J.D.D. - entree

Transcription

J.D.D. - entree
www.lejdd.fr I 6 mars 2016 I N° 3608 I 2 € (JDD + Version Femina)
Peur dans le ciel français
Aménagement
Qui était le pilote derrière le drone ?
n. KoVariK / reserVoir PHoTo
Page 17
Le
nouveau
visage
des places
de Paris
Cahier Paris page I
« Pas de
chantage
à la
démission »
b Avant une semaine cruciale
pour la réforme du droit du
travail, le Premier ministre
s’explique b « C’est la jeunesse
qui a le plus à gagner avec
cette loi », assure Manuel Valls
Pages 2-3
M 00851 - 3608 - F: 2,00 E
3’:HIKKSF=VUWUUU:?d@g@k@s@a";
ExClusIf
Hier, dans son bureau,
à Matignon.
ériC Dessons/JDD
Maro Kouri/Polaris Pour le JDD
alain GuilHoT/DiVerGenCe
eriC Dessons/JDD
Migrants
Retraites
Vadim Vasilyev
Pages 8-9
Page 19
Page 40
La Grèce,
salle d’attente
des réfugiés
France métropolitaine : 2 €
Bientôt les fonds
de pension
version Macron ?
« Le foot français,
c’est l’Union
soviétique »
2|
L’événement
jdd | 6 mars 2016
IntervIew Avant la journée de mobilisation de mercredi, Manuel Valls, qui doit recevoir les
dès demain, monte au front pour expliquer et défendre « sa » réforme du Code du travail
« Ce qui serait terrible,
c’est le statu quo »
L’interview qu’accorde Manuel valls au JDD n’est pas
une interview ordinaire. D’abord, parce que le Premier
ministre s’explique sur la réforme du Code du travail au
moment où beaucoup croient à une « explosion sociale »
ou la craignent. ensuite, parce que c’est peu de dire
que cette réforme – en dehors de la « désinformation »
IntervIew
DoMInIqUe De MontvALon
et ArtHUr nAzAret
@demontvalon1
@ArthurNazaret
La pétition en ligne contre la loi
travail a récolté plus d’un million de
signatures. Des manifestations vont
avoir lieu. est-ce l’une des batailles
les plus difficiles du quinquennat ?
que fustige Manuel valls – ne fait pas l’unanimité
à gauche. « trop, c’est trop », a lancé Martine Aubry dans
un texte indigné. enfin, parce que le Premier ministre,
dont la détermination apparaît sans faille, se retrouve
aujourd’hui isolé : nombreux sont ceux qui, à gauche,
refusent en effet l’idée, si François Hollande choisissait
plus de souplesse aux entreprises. Je
veux d’une France où chacun est en
capacité de s’épanouir, où les individus ont les mêmes chances, sont
plus forts et plus solidaires. La loi
travail, portée avec pugnacité par
Myriam El Khomri, est un levier
puissant pour cela.
À gauche, beaucoup voient
La loi travail est essentielle pour
dans cette loi une « régression »
notre pays. Il faut, bien sûr, répondre
et une « précarisation » accrue
aux interrogations, aux inquiétudes,
pour les salariés…
et lever les ambiguïtés, faire évoluer
La précarité, je la connais, je l’ai
ce qui doit évoluer, d’autant que le
vue partout en France et notamment
projet n’a pas encore été présenté en
à Évry, chez ceux qui sont exclus de
Conseil des ministres. Mais réforl’emploi, ballottés de petits boulots
mer la France est vital. Notre pays
en petits boulots, qui triment. Voilà
souffre du fait que ses élites, ses
le quotidien de millions de Franresponsables poliçais. Le chômage
tiques ont du mal
de masse frappe
durement. Il se
à produire un dis- « C’est la jeunesse
cours qui explique qui a le plus
concentre sur les
le monde et ses
jeunes et les moins
évolutions. Faute à gagner avec
qualifiés. Un chômeur sur quatre a
d’explications, le cette loi, car elle est
conservatisme
moins de 25 ans.
Un sur trois n’a
et les blocages la première victime
aucun diplôme.
peuvent l’empor- du système actuel »
Ce qui doit nous
ter. Il faut dire aux
Français d’où l’on
révolter, c’est qu’il
vient et où l’on va. En 2012, nous
y a 3,5 millions de chômeurs. Sur les
avons hérité d’une France marquée
emplois marchands créés en 2015,
par des inégalités croissantes, avec
90 % l’ont été en intérim ou en CDD.
des comptes publics particulièreIl faut casser les barrières à l’entrée
ment dégradés et des entreprises
du marché du travail sur lesquelles
en perte de compétitivité. Notre
viennent se fracasser des milliers de
modèle social était à bout de souffle.
jeunes et de chômeurs peu qualifiés.
Depuis le début du quinquennat,
Le CDI doit devenir la règle. Nous
voulons réconcilier l’employeur et
nous avons réarmé les entreprises
l’employé et qu’ils retrouvent tous
pour faire face à la concurrence
internationale et aux bouleverseles deux la confiance, l’envie d’avanments de l’économie, avec notamcer ensemble.
ment le numérique. Nous voulons
Ceux qui manifesteront mercredi
garantir notre modèle social et les
demandent le retrait du texte
droits des salariés tout en donnant
pour partir sur de nouvelles bases.
est-ce envisageable ?
Il faut enrichir et compléter
cet avant-projet de loi. Mais ce qui
serait terrible, c’est le statu quo. Plus
encore pour les exclus du marché
du travail. J’aurais pu dire : il reste
quatorze mois, je vais lever le pied,
ne prendre aucun risque… Ce n’est
pas ma vision de la politique, ni celle
du président de la République. Je
ne donnerai pas une seule seconde
à l’immobilisme. Car cette loi travail, c’est plus de visibilité pour les
entreprises et plus de protection
pour les salariés.
Comprenez-vous l’inquiétude
et la colère de tous ces jeunes
qui appellent à manifester mercredi
contre ce projet de loi ?
Je veux répondre à toutes les
questions, à toutes les inquiétudes
et aux critiques formulées de bonne
foi. C’est pour cela que nous avons
pris quinze jours supplémentaires
avec Myriam El Khomri et Emmanuel Macron, pour améliorer et
corriger là où c’est nécessaire le
texte, mais aussi pour faire cesser la
désinformation. J’entends dire que
la jeunesse va être précarisée, mais
justement, c’est la jeunesse qui a le
de ne pas être candidat en 2017, que la porte
s’ouvre devant lui. « Jamais je ne ferai de chantage
à la démission », assure le chef du gouvernement,
tout en affichant sa volonté de tout faire pour que cette
réforme – symbole, à ses yeux, d’une démarche vitale,
réformiste et proeuropéenne – aboutisse. Un pari. D.D.M.
plus à gagner avec cette loi, car elle
au dialogue social et à l’emploi, qui
est la première victime du système
a adopté le principe du compte peractuel : précarité et CDD à répétisonnel d’activité. En septembre, m’a
tion. J’entends dire que les heures
été remis le rapport Combrexelle,
supplémentaires
sur la négociation
au sein de l’entrene seront plus
majorées. C’est « Nous prenons
prise et, en janvier,
faux. Les heures deux semaines
le rapport Badinsupplémentaires
ter, sur les grands
seront toujours supplémentaires,
principes de notre
m i e u x p ayé e s car ma méthode,
Code du travail.
que les heures
Nous prenons
deux semaines
normales. Aucun c’est le dialogue »
accord, même masupplémentaires,
joritaire, ne pourra
car ma méthode,
conduire à une réduction de salaire.
c’est le dialogue. Je veux crédibiliser
J’entends dire que les chefs d’entrecette flexisécurité à la française en
prise pourront licencier comme ils
donnant des droits nouveaux aux
le souhaitent : c’est faux. Cette loi
salariés.
n’invente aucun nouveau motif
Les syndicats réformistes
de licenciement. Elle clarifie des
demandent notamment
motifs déjà reconnus et appliqués
la fin de la barémisation pour
par les juges.
les prud’hommes et une définition
va-t-il y avoir, dans les jours qui
viennent, des négociations sur
le fond ou de simples ajustements ?
Nous travaillons et discutons
sur ces questions depuis plus d’un
an. En février 2015, j’ai présenté un
agenda social devant les partenaires
sociaux. Puis il y a eu la loi relative
plus stricte des licenciements
économiques. Là-dessus,
y a-t-il une marge de négociation ?
Ces deux points feront, bien
sûr, l’objet d’améliorations. En ce
qui concerne les entreprises, nous
devons davantage insister sur le fait
que ce texte s’adresse d’abord aux
« Jamais je ne ferai
de chantage à la démission »
on murmure que vous êtes
prêt à mettre en jeu votre
responsabilité de Premier
ministre…
Mon énergie, mon dynamisme, je les mets au service de
cette réforme déterminante. Et
je n’oublie pas les autres défis :
la menace terroriste, la crise
migratoire, le risque de dislocation de l’Europe… Dans de
telles circonstances, il y aurait
une forme d’indécence à poser
le débat autour de ma personne.
Le seul sujet qui m’occupe, c’est
l’efficacité de cette réforme. Oui,
j’insiste, c’est difficile mais moi,
je suis passionné par ce que je
fais. Je suis fier d’être le Premier
ministre de la France, et d’agir.
C’est pourquoi je suis serein et
en même temps très déterminé.
Jamais je n’ai fait et je ne ferai
de chantage à la démission. Le
narcissisme, l’égotisme et les
caprices, je laisse cela à d’autres.
Mon rapport avec le président
de la République est empreint
de loyauté personnelle et de respect des institutions. Depuis les
attentats de janvier 2015 puis
ceux de novembre, j’éprouve
une forme de gravité. Mais cette
gravité n’enlève rien à mon enthousiasme et à ma volonté de
servir la France. Je suis engagé à
gauche depuis que, à 18 ans, j’ai
rejoint Michel Rocard. Je crois
passionnément aux valeurs de
la République. Nous gouvernons
un pays extraordinaire, dont la
voix compte, dont la langue et
la culture rayonnent. C’est un
non-sens et même une faute que
de parler d’affaiblissement de la
France alors que notre projet
vise au contraire à la renforcer.
Et plutôt que des critiques sans
propositions, j’aimerais que tout
le monde partage l’idée d’une
réussite collective. Je ne changerai pas le cap qui m’a été assigné par le président de la République, par l’Assemblée nationale
à deux reprises et, d’une certaine
manière, par les Français.
La survie du PS tel qu’il est
est-elle aujourd’hui en jeu ?
Il doit se réinventer en se
dépassant. Cela doit se faire
dans la vérité et la clarté.
Souhaitez-vous l’organisation
d’une primaire à gauche ?
Il y a un grand appétit de
débats et de démocratie dans
notre pays. Et il faut évidemment l’entendre. Mais, vous
savez, moi, je crois beaucoup
aux institutions de la Ve République. Et je ne veux pas d’une
VIe République qui mettrait
en cause les responsabilités
essentielles qui sont celles du
chef de l’État et de son rapport
au peuple. La VIe République,
qu’on invoque souvent, c’est en
fait le retour à la IVe République
sans les talents d’alors. Je dis
donc : attention ! Ce débat sur la
primaire, je le suis avec intérêt,
mais si c’est pour s’en prendre à
la légitimité du Président et des
institutions, alors je ne suis pas
d’accord ! g
l’événement | 3
jdd | 6 mars 2016
syndicats
Manuel Valls,
hier matin,
à Matignon.
éric Dessons/JDD
petites et moyennes entreprises.
C’est là où il y a la peur d’embaucher.
Nous devons lever cette crainte.
Concernant la barémisation pour les
prud’hommes, disposition attendue
par les chefs d’entreprise, des adaptations peuvent être possibles sans
la remettre en cause. Nous allons
en discuter.
Les opposants à cette loi soulignent
qu’elle renverse la hiérarchie des
normes en privilégiant l’entreprise
comme cadre de négociation.
Or dans les entreprises, le rapport
de force est moins positif pour
les salariés que dans les branches…
C’est justement le contraire ! S’il
n’y a pas d’accord entre le salarié et
le patron, le droit du travail restera
exactement le même. Nous faisons
confiance à la négociation au sein
de l’entreprise, aux accords majoritaires et aux salariés qui seraient
consultés. Cette décentralisation du
dialogue social, c’est un changement
majeur et un progrès qui conforte
notre contrat social.
vous dites que cette loi doit donner
plus de sécurités aux salariés
mais elle sécurise surtout
les licenciements. elle doit réduire
le chômage : pourtant, en donnant
plus de souplesse aux entreprises
dans l’organisation du temps
de travail, elles pourront faire
face aux surcroîts d’activité
sans forcément embaucher.
n’est-ce pas contradictoire ?
Le compte personnel d’activité
(CPA) va-t-il regrouper des droits
qui existent déjà ou peut-il
entraîner des droits nouveaux ?
Le CPA, c’est la vraie révolution
sociale de ce quinquennat. Et donc
Non, cette loi, c’est du gagnantce sera l’un des points importants
gagnant pour l’entreprise et les
de la négociation à venir. Nous
salariés. Sortons de la théorie et
voulons renforcer le compte perprenons l’exemple de la barémisasonnel d’activité, particulièrement
tion. Elle permet notamment aux
pour les jeunes. Actuellement,
changer d’emploi, c’est perdre
TPE et PME d’anticiper ce que leur
coûterait un licenciement. Plutôt
tous ses droits. Demain, grâce aux
que d’embaucher systématiqueCPA, les droits – à la formation,
ment en CDD ou
le compte pénid’avoir recours à
bilité, l’épargne
des intérimaires, « Nous n’avons
salariale… – suide sous-traiter, jamais évoqué
vront le salarié
cela les inciterait
tout au long de sa
à embaucher en l’idée de mettre
vie ! Cela va perCDI. Pour les sala- en œuvre le 49-3 »
mettre à chacun,
riés : au lieu d’ennotamment aux
chômeurs grâce
chaîner les CDD,
ils pourront enfin avoir la possibilité
à plus d’heures de formation, de
d’être embauchés en CDI. En cas
rebondir et de prendre un nouveau
de licenciement, les entreprises
départ. Prenons aussi l’exemple
ont souvent intérêt à faire traîner
d’un jeune qui a accompli une misles procédures pour payer le plus
sion de service civique dans une
tard possible. Cela nuit au salarié.
association et a envie d’y être emSon intérêt, c’est d’être dédommagé
bauché. Il doit pour cela suivre, par
vite, à la hauteur du préjudice subi,
exemple, une formation complépour pouvoir rebondir.
mentaire en comptabilité. Il pourra
désormais le faire gratuitement !
Car au terme de sa mission, grâce à
son CPA, il aura droit à vingt heures
de formation.
envisagez-vous d’utiliser, le cas
échéant, l’arme politique du 49-3 ?
Nous n’avons jamais évoqué
l’idée de mettre en œuvre le 49-3.
Myriam El Khomri a simplement
rappelé que nous assumerions nos
responsabilités. Et notre responsabilité, c’est de mener à bien ce texte
avec les amendements nécessaires.
Moi, je veux convaincre les socialistes, les radicaux de gauche, les
écologistes d’approuver cette loi
mais je veux que la loi recueille
aussi l’assentiment de tous ceux
qui veulent réformer le pays. Au
lendemain des élections régionales,
marquées par la progression de
l’extrême droite, tout le monde a
dit qu’il fallait sortir d’un certain
nombre de postures, et ne pas approfondir les fractures. Je n’attends
pas qu’on gomme les clivages entre
la gauche et la droite, mais qu’on se
retrouve sur la question essentielle
de la lutte contre le chômage.
vous souhaitez, en somme,
que les réformistes de droite
vous apportent leur concours ?
Il y a une majorité pour réformer parmi les partenaires sociaux,
comme au Parlement, j’en suis
convaincu. Ceux qui pensent que
cette loi va dans le bon sens doivent
l’approuver ou la voter. On ne peut
pas s’y opposer uniquement parce
qu’elle vient de l’autre camp. Chacun doit assumer ses responsabilités. Nous devons réformer le droit
du travail, comme nos voisins l’ont
fait. Réformer, c’est difficile, c’est
bien pour cela que je m’y colle avec
passion. g
Les quAtre POInts ChAuds du PrOjet de LOI eL KhOmrI
Au cœur des échAnges qu’entame demain
le Premier ministre avec les centrales syndicales
– parmi lesquelles plusieurs réclament le retrait pur
et simple du projet global –, quatre sujets brûlants.
b BArème et PLAfOnd des IndemnItés
POur LICenCIement ABusIf
L’avant-projet de loi instaure un barème et un plafond
des indemnités que les employeurs doivent verser en
cas de licenciement jugé abusif par les prud’hommes.
La somme est fonction de l’ancienneté : de 3 mois
de salaire pour deux années (ou moins) passées dans
l’entreprise à 15 mois après vingt ans de présence.
b LA défInItIOn du LICenCIement éCOnOmIque
Il faut que l’entreprise, au niveau de l’établissement
ou de son secteur, subisse une dégradation de son
chiffre d’affaires pendant quatre trimestres ou des
pertes d’exploitation pendant un semestre. Plusieurs
syndicats réclament une définition plus large de
l’entreprise, tenant compte du groupe jusqu’au niveau
européen. Ils estiment qu’une entreprise qui va mal
dans un groupe qui va bien ne devrait pas pouvoir
recourir aux licenciements économiques.
b Le fOrfAIt jOurs dAns Les Pme
Actuellement, le forfait jours (décompte du temps
de travail en jours et non pas en heures) est applicable
à condition qu’un accord d’entreprise le prévoie.
Le projet de loi propose que les chefs d’entreprises
de moins de 50 salariés puissent y recourir par accord
individuel avec le salarié.
b Les ACCOrds de COmPétItIvIté
dIts « OffensIfs »
Une entreprise qui veut se réorganiser ou faire face
à d’importantes commandes pourra proposer
aux syndicats un accord visant à modifier le temps
de travail. En cas d’accord dans l’entreprise, les salariés
qui refusent ces changements pourront être licenciés
au titre de licenciement individuel. Les syndicats
y voient un risque de chantage.
RETROUVEZ TOUS SES PLUS GRANDS TITRES EN ACOUSTIQUE ET EN ÉLECTRIQUE
4 | l’événement
JDD | 6 mars 2016
À Rennes, les étudiants s’échauffent
UNIVERSITÉS Sur le campus de Rennes 2, nombreux, sous-informés, trop occupés, démotivés, hésitent encore à s’engager
à l’université
de Rennes 2,
vendredi,
quelques jours
après l’appel
à manifester.
RENNES (IllE-ET-VIlaINE)
EnvoyéE spécialE
MaRIE QUENET
Ils sont tous les quatre penchés
sur leur feuille blanche, armés de
feutres de couleur : « Loi travail, retrait total. AG le 8/3. Manif le 9/3. »
L’un d’eux relève la tête, satisfait :
« Ça devrait bouger ! » Vendredi, à
l’université Rennes 2, souvent fer
de lance des contestations étudiantes, une dizaine de militants
de la gauche radicale cherchent
à mobiliser contre le projet de
réforme du Code du travail.
Hall B. Ici, dix ans plus tôt, se
tenait le QG des luttes anti-CPE
(contrat première embauche).
à la veille de week-end, il n’y a
pas foule. Les tracts, imprimés
au petit matin, déteignent sur les
doigts. Des affiches, rapidement
placardées aux quatre coins du
campus, appellent à manifester :
« Travailler plus, gagner moins,
viré plus facilement. On n’en veut
pas ! » Après l’intersyndicale réunie
la veille, il a fallu faire vite. « Cette
réforme nous a pris au dépourvu,
confie Hugo Melchior, hier un des
meneurs contre le CPE, aujourd’hui
doctorant et enseignant à la fac. Il
faut mobiliser à la hâte, convaincre
les étudiants de son caractère ignominieux. Mais le Code du travail, ce
n’est pas facile. »
à l’heure du tout numérique,
une majorité a pourtant déjà entendu parler du projet. Car la fronde
monte sur les réseaux sociaux. « Il
n’y a pas encore eu beaucoup de tractages. Cela se joue surtout sur Internet avec le hashtag [mot-clé] #on
vaut mieux que ça », explique Valentin, 22 ans, étudiant en cinéma.
« J’ai relayé les vidéos de Youtubeurs,
comme Doxa, qui expliquent la loi,
témoigne Bénédicte, une brune en
salopette. On comprend qu’elle va
donner plus de pouvoirs au patron. »
Comme d’autres, elle a paraphé la
pétition en ligne (déjà 1 million de
signatures contre la réforme).
« C’est dur de prendre position,
je n’y connais pas grand-chose »
Parmi les révoltés, certains pensent manifester mercredi. « Proposer aux apprentis de bosser dix
heures par jour, c’est aberrant ! »,
s’indigne Corentin, 20 ans, en
licence d’information et communication. « J’ai bientôt fini mes
études. J’aimerais avoir un vrai
avenir », s’inquiète une étudiante
en arts du spectacle. Mais beaucoup manquent d’informations.
« C’est dur de prendre position. Je
n’y connais pas grand-chose », avoue
Marius, 20 ans, qui sera pris mercredi par ses répétitions de théâtre.
« J’ai lu plusieurs articles. Mais
c’est tellement dense, j’ai du mal à
comprendre », glisse Quentin, en
première année de master.
Devant le resto U, un étudiant
sur deux prend le tract qu’on lui
tend. Rares sont ceux qui s’arrêtent.
« Ils sont pressés d’aller manger »,
ironise un militant. Mais la mobilisation débute à peine : « En 2006,
compare un habitué, il a fallu trois
bonnes semaines pour arriver à des
AG rassemblant 400 personnes ! »
Les meneurs s’activent donc, estimant que cette réforme pourrait
être « la goutte d’eau qui fera déborder le vase ».
De fait, la jeunesse, priorité
annoncée du quinquennat, paraît
Laurent Guizard
pour Le Jdd
désenchantée. Déchéance de nationalité, prolongation de l’état d’urgence et maintenant ce projet de loi
travail, « depuis quelques mois, c’est
la douche froide ! », déplore Bettina,
19 ans, naguère pro-Hollande. « Je
ne vois pas ce qu’il y a de social avec
ces socialistes », critique un autre
étudiant, qui ne sait plus trop comment se définir : « De gauche, mais
pas celle au pouvoir. » Un jeune, en
licence d’anglais, soupire : « Tout
ce que je sais, c’est que, depuis que
Hollande est président, j’ai perdu
ma bourse. Je bosse tous les samedis
comme caissier. »
Ces étudiants déçus vont-ils
manifester pour autant ? à voir. à
la veille des examens, certains af-
fichent d’autres priorités : « Avant
de râler sur les conditions de travail, il faudrait peut-être terminer
ses études », estime Violaine, qui
potasse un oral pour son master.
D’autres se disent solidaires mais…
occupés : « Mercredi à midi, je travaille dans la restauration », s’excuse
Laura, 26 ans, qui jongle entre trois
boulots pour s’en sortir. « J’ai un
exposé », plaide une autre jeune fille.
Même les signataires de la pétition
ne défileront pas tous. « De toute
façon, la loi ne passera jamais ! »
« Les étudiants n’ont plus cette
culture de la mobilisation »
Dix ans après la victoire contre
le CPE, « Rennes 2 la rouge » – son
surnom à l’époque – va-t-elle se
réveiller ? Difficile à dire. « Au moment du CPE, on avait des années de
militantisme derrière nous : contre
Jean-Marie Le Pen en 2002, la
guerre en Irak en 2003, les émeutes
en banlieue et la réforme Fillon en
2005 », se souvient Kevin Le Tétour, militant NPA, aujourd’hui
prof contractuel. « Là, il n’y a pas
eu de grand mouvement depuis la
réforme des retraites en 2010. Les
étudiants n’ont plus cette culture
de la mobilisation. » Et contrairement au CPE, la réforme actuelle
ne cible pas une catégorie d’âge en
particulier…
Mercredi aura donc valeur de
test. à l’appel des organisations
de jeunesse et de syndicats, des
manifestations se dérouleront à
Paris, Rennes et, dit-on, dans plus
d’une cinquantaine de villes universitaires. Mais Kevin s’interroge :
« Toutes ces personnes, sensibilisées
via Facebook, sont-elles prêtes à
venir, à s’engager jusqu’au retrait
du projet ? Il faut passer du virtuel
au réel. La mobilisation, elle est forcément dans la rue ! » En attendant,
l’Unef a dépêché un jeune de son
bureau national. Ce jour-là, Bastien
Zapata, 22 ans, distribue aussi des
tracts. « Nous allons faire en sorte
de mobiliser au maximum. Cela ira
crescendo avec les manif estations
des 22 et 31 mars. Mercredi, c’est le
tour de chauffe ! » g
Caroline De Haas, la pétition à un million
aNNE-ChaRloTTE DUSSEaUlx
@AnneChDusseaulx
Elle dit ne pas aimer les portraits.
Mais Caroline De Haas, à l’origine de la pétition contre la loi
travail lancée il y a deux semaines,
et qui a dépassé vendredi soir le
million de signatures, n’en finit
plus de faire parler d’elle. Il y
a quinze jours, quand elle voit
les grandes lignes du projet de
loi, cette militante de 35 ans se
demande : « C’est quoi ce délire ? »
« J’ai voté pour ces gens-là. Je leur
ai donné une capacité de changer
la vie des gens et ils mettent en
place le programme du Medef »,
s’indigne Caroline De Haas.
Alors, elle décide de s’engager sur un nouveau front. « C’est
génial », lui écrit la féministe
Karine Plassard au début du
mouvement. « Oh toi, avec tes
400.000 signatures [pour la libération de Jacqueline Sauvage] »,
lui répond Caroline De Haas, loin
de s’imaginer qu’elle dépassera
aisément ce chiffre. « Ce qui fait
le succès de cette pétition, c’est
l’horreur de son contenu », assure
aujourd’hui Caroline De Haas,
refusant de céder à la facilité
présumée de la mobilisation sur
Internet.
Néanmoins, elle le reconnaît :
« La pétition est une petite partie
de la mobilisation. […] On n’obtiendra pas le report du projet de loi
sans les syndicats et une mobilisation sociale d’ampleur. » Le report
annoncé par le gouvernement ?
« Ce n’est pas en quinze jours que
la loi va devenir progressiste »,
dit-elle, favorable à son retrait
pur et simple.
« Je suis une angoissée
de l’inutilité »
Caroline De Haas a fait ses
armes à l’Unef, dont elle a été
secrétaire générale (2006-2009),
puis a fondé l’association Osez
le féminisme ! en 2009. Depuis,
elle est étiquetée féministe. « C’est
comme si ça l’avait mise dans une
case. Mais le fait d’être féministe
ajoute une grille de lecture, cela
n’enlève rien aux autres compétences », estime Anne-Cécile
Mailfert, ancienne porte-parole
de l’association.
ministre Najat Vallaud-Belkacem, lui reconnaît une « sacrée
force » : « Elle ne s’est jamais sentie
contrainte par les cadres existants
[…]. Elle a toujours été dans cette
jonction entre un combat militant
et une démarche de transformation
sociale par la voie politique. »
Caroline De Haas, à Paris, en février.
Francois LaFite/Wostok press
Ses détracteurs l’accusent de
mener plusieurs combats à la fois.
C’est vrai que ces derniers mois
elle a multiplié les initiatives,
pour une primaire de gauche
notamment. Il y a aussi eu le
contre-référendum au PS, les
sites Expertes, Macholand, La
gueule de bois… « Je crois qu’il y
a suffisamment de neurones dans
un cerveau pour faire plusieurs
choses à la fois. Après, c’est vrai que
je suis une angoissée de l’inutilité,
j’ai très peur de ne servir à rien »,
justifie Caroline De Haas.
S’il ne partage pas toutes ses
positions, l’ancien président de
l’Unef Jean-Baptiste Prévost,
aujourd’hui au cabinet de la
Ex-collaboratrice de Hamon
et de Vallaud-Belkacem
Et les partis politiques ? Caroline De Haas est passée par le
PS. Elle fut la collaboratrice de
Benoît Hamon, a fait la campagne
de Martine Aubry en 2011, puis
est restée aux côtés de François
Hollande en 2012, avant d’intégrer
le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem aux Droits des femmes,
qu’elle a finalement quitté en
mai 2013. Un an plus tard, elle
rend sa carte. Aux européennes de
2014, elle mène une liste féministe
en Île-de-France et obtient 0,29 %
des suffrages. Où sera-t-elle dans
dix ans ? « Je n’en sais rien. Je suis
prête à faire des compromis, mais
pas à renier mes convictions. » Une
chose est sûre, ce ne sera plus aux
côtés de François Hollande. g
6 | instantanés
JDD | 6 mars 2016
Les indiscrets
Le top 5 twitter
Juppé recrute
1 Enfin sacré meilleur acteur
michel sapin,
« homme à femmes »
Alain Juppé recrute. Les
collaborateurs parlementaires
des députés et sénateurs Les
Républicains ont reçu cette
semaine un e-mail du candidat
à la primaire les conviant à le
retrouver « autour d’un verre,
afin d’échanger » jeudi prochain
à son QG de campagne.
Et plus si affinités…
Pour féminiser les sphères dirigeantes de l’État, le ministre des
Finances lance demain à l’occasion d’un petit déjeuner le réseau
des femmes cadres de Bercy. Entouré d’une trentaine de participantes, Michel Sapin réagit aux statistiques maison : seuls
23 % des postes à responsabilité sont occupés par des femmes. Au
menu de cet échange, les freins, leviers et réussites des parcours
au féminin dans les ministères économiques et financiers. À noter
que le taux de féminisation de son cabinet est passé de 20 à 40 %.
Les disciples de macron
Créé par quatre militants du PS et du MJS – Pierre
Person, Sacha Houlié, Florian Humez, Jean
Gaborit –, un collectif intitulé Les jeunes avec
Macron (JAM) va tenir une première conférencedébat samedi prochain dans les locaux d’une
start-up du 11e arrondissement de Paris. Avec la
participation de l’économiste Jean-Marc Daniel et
du député PS Pascal Terrasse. Le thème : « Inégalités et nouvelles opportunités économiques ». Le
ministre viendra-t-il applaudir ses supporters, qui
disent ne l’avoir rencontré qu’une fois ? Suspense.
son projet de loi, Myriam El Khomri est
victime d’un malaise, mardi. Mais la
ministre du Travail se veut rassurante.
@MyriamElKhomri
Rien de grave, tout va bien ! Merci pour
vos messages de soutien. 2 bilatérales
(@UPAofficiel + @force_ouvriere)
reprogrammées cette semaine
Hollande et la « question habile »
L’ironie de Lienemann
Sénatrice de Paris, Marie-Noëlle Lienemann – qui reproche
à l’exécutif son « virage droitier » – va publier le 31 mars
aux Éditions du Moment un essai très sévère pour la gestion Hollande. Paraphrasant le titre qu’avait choisi Valérie
Trierweiler (Merci pour ce moment), elle a intitulé sarcastiquement son ouvrage Merci pour ce changement.
Le soutien d’Obama
qu’attendait Hillary
En choisissant d’encourager ouvertement la candidature
de l’élu démocrate de Floride Patrick Murphy pour ravir le
siège de sénateur au républicain Marco Rubio, le président
Obama a clairement choisi son camp. Dans cette primaire
locale, Murphy, un pro-Clinton de la première heure,
affronte un élu local parrain de la campagne de Bernie
Sanders, le rival de Hillary Clinton.
à suivre cette semaine
Lundi
François Hollande
(photo) à Bruxelles
pour un sommet
extraordinaire
UE-Turquie sur la crise
migratoire. g Manuel
Valls reçoit pendant
trois jours l’ensemble des
partenaires sociaux à
Matignon pour discuter
du projet de loi sur le
travail. g Dîner annuel
du CRIF, à Paris. g Soirée
de lancement du Sidaction
5 La pétition en ligne contre
C’était le 17 février à l’Élysée. Près de une heure d’entretien du président de la République avec
quatre journalistes de Elle. Et inévitablement, au détour d’une interrogation sur son statut de célibataire, le sujet Julie Gayet… « Question habile », a feinté François Hollande, décontracté tout au
long d’une interview exclusive publiée dans l’édition de cette semaine. « Le Président s’est montré
sympathique, concentré, plutôt loquace, témoigne Françoise-Marie Santucci, la directrice de la rédaction du magazine. Mais pas blagueur comme on a pu le décrire, vraiment sérieux. Bon, il n’a pas voulu
nous parler de Julie Gayet mais tant pis. Il nous a raconté plein d’autres choses. » v. dArGent / news PiCtures
Fabius et ses amis
Il ne compte plus ses tweets sur le sujet. Depuis
la rentrée 2016, Patrick Kanner défend la prime
d’activité mise en œuvre pour les travailleurs
aux revenus modestes. À partir de 18 ans,
les jeunes, habitant ou non chez leurs parents,
y sont éligibles. « Le MJS a fait une campagne
dessus, mais mon parti n’a rien fait. Le PS ne fait
pas le service minimum, il devrait être la caisse
de résonance des actions populaires… J’en suis
meurtri », explique le ministre de la Ville,
de la Jeunesse et des Sports.
Dessus, successeur de François
Hollande à l’Assemblée, est morte
jeudi d’un cancer. Parmi les nombreux
hommages rendus à gauche, celui
de l’ex-ministre Christiane Taubira.
@ChTaubira
…et tout d’un coup, ça vous cogne
comme un coup de poing au menton
et au cœur, un sale coup du destin :
#SophieDessus n’est plus. ChT
4 En pleine mobilisation contre
Commentaire en petit comité d’un haut
diplomate israélien sur les relations entre
Tel-Aviv et les monarchies pétrolières du Golfe :
« Nous notons que certains pays n’appellent
plus à notre destruction, c’est le cas avec
l’Arabie saoudite dont nous rencontrons certains
des représentants officieusement. Quant à ceux
du Qatar [qui soutient le Hamas à Gaza], nous
espérons qu’ils nous accueilleront si Israël se
qualifie pour le Mondial de foot de 2022… »
Ps et service minimum
2 La députée PS de Corrèze Sophie
3 Candidat républicain à la
Maison-Blanche en 2012,
Mitt Romney sort de son silence pour
faire barrage au favori des
primaires de son parti, Donald Trump.
@MittRomney
“Ce que je sais, c’est que Donald Trump
est un charlatan, un imposteur.
Ses promesses ne valent pas mieux
qu’un diplôme de l’université Trump.”
israël fait le tri
dans le Golfe
De ses trois années et demie au
Quai d’Orsay il a gardé des amitiés. Laurent Fabius a rencontré
en fin de semaine à Paris le
ministre allemand des Affaires
étrangères, Steinmeier, et
l’ukrainien, Klimkine. Le nouveau président du
Conseil constitutionnel ira en Chine fin mars
pour y recevoir le titre de doctor honoris causa
de l’université de Nankai. Et Laurent Fabius y
prononcera un discours sur la COP21, dont il a
dû laisser la présidence à Ségolène Royal…
aux Oscars, Leonardo DiCaprio
n’en oublie pas ses combats.
@LeoDiCaprio
“Honoré par cette récompense.
#TheRevenant montre la beauté de
la nature. Contribuez à la protéger.”
2016, au musée du
Quai Branly.
Mardi
33e sommet
Franco-Italien,
à Venise, en présence de
François Hollande.
g L’Assemblée nationale
vote sur le projet de lutte
contre le crime organisé,
le terrorisme et leur
financement. g Journée
internationale des droits
des femmes.
Nathalie
KosciuskoMorizet,
qui doit
se déclarer
candidate à
la primaire
mardi soir
sur TF1, a choisi la Haute-Savoie
pour son premier déplacement
de candidate, vendredi. Le
jeudi 10 mars elle sera l’invitée
de la Journée de la femme digitale
à Paris, qui rassemble plus de
1.000 femmes responsables
dans le secteur du numérique.
Le top 5 Google
tendances de recherches du 27 février
au 4 mars (plus fortes progressions)
Tous les sujets
France
Personnalités
politiques
1. Qu’est-ce
qu’une année
bissextile ?
2. Lyon-PSG
3. Michael
Douglas
4. Granville-OM
5. Alicia Vikander
1. François
Hollande
2. Nicolas
Sarkozy
3. Manuel Valls
4. Emmanuel
Macron
5. Marine Le Pen
Nos classements et analyses sur lejdd.fr
retrouvez à suivre cette semaine ce matin entre 6 h et 10 h dans Week-end Première sur
Mercredi
Manifestation à Paris
contre le projet de loi de
réforme du travail à l’appel
de la CGT, FO et Solidaires.
g Hommage républicain, à
Uzerche, rendu à l’ancienne
députée de Corrèze Sophie
Dessus, en présence
de François Hollande.
g Procès de George Pouille,
à Grenoble, accusé du
meurtre de deux fillettes
dans les années 1990 à
Voreppe, confondu par son
Poree Audrey/ABACA ; Gilles BAssiGnAC/diverGenCe Pour le Jdd ; ÉriC dessons/Jdd
La candidate nKm
en Haute-savoie
la réforme du travail dépasse vendredi
le million de signatures. Ce qui agace
l’ex-ministre PS Michèle Delaunay.
@micheledelaunay
Du million de signataires pour
l’abolition de la loi travail, combien
qui n’en ont pas lu la moindre ligne ?
@MyriamElKhomri @partisocialiste
ADN vingt ans après les
faits. g Salon international
du tourisme de Berlin.
Jeudi
Visite d’État en France,
jusqu’à vendredi, du roi
Willem-Alexander et de la
reine Maxima des PaysBas. g La juge des tutelles
de Reims rend sa décision
sur la désignation d’un
tuteur extérieur à la famille
pour le paraplégique
Vincent Lambert.
g Premiers essais en mer
du plus grand paquebot
du monde, l’Harmony of
the Seas, construit à SaintNazaire. g Réunion
de politique monétaire
de la BCE avec une décision
sur les taux directeurs,
à Francfort.
Vendredi
Sommet national sudafricain, à Johannesburg.
g Salon européen de
l’Éducation, à Paris.
g Semaine nationale de
l’Artisanat en France.
Samedi
Début de la semaine de la
langue française. g Remise,
à l’Assemblée nationale, du
prix de la 25e journée du
livre politique.
g Rassemblement
en France contre
le projet de loi du
travail à l’appel de
la CFDT, CFTC, CFECGC, Unsa et Fage.
Dimanche
Élections législatives
partielles dans la
2e circonscription de
l’Aisne et la 10e du Nord
pour succéder à Xavier
Bertrand (photo) et Gérald
Darmanin. g Élections
régionales en RhénaniePalatinat, Saxe-Anhalt
et Bade-Wurtemberg
(Allemagne).
g Écosse- France, 4e
journée du Tournoi
des Six Nations.
Politique
jdd | 6 mars 2016
|7
LR Sur sa candidature à la primaire, l’ex-président enjoint à ses amis d’être patients tout
en les invitant à « prendre des initiatives » : « Je ne bougerai pas avant l’été », a-t-il déclaré
Le calendrier de Sarkozy
L
ChRistine OLLivieR
@Chr_Ollivier
n’était pas dans le même calendrier
que les autres. »
Il fallait aussi faire taire une
« petite musique » dangereuse,
« sur le thème du doute : “est-ce qu’il
va aller jusqu’au bout ?” », explique
Roger Karoutchi. Pas question en
effet que les parlementaires, très
sollicités pour leurs parrainages,
soient tentés de rejoindre une
autre écurie.
a primaire, c’est six mois
de faux-plat, et deux
mois et demi d’ascension. Mes adversaires,
je les attends sur le
ring » : c’est un Nicolas Sarkozy,
« très déterminé », selon un témoin,
qui, mardi, a rendu une visite surprise à ses amis.
La quarantaine de parlementaires réunis par Brice Hortefeux
« Il prendra sa décision entre
le 21 juin et le 9 septembre »
au Toucan, une brasserie située
à deux pas du siège des RépubliMais « je ne veux pas précipiter
cains à Paris, l’a vu débarquer à
le calendrier », a prévenu Nicolas
9 h 30, pour un peu plus d’une
Sarkozy. « Je ne veux pas me retrouheure d’échanges. Alors que les
ver dans la mêlée pendant des mois.
candidatures se multiplient à
Je ne bougerai pas avant l’été »,
a-t-il expliqué,
droite – Nathalie
Kosciusko-Moriselon un particizet se déclarera à « Il faut imposer
pant. « Il prendra
son tour mardi – des règles pour
sa décision entre
le 21 juin et le
et qu’Alain Juppé
que
les
candidats
caracole en tête
9 septembre »,
des sondages, il se respectent
date limite du
devenait urgent
des candiles uns les autres » dépôt
de rassurer ses
datures à la priBernard Reynès
maire, confirme
troupes.
« Sur le terrain,
un proche. S’il est
il y a une certaine
candidat, les staagitation avec tous les candidats
tuts du parti lui imposent toutefois
déclarés qui s’organisent et qui rede quitter la présidence des Répucrutent, témoigne le sénateur Alain
blicains au plus tard quinze jours
avant cette date, soit le 25 août.
Joyandet. On nous dit : “Et nous
alors ? Sarkozy, c’est pour quand ?”
S’il encourage ses amis à
L’idée, c’était de faire passer le mesprendre des initiatives localement
sage qu’il était bien là, mais qu’il
et a confié à Brice Hortefeux le soin
Nicolas Sarkozy, jeudi, à Lille. Max rosereau/Maxppp
de réactiver son microparti, Nicolas Sarkozy n’entend pas varier de
la stratégie qui est la sienne depuis
qu’il a été élu à la tête de l’UMP :
être l’homme du « collectif »,
s’appuyer sur le parti et laisser ses
rivaux s’épuiser à faire campagne,
avant de mener une guerre éclair
de deux mois. Et qu’importe que
les candidatures se multiplient :
peu seront effectivement sur la
ligne de départ. « Septembre, c’est
le temps des vendanges. On verra
qui a une bonne récolte et qui n’en
a pas », a-t-il lancé lors d’une réunion interne.
D’ici là, il entend jouer la carte
du « rassemblement » et du « projet », contre les petites phrases qui
hérissent les militants. Agacé et
inquiet à l’idée que la primaire vire
à la foire d’empoigne, le député LR
Bernard Reynès réclame déjà une
« charte de bonne conduite » qui
engagerait les candidats, les cadres
et les adhérents. « Il faut imposer
des règles pour que les candidats
se respectent les uns les autres »,
plaide-t-il.
Nicolas Sarkozy, lui, suit son
propre calendrier. La ligne du
parti, telle que définie lors du
Le Maire : « J’ai envie, j’ai très envie »
Dans son discours, Le Maire n’a
guère attaqué l’actuel président.
« Parce que François Hollande n’est
plus le sujet pour les Français. Ils ont
déjà tiré un trait sur lui », confie-t-il.
Le candidat à la primaire
plaide pour « une nouvelle
révolution française »
Il veut « réinventer la politique ».
Pour son premier grand meeting de
campagne, Bruno Le Maire a appelé
samedi, devant 2.000 personnes réunies à Aubervilliers (Seine-SaintDenis), à une « nouvelle révolution
française, celle qui rendra le pouvoir
aux citoyens ».
Pour incarner le « renouveau »,
ses équipes ont soigné la forme,
pour un budget de 150.000 € : écrans
géants, goodies aux couleurs de
« BLM », nouvelle musique, mais
toujours pas de tribune, l’homme
préférant se balader au milieu des
rangs, un micro à la main. Lui, c’est
clair, il « veut être le chef de l’État ».
Un « président qui préside », mais pas
un hyperprésident : « Le chef de l’État,
il n’est pas ministre à la place de ses
Bruno Le Maire, hier, à la Plaine Saint-Denis.
Éric baudet/divergence pour le jdd
ministres. Il n’est pas responsable du
gouvernement à la place de son Premier ministre. Assez de ces chefs de
l’État qui font tout et n’importe quoi ! »
« Toute cette gauche du XIXe siècle
avec ses vieilles idées »
Pour se démarquer, il a plutôt plaidé en faveur de la réforme
El Khomri du droit du travail : se
mobiliser contre ce texte serait « une
erreur ». Car « la simplification du
droit du travail est dans l’intérêt de
nos jeunes », plaide-t-il. « Je vois […]
se lever, comme une masse énorme,
toute cette gauche du XIXe siècle avec
ses vieilles idées, a-t-il ironisé. Voilà
que Martine Aubry sort de sa boîte ! »
À contre-courant d’une partie de son
camp, il a aussi développé un discours résolument proeuropéen. Le
9 mai, il sera d’ailleurs à Berlin pour
un des rares déplacements inter-
Les invités politiques du dimanche
g Olivier Dartigolles (PCF) :
L’interview politique du 7/9
du week-end, France Inter, à 8 h 20.
g Florian Philippot (Fn) :
Le Grand Rendez-Vous, Europe 1/
Le Monde/iTélé, à 10 heures.
g Alexis Corbière (PG) :
30 Minutes pour convaincre,
Judaïques FM, à 10 h 30.
g Benoist Apparu (LR) : Bureau
politique, LCI, à 10 h 35 et 22 h 10.
g hervé Morin (UDi) : Agora,
France Inter/L’Obs, à 12 heures.
g hervé Mariton (LR) : Le Brunch
politique, Sud Radio, à 12 heures.
g Xavier Bertrand (LR) : 12/13
dimanche, France 3, à 12 h 10.
g Matthias Fekl (Ps) : Internationales,
TV5 Monde/RFI, à 12 h 10.
g emmanuelle Cosse (eeLv) :
Le Grand Jury, RTL/Le Figaro/LCI,
à 12 h 30.
g Bruno Juillard (Ps) :
Le Supplément, Canal+, à 12 h 55.
g Malek Boutih (Ps) :
Forum, RadioJ, à 14 h 20.
g Jean-Louis Debré (LR), Caroline
De haas, (initiatrice de la pétition
contre la loi du travail) : BFM Politique, BFMTV/Le Parisien Aujourd’hui
en France, RMC, à 18 heures.
g Luc Chatel (LR) : 18 h Politique,
iTélé, à 18 heures.
g Éric Woerth (LR) : C politique,
France 5, à 18 h 35.
g Guy Geoffroy (LR) : Grand Écran,
LCP-Assemblée Nationale, à 20 h 30.
g Christine Boutin (PCD) :
Soir 3, sur France 3, à 23 h 55.
nationaux de sa campagne. Ce qui
le différencie des autres candidats
à la primaire ? « J’ai envie, j’ai très
envie ! », a-t-il lancé.
