement, elle constitue une occasion de montrer à nos
concitoyens que l'action politique peut être efficace et tournée vers l'avenir.