Ce meeting clôturait une intense
séquence de quinze jours après sa
déclaration de candidature. « Le che-
dernier conseil national, doit être
validée en avril par un vote des militants. Viendra alors le temps du
« programme de gouvernement »
issu des conventions qui doivent
s’achever en juin. La prochaine,
consacrée à la fonction publique,
est prévue mercredi, jour de mobilisation sociale contre la réforme
du droit du travail. Nicolas Sarkozy
veut aussi régler la question des
investitures pour les législatives
avant l’été. Il n’en démord pas, bien
qu’Alain Juppé, François Fillon et
Bruno Le Maire, qui veulent renvoyer le sujet à l’après-primaire,
en aient fait un casus belli.
En Sarkozie, l’heure n’est donc
pas aux doutes. Les proches de
l’ancien président se rassurent
devant les bonnes ventes de son
livre et l’accueil qui lui est réservé lors des séances de dédicace.
Qu’Alain Juppé se moque de son
« plan Marshall » pour la ruralité
– « le plan Marshall, c’était au
XIX e siècle » –, et l’un d’eux
réplique aussitôt : «…un siècle qu’il
a bien connu ! »
Surtout, l’ancien président
observe avec intérêt les primaires
américaines, bousculées par un
Donald Trump. « Le candidat qui
va passer ne sera pas le candidat
du système, mais celui des gens »,
affirme-t-il. Un proche ajoute les
sous-titres : « Et ici le candidat du
système, c’est Juppé. » g
min est encore long, mais on a atteint
le camp de base et il est solide », se
réjouit-il. Il va désormais reprendre
son tour de France, « humblement ».
« Maintenant, il faut disparaître à
nouveau… » En attendant la vraie
campagne, en septembre. C.O.
8|
InternatIonal
jdd | 6 mars 2016
miGrants Le sommet UE-Turquie qui s’ouvre
demain illustre les grandes difficultés de Bruxelles
à assurer la maîtrise des flux migratoires
L’Europe otage
de la Turquie
U
François ClemenCeau
@Frclemenceau
ne course de lenteur.
Face à l’arrivée quotidienne de 2.000 à
3.000 migrants sur
les côtes grecques en
provenance de Turquie, les 28 chefs
d’État de l’Union européenne se
réunissent demain, à la demande de
l’Allemagne, pour faire appliquer le
« plan d’action » adopté entre l’UE
et Ankara… le 29 novembre dernier ! À l’époque – car au vu des flux
et de l’accélération des fermetures
de frontières au sein de l’espace
Schengen, cela semble déjà très
lointain –, il avait été décidé que
Bruxelles dépenserait la somme
de 3 milliards d’euros pour « fixer »
les réfugiés en Turquie. À condition
que le gouvernement du président
Erdogan multiplie les efforts en
ce sens sur le plan humanitaire et
policier. Or, le compte n’y est pas.
À tel point qu’il a fallu, au terme
d’une visite à Ankara le 8 février
de la chancelière Merkel, solliciter
l’aide de l’Otan pour aider à mieux
surveiller les côtes turques d’où
les passeurs organisent le trafic de
migrants à destination de la Grèce.
Ces désespérés y sont désormais
bloqués par dizaines de milliers du
fait de la fermeture de la frontière
macédonienne (lire le reportage cidessous).
En Allemagne, l’extrême droite
progresse
La situation est d’autant plus
désolante que, en échange de sa
bonne volonté, la Turquie exige
davantage de souplesse dans l’accélération des négociations de son
adhésion, improbable à moyen
terme, à l’UE. Négocier avec un
gouvernement qui réprime brutalement ses ennemis kurdes de
l’intérieur et fait fermer à tour
de bras les médias d’opposition,
voilà qui est encore plus désolant.
« La solution est européenne »,
ont, d’une voix unanime, déclaré
François Hollande et Angela
Merkel, réunis à Paris vendredi,
même si, côté français, l’on regrette
les dérives entraînées par la générosité de la chancelière.
La dirigeante allemande joue
gros dans cette affaire (lire l’article
p. 9). Non seulement en tant que
leader européen, puisque sa seule
initiative a suscité une cascade de
décisions nationales restreignant
la liberté de circulation, mais en
tant que patronne de la CDU dans
son propre pays où les élections régionales importantes de dimanche
prochain seront marquées par la
progression de l’extrême droite
europhobe et anti-réfugiés. Coïncidence fâcheuse : hier, la Slovaquie
a reconduit l’équipe du Premier
ministre sortant Robert Fico, au
terme d’une campagne axée sur le
refus d’accueillir sur son sol tout
réfugié « musulman ». g
Ci-dessus : un arbre du port du Pirée, près d’Athènes (Grèce), sert d’étendoir improvisé. A droite, en haut :
capitale grecque, un migrant porte des œufs durs offerts par un Athénien. En bas : des familles afghanes
La Grèce, salle d’attente pour les réfugiés
athènes (GrèCe)
Envoyé spécial
antoine malo
@AntoineMalo2
La crise des migrants serait-elle
en train de réveiller les démons
grecs ? Vendredi matin, accompagnant la pierre qui a fracassé la
vitrine de son salon de photographie,
Yiannis Lagoudakis a retrouvé ce
message : « Sale pute ! Tes “réfugiés”,
tu peux te les foutre au cul ! » Yiannis
est également le maire de Perama,
petite commune sur les hauteurs
du Pirée, et, pour lui, il n’y a aucun
doute : cette agression est signée
Aube dorée, le parti néonazi grec.
« Cela fait deux ans qu’ils se tenaient
tranquilles, ils profitent de la situation
pour refaire surface. » Pour autant,
cet élu de Syriza (gauche radicale, au
pouvoir) ne renoncera pas à son programme du jour : la visite du camp
de Schisto et des 1.500 migrants qui
y ont trouvé refuge. La municipalité
a offert les balançoires qui viennent
d’y être installées. « Et puis la grande
majorité des habitants de ma commune est solidaire des réfugiés »,
justifie le maire photographe.
Le camp de Schisto n’est situé
qu’à quelques centaines de mètres
du centre de Perama, au bord
d’une route nationale qui s’enfonce
dans les collines pierreuses. Cette
ancienne base de tirailleurs grecs,
abandonnée depuis plusieurs
années, a été rénovée début février
par les militaires et a ouvert il y a
quinze jours seulement. Le centre
est déjà plein.
Dans les 125 tentes montées à
Schisto ne vivent pratiquement
qu’au compte-gouttes Syriens et
que des Afghans. Or, depuis quinze
jours, la Macédoine, la Serbie et
Irakiens. Plus de 10.000 personnes
la Croatie, trois pays de transit à
s’entassent désormais dans le
partir de la Grèce vers l’Autriche
camp d’Idomeni, aux portes de la
puis l’Allemagne, ne les considèrent
Macédoine. Au sud, sur les îles de
plus comme éligibles à l’asile. « Les
Lesbos ou de Kéos, le rythme des
Syriens, eux, ils ont le droit d’aller
arrivées de bateaux depuis la Turen Europe, et pas
quie ne faiblit
pas. « Environ
nous ?, s’indigne
Pa y m a n , u n « Moi, je n’arrive pas
3.000 personnes
adolescent qui à boucler les fins de
débarquent par
s’exprime dans
jour, estime
un anglais par- mois, ma maison peut Daniel Esdras,
chef du bureau
fait. La guerre, ils être saisie. Mais eux,
grec de l’OIM
ne la connaissent
que depuis 2011. on leur distribue
(Organisation
internationale
Nous, ça fait de la nourriture… »
trente ans ! » Et
pour les migrad’expliquer que,
tions). Et ce sera
du haut de ses 16 ans, il a déjà rédavantage au printemps. » Parmi
chappé à trois attentats commis par
eux, de plus en plus de femmes et
les talibans. Payman et sa famille
d’enfants (lire interview p. 9).
n’ont aucune envie de s’installer
Combien de temps la Grèce
tiendra-t-elle ? Cette semaine, la
en Grèce. Ici, on rêve plutôt de la
Suède, du Canada, et surtout de
Commission européenne, lui a alloué
l’Allemagne.
un fonds d’urgence de 300 millions
d’euros. Un cautère sur une jambe
Plus de 10.000 personnes
de bois. « Au-delà de 150.000 réfuà Idomeni
giés, cela va devenir ingérable pour
Ainsi va la Grèce aujourd’hui.
le gouvernement », estime même
Accueillant sur son territoire des
Daniel Esdras.
Les autorités ne semblent déjà
réfugiés qui ne souhaitent pas
pas dominer entièrement la situay rester et palliant les décisions
de pays européens – Autriche,
tion. Il suffit de faire un tour sur
Hongrie, pays nordiques – qui ne
le port du Pirée pour s’en rendre
veulent plus voir passer ou s’installer
compte. Là débarquent les réfugiés
des migrants sur leur sol. Résultat :
après leur premier passage dans les
les autorités estiment qu’au mois
îles. Dans les salles d’attente, remde mars le pays pourrait compter
plies, l’été, de touristes en partance
jusqu’à 70.000 réfugiés. Au nord, la
pour les îles, dorment des familles
Macédoine a pratiquement fermé
de Syriens, d’Afghans, d’Irakiens.
sa frontière, ne laissant passer
D’autres campent au pied de bâti-
ments délabrés. Des ONG locales
Accueillir les migrants au centre de
distribuent de la nourriture et disSchisto fait donc grincer quelques
pensent les soins médicaux sous
dents. « Ça m’embête de les voir làle regard de quelques policiers
bas, confie Pagona, une aide-ménapeu concernés. Au plus fort de la
gère de 50 ans rencontrée pendant
crise grecque, Stratis Soulargas,
sa pause-cigarette. Moi, je n’arrive
un bénévole de 41 ans, avait déjà
pas à boucler les fins de mois, ma maiparticipé à des réseaux de solidarité
son peut être saisie. Mais eux, on leur
citoyens. « Tant qu’ils arrivent ici,
distribue de la nourriture… »
qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? »,
s’interroge-t-il. Comme lui, malgré
Fracture avec l’UE
la misère et un chômage qui frappe
En tout cas, Pagona ne compte
26 % de la population active, beaupas plus que ses compatriotes sur
coup d’Athéniens viennent apporl’Union européenne pour régler le
ter des vivres et des vêtements ou
problème. Selon Seraphim Sefedonner de leur temps aux réfugiés.
riades, ces nouvelles tensions n’ont
« Avec la crise économique, les Grecs
fait que renforcer le peu de confiance
se sentent des sacrifiés du système
que les Grecs, déjà échaudés par la
et de l’Europe, explique le sociocrise du Grexit l’an dernier, placent
logue Seraphim Seferiades. Il leur
dans les institutions européennes.
paraît donc normal de venir en aide
Et elles consacrent un peu plus la
à d’autres exclus. »
fracture entre cette Grèce qui a voté
À Perama également, cet élan
Syriza et une partie de l’Europe perde solidarité existe. « C’est quand
çue comme réactionnaire.
même très triste, ce qui leur arrive,
En tournée dans la région cette
explique Stelios, 65 ans, ouvrier
semaine, Donald Tusk, le président
sur le port. Moi,
du Conseil euroje leur donnerais
péen, a tenté de
ma chemise s’il « Tous me disent
calmer le jeu,
assurant qu’un
le fallait. » Pour- la même chose : ils
consensus se
tant on sait, ici
plus qu’ailleurs, vont accélérer leur
dessinait et que
que cette situa- départ avant que
le retour au systion n’est pas
tème Schengen,
tenable sur le tout ne soit fermé »
notamment dans
long terme. Pe« les pays de la
route des Balkans occidentaux »,
rama, cité de dockers aux immeubles
bas un peu décatis, a été ravagée par
était proche. Un diplomate eurola crise. Selon le maire, le taux de
péen explique, quant à lui, que les
chômage y frôle aujourd’hui 60 %,
Grecs remplissent aujourd’hui leur
grimpant jusqu’à 90 % parmi les
mission, notamment dans la mise
travailleurs des chantiers navals.
en place des hot spots. Quatre fonc-
InternatIonal | 9
jdd | 6 mars 2016
Pierre Henry, DG de
France Terre d’asile
« à Lesbos,
plus de 60 %
des migrants
sont des
femmes et
des enfants »
IntervIew
Marie-Christine tabet
@mc_tabet
À Calais, le nombre de mineurs
isolés – 326 selon vos chiffres,
dont 57 de moins de 15 ans –
ne cesse de progresser. Pourtant,
ce sont des hommes que l’on a vus
depuis des mois sur les routes
d’europe…
SIPA
Les hommes
sont effective m e n t p a rtis seuls en
éclaireurs. Ils
avaient l’intention de faire
venir leurs
familles par des
voies légales, une fois installés en
Europe. Mais les discours de fermeture des frontières répétés dans
différents pays européens ont eu
un effet immédiat sur les familles
restées au pays. Ils ont provoqué
un « regroupement familial » de
fait. Les hommes ont compris que
les rapprochements seraient aléatoires, ou du moins extrêmement
longs à réaliser. Du coup, ils ont
donné la consigne aux femmes
et aux enfants de partir sur-lechamp, par tous les moyens, même
en plein hiver, et de rejoindre la
Grèce au plus vite.
des migrants, en majorité afghans, au Pirée, jeudi. Au milieu : sur la place Victoria, dans le centre de la
et iraniennes manifestent au centre d’identification et d’enregistrement de Schisto, près d’Athènes.
REPoRtAgE Photo MARo KouRI/PoLARIS PouR LE JDD
Angela Merkel joue serré
tionnent déjà dans les îles grecques,
un cinquième prochainement. Leur
rôle ? Enregistrer les migrants et
« faire le tri » entre réfugiés de
guerre et migrants économiques.
Avec pour objectif d’expulser ces
derniers ? Donald Tusk l’a confirmé
cette semaine : « Nous pensons que
nous pouvons réduire les flux par des
retours à grande échelle et rapides
depuis la Grèce de tous les migrants
qui n’ont pas besoin de protection
internationale. »
« La fermeture de frontières,
ça ne sert à rien »
Une approche répressive qui suscite le doute. « C’est comme la fermeture de frontières, ça ne sert à rien
sauf à enrichir les criminels ! », commente Khalaf Al-Houshos, un Syrien
installé en Grèce depuis huit ans qui
est en contact régulier avec des compatriotes arrivés récemment. Depuis
la quasi-fermeture du passage entre
la Grèce et la Macédoine, certains lui
demandent s’il connaît des passeurs
qui pourraient les conduire illégalement en Allemagne. Le trafic de faux
passeports, tenu en Grèce par les
réseaux égyptiens et albanais, serait
lui aussi,en expansion. Enfin, des
Syriens encore réfugiés en Turquie
ont également appelé Khalaf. « Tous
me disent la même chose : ils vont
accélérer leur départ avant que tout
ne soit fermé. » De passage à Ankara
jeudi, Donald Tusk leur a pourtant
expliqué ceci : « Ne venez pas en
Europe. Ne croyez pas les passeurs. »
Il n’est pas certain que le message
ait été entendu. g
TROIS LäNDER votent en
même temps, dimanche,
dont les très peuplés BadeWurtemberg et RhénaniePalatinat. L’assiette électorale est donc suffisamment
large pour faire de ce scrutin un référendum sur la
politique migratoire de la
chancelière – qui influencera le choix de quatre
électeurs sur cinq, selon
un récent sondage ARD.
Dans les intentions de vote,
partout, la CDU perd du
terrain au profit du jeune
parti populiste Alternative
pour l’Allemagne (AfD), qui
fait campagne contre les
réfugiés. En Saxe-Anhalt,
seule région de l’Est à
voter, l’AfD est même crédité de 17 % des intentions
de vote, devant le SPD.
Dès lors, Angela Merkel
n’a pas le choix : elle doit
tenir la promesse qu’elle
a formulée dès le mois de
novembre à ses électeurs,
et faire baisser rapidement
le nombre de demandeurs
d’asile. Pour elle, la solution viendra de ce sommet
UE-Turquie. « Je n’ai pas de
plan B », a-t-elle concédé
dimanche dernier sur ARD.
« L’obsession turque de la
chancelière » : l’expression,
entendue dans la bouche
d’un diplomate européen
à Bruxelles lors du dernier
sommet, a fait son chemin
jusqu’à Berlin. Au ministère
à Berlin, mardi. EPA/MAXPPP
des Affaires étrangères, on
applique les directives de la
chancellerie – les contacts
sont désormais quotidiens
avec les Turcs – mais on
n’en pense pas moins :
Angela Merkel compte trop
sur Ankara pour résoudre
la crise des réfugiés.
Rééquilibrer
sa diplomatie
Ainsi les négociateurs
allemands ont reçu pour
consigne de ne plus aborder
certains dossiers chauds,
comme la liberté d’expression ou la question kurde.
« C’est de la realpolitik,
certes, mais il y a le danger
d’une rupture majeure dans
la ligne allemande », reconnaît un diplomate. Des
équipes ont aussi dû plancher sur des documents de
travail appuyant les exigences turques à Bruxelles :
levée de l’obligation de visa
pour les visiteurs turcs dans
l’espace Schengen, voire, à
moyen terme, reprise des
négociations pour une
adhésion à l’UE. « Une
stratégie dangereuse et
irréaliste », a critiqué cette
semaine l’économiste HansWerner Sinn, patron du
très influent institut pour
la recherche économique
(Ifo) de Munich. « À chaque
fois que l’Allemagne ne se
montre pas assez docile,
les Turcs laissent passer
quelques réfugiés de plus
vers l’Europe. »
Depuis une semaine,
la chancelière cherche
toutefois à rééquilibrer
sa diplomatie : voyage à
Paris, discussions avec les
Libanais et les Irakiens,
et un spectaculaire rapprochement avec Athènes
– qu’elle défend désormais :
« Pouvez-vous sérieusement
croire que les pays de l’Euro ont combattu jusqu’au
bout afin que la Grèce reste
dans l’Euro pour qu’un an
plus tard on laisse la Grèce
plonger dans le chaos ? »
L’Allemagne et la Grèce,
les deux extrémités de la
« route des Balkans » ont les
mêmes intérêts dans cette
crise. Demain à Bruxelles,
bien plus que François
Hollande, c’est Alexis
Tsípras qui sera donc l’allié
le plus important de Merkel. Un paradoxe alors que,
dans le dossier de la dette,
Berlin continue de critiquer
l’absence de structures étatiques fiables en Grèce.
HéLène KoHL, à BeRLin
Le phénomène est-il important ?
Depuis le 1 er janvier, sur
120.000 migrants arrivés sur
l’île de Lesbos, on a dénombré
47.100 enfants et 27.300 femmes, ce
qui fait plus de 60 % du total. Pour
mémoire, 470.000 migrants étaient
passés par Lesbos sur l’ensemble
de l’année 2015, principalement
des hommes. Nous sommes donc
face à un phénomène nouveau et
massif.
L’europe et la France doivent-elles
désormais se préparer à accueillir
ces femmes et ces enfants ?
L’Union européenne n’a aucun
moyen de répartition et n’a même
aucune présence physique sur la
route des migrants, si ce n’est dans
l’embryon de hot spot de Lesbos.
Mais il ne faut pas être dupe,
il ne s’agit que d’une immense
agence d’enregistrement photographique. Une fois les questions administratives réglées,
les migrants prennent le ferry
pour rejoindre le port du Pirée,
à Athènes. Il n’y a guère que le
Haut-Commissariat aux réfugiés
(HCR) et l’Unicef qui ont organisé des centres pour accueillir les
femmes et les enfants dans les différents pays. La France, elle, s’est
engagée à accueillir 30.700 migrants en deux ans. En six mois,
nous en avons reçu 200 ! Or il y
a 12.000 personnes bloquées au
camp d’Idomeni, à la frontière
macédonienne. Dans quelques
semaines, quelques mois, ceux
et celles qui veulent retrouver
un mari, un père, un oncle en
Grande-Bretagne atterriront en
France… g
10 | InternatIonal
JDD |6 mars 2016
Assad profiteur d’accalmie
Syrie La première semaine de trêve n’a pas été respectée par le régime syrien et ses alliés. L’opposition menace
de ne pas revenir à la table des négociations qui pourraient reprendre à partir de jeudi à Genève
d’approvisionnement des zones
rebelles dans le Nord. En fait, ils
font partie intégrante du régime ! »
Dans un tel contexte, impossible pour Riad Hijab, cet ancien
Premier ministre de Bachar ElAssad qui a rejoint la rébellion
en 2012, d’aller à Genève la semaine prochaine. À moins que
des progrès décisifs soient faits
dans l’aide humanitaire et que le
régime consente enfin à libérer
ou à échanger des prisonniers.
Riad Hijab évoque ces convois
parvenus bien tard cette semaine
dans certaines villes assiégées,
certains transportant des denrées
périmées ou même des produits
totalement inutiles ou encore
des vêtements d’hiver alors que
le printemps est déjà là…
FrançoiS ClemenCeau
@Frclemenceau
Riad Hijab n’est pas content. Il
est venu à Paris ce vendredi pour
sonder ses alliés européens réunis
autour du chef de la diplomatie
française, Jean-Marc Ayrault. Et
au moment même où le ministre
britannique des Affaires étrangères
l’encourageait à reprendre la négociation avec le régime, voilà que les
forces d’Assad pilonnaient la zone
rebelle de Douma, à l’est de la capitale syrienne.
Le même jour, l’émissaire spécial
des Nations unies, Staffan de Mistura, indiquait que le sort du président Assad n’appartenait qu’au seul
peuple syrien. « Pourquoi devrionsnous dire à l’avance ce que les Syriens
diront, dans la mesure où ils ont la
liberté et la possibilité de le faire ? »
Riad Hijab se sent lâché
par les américains
Une allusion des plus ambiguës
aux élections législatives que le
régime veut organiser en avril et
à la présidentielle annoncée par
Bachar El-Assad lui-même pour le
mois de juillet. Hier, le diplomate
onusien a recalibré ses propos : les
négociations de Genève doivent
précéder la formation d’un gouvernement de transition qui, lui
seul, pourra convoquer des élections libres après l’adoption d’une
nouvelle constitution.
Le chef de l’opposition syrienne dénonce également une fois
Mardi, à Kafr Batna, près de Damas, un homme et ses enfants rapportent des sacs de blé fournis par le PAM (Programme alimentaire
mondial). AMER ALMOHIBANY/AFP
de plus la Russie, accusée d’être
juge et partie dans la guerre. Juge
de la viabilité de la trêve qu’elle
a décrétée via un accord avec les
États-Unis et partie prenante
aux bombardements qui ont fait
cette semaine plus de 150 morts,
selon l’opposition. Riad Hijab se
sent donc lâché. Les Américains
cèdent-ils face à Poutine ? « Franchement oui, répond-il, et leurs
concessions se font au détriment de
la révolution syrienne. » Lorsqu’on
évoque avec lui le rôle des Kurdes,
appuyés par les Russes pour lutter
contre les rebelles soutenus par
la Turquie, et par les États-Unis
dans leur combat contre Daech,
il répond au JDD : « Les Kurdes
viennent de mener des attaques
féroces pour couper les routes
Le front commun contre Daech
n’avance pas au rythme souhaité
Pour Paris, la marge de
manœuvre est étroite. D’autant
que le front commun contre
Daech n’avance pas au rythme
souhaité. Cette semaine, un responsable français faisait état en
privé de « tensions dans l’appareil exécutif américain ». Entre
Ashton Carter, à la tête du Pentagone, plaidant pour davantage
d’action, et la Maison-Blanche
« sur une ligne qui vise plus à affaiblir Daech qu’à l’éradiquer ».
Dans cette optique, la reprise de
Raqqa, un temps envisagée pour
ce printemps, serait d’ores et déjà
repoussée à plus tard. g
Salem et Halit, à l’école des barbares
exCluSiF le JDD a pu rencontrer
en Turquie deux jeunes
garçons exfiltrés des camps
d’entraînement où Daech
forme ses enfants-soldats à tuer
anTakya (Turquie)
Envoyé spécial
alFreD HaCkenSberger
« Il faut l’attraper fermement par le
Les frères Salem et Halit ont réussi à fuir
col, ensuite vous lui coupez la tête
Daech, qui leur apprenait à tuer. A. ZAvALLIs
et vous la posez sur son dos. » En
quelques secondes, Salem exéIl y a côtoyé 150 autres mineurs,
cute le châtiment, avec une agiâgés de 7 à 15 ans. Totalement isolés
lité déconcertante. « C’est comme
du reste du monde, ils voyaient leur
ça que ça doit être fait », explique
quotidien réglé à la minute près.
le gamin de 10 ans, vous fixant de
Pendant dix semaines, un même
ses grands yeux
programme répémarron, comme
té à l’identique :
«
Nous
voulions
s’il s’attendait à
lever à 8 heures,
être félicité. Bien qu’ils échappent
petit déjeuner
puis entraînesûr, aujourd’hui,
ment physique.
tout cela n’est à ce lavage
Les garçons
qu’un jeu. Son de cerveau »
devaient courir
couteau n’est
lestés de poids.
qu’une paille en
plastique, la victime, son jeune
Quand ils lambinaient, leurs insfrère de 8 ans, Halit.
tructeurs n’hésitaient pas à tirer
Voilà quatre mois que Salem
autour d’eux à balles réelles.
ne pratique plus ce genre d’exerEnsuite, tir au fusil et au pistolet.
cices, mais pour lui, c’est comme
Après le déjeuner, leçon sur la
si c’était hier. Ce jeune Syrien fut
ceinture explosive. Puis comment
l’un de ces milliers d’enfants passés
tuer un ennemi en lui plantant un
par un camp de l’organisation État
couteau dans le cou. Chaque mouislamique où l’on apprend à tuer.
vement répété jusqu’à atteindre la
Les djihadistes disent ainsi vouloir
perfection. Tuer devient la chose
bâtir pour le futur « une nouvelle
la plus normale au monde.
génération » de « guerriers saints ».
Halit, le frère de Salem, sait
lui aussi décapiter à la façon de
Salem a été formé dans deux
endroits secrets, en Syrie et en Irak.
Daech. Pourtant, il n’a fréquenté
qu’une « école » des extrémistes en
Syrie. Chaque matin pendant plus
d’un an, dans la province de Deir
ez-Zor (Est), il s’est rendu dans cette
madrasa, où réciter le Coran était
la préoccupation principale, avec
l’apprentissage des techniques de
combat et d’exécution. Avec son
frère, il peut donc mimer sans peine
l’attaque d’un bâtiment : comment
couvrir son camarade pendant qu’il
avance sous le feu ennemi.
Regarder tous les jours
des vidéos d’assassinat
« Nos instructeurs étaient très
gentils, ils nous donnaient ce que
nous voulions, de l’argent ou des
vêtements afghans », se souvient
Salem. Leurs professeurs se faisaient appeler Abou Moussab,
Abou Al-Moukhati Belschiki,
Abou Mohamed… Tous portaient
une cagoule qu’ils n’enlevaient
qu’en de très rares occasions. Ils
venaient d’Arabie saoudite, de
Tunisie, de Libye, de France ou
de Belgique. C’est d’ailleurs un
Belge qui, le premier, a montré à
l’aîné comment décapiter. À part
trois autres Syriens, tous leurs
camarades étaient aussi étrangers. « Chinois, Ouzbeks, Irakiens,
Français… », pour la plupart enfants
de combattants qui souhaitent voir
leur progéniture éduquée comme
de « vrais guerriers saints » prêts à
mourir en martyrs.
D’ailleurs, aujourd’hui, la mort
survient plus tôt que ne le sou-
haiteraient sûrement ces parents.
autres enfants, regarder des vidéos
Parce que l’organisation terroriste,
d’assassinat. « On devait rejouer les
ciblée par les frappes de la coaliscènes », se souvient-il. Hilat aussi
tion, manque de combattants et de
avait droit à ce genre de projections.
kamikazes, les adolescents sont utilisés en renfort. Selon une étude de
« Celui qui se fait sauter
va au paradis »
l’université de Géorgie aux ÉtatsUnis, il y a eu, en janvier 2016, trois
Tous les vendredis après la
prière, l’aîné devait assister aux
fois plus de kamikazes de moins de
18 ans qu’il y a un an.
exécutions publiques. « On devait
Salem et Hilat, eux, se sont
voir ça de près », précise-t-il. Souenfuis avant qu’il ne soit trop tard.
vent, après ces meurtres, les enfants
C’est un oncle, aidé par un réseau
n’étaient pas autorisés à dormir. Ils
de passeurs, qui a sorti l’aîné de
auraient pu faire des cauchemars.
Syrie il y a quatre mois. Son petit
Ceux qui parvenaient à trouver le
frère est parti avec sa mère. S’ils
sommeil étaient réveillés à coups de
avaient été attrapés par Daech, ils
seau d’eau froide. Ils ne mangeaient
l’auraient payé de leur vie. « Nous
pas non plus, de peur qu’ils ne vovoulions qu’ils échappent à ce lavage
missent. Ainsi, les instructeurs pende cerveau », explique leur oncle
saient chasser les mauvais souvenirs
Youssouf, qui a combattu avec
des mémoires des enfants. Comme
l’Armée syrienne
une récompense,
libre contre le « Je n’avais plus
ils les autorisaient
régime de Bachar
à jouer, même au
foot.
El-Assad. « Salem besoin de mes
Aujourd’hui,
était particuliè- parents, l’islam
rement en danà l’abri, ils contiger, poursuit-il. était mon refuge »
nuent d’autres
Il avait déjà été
jeux. Comme
envoyé sur des
celui-ci, qui
consiste à imiter un kamikaze
check-points et portait une arme. »
Lavage de cerveau n’est pas
partant en mission. C’est Hilat qui
qu’un cliché. Pendant plusieurs
s’y colle. Salem le couvre, comme
mois, Salem a été totalement
le ferait un sniper. Alors Hilat
isolé. « Toi, en tant que moudjahid,
presse un bouton imaginaire sur
tu es un être spécial », lui disaient
une ceinture qui l’est tout autant.
ses instructeurs. « Je n’avais plus
« Et boum, c’est fait ! » Il rit. « Celui
besoin de mes parents, l’islam était
qui se fait sauter va au paradis, se
mon refuge », explique le garçon.
contente-t-il d’affirmer. Ce sont nos
Tous les jours, il devait, avec les
instructeurs qui nous l’ont dit. » g
Autour du monde | 11
jdd | 6 mars 2016
Libye
Pourquoi
la France
fait-elle des
« préparatifs
préventifs » ?
lejdd.fr Le blog de François
Clemenceau « Bureau Ovale,
saison 3 » pour suivre
les élections américaines
« Nous avons déjà connu l’illusion d’interventions
sans perspectives à moyen et long termes. Nous
devons éviter les erreurs du passé et les fuites en
avant. » Les stratèges français ne pourraient que
souscrire à cette déclaration du ministre italien
des Affaires étrangères. N’est-ce pas un responsable français qui le résumait ainsi récemment :
« On ne refera pas au sol les mêmes erreurs que
Sarkozy lors de sa campagne aérienne de 2011. »
D’où la notion intermédiaire de « préparatifs
préventifs » que certains ont voulu traduire par
« guerre secrète ». De quoi s’agit-il ? De la présence en Libye de « quelques dizaines – pas des
centaines – » de soldats des forces spéciales françaises avec une double mission : préparer le terrain à la sécurisation de Tripoli pour y accueillir
le gouvernement d’union nationale du Premier
ministre Fayez El-Sarraj, une fois qu’il aura été
adoubé par le Parlement, tout en menant des
opérations « clandestines » contre Daech. « Tant
qu’on n’a pas de gouvernement d’union nationale,
nous sommes face à nous-mêmes et nous continuerons de plaider pour des décisions frappantes
car nous ne voulons pas que le cancer s’étende »,
précise-t-on à Paris, qui a déployé sur place et en
périphérie toute la panoplie de ses capacités de
Sur le porte-avions « Charles-de-Gaulle », en 2011.
JeAn-Michel tuRPin / DiveRgence
renseignements. C’est ainsi que, par exemple, les
militaires auraient repéré dans la ville de Houn,
à 200 km au sud de Syrte (contrôlée par Daech),
un camp d’entraînement terroriste où s’activeraient tout à la fois des membres de Boko Haram,
d’Aqmi, du groupe Al-Morabitoune de Mokhtar
Belmokhtar, et de l’État islamique.
Le porte-avions arrive
Dans ce calendrier incertain, la France pourra bénéficier pendant quelques semaines ou
dernière heure
quelques mois d’un avantage supplémentaire
si le tempo devait s’accélérer. Le porte-avions Charles-de-Gaulle et son escorte doivent
prendre part ces jours-ci en Méditerranée à des
manœuvres baptisées « Ramsès 2016 » avec la
marine égyptienne à proximité de la Libye. En
attendant, l’état-major français se coordonne,
via une cellule de liaison basée à Rome, avec ses
alliés américains, britanniques et italiens, qui
disposent tous également de forces spéciales
en Libye. La grande question est de savoir si le
général Haftar, qui commande une partie de
l’armée libyenne nationale engagée sur le terrain,
peut devenir le partenaire incontournable de
ces « préparatifs » alors qu’il est l’ennemi juré
des milices islamistes qui contrôlent Tripoli. « Il
faut bien faire avec », avoue une source française
qui ne manque pas d’adjectifs pour contester la
compétence et le sens politique de ce galonné à
l’ambition nationale. Dix-huit mois après avoir
tiré la sonnette d’alarme sur le vide libyen qui
pouvait profiter à Daech, les forces françaises
pourraient donc entrer dans leur quatrième
opération extérieure en moins de quatre ans. Un
champ de mines des plus imprévisibles.
François CLemenCeau
@Frclemenceau
Mitt Romney en
campagne en
Floride, en 2012.
gARY i ROthstein/
uPi/MAXPPP
philippines Les autorités de
Manille ont annoncé hier la saisie
d’un navire nord-coréen, en vertu
d’une résolution adoptée jeudi par
le Conseil de sécurité de l’ONU qui
alourdit nettement les sanctions
internationales décidées après
l’essai nucléaire et le test de missile
balistique de Pyongyang. Une équipe
des Nations unies est attendue
pour l’inspection du navire dans
le port, situé près d’une ancienne
base navale américaine, a précisé un
porte-parole du gouvernement. AFP
afghanistan Les talibans ont
refusé hier de participer aux pourparlers de paix avec le gouvernement
de Kaboul, mettant un coup d’arrêt
aux espoirs de régler un conflit vieux
de plus de quatorze ans qui a fait des
dizaines de milliers de victimes. « Tant
que l’occupation des forces étrangères
n’aura pas pris fin, que les talibans
ne seront pas retirés des listes noires
internationales et que les prisonniers ne
seront pas libérés, ces négociations inutiles et trompeuses ne produiront aucun
résultat », peut-on lire sur leur site. ePA
50
C’est, en millions, le nombre d’emplois
dont le 13e plan quinquennal chinois vient d’ordonner
la création dans les zones urbaines du pays.
Le plan revoit la croissance à la baisse – 6,5 % – et prévoit une augmentation
de 5 % de la part des services, pour atteindre 56 % de l’activité économique.
bénin Trente-trois candidats s’affrontent ce dimanche lors de l’élection
présidentielle au Bénin, dont cinq favoris : le Premier ministre sortant Lionel Zinsou, deux des plus gros hommes d’affaires locaux, Patrice Talon et
Sébastien Ajavon, et deux banquiers internationaux, Abdoulaye Bio Tchané
et Pascal Irénée Koupaki. Lionel Zinsou, banquier d’affaires franco-béninois
de 61 ans, a été désigné candidat des Forces cauris pour un Bénin émergent
(FCBE) du président sortant Boni Yayi.
ReuteRs
La phrase
« mon fils a transformé la prison en un petit cirque et y
réalise des performances pour divertir ses codétenus »
La mère de mohammed abu sakha, un jeune clown palestinien sorti de l’école du cirque de bir Zeit en 2008 et
arrêté par l’armée israélienne à la mi-décembre. soupçonné d’appartenir au Front populaire de libération de la
palestine, il est maintenu depuis en prison, sans inculpation ni procès.
Le Leader de La semaine
« Instable, malhonnête, cupide, misogyne
et vulgaire, charlatan, imposteur »…
N’en jetez plus. Mitt Romney, candidat
malheureux il y a quatre ans face à Barack
Obama, est donc sorti de sa réserve et a
tenté de clouer au pilori le milliardaire,
depuis ses terres mormones de l’Utah.
Certes, Romney n’a guère brillé dans
sa vie professionnelle, il avait même
été surnommé le « Job Killer » pour
sa politique sociale
à la tête d’un fonds
d’investissement, mais
il peut néanmoins se
Le candidat
targuer de n’avoir jamais
républicain
fait faillite, à l’inverse de
à la présidentielle
Trump qui en a accumulé
de 2012 a pris
quatre tout au long de sa
la tête d’une
carrière. Pas étonnant
fronde anti-Trump
donc que, à la suite de
Romney, des barons
importants du parti aient fini par se liguer
et mettre la main à la poche pour financer
un super PAC anti-Trump (comité
d’action politique pouvant agir pendant
une campagne sans limite de dépenses)
et notamment 8.500 spots publicitaires
incendiaires contre le candidat antiestablishment.
Le sénateur de l’Arizona, John
McCain, y est, lui aussi, allé de son
avertissement. The American Funds,
proche des richissimes frères Koch,
ardents supporters du Grand Old Party,
a également financé des spots, mettant
en scène des étudiants croulant sous
les dettes, roulés dans la farine par les
bobards du candidat « Belle Mèche ». « Si
j’avais un couteau, a déclaré Glenn Beck,
polémiste enragé et très conservateur,
au micro de sa radio, et qu’il [Trump] se
trouve à portée de main, il prendrait coup
sur coup sans arrêt. » Mitt Romney a
donc enfin mis le feu aux poudres, mais
le Washington Post se demande déjà si
cette offensive n’est pas trop « tardive et
surtout terriblement contre-productive ».
À moins que cette fronde ne permette de
freiner l’ascension de Trump en le privant
de majorité pour la convention de juillet.
Une sortie « négociée » permettrait alors
de nominer un autre candidat capable de
fédérer le parti. Un rôle taillé sur mesure
pour Mitt Romney.
Mitt
RoMney
Karen Lajon
@karenlajon
12 |
société
jdd | 6 mars 2016
FeMMes À l’avant-veille de la Journée internationale du 8 mars, le JDD a rencontré des
membres du collectif Georgette Sand, qui inventent un militantisme festif et pragmatique
Les féministes font le buzz
R
Anne-lAure BArret
@AnneLaureBarret
ègles, tampons, serviettes hygiéniques…
Un petit séisme s’est
produit fin 2015 au
Sénat et à l’Assemblée
nationale lors des discussions sur le
budget 2016 : les parlementaires, des
hommes en majorité, ont planché
sur la fiscalité frappant les protections périodiques. Au bout des débats, le vote d’un taux réduit de TVA
à 5,5 %, contre 20 % auparavant. Et
si la victoire de la « taxe tampon »
était le symbole d’un renouveau
féministe, pragmatique et festif,
rompu à l’usage des réseaux sociaux
et aux codes du marketing ? Et si des
associations comme Osez le féminisme !, Stop harcèlement de rue !,
des mouvements tels que La Barbe,
Culotte Gate ou les Effronté-e-s
s’imposaient durablement dans le
débat et l’espace public ?
Alors que des associations manifesteront ce mardi 8 mars devant le
Medef à Paris pour l’égalité dans le
travail, la famille et la société, et que
François Hollande, en cette Journée internationale des droits des
femmes, accueillera le nouveau Haut
Conseil à l’égalité entre les femmes
et les hommes, les militantes historiques ont peut-être trouvé une relève. « Le combat pour faire baisser la
TVA, c’était pas prévu que ça marche
autant », rigole Ophélie Latil.
À 32 ans, la cofondatrice du collectif mixte Georgette Sand, qui a
remporté la bataille sur la « taxe
tampon », est l’un de ces nouveaux
visages. Dans les rangs de Jeudi noir
ou de Génération précaire, autres
structures sans leader ni organisation pyramidale, elle a à la fois appris
le militantisme 2.0 et expérimenté,
« en tant que fille », des situations
discriminantes qui lui ont donné
envie de les dénoncer « de façon
décalée et avec humour ». « On cultive
un côté sales gosses, on fait des happenings de rue, des vidéos marrantes,
on se déguise, mais tout ce qu’on fait
est très pensé », dit-elle. Exit les
sujets clivants comme le voile ou
la prostitution ; les Georgette, une
cinquantaine de jeunes trentenaires,
se concentrent notamment sur les
inégalités économiques.
« L’existence d’une “taxe rose”
a surpris et choqué »
« Au-delà de la taxe tampon, le
constat, venu des États-Unis, de
l’existence d’une “taxe rose”, avec
des produits féminins plus chers, a
surpris et choqué bien au-delà des
féministes », constate Christophe
Driesbach, un membre actif des
Georgette. Qu’importe si un rapport officiel a depuis mis en doute
ce « sex gate »… Grâce à un tumblr,
sorte de blog visuel et participatif,
les internautes ont été invités à
traquer les inégalités en prenant
des photos dans leurs supermarchés. « L’image, c’est beaucoup
plus parlant, ça va plus vite. Les
gens collaborent, s’approprient la
problématique », constate Ophélie
Latil. Pour Aurélie Louchart, une
autre Georgette, si la taxe tampon a
fait le buzz, c’est grâce à la force de
« l’exemple concret » : « Le mot “féministe” ou les théories font peur à certains, mais tout le monde est tombé
d’accord pour dire que les serviettes
hygiéniques sont trop chères ! »
Qu’ils soient issus du militantisme ou néoengagés, comme Anne
Lazar, neurologue choquée par « les
inégalités et le patriarcat à l’hôpital »,
les membres du collectif font de la
politique sans avoir l’air d’y toucher.
Ils ne sont pas dupes : si la baisse de
la TVA a finalement été votée par
le biais d’un amendement alors que
le gouvernement avait commencé
par s’y opposer, c’est grâce au relais
des médias traditionnels, au soutien
impromptu de l’humoriste Sophia
Aram et surtout à l’engagement de
certaines parlementaires. « Cela ne
coûte pas grand-chose, et un peu de
féminisme, cela redore l’image de la
gauche, analyse Aurélie Louchart.
La taxe tampon, c’est un bon coup
politique. » g
Presse : 151 femmes dans le top 1.000 en 2015
enQuÊte selon le 3e baromètre
Pressedd de la parité que dévoile
le JDD, les femmes sont très peu
présentes dans la presse
française. en tête : Marine le Pen,
ségolène royal et Angela Merkel
Qui sont celles dont les journaux parlent le plus ?
14 femmes politiques figurent parmi les 100 personnalités (hommes et femmes)
les plus citées dans la presse française en 2015
Anne-ChArlotte DusseAulx
@AnneChDusseaulx
Pour la deuxième année de suite, le
nombre de personnalités féminines
dont s’est fait écho l’ensemble de
la presse française en 2015 est en
baisse : elles ne sont que 151 dans
le classement des 1.000 personnalités, contre 192 en 2013 et 173
en 2014, quand fut votée la loi sur
l’égalité réelle entre les femmes
et les hommes. Cette année-là,
12.186 articles avaient évoqué la
parité, presque deux fois plus qu’en
2015, avec 6.850 articles, selon les
décomptes de Pressedd, qui analyse
1.462 titres (journaux et magazines).
Les articles qui citent uniquement des femmes sont rares (10 %
en 2015), alors que c’est très fréquent pour les hommes (76 %). Une
conséquence liée, notamment, aux
responsabilités exercées par les
femmes, qui occupent moins souvent des postes de premier plan. « La
société est encore, vraiment, dans la
“non-parité” », commente l’historien et spécialiste des médias Patrick
Eveno, qui voit dans ce classement
un « reflet » du quotidien. « Le plafond de verre s’élève petit à petit »,
mais c’est un « phénomène très lent ».
Parmi les 100 premiers du
classement général, 14 femmes
– toutes responsables politiques –
parviennent à faire parler d’elles.
Ainsi, avec 24.871 citations, Marine
Le Pen est celle dont le nom était le
plus souvent présent dans la presse
écrite l’an dernier. Suivent la ministre Ségolène Royal (16.106 citations) – au cœur de la COP21 – et
la chancelière allemande Angela
Merkel (12.945 citations), seule
personnalité féminine étrangère
de ce top 100.
« On voit qu’en haut de la pyramide, c’est dur. Les femmes ne sont
pas considérées comme des pairs. Par
Position générale
117e
120e
122e
Le top 3 de la culture
1 Madonna
2 Catherine Deneuve
3 Camille Cottin
Position générale
118e
299e
300e
Le top 3 des sports
1 Serena Williams
2 Kristina Mladenovic
3 Maria Sharapova
Proportion d’articles 2015 citant...
... exclusivement
des femmes
1
Marine Le Pen
24.871 citations
4e du classement général
2
Ségolène Royal
16.106 citations
7e du classement général
3
... des hommes et
des femmes
4
5
6
7
8
9
14%
Angela Merkel
12.945 citations
11e du classement général
(hommes et femmes)
Position générale
Marisol Touraine
12e
Najat Vallaud-Belkacem
17e
Christiane Taubira
26e
Marion Maréchal-Le Pen
38e
Fleur Pellerin
39e
Anne Hidalgo
44e
10%
Position générale
10 Martine Aubry
46e
11 Carole Delga
49e
12 Valérie Pécresse
73e
13 Cécile Duflot
80e
14 Nathalie Kosciusko-Morizet 87e
... exclusivement
des hommes
76%
Le top 3 général (hommes et femmes)
1 François Hollande
76.744 citations
2 Manuel Valls
49.567 citations
3 Nicolas Sarkozy
41.904 citations
Tous les résultats sur leJDD.fr
Source : Pressedd. Étude réalisée sur la base de l’analyse de 1.462 titres de la presse française (presse quotidienne nationale, PQR, presse magazine hebdo et mensuelle, PHR, presse pro
et spécialisée). Les articles paraissant dans plusieurs éditions de publications régionales ne sont comptabilisés qu’une fois. Sur la période allant de 1er janvier au 14 décembre 2015.
exemple, le “50-50 quantitatif ” au
gouvernement n’est pas synonyme
d’égalité », explique Réjane Sénac,
chargée de recherche CNRS au
Cevipof et auteure de L’Égalité sous
conditions : genre, parité, diversité.
« Les femmes sont désormais incluses
dans l’espace public mais, malgré tout,
il y a une persistance de l’exclusion
des places de numéro 1 », complète-telle, jugeant que, aujourd’hui encore,
elles ne sont présentes « qu’au nom
de leur différence, parce qu’on estime
qu’elles vont apporter une autre manière de faire ».
Manque de visibilité
Cette place des femmes dans les
médias, certains en ont fait un combat. C’est le cas du collectif Prenons
la une, qui, depuis mars 2014, plaide
pour une représentation plus juste
des femmes dans les médias. « On
dénonce leur manque de visibilité et
aussi leur mauvaise représentation,
puisqu’elles sont souvent enfermées
dans des rôles stéréotypés, comme la
santé ou le bien-être », explique la
porte-parole et journaliste Audrey
Lebel. Selon une étude mondiale
du Global Media Monitoring Project, publiée tous les cinq ans, les
femmes ne représentaient que 24 %
des personnes présentes dans les
médias en 2015, comme en 2010.
« Il y a eu une prise de conscience,
mais cela ne se traduit pas nécessairement dans les faits », regrette Audrey
Lebel, qui veut pourtant rester optimiste : « Laissons le temps faire les
choses. Il faut permettre aux jeunes
filles de se projeter, d’avoir des modèles de référence. On ne va pas faire
bouger les lignes en deux ans. » g
société | 13
jdd | 6 mars 2016
Le cardinal Barbarin
dans la tourmente
PÉDOPHILIE Une enquête préliminaire a été ouverte vendredi à Lyon.
D’anciens scouts reprochent au primat des Gaules de ne pas avoir signalé
à la justice un prêtre coupable d’abus sexuels entre 1978 et 1991
et 12 ans, des petits blonds avec des
yeux bleus, comme moi. »
En 1991, lorsque les parents se
L’affaire du père Bernard va-t-elle
devenir celle du cardinal Barbarin ?
sont plaints de ses agissements,
Vendredi soir, le parquet de Lyon
le patron des scouts avait été déa ouvert une enquête préliminaire
placé par le cardinal Decourtray,
embarrassante pour l’archevêché.
primat des Gaules à l’époque. Le
Après la mise en examen, le 27 janpère Bernard avait alors reconnu
vier dernier, d’un prêtre, l’abbé
les faits et écrit plusieurs lettres
Preynat, accusé d’abus sexuels et
aux parents des victimes pour
de viols entre 1978 et 1991, la jusdemander pardon. Ces courriers
tice veut savoir si le clergé lyonnais,
exhumés par les plaignants laissent
peut-être même couvert par le Vaticependant un étrange sentiment.
can, a protégé, ou non, le prêtre.
Face aux pressions des familles
pour qu’il quitte rapidement sa
François Devaux, un ancien scout
de 37 ans, a déposé une première
paroisse, le prêtre s’étonnait qu’on
plainte pour « non-dénonciation
l’éloigne aussi vite et demandait
de crime et mise en péril » visant
un délai pour préparer son départ.
nommément six personnes, dont
« Je n’ai pas fait que du mal tout de
le cardinal Barbarin. Il met égamême », écrivait-il en substance.
lement en cause
En obtenant
son directeur de
la mise en exacabinet, Pierre « L’abbé s’attaquait
men de Bernard
Durieux, Régine à de jeunes garçons
Preynat, les plaiMaire, du conseil
gnants ont gagné
épiscopal du dio- entre 8 et 12 ans,
une première
bataille. En jancèse de Lyon, des petits blonds
vier, l’abbé, auXavier Grillon,
vicaire à Roanne, avec des yeux bleus, jourd’hui âgé de
ainsi que deux comme moi »
71 ans, a reconnu
membres de la
ses fautes et s’est
curie romaine, le
même accusé de
cardinal Müller,
viols, certes prespréfet de la Congrégation pour la
crits mais qui ne lui étaient pas
reprochés. Il nie toujours avoir
doctrine de la foi, et son secrétaire,
agressé des enfants après 1991.
le jésuite Luis Ladaria Ferrer. Trois
autres anciens scouts devraient en« Nous avons des témoignages qui
contredisent cette version », comgager rapidement une procédure
judiciaire similaire.
mente un plaignant à l’association.
L’affaire est d’importance. Le
primat des Gaules est l’un des car« Le diocèse nous
a sous-estimés »
dinaux français les plus influents.
Il a la confiance du pape et constiLe deuxième acte de l’affaire est
tue l’un de ses solides soutiens
plus inédit en France. Car l’assodans la Vieille Europe. L’épisciation La Parole libérée, créée
copat français fait bloc autour
le 17 décembre dernier par trois
de lui. Les sites catholiques ont
anciens scouts devenus adultes,
repris sobrement son communiveut, elle, dénoncer le silence de
qué rappelant qu’il « n’était pas
l’épiscopat. Cardiologue, notaire,
archevêque de Lyon au moment des
trader, ces jeunes pères de famille,
faits », qu’il avait « eu connaissance
soutenus par leurs amis avocats,
de cette affaire en 2007-2008 » et
webmaster, psychologues, requ’à l’époque, « convaincu que le
cueillent consciencieusement les
prêtre avait rompu avec son passé,
témoignages. Vendredi soir, ils
il n’avait fait que lui renouveler la
disaient en avoir collectés 55 « très
mission que lui avaient confiée ses
crédibles ». Plus de 66.000 perprédécesseurs… ». Ce n’est qu’« en
sonnes ont visité leur site. « Le
2014, ayant reçu, pour la première
diocèse nous a sous-estimés »,
fois, le témoignage direct d’une vicraconte Bertrand Virieux. « Surtime pour des faits prescrits qu’il
tout, ils n’ont pas compris la force
a décidé, après avoir pris l’avis de
d’Internet et des réseaux sociaux. »
Rome, de suspendre ce prêtre ».
Il règne une atmosphère très
Spotlight – le film récemment
« C’était un véritable prédateur »
primé aux Oscars – dans la petite
Le premier acte de l’affaire est
cellule qu’ils ont constituée. Deux
tristement banal. En décembre
avocates ont déposé un mémorandernier, une association dévoile
dum très complet et étayé auprès
des actes de pédophilie commis
du procureur de la République.
Plusieurs questions précises se
entre 1978 et 1991. Les victimes,
posent aujourd’hui auxquelles le
de jeunes scouts lyonnais, ont
mis du temps à révéler les faits.
diocèse devra répondre. Dont une,
Le charismatique père Preynat
centrale : pourquoi le père Preynat aaurait abusé de nombreux enfants,
t-il été laissé en compagnie d’enfants
mais les règles de la prescription
jusqu’à un passé assez récent ? « En
– vingt ans après la majorité –
1991, lorsqu’il a été envoyé dans la
limitent l’action des victimes qui
Loire, les parents n’ont pas déposé
se font connaître trop tardivement.
plainte car on leur avait promis
Bertrand Virieux, cardiologue,
qu’il ne serait plus en contact avec
44 ans, est l’une d’elles. « C’était
des enfants. Or cela n’a pas été le
cas », explique Bertrand Virieux.
un véritable prédateur, explique
ce dernier. Il s’attaquait principaComment le cardinal Barbarin poulement à de jeunes garçons entre 8
vait-il être sûr, en 2007-2008, que le
MarIE-CHrIstInE tabEt
@mc_tabet
Monseigneur
Philippe Barbarin,
en décembre 2014.
SAFIN HAMED/AFp
prêtre « déplacé » en 1991, à l’âge de
45 ans, était guéri de ses déviances ?
Devait-il réellement attendre 2014
pour le suspendre de ses fonctions ?
« J’appelle tous les commentateurs à
la plus grande retenue, prévient l’avocat André Soulier, qui conseille le
cardinal. Cette affaire est complexe
d’un point de vue humain et juridique.
Le cardinal est très affecté pour les
victimes et n’a jamais couvert quoi
que ce soit. » g
14 | société
JDD | 6 mars 2016
« Je crains un principe de précaution
maximal en cas d’accident en France »
NUCLÉAIRE Jacques Repussard dirige l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Il tire les leçons de la catastrophe de Fukushima et propose une autre manière d’agir
IntervIew
RIChARd BELLEt
@richardbellet1
Rude semaine pour le nucléaire
français. Vendredi, l’Allemagne
réitérait son souhait de voir
Fessenheim « débranchée ». Réplique de l’Autorité de sûreté
nucléaire : « Il n’y a pas de raisons
de fermer » la centrale alsacienne,
celle-ci ayant un niveau de sécurité
« globalement satisfaisant ». Deux
jours avant, le canton et la ville de
Genève déposaient plainte contre
X pour « mise en danger délibérée de
la vie d’autrui et pollution des eaux ».
Visée cette fois, la centrale du Bugey
(Ain), à 70 km à vol d’oiseau de
notre voisine suisse, et le projet de
construction sur son site d’un centre
de stockage de déchets nucléaires.
« Je ne pense pas que cette plainte
débouchera sur quelque chose. Je ne
vois pas très bien comment la centrale
du Bugey peut polluer le lac Léman »,
constate Jacques Repussard.
le risque d’exposer des personnes à
une radioactivité élevée dangereuse
pour leur santé…
Pour éviter qu’une petite partie
de la population reçoive effectivement une dose trop élevée, nous
devons mieux informer les habitants sur les radiations, la manière
de les mesurer, de s’en prémunir,
afin que chacun puisse minimiser
la dose reçue. Il faut, là où cela est
possible, organiser un retour rapide
et restaurer une liberté individuelle
vis-à-vis du risque radiologique.
Ce faisant, ne jetez-vous pas
le principe de précaution par-dessus
bord ? C’est
pourtant une
pierre angulaire
de la politique
de sûreté
nucléaire…
Le risque
supplémentaire
de cancer associé
à quelques millisieverts en plus est très marginal. La
doctrine en vigueur, qui considère
qu’il n’y a pas de radioactivité sans
risque sanitaire, crée une sorte de
phobie surreprésentant le risque
associé à une contamination radio-
« Évacuer des gens
sans raison sanitaire
peut avoir d’autres
conséquences que
radiologiques »
logique, même faible, d’un territoire.
Quand le gouvernement japonais a
tracé une ligne correspondant à 20
mSv, avec d’un côté un territoire
évacué parce qu’il affichait un peu
plus, il a généré un impact psycho-
Cinq ans après la tragédie
de Fukushima, quelles leçons
en tirer pour la gestion
d’un accident nucléaire majeur,
possible en France ?
L’approche postaccidentelle a
sans doute été trop technocratique.
Après la catastrophe, le survol des
territoires contaminés par les rejets
radioactifs a permis d’établir une
cartographie des rayonnements
gamma, avec des zones où des doses
de plus de 20 millisieverts (mSv)
par an pouvaient être reçues par
la population.
Les autorités japonaises ont
alors décidé d’évacuer durablement
ces territoires. Mais pour estimer la
dose reçue, il faut choisir un scénario d’exposition à ces rayonnements,
alors que la dose réelle dépend des
modes de vie individuels. Là, les
calculs des experts ont à mon sens
été faits avec des marges de précaution excessives, qui ont entraîné des
mesures de protection très lourdes,
alors que le retour des populations
aurait pu avoir lieu plus tôt.
Comment pouvez-vous
affirmer cela ?
L’université de Tokyo a mené
une expérience avec des travailleurs,
munis de dosimètres, autorisés à se
rendre dans des territoires contaminés. Or les doses enregistrées
étaient pour la plupart d’entre eux
inférieures de 30 % à 50 % aux doses
théoriques. L’approche retenue au
Japon n’est donc pas pertinente. On
pourrait en envisager une autre…
Que faire alors ?
Déjà, ne pas prendre de marges
trop importantes sur l’estimation
des doses potentiellement reçues
lorsqu’on établit des scénarios de
contamination, car les populations
seront alors doublement victimes.
Évacuer des gens, les faire déménager sans raison sanitaire impérative peut en effet avoir d’autres
conséquences que radiologiques :
traumatismes, dépressions, économie locale qui se désagrège… Ces
risques psychosociaux devraient
aussi être pris en compte.
Mais on peut alors, dans une zone
non évacuée, courir
Une équipe de techniciens, le 25 février, devant le bâtiment abritant le réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi, dans le nord-est du
Japon. La piscine proche de ce réacteur, fragilisée, a été la première vidée du combustible nucléaire qu’elle contenait. Furlong/getty Images/aFP
Fukushima, quel chantier !
dÉMANtÈLEMENt Les défis
à relever dans la centrale
dévastée sont titanesques
Quelque 8.000 travailleurs (experts, ingénieurs, techniciens…)
s’acharnent toujours, quotidiennement, sur le site de la centrale.
Le tsunami du 11 mars 2011, provoqué par un mégaséisme de
magnitude 9, a fait voler en éclats
plusieurs bâtiments réacteurs.
La catastrophe aurait entraîné le
décès indirect (suicides, maladies
aggravées…) de près de 2.000 personnes. Le démantèlement total
de la centrale devrait durer une
quarantaine d’années, avec trois
priorités.
Vidange des piscines :
1du
retard
Après la piscine du réacteur 4, vidée de son combustible
nucléaire fin 2014, c’est au tour
de celle du réacteur 3. Le retrait
devait y démarrer à l’automne dernier. Problème : la radioactivité
en partie haute des bâtiments est
telle que personne ne peut y accé-
der. Qui plus est, l’évacuation des
gravats projetés par une explosion
d’hydrogène prend beaucoup de
temps, d’autant qu’il faut limiter au
minimum les rejets de poussières
radioactives dans l’atmosphère
pendant les travaux. Résultat :
l’exploitant, Tokyo Electric Power
Company (Tepco), prévoit désormais de commncer l’évacuation
– commandée à distance – du
combustible de la piscine 3 fin
2017. Initialement prévue en 20172018, celle des piscines 1 et 2 est
repoussée.
Récupération du combustible
2fondu
: pas avant 2020
Le cœur de trois des six réacteurs de la centrale est entré en
fusion. On sait que le combustible
des réacteurs 1 et 2, entièrement
sorti des cuves, est tombé au fond
des enceintes de confinement. Les
mètres d’épaisseur de béton ont
apparemment réussi à le bloquer.
« On a un magma solide agrégé au
béton, le corium, qui est en permanence refroidi », constate Thierry
Charles, directeur général adjoint
logique et un stress très lourd. L’expérience nous montre, aussi bien à
Tchernobyl qu’à Fukushima, que,
lorsqu’une telle ligne est tracée sur
une carte, le territoire concerné est
durablement marqué au fer rouge.
Au Japon, des villages meurent sans
raison radiologique.
Permettre à des personnes
de revenir vivre dans des zones qui
ont été contaminées ne doit pas
être une décision facile
à prendre…
C’est compliqué. Il n’y a pas de
compromis, on autorise un retour
ou pas. Je crains qu’en cas d’accident nucléaire en France les décideurs n’appliquent un principe de
précaution maximale, redoutant
de possibles procès pour mise en
danger de la santé.
Après l’accident de Fukushima,
François Fillon avait ordonné une
revue de la stratégie de gestion
d’un accident nucléaire, et l’IRSN
a maintenant une mission de pédagogie vis-à-vis du public. La doctrine elle-même n’a pas changé : les
territoires où la population pourrait
recevoir plus de 20 mSv/an (dose
maximale autorisée pour un travailleur) doivent être évacués.
Mais le problème de calcul, lui,
reste entier, avec celui des marges de
sécurité retenues pour décider des
limites et de la durée de l’évacuation. Or des décisions administratives fondées sur une démarche de
précaution purement radiologique
pourraient entraîner un transfert
de risques, avec des conséquences
psychosociales, sanitaires et économiques élevées au final bien plus
lourdes que celles de l’impact radiologique. Nous devons donc à mon
sens faire bouger notre doctrine.
Vaste controverse, y compris au sein
de l’IRSN… g
de l’IRSN. Un corium qu’il faut
de cette eau (au moins 50 % selon
maintenant aller récupérer, une
Tepco), pompée en amont des
opération très sophistiquée qui ne
réacteurs, n’entre plus dans ces
devrait débuter, au mieux, qu’en
bâtiments. Restent 150 m³ et, par
ailleurs, les plus de 300 m³ d’eau
2020.
Impossible encore de s’approqui quotidiennement servent à
cher des cœurs tant la radioacrefroidir les cœurs fondus. Une
tivité est imporeau très radioact a n t e . A u c u n Impossible
tive qu’il faut aussi
robot n’a même
entreposer. Plus de
vu, directement, de s’approcher
800.000 m³ sont
le corium. Tout des cœurs tant
stockés dans un
juste connaît-on
millier de réserl’état de l’enceinte la radioactivité
voirs. « Toutes ces
de confinement. est importante
eaux ont au moins
« Tepco définit des
été traitées une
fois pour enlever
scénarios de démantèlement. Le faire sous l’eau
le césium et le strontium, il reste
permettrait de limiter la dispersion
essentiellement du tritium et
de radioéléments, mais il faut pour
quelques radioéléments résiduels »,
cela boucher les trous de l’enceinte,
explique Thierry Charles.
or ils ne sont toujours pas repérés. »
Mais les valeurs précises de
contamination de cette eau n’ont
Gestion des eaux
pas été données par Tepco. « Il
radioactives : un mieux
faudra avant tout rejet de ces eaux
L’an dernier, plus de 300 m³
dans l’océan l’accord de l’autorité
d’eau provenant de la nappe
de sûreté japonaise, qu’il n’y ait pas
phréatique s’infiltraient chaque
d’impact significatif sur l’environjour dans les bâtiments de la
nement et que la société accepte
centrale. Désormais, une partie
cela, notamment les pêcheurs. » R.B.
3
16 | société
JDD | 6 mars 2016
« Mon métier, c’est père de victime »
attentats Le 11 mars 2012, Mohamed Merah abattait sa première victime, Imad Ibn Ziaten. Pour Albert Chennouf-
Meyer, père de l’un des militaires abattus à Montauban, la vie est devenue un combat contre les « nazislamistes »
Marie-Christine tabet
1946, en France, dans une famille
juive d’origine allemande. Ses parents avaient quitté Mannheim en
1937 pour Le Havre, puis Limoges.
Lui a grandi à Paris. Sa famille a été
dévastée par la mort en déportation
d’une grand-mère, d’un oncle, d’une
tante et du cousin Jeannot, alors
âgé de 8 ans.
@mc_tabet
Dans son bureau, il a deux photographies : une de son fils Abel, militaire de 25 ans abattu le 15 mars 2012
par Mohamed Merah à Montauban
(Tarn-et-Garonne) ; l’autre de Bernard Squarcini, le patron du renseignement (DCRI) au moment des
attentats de Toulouse. Albert Chennouf-Meyer le tient pour responsable
de la mort de son fils. Le 7 mai 2012,
au lendemain de l’élection perdue
par Nicolas Sarkozy, il s’est rendu
dans un commissariat pour déposer
plainte contre le policier. En 2013,
son avocate, Béatrice Dubreuil, a formalisé son coup de colère par une
procédure à Paris contre Squarcini
et « contre tout autre pour non-empêchement de crime et […] mise en
danger de la vie d’autrui ».
Un père qui monte au front
à la moindre alerte
Devant le cercueil de son fils,
le père d’Abel a fait une promesse :
« Vas-y, mon enfant, dors en paix. Je
saurai pourquoi tu as été assassiné.
Je ne reculerai devant rien. » Depuis,
Albert Chennouf-Meyer est en
guerre. Ancien cadre commercial,
autodidacte, alsacien par sa mère, kabyle par son père, il monte au front à
la moindre alerte. En début d’année,
il avait déposé plainte pour « diffamation et négationnisme » contre
Nicolas Sarkozy et Éric Woerth. Lors
de déclarations publiques, ces derniers avaient oublié Toulouse dans
la liste des attentats islamistes. Après
des excuses, il y a renoncé. En juin,
apprenant que le père de Mohamed
Merah était en visite en France, il a
débarqué à Toulouse. Dans la cité du
Mirail, où il espérait une confrontation, il a essuyé insultes et jets de
tomates. « Mon métier aujourd’hui,
c’est père de victime, je ne l’ai pas
choisi », confie-t-il. Sur les réseaux
sociaux, il mène un combat sans
relâche contre les « “nazislamistes”
qui lui ont pris son fils ». Les menaces
de mort qu’il reçoit n’y font rien.
Le 21 février, elles sont arrivées par
SMS. Le 30 janvier 2015, il avait déjà
reçu une lettre envoyée par « Daech
France, Toulouse »…
Au bout de son lotissement de
Manduel, où il vit dans le Gard,
un projet de mosquée a vu le jour.
Albert Chennouf-Meyer, catholique
comme sa mère, ne l’accepte pas. Son
père était athée. « Je sais que tous
les musulmans ne sont pas des terroristes, explique-t-il, mais je sais
aussi que c’est au nom de cette religion
En haut : Albert Chennouf-Meyer, ici chez lui, vendredi, devant le portrait de son fils Abel Chennouf, tué à Montauban,
le 15 mars 2012 par Mohamed Merah. Ci-dessus : Latifa Ibn Ziaten, mère de d’Imad Ibn Ziaten, le soldat du 1er régiment
du train parachutiste, première victime du tueur, à Toulouse. Pascal PaRROT POuR le JDD eT ulRich lebeuf/M.Y.O.P
qu’on a tué Abel. On me prend pour
un facho, je ne le suis pas. J’ai voté
Hollande en 2012… » Cette nouvelle
croisade contre la mosquée a provoqué une rupture avec son fils aîné, qui
tentait de raisonner son père.
Samuel Sandler, lui aussi, a
perdu « ses enfants », son fils Jonathan qui venait d’avoir 30 ans et ses
deux petits-fils de 4 et 5 ans, Gabriel et Arieh. Le 19 mars 2012, ils
attendaient devant le collège-lycée
OzarHatorah la navette qui devait les
conduire à l’école. La famille habitait
un logement dans l’établissement
où le père enseignait. Ils ont été
assassinés quatre jours après Abel.
Samuel Sandler ne prononce ja-
mais le nom de l’assassin. « Ce serait
lui donner une humanité qu’il n’avait
pas », explique-t-il de sa voix douce.
À bientôt 70 ans, cet ingénieur de
l’industrie aéronautique se prépare
à une retraite qu’il redoute.
« Le travail me distrait au sens
pascalien, précise-t-il, cela m’empêche de penser. » Samuel est né en
Décorée de la Légion d’honneur
Aujourd’hui, Samuel Sandler ne
veut pas qu’on oublie ses enfants.
« On se souvient des assassins, pas des
victimes, regrette-t-il, les attentats se
succèdent… Qui connaît celui de ce
Français décapité en Algérie ? » En
2015, la sœur de Jonathan a quitté
la France. C’est au pied de son immeuble qu’Amedy Coulibaly, le tueur
de l’Hyper Cacher, a abattu la jeune
policière de Montrouge. « Elle a entendu les coups de feu, raconte son
père. Quand elle était petite, elle avait
peur d’aller en Israël. Là, elle a eu peur
de rester ici. »
Profondément religieux, Samuel
Sandler n’attend pas grand-chose
du procès Merah, dont l’instruction
vient de se clore. Il n’en veut pas à
l’État. « C’est facile aujourd’hui de dire
ce qu’il fallait faire. Comment pouvaiton éviter un tel carnage ? » Il n’en veut
pas à l’islam. Il veut se souvenir de
jolies choses. De son père qui gérait,
près du jardin du Luxembourg, à
Paris, un restaurant universitaire
casher et se faisait une joie et un
honneur d’accueillir des étudiants
musulmans. Du jeune camarade de
Jonathan à Versailles, Mourad, qui
n’avait le droit de manger que chez
les Sandler, car sa mère était sûre
qu’il n’y avait pas de porc.
Latifa Ibn Ziaten, la mère du
premier militaire abattu par Merah,
le 11 mars 2012, sera décorée de la
Légion d’honneur par François
Hollande, vendredi prochain. Elle
a fondé l’association Imad, jeunesse
et paix pour lutter contre l’endoctrinement des jeunes. La famille
de Mohamed Legouad, troisième
militaire victime du tueur toulousain, vit à Lyon. Le père de Myriam
Monsonego, fillette de 7 ans poursuivie par Merah avant d’être elle aussi
assassinée dans la cour de l’école,
dirige toujours l’établissement et
revient chaque matin sur les lieux
de son drame. Aujourd’hui, ces
familles qui n’ont pour la plupart
en partage qu’un assassin et des
nuits sans sommeil savent qu’elles
sont les premières victimes d’une
vague d’attentats qui a commencé
à Toulouse… g
L’ancien édile de Molenbeek mis en cause par des familles françaises
terrOrisMe Une requête visant l’ancien
bourgmestre de la banlieue bruxelloise,
« berceau » des auteurs des attentats
de novembre à Paris, va être déposée
devant la Cour européenne des droits
de l’homme
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.
Celle de Philippe Moureaux, l’ancien bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean, berceau du
djihadisme européen, ne plaît pas à certaines
victimes des attentats de Paris. L’avocate
Samia Maktouf, mandatée par ses clients,
a demandé au juge Christophe Tessier,
chargé des instructions sur les attentats
du 13 novembre, de le convoquer. « La lec-
ture de son livre, déjà paru en Belgique, est
édifiante, explique-t-elle. On découvre qu’il
a vu grandir sous ses fenêtres une génération
de terroristes. Dans son livre, il prétend avoir
recueilli le témoignage d’une amie proche
de Salah Abdeslam, le terroriste recherché
dans toute l’Europe… Mes clients préféreraient
qu’il fasse part de ses informations à la justice
plutôt que de s’en servir pour sa promotion
personnelle alors qu’il porte une responsabilité
politique et morale. Il n’a pas eu un mot à
l’attention des morts. »
L’avocate, qui défend les intérêts de la
mère de Valentin Ribet, un jeune avocat
décédé au Bataclan, s’apprête à déposer
une requête devant la Cour européenne
des droits de l’homme, mettant en cause
des dysfonctionnements graves au sein des
autorités belges, en se fondant sur l’article 2
de la Convention européenne des droits de
l’homme, garantissant le droit à la vie. Une
procédure audacieuse.
Un glissement progressif de sa ville
dans un bain islamiste
Philippe Moureaux, qui a dirigé de 1992
à 2012 la commune du nord de Bruxelles et
dont la gestion, souvent qualifiée de communautariste, a été vivement critiquée après
les attentats de 2013, publie cette semaine
en France La Vérité sur Molenbeek (éditions
La Boîte à Pandore). Il y donne sa lecture de
la radicalisation belge et raconte son expérience de terrain ; celle d’un élu vivant dans
un milieu arabo-musulman, d’un socialiste
se présentant comme agnostique ayant appris à composer avec la religion.
Dans ces 169 pages, il raconte le glissement
progressif de sa ville dans un bain islamiste.
Il relève notamment, à la fin de son mandat,
la difficulté à conserver des relations chaleureuses avec certains de ses administrés.
Évoque aussi les liens avec les penseurs de
l’islam, tel Tariq Ramadan – qu’il apprécie –,
ainsi que ces recruteurs qu’il tente de débusquer. En Belgique, de nombreux critiques
ont reproché à l’auteur, ancien ministre de
la Justice, son manque d’autocritique. M.-C.t.
société | 17
jdd | 6 mars 2016
Des drones
hors de contrôle
AVIATION Angoisse après
la rencontre entre un
drone et un Airbus près
de l’aéroport de Roissy.
N’importe quel amateur
peut s’acheter un drone
puissant sans qualification
ni être enregistré
JulIeTTe Demey
@juliettedemey
Les 138 passagers du vol
Barcelone -Paris d’Air
France n’ont sans doute rien
perçu du danger auquel ils
ont échappé le 19 février
quand leur Airbus A320,
en descente à l’approche de
Roissy-Charles-de-Gaulle,
s’est retrouvé face à un
drone. Ces rencontres se
multiplient dans le ciel français : 4 en 2014, 9 en 2015 et
déjà 3 en 2016. Mais cette
semaine, pour la première
fois, le Bureau d’enquête et
d’analyses (BEA) a ouvert
une enquête sur ce qu’il
qualifie « d’incident grave ».
Celle-ci sera complexe,
admet une source au BEA :
« Il nous manque une des
deux parties, car on n’a pas
encore retrouvé l’appareil. »
Première piste, le lieu :
« L’Airbus se trouvait à environ 15 milles nautiques
[soit 30 km] au sud-est de
la piste 26, dans la région de
Meaux », indique un professionnel de l’aérien souhaitant conserver l’anonymat.
Seconde piste, le modèle du
drone. Le commandant de
bord, qui dit l’avoir vu passer
à environ 5 mètres sous l’aile
gauche alors que le copilote
tirait sur le manche pour
éviter la collision, ne l’aurait
pas identifié.
« Techniquement, il n’est
pas impossible qu’il s’agisse
d’un engin de loisir », estime
Paul Guermonprez, auteur du
livre Les drones débarquent !
(éd. FYP). « Mais vu la vitesse et l’altitude de l’avion
[400 km/h et 1.600 m], si le
copilote l’a repéré, cela suggère un drone d’une certaine
envergure, pesant au moins
1,5 ou 2 kg, plutôt utilisé dans
un cadre professionnel. » Des
engins de SenseFly d’environ
2 m ou des modèles d’usage
mixte comme les Phantom
du chinois DJI, très populaires.
Plusieurs pistes pour revoir
la réglementation
Environ 200.000 drones
de loisir de toutes tailles circulent en France. Problème :
que l’on s’offre un mini-quadroptère de salon ou des
modèles plus puissants,
l’acheteur ne doit justifier
d’aucune qualification et
n’est pas enregistré. Seules
limites, le prix et le respect de la réglementation.
« Un amateur peut acheter
un modèle utilisé par des
pros et démarrer un drone
de 12 kg dans son jardin ! »,
relève Stéphane Morelli,
qui préside la Fédération
professionnelle du drone
civil (FPDC).
Côté professionnels,
2.300 opérateurs sont
déclarés. « Ils possèdent
4.222 drones, tous identifiés avec une plaque au nom
de la société. » Les pilotes
justifient en outre d’une
formation théorique.
Sauf dérogation de la Direction générale de l’aviation civile ou du préfêt, aucun
drone civil n’est autorisé à
évoluer hors de la vue, ni à
dépasser 150 m d’altitude, ni
à survoler espaces publics,
agglomérations ou sites sensibles. Alors, acte délibéré ?
télex
Radicalisation
Lycéennes soupçonnées de fuite en Syrie
Domiciliées en Haute-Savoie et en fugue, deux lycéennes
« radicalisées » de 15 et 16 ans sont recherchées depuis
vendredi par la gendarmerie, qui a lancé hier un appel à
témoins. Scolarisées à Seynod, les deux mineures sont
« susceptibles de quitter le territoire national par tous les
moyens et d’utiliser de fausses identités ». Soupçonnées
de vouloir se rendre en Syrie, elles avaient pour projet de
prendre un train pour Paris depuis Chambéry, précise le
parquet d’Annecy.
Déraillement du TGV d’essai
La SNCF rencontre les familles des victimes
Quatre mois après le déraillement en Alsace d’une rame
d’essai de TGV qui a fait 11 morts et 42 blessés, la SNCF
a réuni hier les familles des victimes pour aborder les
questions de l’indemnisation, de la sécurité ferroviaire
et de l’enquête. Selon Me Chemla, avocat de plusieurs
familles, celles-ci en sont sorties « plutôt satisfaites ».
Mi-février, une note d’étape du bureau d’enquête
a estimé que la vitesse était la cause unique
du déraillement, le TGV ayant abordé une courbe
à 265 km/h alors que la vitesse prévue était de 176 km/h.
Concours d’altitude d’amateurs inconscients ? Perte
de contrôle ? « Les drones
intègrent un logiciel qui, en
cas de problème, les ramène
au point de décollage ou les
fait redescendre au sol »,
note Paul Guermonprez.
À moins d’un bug… Le
29 février, un drone belge
de près de 4 m d’envergure,
volant à 1.000 m d’altitude,
a échappé à ses pilotes près
d’Anvers. Escorté par deux
F16 belges puis par un Rafale français, il a fini dans
un champ à 50 km de Reims.
En octobre, un rapport
du secrétariat général de
la défense et de la sécurité
nationale a livré plusieurs
pistes pour revoir la réglementation des drones civils,
en vue d’une proposition de
L’altitude maximale autorisée pour un vol de drone est de 150 mètres. VISUAL
loi attendue pour l’été. Les
identifier avec des puces
électroniques, y intégrer
une balise, intégrer les coor-
données GPS de zones interdites. Ou encore enregistrer
tout acquéreur d’un drone
de plus de 1 kg… g
18 | sciences
JDD | 6 mars 2016
Des bustes de Rodin passés au synchrotron
C’est un éClairage inédit sur le processus créatif d’auguste
rodin. une équipe vient de publier une étude* lancée pour une
exposition, en 2009, au musée rodin, à Paris. deux bustes
– l’un de Clemenceau (1911-1913), l’autre d’Hanako (19081912) – étaient en si mauvais état qu’ils ne pouvaient
être présentés sans restauration. des échantillons
millimétriques ont été prélevés pour être analysés
au Centre de recherche et de restauration des
musées de France (C2rMF). « Le laboratoire a
utilisé des techniques d’analyse chimique pour
déterminer la composition des pâtes à modeler
utilisées par Rodin », explique Marine Cotte, du
synchrotron européen à grenoble, qui a participé à l’étude**. les chercheurs montrent que les
matériaux présents dans les pâtes à modeler de
rodin ont des similarités avec les recettes anglaise (plasticine)
et italienne (plastiline) inventées au XiXe siècle. « La pâte à
modeler ne sèchant presque pas, Rodin pouvait revenir sur son
travail jusqu’à obtenir le modelage parfait. » Problème : ces
matériaux (paraffine, savons de zinc, corps gras) ne sont
pas stables et fixent les poussières. d’où des dégradations : la pâte initialement blanche prend un aspect
gras et noirci. l’équipe a voulu déterminer la composition chimique de celles-ci et leurs origines :
environnement (humidité, polluants), migration
des matériaux… les techniques utilisées au
C2rMF (chromatographie en phase gazeuse,
spectroscopie infrarouge, diffraction des rayons X) ne permettaient qu’une analyse globale des matériaux. Pour les caractériser finement et sonder au choix la surface ou le cœur des
échantillons, de tout petits fragments – environ du diamètre
d’un cheveu – ont été envoyés à grenoble à l’installation européenne de rayonnement synchrotron. « Grâce à la lumière infrarouge et aux rayons X produits par le synchrotron, nous avons vu
que la surface contenait un corps gras qui piège les poussières. Le
carbonate de calcium donnant initialement la teinte blanche n’a
pas migré en surface. D’où la différence de couleur », poursuit
Marine Cotte. sur d’autres échantillons, l’équipe a détecté de
petits cristaux de sulfates dont l’origine reste à déterminer.
Juliette Demey
a Auguste Rodin, buste de Hanako,
après restauration. Bluzat, CasCio, Mary
@juliettedemey
* «Studies in conservation», J. Langlois, G. Mary, H. Bluzat, A. Cascio,
N. Balcar, Y. Vandenberghe, M. Cotte. ** ESRF et CNRS/UPMC.
aFsP © déPartEMEnt 24 - d. nidos
Les aînés plus forts à l’école
Tous les enfants d’une fratrie ne sont pas égaux. Plus les frères et sœurs sont nombreux, moins les chances de réussite scolaire
sont importantes. Quant aux plus âgés, ils réussissent en général mieux que les plus jeunes
MARiE QUENET
Les aînés réussissent souvent mieux
que les cadets… En janvier, la direction de l’évaluation, de la prospective
et de la performance du ministère
de l’Éducation pointait l’inégalité
au sein des fratries dans une note
d’information consacrée au choix
d’orientation : « Les parents envisagent plus volontiers une orientation vers l’enseignement professionnel
pour les cadets. Un tel comportement
peut être relié à une moindre ambition à l’égard des enfants les plus tardifs. » Quelle est donc l’influence de
la taille de la fratrie et du rang de
naissance sur la scolarité de notre
progéniture ?
Premier constat : grandir dans
une famille nombreuse a, en général, un effet négatif sur les parcours
scolaires. En 2013, François-Charles
Wolff, professeur en sciences économiques et chercheur associé à
l’Ined (Institut national d’études
démographiques), écrit ainsi (1)
dans la revue Politiques sociales et
familiales : « La probabilité d’être
diplômé du supérieur est d’environ
50 % pour les enfants ayant au plus
un frère ou une sœur, de 42,8 % pour
ceux qui en ont deux, de 37,7 % pour
ceux qui en ont trois et de 23,2 % pour
les fratries les plus grandes. »
Les aînés
redoublent moins
Autre constat : l’aîné s’en sort
mieux. « On observe une corrélation
négative entre le rang de naissance
et le diplôme », estime l’économiste
sur la base des enquêtes patrimoine
de l’Insee de 1998 et 2004. D’autres
chercheurs aboutissent aux mêmes
conclusions. « Les aînés redoublent
moins que leurs frères et sœurs au primaire et au collège. Ils s’orientent davantage vers des cycles longs à la fin
de la troisième, obtiennent plus souvent le bac et accèdent plus largement
à l’enseignement supérieur », analyse Laure Moguérou, chercheuse
associée à l’Ined et coauteure, en
2013, d’une étude (2) s’intéressant
aux familles nombreuses immigrées.
Bien sûr, soulignent les chercheurs, les différences scolaires
s’expliquent d’abord par les inégalités sociales entre familles. Reste que,
au sein de chaque catégorie sociale,
taille de fratrie et rang de naissance
semblent avoir une incidence. Plusieurs raisons peuvent expliquer
Lascaux 4
ouvrira en décembre
cela. D’abord, les ressources sont
limitées. Quand la famille s’agrandit,
difficile d’offrir une chambre ou des
cours particuliers à chaque enfant…
Puis, si l’aîné est au départ enfant
unique et peut, un temps, capter
toute l’attention de ses parents, les
suivants doivent partager. « Il existe
un vrai investissement éducatif en
faveur du premier enfant », observe
Laure Moguérou. « Dans notre étude,
43 % des pères avaient aidé l’aîné à
faire des devoirs, contre seulement
32 % pour les enfants d’un autre rang.
Pour les mères, le chiffre passait de
71 % à 63 %. »
Des similitudes de
trajectoire par sexe
La composition de la fratrie joue
également. Les enfants de même
sexe, en particulier les filles, ont plus
souvent des itinéraires semblables :
si l’aînée fait de longues études, il
y a de grandes chances qu’elle soit
imitée par sa sœur. D’après une
étude publiée en 2015 (3), réalisée
auprès d’environ 30.000 individus,
l’influence familiale est de 60 %
pour deux sœurs, de 56 % pour deux
frères et de 52 % pour un frère et
une sœur. « Les enfants prennent
plus directement pour modèle leur
aîné s’il est du même sexe, explique
Sébastien Grobon, l’un des auteurs,
chercheur à l’Insee. De plus, les
attentes des parents diffèrent selon
le sexe de leur enfant. »
Les écarts d’âge pèsent aussi.
Plus ils sont élevés, plus les trajectoires sont différentes. Selon cette
étude de 2015, l’impact familial
sur les résultats scolaires passe de
59 %, si l’écart est inférieur ou égal
à 5 ans, à 51 % entre 6 et 9 ans et
44 % entre 10 et 15 ans. « Des frères
et sœurs proches en âge ont plus de
chances de se prendre pour modèles
et de s’entraider, analyse Sébastien
Grobon. Puis la situation économique
des parents et leur méthode éducative
peuvent évoluer pour un enfant né
longtemps après le premier. »
Une grande différence d’âge
peut même réserver des surprises.
Comme l’a mis en évidence une
étude de 2013 (4) : « Dans les milieux populaires, on voit parfois des
benjamins qui réussissent mieux que
leurs frères et sœurs », témoigne
l’une des auteurs, Gaële Henri-Panabière, enseignante-chercheuse en
sciences de l’éducation au Centre
de recherche sur les liens sociaux
(Cerlis). « Leurs aîné(e)s, qui ont
fait plus d’études que leurs parents,
peuvent jouer un rôle décisif en les
accompagnant dans leur scolarité. » g
(1) « inégalités d’éducation et de position
sociale au sein des fratries ».
(2) Parue dans Migrations-Société et
menée à partir de l’enquête « Trajectoires
et origines ».
(3) « Quantifier l’influence totale de la
famille d’origine sur le devenir scolaire et
professionnel des individus »
(4) « La Fratrie comme ressource ».
b Les fratries
de même sexe,
surtout les filles,
ont davantage
des parcours
semblables.
Ainsi, si l’aînée suit
de longues études,
il y a des chances
que sa sœur
en fasse autant.
arnaud roBin/
diVErGEnCE
La première répLique intégrale
de la grotte de Lascaux, classée
au patrimoine mondial
de l’humanité et fermée au public
depuis 1963 pour la préserver des
dégradations, ouvrira ses portes
au public le 15 décembre.
Le bâtiment, baptisé Lascaux 4
le temps des travaux (après
Lascaux 2, le fac-similé que les
visiteurs arpentent depuis 1983,
et Lascaux 3, l’exposition itinérante
qui tourne depuis 2012), porte
désormais un nom officiel :
le Centre international de l’art
pariétal montignac-Lascaux.
installée dans un bâtiment
de 150 m de long et 70 m de
profondeur ancré dans la colline
de Lascaux, à 1,5 km de la grotte
originelle, cette réplique reproduit
la grotte à échelle réelle.
Les artistes de l’atelier des
fac-similés du périgord (aFSp) ont
retrouvé les gestes de nos ancêtres
qui, il y a vingt mille ans, ont peint
et gravé ces aurochs, chevaux et
cerfs sur les parois, à la lueur
de lampes à graisse.
Un cœur brisé par la joie
LeS ruptureS amoureuSeS ou
les décès ne sont pas les seuls
événements capables de nous
briser le cœur. un choc émotionnel
joyeux le peut aussi. C’est ce que
montre une étude suisse publiée
dans le journal de la Société
européenne de cardiologie. Les
chercheurs ont étudié les données
de patients de plusieurs pays, chez
qui ce « syndrome du cœur brisé »,
une maladie cardiaque liée au
stress, a été diagnostiqué.
Sur 1.750 cas de ce syndrome
aussi appelé takotsubo, une origine
émotionnelle a été établie pour
485 d’entre eux. et d’après l’étude,
pour 4 % des patients, c’est
un événement joyeux qui l’a
déclenché : fête d’anniversaire,
mariage d’un fils, naissance d’un
petit-enfant ou victoire de l’équipe
favorite de rugby ! Les chercheurs
ont surnommé cette variante
« syndrome du cœur heureux ».
repéré au Japon dans les années
1990, le takotsubo touche surtout
les femmes après la ménopause.
économie
jdd | 6 mars 2016
| 19
FINANCEMENT Emmanuel Macron peaufine un dispositif, présenté en Conseil des ministres
le 30 mars. Pour encourager « un capitalisme français de long terme », dit-il au JDD
Le retour des fonds
de pension à la française
S
BruNA BAsINI
Où sont
les business
angels français ?
@BrunaBasini
ur l’arche de NOE, ils
devaient embarquer les
mesures dites « nouvelles opportunités
économiques » portées par Emmanuel Macron,
ministre de l’Économie. Les
fonds de pension à la française
prendront finalement place à
bord du « porte-avions Sapin ».
La formule, signée du ministre
des Finances lui-même, fait référence au projet de loi Sapin 2
attendu fin mars au Conseil des
ministres. Et tout semble indiquer, cette fois, que ces véhicules
d’investissements, sources d’innombrables crispations idéologiques et politiques, devraient
voir le jour. Pas question, toutefois, de révolutionner le régime
français des retraites, en remplaçant le sacro-saint régime de
répartition basé sur la solidarité
entre générations par un système
de capitalisation où les salariés
épargnent pour constituer leur
capital retraite.
Le financement des starts-up
et le noyau dur des groupes
Les régimes visés sont ceux
des engagements de retraite
complémentaire d’entreprise.
Des contrats auxquels cotisent
peu de salariés en France – ils
représentent 2,5 % des versements, contre 50 % outreManche – et dont l’encours
s’élève à 130 milliards d’euros.
Gérés par les assureurs, ils sont
soumis à une réglementation
européenne (Solvabilité 2).
Cela dissuade les sociétés d’assurances d’investir les fonds en
actions d’entreprises parce qu’ils
doivent alors immobiliser plus
de fonds propres pour garantir
aux assurés leur capital. « La
France a choisi historiquement
de réguler ces régimes comme de
l’assurance-vie, ce qui les empêche
Emmanuel Macron visite L’Atelier des compagnons, une entreprise du BTP à Saint-Ouen, en 2015. AlAin GUilHOT/DiVERGEnCE
de contribuer au financement de
l’économie. Il est donc important
de créer les conditions en France
de véritables fonds de pension »,
explique Emmanuel Macron au
JDD. La solution ? Un « régime
ad hoc » qui exonère ces fonds de
la réglementation Solvabilité 2.
Ce que les Anglo-Saxons ont déjà
obtenu.
En France, selon Bercy, ce
changement permettrait de flécher 15 à 20 milliards d’euros vers
ce type de placements. Et de créer
« un capitalisme français de long
terme », estime le ministre de
l’Économie, qui pointe un déficit
d’investisseurs en fonds propres.
Avec deux effets néfastes : « Les
start-up manquent d’investisseurs
pour les accompagner dans leur
croissance et partent à l’étranger
pour financer leur développement.
Et les grands groupes manquent de
noyaux durs d’actionnaires nationaux pour stabiliser leur capital
et sont dépendants de fonds étrangers plus exigeants en matière de
dividendes », poursuit Emmanuel
Macron.
Pour Bernard Spitz, président de la Fédération française
des sociétés d’assurances, le
projet Macron « est à la fois
une réponse pragmatique aux
contraintes réglementaires et un
gage de meilleure rentabilité de
leurs économies pour les bénéficiaires ». Mais les fonds les
plus convoités pour relancer le
financement de l’économie réelle
sont ceux de l’assurance-vie. Une
manne de 1.500 milliards d’euros,
dix fois plus élevée que l’encours
des retraites complémentaires
d’entreprise. « Son encours ne
cesse d’augmenter alors même
que ces produits ne sont que très
peu orientés vers le financement
de l’économie réelle – pour rester
pudique », regrettait en novembre
dernier Emmanuel Macron.
L’objectif : dynamiser les fonds
eurocroissance mis en place en
2014. Ces nouveaux contrats, qui
peinent à décoller, se veulent un
troisième pilier de l’assurance-vie
entre les fonds euros peu dynamiques et les unités de compte
perçues comme trop risquées. g
Personne ne peut mieux comprendre un entrepreneur qu’un
autre entrepreneur, surtout quand
il a déjà fait fortune avec un projet
à fort contenu technologique. Les
business angels constituent des
investisseurs puissants dans une
majorité d’économies. Sauf en
France. Les 100 millions d’euros
qu’ils ont injectés l’an dernier ne
sont rien face aux 30 milliards
de dollars que leurs homologues
américains ont consacrés au soutien des start-up.
Pour Jean-David Chamboredon,
fer de lance des « pigeons » qui
s’étaient mobilisés à l’arrivée de
François Hollande, la fiscalité française est à l’origine de cette contreperformance. L’investisseur professionnel, patron du fonds Isai
et coprésident de France Digitale,
regrette de voir la moitié des entrepreneurs qui ont empoché des
millions en vendant leur affaire
quitter le pays. Ceux qui restent
ne voient pas l’intérêt d’investir en
capital dans des start-up…
Pour les y encourager, le gouvernement serait en train de mettre
au point un « compte épargne investisseur ». Il permettrait d’éviter
une imposition trop forte en cas de
plus-values et de les compenser
par les moins-values éventuelles.
La mesure devra attendre le collectif budgétaire de juin. Jean-David
Chamboredon espère que le gouvernement va introduire une autre
mesure dans son projet. Il milite
pour un allongement à deux ans
de la durée du sursis fiscal dont
bénéficie un entrepreneur ayant
vendu sa société s’il s’engage à
réinvestir une partie de ses gains
dans de jeunes pousses. s.A.
SNCF : les syndicats annoncent « une grève de grande ampleur »
TrANsPOrTs La journée
de mercredi s’annonce noire
pour les usagers du train, mais
aussi de la rATP
syLvIE ANdrEAu
Un jour de grève à la gare de Lyon.
AnOUk DESURY/MAXPPP
Les équipes de Guillaume Pepy
ne sont plus sûres de rien. Il y a
dix jours, elles prévoyaient une
grève « carrée ». Les quatre syndicats qui appellent à l’arrêt du
travail mercredi représentent
70 % des salariés du groupe ferroviaire. Leur mouvement commence le mardi à 19 heures pour
se terminer le jeudi à 10 heures.
La SNCF pouvait établir un plan
de trafic assez précis pour anticiper cette journée noire.
Mobiliser avant la publication
du décret
La feuille de route qu’elle
diffusera demain après-midi va
être plus compliquée à définir.
Le mouvement social contre le
projet de réforme du Code du travail porté par Myriam El Khomri,
prévu lui aussi mercredi, est venu
se greffer sur le mot d’ordre ferroviaire. Le nombre des cheminots grévistes devrait dépasser
largement les premières estimations. « Ce sera un mouvement de
grande ampleur », assuraient les
représentants syndicaux à l’issue
d’une rencontre avec la direction,
le 2 mars.
Côté cheminots, on entend
se mobiliser avant la publication du décret qui doit définir
« les conditions d’utilisation des
personnels du ferroviaire ». Ce
nouveau cadre, qui fixe la durée
du temps de travail, est censé
répondre à l’ouverture du rail
français à la concurrence et
promet une révision du statut
des cheminots. Elle concerne la
SNCF, les rares acteurs du fret
ferroviaire et Thello, la petite
compagnie opérant entre la
France et l’Italie. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des
Transports, peaufine encore sa
copie, qu’il a promis de rendre
pour le 15 mars. Le sujet est sensible et doit passer par le Conseil
d’État pour validation.
Pour les cheminots de la SNCF
et les salariés de la RATP, les
revendications sont aussi salariales. Pour la Régie parisienne,
le mouvement tombe le jour de
la date prévue pour le démarrage
des négociations sur les salaires.
Une occasion trop belle de mettre
la pression sur la direction. g
20 | économiE
JDD | 6 mars 2016
Jean Tirol
sur tous les fronts
Le Prix Nobel d’économie
2014 prépare un nouveau
livre qui aura pour thème
le rôle d’éclaireur
des économistes dans
la société. Le directeur
scientifique
de la Toulouse
School of Economics
vient d’apporter son
soutien au projet de
loi El Khomri, « une
avancée pour les
Le chiffre
plus fragiles ». Jean Tirole,
63 ans, souhaite par ce livre
démontrer en quoi les
économistes sont, par leurs
travaux, aptes à changer
le regard des citoyens. L’idée
lui est venue après avoir
reçu l’éminente distinction
de la Banque de Suède et
entamé un tour du monde.
Son opus sera publié aux
PUF mi-mai. C’est Denis
Kessler, patron de Scor, qui a
racheté la maison d’édition,
qui l’a invité à se livrer. B.B.
7%
C’est l’hypothèse haute de
croissance économique que
se fixe la Chine pour 2016.
Annoncé hier par le Premier
ministre devant le Parlement,
cet objectif tient compte
d’une conjoncture difficile
et des difficultés structurelles
de la deuxième économie
mondiale. Il est à peine plus
Coulisses
élevé que le taux de 6,9 %
réalisé, selon Pékin, en 2015,
le plus faible enregistré
depuis 25 ans. Autres
objectifs chiffrés de la feuille
de route pour la période
2016-2020, en vue de
« l’édification de la société
de moyenne aisance » :
construire au moins
50 nouveaux aéroports, créer
50 millions d’emplois dans
les villes et augmenter
à 58 gigawatts la production
d’énergie nucléaire. B.B.
Alerte sur Saint-Barth
La petite île française
des Antilles, collectivité
d’outre-mer depuis 2007,
est en péril. Selon les
représentants de
l’association Saint-Barth
Essentiel, en tournée à Paris
cette semaine, la situation
environnementale du petit
territoire se dégrade à
vitesse accélérée. Les
permis de construire se
seraient multipliés pour
atteindre le nombre de
2.200 en dix ans, pour
un territoire de 9.000 âmes,
qui accueille
70.000 touristes par an.
Certains porteraient
atteinte
à des zones protégées
et à l’équilibre de
la biodiversité de l’île,
au point d’entraîner
des recours en justice
de la part de l’association.
Ses membres entendent
alerter le gouvernement
sur ces dérives. S.A.
Chez Sanofi Pasteur,
une épidémie de vaccins
SANTE Après la dengue, le numéro 1 mondial s’attaque à un traitement
contre le virus Zika. Avec une organisation industrielle sans précédent
À Genève, demain et mardi, la
communauté scientifique mondiale se retrouve une nouvelle
fois pour une réunion d’urgence
sur l’épidémie de Zika. Les représentants de Sanofi Pasteur, la
plus grande société de vaccins au
monde, seront autour de la table.
La division de ce groupe pharmaceutique est devenue incontournable dans la lutte contre les
épidémies provoquées par des
moustiques dans les zones tropicales. Elle est la première, après
vingt ans de recherche, à avoir
mis au point un vaccin contre la
dengue. Son traitement, commercialisé depuis quelques semaines,
place Sanofi en première ligne
dans la lutte contre le fléau Zika,
provoqué par la même espèce de
moustique. Le français a annoncé
cette semaine terminer la mise au
point d’un vaccin qu’il produira
bientôt, sur des petits volumes,
afin de démarrer au printemps
une phase de tests précliniques
sur des animaux.
Ce développement accéléré
correspond à l’expertise des
équipes du groupe basé à Lyon
dont le portefeuille de vaccins
couvre déjà 20 maladies infectieuses. Mais c’est grâce à ses tra-
vaux sur le « projet dengue » que
Sanofi Pasteur promet de lancer
dans trois ans un premier traitement contre Zika.
Toutes premières vaccinations
Les toutes premières doses du
vaccin Dengvaxia ont été injectées
ces jours-ci aux Philippines. Les
candidats au traitement se sont
manifestés dans des cliniques
privées, mais bientôt, l’ensemble
des Philippins bénéficieront d’une
campagne nationale. Depuis la fin
de l’année dernière, une demidouzaine de pays ont autorisé la
mise sur le marché de ce traitement. Sanofi Pasteur attend le feu
Centre de production du vaccin contre la dengue à l’usine Sanofi de Neuville-sur-Saône.
VINCENT MONCORGE/SANOFI
vert imminent d’une vingtaine de
nouveaux gouvernements.
Si la population sous la menace
de Zika est encore inconnue, celle
qui est concernée par la dengue
est estimée à 3,9 milliards de personnes. L’an dernier, rien qu’au
Brésil, le virus a touché plus de
1,5 million de personnes et causé
800 morts. L’OMS (Organisation
mondiale de la santé) vise une
réduction de 50 % de la mortalité et de 25 % de la morbidité,
car, outre le lourd bilan humain,
chaque pic épidémique entraîne
une désorganisation des systèmes
de santé des pays. Les hôpitaux
voient débarquer en quelques
jours des dizaines de milliers de
patients. « La dengue est aussi une
maladie très anxiogène pour des
personnes qui peuvent être contaminées jusqu’à quatre fois dans leur
vie », remarque Guillaume Leroy,
vice-président de Sanofi Dengue
Vaccine Company.
Pour Sanofi Pasteur, le projet
a représenté une organisation
industrielle sans précédent. La
construction d’un nouveau site
dédié a démarré dès 2009, à
Neuville-sur-Saône, près de Lyon.
Il fournira cette année 100 millions de doses. Et se mobilisera
contre Zika dès que le traitement
sera au point. g
Nicholas Jackson, directeur de la recherche de Sanofi Pasteur
« Zika est notre priorité
numéro un »
A-t-on une idée précise
de l’ampleur de
l’épidémie de Zika ?
phOTO V. MONCORGE/SANOFI-pASTEUR
SylviE ANdrEAu
On sait qu’au
moins 30 pays sont
touchés et que les
personnes infectées
se chiffrent par millions.
L’agressivité du moustique
inquiète aussi beaucoup. Il
se déplace, peut piquer plusieurs fois, ne s’attaque qu’à
des humains… De plus, on n’a
pas encore mesuré toutes les
conséquences de la maladie
sur le patient, les complications qui peuvent survenir,
les séquelles potentielles.
Des études démontrent que
les risques sont peut-être
plus importants que nous ne
l’avions envisagé.
Comment pensez-vous aboutir
à un vaccin en trois ans ?
Zika est devenu la priorité
numéro un de Sanofi Pasteur.
Notre programme bénéficie
d’une équipe de recherche
dédiée de 80 personnes,
issues de plusieurs horizons,
qui mettent à contribution les
experts du groupe à travers le
monde. Ce réseau s’est avéré
très efficace pour le programme
dengue qui vient d’aboutir à une
homologation dans de nombreux pays. Cette technologie,
également développée contre
l’encéphalite japonaise, devrait
nous permettre d’accélérer le
développement d’un vaccin
contre Zika, qui appartient à
la même famille des flavivirus.
Propos recueillis par S.A.
WITT/SIpA
Il ose
business | 21
jdd | 6 mars 2016
La bataille
des tablettes pros
HIGH-tecH Stylet ou clavier,
les géants du secteur accessoirisent
leurs outils avec le marché
des professionnels pour cible.
Un relais de croissance face
à la stagnation des modèles
grand public
Moctar Kane
« Qui voudrait d’un stylet ? »,
demandait Steve Jobs en présentant l’interface tactile révolutionnaire de l’iPhone en 2007.
Et pourtant… Il y a quelques mois,
Apple lançait l’iPad Pro, assorti
de deux accessoires maison : le
stylet Pencil et le clavier Smart
Keyboard. Sur le site de la firme,
un nouveau credo : ce clavier
« révolutionne complètement le
mode de saisie séculaire » ! « Cela
prouve que Microsoft n’avait pas
faux en restant fidèle au clavier
et au stylet », estime Stéphane
Torres, depuis longtemps expert
en tablettes de l’éternel concurrent de la marque à la pomme.
Le stylet, Microsoft s’y agrippe
depuis le début des années 2000
sur les Tablet PC, ancêtres des
tablettes actuelles. La version 4
de sa Surface Pro, lancée à la fin
de l’année dernière, en est équipée.
Les stylets d’antan n’ont rien à voir
avec ceux d’aujourd’hui. L’Apple
Pencil est sans doute l’un des plus
précis. Ces multiples degrés de
pression font varier l’épaisseur
du trait : remarquable pour le
dessin. L’ajout de clavier répond,
lui, à la demande d’utilisateurs
désireux de combiner le meilleur
des deux mondes : la tablette pour
consommer du contenu et le clavier de l’ordinateur portable pour
produire efficacement. Face aux
iPad Pro et Surface Pro (au-dessus de 900 €), l’autre géant, Samsung, sort ce mois-ci son Galaxy
TabPro S. Comme Google a mis
au point son premier modèle
Android : la tablette Pixel C, pourvue d’un clavier à fixation magnétique originale et d’un bouton de
recherche dédié.
Apple Ipad pro avec stylet. DR
Microsoft
Surface
Pro 4.
DR
« Nous entrons dans une
consommation du partage »
coMMerce Leboncoin est devenu un des meilleurs observatoires
de la consommation des Français. Pour Antoine Jouteau,
son directeur général, l’envie de partager en est le nouveau moteur
IntervIew
BrUna BaSInI
L’arrivée quasi simultanée
de machines haut de gamme
n’est pas un hasard. Les ventes
de tablettes grand public plafonnent. « En 2015, il s’est vendu
5.166.000 tablettes en France,
une baisse de 16 % par rapport à
2014 », avance Tristan Bruchet
de l’institut GfK. Mondialement,
le constat est du même ordre
selon l’étude d’IDC : - 13,7 % au
dernier trimestre. Le marché des
tablettes serait saturé, notamment par les modèles Android
d’entrée de gamme. Avec un taux
d’équipement des foyers français d’environ 40 %, il se renouvelle peu. Au lieu de racheter
une simple tablette, les clients
regardent du côté des « convertibles et des ultrabooks [portables
fins et relativement puissants] »,
explique Tristan Bruchet.
Le bastion de Microsoft
dans les entreprises
Si Apple et Google, à travers
leurs systèmes d’exploitation,
dominent largement le marché
grand public, la bataille des
convertibles chez les pros est
loin d’être gagnée. « Le monde
de l’entreprise est quand même
inféodé à Microsoft », dit Stéphane
Torres.
Grâce au système Windows et
aux logiciels associés tels Office.
Agnès Van de Walle, directrice de
la division Windows et Surface
chez Microsoft France, annonce
que « le chiffre d’affaires de la
gamme Surface est en croissance
constante de 30 % depuis le lancement de Surface Pro 4 ». Ranjit
Atwal, directeur de recherche
chez Gartner, estime que Microsoft bénéficie de l’adoption rapide
par les entreprises de son dernier
système Windows 10, présent
sur les tablettes et les ordinateurs. Quant à Apple, pour voir
ses tablettes pénétrer vraiment
l’entreprise, il « doit prendre une
décision, affirme Ranjit Atwal. Ils
ont Mac OS pour les ordinateurs
et iOS pour les tablettes. Pourquoi
garder deux systèmes d’exploitation chez les pros ? » g
@BrunaBasini
des millions de Français vident leurs
placards sur Leboncoin,
qu’apprend-t-on sur leurs pratiques
de consommation ?
Quand on s’est lancé en 2006, on
fonctionnait comme une brocante
virtuelle. Aujourd’hui, nos clients
nous écrivent. Ils nous demandent
de plus en plus de services et des
nouvelles fonctionnalités, comme
la géolocalisation ou la messagerie
intégrée. En supprimant le commerçant, on leur a donné l’envie
du partage et la curiosité de leur
voisinage. Quand ils vendent pour
1 € un cageot de pommes, ce n’est
pas pour gagner de l’argent, c’est
parce qu’ils ont vidé leur arbre et
veulent en faire profiter quelqu’un
et le rencontrer.
c’est la crise de 2008 ou l’explosion
du commerce en ligne qui a fait le
succès des ventes d’occasion ?
La crise a eu un impact mineur.
C’est l’Internet haut débit qui a
provoqué le déclic en drainant des
millions de consommateurs vers
le Web. Du jour au lendemain, ils
se sont mis à jouer à la marchande.
Mais ce sont des consommateurs
raisonnés : ils peuvent s’offrir un
vélo neuf très cher et acheter des
meubles d’occasion. Ils arbitrent.
Surtout, ils ne veulent plus jeter ou
stocker. Et ils cherchent des objets
rares et uniques, comme des vêtements vintage chez les jeunes de 15
à 29 ans, qui ne veulent ressembler
à personne d’autre.
nos habitudes de consommation
ont-elles fondamentalement
changé ?
Nous entrons dans une consommation du partage. Avant, un bien
avait un prix. Aujourd’hui, il a une
Antoine Jouteau, DG du site de vente entre particuliers. Jacques GRaF/DIVeRGeNce POuR Le JDD
valeur d’usage et de partage. Quand
il a épuisé son utilité, on le remet
sur le marché et cela crée une circulation vertueuse. Les smartphones
deviennent ainsi accessibles à une
population qui ne pouvait pas se les
offrir à prix neuf. Et parce que les
objets bougent, cela apporte aux
marques une nouvelle clientèle
qu’elles n’avaient souvent pas ciblée.
ressentez-vous les effets
conjoncturels de la crise à travers
vos petites annonces ?
Nous avons nos propres indicateurs de marché : le nombre
d’offres déposées et la durée de
vie des annonces. Mais nous nous
portons mieux quand il y a de
la croissance. On ressent aussi
très vite les crises sectorielles ou
propres à une marque. La crise du
diesel, on l’a vue dans nos chiffres
de septembre à novembre. Pour nos
annonces d’emplois, nous avons déjà
constaté des mouvements de reprise
l’an dernier et clairement depuis le
début de l’année. Au cours des trois
dernières semaines, nous avons reçu
40.000 offres.
Leboncoin crée du lien entre
vendeurs et acheteurs : êtes-vous
prêts à devenir un réseau social ?
Nous gérons une communauté
de 23 millions de visiteurs par mois.
Et nous voulons leur fournir un meilleur service et des petits bonheurs
au quotidien. Notre ADN reste la
transaction. Nous nous interrogeons
sur notre capacité à aller plus loin
pour offrir notamment des moyens
de paiement. Nous avons déjà
ouvert 15 millions de comptes pour
nos utilisateurs réguliers, qui nous
demandent aussi de les informer
sur les événements de leur ville ou
de leur quartier. Et certaines associations détournent nos annonces
pour faire passer des messages. g
LeBoncoIn : dU GrILLe-paIn aU cdI
LeAder inconteSté des petites
annonces entre particuliers, Leboncoin
fait plus que proposer à la vente des
vinyles ou des nains de jardin. Le 5e
site le plus visité de France s’est aussi
imposé sur le marché du travail avec
plus de 200.000 offres, juste derrière
Pôle emploi. Pour grimper
à 500.000 annonces dans
les prochains mois, Leboncoin parle
notamment avec Paul Duan,
le fondateur de l’ONG Bayes Impact.
Sa société fournit des solutions
technologiques pour fluidifier
le marché de l’emploi. Le « génie
français des algorithmes » a proposé
à François Hollande de l’aider
à inverser la courbe du chômage.
Et au site Leboncoin de travailler sur sa
data. Des données qui, une fois
agrégées, peuvent apporter à
quelqu’un qui cherche un travail,
outre une annonce, des informations
de proximité personnalisées : valeur
d’une maison, montant d’un loyer,
prix d’une voiture d’occasion. Et d’un
micro-ondes quasi neuf. B.B.
Infiniti bat ses records
aUtoMoBILe La marque
premium du japonais nissan
dévoile au Salon de Genève
une gamme enfin complète
SyLvIe andreaU
@SylvieAndreau
Le chiffre des immatriculations de
février vient de tomber et avec lui
un nouveau record. Infiniti enchaîne
en France son dix-huitième mois
consécutif de croissance. Après
des ventes à + 70 % l’an dernier, la
marque haut de gamme de Nissan
continue de tracer sa route. Les volumes restent modestes en France
mais devraient passer la barre des
2.000 véhicules cette année. « Nous
sommes déjà dans les flottes de la
plupart des groupes du CAC 40 »,
s’enthousiasme le représentant en
France du constructeur.
Elle a fait sa toute première
apparition en Europe en 2008,
lors du Salon de Genève. Cette
année, Infiniti y expose son nouveau coupé sportif, le Q60, et le
QX30, déclinaison crossover de
son modèle phare, le Q30.
Commercialisée depuis janvier, la petite berline vient de faire
son apparition en France, avec les
premières livraisons mi-février. Sa
production, 100 % européenne, est
assurée sur le site de Sunderland
au Royaume-Uni, qui a bénéficié
de 300 millions d’euros d’investissement. Infiniti, très bien implantée aux États-Unis – son premier
marché – et en Chine, espère tripler
ses ventes en Europe avec le Q30.
Son réseau de distribution français s’y prépare. Le constructeur
annonce demain l’ouverture d’un
dix-neuvième point de vente dans
l’Hexagone.
Lors du récent lancement de la
nouvelle Alpine, Carlos Ghosn, le
patron de l’alliance Renault-Nissan,
n’a pas exclu que le modèle sport
du français soit distribué dans les
concessions Infiniti. g
Le prix d’une Infiniti commence à 26.000 € et peut monter jusqu’à 44.000. NIssaN/PR
JDD
22|
Théma
Deux mois après son extension théorique à tous les salariés, la complémentaire santé d’entreprise s’est largement
répandue. Mais dans les petites entreprises, ce sont souvent les formules les plus basiques qui ont été souscrites
La complémentaire santé
se généralise
L
Éric Leroux
’ultimatum était
fixé au 1er janvier
2016 : toutes les
entreprises qui
emploient au
moins un salarié devaient, à
cette date, avoir souscrit une
complémentaire santé à leur
profit en payant la moitié au
moins de la cotisation, dans
le cadre de la mise en place
de l’ANI (accord national
interprofessionnel) et de la loi
de Sécurisation de l’emploi.
Visiblement, beaucoup d’entreprises n’ont pas pu tenir ce
délai : « Nous avons enregistré
cinq fois plus de souscriptions
en janvier 2016 que pendant
toute l’année 2015 », témoigne
Patricia Delaux, directrice
des assurances collectives
chez Axa Entreprises, avant
de préciser que « de nombreux contrats s’ouvrent
encore tous les jours ».
« Ce sont surtout les salariés de très petites entreprises
– commerçants, artisans, libéraux – qui n’étaient pas encore
bénéficiaires d’une complémentaire, mais quelques
grosses PME figurent aussi
parmi les retardataires »,
précise Frédéric Rousseau,
dirigeant de la mutuelle
Humanis. D’après les professionnels, il faudra attendre
encore trois à six mois pour
boucher les derniers trous,
en particulier dans les très
petites entreprises où l’introduction de l’ANI se traduit
par un surcroît de charges
et de travail administratif. Un retard à l’allumage
finalement limité, alors
qu’aucune sanction ne vient
frapper les entreprises qui ne
Des « surcomplémentaires » peuvent venir renforcer les postes mal pris en charge par les contrats collectifs. Luc Seba/cocktaiL Santé
s’y conforment pas, le seul
risque étant d’être attaqué
aux prud’hommes par un
salarié.
« Une couverture
assez basique »
Les salariés, eux,
manquent encore à l’appel,
puisque « 50 % d’entre eux
seulement auraient adhéré au
contrat collectif », rapporte
Pascal Compet, directeur
associé du cabinet de conseil
Weave, d’après des informations rassemblées auprès des
grands opérateurs. « Dans
bon nombre de cas, ils n’ont
pas été convaincus par la couverture proposée par l’entreprise et ont utilisé les cas de
dispense pour s’en exonérer »,
explique-t-il. « Nous avons
observé peu de résiliations,
confirme Arnaud Giraudon,
à la tête du courtier Acomme
Assure. Les salariés ont principalement besoin de protection en dentaire et optique,
et sur ces deux points, l’ANI
n’apporte pas une bonne
réponse. »
Et pour cause : « La moitié
des contrats souscrits dans le
cadre de l’ANI n’offrent que le
Côté optique ou dentaire,
panier de soins minimal, qui
ou pour les dépassements
d’honone procure
raires, ils
qu’une cousont en
verture assez « Les salariés
revanche
b a s i q u e » , ont surtout besoin
d’un faible
observe
secours.
Pascal Com- de protection
C ’e st l a
pet, même si en dentaire
contreparces contrats
tie de tarifs
ont la vertu et optique »
très serrés :
de couvrir
le plus gros
la cotisation
risque, à savoir le ticket
moyenne pour le « panier de
modérateur laissé par la Sésoins ANI » s’élève entre 20
curité sociale à la charge des
et 30 € par mois et par salarié.
assurés, et l’hospitalisation.
« Le niveau de garantie dé-
pend de la stratégie sociale de
l’entreprise, détaille Frédéric
Rousseau. Lorsqu’elle dépend
d’un accord de branche professionnelle, la protection
minimale est presque toujours
supérieure au socle de l’ANI. »
Rares sont toutefois ceux
qui offrent une couverture
familiale. « La tendance lors
des mises en place penche nettement du côté des contrats
individuels, indique Patricia
Delaux. Dans la mesure où
souvent les deux conjoints travaillent, ils bénéficient chacun d’une couverture par leur
entreprise. » Les conjoints
sans activité et les enfants
en sont donc souvent exclus.
Pour rentabiliser ces
contrats collectifs parfois
vendus à prix cassés (dès
15 € par mois), les assureurs
ont une botte secrète : ils
proposent, à côté du contrat
de base, des « surcomplémentaires », qui viennent
renforcer les postes mal
pris en charge, l’optique et le
dentaire notamment. Cellesci ne sont pas obligatoires et
ne coûtent rien à l’entreprise,
puisque ce sont les salariés
qui choisissent ou non de les
souscrire (plusieurs options
sont proposées) et qui paient
l’intégralité des cotisations.
« Leurs coûts sont très
variables, mais elles sont
chères, ce qui fait que peu de
salariés y ont adhéré pour
l’instant », poursuit Pascal
Compet. Bon nombre de
professionnels estiment
cependant que les salariés pourraient être plus
nombreux à y recourir s’ils
estiment que les remboursements de la complémentaire
de base sont insuffisants. g
CDD, temps partiel, chômage, retraite : êtes-vous
CoUVERt ? Pas couvert ?
Pour certains salariés qui ne
sont pas en contrat à durée
indéterminée, la complémentaire d’entreprise peut
tourner au casse-tête.
Les salariés en CDD,
par exemple, sont couverts
dès lors que leur contrat
est signé pour au moins
un mois et pour toute sa
durée. Ils doivent donc
contribuer également à la
cotisation. Il existe cepen-
dant de nombreux cas où
ils peuvent refuser de s’affilier, notamment si le CDD
est inférieur à un an. Si le
CDD est d’une durée supérieure à un an, le refus d’adhérer ne sera acceptable
qu’à condition de justifier
de la détention d’une couverture santé par ailleurs
(celle de votre conjoint
ou un contrat personnel).
C’est la même chose pour
les apprentis.
Les salariés à temps partiel sont, eux aussi, couverts
par le contrat de l’entreprise
complet. Pour éviter que
cela ne pèse trop sur leur
salaire, il est toutefois prévu
Les salariés en CDD sont couverts
dès lors que leur contrat est signé
pour au moins un mois
et financent leur complémentaire en payant le même
tarif qu’un salarié à temps
qu’ils puissent la refuser si
la cotisation représente plus
de 10 % de leur salaire.
En cas de chômage
non consécutif à une faute
lourde, les anciens salariés
d’une entreprise conservent
le bénéfice de la mutuelle
pendant une durée équivalente à celle pendant
laquelle ils y ont travaillé,
avec un maximum de douze
mois. Si vous avez travaillé
six mois dans une entreprise, vous continuerez
donc à profiter de sa couverture pendant six mois
(sauf si vous retrouvez un
emploi plus tôt), et cela
sans rien payer, car la cotisation est totalement prise
en charge par l’employeur.
Maintien des garanties
Lors du départ à la
retraite, les anciens salariés peuvent demander à
l’assureur le maintien des
garanties dont ils disposaient dans l’entreprise.
Cependant, le prix de la
Complémentaires santé théma
JDD
Les critères d’une bonne couverture
Avant de souscrire une
complémentaire santé, il
faut regarder le tarif, bien
sûr, mais aussi le contenu
des garanties. Comment
s’y retrouver en fonction
des différentes situations
ÉriC Leroux
Si vous n’avez pas la chance
d’avoir une complémentaire santé payée en partie
par votre entreprise, c’est à
vous de choisir le contrat qui
vous conviendra le mieux.
Le tarif est évidemment un
critère de choix alors que le
montant peut vite atteindre
plusieurs milliers d’euros
par an pour un couple ou
une famille. Le contenu des
garanties mérite aussi votre
attention, d’autant plus qu’il
n’est pas toujours très clair.
Voici les points qui font la
différence.
b Les dÉpAssements
d’honorAires
C’est l’un des principaux
points qui fait varier les
tarifs. Les contrats les moins
chers ne couvrent pas ces
dépassements d’honoraires,
alors que les plus étendus les
couvrent parfois jusqu’à 2, 3
ou 4 fois le tarif de la Sécurité sociale (d’où les appellations « 200 % », « 300 % »
ou « 400 % »). En clair, pour
une consultation chez un
spécialiste, où le tarif de
convention est de 25 €, vous
serez remboursé à concurrence de 24 € (Sécurité sociale comprise, il reste 1 €
« de responsabilité » à votre
charge) avec une mutuelle
de base, et jusqu’à 99 € avec
une qui couvre à « 400 % ».
Notre conseil : si vous
n’avez recours qu’occasionnellement à des professionnels qui pratiquent des
dépassements d’honoraires,
vous pouvez vous contenter d’une formule de base.
Avec les sommes économisées sur la cotisation, vous
affronterez facilement ces
dépassements.
b Les prothèses
dentAires
Bien qu’il s’agisse du
poids lourd des dépenses
de santé pour un grand
nombre de personnes, les
remboursements des prothèses dentaires sont difficiles à évaluer, car exprimés,
eux aussi, en pourcentage
du tarif de la convention
de la Sécu. Seul souci : peu
de gens connaissent ces
tarifs. Pour une couronne,
par exemple, ce tarif est
de 107,50 €. Un contrat qui
couvre à 200 % vous permettra d’être remboursé à
hauteur de 315 € (107,50 x
2), y compris la part de la
Sécurité sociale. Attention :
il faut parfois attendre un
an ou deux pour bénéficier
du remboursement maximal prévu par le contrat. Et
les implants ne sont jamais
remboursés : dans le meilleur des cas – et les contrats
les plus chers –, vous n’aurez
droit qu’à une participation
symbolique.
Notre conseil : trouvez
le juste compromis entre
des remboursements assez
hauts pour ne pas vous freiner dans la réalisation des
soins nécessaires, mais pas
trop élevés afin de garder
un budget mutuelle raisonnable. Sur plusieurs années,
vous risquez de payer bien
plus à l’assureur que ce à
quoi vous avez droit…
b L’optique
Vu les tarifs ridicules
de la Sécurité sociale, les
prestations des complémentaires sont faciles à comparer, car elles sont toujours
exprimées en forfait. Celuici varie de 50 à 150 € dans
les contrats basiques, mais
peut atteindre 800 € pour
des verres complexes dans
les contrats les plus étendus.
Notre conseil : choisissez un niveau de forfait
correspondant au type
de verres dont vous avez
besoin. Il est possible de
faire évoluer les garanties
quand les besoins changent.
b Les prothèses
Auditives
Comme pour l’optique,
les tarifs de la Sécu sont sans
rapport avec la dépense. Les
contrats les moins onéreux, qui remboursent en
pourcentage de ce tarif, ne
vous seront donc d’aucun
secours. Mieux vaut opter
pour une offre plus haut de
gamme, avec un forfait de
quelques centaines d’euros.
Notre conseil : les personnes âgées ont intérêt
à se tourner vers des formules spécifiques si elles
désirent une meilleure prise
concerné ?
cotisation peut augmenter
de moitié, et il n’y a plus de
participation de la part de
l’entreprise. Cela revient
donc à payer trois fois plus
cher, pour un contrat qui
n’est plus forcément adapté
à vos besoins. Avant d’opter
pour ce maintien, mieux
vaut donc comparer la couverture et le prix avec ceux
d’un contrat individuel. g
Un forfait « haut de gamme » pour
les prothèses auditives. BURGER/PHANIE
en charge des frais liés au
vieillissement.
b L’hospitALisAtion
La différence entre
contrat d’entrée de gamme
et contrat haut de gamme se
fait uniquement sur la prise
en charge d’une chambre
particulière et sur le montant remboursé, qui peut
aller de 30 à 80 € par jour
en général.
Notre conseil : la durée
moyenne d’hospitalisation
étant courte, ce n’est généralement pas indispensable. g
à l’hôpital, la prise
en charge
d’une chambre
particulière
sera intégrée
à un contrat
haut de gamme.
AJ PHOTO/BSIP
24|
JDD
Théma ComplémenTaires sanTé
Ce que couvrent les contrats d’entreprise
Entre les formules basiques choisies par de nombreuses petites entreprises et les couvertures étendues proposées
dans les grandes entreprises, les complémentaires santé de l’ANI font le grand écart
Éric Leroux
Les complémentaires santé
d’entreprise n’apportent
pas toutes les mêmes protections, même si elles couvrent au minimum une série
de soins définis dans l’ANI.
D’un employeur à l’autre,
les salariés peuvent bénéficier de couvertures très
variables. Voici ce que vous
pouvez en attendre.
Maximum : vous bénéficiez d’un forfait de 150 €
par an pour l’homéopathie,
l’ostéopathie, l’acupuncture,
la podologie, etc.
b mÉdicaments
Minimum : vous êtes
remboursé du ticket modérateur (35 %) et n’avez
donc que 50 centimes par
boîte à votre charge, dans
le cadre de la « franchise
médicale ». Cela ne vaut
b consuLtations
que pour les médicaments
mÉdicaLes
remboursés à 65 % par la
Minimum : vous êtes Sécu, ceux dont le service
remboursé du ticket modé- médical rendu est majeur.
rateur à 30 %, c’est-à-dire la Les autres, remboursés à
part du tarif de convention 30 % ou 15 % par la Sécu, ne
non prise en charge par la donnent généralement droit
Sécurité sociale, dans le à aucun remboursement, car
cadre du parcours de soins. il n’existe pour eux aucune
Pour une consultation à 23 € obligation.
chez le médecin généraliste,
Maximum: le prix des
vous n’aurez que 1 €, dit de médicaments étant d’ordre
« responpublic, vous
sabilité », à
obtiendrez
les mêmes
payer. Idem D’un employeur
c h e z u n à l’autre, les salariés r e m b o u r sements.
spécialiste
qui pratique peuvent bénéficier C e r t a i n e s
complédes tarifs de de couvertures
m e n t a i re s
convention.
peuvent
En revanche, très variables
toutefois
s i l e p ro prendre
fessionnel
facture des dépassements également en charge le ticd’honoraires, c’est vous qui ket modérateur sur les médevrez payer ce supplément. dicaments à service rendu
Cela vaut pour les médecins, modéré ou faible.
mais aussi pour les actes de
biologie, analyses et radios. b soins dentaires
Maximum : les dépas- et prothèses
sements d’honoraires sont
Minimum : pour les
remboursés pour des consul- soins proprement dits, vous
tations facturées jusqu’à êtes remboursé du ticket
51,75 € si le médecin n’a pas modérateur et n’avez donc
signé le contrat d’accès aux rien à rembourser chez un
soins (CAS). À partir de 2017, professionnel pratiquant
ce plafond sera réduit à 46 €. des tarifs de convention.
Toutes les sommes payées Les dépassements d’honoau-delà restent à votre raires éventuels sont à votre
charge, le cas échéant.
charge. Les prothèses sont
Il n’y a pas de limite si le prises en charge à hauteur
médecin est signataire de ce de 125 % du tarif de convencontrat. Dans tous les cas, 1 € tion (remboursement Sécu
reste à votre charge.
compris), soit 134 € au maximum pour une couronne.
b mÉdecine douce
Un tarif qui laisse souvent
Minimum : elles ne sont plusieurs centaines d’euros
pas remboursées, hormis à votre charge.
le ticket modérateur de la
Un détartrage complet
consultation si le profession- est parfois intégré, car les
nel est un médecin conven- contrats doivent prendre en
tionné.
charge au moins deux actes
Sur l’optique, les garanties peuvent évoluer en fonction des évolutions de la vue. N. KOVARIK/ReseRVOIR PhOtO PAtRIcK ALLARD/ReA
de prévention par an pour
l’ensemble des questions
de santé.
Maximum : la loi ne
fixant pas de plafond dans
ce domaine pour les contrats
responsables, il n’y a théoriquement aucune limite aux
remboursements proposés.
La couverture dépend donc
de l’étendue de la couverture
choisie par votre entreprise.
b Lunettes et optique
Minimum : un forfait
de 100 € pour des verres
simples et jusqu’à 200 € au
maximum pour des verres
complexes (y compris la
monture) vous est attribué
tous les deux ans pour vos
lunettes ou lentilles. En
cas d’évolution de votre
vue, ce forfait est annuel.
Il l’est également pour vos
enfants s’ils sont couverts
par le contrat.
Maximum : n’espérez
pas plus de 100 € pour la
monture, mais les plafonds
pour les verres peuvent être
très généreux : 470 € pour
une correction simple, et
jusqu’à 800 € pour les
verres les plus onéreux.
Ces plafonds s’entendent
pour la paire de verres et
tous les contrats ne vont pas
jusque-là…
b hôpitaL
Minimum : en cas d’hospitalisation, vous n’aurez
pas à payer le ticket modérateur ni le forfait journalier, et cela sans limitation
de durée. En hôpital public
ou clinique conventionnée,
vous n’aurez donc rien à débourser pour les soins et le
séjour. En revanche, si vous
Les avantages et Les contraintes des rÉseaux de soins
Carte BlanChe Partenaire, Kalivia,
Seveane, Santéclair… Pour des millions
de personnes, la complémentaire santé
donne également accès à des réseaux
de soins qu’il est parfois très intéressant
d’utiliser pour réduire le reste à charge
sur les soins les plus mal remboursés
par la Sécurité sociale et les
complémentaires de base. Ces réseaux
passent des accords avec des
professionnels de santé afin de s’assurer
une limitation des tarifs et la fourniture
de prestations de qualité.
Chez Santéclair, on met ainsi en avant
« des réductions de 40 % sur les verres
par rapport aux mêmes équipements et
15 % sur les montures, de 45 % pour les
audio-prothèses, de 15 % dans le
domaine dentaire… » Tous ces
professionnels s’engagent à fournir des
devis clairs dans lesquels apparaît la
part des dépenses restant à la charge de
l’assuré. Ils acceptent également le tiers
payant, ce qui évite d’avancer la part
prise en charge par la complémentaire.
Seule condition à respecter pour
Les surcomplémentaires valent-elles le coût ?
pour de nombreux
salariés, surtout dans les
très petites entreprises,
les couvertures sont
proches du minimum
légal. il est possible
d’aller plus loin, à titre
individuel, grâce à des
surcomplémentaires
Proposées par l’assureur
de l’entreprise, les surcomplémentaires permettent
d’obtenir des remboursements plus élevés, ou de
couvrir d’autres membres
de la famille, mais pas question ici de la faire financer
par l’employeur : la cotisa-
demandez une chambre
particulière, vous n’aurez
droit à rien. Et les éventuels
dépassements d’honoraires
resteront à votre charge.
Maximum : les dépassements d’honoraires sont
couverts à condition que la
consultation ne dépasse pas
51,75 € (voir consultations
médicales). La loi ne fixant
aucune autre limite, il est
fréquent que les chambres
particulières soient remboursées dans les formules
les plus étendues, à hauteur
de 50 ou 80 € par jour. g
En dentaire, la couverture dépend
de l’étendue de celle choisie par
l’entreprise. PAtRIcK ALLARD/ReA
étendue de la protection)
et peut atteindre plusieurs
centaines d’euros par an.
tion incombe entièrement
au salarié. Son montant
dépend de nombreux
paramètres (âge, région,
Elles ne couvrent pas
toute la dépense
Faut-il y succomber ? Pas
forcément… À l’inverse de
la mutuelle de l’entreprise
qui couvre les gros risques,
ces garanties complémentaires sont surtout utiles
pour les dépassements
d’honoraires, l’optique
et le dentaire. Mais, dans
bénéficier de ces tarifs : passer par des
professionnels affiliés au réseau. Cela
peut parfois être ressenti comme une
contrainte, bien qu’il ne s’agisse pas
d’une obligation : il est possible de
consulter le professionnel de votre choix
et d’acheter vos équipements où vous
voulez. Mais vous ne bénéficierez alors
pas de l’effet « achat groupé » ni, dans
certains cas, de la prise en charge totale
de votre dépense, car certains assureurs
la conditionnent au recours à ces
réseaux. e.L
presque tous les cas, leurs
remboursements ne couvrent pas toute la dépense.
Exemple : pour un implant
dentaire, les contrats les
plus généreux avancent
une prise en charge à 500 %
du tarif de convention pour
la prothèse, ce qui correspond à 537,50 €, alors que
la dépense totale dépasse
généralement 1.500 €.
Mieux vaut donc estimer
si vous n’avez pas intérêt,
pour ces soins, à être votre
propre assureur : en mettant de côté l’équivalent
des cotisations, vous avez
certainement des chances
d’être gagnant à long terme.
Ces surcomplémentaires s’adressent donc,
en priorité, à des gros
consommateurs de soins,
qui fréquentent régulièrement des médecins pratiquant des dépassements
d’honoraires, qui changent
souvent de lunettes et qui
désirent pouvoir payer une
chambre particulière en
cas d’hospitalisation. Une
« antisélection » dans le jargon des assureurs : cela veut
dire que seuls les clients
dépensiers souscrivent. Ce
qui pourrait faire s’envoler
des prix déjà élevés… e.L.
26 | regards
JDD | 6 mars 2016
Chère Myriam El Khomri,
Rouge vif
Quand on vous a proposé d’être ministre du
Travail, vous avez accepté parce qu’une proposition pareille, ça ne se refuse pas. Et puis,
si les plus grands personnages de l’État vous
pensaient capable d’occuper ce poste, c’est
que vous l’étiez. Comme vous êtes honnête,
vous leur avez dit que vous ne connaissiez
pas bien le monde de l’entreprise, que votre
spécialité, c’était la politique de la ville. Ces
messieurs vous ont rassurée, des conseillers
hyperspécialisés allaient vous entourer pour
vous aider à maîtriser les points techniques.
Anne Roumanoff
@anne_roumanoff
Lettre à
Myriam
El Khomri
Au début, les médiAs vous aimaient bien,
vous sortiez de nulle part, vous n’aviez pas
le cuir tanné comme les vieux crocodiles
de la politique. Vous n’étiez pas désabusée
comme Rebsamen, vous étiez plus spontanée
que Michel Sapin. Il y avait une empathie
réelle avec les chômeurs, un sincère désir
de bien faire. On a aimé votre visite surprise
dans une agence Pôle emploi. On a loué votre
fraîcheur, votre jeunesse : pas d’ennuyeux
tailleurs pastel, pas de brushing impeccable.
Une robe rouge Zara, un blouson noir H&M,
des cheveux bouclés qui s’envolent dès qu’il
y a un peu de vent, de jolies rondeurs. Vous
alliez à l’Élysée habillée comme pour prendre
un pot aux Abbesses avec des copains un soir
de Fête de la musique.
Ensuite, il y a eu l’épisode Bourdin. Questionnée un peu abruptement sur le CDD, vous
perdez vos moyens. On raille votre ignorance.
Mortifiée, vous passez des nuits à potasser le
Code du travail. Le mois suivant, quand vous
annoncez les chiffres du chômage, vous êtes
devenue incollable sur les chômeurs de catégorie A, B et C. Le Premier ministre vous charge
de « porter » la réforme du Code du travail. Vous
demandez : « C’est quoi exactement porter ? »
« Porter, ça veut dire soutenir, défendre, expliquer », a répondu Manuel Valls. Il a ajouté : « Ne
t’inquiète pas, Badinter et son équipe ont fait tout
le boulot préparatoire. Moi et le Président, on
fera les arbitrages, et toi, tu vendras la réforme
au grand public et aux médias. »
« et les syndiCAts ? », vous avez demandé
un peu naïvement. « On ne dit plus “syndicats”, on dit “partenaires sociaux” », a rétorqué
Manuel. « Les partenaires sociaux, tu les recevras pour la forme mais les décisions auront
Il a 84 ans, et ça se voit
un peu. Elle a 59 ans et
ne les fait pas du tout.
Rupert Murdoch et Jerry
Hall se sont mariés
religieusement hier
à la St. Bride’s Church
de Londres, au lendemain
d’une cérémonie privée.
Le magnat des médias
australien et
l’ex-mannequin se sont
rencontrés l’an dernier.
C’est le quatrième
mariage de Murdoch qui
en avait publié l’annonce
dans « The Times », l’un
de ses journaux. Jerry
Hall, elle, avait été
l’épouse de Mick Jagger
de 1990 à 1999. REUTERS
Opinion
Jean-François
Di Meglio
Président d’Asia Centre
La Chine,
une économie
de marché ?
J. CHATIN/REA
La photo
de la
semaine
L
a fin est proche des années fastes de la « mondialisation heureuse ». Alors que, jusqu’en
2008, le commerce mondial croissait deux fois
plus vite que la richesse globale, ce n’est plus le cas
aujourd’hui. Dans ce contexte, la Chine a un rôle
crucial. Lui octroyer ou non le statut d’économie
de marché au sein de l’OMC, où elle est entrée en
2001 comme économie non marchande pour une
durée de quinze ans, est un enjeu majeur de 2016.
Quelles conséquences cette accession aurait-elle ? La possibilité d’échapper à toutes
sanctions sur ses
exportations. En
2014, la Chine a
fait l’objet de plus
de 40 séries de mesures antidumping
(pratique de prix cassés), en tête des pays qui ont
eu à en subir. L’Europe et les États-Unis n’ont
pas été les plus agressifs dans l’imposition des
mesures punitives vis-à-vis de la Chine : l’Inde,
par exemple, vient loin devant.
Un certain nombre d’analystes font valoir
aujourd’hui que ce statut d’économie de marché
peut être obtenu si le pays candidat donne des
preuves convaincantes. Ce serait une voie plus
saine et plus sereine qu’une simple ratification
automatique par les partenaires. Voilà donc que
c’est au tour de la Chine de s’inquiéter. Il est normal
qu’elle amalgame aux pressions américaines les
hésitations européennes. L’Europe peut affirmer
sa capacité à penser les questions commerciales de
façon indépendante, mais aussi discerner cyniquement ou pragmatiquement la meilleure posture.
D’évidence, la Chine n’est pas une économie
de marché. Les principaux tenants du « camp
occidental », Christine Lagarde en tête, ont, tactiquement, soutenu la candidature de la devise
chinoise, non convertible, à l’inclusion dans le
panier de devises du FMI, imposant en théorie
des critères qui ne sont qu’en partie respectés
par le yuan. De même, pour l’« économie de
marché », la question doit être posée en termes
tactiques : il ne s’agit pas de faire plaisir à la
Chine. Il faut peser le contrecoup éventuel d’un
refus ou d’un report. Sanctions en retour de la
Chine ? Mais le pays, en voie de ralentissement,
peut-il en imposer,
au-delà d’un goût
de plus en plus
affirmé pour la
« préférence nationale » ? Fermeture
sur une sphère d’influence plus restreinte et
recréant un monde bipolaire ? Là, sans doute,
serait le danger. Engager les plus progressistes
des dirigeants chinois vers la réforme et l’acceptation des règles internationales serait un pas
vers l’intégration du pays.
Une illustration intéressante des débats
à attendre est donnée par les escarmouches
actuelles autour de la question du dumping de
l’acier. C’est un bon test de la capacité chinoise à
négocier, reculer habilement et donner des gages
constructifs de bonne volonté. Sa première réaction a été typique : plutôt que de plier en cessant
tout dumping, elle a annoncé qu’elle restructurerait son secteur domestique de la sidérurgie
pour le rendre plus compétitif et plus conforme
aux règles internationales. Il est encore temps
d’aider la Chine à s’aider elle-même. Quand elle
sera « économie de marché », il sera trop tard. g
« Il est encore temps d’aider le géant
asiatique à s’aider lui-même »
été prises avant. Il faut arriver à réformer
ce pays. »
On a donné votre nom à la réforme décidée à
Matignon : loi El Khomri. Violente contestation
à gauche. Vous courez les médias pour défendre
des mesures décidées par d’autres. Vous répétez
avec application que licencier sans contrainte
permettra de réduire le nombre de chômeurs,
que ça n’est pas de la précarisation mais de la
flexibilité. Vaillant petit soldat fragile pris au
milieu d’une rafale de mitraillette. Une pétition de 1 million de signatures. Des quolibets
sur les réseaux sociaux. Le Premier ministre
parle de réécrire la loi. Vous faites un malaise.
On se moque encore. Le Président évoque un
accident domestique et ce mot « domestique »
résonne curieusement. Bernard Debré fait une
plaisanterie douteuse sur votre nom de famille
avec la condescendance méprisante des misogynes bourgeois de 70 ans.
C’est lA Journée de lA femme dans quelques
jours. Je ne sais pas si vous arriverez à réformer peu ou prou le code du travail, mais c’est
bien triste de constater qu’en ce début 2016 le
machisme de la classe dirigeante française est
toujours aussi fort. g
Déchiffrage
Axel de Tarlé
Éloge
de la simplicité
Q
ui n’a jamais pesté avec ses trois télécommandes, incapable de programmer un enregistrement, voire d’allumer
la télé ! Le monde numérique peut vite
devenir un cauchemar de complexité.
D’où le succès des acteurs qui ont tout
misé sur la simplicité.
C’est l’histoire de Google qui a tué
Yahoo!. Pourtant, à l’origine, Yahoo!
était leader, mais Google a vite pris le
dessus, avec sa page d’accueil épurée, une
simple barre de recherche sur fond blanc.
Une simplicité esthétique et rassurante,
comparée à la page d’accueil surchargée
et criarde de Yahoo! avec ses choix multiples… plutôt perturbants, surtout à une
époque – le début des années 2000 – où
Internet était en bas débit.
même histoire pour Leboncoin, qui a
laminé le géant américain eBay, ex-star
du Web. Son succès : un nom ringard
et franchouillard assumé. Leboncoin a
même failli s’appeler Chez Georgette,
du nom de la grand-mère du patron
français. Un accueil simpliste avec une
carte de France qui rappelle les cartes
scolaires du CM2. Et voilà comment
le plus basique des sites Web a balayé
eBay avec ses enchères compliquées et
son compte à mot de passe.
APPle, également, a établi son succès sur
la simplicité d’usage, avec ses commandes
intuitives. On reproche à Apple d’être un
système fermé. Mais c’est ce qui fait sa
force : on ne se perd pas dans son univers.
L’utilisateur est obligé de suivre un chemin balisé. Il faut croire que le cyberconsommateur est prêt à perdre un peu de sa
liberté, au nom de la simplicité.
le résultAt est limpide. Apple et Google
se disputent la place de plus grosse
capitalisation boursière du monde.
Leboncoin est le premier site français
pour la vente de voitures, d’immobilier…
Des expériences à méditer. Le monde
de la banque, par exemple, pourrait s’en
inspirer. Qui n’a jamais pesté au moment
de faire un virement – perdu au milieu
de multiples options – avec des codes
qu’on a naturellement oubliés – et des
clés Iban à 25 chiffres ! g
jdd | 6 mars 2016
Le livre
de la semaine
C
’est une petite brune
à la langue bien pendue, apparue en dernière page de L’Obs. Chaque
semaine, Riad Sattouf, auteur
de BD surdoué, y décrit le
quotidien de la fillette à
La vraie vie
d’Esther
l’école, en famille ou en colo.
Un album réunit – enfin ! –
ces planches hebdomadaires.
Et le lecteur se régale
Après avoir raconté, avec
succès, les mésaventures
d’ados boutonneux (entre
autres dans son premier
film Les Beaux Gosses) ou son
enfance en Libye et en Syrie
(sa série L’Arabe du futur),
le dessinateur met cette fois
en scène la vie d’une petite
écolière futée, à l’aise dans ses
baskets. Et le résultat sonne
juste.
Tout y est : les meilleures
amies, le mariage avec
l’amoureux dans la cour de
l’école, les récits d’horreur
qui empêchent de dormir,
les gros mots dont le sens
lui échappe et les idées
toutes faites, du style « pour
être belle, il faut être souple
et blonde »… Sans oublier
la cruauté des enfants. Capables de se moquer du petit
L’histoire de
ma maison
T
out se passe ici, c’est-àdire à l’angle d’un salon
que le lecteur découvre
en une double page dès l’ouverture du livre. La page de gauche
représente un mur percé d’une
fenêtre. La page de droite représente le fond de la salle où
se trouve une cheminée. L’angle
formé par le mur de gauche et
le mur du fond se trouve figuré par le mors du livre puis la
charnière des pages. Le point
de vue ne change pas au fil des
quelque 160 doubles pages,
mais le décor réserve vite des
surprises…
Ici se déroule en effet dans
cet unique lieu – l’angle du
salon d’une maison de Perth
Amboy, NewJersey – mais à travers le temps. Le lecteur assiste
à plusieurs scènes survenues
dans ce salon, de la construction
de la maison (1907) jusqu’à sa
destruction (2111). Ces souvenirs sont ceux de la demeure
autant que des personnages
qui l’occupèrent, y compris le
dessinateur américain Richard
McGuire, auteur de l’album. Ce
sont aussi les souvenirs du sol
car le lecteur se trouve bientôt, non plus dans le salon, mais
toujours ici avant que la maison soit construite : en 8.000
regards
Mitchell qui pleure devant
un pigeon écrasé en train
d’agoniser. « Le pire de tout,
juge Esther, impitoyable,
c’est qu’il continue à être gentil alors que tout le monde le
hait. »
Chaque épisode s’inspire
d’une « histoire vraie » confiée
par la fille d’un couple d’amis.
Riad Sattouf l’appelle régulièrement pour recueillir ses
confidences. Puis traduit à
sa façon. L’héroïne adore
son père, « quelqu’un de très,
très beau ». Beaucoup moins
son grand frère, « assez con,
mais c’est normal pour un
garçon ». Ou sa maîtresse,
« la plus moche de France »,
qui enseigne la guerre de
Cent Ans. La demoiselle
soupire : « Je vois pas à quoi
ça sert d’apprendre des trucs
qui se sont passés y a si longtemps. »
Avec Esther, Riad Sattouf dépeint à nouveau son
thème favori : la jeunesse
d’aujourd’hui. Et nous offre
un savoureux portrait de cette
nouvelle génération qui rêve
de l’iPhone 6, adule Maître
Gims, se régale avec des têtes
brûlées, ces bonbons acides
qui arrachent le palais, et ne
comprend pas bien qui est
le « Charlie » attaqué par les
terroristes… De quoi réfléchir. L’auteur aimerait suivre
sa protégée jusqu’à ses 18 ans.
Nous aussi !
MariE QuENEt
Les Cahiers
d’Esther, Histoires
de mes 10 ans,
Allary Éditions,
56 p., 16,90 €.
av. J.-C. aussi bien qu’à l’époque
des Indiens, avant l’arrivée des
premiers Européens ; dans les
commencements de la vie sur
Terre aussi bien que pendant la
guerre de Sécession ou la crise
des années 1930. Les murs s’ouvrent alors, comme des fenêtres
d’ordinateur, pour révéler ces
épisodes à travers le temps.
Passé, présent, futur se mêlent
de manière fascinante grâce à un
montage dont la virtuosité se
transcende en poésie, non dénuée d’humour. La chronique familiale s’inscrit dans l’histoire et
dans un flux de mémoire porteur
de longues songeries. Richard
McGuire joue aussi d’un camaïeu
de teintes bistre ou délicatement
embrumées comme si tout était
vu du fond d’un futur peut-être
lui-même passé.
Bien qu’avec des procédés
radicalement différents, Richard McGuire s’inscrit dans
la continuité du Wonderland
de Little Nemo. La mise en
pages et l’exploitation des
espaces sont une aventure en
soi d’une grande richesse. Le
livre vient de recevoir le Fauve
d’or, pleinement justifié, du
Festival de la BD d’Angoulême.
JEaN-MauricE dE MoNtrEMy
Ici, de Richard
McGuire. Traduit
de l’anglais par
Isabelle Troin.
Gallimard,
320 p., 29 €.
météo | 27
« Le ciel le plus cabotin de la planète, avec des effets et des édifices de nuages
qui feraient passer Véronèse et son atelier pour des fainéants »
Extrait du « Poisson-scorpion »
Hommage à Nicolas Bouvier,
né le 6 mars 1929
2
8
3
8
2 Lille
7
Abbeville
3
6
Cherbourg
2
8
Brest
Dimanche 6 mars
Indice de confiance 5/5
1
10
Rennes
1
9
Nantes
1
8
Paris
Tours
Clermont-Ferrand
1
7
Bordeaux
2
10
6
10
Lundi 7
5/5
Nord
Sud
0
7
2
10
Jeudi 10
3/5
2
Nord 10
Sud
5
12
Toulouse
3
10
Biarritz
Mardi 8
5/5
Nord
Sud
-1
8
0
10
Ensoleillé
- 10°/0°
1°/5°
Nancy Strasbourg
0
2
6
7
6°/10°
Nuageux 11°/15°
Dijon
Besançon
0
0
6
5
Couvert 16°/20°
Lyon
Grenoble
1
0
8
8
5
13 Nice
Marseille
3
Bastia
12
8
14
Pluie
2
8
2
11
Vendredi 11
3/5
Samedi 12
3/5
5
Nord 11
Sud
6
14
6
Nord 12
Sud
7
15
21°/25°
26°/30°
Orages
Neige
Mercredi 9
3/5
Nord
Sud
Éclaircies
31°/35°
36°/40°
28 | RegaRds | Portrait
Ghada Hatem
Réparer
les vivantes
Mardi, la gynécologue-obstétricienne
inaugure une Maison pour les femmes,
victimes de l’excision et de violences
conjugales. Retour sur son parcours,
du Liban à Saint-Denis, en passant
par un hôpital de la CGT
et un établissement militaire
C
Anne-LAure BArret
@AnneLaureBarret
’est l’histoire d’un « holdup » dans le 9-3. Son
auteure, malicieuse, rit
d’avoir le profil cliché
d’une délinquante : nom
et prénom arabes, double nationalité
franco-libanaise, dotée de trois frères
donc surentraînée à la castagne, rétive
à l’autorité quand ce n’est pas elle qui
l’exerce. Ghada Hatem, gynécologueobstétricienne à l’hôpital Delafontaine
de Saint-Denis, a entrepris de rançonner les riches pour mieux soigner les
pauvres. Les faits se sont déroulés
le 8 mars 2014, durant cette journée
« presque humiliante, superdébile
comme la fête des grands-mères » mais
« utile quand même puisqu’elle permet
de témoigner, de trouver des sous ».
À l’époque patronne de la maternité, la docteure Hatem berce une idée :
créer une « maison », en lisière de l’hôpital, ouverte sur la ville, pour mieux
prendre en charge la santé, physique
et psychique, des femmes du département. Conquise, la directrice du centre
hospitalier accepte de fournir le terrain
(une friche polluée)
mais pas un euro pour
payer les murs. Les
collectivités locales,
endettées, traînent des
pieds, et les mécènes
des beaux quartiers
envoient des lettres
types de refus. « Je
n’avais pas grand-chose
dans les poches alors j’ai
décidé de poser la première pierre, au bluff. »
Ce jour-là, celle qui
était alors son unique
financeur, la présidente
de la fondation Kering
(François Pinault), met
quasiment le pistolet sur la tempe du
président du conseil départemental :
« J’ai donné 75.000 €, à vous d’en faire
autant ! »
un I derrière son bouclier de gouaille
et d’humour. À ses côtés, ce 8 mars,
pour l’inauguration, plusieurs pros
du social ou de la santé, féministes
engagées de longue date en SeineSaint-Denis. « Sa capacité à trouver
de l’argent, à fédérer les énergies, son
entregent, c’est rare. Ghada a rêvé un
truc, elle l’a fait », admire l’une d’elles,
la docteure Emmanuelle Piet. Beau
joueur, Stéphane Troussel, le président
PS du conseil départemental, vante, lui
aussi, « son énergie, sa force de conviction, son autorité » : « La preuve, elle a
réussi à m’arracher 50.000 € ! »
Quand ses jeunes collègues l’interrogent sur les secrets d’une vie pleine,
Ghada Hatem évoque « l’âme aventureuse et conquérante des Libanais,
partout chez eux à condition de pouvoir
se faire un café turc. » Elle ressort son
« couplet sur la sérendipité » : « Lorsqu’il
se passe quelque chose par hasard, vous
savez quoi en faire. La CGT, qui gère les
Bluets, une maternité magique où a été
inventé l’accouchement sans douleur,
un esprit pro-IVG, s’était mis en tête
de changer l’équipe médicale. Certes, je
n’avais que 32 ans et je venais d’avoir
mon troisième enfant,
mais j’ai dit oui ! »
Quelques années plus
tard, un ancien interne
la recrute à l’hôpital
militaire Bégin, à SaintMandé. « La petite
Libanaise antimilitariste et de gauche »
passera huit ans sous
le calot de colonelle.
« J’y ai appris l’organisation, le management
des hommes. »
Depuis qu’elle a
atterri à Saint-Denis
en 2010, c’est-à-dire
en terre inconnue,
cette femme issue de la bourgeoisie
libanaise francophile, ancrée avec son
époux, un ingénieur français, dans
la très chic Vincennes, cherche à y
marier « l’âme de fraternité » de la maternité Saint-Vincent-de-Paul, où elle
a appris l’obstétrique et noué des amitiés à vie, l’esprit militant des Bluets et
l’organisation carrée de l’armée. « J’ai
la chance d’avoir une équipe solide, une
superbande de jeunes. Il est difficile
de construire quand on est seul. » En
peu de temps, la bosseuse, allergique
aux 35 heures, qui visite des hôpitaux
à l’étranger durant ses vacances en
quête d’inspiration, a fait exploser le
nombre des naissances, révisé les procédures de sécurité, monté un centre
Son père a bâti
le réseau
téléphonique
au Liban :
« Il était heureux
que je n’aie pas
un destin de fille.
Il m’a libérée. »
« Elle a réussi à m’arracher
50.000 € » Moins de deux ans et demi plus
tard et après avoir collecté 900.000 €,
la Maison des femmes ouvrira ses
portes en juin 2016. L’établissement,
qui abritera un planning familial
(contraception, avortement), proposera des consultations pour les femmes
excisées, victimes de violences conjugales, de viols ou d’inceste. « Le créneau, c’est femmes en galère », résume
Ghada Hatem, 56 ans, droite comme
Ghada Hatem, mardi, à l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). éric Dessons/JDD
1959
Naissance à
Beyrouth (Liban)
1977
étudiante en
médecine à Paris
1992
Chef de service à
l’hôpital parisien
des Bluets
2010
Arrivée
à la maternité
de l’hôpital
de Saint-Denis
2013
Création d’une
unité de chirurgie
réparatrice pour
femmes excisées
2016
Inaugure la Maison
des femmes
de fécondation in vitro.
Pour lutter contre le désarroi qui
la guette comme tous les soignants
inquiets de voir l’humain sacrifié au
nom de la rentabilité, elle compte
sur ses patientes. « Elles me font trop
rire. » Ce matin, une Bangladaise
mal à l’aise en français a confondu
la balance et la table d’examen. La
médecin l’a incitée à poursuivre son
apprentissage de la langue. « Je veux
revoir vous », a osé la timide dame en
sortant. Souvent, elle aurait envie de
pleurer en entendant leurs histoires.
« Je serais morte douze fois à la place
de certaines », soupire-t-elle.
« En novembre, on se serait cru
à Beyrouth dans les bons jours ! » Pourquoi s’acharner à réparer les
vivantes, jusqu’à apprendre la chirurgie reconstructrice de l’excision à
50 ans passés, auprès de l’urologue
pionnier Pierre Foldes ? « Allez, on
sort les mouchoirs ? » En 1977, Ghada
Hatem quitte Beyrouth pour étudier
à Paris, son père avant elle, mais
surtout pour fuir la guerre. Depuis
des mois, la jeune fille ne va presque
plus au lycée français et « habite dans
l’escalier » afin « d’échapper aux
obus ». « Très pratique pour lire Sartre
et Beauvoir ! », rigole cette grande
lectrice. « Avec un peu de chance, ça
ne tombe pas sur vous. »
Le 18 novembre 2015, Ghada
Hatem est appelée à 7 heures du
matin par la médecin de garde à
la maternité. Ça tonne sec à SaintDenis : le Raid a lancé l’assaut
contre la planque d’Abaoud, coordinateur présumé des attentats du
13 novembre. « Tout le monde était
tétanisé. Moi, non. On se serait cru à
Beyrouth dans les bons jours ! » Sous
le second degré, une inquiétude face
au terrorisme et à toutes les entorses
quotidiennes à la laïcité qui menacent
à ses yeux son refuge, la France des
Lumières. « Je viens d’un pays où un
musulman ne peut pas épouser une
chrétienne puisque le mariage civil
n’existe pas. » Issue d’une famille
chrétienne maronite assez ouverte
pour avoir donné des prénoms musulmans à trois de ses enfants, Ghadam
Hatem n’a « encore jamais rencontré
Dieu ». Comme nombre de féministes
de sa génération, elle rabroue ceux
qui brandissent le leur. « À l’hôpital, on soigne beaucoup d’“emballées”.
Quand la confiance est établie, je leur
demande pourquoi ce voile. »
Il y a deux ans, le 8 mars 2014, en
posant la vraie fausse première pierre
de la Maison des femmes, Ghada Hatem
a serré les dents. Son père, Georges,
un grand bâtisseur qui a notamment
construit le réseau téléphonique du
Liban, avait été enterré la veille. L’ingénieur passionné de poésie lui a transmis
la force d’aller au bout de ses rêves et
surtout de penser par elle-même. « Il
m’a appris que tout se questionnait. Il
était heureux que je n’aie pas un destin de
fille. Je n’ai pas été, comme mes copines
élevées dans les écoles religieuses, obligée
d’être sage. Il m’a libérée. » g
lejdd.fr Notre interview vidéo
dimancheculture
jdd | 6 mars 2016
| 29
La comédienne oscarisée incarne dans « Room » une jeune fille séquestrée,
qui protège le fils qu’elle a eu de son geôlier
La grande
évasion de
Brie Larson
BArBArA ThéATe
L
a concurrence était rude.
Face à elle, les multirécompensées Cate Blanchett et
Jennifer Lawrence. Pourtant, c’est elle qui est sortie gagnante. Brie Larson a tout
raflé : le Golden Globe, le Bafta
et, dimanche dernier, l’oscar de
la meilleure actrice. Unanimement
saluée pour sa composition tout en
délicatesse et en intensité d’une
jeune fille qui survit en captivité
avec le petit garçon qu’elle a eu
de son kidnappeur. Avec Room,
la comédienne de 26 ans, cantonnée jusque-là aux seconds rôles,
fait enfin connaître son nom et
son talent.
La vocation, Brie Sidonie
Desaulniers l’a eue toute petite.
À 3 ans, elle déboule dans la cuisine de sa mère en déclarant :
« Je connais mon dharma : je suis
destinée à être actrice. » Elle n’en
a jamais démordu. L’année suivante, elle devient la plus jeune
élève à intégrer le conservatoire
de théâtre de San Francisco. Dès
l’âge de 6 ans, elle interprète des
sketches dans le Tonight Show de
Jay Leno, et enchaîne les séries télé
pour enfants. Celle qui a troqué
son imprononçable patronyme
d’origine française pour celui plus
passe-partout de sa grand-mère
maternelle ne se voit pourtant pas
en idole des jeunes made in Disney,
façon Miley Cyrus.
Un beau tempérament qui finit
par intéresser les studios
Alors elle galère, comme beaucoup d’autres graines de star, apparaissant au générique de comédies
à peine vues et vite oubliées. Les
dieux de Hollywood commencent
à lui sourire pour ses 20 ans, avec
la série The United States of Tara,
produite par Spielberg. Pendant
trois saisons face à Toni Collette,
elle incarne une ado aussi délurée
qu’attachante. Un beau tempéra-
Room iiii
De Lenny Abrahamson,
avec Brie Larson, Jacob Tremblay. 2 h.
Sortie mercredi.
Retenue en captivité depuis huit
ans, Joy élève dans les quelques
mètres carrés d’un cabanon de
jardin le fils qu’elle a eu avec son
kidnappeur. Le jour des 5 ans de
son garçon, elle décide d’organiser
son évasion… Comment se
réadapter à un monde dont on a
été coupé ? Comment le
comprendre quand on ne l’a vu
qu’à travers la télé ? Sans jamais
rechercher l’effet ni les larmes,
ment qui finit par intéresser les
studios. Après des partitions de
jolie fille dans Greenberg, 21 Jump
Street et Don Jon, elle se fait remarquer en jeune éducatrice pour
enfants en difficulté dans States
of Grace, de Destin Cretton, et
décroche le prix de la meilleure
actrice aux festivals de Deauville
et Locarno. Le roi de la comédie
romantique Judd Apatow lui offre
un rôle amusant l’an passé dans
Crazy Amy.
Mais Brie Larson rêve de films
plus ambitieux et personnels.
Quand elle apprend que le roman
d’Emma Donoghue, Room, paru
en 2010, va être adapté au cinéma,
elle se débrouille pour décrocher
un rendez-vous avec le réalisateur,
Lenny Abrahamson. « C’était la
première fois depuis le CM1 qu’un
livre me faisait pleurer ! Quand
on s’est enfin rencontrés, ce qui
devait être un bavardage informel
de quelques minutes autour d’un
café s’est transformé en discussion
passionnée de quatre heures. J’ai
fini par décrocher le rôle. »
Inspirée des histoires de Natascha
Kampusch et d’Elisabeth Fritzl
Sans doute parce que la comédienne s’est retrouvée dans le lien
qui unit la jeune Joy à son fils.
« Après le divorce de mes parents,
à 6 ans, j’ai vécu avec ma mère et
ma petite sœur. Les choses n’ont pas
été faciles. On ne roulait pas sur l’or,
on n’avait pas beaucoup de vêtements ni de jouets. Mais maman
réussissait à transformer en foyer
heureux le studio miteux dans lequel
on inventait sans cesse de nouveaux
jeux avec des objets du quotidien. »
Pour s’immerger totalement
dans son personnage, Brie Larson
a lu tout ce qu’elle a trouvé sur les
histoires dramatiques de Natascha
Kampusch et d’Elisabeth Fritzl.
C’est le destin de cette dernière,
violée et séquestrée par son père
pendant vingt-quatre ans avec trois
de ses sept enfants nés en captiLenny Abrahamson filme au plus
près les deux prisonniers pour
rendre palpables la promiscuité et
la tension qui règnent dans cette
cellule que la mère s’efforce de
transformer en terrain de jeu. C’est
finalement la libération qui va se
révéler la plus étouffante. Brie
Larson est bouleversante en mère
qui protège son enfant et tente de
se reconstruire. On lit l’innocence,
l’intelligence et la peur dans
les yeux du jeune Jacob Tremblay,
véritable éponge à émotions.
Heureusement, l’amour est plus
fort que tout. B.T.
Enfermée dans son cabanon, Joy (Brie Larson) se sert de tous les objets du quotidien pour occuper son fils Jack (Jacob Tremblay). PROD
vité qui a inspiré l’auteure Emma
Donaghue. Après avoir discuté
avec des psychiatres, l’actrice a
compris que pour éprouver un
sentiment d’abandon et de solitude
extrêmes, elle devait jouer ellemême les recluses. Elle s’est donc
enfermée dans son appartement
pendant un mois, coupant tout
contact avec son entourage. « On
ne peut comprendre l’horreur d’une
telle situation qu’en la vivant. »
Une préparation très Actors Studio, qui lui a permis d’affronter les
cinq premières semaines du tournage dans une pièce de 13 m², avec
celui qui incarne son fils, le petit
Jacob Tremblay, 7 ans. « On a parlé
de Star Wars, on est allés manger des
pizzas et on est devenus les meilleurs
copains du monde. Si bien que lors
des scènes difficiles, il était bouleversé de me voir triste. On jouait
ensemble hors caméra pendant des
heures, on fabriquait des trucs. Je ne
me suis jamais sentie aussi proche
d’un acteur sur un plateau. » C’est
d’ailleurs lui qu’elle a remercié en
recevant son oscar. « Il a été mon
partenaire à travers tout ça, dans
tous les sens du terme. »
Tout en écrivant des chansons
et en réfléchissant au scénario du
film qu’elle veut réaliser, Brie Larson murmurera bientôt à l’oreille
du gorille le plus célèbre du cinéma
dans le blockbuster, Kong : Skull
Island, aux côtés de Tom Hiddleston
et Samuel L. Jackson. Si Brie Larson s’est sentie claustrophobe avec
Room, les portes de Hollywood lui
sont désormais grandes ouvertes. g
30 | culture | cinéma
JDD | 6 mars 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
En sallEs
mErcrEdi
Alias Maria iiff
De José Luis Rugeles. 1 h 32.
María, 13 ans, survit dans
la jungle colombienne.
L’enfant-soldat a juré fidélité
aux guérilleros, sa seule
famille. Elle se voit confier une
mission périlleuse : convoyer
en lieu sûr le dernier-né la
compagne du chef. En chemin,
elle s’aperçoit qu’elle est
enceinte… Ce drame
colombien mise sur une
atmosphère crépusculaire et
un rythme lancinant, le récit
dresse un constat accablant
sur la condition de la femme
au sein des groupes
paramilitaires type Farc. S.B.
The Assassin iiff
De Hou Hsiao Hsien. 1 h 45
François Damiens ou comment se débarrasser du chien de sa sœur, et apprivoiser la copine (Veerle Baetens) un peu zinzin de son collègue de bureau. prod
François Damiens, acteur belge préféré des Français, joue un père divorcé dont la vie bascule
dans l’ovni martien de Dominik Moll
«Je ne sais pas faire semblant»
IntervIew
StéPHAnie BeLPêCHe
@StephBelpeche
et qu’il pète un câble. C’est ce qui
va lui arriver.
Votre pire angoisse ?
Il y a une semaine, il concourait
Gaspiller les années, rouler
pour le César du meilleur acteur
sur une autoroute où rien ne se
avec Les Cowboys, de Thomas
passe. Philippe Mars est en cage,
Bidegain. Mais souhaitait de tout
immobile, triste à en mourir. On
son cœur que Vincent Lindon
lui vend de la liberté, mais il s’agit
l’emporte. Il est comme ça, Frand’un leurre. Regardez les open
çois Damiens, d’une gentillesse et
spaces dans les entreprises. Ceux
d’une lucidité désarmantes. Fort
qui les imposent ont en général
du succès phénoménal de La Faun bureau fermé où ils surfent en
mille Bélier, d’Éric Lartigau, avec
toute tranquillité sur Internet,
près de 7,5 millions d’entrées en
cachés derrière une plante verte.
France, le Belge joue aujourd’hui
Aujourd’hui, les choses vont trop
Philippe Mars, un informaticien
vite, on n’a jamais le temps. On ne
dont la routine est bouleversée
se parle plus, trop occupés avec
par Jérôme (Vinnos téléphones
portables et nos
cent Macaigne), un
collègue de bureau « je voulAis
tablettes. On surexcentrique, dans être mArin,
charge les enfants
Des nouvelles de la
avec des activités
planète Mars, de fAire lA course
extrascolaires. En
Dominik Moll.
voyage, on parAu lArge. c’est
court des milliers
importAnt de
Vous sentez-vous
de kilomètres, on
sillonne un pays
proche de Philippe
voir ce qui se
du nord au sud. Et
Mars ?
pAsse
Ailleurs
»
Je r é a g i r a i s
on ne se souvient
exactement pareil.
de rien, à part des
S’il laisse entrer un électron libre
journées « perdues ». Alors que
comme Jérôme dans son existence
se poser à la terrasse d’un café et
sclérosée, ce n’est pas par hasard.
savourer l’instant est inestimable.
Il n’a jamais pris de grandes déciQu’est-ce qui vous énerve le plus ?
sions, il mène une petite vie. Il ne
Le système qui met la pression
sait pas dire non. J’ai envie de lui
et nous pousse à tout acheter à
acheter une raquette de tennis
crédit. Pour ensuite nous obliger
et de lui dire d’aller jouer deux
à rembourser, à garder notre travail
heures par semaine. De boire
et à nous laisser maltraiter. Le film
quelques bières avec ses potes et
de se trouver une copine. Philippe
n’est que dans le devoir. Au bout
Des nouvelles
d’un moment, il implose. Il exorde la planète Mars iiff
cise son mal-être en s’ouvrant à
De Dominik Moll, avec François
Damiens et Vincent Macaigne. 1 h 41.
un inconnu.
Ce n’est pas un loser.
Au contraire, il assume avec
courage et dignité. Il pense qu’il n’a
pas de quoi se plaindre : en bonne
santé, il a un toit, un emploi et des
enfants. Mais sa réalité est sinistre :
les courses, le linge, les factures,
préparer le dîner et se coucher tôt.
Où est la folie dans tout ça ? Il ne
rigole pas. On l’aime, ce personnage, on a envie qu’il se réveille
Sortie mercredi.
Philippe rêve d’ailleurs. Entre son
métier d’ingénieur en informatique,
ses adolescents en crise et l’absence
de son ex-femme, il gère tant bien
que mal une existence morose.
Affecté dans un nouveau service,
il rencontre Jérôme, victime d’un
burn-out. Philippe accepte de lui
venir en aide… Le dernier ovni de
parle aussi d’écologie et d’élevage
après sa mise en ligne, le teaser
de poulets en batterie. Quand on
totalisait un million de vues sur
va chez le Chinois du coin et qu’on
YouTube. Un jour, je suis allé à la
achète un plat à emporter à 5 €,
poste. La quinzaine de personnes
on se doute bien que ce n’est pas
à l’intérieur s’est retournée et
le soleil qui a fait bronzer le besm’a applaudi. J’ai eu un coup de
tiau mais le curry ! Quand j’ai un
chaud, et un mouvement de recul.
truc à dire, je déballe tout. Car si
Je suis de nature très timide. Pas le
j’essaie de le cacher, ça se voit très
genre à me planter à la terrasse de
vite. Je ne sais pas
Sénéquier en août
faire semblant.
à Saint-Tropez.
Les nuisibles, je « Aujourd’hui,
Un projet autre
les évite.
que celui de
les choses vont
Quels étaient
vos rêves de
jeunesse ?
trop vite... Alors
que se poser
à lA terrAsse d’un
cAfé et sAvourer
l’instAnt est
inestimAble »
Je vo u l a i s
être marin, faire
la course au
large. Je loue un
bateau chaque
année avec ma
famille et mes
amis. C’est important de voir ce
qui se passe ailleurs. Je n’aime
pas dormir, j’ai l’impression de
rater quelque chose. J’ai fait des
études de commerce parce que
je n’avais pas envie de tenter ma
chance dans la comédie sans filet.
Je suis parti en stage en Australie. En vérité, j’ai travaillé quinze
jours puis j’ai baroudé avec mon
sac à dos.
Comment avez-vous vécu le succès
de La Famille Bélier ?
J’ai affronté, je n’avais pas le
choix. Dès le début, on a senti
les choses bouger. Trois heures
Dominik Moll séduit par un ton
délicieusement décalé au service
d’une peinture sans concession de
notre société contemporaine qui
isole les individus. L’humour,
mordant et impitoyable, est
véhiculé par Philippe Mars, citoyen
modèle de 49 ans, qui disjoncte
à force de se laisser envahir par un
entourage toxique. Une catharsis
indispensable à la survie de cet
antihéros tragicomique interprété
par l’excellent François Damiens.
S.B.
En Chine, au IXe siècle, la
belle Yinniang revient d’un
long exil au cours duquel une
nonne l’a formée aux arts
martiaux. Devenue justicière,
la voilà chargée de tuer son
cousin bien-aimé,
gouverneur de la province
de Weibo. Sublime de bout
en bout avec ses images
travaillées comme des
tableaux vivants, cette
fresque se caractérise par
sa lenteur. Empruntant au
théâtre d’ombres, à la
peinture classique et aux
films de fantômes, le film a
l’élégance et l’inconvénient
de se cantonner à un récit
minimaliste dont il n’y a pas
grand-chose à tirer. AL.C.
Seul contre tous iiff
De Peter Landesman. 2 h 03.
jouer ?
J’écris un long
métrage que je
vais mettre en
scène au début
de l’année prochaine. Une succession de caméras cachées en
Belgique. Ça ne
m’a jamais quitté depuis vingt ans.
J’adore tout contrôler, car c’est
frustrant de n’être qu’un rouage
d’une énorme machinerie. Se
déguiser pour piéger les gens,
cela demande une sacrée préparation. J’ai aussi envie de me
produire en one-man-show,
le contact avec le public me
manque.
Quelle a été votre réaction
au moment de la sortie
des Cowboys, qui a coïncidé avec
les attentats du 13 novembre ?
Je me trouvais en promo à
Marseille ce soir-là. Dans le restaurant où je dînais, la patronne
a fait une crise de nerfs. Quant au
film, il y avait autant de policiers
devant les salles que dedans. Les
médias en ont rajouté en faisant
des couvertures de presse avec la
tête des djihadistes décédés, je ne
vois pas l’intérêt de faire la publicité à des types lamentables. Puis
quand le couvre-feu a été décrété
à Bruxelles, l’atmosphère était
glauque. Une ville morte. Il faut
continuer à vivre. Il est impossible
de se préparer à ça. Si vous venez
avec une kalachnikov et moi avec
des fléchettes, on ne se bat pas avec
les mêmes armes. g
Will Smith et Alec Baldwin. prod
À Pittsburgh, Bennet Omalu,
brillant légiste, autopsie le
corps d’un joueur de football
américain décédé à 50 ans et
découvre son cerveau en
piteux état… Cette affaire a
ébranlé le monde du sport
en 2002 quand Bennet
Omalu a attribué des milliers
de morts à la toute-puissante
ligue de football américain,
conséquences des multiples
chocs reçus à la tête durant
les matches. La mise en
scène est au service de son
sujet enlevé par la prestation
de Will Smith. S.B.
Divergente 3 :
au-delà du mur iiff
De Robert Schwentke. 2 h 01.
Conduire une expérience
scientifique façon télé-réalité
pour tester l’instinct de survie
d’individus soumis à une
dictature : la métaphore
politique est là, malgré
quelques baisses de régime
dans cet avant-dernier volet
de la saga d’anticipation. S.B.
cinéma | culture | 31
jdd | 6 mars 2016
Le choix
d’Eilis
Brooklyn iiif
De John Crowley, avec Saoirse Ronan,
Emory Cohen. 1 h 55. Sortie mercredi.
En 1952, la jeune Eilis quitte son Irlande
natale pour tenter sa chance
à New York. Vendeuse dans un grand
magasin de Brooklyn mais seule dans
un pays dont elle n’a pas les codes,
elle est vite rattrapée par le mal du pays.
Des cours du soir en comptabilité
et la rencontre d’un séduisant plombier
vont lui redonner le moral. Nick Hornby
prouve une nouvelle fois son talent de
scénariste avec ce mélo joliment vintage
à l’image, mais résolument moderne
dans son propos. Hier comme
aujourd’hui, le déracinement reste
pour beaucoup un drame. Dans une
mise en scène élégante, John Crowley
traque le vague à l’âme dans le regard
clair et déterminé de Saoirse Ronan,
attachant petit bout de femme tiraillé
entre deux mondes et en quête
d’un nouveau « chez-elle ». B.T.
Ce mélo élégant et romanesque
suit le destin d’une jeune
Irlandaise qui émigre seule
à Brooklyn en 1952
BaRBaRa ThéaTE
Il y a vingt ans, le jeune John
Crowley quittait son Irlande natale
pour diriger une pièce dans le prestigieux West End de Londres. « Une
formidable opportunité ! J’avais
27 ans, une carrière prometteuse
au théâtre s’ouvrait à moi. Dublin
n’était pas si loin, je n’avais pas de
problème d’argent, je rencontrais
des gens passionnants… Pourtant,
j’ai très vite eu le mal du pays. Un
sentiment inexplicable, contre lequel
on ne peut pas lutter. Nos racines
nous permettent de bien grandir,
mais peuvent aussi nous étouffer. »
L’immigration d’un point
de vue féminin
En 2009, John Crowley a été
touché par le roman de son compatriote Colm Tóibín, Brooklyn,
sur le destin d’une jeune Irlandaise au début des années 1950,
qui s’installe à New York en quête
d’une vie meilleure, mais a du mal à
s’épanouir loin des siens. Ravi aussi
que les producteurs qui en avaient
racheté les droits aient pensé à lui
pour réaliser le film. « Je n’avais rien
demandé ! Je savais quelles images
je voulais faire, quelles émotions
mettre en avant… Mais je m’apprêtais à tourner un autre long métrage.
J’ai dû décliner l’offre la mort dans
l’âme ! Mais il y a parfois de belles
histoires dans la vie, on m’a reproposé Brooklyn un an plus tard. Avec
en prime un scénario écrit par Nick
Hornby, tout à fait fidèle à l’ADN du
roman. Et pourtant, le garçon est
anglais ! »
Le réalisateur a tenu à mettre sa
caméra au service des turbulences
du cœur de son héroïne. « Il fallait
susciter de l’émotion, mais éviter le
À Coney Island, l’Irlandaise Eilis (Saoirse Ronan) découvre les plaisirs de la plage à l’américaine avec son ami Tony (Emory Cohen). prod
sentimentalisme. » John Crowley
a donc réglé le rythme du film
sur celui d’Eilis. « Cette jeune fille
presque candide doit subitement
se débrouiller seule, elle réfléchit
pour prendre les bonnes décisions.
Il faut du temps pour grandir. Et en
plus d’être tiraillée entre deux pays,
elle est obligée de choisir entre deux
hommes. C’est assez rare que l’immigration soit abordée au cinéma d’un
point de vue féminin. »
La raison pour laquelle, selon
lui, Brooklyn a rallié tous les publics
dans les pays où il a été montré.
« D’habitude, c’est un univers noir
et violent qui est montré sur le sujet.
Là, il y a de l’amour, du romanesque
et de l’humour. Et le thème est universel : beaucoup de gens sur la planète ne vivent plus là où ils sont nés.
C’est difficile de se sentir chez soi
ailleurs, même à quelques centaines
de kilomètres de distance. On pense
forcément aux drames que vivent
aujourd’hui les migrants que la
guerre a chassés de leurs foyers. »
Élu meilleur film anglais aux Bafta,
Brooklyn n’a pas eu la même chance
aux Golden Globes ni aux Oscars,
où il était plusieurs fois nommé.
« Dommage ! Ça aurait été amusant
que notre héroïne gagne aussi un prix
dans son pays d’adoption. » g
déjà En sallEs
Dieumerci ifff
De et avec Lucien Jean-Baptiste. 1 h 35.
comédie est néanmoins portée
par de bonnes intentions. D.a.
Pursuit
of Loneliness iiff
De Laurence Thrush. 1 h 35.
Lucien Jean-Baptiste et Baptiste
Lecaplain. prod
Non seulement Dieumerci sort de
prison, est noir et a 44 ans, mais
en plus il veut devenir comédien,
histoire de réaliser son rêve
d’enfant. Grâce à des petits
boulots, il s’inscrit dans un grand
cours de théâtre où il croise
Clément, un gosse de riche,
emmerdeur planétaire… On avait
aimé Première Étoile. Lucien
Jean-Baptiste revient avec ce qu’il
sait faire : un film populaire qui
parle de racisme, de solitude et ici
du désir d’être acteur mais qui
enchaîne des situations
attendues. Inégale, cette
À Los Angeles, Cynthia,
une vieille dame solitaire,
meurt. Une infirmière et une
assistante sociale tentent de
contacter ses proches.
Un enquêteur et un « curateur »
entrent en scène. Que se
passe-t-il quand une personne
décède seule, sans parents ni
aucun proche à prévenir ? À
cette question désagréable, le
réalisateur britannique Laurence
Thrush apporte des éléments de
réponse. Avec des acteurs non
professionnels, il a accouché de
ce long métrage noir et blanc
dont on ressort étourdi, et qui
dépeint avec minutie la façon
dont une ville règle le
« problème » de ces invisibles
qui se font si discrets de leur
vivant mais encombrants une
fois morts. aL.C.
32 | culture | cinéma | expositions
JDD | 6 mars 2016
Retour au pays natal
En quête de souvenirs perdus,
Pascale Breton nous embarque
dans sa « Suite armoricaine»
ALExiS CAmPion
Native de Morlaix, Pascale
Breton, la bien nommée, a longtemps cherché sa voie à Paris, où
elle a été, entre autres, coscénariste
de Catherine Corsini (Les Amoureux,
La Répétition). En 2004, elle a sorti
Illumination, jolie fiction qui révèle
son talent pour surprendre, réunir
des comédiens atypiques, chanter
librement son attachement tellurique à son pays natal, où elle a fini
par se réinstaller. Un choix fécond
puisque aujourd’hui elle propose un
film émouvant aussi singulier que
réussi, Suite armoricaine.
Le projet germe alors que la
cinéaste retrouve Villejean, le campus universitaire rennais où elle
avait étudié la géographie juste après
son baccalauréat. « J’avais gardé le
souvenir d’un grand ensemble aux
arbres maigres ; trente ans après,
c’était devenu une sorte de forêt d’où
surnageaient à peine les immeubles,
comme dans une ville abandonnée à
cause d’une catastrophe. » Partie de
cette vision et du désir de tourner
en collaboration avec des étudiants,
elle improvise un scénario duquel
émergent deux personnages qui,
pour elle, « sont comme le recto et
le verso d’une même médaille ».
D’un côté, Françoise l’historienne, jouée par la comédienne
habitée Valérie Dréville, revient là
d’où elle s’est échappée. De l’autre
Ion, l’apprenti géographe incarné
Suite armoricaine iiif
De Pascale Breton, avec Valérie
Dréville, Kaou Langoët, Elina
Löwensohn. 2 h 28. Sortie mercredi.
Françoise, professeure en histoire de
l’art, obtient un poste en Bretagne,
région de son enfance. Elle y est
confrontée à des souvenirs embués,
des sensations enfouies. À Rennes,
elle croise Ion, un étudiant en
géographie bien gaillard mais hanté
par sa mère SDF et, lui aussi, en crise.
Avec ces trois personnages centraux
délicieusement trempés, plus tout un
par le chanteur rock Kaou Langoët,
fuit tout ce qui lui rappelle son enfance abîmée par sa mère SDF. Dans
les deux cas, la mémoire joue des
tours et une sorte de voyage guérisseur s’impose… Un périple qui
s’assimile à une traversée houleuse
peut-être, mais « sans doute pour
le meilleur », note la réalisatrice.
« Albert Camus disait que rien ne
se paie plus cher que le mépris des
origines. »
Bergers d’Arcadie
Tourné en scope, le film
enchante par la façon dont il égare
et retrouve chacun des personnages
dans des paysages forts. Urbains ou
champêtres, rarement clichés ou
marins, ces espaces sont ici révélés
à la façon d’un labyrinthe reliant
le parcours cabossé du jeune Ion
à l’inconscient buté de Françoise.
À cet égard, la psyché de l’historienne réserve de belles surprises,
s’incarne aussi bien au détour de
minuscules herbes sauvages que
dans de magnifiques tableaux
Renaissance.
Parmi ces œuvres, les célèbres
Bergers d’Arcadie, de Nicolas
Poussin, visibles au Louvre. Pascale
Breton leur offre une place toute
singulière pour invoquer les merveilles que nous sacrifions sur l’autel de la civilisation industrielle. Un
motif infiniment poignant qu’elle
fait agir crescendo sans pour autant
sombrer dans le désespoir ou la
régression, mais au contraire en
nous invitant à redécouvrir ce qui
n’a pas encore disparu. g
cortège d’universitaires filmé avec
grâce, Pascale Breton compose une
suite à la fois mélancolique et
vivifiante, lyrique, pétrie d’émotions
sensorielles allant du bruissement du
vent dans les arbres au chahut de
vieux airs punk. Parsemé d’interstices
lumineux laissant entrevoir nos
paradis perdus, ce voyage sensible
interroge avec tact et originalité
notre relation à la nature, au
territoire, au savoir, à la mémoire.
Autant d’héritages qui aident à vivre
tant qu’on ne les a pas ensevelis. AL.C.
Huile sur toile de Modigliani de 1917 : « Nu assis à la chemise » et « Zborowski à la canne ». Centre PomPidou, musée national d’art moderne, Paris
Modigliani
l’immortel
Dans le nord, le Lam célèbre le peintre italien avec une rétrospective
foisonnante de 120 œuvres
ViLLEnEuVE-D’ASCq (norD)
EnvoyéE spécialE
StéPhAniE BELPêChE
@StephBelpeche
Une femme à genoux regarde de
côté. Le teint mat, des cheveux
bruns tombant en cascade sur ses
épaules, une poitrine généreuse,
un linge blanc dissimulant à peine
l’ombre de son entrejambe. Durant
les dernières années de sa courte
vie, Amedeo Modigliani (1884-1920)
exécute une série de portraits de
muses dans leur plus simple appareil, dont ce sensuel et émouvant
Nu assis (1917).
Dans l’exposition personnelle que le marchand Léopold
Zborowski organise à la galerie
Berthe Weill, les tableaux présentés en vitrine font scandale au point
d’être décrochés par la police à cause
de la pilosité apparente des modèles.
Alliant radicalité et douceur, ils
figurent dans la rétrospective que
consacre le LaM au peintre italien,
120 œuvres (huiles, dessins, sculptures) à l’appui. « Nous travaillons
sur ce projet depuis trois ans, souligne
Sophie Lévy, directrice du musée
de Villeneuve-d’Ascq. Avec comme
point de départ la collection Roger
Dutilleul, que nous hébergeons, riche
de 14 pièces. »
Un nu couché à 180 millions
de dollars
Le reste provient essentiellement
du Centre Pompidou, de l’Orangerie,
du musée d’Art moderne de la Ville
de Paris, mais aussi des États-Unis,
de Scandinavie, d’Israël, d’Italie, de
Suisse… « Roger Dutilleul a été un
des rares à s’intéresser à Modigliani
de son vivant. Le marché a explosé
dans les années 1940, la diaspora juive
a acheté plusieurs de ses toiles, qui
ont été par la suite dispersées un peu
partout dans le monde. Certaines ne
voyagent jamais, comme la collection Albert C. Barnes de Philadelphie.
Nous avons mené une enquête approfondie pour retrouver la trace de celles
qui ont été vendues aux enchères,
détenues par des particuliers. » On
se souvient, en novembre, du record
de vente chez Christie’s à New York
du Nu couché (1917-1918), acquis par
un Chinois pour la modique somme
de 180 millions de dollars. S’il se
trouve actuellement à Shanghai,
d’autres compositions majeures qui
jalonnent le parcours se chargent de
retracer la carrière du maître toscan
à la santé précaire.
Ses parents font faillite quand
Amedeo Modigliani voit le jour en
1884. Son grand-père lui transmet
sa passion pour la littérature et la
philosophie. Atteint de la tuberculose, le jeune garçon développe un
goût pour la peinture, sillonnant
pendant des mois son pays pour
visiter les musées et les églises de
Naples, Rome, Florence et Venise. Il
décide de s’installer à Paris en 1906.
Il n’a que 22 ans quand il loue un
atelier près du Bateau-Lavoir, sur
la butte Montmartre. Il découvre le
Louvre. « Son art est la synthèse de
« Tête de
femme »,
marbre
de 1913.
ce qu’il a vu ailleurs : les caryatides
grecques, les reliefs égyptiens, les
masques africains et les fragments du
temple d’Angkor. Ses yeux en amande,
dont on ignore s’ils sont clos ou sans
pupilles, évoquent probablement
ceux des bouddhas. » Il fréquente
Brancusi, Picasso, Soutine, et peaufine son trait. « Nous ne disposons
que de témoignages a posteriori sur
l’artiste et ses pratiques, donc tout
est sujet à caution. Une certitude
cependant : il croquait sans arrêt. »
Sa compagne enceinte se suicide
Dans une scénographie labyrinthique qui monte en puissance,
on prend conscience de son obsession pour la figure humaine et de sa
volonté de créer un canon de beauté
féminin. Le visage n’est jamais symétrique, ce qui le rend dynamique et
expressif. Il adopte rapidement le
code de l’œil vide. « Face à son portrait, l’artiste russe Léopold Survage
dit à Modigliani qu’il a raté ses yeux.
Ils représentent une voie d’accès à
l’intériorité de l’individu. En plus de
l’apparence, il capte l’essence. Jamais
réalistes, ses esquisses sont pourtant
troublantes de ressemblance. » Le
coloriste fait des tentatives de paysages cézanniens durant un séjour
à Nice. En 1920, il meurt d’une
méningite. Sa compagne, Jeanne
Hébuterne, enceinte, met fin à ses
jours le surlendemain. « Sa maladresse, sa fragilité, sa bizarrerie et
sa mélancolie me touchent, conclut
Sophie Lévy. Le fait qu’à la différence
de Picasso ou de Degas il ne soit pas
un génie absolu et révolutionnaire.
Plutôt un homme qui se cherche, tout
le contraire d’un stratège. » g
Amedeo modigliani, l’œil intérieur, Lam,
Villeneuve-d’Ascq (59). Jusqu’au 5 juin.
rens. : musee-lam.fr et 03 20 19 68 68.
Catalogue : Gallimard/Lam, 192 p., 35 €.
culture | 33
jdd | 6 mars 2016
Divertir et instruire
le spectateur vers des œuvres qu’il
va juger en fonction de son ressenti,
et pas en se disant : “Ah ! bien, c’est
un Rembrandt.” »
Au Grand Palais,
« Carambolages » fait se
percuter 185 œuvres
sans chronologie, date, ordre.
une expérience
DAnielle AttAli
@danielleattali
Qu’y a-t-il de commun entre
Hitler, Churchill Eisenhower ?
Gloria Freidmann : elle présente
une série de reproductions de paysages peints par les trois premiers.
En revanche, inutile de chercher
des liens entre le tableau de Joseph
Steib, charge contre le Führer,
intitulé Le Conquérant (1942), et
celui de François Boucher, La Jupe
relevée (1742), où l’on voit les fesses
d’une jeune fille.
Pourtant, ces rapprochements
audacieux ont bel et bien lieu au
Grand Palais, dans une exposition
insolite, inhabituelle, dans laquelle
se télescopent 185 œuvres disparates, présentées à la façon d’un
véritable « jeu de piste ». C’est ce
que revendique son commissaire,
Jean-Hubert Martin. Ce dernier,
décidé à faire bouger les sacrosaintes présentations chronologiques ou thématiques des expos
dans les musées, a choisi d’étonner.
Et pas qu’un peu ! Sur le fond et
sur la forme : « J’ai opté pour des
œuvres souvent surprenantes. Elles
couvrent toutes les époques et toutes
les cultures. Je les ai regroupées par
affinités. Elles ont de plus un vrai
impact visuel. » Dès l’entrée, un
panneau vous prévient : « “Carambolages” sollicite votre regard, votre
imagination et vos interprétations
pour une découverte ludique et sen-
École française. Un œil qui regarde.
Miniature sur tabatière en écaille. Musée du
Louvre, dist. rMN-GraNd PaLais/M. Beck-coPPoLa
sible… » Avec une ambition tout de
même : divertir et instruire.
Un long ruban kaléidoscopique
Pas d’autre choix donc que de
pénétrer dans ces galeries en laissant à la porte tous ses a priori.
Le parcours propose sous vitrines
3.000 ans d’art, secoués comme un
puzzle dans sa boîte, puis reconstruit à la façon d’un long ruban
kaléidoscopique sur deux niveaux.
Si le commissaire confie s’être
« bien amusé à faire cela », il reconnaît également « bousculer les
habitudes pour sortir des rigidités
de l’histoire de l’art ». « J’ai le sentiment que c’est neuf. Cette exposition
oblige à rebattre les cartes et pousse
Toujours de l’audace,
peut-être trop
Toujours de l’audace. Peut-être
trop. Pas de date, pas de cartel sous
chaque tableau, sculpture, objet.
« Quand un artiste regarde l’art
dans un musée, c’est pour lui une
façon de chercher des réponses à
ses préoccupations, dit JeanHubert Martin. Ses références
visuelles sont libres, sans logique.
J’invite le public à faire de même.
Car c’est cet élan qui m’a inspiré. »
On peut ainsi papillonner et se
perdre dans un dessin de Charles
Lebrun, un crâne indonésien
du XIXe, un masque de dragon
bolivien de 1995, une estampe
d’Hokusai ou la fantasque allégorie
des cinq sens de Passerotti (XVIe).
Ma i s s ’a f f ra n c h i r d e s
contraintes des scénographies
classiques nécessite un effort qui
pourrait bien dérouter le visiteur.
Il y a des chances que ce dernier
se sente abandonné devant des
œuvres dont il ne connaîtra pas
d’emblée le nom de l’auteur. Information qu’il devra aller chercher
sur les tablettes numériques accrochées non loin de là. Un dispositif
contraignant puisqu’accessible par
deux personnes à la fois, qui risque,
lui aussi, de provoquer, un petit
carambolage. g
Carambolages, Grand Palais, Paris
(75001). Jusqu’au 4 juillet. Ouvert tlj
sauf le mardi. grandpalais.fr
« Absurdistan », 2010, de Gloria Friedmann, œuvre formée par deux paires de jambes en forme de croix gammée, vêtue d’un pantalon de
la Wehrmacht et également des trois reproductions (au fond) des paysages peints par Churchill, Eisenhower, Hitler. iaN LaNGsdoN/ePa/MaxPPP
En scènE
Encore une histoire
d’amour iiff
Studio des Champs-Élysées,
15, avenue Montaigne, Paris (75008)
Réserv. : 01 53 23 99 19
et comediedeschampselysees.com
Tout commence par un coup de
fil, celui d’une jeune comédienne
américaine à un auteur
dramatique anglais. Elle veut
jouer une de ses pièces. Elle est
handicapée, ne sait pas qu’il est
névrosé et agoraphobe. Leur
relation téléphonique, d’abord
professionnelle, devient au fil
du temps plus intime…
En écrivant cette pièce,
Tom Kempinski, devenu obèse
et agoraphobe après le succès
de Duo pour violon seul, évoquait
ses propres difficultés.
Il y approche avec sensibilité
l’appréhension de la rencontre, la
découverte et le besoin de l’autre.
La mise en scène de Ladislas
Chollat passe de Manhattan à
Londres grâce à l’adroit décor
d’Emmanuelle Roy. Elle joue sur
la vivacité des échanges, la
nervosité du style (la traduction
est de Jean-Claude Grumberg)
et l’intensité de l’interprétation
vibrante, profonde, vigoureuse
d’Élodie Navarre et
de Thierry Godard. Annie ChÉnieux
lejdd.fr Retrouvez « Fauteuil
d’orchestre », la chronique
d’Annie Chénieux
34 | culture | lire
JDD | 6 mars 2016
Tania Crasnianski
Hermann
Göring,
sa femme,
Emmy, et
leur fille Edda,
en 1939.
Les pères et
les péchés
KEYSTONE-FRANCE
L’auteure se penche sur le devenir des fils
et filles de huit hauts dignitaires nazis,
enfants de Göring, Himmler ou Mengele,
à travers une série de portraits
Marie-Laure DeLorMe
I
« meurtrier du siècle », s’est pourtant
convaincu de sa grandeur morale.
Enfants rois, enfants déchus.
Les fils et filles d’Enfants de nazis
ont découvert la vérité sur le passé
criminel de leur père après la défaite
allemande. Ils sont nés entre 1927
et 1944. Les plus âgés ont moins de
18 ans lors de la débâcle. Ils sont
nombreux à avoir vécu en Bavière,
autour du chalet de montagne du
Führer, sur le massif de l’Obersalzberg. Une zone protégée. Ils sont
une minorité à traverser le pont
menant de l’inconscience à la prise
de conscience. Les enfants qui légitiment les actes de leurs parents
manient un raisonnement simple.
Dans le contexte de l’époque, leurs
pères se sont contentés de faire leur
devoir. Le Führer est l’unique responsable.
ci, ils sont huit. Fils et filles des
pires criminels de l’Histoire.
Ils sont enfants de dignitaires
nazis. Les noms de leurs pères :
Himmler, Göring, Hess, Frank,
Bormann, Höss, Speer, Mengele.
Aucun d’entre eux n’a eu le courage
de révéler à ses enfants l’ampleur
de ses crimes. Tous ont plaidé non
coupable des faits reprochés au procès de Nuremberg. Les enfants se
sentent-ils coupables de ces pères
qui ne se sentent pas coupables
d’être responsables de la Shoah ?
Ce qui frappe, dans la manière
dont ces fils et filles se comportent
face au passé familial, c’est la diversité des réactions. Ils aiment
et ne condamnent pas (Gudrun
Himmler) ; ils condamnent et
haïssent (Niklas Frank) ; ils ne
haïssent pas mais condamnent
Des sympathisantes du nazisme
(Martin Adolf Bormann Jr). L’esL’essayiste Tania Crasnianski
sayiste Tania Crasnianski est avocate
s’interdit d’émettre des jugements
pénaliste de formation. Elle a une
sur le comportement des enfants
triple origine. Allemande, française,
des principaux acteurs du IIIe Reich.
russe. Tania Crasnianski est née en
Elle rend compte de l’attitude de
chacun d’eux pour comprendre
France d’une mère allemande et
d’un père franco-russe. Elle constate
comment on fait quand on naît avec
combien on identifie l’Allemagne
une histoire plus grande que soi ;
au nazisme. Ce
quand on ressent
qui l’intéresse : le
à la fois haine et
poids du passé sur EllE rEnd comptE
amour pour ses
nos vies. Comment dE l’attitudE dE
parents ; quand
être un sujet à part
on sait que l’on
entière quand le chacun dEs Enfants n ’ h é r i t e p a s
des péchés de
fardeau familial pour comprEndrE
nos pères dans
est si lourd ?
commEnt on fait
les textes mais
Le nazi Rudolf
dans le regard
Höss, commandant quand on naît avEc
du camp d’extermides autres, oui.
unE
histoirE
plus
nation d’Auschwitz,
Aucune surétait un bon père de grandE quE soi
prise. Plus on
a été aimés par
famille. La famille
était, selon ses
ses parents, plus
propres termes, une chose sacrée.
il est difficile de se séparer de ses
Tania Crasnianski rappelle que les
parents. Gudrun Himmler (fille
psychiatres n’ont jamais réussi à se
de Heinrich Himmler, homme clé
mettre d’accord sur une personnalité
de la Gestapo et de la SS) et Edda
propre aux nazis. Primo Levi : « Les
Göring (fille de Hermann Göring,
monstres existent, mais ils sont trop
Reichsmarschall), petites princesses
peu nombreux pour être vraiment
choyées par leur famille, sont restées
dangereux, ceux qui sont plus dangejusqu’au bout des sympathisantes
reux, ce sont les hommes ordinaires. »
du nazisme. Elles demeurent dans
On retrouve, chez eux, des traits
le culte du père et nient leur implicommuns : l’absence d’empathie
cation dans la solution finale en
(ils sont incapables de se mettre à
Europe. Gudrun Himmler (née en
la place des autres) et les défaillances
1929) et Edda Göring (née en 1938)
de la mémoire (ils sont incapables
ne se contentent pas de défendre
de remords et de regrets). Un seul
l’image de leurs pères. Elles n’aupoint de vue existe : le leur. Les
ront de cesse de se reconnaître dans
bourreaux font moins de dépresl’idéologie nazie, mettant ainsi leurs
sions que les victimes car ils sont
pas dans ceux de leurs géniteurs.
persuadés d’être dans leur bon droit.
Elles vivront l’après-guerre à MuniIls n’ont aucune conscience morale,
ch, dans des maisons musées. Le fils
mais mettent en avant leur morale.
de Rudolf Hess (dauphin de Hitler
Heinrich Himmler fut au centre de
et troisième homme du Reich) est
la mise en place du système concenné en 1937. Wolf Rüdiger Hess prend
trationnaire et de l’extermination
aussi fait et cause pour son père, indes Juifs d’Europe. L’architecte de la
carcéré à vie. Il lui rendra visite cent
solution finale, considéré comme le
deux fois durant son incarcération à
Ci-contre, Hans Frank,
sa femme, Maria Brigitte,
et leur fils Niklas dans
leur château à Cracovie.
NICOLAS REYNARD/GAMMA
À droite, en 1935,
Heinrich Himmler,
en Bavière avec sa fille
Gudrun (de dos), et
son fils Gerhard (à droite).
REALwORKS LTD/
DIE wELT/AP/SIPA
Spandau. Le fils n’a jamais accepté
la condamnation de son père et nie
la solution finale. Trois enfants. Gudrun Himmler, Wolf Rüdiger Hess,
Edda Göring ont consacré leur vie à
tenter de réhabiliter leur père.
Ils sont des parents distants et
froids. Niklas Frank, fils du gouverneur général de Pologne condamné
à mort et exécuté en 1946, hait son
père et sa mère. Le fils de Hans
Frank, le « boucher de Cracovie »,
est né en 1939. On surnomme le
petit garçon, au sein de sa famille,
« l’étranger ». Il a toujours eu le sentiment diffus d’appartenir à un clan
criminel. Niklas Frank sera mû par la
recherche de la vérité. Il décrit son
père comme un pauvre type, obnubilé par l’argent et l’apparence. « Tout
ce qui l’intéressait, c’étaient les bijoux,
les châteaux, les beaux uniformes. »
Le fils ne se noie pas dans des raisonnements psychologiques car la
cupidité et l’arrivisme sans limites
du père lui suffisent à expliquer le
comportement de ce dernier. « Et
malgré les déclarations atroces qu’il
a faites sur les Juifs, je crois qu’il s’en
fichait et n’était pas un vrai antisémite. Si Hitler avait appelé à faire la
même chose avec les Français ou les
Chinois, il aurait fabriqué contre eux
des discours enflammés en appelant
Nietzsche, Schiller, Goethe, Corneille
à la rescousse. »
Ils grandissent à proximité
de la mort
Niklas Frank est écœuré par l’attitude d’autres enfants de dignitaires
nazis. Martin Adolf Bormann JR est
né en 1930 à Grunwald. Il est le fils
aîné des dix enfants du secrétaire
particulier de Hitler, éminence grise
du parti nazi. Le tribunal de Nuremberg condamnera le père à mort par
contumace pour crime de guerre
et crime contre l’humanité. Martin
Bormann a été un adversaire sans
pitié de l’Église catholique. Le fils
se tournera vers le christianisme. Il
se fait baptiser en 1947 et ordonner
prêtre en 1958. Le salut en Dieu et
par Dieu. « Je ne hais pas mon père.
Pendant plusieurs années j’ai appris à
né en 1944. Il est considéré comme
un gauchiste radical par sa famille.
distinguer mon père en tant qu’individu et mon père en tant que politicien
Seul le sang le lie à eux. Rolf Menet officier nazi. » Une attitude jugée
gele rendra visite à son père, caché
indigne par Niklas Frank. Le portrait
dans la banlieue de São Paulo, à
de Martin Adolf Bormann JR est l’un
l’âge de 33 ans. Il ne décèle en lui
des plus passionnants d’Enfants de
aucun regret. Le père demeurera à
jamais un étranger pour le fils. Rolf
nazis par la complexité de la trajecMengele le méprise plus qu’il ne le
toire exposée.
Un bon père de famille lisant des
hait. Mais il refusera de donner la
contes à ses enfants et un serviteur
moindre indication susceptible de
zélé veillant à ce que des millions
provoquer son arrestation. Il décidede personnes soient exécutées.
ra, dans les années 1980, de changer
Rudolf Höss, affecté à Dachau, à
de nom. Il désire pour ses propres
Sachsenhausen, à
enfants deux choses :
Auschwitz, a été un
la vérité et la liberté.
père exemplaire. Sa niklas frank
Rolf Mengele a donc
ligne de conduite décrit son pèrE
eu l’occasion de
lui semble irréproparler en face à face
chable. Il obéit aux commE un pauvrE avec son père et n’a
ordres. Il veut exé- typE, obnubilé
obtenu de lui aucun
éclaircissement.
cuter et non pas décider. Il espère ainsi par l’argEnt
Josef Mengele est
mort, après trente
fuir toute responsa- Et l’apparEncE
années de fuite en
bilité. La famille vit
Amérique latine,
à Auschwitz. Les
enfants du commandant d’Aussans avoir répondu de ses actes.
chwitz grandissent à proximité de
Niklas Frank : « C’est un principe
la mort. Rudolf Höss sera pendu, en
qui remonte à la nuit des temps : on
1947, devant le camp d’Auschwitz.
n’assassine pas ses parents. » L’auLe futur mannequin Brigitte Höss,
teure analyse le poids du passé famitroisième des cinq enfants, a nié
lial, livre des portraits des épouses
puis a minoré le rôle de son père.
complices des dignitaires nazis,
L’attitude du fils de l’« architecte du
s’interroge sur l’effondrement moral
diable » est différente. Albert Speer
marqué par l’absence de culpabilité.
est considéré comme un homme
C’est la grande différence entre les
brillant. Il a pourtant adhéré aux
uns et les autres. Parmi les enfants
idéaux nazis jusqu’au bout du
de dignitaires nazis, certains rerégime. Il est condamné en 1946 à
prennent à leur compte l’absence
vingt ans de prison pour crime de
de remords de leurs parents alors
guerre et crime contre l’humanité.
que d’autres rejettent d’autant plus
Le prisonnier refusera durant des
leurs parents à cause de l’absence de
années, comme Rudolf Hess, que
remords. Que faire des péchés de
ses enfants lui rendent visite. Albert
nos pères ? Les six enfants de Joseph
Speer Jr, premier des six enfants, est
Goebbels, ministre de la Propagande
né en 1934. Il sera architecte comme
du Reich, n’auront pas à se poser la
son père. Mais les enfants tenteront
question. Ils ont été assassinés par
en vain d’établir une relation avec
leurs parents dans le bunker du
un père lointain refusant de donner
Führer. g
les réponses tant attendues par eux.
« On n’assassine pas ses parents »
Le fils unique de Josef Mengele,
médecin à Auschwitz, deviendra
avocat à Fribourg. Rolf Mengele est
Enfants de nazis,
Tania Crasnianski, Grasset,
300 p., 20,90 €
(en librairies mercredi).
lire | culture | 35
jdd | 6 mars 2016
Fabrice Luchini,
utile et
dangereux
Le cinéaste était justement en
train de lire Nietzsche, mais
lui en allemand. « C’est notre
de l’académie Goncourt
rencontre. Elle a duré sept ans. »
@bernardpivot1
La première projection de
Perceval ou le Conte du Graal
devant 1.500 personnes, 113 à la
abrice Luchini a raison,
fin. Sa fierté – le mot est faible
« l’autodidacte plaît beau– d’avoir obtenu le téléphone de
coup ». Seul, il a pioché dur
Roland Barthes devant le public
et profond. C’est un courageux.
du Collège de France, médusé,
Un obstiné. Un passionné. Il ne
jaloux. La première visite à
possède pas une culture aussi
Roland Barthes. La scène est
vaste que celle du normalien ou
racontée avec autant de drôlerie
de l’énarque, mais ce qu’il sait, il
que les précédentes, mais,
y tient, et il est carrément incollà, Luchini délire. « Roland
lable. Surtout, il ne ressort pas
Barthes, pour ma génération,
ce que les autres ont appris dans
c’est le penseur, le seigneur,
les grandes écoles, il a tiré de sa
l’homme le plus adoré. […]
tête et de son cœur des points
Barthes, c’est notre Proust, notre
de vue, des émotions, des rapSartre ! » À 64 ans, Luchini n’a
prochements, des interrogations
toujours pas jugulé ses enthouqu’on ne trouve pas ailleurs.
siasmes de jeune homme. Ses
Fabrice Luchini plaît beaufeux persistants sont bien symcoup. Parce qu’à ses talents
pathiques.
d’acteur il a
Cependant,
ajouté les mérites
Alceste ne se
de l’autodidacte. L’acteur
prend-il pas pour
L’apprenti coifautodidacte
quand il
feur de 14 ans
signe son premier Barthes
réfléchit sur le
a été ébouriffé
concept du feu
par Molière, La
Livre, une
rouge (« le feu
Fontaine, Céline,
autobiographie
rouge subi, c’est
Nietzsche, etc.,
élus, élus, relus.
Littéraire coupée le rien », bigre !),
le concept du
Dans combien de
des pages
paillasson ou
théâtres, à comcelui de l’ancien
bien de dizaines
d’un journaL
de Provence.
de milliers de
tenu à La diabLe mas
Comment ne pas
personnes les aavoir été influent-il fait découvrir
cé, il est vrai, par
ou redécouvrir,
le sémiologue
et dans ce cas
du Collège de
déshabillés
France quand il commençait
autrement ou habillés de neuf ?
ainsi son cours : « Aujourd’hui,
Ce n’est pas seulement
c’est le concept du c’est ça, le
Luchini qui plaît au banquier
concept du temps qu’il fait » ?
retraité du 7e arrondissement
On connaît l’agilité d’esprit
et à la journaliste de Télérama,
de Luchini. La vitesse à laquelle
au pipier de Saint-Claude et à
il peut passer d’un sujet à un
la châtelaine de Saint-Émilion,
autre. Cette effarante mobilité
c’est aussi Molière, La Fontaine,
se retrouve dans le livre.
Céline, Nietzsche, etc. qui
Éloge de la propriété privée, de
séduisent tous ces gens-là par le
Macron, une citation de Cioran
truchement de Luchini, incisif,
ou de Jouvet, les visites à son
jouissif et persuasif professeur
psychanalyste, son impossibilité
de littérature. Cet homme est
à être de gauche, son besoin
utile parce qu’il donne envie de
d’être aimé, éloge de Nagui
lire, cet homme est dangereux
et de Pujadas, ce mot d’Audiard :
parce qu’il donne envie d’écrire.
« Moi, le pognon, ça m’émeut »,
Dans son premier livre,
ou encore cette phrase de
Comédie française, on renoue
Céline, tirée du Voyage, qui
évidemment avec le Luchini
le hante, dit-il, depuis des
pédagogue. Il vous emmènera
décennies : « La tante à Bébert
sur Le Bateau ivre de Rimbaud.
rentrait des commissions. »
« Les gens n’ont rien à comIl y a trois ou quatre pages
prendre, il faut qu’ils sentent »,
qui n’ont l’air de rien sur
écrit-il à propos de la fameuse
l’autobus 80 et son parcours.
scène des Femmes savantes qui
Il démarre de la mairie
oppose « deux intellos bas de
du 18e et laissait Robert Luchini
gamme », Vadius et Trissotin.
Il se dit Alceste, il est Alceste,
au rond-point des Champset il polémique avec Philinte
Élysées, dans le salon de
à propos du portable et de sa
coiffure où il va être rebaptisé
« barbarie ».
Fabrice. « Du monde fermé, celui
Comédie française est aussi
de l’enfance et des angoisses,
une manière d’autobiographie
j’entre dans un autre. »
coupée des pages d’un journal
Ces pages-là sur le 80 sont
tenu à la diable. Luchini est un
d’un écrivain. g
homme de scènes. Comment il
a été dépucelé dans un appartement couvert de portraits
Comédie française,
de Mao. Comment il est arrivé
Fabrice Luchini,
pour la première fois chez Éric
Flammarion, 250 p., 18 €.
Rohmer en citant Zarathoustra.
Bernard Pivot
F
Franz-Olivier Giesbert Plaisirs
et déboires d’une aventurière
L’auteur de « La Cuisinière
d’Himmler » relate l’épopée
d’une justicière au caractère
bien trempé, à cheval
entre la France de la Terreur
et l’Amérique de la conquête
de l’Ouest
Dans son
nouveau
roman,
« L’Arracheuse
de dents »,
Franz-Olivier
Giesbert
passe
en revue
un siècle
d’Histoire.
LAëTiTiA FAvrO
« La meilleure façon de ne pas rater
sa vie, c’est de la refaire tout le temps.
» Du haut de ses 99 printemps,
Lucile Bradsock a eu son compte
d’aventures mais ne semble pas
près de raccrocher, l’esprit toujours
alerte, la jambe agile et le tempérament rieur d’une gamine à qui
on ne la fait pas. Si ses Mémoires
débutent le jour de la bataille de
Little Big Horn, si elle s’engage un
temps dans l’armée américaine
sous les ordres du lieutenantcolonel George A. Custer et devient le témoin écœuré du génocide indien, c’est en Normandie
que cette audacieuse au caractère
bien trempé voit le jour et assiste
aux premiers soubresauts de la
Révolution qui, telle une chape de
plomb, contamine bientôt la France
de ses exécutions sommaires et de
son climat de terreur.
Réfugiée à Paris, la jeune fille
n’est pas plus haute que trois
pommes lorsqu’elle apprend le
métier de dentiste qui, une fois
qu’elle sera passée maîtresse en
la matière, lui ouvrira les portes de
quelques illustres contemporains
que l’Histoire (la guillotine) n’a
ou pas oubliés, et lui permettra
d’embarquer vers l’Amérique pour
sauver sa peau. Car, en plus de la
dentisterie, Lucile a un don : celui
C.HELIE /
GALLIMARD
de s’attirer les pires ennuis et de
s’en tirer par d’invraisemblables
pirouettes relevant d’une chance
aussi insolente que le parler fleuri de ce bout de femme épris de
liberté et de grands espaces.
Régler leur compte
aux « fripouilles »
À cheval entre la France et
l’Amérique, entre une société
exsangue où s’amoncellent les
cadavres de la Révolution et
un monde nouveau-né du massacre des Indiens et de la traite
des Noirs, la trajectoire de notre
héroïne s’écrit dans le sang, suivant les aléas de son temps et les
destins croisés dont elle s’autorise parfois à modifier le cours,
de Robespierre à Napoléon, de
Charlotte Corday aux premiers
présidents américains en passant par quelques têtes couronnées. Séductrice impénitente et
gourmande, elle a un goût pour
les hommes (qu’elle épouse et
assassine à l’envi) qui lui attire
plaisirs et déboires mais ne freine
guère sa course aux quatre vents.
Anti esclavagiste, farouchement opposée aux sans-culottes
et dégoûtée par l’arbitraire de la
Terreur, l’arracheuse de dents sait
aussi redresser les torts quand
l’injustice croise son chemin, et
rédige ses Mémoires dans le but
de régler leur compte à toutes les
« fripouilles » rencontrées, de Buffalo Bill aux prétendus « héros »
de la guerre de Sécession. Aussi
savoureux qu’une ballade des Black
Hills, ce récit à l’imaginaire débridé
emprunte à plusieurs genres, plusieurs époques, plusieurs espaces
pour réécrire l’Histoire du point
de vue de l’irrévérence. g
L’Arracheuse de dents,
Franz-Olivier Giesbert,
Gallimard (collection
Blanche), 448 p, 21 €
(en librairies jeudi).
36 | personnalités
JDD | 6 mars 2016
Mélanie Thierry
« J’aurais pu me jeter dans la gueule du loup »
faisais des pubs. Avec le recul, je
mesure notre grande naïveté. Même
si ma mère était là, j’aurais pu me
jeter dans la gueule du loup. J’étais
fluette et gracieuse. Mon éducation
m’a sauvée. Je n’étais pas perverse,
je ne me suis pas retrouvée dans des
situations qui auraient pu déraper.
Dans « A Perfect Day »,
l’ex-femme-enfant de Sartrouville
campe une jeune humanitaire
en mission pendant la guerre
des Balkans. Une étoile renaît
@LPJDD
b LA fiLLe De GooGLe
Le cinéaste espagnol Fernando
León de Aranoa cherchait une
actrice blonde pour son film. « A
Perfect Day » se déroule pendant
une mission humanitaire dans les
Balkans. Il y a toujours une Française, m’a-t-il appris. Il a dû voir
toutes les blondinettes du moment
à Paris. C’est tombé sur moi. Mais il
fallait l’accord de Benicio Del Toro.
Il a dû me googliser et me reconnaître. Je jouais dans La Princesse
de Montpensier lorsqu’il était juré
à Cannes, en 2010.
b Une mAmAn
entre DeUx vALLéeS
Je suis alors tombée enceinte.
Quoique réjouie, j’étais anéantie
de devoir renoncer à ce film. Finalement, ça a été décalé. Dix jours
après avoir accouché, Fernando m’a
rappelée. Quinze jours plus tard,
j’étais à Grenade. Nous tournions
dans une ancienne ville minière
nichée entre deux vallées. C’était
notre décor de guerre. Mon fils
venait de naître. Mais je ne pouvais
me déplacer. Durant ces six mois de
tournage, c’est eux [son compagnon,
le chanteur Raphael, et leurs deux
enfants] qui ont fait le déplacement.
b LA mémoire DAnS LA PeAU
J’ai rencontré mon personnage.
b Pretty WomAn
C’est mon regret : ne pas avoir
fait d’études. J’ai arrêté l’école en
troisième. Si je m’étais montrée
plus curieuse, j’aurais pu être une
bonne élève. Mais je ne sais pas
pourquoi, je n’aimais pas ça. J’ai
dû apprendre autrement par moimême. Je ne connaissais rien au
cinéma. Même pas d’actrice favorite. Marilyn Monroe, j’étais bien
incapable de citer un seul de ses
films. J’avais dû voir Julia Roberts
dans Pretty Woman et Demi Moore
dans Ghost. Et c’est tout : milieu
populaire basique, sans gravité
mais lambda. Depuis, je me suis
rattrapée.
L'ex-muse de Peter Lindbergh tourne avec Benicio Del Toro. ÉRiC DESSONS/JDD
C’est une Espagnole qui a travaillé
comme spécialiste de la purification
de l’eau pour Médecins sans frontières [Paula Farias a par la suite
était présidente de la section espagnole de l’association]. Elle en a tiré
un roman, Dejarse Llover. Elle a fait
ça durant des années. Elle n’arrivait
plus à redescendre. Sa vie, c’était ce
mouvement, sans cesse changer
d’endroit, pouvoir dormir dans des
caisses et manger des conserves
pour apporter un peu d’aide et de
compassion aux gens. C’est plus que
des souvenirs pour la vie. J’en ai
fait un personnage sur le qui-vive.
b en BAnLieUe
J’ai grandi en banlieue parisienne, au milieu de garçons. Au
collège, on s’empoignait souvent.
On formait une bande. Pourtant très
timide, il m’arrivait de monter au
créneau. Je suis une combative, pas
le genre de fille dans la séduction,
plutôt une bonne camarade. Je m’en
veux d’ailleurs parfois d’être trop
sèche, pas assez langoureuse.
b « AU revoir Là-hAUt »
Deux tournages par an, ça me
va ; j’ai une vie de famille. Et j’aime
sentir que je redémarre une aventure. Là, je viens de tourner dans
un film, La Danseuse, où Lily-Rose
Depp joue le rôle d’Isadora Duncan.
Et je commence bientôt le tournage
d’Au revoir là-haut, l’adaptation du
Goncourt 2013 par Albert Dupontel.
J’y ai un petit rôle mais délicieux. g
b cheveUx LonGS
Je retourne parfois à Sartrouville ; mon père y vit toujours. J’ai
revu mon ancien collège. Mais
je n’ai gardé aucun lien d’amitié.
C’est mon problème dans la vie ;
je pars sans me retourner. J’avais
une frange et des cheveux courts.
Je faisais du vélocross et courais
dans les champs. Puis, en sixième,
j’ai eu les cheveux longs. À 13 ans,
j’ai envoyé une photo pour des castings. Ma mère était d’accord. Je
A Perfect Day de fernando León
de Aranoa, avec mélanie thierry,
Benicio del toro, tim robbins et olga
Kurylenko… en salles le 16 mars 2016.
perso
Noureev, 50 ans après
ROGER-ViOLLET
LUDovic Perrin
Aurélie Dupont avait sa photo
accrochée dans sa loge de danseuse
étoile. Mais elle n’a pas pu côtoyer
le danseur star échappé de russie :
il quittait l’opéra de paris quand elle
intégrait la compagnie de ballet.
l’actuelle directrice de l’opéra de paris
peut aujourd’hui se plonger dans
les Mémoires de son illustre aîné.
Couchées en 1962, alors que
le danseur de 24 ans vient de fausser
compagnie à ses gardes du KGB à
l’aéroport du Bourget, elles viennent
pour la première fois d’être publiées
en français (Noureev, éd. Arthaud).
outre l’épisode détaillé de son exil
fondateur, on y parcourt la trajectoire
d’une future icône née dans un train
le long du lac Baïkal, en Sibérie. Sa
mère lui raconta un jour cette histoire
incroyable : alors qu’elle était partie
visiter des parents lointains, elle s’était
retrouvée à la nuit tombante dans un
bois entourée d’une meute de loups.
pour les éloigner, elle avait ôté la
couverture qui la protégeait du froid
pour y mettre le feu. C’est peut-être
ce que fit aussi le jeune génie traqué
par le KGB : foudroyer ses oppresseurs
par la force de son art. L.P.
L’artiste dans sa boutique, près du métro
Blanche. GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
Tin-Tin
tatoue
Alors que se clôture aujourd’hui
le mondial du tatouage à Paris,
son initiateur réclame un statut
pour son art qui touche toutes
les couches de la société
1981. C’était l’époque des Stray
Cats, le groupe américain ravivait la mode du tatouage en même
temps que le rockabilly d’Eddie
Cochran. Internet n’existait pas
plus que les selfies, on se passait
le nom des tatoueurs sous le manteau. Tin-Tin, que l’on prénommait alors Constantin, peut encore
citer le nom des tatoueurs des
Stray Cats, Dennis Cockell et Bob
Roberts, l’un habitait à Londres,
l’autre à New York. Mais lui, le fils
de cuistot élevé entre Vanves et
Malakoff, s’était contenté de voir
la Sainte Vierge, enfin plutôt un
tatouage de la Sainte Vierge sur un
corps en Italie. Il avait 16 ans. Autodidacte, ce passionné de dessin, de
Michel-Ange à Norman Rockwell,
attendait de trouver son média.
Tout le show-biz
dans son échoppe
Trente-quatre ans et plusieurs ouvertures de boutiques
plus tard, Tin-Tin est devenu
à son tour un tatoueur star. De
JoeyStarr à Pascal Obispo en
passant par Jean Paul Gaultier,
Zazie, Daphné Bürki (la marraine du Mondial du tatouage
vient de lui demander de lui
graver une pivoine sur l’épaule)
ou bien encore Maïtena Biraben,
toute l’aristocratie du spectacle
a poussé la porte de son échoppe,
située entre deux bars à hôtesses
et deux magasins de guitares, à
deux pas du Moulin-Rouge.
Six tatoueurs travaillent sous
sa vigilance, un bon ZZ Top en
fond sonore. « Ici, j’accueille
tout le monde, rectifie ce jeune
quinquagénaire que l’on confond
parfois avec l’avocat DupondMoretti. Il y a toujours eu des
rois et des reines, des flics et des
voyous, des riches et des pauvres.
La différence, c’est que la clientèle
s’affiche désormais. » Tin-Tin a
été consultant pour l’exposition «Tatoueurs tatoués» au
musée du Quai Branly, mais il
se désole que malgré cela l’État
rechigne encore à reconnaître le
tatouage comme un art officiel.
« Cela m’empêche, par exemple, de
prendre des apprentis. C’est pourtant l’une des rares disciplines qui
ne soit pas uniquement réservée
à une élite. » L.P.
téléVision | 37
jdd | 6 mars 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Alexandra Lamy
Ciné dimanChe
« Je prends goût
à de belles histoires »
La comédienne signe son retour à la télévision
dans un rôle dramatique, inspiré d’une histoire vraie
9 Mois ferme iiif Une comédie vacharde,
déjantée et désopilante avec Kiberlain et Dupontel qui font des étincelles.
20.55, France 2.
Gremlins iiif Le film fantastique
et culte de Joe Dante, qui reste un formidable
divertissement familial. 20.45, Arte.
L’actrice
interprète
Marie-Laure
Picat,une mère
de quatre
enfants,
gravement
malade.
Prod
IntervIew
Éric MandeL
de l’humour également. Marie-Laure
Picat possédait cette force vitale,
cette manière de mettre à distance
sa mort si proche par le rire. Je pense
à cette séquence où je choisis mon
cercueil sur un ton assez décalé. C’est
une scène authentique, vécue. Rien
n’est inventé ni romancé. Le scénario
colle à la vérité.
La dernière fois qu’on l’avait vue à
la télévision, c’était en octobre dans
Une chance de trop. Une série adaptée
du polar de Harlan Coben sur TF1.
Plus de huit millions de téléspectateurs avaient suivi les aventures
de cette urgentiste prête à tout
comment avez-vous préparé
pour sauver sa fille kidnappée. On
ce rôle ?
retrouve Alexandra Lamy dans un
Je n’ai pas lu le livre de Marienouveau rôle de mère courage avec
Laure Picat, Le Courage d’une mère.
Après moi le bonheur. Dans ce téléJe n’ai pas non plus souhaité renfilm réalisé par Nicolas Cuche, elle
contrer ses enfants ni son mari. J’ai
incarne Marie-Laure Picat, maman
juste visionné ses interviews donde quatre enfants, décédée en 2009,
nées à l’époque pour m’imprégner
qui avait ému
de son tempéral’opinion par son
ment. Dans la vie,
«
Harlan
Coben
destin tragique et
je parle de façon
saisissant. Avant de veut me proposer
assez rapide. J’ai
mourir d’un cande ralenun nouveau projet essayé
tir mon rythme,
cer, elle avait mené
le combat pour que pour le Cinéma »
d’avoir des gestes
ses petits soient
plus lents, plus
élevés ensemble
lourds, pour faire
dans une même
ressentir la doufamille d’accueil. Alexandra Lamy
leur, donner à voir la progression de
livre une composition tout en nuance
la maladie. C’est une responsabilité
et subtilité dans ce téléfilm touchant
d’interpréter un tel personnage. Ses
porté par un scénario habile (la scène
propres enfants ont regardé le téléfinale est de toute beauté) et par une
film une vingtaine de fois et m’ont
belle galerie de comédiens.
dit : « On a vu maman. » C’est le plus
beau des compliments.
il semble que vous preniez goût à la
télévision…
Je prends surtout goût à de bons
scénarios. Moi, je viens de la télévision, et je n’ai jamais eu ce snobisme
très français par rapport à ce média,
qui a longtemps été considéré avec
une certaine condescendance par le
milieu du cinéma. Aujourd’hui, on
voit de plus en plus de comédiens
aller vers la télé même si la France
accuse encore un certain retard par
rapport aux Anglo-Saxons, qui
savent traiter de sujets difficiles
sur le ton de la comédie.
Vous avez accepté ici un rôle assez
éprouvant…
Je n’ai pas hésité une seconde. Le
combat de Marie-Laure Picat est tellement extraordinaire et exemplaire.
Et puis je suis tombée amoureuse
de l’écriture de Claire Lemaréchal.
Elle tient parfaitement son sujet. Il
y a de l’émotion, de la noirceur, mais
« de toutes nos forces »,
« Une chance de trop », « après moi
l’amour ». Que des mères courage.
Ça vous stimule ?
Oui, c’est aussi lié à l’âge. J’ai
44 ans et d’autres personnages
s’offrent à moi, des rôles plus intéressants, plus profonds avec des
idées à défendre.
Votre terre natale est au cœur des
cévennes, où en est votre projet de
film sur les camisards ?
J’y travaille depuis huit ans. Là
on repart enfin sur l’écriture. Je veux
raconter cet épisode crucial de l’histoire de France à travers le destin de
Jean Cavalier. Ce paysan de 20 ans,
chef camisard, n’avait jamais touché
une arme mais s’est imposé comme
un génie militaire. Et ce, pour défendre la liberté de conscience et
de culte après la révocation de l’édit
de Nantes par Louis XIV, qui voulait
imposer une seule religion : « Une
foi, une loi, un roi. » C’est un sujet
qui aborde le fanatisme religieux,
les relations contre-nature entre
politique et religion, comment on
peut pervertir Dieu pour persécuter
son prochain. Des problématiques
très actuelles finalement…
des nouvelles de Harlan coben ?
Je vais aller le voir très prochainement à New York. Il veut me proposer un nouveau projet pour le
cinéma cette fois. Il était très content
de mon prix d’interprétation au festival de La Rochelle pour mon rôle
dans Une chance de trop. Il m’avait
envoyé un e-mail : « Maintenant il
faut que je t’écrive un film pour que
tu décroches un César, et ensuite un
autre film pour les Oscars. »
des projets au cinéma ?
Beaucoup. Je viens de terminer
une comédie, Retour chez ma mère,
d’Éric Lavaine, avec Mathilde Seigner et Josiane Balasko. Je vais partager l’affiche avec Jacques Gamblin
dans un film dédié à Joseph Ferdinand Cheval, ce facteur qui a bâti
de ses mains, durant trente-trois
ans, un palais de pierre, devenu un
chef-d’œuvre d’architecture naïve.
Et aussi tourner avec Denis Podalydès sur le premier résistant noir
pendant l’Occupation.
Vous préparez également
un documentaire pour France 3
sur alice Guy…
Oui, nous sommes en tournage. Je
serai à la fois voix off et comédienne
pour raconter son destin extraordinaire. Elle a commencé comme
secrétaire pour Gaumont et s’est
imposée comme la première femme
réalisatrice avec La Fée aux choux
(1896), puis la première femme à diriger, pendant dix-sept ans, un studio
américain. Elle a inventé la fiction, la
profondeur de champ, produit et réalisé près de 600 films, des westerns,
des comédies… Elle est largement
méconnue en France, mais régulièrement célébrée aux États-Unis par des
pointures comme Scorsese. Il était
temps de lui rendre hommage. C’est
nous qui avons inventé le cinéma.
Une vérité bonne à rappeler, surtout
quand c’est une femme ! g
après moi le bonheur,
lundi à 20.55, TF1.
Nikita iiif Polar violent et rédempteur,
le meilleur film de Luc Besson a rapporté
un César à Anne Parillaud. 21.00, D8.
Les Pleins Pouvoirs iiif Le thriller politique
de Clint Eastwood, toujours efficace vingt ans
après. 20.50, HD1.
Votre soirée
17.15 Sept à huit. 20.00 Journal. 20.55 Hollywoo ifff Film français de Frédéric Berthe et
Pascal Serieis (2011). La doublure française d’une star américaine
part à Los Angeles pour la persuader de reprendre le chemin des
studios. Avec Florence Foresti, Jamel Debbouze. 23.00 Esprits
criminels. 0.45 Les Experts : Manhattan.
17.30 Stade 2. 18.50 Vivement dimanche prochain:
Fabrice Luchini. 20.00 Journal. 20.40 Parents, mode
d’emploi et D’art d’art. 20.55 9 Mois ferme iiif Une
juge psychorigide se retrouve enceinte d’un présumé tueur en
série. Avec Albert Dupontel, Sandrine Kiberlain. 22.20 Faites
entrer l’accusé : Didier Lacote, la dose mortelle.
17.15 Personne n’y avait pensé ! 17.55 Le Grand Slam.
19.00 Le 19/20. 20.25 Zorro. 20.55 Les Enquêtes de
Vera. Série britannique (2015). De vieilles blessures ; Voix
silencieuses. Avec Brenda Blethyn, Kenny Doughty. 0.00 Soir 3.
0.20 Révolte au zoo ** Film américain de Rowland V. Lee (1933).
16.15 La Rochelle-Toulon. Rugby. Top 14, 17e
journée. 18.10 Canal rugby club. 19.10 Canal
football club. 20.55 Lyon-Guingamp. Football. Ligue 1, 29e
journée. 22.55 Canal football club. 23.15 L’Équipe du dimanche.
0.00 Le Journal des jeux vidéo.
D8 21.00 Nikita iiif Film
franco-italien de Luc Besson
(1990).
W9 20.55 Murder. Série.
TMC 20.55 Les Experts : Miami.
Série.
NT1 20.55 Coup de foudre à
Manhattan ifff Film américain de Wayne Wang (2002).
Gulli 20.50 Les Trois Mousquetaires iiff Film franco-italien d’André Hunebelle (1953).
HD1 20.50 Les Pleins Pouvoirs
iiif Film américain de Clint
Eastwood (1997).
6ter 20.55 Astérix et le Coup
du menhir iiff Film francoallemand de Philippe Grimond
(1989).
18.35 C politique. 20.00 In vivo, l’intégrale. 20.25 Avis
de sorties. 20.40 Météo, un marché au beau fixe. Documentaire français de Lila Salmi. Les consommateurs sont
tous « météo-sensibles ». 21.30 La Grande Aventure des petits
zoos. 22.25 La 2e D.B. : de Paris au refuge d’Hitler. 23.20 La
Grande Librairie.
Numéro 23 20.50 Inspecteur
Gadget ifff Film américain
de David Kellogg (1999).
17.20 66 Minutes. 18.40 66 Minutes grand format.
19.45 Le 19.45. 20.10 E = M6. 20.55 Zone interdite.
Bêtes de concours et produits d’exception : les champions du Salon de l’agriculture. 23.00 Enquête exclusive. Béziers,
une ville sous haute surveillance ; France-Espagne : l’autoroute
de tous les trafics.
Polar 21.00 Breakdown
iiff Film américain de
Jonathan Mostow (1997).
RTL 9 20.40 Sept Ans au Tibet
ifff Film américano-britannique de Jean-Jacques Annaud
17.00 Personne ne bouge ! 17.35 Franz Marc. (1997).
18.30 Rolando Villazón présente les stars de
demain. 19.15 Cuisines des terroirs. 19.45 Arte Journal. 20.00 TCM Cinéma 20.40 L’Ultime
Karambolage. 20.15 Vox Pop. Hongrie : Orbán, sinon rien ! 20.45 Attaque iiff Film amériGremlins iiif Film américain de Joe Dante (1984). La nuit de cain de Douglas Hickox (1979).
Noël, une paisible petite ville des États-Unis est envahie d’affreux
Gremlins, des lutins monstrueux, particulièrement destructeurs. OCS Géants 20.40 Nimitz, retour
Avec Hoyt Axton, Zach Galligan. 22.30 Gremlins 2, la nouvelle vers l’enfer iiff Film amérigénération ** Film américain de Joe Dante (1990).
cain de Don Taylor (1980).
Paramount 20.40 Je pleure
mon amour (1958).
session de rattrapage du Jdd aVec
Le top des 3 programmes à revoir aujourd’hui sur Internet
a Doc
Une Saison
chez les
Bonobos
France 4
a Doc
Claude Monet,
l’instant
et la lumière
France 5
a Doc
La France sous
les bombes
alliées
France 3
38 | JEUX
JDD | 6 mars 2016
mots croisés Jean-Paul Vuillaume
[email protected]
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
milan
et tout
autour
2
d
Albert Varennes
Y
une
est une
carrière
fervente
avec de
adepte
du chapeau l’ancienneté
U
1
mots fléchés
Y
des chiffres &
et des lettres
autre ancienne
vedette
de la télé
d
[email protected]
Y
caisse
de vin
dalle
des foyers
d
Y
monsieur
du cinéma
français
fille à papas
d
Y
duo romain
un peu trop
d’affection
la fait rougir
n’est pas
d’habitude
à droite
et si haut
d
d
exercices
de physique
3
4
5
6
7
tout
autour
b
ses fils
sont
de vrais
boulets
b
se colore si la
rate se dilate
autre souci
par là
d
b
9
eut la réputation d’être
de mauvais
conseil
pallie
le père parti
vouloir
ou qu’on
peut savoir
12
capacité
à la
voracité
b
d
b d
d
n’est qu’à
moitié fou
pour
nettoyer
aux
cabinets
b
d
13
d
ouï pour
un non b
peloton
qui exécute
10
11
sur
la boussole
b
U
8
coupant
des tissus
pâté de
campagne
d
pour
la draguer,
voire après
si succès
a
on aurait
pu penser
thallium,
ou thulium,
mais non...
d
une femme
à sa fenêtre b
ouï
autrefois,
oui
ailleurs
espionnent
en retour
U
d
hauteur
d’homme
dégât
des bombes b
entre deux
U
d
bibliquement
connue
mènent
en groupe
mené
en groupe
dont l’oiseau
a préludé
au printemps
pas bien
élevée
U
U
d
b
termes
de chimie
accord sans
réserve
dorait
et adoré
b
d
d
LE JOURNAL DU DIMANCHE est édité par :
Hachette Filipacchi Associés SNC au capital de
78 300 €, siège social 149 rue Anatole France
92534 Levallois-Perret cedex.
RCS Nanterre B 324 286 319.
Associé : Hachette Filipacchi Presse.
Renseignements lecteurs 01 41 34 63 40.
Gérant-Directeur de la publication Philippe
Pignol. Président d’honneur Daniel Filipacchi.
éditeur édouard Minc. éditrice adjointe
Anne-Violette Revel de Lambert.
Communication Nawal Hocine,
Anabel Echevarria.
Ventes Frédéric Gondolo
et Katia Parent 01 41 34 64 78.
Diffusion Presstalis Réassortiments
06 68 08 16 67.
Imprimé en France par Paris Offset Print
93120 La Courneuve, CIMP Toulouse, MOP
Vitrolles, CILA Nantes, CIRA Lyon et Nancy Print.
N° de Commission paritaire 0420 C 86 368.
Numéro ISSN 0242-3065.
Dépôt légal : à parution.
© HFA 2015 Hachette Filipacchi Associés
est une filiale de Lagardère Active SAS.
Président du directoire Denis Olivennes
Publicité : Lagardère Publicité,
10, rue Thierry le Luron, 92300 Levallois-Perret.
Tél. : 01 41 34 90 00. Fax : 01 41 34 90 01.
Présidente Constance Benqué.
Directeur général Philippe Pignol.
Directrice de la publicité Frédérique Vacquier.
Tél. : 01 41 34 92 46
Service abonnement CS 50002 – 59718 Lille
Cedex 9. Tél. : 02 77 63 11 36 (France / Dom
Tom et étranger).
Tarif France Le JDD + Version Femina
(Ile-de-France) : 1 an, 99 € ;
JDD (hors Île-de-France) : 1 an, 79 €.
Tarif étranger nous consulter.
Abonnements au journal en ligne
www.lejdd.fr
Tirage du 28 février 2016 :
248.490 exemplaires.
Travail exécuté
par les ouvriers
syndiqués
Keno
Loto
... vers
sombres là
d
d
à toute
vitesse
sur la piste
on en a tous
rêvé
d
d
b
b
solution des jeux
Solution du numéro 3607
Directeur Jérôme Bellay. Directeur adjoint
de la rédaction Patrice Trapier. Rédacteurs
en chef François Clemenceau, Dominique
de Montvalon, Cyril Petit (éditions), Guillaume
Rebière, Brigitte Suffert (directrice artistique),
Laurent Valdiguié.
Secrétaire général adjoint Robert Melcher.
Rédacteurs en chef adjoints
Danielle Attali, Bruna Basini, Richard Bellet,
Stéphane Joby, Pierre-Laurent Mazars,
Nicolas Prissette, Didier Siberchicot.
Chef du service photo Aurélie Chateau.
onze
une réplique
des plus
confon- b
dante
Mots croisés
Solution la semaine prochaine
jaune
orangé
ici...
b
belle de
fontenay,
passe
parfois pour
une patate
moyen
b
d
pensant
selon
pascal
perso
b
sudoku
b
d
b
d
qui ne
rime à rien
le fleuve
ou alors et la sirène
camusien
espèce
d’oie
refait
paradis
pour les
musulmans
b
du tissu
en est issu
une partie
d
b
d
menai une
guerre
de position
promet
a et en oublie
horizontalement
1. Timbre-poste. Job. - 2.
Egaré. Puce. Gère. - 3. Un.
Ais. Situe. In. - 4. Féministe. Salée. - 5. Tees.
Lieutenant. - 6. Règle.
Sortit. - 7. URL. Ronger.
Etés. - 8. Foisonne. Désaxé. - 9. Unau. En-but.
GPL. - 10. Ce. Missel.
Avers. - 11. Erable. Pactise. - 12. Rival. Mimosa.
SS. - 13. CEI. Aniser.
Dose. - 14. Vénus. Sœur.
- 15. Emeutier. Tocsin.
verticalement
1. Teuf-teuf. Cercle.
- 2. Ignée. Rouerie. 3. Ma. Merlin. Avivé.
- 4. Braise. Samba. Eu.
- 5. Rein. Grouillant.
- 6. Sillon. S.E. Nui. 7. PP. Siennes. Mise.
- 8. Ouste. Génépis.
- 9. Scieuse. Blâmés. 10. Tet. Tordu. Corot.
- 11. User. Etats. E.O.
- 12. Géantes. Viaduc.
- 13. Je. Laitages. Ors.
- 14. Orient-Express.
- 15. Benêt. Sels. Sein.
Mots fléchés
e
T
i
r
e
m
e
n
T
s
pièce
de pleven
b
i
u
l
e
s
verticalement
1. Permanente mais qui a tendance
à défriser. - 2. Taxe sur le blé. Arme
de pointe. Chemise à l’envers. - 3.
Reconnaissance de propriété. Pris à
ne pas tomber. Fait descendre dans
un tube. - 4. Favorise les transports.
Effectuer un rétablissement. - 5.
Possédés en étant dépossédés. Voir
sans voir. Entendu vieux. - 6. S’est
rendue ridicule. Endroit exposé à tous
les vents. Parti de l’Allemagne, il y est
toujours. - 7. Fait cul sec en tenant
la bouteille. Ont toutes les cartes en
main. Il marche sur la tête. - 8. Petit
pain. La guerre du feu. Incontinent. 9. Préparées à la fraise. Cité de source
sûre. - 10. Entre dans la composition
de l’air. Croisée dans une église. Blanc
en neige. - 11. A la carte avec le gin. A
dire vrai, on le vide. Nez de vedette.
- 12. Trop populaire pour être du château. Les armes d’un général russe.
- 13. Furieuse envie de boxer. Fait
carrière dans le bâtiment. Favorise le
retour à la terre. - 14. Fait une belle
chute de reins. Un peu de sueur. - 15.
Poétiquement verte. Prises de haut.
Lettres suivent.
b
d
p
r i d e s
u r
x
n e r a n
n e n n
m e n T o
a
T h
i e r e
n n e m i
d e d a i
o m e T
e a d e r
u
a u
v i n s k
r o s e a
e n
k
s o s i
m i s
horizontalement
1. Ils tournent de plus en plus
pour la télévision. Pied grec. - 2.
Perdu en chemin. Soutenir en appuyant. - 3. Indicateur du milieu.
Réunion d’anciens combattants.
Ne sert qu’à prendre du poids. Base
d’échafaudage. - 4. Femmes qui se
dépêchent. Mater affectueusement.
- 5. Critique qui ne s’embarrasse
pas. Chercher à obtenir une rallonge. - 6. Pots à or. Etre pour la
libre circulation. Guide de l’Italie.
- 7. Sont maintenues sous bonne
garde. Impressions de voyages.
Gros à gagner. - 8. Encaissement
de liquide. Neuf de cœur. Passage
à tabac. - 9. Cellule de réflexion.
Bon avec raison. - 10. Touché.
Arrive dans l’au-delà. Equipe de
voile. - 11. Mortes pour Gogol. Ne
fait pas la fine bouche. - 12. Faire
des ronds sur le câble. Pâte sur une
patte. Plis qui se repassent. - 13.
Devance l’appel. Centre de relégation. Récolter du son. - 14. Nom de
pipe. Repliée sur elle-même. - 15.
Distingué sans plus. Elles mettent
les bouchées doubles.
d
b
Sudoku
e
15
il faudra
la prendre
de force
sujet n°1
en philo
b
b
p i T
i T e
v u l
o r e
T e
g
r T r
a
e
p e
a g
c o l
i
e
T r a
e y
a m
r d e
a s s
14
duo
romain
r
a c c i
o r b
m a
p y l
i l e i
i r e
m e u
d
e
T n e i
T
T
l e v
u s a
s
s
j e r s
a a
a b s u
b e T
*
tendances | 39
jdd | 6 mars 2016
Mode : la saison
des incubateurs
Pendant la semaine des défilés, les jeunes créateurs espèrent se distinguer dans les concours
de nouveaux talents tels que le prix LVMH. L’avenir de leur propre label est en jeu
Charlotte langrand
Le selfie du jury
du prix LVMH,
avec Marc
Jacobs, Karl
Lagerfeld, Carol
Lim, Nicolas
Ghesquière,
Phoebe Philo.
@Chalangrand
La saison des incubateurs bat son plein. Pendant que les designers stars défilent à la fashion
week, les jeunes créateurs, eux, courent les
concours pour se faire connaître, en profitant
des contacts et de la vitrine médiatique que
leur offrent les différents prix de créateurs.
De nombreuses collectivités ont leurs compétitions, comme le Grand Prix de la création de
la Mairie de Paris, qui récompense un débutant
(10.000 €) et un confirmé (16.000 €) ; les Maisons de mode de Lille-Roubaix (25.000 €) ou
encore les Talents de mode, à Lyon (5.000 €).
Sans compter le prestigieux prix de l’Andam,
fondé en 1989, dont le premier lauréat fut
l’iconique Maison Martin Margiela. Le lauréat de l’Andam repartira avec… un chèque
de 250.000 € : de quoi créer en toute liberté.
Pendant toute la fashion week et pour la
huitième fois, le Designers Appartment de la
Fédération française de la couture met aussi à
l’honneur une dizaine de créateurs ayant une
société en France : regroupés dans un même
appartement parisien, ils exposent leurs collections à la presse et aux acheteurs invités
par la Fédération. Cette année, Belle Ninon,
Each x Other ou Y/Project auront la possibilité
de montrer leur univers aux personnages clés
de la mode.
« Nous recrutons un candidat sur son talent,
sa passion créative, son point de vue »
Au même moment, un autre showroom
a présenté ses semi-finalistes, ceux du prix
LVMH, qui, pour sa troisième édition, poursuit
sa sélection internationale de jeunes designers :
France, Japon, Finlande, États-Unis, Iran… Les
23 candidats encore en lice auront le privilège
d’échanger et d’être évalués par l’impressionnant casting du jury, composé des directeurs
artistiques du groupe : Karl Lagerfeld (Fendi),
Nicolas Ghesquière (Vuitton), Marc Jacobs,
Phoebe Philo (Céline), Riccardo Tisci (Givenchy)… « Nous n’avons pas de critères de sélection
préétablis, affirme Delphine Arnault, membre
du jury, qui supervise le prix depuis sa création
en 2013. Nous recrutons un candidat sur son
talent, sa passion créative et son point de vue,
qui permet de le distinguer. C’est très difficile
aujourd’hui de percer en tant que jeune créa-
MaRc JacOBs/
lVMH PRiZe
PasCale Caussat
Sans connaître son nom, on connaît son allure,
à base de bijoux démesurés et de grosses
lunettes rondes. On connaît aussi son âge,
qu’aucune chirurgie ne saurait dissimuler.
Iris Apfel a 94 ans et, comme elle le souligne
elle-même, « il n’y a pas beaucoup de cover girls
de mon âge ». Dix ans après une rétrospective
au Metropolitan Museum of Art de New York,
qui l’a sacrée icône de style, l’Américaine est
à l’honneur au Bon Marché Rive gauche,
à Paris, jusqu’au 16 avril.
L’exposition « Iris in Paris » présente
dix silhouettes inspirées par la capitale : Iris aux Tuileries, Iris aux puces,
à l’Opéra… À chaque fois, l’ancienne
rédactrice en chef de Women’s Wear
Daily a composé des tenues à partir de
sa collection personnelle. Elle a aussi
conçu une ligne d’accessoires à son
image, colliers en céramique, lunettes
Mickael a. Bandassak/OMniVORe
Gastronomie
sans frontières
teur. Il faut avoir quelque chose de différent,
une façon unique de présenter son travail, être
charismatique et avoir un univers. »
Ces compétitions et leurs dotations providentielles, jusqu’à 300.000 € pour le vainqueur du prix LVMH, font office de béquille
salvatrice dans une industrie de la mode qui
laisse peu de latitude aux autodidactes sans
le sou. Récompensant le talent de création en
premier lieu, ces concours aident les designers
à gagner la bataille de la réalité du métier, celle
du développement de leur marque. Créer est
une chose, devenir entrepreneur est une tout
autre affaire. Les prix s’accompagnent souvent
de la mise à disposition d’ateliers, d’espaces
dédiés dans les salons et même d’accompagnement au développement économique et
stratégique à moyen terme.
Ainsi, le futur lauréat du prix LVMH,
décerné le 16 juin, bénéficiera d’un mentorat
d’un an avec une équipe de professionnels du
groupe. « Cela aide les créateurs à répondre aux
questions qu’ils se posent en matière de production ou à fixer le prix pour la commercialisation
de leurs produits, explique Delphine Arnault.
Les jeunes créateurs ont souvent des problèmes
de trésorerie car ils ont besoin d’un fonds de
roulement pour payer les tissus, les prototypes
et la production avant de recevoir le paiement de
la collection par les clients. Les 300.000 € aident
à combler ces problèmes de trésorerie et parfois
à embaucher pour consolider les équipes. »
Les vaincus du concours en tirent au moins
la possibilité de toucher du doigt le monde
qu’ils rêvent d’intégrer, avec l’espoir de retenir
l’attention d’une critique de mode influente
ou d’échanger avec un créateur star. Comme
ce jeune designer qui, l’année dernière, s’est
vu offrir un chemisier par le grand Karl en
personne… g
L’œil fashion d’Iris Apfel
Mannequin et icône de mode à 94 ans,
la designer américaine présente
sa conception du style dans l’exposition
« Iris in Paris », au Bon Marché
jusqu’au 16 avril
Le village Omnivore à Paris rassemble
le meilleur de la cuisine mondiale.
XXL ou sac moelleux en
laine de Mongolie.
Alors que s’ouvrait la
fashion week parisienne,
l’excentrique vieille dame a
traversé l’Atlantique pour inaugurer son exposition. « J’adore
travailler, confie-t-elle de sa voix
grave. Trop de personnes âgées se laissent
aller. Il faut se secouer pour rester actif. » Si
elle s’appuie sur une canne et est un peu dure
d’oreille, Iris Apfel n’a pas sa langue dans
sa poche. Il est vrai que l’ancienne designer
d’intérieur n’a jamais cultivé l’oisiveté. Avec
son mari, Carl, elle a fondé l’entreprise de
textile Old World Weavers dans les années
1950, parcourant le monde pour dénicher
des pièces issues de différentes cultures.
« On peut se créer
des milliers de tenues »
De 1950 à 1992, elle s’est occupée
de la décoration de la Maison-Blanche
pour neuf présidents américains et
leurs épouses. « Mme Nixon était passionnée par le textile, elle était ravie
d’apprendre, se souvient-elle. Jacqueline
Kennedy, elle, se contentait de
passer commande. Mais on
ne redécore pas la MaisonBlanche. Il faut respecter le
style d’origine. »
Inconditionnelle de Paris
(« un plaisir pour les yeux et le
palais »), elle aime chiner au marché Saint-Pierre. « Je suis une fabric freak,
une toquée de tissus. » Depuis la mort de son
époux, l’été dernier, Iris Apfel redouble même
d’activité. Elle est la nouvelle ambassadrice
de DS, la marque premium de Citroën, même
si elle confie n’avoir jamais conduit de sa
vie. Elle représente aussi la marque australienne Blue Illusion, travaille pour les bijoux
Swarovski, les bracelets connectés Wisewear,
la chaîne Home Shopping Network… « Je
crois beaucoup aux accessoires sur des vêtements simples. Ainsi on peut se créer des milliers de tenues, assure-t-elle. Mais donner des
conseils de mode dans l’abstrait n’a aucun intérêt. Tout dépend de la personne. Pour ma part,
je suis à l’aise dans mon style. Je ne m’habille
pas pour plaire aux gens mais parce que ça
me plaît. » Iris Apfel a passé l’âge de faire
les choses par obligation. On la comprend. g
illustRatiOn ÉRic GiRiat
devenu international, le festival
omnivore est le cadre
de rencontres entre chefs
cuisiniers français et étrangers
La gastronomie a son festival de
Cannes. Un événement international où les chefs français partagent
la vedette et la cuisine avec leurs
homologues étrangers. Pour sa
11e édition, le festival Omnivore
revient avec une programmation culinaire foisonnante faite
de dîners à plusieurs mains, de
démonstrations salées, sucrées
et même liquides, avec des
chefs stars (Marx, Pic, Piège,
Couvreur…), des valeurs sûres
(Grattard, Ledeuil, Berteau…),
de jeunes cuisiniers prometteurs
« à surveiller » (Farnesi, Garcia…),
et des bartenders en grande forme.
Avec toutes ces tendances
confondues, ce festival sans classements ni étiquettes est logiquement devenu sans frontières. Voyageur, Omnivore a donné naissance
à des éditions annuelles à Moscou,
Shanghai, Montréal, Londres et
Istanbul. « La France est trop autocentrée et pense que tout se passe
chez elle, constate Luc Dubanchet,
le fondateur. Notre festival est à
l’opposé de cela. Nous accueillons
tous les chefs, connus ou inconnus.
La gastronomie française devrait
se libérer de son patrimoine culinaire impérialiste, précieux mais
trop lourd à porter, pour aller voir
ce qui se passe ailleurs et échanger. »
« La cuisine est un langage »
Avec Omnivore, Luc Dubanchet aime à emmener les chefs
dans ses valises pour organiser
des rencontres entre cuisiniers de
tous horizons. Aux côtés de nos
toques hexagonales, on trouve
dans la programmation 2016 des
chefs québécois (Charles-Antoine
Crête, Marc-Alexandre Mercier),
mexicains (Eduardo García),
brésiliens (Rafael Costa e Silva),
hongkongais (Jowett Yu), etc. « La
cuisine n’est pas une compétition ou
un classement des meilleurs, poursuit le fondateur. C’est un langage
universel, moderne et commun, pas
seulement un hédonisme. » Cette
année, le festival met à l’honneur
la très méconnue gastronomie de
Montréal et « sa culture hybride
et magnifique, qui se fiche de savoir si elle est plus européenne que
d’Amérique du Nord ». En attendant, peut-être, de voir s’implanter
Omnivore en Amérique centrale,
à Mexico. C.l.
Maison de la Mutualité, Paris 5e.
de 9 h 30 à 18 h. du dimanche au mardi.
Passe journée 39 €; trois jours : 99 €.
omnivore.com
40 |
dimanchesport
jdd|6 mars 2016
VaDiM VasiLYeV Alors que l’AS Monaco se dirige vers une place de dauphin du PSG,
son vice-président s’interroge sur le mode de gouvernance de l’élite
« Le foot français me rappelle
l’Union soviétique »
INTERVIEW
DaMien buRnieR
eT sTépHane JObY
L
Vadim Vasilyev, vendredi à l’hôtel
Molitor, avant de se rendre à Caen
où l’ASM a fait match nul (2-2).
@initialsDB
@JobyJdd
a vitrine est moins
clinquante mais Vadim
Vasilyev garde ses
petits plaisirs : « On a
quand même la deuxième attaque derrière Paris. » Et
Monaco fait un solide dauphin au
classement, même si la manière
reste sujette à caution. « Oui, moi
aussi j’aimerais parfois un jeu plus
excitant », admet du bout des lèvres
le vice-président russe de l’ASM.
Désormais bien installé dans le paysage, cet ancien diplomate a aussi
d’autres souhaits, bien au-delà des
contingences de son club.
Éric dessons/Jdd
près de trois ans après le retour en
L1, le club est-il là où vous souhaitiez
le mener ?
Quand je suis arrivé en 2013, il y
avait un déficit cumulé de 200 millions d’euros. Et cette saison, alors
qu’on est 2e, on va faire des bénéfices pour la première fois. Le but
n’est pas de gagner de l’argent, mais
il faut au moins ne pas en perdre. Je
suis donc très satisfait. La marque
Monaco reste attractive et j’espère
générer des recettes à l’international. J’étais récemment en Chine et
on a senti de l’intérêt. On va mettre
en place des opérations là-bas. Mais
pour l’heure, la réalité est que sans
transferts on n’arrive pas à l’équilibre.
L’asM donne l’impression d’être
d’abord une machine à spéculer…
On n’a pas le choix. Imaginez
que pendant une saison ou deux
on garde tout le monde et on augmente les salaires. Si les résultats ne
suivent pas, nous n’aurons plus les
recettes de la Ligue des champions
et le club tombera. Or, on a encore
obtenu récemment un feu vert de
la DNCG car tout est clair. Quant
au fair-play financier, on a passé
des accords. On paie une amende
raisonnable, 1 million d’euros pendant trois ans.
avez-vous hésité quand la
proposition de Manchester united
pour Martial (50 millions d’euros
plus bonus) est arrivée ?
Oui, car j’imaginais que la saison 2015-2016 serait la sienne. C’est
pour ça qu’on avait prolongé son
contrat en juillet. Les autres transferts étaient plus ou moins prévus,
pas celui-là. Il y avait les chiffres,
mais aussi le fait qu’Anthony m’ait
dit : « Monsieur Vasilyev, c’est mon
rêve d’enfant. » Si on tue ce rêve,
on peut aussi perdre le gamin pendant plusieurs mois. Il m’a envoyé
et dédicacé son premier maillot en
me remerciant de lui avoir donné
cette chance.
La meilleure décision depuis que
vous êtes aux commandes ?
Le fait d’avoir compris à temps
qu’il fallait changer le modèle
économique dans le contexte du
fair-play financier. Je suis très fier
que l’équipe reste compétitive avec
des finances assainies. Même si le
bilan n’aurait sans doute pas été
positif sans la vente de Martial. On
a aussi investi 85 millions d’euros,
dont une bonne partie auprès des
clubs français, qui peuvent nous
dire merci.
un plafond d’achat a-t-il
été institué ?
Non. Pour preuve, on a fait
une offre de 25 millions d’euros
pour Alex Teixeira. Sans réussite
L’épineux cas Mbappé
« La négociation est un de mes
points forts », a dit un jour Vadim
Vasilyev. Aussi sourit-il quand on lui
demande pourquoi il peine tant à
faire signer un premier contrat pro à
Kylian Mbappé, 17 ans et plus jeune
buteur de l’histoire de l’ASM. « C’est
vrai que j’ai ce dossier en main
depuis quelques mois. Kylian est
un joueur très talentueux qui, j’en
suis sûr, ne peut pas trouver
meilleur projet sportif que
Monaco. » Si Vasilyev « préfère ne
pas évoquer les négociations »,
qui portent notamment sur
une forte prime à la signature,
il se dit « optimiste ». La logique
voudrait que le milieu offensif
poursuive l’aventure avec son
club formateur. D.b.
puisqu’il a signé en Chine [en janvier, pour le double].
Je le dis avec humour mais la
façon dont il est dirigé me rappelle
On évoque l’intérêt du propriétaire
un peu l’Union soviétique. C’est trop
politisé. On n’a pas d’intérêts comDmitry Rybolovlev pour acquérir des
muns. Il faudrait le gérer comme une
parts du club anglais de Reading.
entreprise et non à la manière d’un
pour disposer d’un club satellite ?
Grâce à nos succès et à la puisministère. Le système ne fonctionne
sance de l’actionnaire, on a pas mal
pas, avec un président de Ligue issu
de propositions. Elles viennent
d’un collège des indépendants, difféd’Angleterre mais
rentes « familles »
pas seulement.
qui interviennent
On réfléchit à la « Martial m’a dit :
sur des sujets qui
meilleure façon de ‘‘Monsieur Vasilyev, ne les concernent
développer le propas directement.
J’ai aussi lu la
jet de l’AS Monaco. c’est mon rêve
Aucune décision n’a d’enfant [d’aller
charte : on ne peut
encore été prise.
pas sanctionner les
à MU].” Il m’a
pensez-vous que le
joueurs. Ce sont
des stars, qui gapsG vous considère dédicacé son
gnent parfois des
encore comme un
premier maillot »
millions, et ils sont
rival dangereux ?
On a aujourd’hui
protégés. Mais il
faut aussi protéun championnat à
ger les clubs. Notamment quand
deux vitesses. Il y a derrière le PSG
un pays si riche [le Qatar] qu’on ne
survient un cas comme celui dont
peut pas le concurrencer. Mais la
on a parlé récemment [Serge Aurier
L1 a quand même de bons clubs
au PSG]. Aucun club n’est à l’abri de
comme Lyon ou Marseille, et il
ça. Les joueurs ressemblent parfois
faut réfléchir à la façon d’attirer des
à des enfants gâtés.
investisseurs et de développer le
Votre favori pour le poste de directeur
spectacle. Il y a différentes pistes.
général de la Ligue, bientôt nommé ?
Quand Monaco était attaqué pour
Je ne veux pas porter préjudice
ses avantages fiscaux, j’ai lancé, en
à nos prochaines réunions. Mais il
vain, l’idée d’un salary cap, comme
faudra un professionnel et lui dondans les sports américains. Cela
ner beaucoup de pouvoirs, comme
permettrait d’avoir une compétiun vrai chef d’entreprise. Dans ce
tion moins dépendante de l’argent.
schéma, les clubs seraient comme
Même si c’est difficile vu la concurdes actionnaires. Le modèle de la
rence européenne.
Premier League doit nous inspirer.
Le football français est-il bien
Nous ne sommes pas tous unis, mais
je constate que les présidents de
organisé ?
club ont la volonté d’avancer. On
est déjà en train de séparer les pouvoirs, avec un président de Ligue
représentant du football français et
un nouveau DG qui devra oxygéner
son économie. Notamment pour le
rendre plus attractif à l’international. En Angleterre, on joue à midi,
14 heures, 15 heures… En Asie, ils
peuvent donc voir les matches.
Alors qu’ils sont en pleine nuit lors
de la plupart des matches de L1.
Quel est l’apport de claude Makelele,
directeur technique depuis janvier ?
J’avais besoin de quelqu’un de
très pro à mes côtés pour faire le lien
entre le groupe et la direction. Car
même s’il m’est arrivé d’intervenir
pour mettre un peu de pression,
je garde mes distances avec le
vestiaire. Pour Claude, qui n’est
pas quelqu’un de conflictuel, c’est
un rôle nouveau mais ça marche.
Même si c’est vrai que certains au
club, comme Leonardo Jardim, ont
été surpris de cette arrivée.
Dans une biographie de Jorge
Mendes (Talent sport), vous dites
que votre relation va au-delà
du plan professionnel…
est-ce indispensable d’être proche
de l’agent le plus influent ?
Non, mais c’est vrai qu’il est
devenu un ami. Ce qui ne nous
empêche pas d’avoir des discussions
très dures, et même des désaccords.
Mais c’est quelqu’un de très sympa,
toujours actif et qui tient sa parole.
Il a toujours deux ou trois téléphones avec lui et m’appelle plus
qu’il ne faut ! g
football | sport | 41
jdd | 6 mars 2016
Paris, horizon Blues
Paris Sg
0
Montpellier
0
Malgré le nul,
Laurent Blanc
est satisfait :
il a géré son
effectif comme
il l’espérait.
Ligue 1 Profondément remanié,
le PSg a encore été accroché
avant d’affronter Chelsea.
Plus important : aucun nouveau
pépin à déplorer
MiCkaëL Caron
Franck FiFe/aFP
@CARONJDD
Comme contre Lille (0-0) avant la
réception de Chelsea à l’aller (2-1),
le PSG a calé au Parc. À quatre jours
du rendez-vous le plus attendu de
la saison, ce vilain résultat face à
Montpellier aurait pu contrarier
Laurent Blanc. Au lieu de ça, l’entraîneur parisien a entamé sa brève
allocution par une boutade. Intrigué
par un téléphone filmant en direct sa
conférence de presse, il a souri, dans
une allusion à Serge Aurier : « Vous
savez, je n’ai pas de très bons souvenirs avec les vidéos sur Internet ! »
Sa façon de dédramatiser la
performance fade de l’équipe B
qu’il venait d’aligner. « Un match
sans but, ce n’est pas extraordinaire
pour les gens qui regardent mais je
demande de l’indulgence pour nos
jeunes [Nkunku, Kimpembe…]
qui n’ont pas de repères collectifs.
À part la victoire, tout s’est bien
passé comme on l’avait prévu », at-il surpris, avant d’enfiler sa blouse
blanche pour communiquer le bilan
de santé de ses troupes, son unique
préoccupation du soir.
À l’heure du match, Blaise Matuidi recevait des soins au Camp
des Loges. Blanc évoque « une
dynamique positive » à propos de
sa participation au huitième retour.
En revanche, le diagnostic n’est
pas plus rassurant pour Verratti,
à l’arrêt depuis le 20 février. S’il
considère que l’on s’inquiète pour
« pas grand-chose », le coach parisien
reste évasif. « On traite son inflammation, il va guérir. J’ai bon espoir
de le revoir bientôt, mais sa blessure
est délicate », souffle Blanc qui avait
annoncé que l’Italien ne jouerait pas
le match aller, avant de finalement
le titulariser.
Chelsea fatigué et contrarié
Verratti avait rayonné. Sans
lui, le milieu parisien ronronne.
Javier Pastore pourrait combler ce
vide. S’il n’était pas titulaire hier,
l’Argentin pourrait l’être à Stamford Bridge. « C’est envisageable,
confirme Blanc. On dirait qu’il est
en pleine préparation de début de saison. Il n’a pas démarré contre Montpellier car nous voulons qu’il soit en
pleine possession de ses moyens. »
Pour le reste, ce n’est pas un
29e journée L’OGCN remonte sur le podium
nice
Germain (12e), Traoré (72e)
Troyes
Jean (26e)
2
1
MiLLe-Fa Nice avançait à la vitesse
de ses retraités sur ses plages de
galets, deux points en quatre journées. Un succès contre Troyes,
le SMIC de la L1, les revoilà sur le
podium. Le cousin Germain et le
fréro Traoré ont fait le job. A l’heure
de jeu, les reins des défenseurs de
L1 ont grincé : blessé depuis un
mois, Ben Arfa a fait son retour.
angers
Saint-Étienne
Classement
0
0
J
g
n
p bp bc diff.
1 Paris Sg
74 29 23
5
1
68 15 53
2 Monaco
51 29 13 12
4
42 32 10
3 nice
44 29 12
8
9
41 33
8
4 Caen
43 29 13
4
12 32 38
-6
Pts
5 Lyon
42 28 12
6
10 40 30 10
6 Saint-etienne
42 29 12
6
11 33 32
1
7 rennes
41 28 10 11
7
36 33
3
8 nantes
40 27 10 10
7
26 24
2
9 angers
39 29 10
9
10 29 29
0
10 Lorient
38 29
11
9
40 41
-1
9
11 Bastia
38 28 11
5
12 27 29
-2
12 Bordeaux
38 29
9
11
9
38 44
-6
13 Lille
37 29
8
13
8
23 23
0
14 Marseille
36 27
8
12
7
37 28
9
15 Montpellier
36 29 10
6
13 36 33
3
16 guingamp
32 28
8
8
12 33 40
-7
17 reims
13 32 41
-9
32 29
8
8
18 gazélec-ajaccio 29 28
6
11 11 29 39 -10
19 Toulouse
22 28
4
10 14 27 47 -20
20 Troyes
14 29
2
8
Bastia
0
Lorient
0
Lille
2
reims
0
Bordeaux
1
Vendredi Caen-Monaco 2-2
ajaccio
1
30e journée
Lopes (63e) Eder (90e + 2)
Diabaté (38e sp)
Larbi (89 )
e
aujourd’hui
Rennes-Nantes Roazhon Park (17 h, beIN)
Lyon-Guingamp Parc OL (21 h, Canal+)
19 21 59 -38
Meilleurs buteurs
23 buts : Ibrahimovic (PSG) ; 13 buts : Batshuayi
(Marseille) ; 12 buts : Moukandjo (Lorient),
Cavani (PSG) ; 11 buts : Ben Arfa (Nice) ; 10 buts :
Lacazette (Lyon), Delort (Caen) ; 9 buts : Di Maria
(PSG), Ben Yedder (Toulouse).
Vendredi 11 mars : Monaco-Reims (20 h 30,
beIN). Samedi 12 : Lorient-Marseille (17 h,
Canal+). Montpellier-Nice; Guingamp-SaintÉtienne; Bastia-Lille; Toulouse-Bordeaux;
Ajaccio-Caen (20 h, beIN). Dimanche 13 :
Troyes-Paris SG (14 h, beIN et Canal+); NantesAngers (17 h, beIN); Rennes-Lyon (21 h, Canal+).
soir à faire la fine bouche. Ça
n’empêchera pas le PSG de rafler
un quatrième titre consécutif, possiblement dès dimanche prochain
à Troyes, en fonction du résultat
de Monaco. Puis d’ajouter un trophée, voire deux, à la collection de
coupes. Mais voilà longtemps que
l’enjeu n’est plus national…
L’observateur envoyé par Chelsea n’a rien vu car le PSG n’a rien
montré. Un parfait stratagème.
Dans le même temps, Guus Hiddink
n’a pu se passer que de Fabregas car
ses Blues n’ont aucune marge pour
espérer chiper la quatrième place
de la Premier League. N’empêche,
chez eux, les Londoniens se sont
laissés rejoindre par Stoke en fin de
rencontre [1-1]. John Terry devrait
encore manquer Paris. Fatigue et
contrariété : c’est la double peine.
Côté PSG, en comparaison
des crises hivernales qui ont fait
sa légende, la zone de turbulence
traversée depuis dix jours prête à
sourire : au-delà de l’affaire Aurier, entre parenthèses, ces deux
matches sans victoire en L1, après
le revers à Lyon (2-1), n’inquiètent
personne, même si ce n’était plus
arrivé depuis septembre, au moment où l’équipe se rodait. « On a
bien joué et respecté les consignes
du jeu, s’est satisfait Marquinhos.
Toute l’équipe se sent bien. »
Il faudra quand même montrer
autre chose pour éliminer Chelsea,
qui n’a plus perdu depuis que Mourinho a passé la main à Hiddink, il
y a trois mois. Mercredi, Stamford
Bridge peut devenir le tombeau du
PSG, comme en 2014. Ou un marchepied vers le progrès, dans la lignée de
l’an passé. La Ligue des champions
est l’unique baromètre valable du
QSG. Quart de finaliste ces trois dernières saisons, il ne peut en aucun
cas s’arrêter en huitième sans que
cela soit vu comme une régression. g
La frayeur
de Dupraz
INTrONISé mardi à la tête d’un
TFC mal en point, Pascal Dupraz
a causé une belle frayeur à ses
joueurs hier en début d’aprèsmidi. À la veille d’un premier
déplacement sur la pelouse de
l’OM, qu’il fignolait sur le terrain d’entraînement, le technicien a été victime d’un malaise,
a révélé lequipe.fr. Suffisamment
sérieux pour que les pompiers
soient appelés et qu’ils décident
de l’hospitaliser. Les dernières
nouvelles étaient plutôt rassurantes : Dupraz devait passer
la nuit en observation et sortir
ce matin. Mais il ne sera pas du
voyage à Marseille. Son adjoint,
Mickaël Debève, le remplacera.
Le 25 avril dernier, le Savoyard
avait déjà subi une alerte cardiaque à l’issue d’ETG-Bastia,
alors que son club luttait contre
la relégation. Il avait vite récupéré, tenant normalement sa
conférence de presse. Mais il a
surtout été victime d’un infarctus
en 2001.
À Marseille, on est évidemment un peu plus serein, surtout après la qualification en
demi-finale de Coupe de France
cette semaine. Sauf que le syndrome du Vélodrome continue de peser : seulement deux
victoires en treize matches.
« C’est le moment le plus
important de la saison, pose Michel. Notre sprint final commence,
nous avons besoin de gagner. » g
Marseille
Stade Vélodrome (14 h, beIN)
Toulouse
*
42 | sport
JDD | 6 mars 2016
Télex
Football
La vidéo déboule
L’aide de la vidéo pour
l’arbitrage a été autorisée en
match à titre expérimental,
à compter de la saison
prochaine et pour au moins
deux ans, a annoncé le
Board, organe gardien des
lois du jeu. La Fédération
française de football s’est
portée candidate pour
mener l’expérience, comme
une dizaine d’autres pays.
Karim Benzema lors d’un déplacement avec le Real, le 16 février dernier. teleneWs/ePA/MAXPPP
Benzema,
l’étau se desserre
SEXTAPE L’hypothèse d’un retour
en Bleu avant l’Euro prend
de plus en plus d’épaisseur
SoLEN ChERRIER
@SolenJDD
Le 11 mars, Karim Benzema saura
s’il peut bien côtoyer Mathieu Valbuena de nouveau. Vendredi, la
chambre d’instruction de la cour
d’appel de Versailles a mis sa décision en délibéré, mais les indices
sont positifs pour l’attaquant du
Real Madrid : le parquet général ne
s’oppose pas à la levée du contrôle
judiciaire, l’avocat de Valbuena non
plus. Les défenseurs de Benzema
s’en sont réjouis. Me Alain Jakubowicz entend « blanchir » son
client. Il a déjà porté plainte pour
violation du secret de l’instruction
et n’a pas manqué d’indiquer que
c’est la juge d’instruction qui, de
sa propre initiative, avait ordonné
la levée partielle mi-février sans
qu’il en fasse la demande.
La FFF ne se précipitera
pas forcément
En l’état, le Madrilène n’est
toujours pas sélectionnable en
équipe de France, comme l’a rappelé Noël Le Graët cette semaine
lors de sa tournée médiatique à
100 jours de l’Euro. Mais il devrait
le redevenir. L’étau juridique se
desserre autour de lui et certains
échos laissent penser que ce n’est
pas fini. Jusqu’à la requalification,
avant la compétition, de son statut
de mis en examen pour « complicité de tentative de chantage » et
« participation à une association
de malfaiteurs » à celui de témoin
assisté ? Même ténue, l’hypothèse
circule.
Dans cette affaire de sex tape,
la Fédération a choisi de manière
assez commode de se ranger
derrière la justice. Elle pourrait
avancer qu’un joueur mis en examen est sélectionnable au nom
de la présomption d’innocence ;
cela a déjà été le cas de Benzema
dans l’affaire Zahia. Mais elle
pourrait aussi considérer que sa
décision, qui prêtera forcément
à la polémique, gagnera en poids
si la situation judiciaire de
Benzema s’éclaircit encore. La
FFF ne se précipitera donc pas
forcément si la levée du contrôle
judiciaire est confirmée vendredi
prochain.
D’autant que la blessure
à la cuisse de Benzema, qui
devrait être encore indisponible
pendant deux semaines, évacue la question de sa présence
dans la prochaine liste de Didier
Deschamps, le 17 mars (matches
aux Pays-Bas le 25 et contre la
Russie le 29). L’opinion publique
est largement hostile à son retour ?
Même au cœur de la tempête,
Noël Le Graët a refusé d’accabler
l’ancien Lyonnais, on l’imagine
mal céder ou saisir la commission de discipline. Le sélectionneur, lui, est pragmatique. Il
souhaite juste avoir la meilleure
équipe. Et pour lui, c’est avec
Benzema. g
Kita et la taille du pénis
INSoLITE Waldemar Kita, l’entrepreneur président du FC Nantes,
s’est trouvé une nouvelle lubie, qui
pourrait se révéler payante. Le
produit de comblement des rides,
qui a fait sa fortune avec la société
Cornéal (vendue 170 millions
d’euros en 2006), est aussi un
traitement efficace pour… allonger la taille des pénis ! La pénoplastie permet de gagner quelques
précieux centimètres grâce à
l’injection d’acide hyaluronique,
dont il s’est fait la spécialité et
que commercialise sa nouvelle
société Vivacy.
Kita assure qu’aucun joueur des
Canaris ne s’est porté volontaire
pour tester le traitement, qui permettrait aussi de remédier à l’éjaculation précoce. « Mais je sais que
des sportifs ont déjà essayé. Cela n’a
rien de surprenant dans un milieu
aussi macho », s’amuse le président
nantais. Pour l’heure, il vise plutôt
le marché asiatique. « Les Chinois
sont très demandeurs, mais d’ici à
dix ans la pratique entrera dans
les mœurs, même ici », pronostique l’homme d’affaires francopolonais de 61 ans, qui vient de
s’associer à un puissant investisseur de Hongkong. On pourrait
bientôt apercevoir ce nouveau
partenaire dans les tribunes de la
Beaujoire…
S.A.
Leicester s’envole
En Angleterre, Leicester a
fait la très bonne affaire
de la 29e journée en allant
s’imposer (1-0) à Watford
grâce à Riyad Marhez,
pendant que Tottenham et
Arsenal se séparaient sur
un nul (2-2). Le leader
accentue son avance sur
les deux autres occupants
du podium, respectivement
à cinq et huit points.
Ronaldo cartonne
Grâce à son quadruplé avec
le Real Madrid contre
le Celta Vigo (7-1), Cristiano
Ronaldo est devenu le
deuxième meilleur buteur
de l’histoire de la Liga avec
252 buts (en 228 matches),
derrière Lionel Messi,
305 buts (en 337 matches).
Rugby/Top 14
Toulouse cale
Incroyable dénouement entre
Brive et Toulouse (21-21) lors
de la 17e journée : alors que
les Toulousains venaient
d’inscrire un essai entre les
poteaux dans les derniers
instants du match, la
transformation de Sébastien
Bézy a été contrée par deux
Brivistes qui se sont élancés
au coup de sifflet de l’arbitre.
Un fait de jeu très rare.
Grenoble-Clermont 12-45
Brive-Toulouse 21-21
Racing 92-Agen 38-13
Pau-Stade Français 19-12
B.-Bègles-Oyonnax 46-20
Montpellier-Castres 22-19.
Aujourd’hui :
La Rochelle-Toulon
(16 h 15, Canal +)
Classement. 1. Racing 92,
Clermont 53 pts ; 3. Toulon
51 ; 4. Bordeaux-Bègles 50 ;
5. Toulouse 46 ; 6. Montpellier
45 ; 7. Castres, Brives 38 ; 9.
Grenoble 33 ; 10. La Rochelle
31 ; 11. Pau 28 ; 12. Stade
Français 26 ; 14 Agen 15 ;
14. Oyonnax 14.
Prêts pour une
TENNIS Les Bleus ont dignement célébré le retour de
de finale de Coupe Davis après leur démonstration
DAMIEN BURNIER
Dans ce France-Canada de rentrée, tout a été long, voire feuilletonesque. Le changement de
capitaine, le choix du lieu d’organisation, le stage de préparation. Tout, sauf le match. Quel
contraste entre la persistance des
polémiques entourant le retour
de Noah au capitanat et la sécheresse d’une rencontre pliée en
deux temps, trois matches et neuf
sets. En soi, c’est évidemment une
bonne nouvelle. Le débrief sera
positif et souriant, tout le contraire
des explications qui avaient suivi
l’élimination en Grande-Bretagne
l’été dernier, en quart de finale. En
attendant, la soirée promettait
d’être douce et festive. Quoique,
« par rapport aux Forget et Leconte,
ils sont assez sérieux, les mecs »,
plaisantait Noah au micro de beIN,
la qualification à peine en poche.
Quatre balles de set sauvées
Un peu de sérénité, voilà qui
est toujours à prendre. Même si, il
faut bien en convenir, on n’en attendait pas moins. Depuis l’annonce
du forfait de Milos Raonic, récent
demi-finaliste de l’Open d’Australie, l’histoire semblait déjà écrite.
Sans compter celui de Daniel Nestor, pilier du double. Difficile dès
lors de tirer de vrais enseignements
de ce 3-0. Cela dit, la dernière fois
qu’on avait donné partie gagnée à la
France avant l’heure, en 2014 face à
une Allemagne B voire C, les choses
n’avaient pas été simples. Au soir des
simples, à 0-2, la crispation irriguait
les rangs. Noah avait alors envoyé un
SMS mobilisateur à Arnaud Clément
et la logique avait fini par prévaloir.
Cette fois, pas de frayeur.
Vendredi, Simon et Monfils ont tranquillement assuré. Le second, sous
les regards énamourés de Baie-Mahault, en a profité pour étirer sa série
d’invincibilité en Coupe Davis, qui
remonte à la finale 2010 (défaite face
à Djokovic). Devant Frank Dancevic
(245e mondial), le risque était il est
vrai limité. Hier, la paire TsongaGasquet a plié l’affaire avec moins
de maîtrise (7-6, 6-1, 7-6 face à Pospisil-Bester), mais en se montrant
Lavillenie plane
Avec une barre à 6,03 m en
salle à Jablonec (République
Tchèque), Renaud Lavillenie
s’est offert une nouvelle
meilleure performance
mondiale de la saison.
« Un bon signe avant
[les Mondiaux en salle de]
Portland », apprécie
le perchiste français.
soudée et consistante sur les points
importants. Comme sur ces quatre
balles de premier set sauvées, dont
trois de suite. Une fois libéré, le duo
a fait parler sa supériorité, même si
Tsonga ne s’est pas toujours montré saignant, notamment à la volée.
« Quand on voit le premier set, c’est
presque inespéré de gagner en trois »,
admettait Gasquet, seul homme sur
le court à ne pas avoir été breaké.
S’il faudra encore attendre
pour réellement juger de l’impact
de Noah, on peut déjà noter qu’il
n’a rien perdu de son exubérance,
quand bien même sa dernière campagne remontait à 1998. Pendant
deux jours, on l’aura vu serrer énergiquement le poing des dizaines de
Dave Brailsford :
CYCLISME À l’heure de retrouver
les routes françaises lors
de Paris-Nice, le manager de Sky
réclame la publication généralisée
des données de puissance,
sous l’égide de l’UCI
MICKAËL CARoN
Athlétisme
Sous les yeux de Noah, le double Gasquet-Tsonga a arr
@CARONJDD
Sept mois ont passé depuis le Tour
de France remporté pour la troisième fois par la formation britannique Sky. Pour Chris Froome, un
deuxième maillot jaune conquis
sous les crachats et l’urine lancés
par quelques spectateurs haineux à
l’égard d’une équipe qui a annihilé
le suspense après une seule semaine
de course. « Chris n’a jamais envisagé
de tourner le dos à la France et nous
non plus car c’est le cœur du cyclisme,
assure aujourd’hui son patron, Dave
Brailsford. Des individus ont com-
mis des actes stupides mais le Tour, ce
sont des millions de personnes. Nous
tenons compte du contexte global. »
À partir de ce matin, pour le
prologue de Paris-Nice à ConflansSainte-Honorine (Yvelines), Sky
retrouve les routes françaises et
se lance dans une opération de
séduction à l’égard des sceptiques.
« Peut-être qu’une partie du public ne
nous aime pas, reconnaît l’homme
fort du cyclisme britannique. Nous
sommes des passionnés mais on ne
le montre pas encore assez bien. Il
est possible d’être plus transparent
sur notre travail et nos méthodes
d’entraînement. »
Froome a montré l’exemple. Le
7 décembre dernier, il a révélé au
magazine américain Esquire ses
données de puissance pendant
la Grande Boucle, analysées par
sport | 43 *
jdd | 6 mars 2016
nouvelle saga
Noah au poste de capitaine. Les voilà en quart
face au Canada (3-0)
aché le dernier point pour l’équipe de France. Antoine CouverCelle/tennis MAgAzine/PAnorAMiC
fois, ou tapoter celui de ses ouailles
face à la Suisse, Noah goûte ce début
au changement de côté. Toujours
de reconquête. Sans pour autant se
jeune, Yannick. « J’ai encore le cœur
barder de certitudes. « On repart
renforcés. Je suis
qui bat pour ce jeu
que j’adore », dit-il.
tellement heureux
Les joueurs, « Je suis honoré
et honoré d’avoir
eux, sont déjà de la confiance des
été bien reçu par
conquis. Gasquet :
les gars qui m’ont
« C’était nouveau gars. Les liens sont
fait confiance. Les
et il y avait un peu maintenant créés »
liens sont mainted’appréhension.
nant créés. Mais
Noah c’était juste un 1er
L’avant-match a été
différent, les mots
tour, il ne faut pas
le sont aussi. Mais
trop en faire. » On
Yannick dégage un tel charisme… »
attend donc la suite. Ce sera miTsonga, plus imagé : « Il transforme
juillet. Soit face à l’Allemagne, soit
tout le négatif en positif. » Conscient
en République tchèque. La seconde
des mauvaises ondes qui entourent
option tient la corde, la bande à Berl’équipe, surtout depuis la finale 2014
dych menant 2-1 à Hanovre. g
BIATHLON Après son succès
avec le relais mixte, le Français
a remporté le sprint des
championnats du monde.
Prélude d’une semaine record ?
Entre souverains, on se comprend.
En s’adjugeant le sprint (10 km) des
championnats du monde, Martin
Fourcade a conquis le privilège
d’une brève rencontre avec le roi de
Norvège, Harald V, spectateur privilégié d’une compétition disputée
sur son sol. « Je lui ai dit que je voulais revenir le plus souvent possible.
Il m’a dit “oui, mais pas trop quand
même” », a plaisanté Fourcade,
parti pour gâcher les Mondiaux
des sujets de Sa Majesté Harald.
Déjà couronné avec le relais
mixte tricolore jeudi, le Français
a remporté, hier à Oslo, la première
des quatre épreuves individuelles.
« C’est génial, je suis super heureux,
apprécie-t-il. Je n’avais pas gagné
le sprint des Mondiaux depuis 2012.
Pour moi, c’est vraiment le meilleur
qui gagne cette course. C’est simple,
c’est rapide. »
À 27 ans, il a décroché son
huitième sacre mondial, égalant
son compatriote Raphaël Poirée.
Il ne rejoindra sans doute jamais
la légende Ole Einar Bjoerndalen,
19 titres, qui a pris, à 42 ans, la deuxième place, à près de 27 secondes
de l’or. « Fourcade est actuellement le meilleur car il gagne tous
les types de compétition, mais je
ne crois pas qu’il faille comparer
entre nos époques », a commenté
le Norvégien.
La poursuite, où Fourcade
s’élancera en tête aujourd’hui grâce
à son succès en sprint, le 20 km
jeudi et la mass start dimanche
prochain offriront néanmoins au
Français l’occasion d’un exploit
inédit : quatre titres, synonymes
de grand chelem sur les épreuves
La joie de Martin Fourcade après son 8e sacre mondial. JonAtHAn nACKstrAnD/AFP
Fourcade au top
individuelles. En 2012, Fourcade en
avait conquis trois, record partagé
avec Poirée (2004) et Bjoerndalen
(2005 et 2009). Le relais hommes,
samedi, peut encore enrichir sa
moisson.
Dorin-Habert en argent
Le Pyrénéen refuse d’évoquer
cette chasse au record, mais sa performance a parlé pour lui. Il a de
nouveau surclassé la concurrence,
confortant son ascendant psychologique. Preuve de sa confiance en
lui, il a été l’un des rares favoris à
décider de s’élancer dans le premier
groupe, alors que Norvégiens et Al-
lemands avaient choisi d’attendre
en espérant profiter d’une glisse
plus favorable. « Je voulais lancer
ma course, ne pas me poser trop de
questions, a-t-il justifié. Ce n’est pas
parce qu’on est aux championnats
du monde qu’il faut inventer des
choses. Le biathlon, c’est simple. Si
on tire dedans, la balle est dedans.
Si on pousse fort sur les bâtons, on
va vite. » Imparable.
Marie Dorin-Habert ne le démentira pas. Vainqueur avec lui
du relais mixte, elle a remporté
l’argent hier au sprint individuel,
à 15 secondes de la Norvégienne
Tiril Eckhoff. S.CO.
Hirscher dompte Pinturault
SKI ALPIN Ces deux-là ne se quittent
plus et ce n’est pas près de s’arrêter. À 27 et 24 ans, Marcel Hirscher
et Alexis Pinturault incarnent
non seulement le présent du ski
mondial, mais tracent aussi ses
perspectives. Hier, sur l’affiche
de Kranjska Gora, l’Autrichien et
le Français ont pris toute la place.
Sauf que la conjoncture a évolué :
alors que Pintu restait sur quatre
éclatants succès en géant, il s’est fait
doubler par celui qui reste le maître
de la discipline sur l’exercice. Rien
à regretter : ses deux manches ont
été remarquables d’engagement
(53 centièmes de retard au final).
Le record national de 15 victoires
en Coupe du monde, propriété de
Killy, attendra encore un peu.
En revanche, c’est la totale pour
Hirscher : un petit globe en géant,
donc, et surtout un cinquième gros
globe de cristal d’affilée. Qui c’est le
patron ? « Vu mes statistiques, c’est
ma meilleure saison. Mais c’est aussi
celle où j’ai le plus dû me battre, voire
me débattre. » La menace première
se nomme donc Pinturault, qui loue
« la régularité impressionnante de
Marcel, très souvent sur le podium
même quand il ne gagne pas, y compris en super-G. » Mais le Norvégien
Kristoffersen, deuxième du général
à seulement 21 ans, s’affirme un peu
plus. Il tentera même aujourd’hui
dans la station slovène de s’adjuger le petit globe de slalom. En
attendant, il se lève et applaudit :
« Hirscher et Pinturault sont sans
conteste les deux meilleurs coureurs
du monde du moment. » D.B.
« Il est possible d’être plus transparent »
des experts indépendants. Une
démarche totalement individuelle
mais qui a donné une idée à Brailsford : dévoiler les chiffres de puissance, en course et à l’entraînement,
tout au long de l’année. À une condition : ne pas être seul à le faire.
Dave Brailsford
et Christopher
Froome,
l’année
dernière
pendant
le Tour.
roDolPHe
Réunion avec Cookson la veille
de Milan-San Remo
Pour concrétiser son projet, il a
adressé un courrier à Brian Cookson, le président de l’Union cycliste
internationale (UCI). Rendez-vous
a été pris le 18 mars, à la veille de
Milan-San Remo. « Depuis 2012, on
m’a posé plus de questions sur les données de puissance qu’à n’importe quel
autre patron d’équipe. C’est un aspect
important de notre sport mais il ne
doit pas reposer sur une seule personne ni une seule formation, regrette
esCHer/
DivergenCe
Pour le JDD
Brailsford. L’UCI doit avoir un rôle
de régulateur et mettre en place, avec
la collaboration des équipes, le bon
protocole. » Qui pourrait prendre la
forme d’une publication périodique
émanant de l’instance.
L’ancien directeur de la performance à la fédération britannique
espère ensuite réunir tous les patrons d’équipe pour discuter d’un
accord. Il devine qu’il va se heurter à
des résistances de la part de ceux qui
craignent de révéler des informations cruciales à leurs concurrents.
Il anticipe : « Si tout le monde est logé
à la même enseigne, sous le contrôle
de l’UCI, ce sera une garantie et un
bond en avant. Il est temps de prendre
les choses en main. »
Brailsford prêche d’abord pour
sa paroisse car il est celui qui a le
plus à y gagner. L’an dernier, seule
l’équipe Sky a été pressée de questions, parfois véhémentes, sur la
puissance de Froome dans la montée
de la Pierre-Saint-Martin, où s’est
joué le Tour, comparable à celle de
coureurs convaincus de dopage dans
le passé. Il estime que si l’UCI fait
ses propres mesures et les diffuse
sitôt la fin de certaines épreuves ou
étapes de montagne critiques, « Cela
évitera que plein de gens essaient de
calculer les puissances, les watts,
de manière approximative. Toutes
ces estimations ne sont pas bonnes
pour le cyclisme. » Surtout quand
ces calculs concluent que certaines
performances, comme celles de
Froome, seraient surhumaines.
Depuis le début de l’année, l’UCI
a davantage porté son attention sur
un autre dossier prioritaire : les
vélos à moteur. Alors, en attendant qu’émerge un accord sur la
question épineuse des données
de puissance, Sky espère enlever
Paris-Nice pour la quatrième fois
en cinq ans. Après les succès de Bradley Wiggins (2012) et Richie Porte
(2013, 2015), c’est Geraint Thomas,
15e du Tour 2015, qui assumera le
rôle de leader. Pendant ce temps,
Froome se prépare en toute discrétion dans un camp d’entraînement
en Afrique du Sud. g
dimancheparis
jdd | 6 mars 2016
Place de la Bastille. photos dr
|i
Place de la Nation.
eXclusiF Le JDD dévoile les choix de la maire de Paris pour les sept lieux emblématiques
de la capitale qu’elle entend réaménager. Entre sobriété et solutions radicales
Sept places métamorphosées
Bertrand Gréco
S
ept d’un coup ! Comme dans
le conte des frères Grimm,
Anne Hidalgo a décidé de
s’attaquer à sept places parisiennes emblématiques d’ici
à 2020 – quand son prédécesseur,
Bertrand Delanoë, n’avait transformé que la place de la République.
Ainsi, parfois de manière spectaculaire, Bastille, Nation, Panthéon,
Italie, Madeleine, Gambetta et place
des Fêtes s’apprêtent à changer de
visage. Le JDD dévoile les choix de
réaménagement retenus par la maire
parmi différents scénarios envisagés lors de la phase de concertation.
Avec un leitmotiv : réduire la surface dévolue aux voitures, pour la
« rendre » aux piétons et cyclistes.
« Ils gagneront 50 % d’espaces en
moyenne », indique Christophe
Najdovski (EELV), l’adjoint chargé
de la voirie. L’entourage de l’édile
annonce « l’acte III » de ces places,
après leur conception, puis leur
« invasion par le tout-automobile ».
Malgré la radicalité de certaines
mues, le mot d’ordre reste la « sobriété ». Restrictions budgétaires
obligent, la maire n’a prévu qu’un
budget de 30 millions d’euros pour
les sept places, alors que la République reconfigurée en avait coûté
24 millions. « On n’est pas obligés de
faire une Rolls Royce à chaque fois,
admet dans un sourire Jean-Louis
Missika (apparenté PS), adjoint
chargé de l’urbanisme, qui précise :
« On ne va pas tout casser, ni utiliser
des matériaux onéreux. L’idée est de
faire des lieux de vie, agréables et
rééquilibrés, et pas seulement des
lieux de passage. Aujourd’hui, les
automobiles représentent 7 % des
déplacements et 77 % d’occupation
de l’espace public ! »
Fini donc les concours d’architectes internationaux et les travaux
pharaoniques. Des appels à candidatures seront lancés pour confier
ces chantiers à des collectifs regroupants architectes, urbanistes, paysagistes et médiateurs, qui feront de la
« coconception avec les habitants ».
Une règle sera appliquée partout : la
chaussée circulée ne devra jamais
dépasser 12 m de large, afin de permettre les traversées piétonnes en
un seul temps. Quant au trafic automobile, les ingénieurs de la direction
de la voirie et des déplacements de
la Ville assurent qu’il ne devrait pas
– ou peu – en pâtir. « Ces giratoires
sont aujourd’hui surdimensionnés.
Il n’y aura pas de reports de circulation », estime Christophe Najdovski.
À voir…
b Place
de la Bastille (4e-11e-12e)
Le scénario retenu pour cette
place de 140 m par 190 m consiste
à rattacher le socle de la colonne
de Juillet – qui porte Le Génie de
Agrandissement des espaces piétons
Zones de rencontre (circulation à 20 km/h)
Aires piétonnes (autorisées aux seuls bus et taxis)
Place du Panthéon.
Place d’Italie.
la Liberté – au bassin de l’Arsenal.
L’actuel rond-point est donc supprimé. Révolutionnaire ! Seule une
voie exclusivement réservée aux
bus, taxis et vélos traversera ce vaste
terre-plein piéton. Ce qui ne manquera pas de susciter l’ire des automobilistes. D’autant que les voies
de circulation restantes ne seront
pas mises en double sens comme à
République. En revanche, les rues de
Lyon et du Faubourg-Saint-Antoine
pourraient passer en sens unique,
avec bus à contresens. Quant aux
rues de la Roquette et de la Bastille,
elles seront limitées à 20 km/h. Sur
Passages piétons
Espaces à transformer (usages temporaires,
artistiques, ludiques…) avec du mobilier urbain
la place, plusieurs passages piétons
sont prévus, facilitant la traversée
est-ouest et la liaison avec le boulevard Richard-Lenoir au nord. Ainsi
que l’accès à la colonne et à la crypte,
qui doit ouvrir au public.
d’ailleurs leur apparition. Et deux
contre-allées, de part et d’autre de
la mairie du 13e, se transformeront
en « zones de rencontre », où les voitures ne peuvent rouler qu’au pas
(20 km/h), le long des commerces.
b Place de la nation (11e-12e)
Les 5 hectares (250 m de diamètre) de l’ancienne place du Trône
– puis du Trône-Renversé après la
Révolution – vont sentir le vent du
couperet. Le rond-point central
doit être considérablement élargi,
et végétalisé. Les huit files de circulation en giratoire (27 m de large)
passeront à quatre (12 m). « Largement suffisant », juge la mairie.
Une multitude de traversées piétonnes fleuriront pour accéder au
square central, sa statue colossale
(Le Triomphe de la République) et
ses talus engazonnés. En périphérie,
les terre-pleins seront également
végétalisés et toutes les contreallées transformées en « zones de
rencontre », avec circulation limitée à 20 km/h. Enfin, trois avenues
radiales – de Bouvines, du Bel-Air et
Dorian – doivent être piétonnisées à
l’intérieur de la place monumentale.
b Place de la Madeleine (8e)
Les études de report de trafic
n’étant pas bouclées, le choix n’est
pas encore définitivement arbitré
entre deux scénarios : soit deux files
de circulation sont maintenues de
chaque côté de l’église ; soit toutes
les voies latérales sont piétonnisées
(réservées aux seuls bus, taxis et
livraisons). Une solution radicale.
Quelques certitudes toutefois : les
contre-allées disparaîtront le long
des grilles, remplacées par des alignements d’arbres. Tous les trottoirs seront agrandis, ainsi que le
parvis au nord, vers Saint-Lazare, de
manière à accueillir des événements
temporaires. Et la place-monument
sera « désencombrée des mobiliers et
édicules inutiles ».
b Place du Panthéon (5e)
Le monument des grands
hommes sera « magnifié », grâce à la
disparition de 60 % des parkings qui
l’encerclent : 86 places de stationnement subsisteront côté immeubles ;
mais les 117 emplacements supprimés le long des grilles deviendront
une zone piétonne végétalisée. La
grogne se fait déjà entendre. « Ce
sera neutre, car les places supprimées
sont compensées par une offre de stationnement résidentiel excédentaire
en sous-sol », rétorque le cabinet
d’Anne Hidalgo. Autre changement :
la circulation automobile sera interdite – hormis pour les bus, taxis et
livraisons – sur le tronçon reliant les
rues Cujas et Valette, afin de créer
un parvis devant la bibliothèque
Sainte-Geneviève.
b Place d’italie (13e)
Au centre de ce cercle de 200 m
de diamètre, le square sera élargi
d’un anneau de 8 m, histoire de traverser à pied plus facilement. Trois
nouveaux passages piétons feront
b Place GaMBetta (20e)
L’ambition est de redonner à
cette place de 85 m de diamètre
son « caractère vivant et animé », en
élargissant tous les trottoirs périphériques, également végétalisés
et désencombrés. Les contre-allées,
limitées à 20 km/h, doivent être débarrassées des bus, puisque la rue
du Japon, derrière la mairie du 20e,
accueillera les terminus. Les rues
alentour (Gâtines, Malte-Brun, de
la Cour-des-Noues, du Cher) pourraient être réservées aux bus et taxis.
b Place des Fêtes (19e)
Le scénario choisi reprend les
principes approuvés lors de la votation de décembre 2014 : le cœur de la
place « rendu aux piétons » et végétalisé, l’éclairage amélioré, la pyramide
controversée supprimée, ainsi que
les circulations et stationnements
illicites liés au marché trihebdomadaire. Tout autour, l’ensemble de la
voirie sera réduit au profit des piétons, et les rues mises en zone 30. g
lejdd.fr Retrouvez le portfolio
des réaménagements prévus
pour les sept places
ii | paris
JDD | 6 mars 2016
La Seine fragilisée par le réchauffement
envIronneMent Le fleuve qui traverse Paris est non seulement menacé d’une crue géante mais aussi d’une diminution de 30 %
de son débit d’ici à la fin de siècle à cause des changements climatiques. Les autorités lancent un plan d’action
Hervé Guénot
Depuis des années, Paris vit sous
la menace de la fameuse crue centennale de la Seine, du type de celle
de 1910. Pour se préparer à cette
« inéluctable » montée des eaux qui
devrait inonder une grande partie
de l’Île-de-France, une simulation
grandeur nature est organisée à partir de demain (lire l’encadré). Mais un
autre risque, que l’on pourrait croire
antinomique, pèse sur le fleuve : son
débit pourrait baisser de 30 % ou
plus d’ici à la fin de siècle, à cause
du réchauffement climatique. Une
hypothèse prise très au sérieux par
les pouvoirs publics et les acteurs de
l’eau. Jean-François Carenco, préfet coordonnateur de bassin de la
Seine (également préfet de région),
et François Sauvadet (UDI)*, président du Comité de bassin SeineNormandie, viennent de lancer
l’élaboration d’un plan d’action.
Objectif : faire face, à long terme, à
ces modifications climatiques et à
leurs conséquences.
le plan de paris
face aU dérèglement
climatiqUe
Les berges de l’île de Puteaux (92), où sont amarrées de nombreuses péniches habitées. François renault/PhotononstoP
Photo M. Gibert, non contractuelle. Merci à Alain Cordier pour Hortus Gallery.com.
« traduction » au niveau français.
coulées de boue. « Cette baisse des
« À partir de modèles à l’échelle
Inondations
débits entraînerait aussi une polluet coulées de boue
tion accrue des eaux par une moindre
mondiale, les scientifiques font des
Les conséquences ? Avec la
dilution des rejets des Parisiens. Ainsi,
travaux de régionalisation ensuite
hausse des températures, une
à volume de pollution égal, avec un
utilisés pour effectuer des simulations
chute du débit des cours d’eau et
débit des eaux amoindri, la concentrahydrologiques au niveau local », préune aggravation des étiages (niveau
tion des pollutions sera plus élevée »,
cise Sarah Feuillette. À partir du 5e
le plus bas des eaux) impliquerait
souligne Sarah Feuillette, chef du
rapport du Giec, le climatologue
une diminution des nappes phréaservice prévisions et prospective à
Julien Boé, qui travaille au Cerfacs
tiques, une sécheresse des sols et
l’Agence de l’eau Seine-Normandie.
de Toulouse (Centre européen de
une augmentation de l’évaporation.
La base scientifique qui permet
recherche et de formation avancée
de tirer le signal d’alarme est issue
En hiver, les pluies fortes, plus fréen calcul scientifique), a tiré quatre
quentes et plus violentes, pourraient
des travaux du Groupe d’experts
scénarios hydrologiques pour le
intergouvernemental sur l’évoprovoquer des inondations locales
bassin de la Seine. « L’hypothèse la
climat
(Giec),
et duleur
par
entraînant
desHauteurlution
moins sévère, à + 2 °C de hausse
des
LE ruissellement,
JDD • Paris 3 • 148 x 150
mm • 1/4 de page
• FU • Q •du
Remise
le 03/03/2016
• Parution
06/03/2016
pgi • BAG
températures, entraînerait une baisse
de 10 % du débit annuel en été, et 5 %
en hiver. L’hypothèse la plus sévère
(+ 4 °C) donne une baisse de 30 % des
débits sur l’année », explique le chercheur du CNRS. L’hiver serait moins
bousculé. « En été, on enregistrerait
une diminution de 20 à 40 % suivant
les scénarios », ajoute-t-il.
Il convient toutefois de rester
prudent sur les projections de précipitations les plus extrêmes. S’agissant des modèles mondiaux, il est
difficile de modéliser la dynamique
des nuages. Et plus on descend à
une échelle régionale – la France,
le bassin Seine-Normandie –, plus
on cumule les incertitudes.
« Privilégier
les solutions naturelles »
Que faire pour éviter le scénario catastrophe ? Deux réponses.
L’une internationale : lutter contre
les émissions de gaz à effet de serre
(GES) et donc l’augmentation
des températures. L’autre locale :
prendre des dispositions d’adaptation à l’échelle du bassin. « L’objectif
de la COP21 – limiter à 2 °C la montée de températures d’ici à la fin de
siècle – est essentiel pour endiguer
la baisse des débits de la Seine », fait
valoir Sarah Feuillette. Quant aux
mesures à prendre à l’échelle du bassin, l’organisation se précise. François Sauvadet s’est officiellement
engagé lors de la COP21 à mettre
en place un plan d’adaptation : un
comité de pilotage a été désigné.
Le 31 mars, le Comité de bassin se
il se décline en qUatre axes.
1. Lutter contre la chaleur estivale
– quatre fois plus de jours à 30 °
d’ici à 2080 : ouvrir certains parcs et
jardins 24 h/24 pendant les
canicules, créer des « parcours
fraîcheur »... 2. S’adapter : renforcer
la présence de l’eau en ville –
miroirs d’eau, baignades –,
multiplier les végétalisations.
3. Accompagner les nouveaux
modes de vie : aménager les
horaires des équipements publics et
les conditions de travail, encourager
la solidarité envers les seniors...
4. veiller à l’approvisionnement
en eau potable. « Paris est bien
sécurisée, précise l’adjointe à la
maire Célia Blauel (EELV). Pour la
qualité, nous avons passé un accord
avec 137 agriculteurs du territoire de
La Vanne (Yonne) afin qu’ils
réduisent l’usage des intrants ou
mieux qu’ils se convertissent à
l’agriculture bio. Quelque 4.000 ha
sont déjà passés au bio. »
réunira pour lancer les travaux, à
partir de solutions éprouvées.
Pour éviter que des pluies diluviennes donnent lieu à des inondations, on peut opter pour l’infiltration de l’eau au droit de la parcelle,
limitant les ruissellements. On peut
également restaurer des haies en
milieu rural. Pour maîtriser les îlots
de chaleur urbains, il faut végétaliser
la ville. Ou encore réduire davantage
la pollution à la source pour limiter
d’autant sa concentration dans les
cours d’eau. Voire aider la flore et la
faune à s’adapter au réchauffement,
par exemple, en permettant aux
poissons de remonter vers des zones
plus fraîches. Planter des arbres au
bord des cours d’eau apporte de
l’ombre et atténue les montées de
températures. « Les scientifiques préconisent de privilégier les solutions
naturelles et de fuir les mesures dites
de “mal-adaptation” comme les climatiseurs pour lutter contre les îlots
de chaleur urbains, car ils utilisent
de l’énergie et produisent des GES »,
remarque Sarah Feuillette.
En fin d’année, les grandes lignes
de ce plan d’adaptation du bassin
Seine-Normandie devraient être
arrêtées. Il y a urgence, même si
l’enjeu porte sur le demi-siècle. g
* également député et président du
conseil départemental de Côte-d’or,
où la Seine prend sa source.
Une simUlation grandeUr natUre de la crUe dU siècle
PARIS 3e * • PARIS 12e * • PARIS 7e * • PARIS 14 e * • PARIS 17e * • ATHIS-MONS • COIGNIÈRES • DOMUS C. CIAL (1) /ROSNY-S/BOIS • HERBLAY/MONTIGNY-LES-C.(1)
ORGEVAL • SAINTE-GENEVIÈVE-DES-BOIS • SURESNES • VAL D’EUROPE C. CIAL/SERRIS • VERSAILLES*. (1) Magasin franchisé indépendant.
OUVERTURES EXCEPTIONNELLES LES DIMANCHES 6, 13 ET 20 MARS (sauf * ouverts uniquement les 13 et 20 mars).
le préfet d’Île-de-france et le
préfet de police de Paris organisent
dès demain et jusqu’au 18 mars
une « simulation grandeur nature »,
baptisée EU Sequana 2016, afin de
préparer la région aux risques d’une
inondation d’ampleur. Une crue
géante de la Seine est jugée
« inéluctable » par les autorités.
Dans un bassin de population qui
abrite 12 millions d’habitants, un
tiers de l’activité économique et les
principaux lieux de décision, les
dommages directs sont estimés à
30 milliards d’euros. Le PIB serait
impacté de 2 points. Soutenue
financièrement par la Commission
européenne, l’opération EU
Sequana 2016 va activer
90 opérateurs franciliens, publics
ou privés. Mené également
en Belgique, Espagne, Italie
et République tchèque, l’exercice
permettra de tester la coordination
des différents acteurs de la gestion
de crise, les chaînes
de commandement, les plans de
secours ou encore le déploiement
des moyens sur le terrain. Dans
le but de… limiter les dégâts. H.G
paris | iii
jdd | 6 mars 2016
Bonnes taBles
auréLie Chaigneau
la découverte de la semaine
u Mulinu, pur maquis
Du 100 % corse. À deux pas de la
gare d’Austerlitz et du Jardin des
Plantes siège U Mulinu, planque
parisienne de l’île de Beauté : cave
à vins, murs en pierres, petites
tables installées dans une salle
tout en longueur qui se termine
sur un bar et une pièce pour
les copains, quand ils ont envie
de chanter, voire de jouer un
morceau de guitare. Plutôt
entraînant. Dans les assiettes,
du corse pur maquis : un bon
velouté de potiron cuit à l’os
de prizuttu et brisures
de châtaignes (12 €)
et un carpaccio de coppa 6,5/10
au salinu, miel, tomme,
huile de noisette, roquette
(12,50 €). Ensuite, cap (Corse) sur
une cuisine des familles mijotée :
statufo de « veau tigre » aux olives
et pommes de terre fondantes
(23 €) ou encore des linguine
de langoustines et leur bisque
(24 €). Généreux et plein
de saveurs. Service aux petits
soins. Clientèle jeunette
et enjouée.
Escale corse
près du Jardin
des Plantes,
dans la cave
accueillante
d’U Mulinu.
U Mulinu, 28, boulevard de
l’Hôpital (5e). Fermé dimanche.
Tarifs : à la carte, 44 à 50 € (hb).
Tél. : 01 43 37 78 76.
Lewis JOLY
POUR Le JDD
Lewis JOLY POUR Le JDD
l’adresse du dimanche
retour chez…
Le Camion qui fume,
burgers en mezzanine
Attention, Le Camion qui fume,
le food truck qui distribue ses
burgers de compét’ aux quatre
coins de Paris, est entré dans un
mur. Celui d’un immeuble de la rue
Montmartre. C’est donc désormais
assis, dans un décor à l’américaine
sur deux niveaux, avec des néons
au plafond, le tout derrière
d’immenses baies vitrées, que l’on
peut donner libre cours à ses
envies carnivores. Pour cela, il vous
faudra affronter la longue file
d’attente d’addicts avant de vous
installer perchés sur la mezzanine.
Et à vous les burgers !
6,5/10
À manger avec les
doigts. Classique,
Barbecue, Bleu, Californie ou
même Végétarien… Les mêmes
que dans la rue, généreux, viande
juteuse, pain chaud… Et à chaque
fois servis avec frites maison,
coleslaw ou alors pour les
aventuriers, des chili cheese fries
au cheddar et crème fraîche.
Tout est bon dans le camion.
Le Camion qui fume, 168, rue
Montmartre (2e). Pas de réservation.
Tarifs : burger 8,90 € ; menus entre
10,90 et 14,90 €.
lecamionquifume.com.
Filakia,
à l’heure grecque
Le souvlaki, c’est le sandwich
en Grèce. Ici, il est à croquer
dans un décor épuré – pierres
apparentes et tables blanches
– plutôt… scandinave.
Qu’importe, à chacun
son souvlaki : agneau grillé
en brochette et crème d’olive
Kalamata (9 €) ; beignets
de courgette et féta aux herbes
(7 €) ; bifteki de bœuf haché,
cumin et oignon (9 €). Toujours
servi dans une pita avec
des petits légumes, du jus
de viande
et de la sauce
7/10
au yaourt. Tendre,
savoureux.
Du souvlaki cuisiné,
mijoté, réconfort.
À aimer avec des pommes
de terre confites au citron
ou alors des frites (3 €).
Sur place ou à emporter.
Et on embarque un cake citron
meringué pour son goûter.
Filakia, 9, rue Mandar (2e).
De 11 h 30 à 15 h et de 18 h 30
à 22 h 30 ; service continu le samedi ;
fermé le dimanche. Tarifs :
formules de 11,90 € à 15,90 €.
Tél. : 01 42 21 42 88.
iV | Paris | que faire aujourd’hui
JDD | 6 mars 2016
En famille
À l’extérieur
À l’intérieur
Plein air
CouP de Cœur
gratuit
dernier jour
Cortège festif
tatoués et ambianCe roCk
à vous Le Centre PomPidou !
trésors d’égyPte
parce que c’est le Carnaval des femmes et
que l’on peut défiler en costume de reine.
Le circuit effectue une boucle entre la place
du Châtelet et la place de l’Hôtel-de-Ville.
Place du Châtelet (1er), M° Châtelet.
De 13 h à 18 h. Gratuit.
carnaval-des-femmes.org
parce que c’est l’occasion de rencontrer
350 tatoueurs au Mondial du tatouage.
Concours, concerts, exposition de guitares
Fender et hommage au dessinateur Coyote.
parce que Beaubourg ouvre ses portes à
tous les publics. Pour écouter un concert live
face aux œuvres, investir les coursives du
musée et découvrir la vue sur Paris avec des
comédiens... Une journée exceptionnelle.
Centre Pompidou (4e), M° Rambuteau. De
11 h à 21 h. Gratuit. centrepompidou.fr
parce que l’on peut découvrir des trésors
engloutis dans la mer au VIIe siècle : statues,
instruments rituels et autres vestiges de la
cérémonie des mystères d’Osiris.
Institut du monde arabe (5e), M° Jussieu.
De 10 h à 20 h. Tarifs : 15,50 €,
10,50 € (réduit). imarabe.org
17e
Opéra rOck
Grande Halle de la Villette (19e), M° Portede-Pantin. De 11 h 30 à 19 h. Tarifs : 27 €,
18 € (réduit). mondialdutatouage.com
3e
Palais des Congrès,
M° Porte-Maillot.
Groupe phare de la scène metal
américaine, Dream Theater est
en tournée pour présenter son
dernier opus, The Astonishing,
un grandiloquent opéra rock
progressif.
À 18 h. Tarifs : de 52 € à 91 €.
viparis.com
Design et inventiOn
Musée des Arts et Métiers,
M° Arts-et-Métiers.
À travers une centaine d’objets
de notre quotidien, l’expo
« Inventions/Design » met en
lumière le rapport entre le travail
de l’inventeur et celui du
designer. De la simple ampoule
à des pièces plus étonnantes,
comme un drone dépollueur
des mers. Dernier jour.
8e
phOtOs De verDun
4e
Rond-Point des Champs-Élysées,
M° Champs-ElyséesClemenceau.
Dans le cadre du centenaire de la
bataille de Verdun, qui a marqué
la Première Guerre mondiale,
une exposition de travaux de
photographes contemporains sur
les lieux du champ de bataille
désormais pacifié.
24 h/24. Gratuit. centenaire.org
De 10 h à 18 h. Tarifs : 8 €,
5,50 € (réduit). arts-et-metiers.net
13e
Art ludique, M° Gare-d’Austerlitz.
Parce que le jeu vidéo est aussi une démarche
artistique, l’exposition « L’Art dans le jeu vidéo »
présente 800 œuvres de créateurs ayant participé
à l’élaboration de jeux. Esquisses, aquarelles,
tableaux animés, installations, etc. Dernier jour.
19e
De 10 h à 20 h. Tarifs : 15,50 €, 12,50 € (réduit).
artludique.com
15
JOnglage et électrO
Espace chapiteaux, la Villette,
M° Porte-de-la-Villette.
Rencontre entre le duo de jongleurs
du cirque Bang Bang et le groupe d’électro
Zombie Zombie. Ils ont créé ensemble
le spectacle Slow Futur, réflexion poétique
autour du temps et du mouvement dans
le cadre du festival Villette en cirques.
À 16 h. Tarifs : 20 €, 16 € (réduit). lavillette.com
la plus granDe ferme
De france
Parc des expositions,
M° Porte-de-Versailles.
Dernier jour pour aller à la rencontre
des 1.000 éleveurs et de leurs
2.500 bêtes au Salon
de l’agriculture. Les pratiques
citoyennes dans l’alimentation
et l’agriculture sont au cœur de cette
nouvelle édition.
12e
De 9 h à 19 h. Tarifs : 13 €,
6 € (– 12 ans). salon-agriculture.com
7e
affiches pOlitiques
Cour d’honneur des Invalides, M° Invalides.
Une sélection d’affiches des années 1970 aux années
1990 est présentée à l’exposition « Internationales
graphiques ». Plongée dans l’histoire politique
de la période (guerre du Vietnam, apartheid…) mise
en valeur par des illustrateurs de talent.
10, rue de Turenne,
M° Saint-Paul.
Nos aînées sont à l’honneur
à l’occasion de l’événement
I love my grand-mère. Ateliers
d’échanges de savoir-faire
intergénérationnel dans
les domaines de la cuisine, de la
mode, de la danse, de la déco,
etc. Également, une expo photo
de portraits de grands-mères.
De 14 h à 19 h. Gratuit.
ilovemagrandmere.fr
art et Jeu viDéO
e
vive les granDs-mères !
Danse hip-hOp
AccorHotels Arena, M° Bercy.
Les meilleurs danseurs de hip-hop
du monde entier s’affrontent lors
du concours Juste debout.
Des concurrents à suivre dans
les catégories hip-hop, house,
popping, locking, experimental
et dancehall.
À partir de 14 h. Tarif : 30 €.
juste-debout.com
5e
BrOcante
Place Jussieu, M° Jussieu.
Une centaine d’exposants en tout genre, professionnels
et particuliers, sont attendus pour une brocante place
Jussieu.
De 8 h à 18 h. Gratuit. francebraderie.com
De 10 h à 17 h. Tarifs : 5 €, 3 € (réduit).
internationalesgraphiques.tumblr.com
20e
Bal Brésilien
La Bellevilloise, M° Gambetta.
Soirée 100 % brésilienne. Pour commencer, un cour de
forró, puis un concert de samba jazz avec
le saxophoniste Ademir Junior. Enfin, place au bal
animé par un orchestre de musique forró suivi
d’un DJ set.
À 19 h. Tarif : 12 €. labellevilloise.com
en ÎLe-de-franCe
78
92
93
94
94
festival De cirque
a BOrD De l’Orient-express
éluarD et picassO
pique-nique artistique
viDe-greniers
À 11 h et 15 h 30. Tarifs : 12 €,
7 € (réduit). lesmureaux.fr
De 14 h 30 à 18 h 30. Gratuit. meudon.fr
De 14 h à 18 h 30. Tarifs : 5 €,
3 € (réduit). musee-saint-denis.com
De 12 h à 19 h. Tarifs : 5 €,
2,50 € (réduit). macval.fr
À partir de 8 h. Gratuit.
Parc du Sautour, Les Mureaux.
Fauves, éléphants, acrobates,
jongleurs et clowns au programme
des numéros du Festival
international du cirque des Mureaux.
Une quinzaine de troupes participent
à l’événement. Le tarif de la séance
de 15 h 30 est majoré de 2 €.
Centre d’art et de culture, Meudon.
Retour sur l’histoire
de l’Orient-Express. L’exposition
« De Meudon à Istanbul, l’épopée
de l’Orient-Express » raconte
l’histoire de ce train mythique
à travers une série d’objets
de collection, de photos, ainsi que la
reconstitution d’un wagon d’époque.
Musée d’Art et d’Histoire
de Saint-Denis.
L’exposition « Éluard/Picasso : une
amitié créatrice » revient sur la
relation amicale et artistique entre
l’écrivain et le plasticien. Créations
littéraires, portraits, cadavres exquis
et poèmes jalonnent le parcours.
MacVal, Vitry-sur-Seine.
Pour le dernier jour de l’exposition
« Seven Corridors », la création de
François Morellet, installée dans un
espace de 1.300 m², vous accueille
pour un pique-nique. À 15 h 30 et
17 h, performance théâtrale et
sonore.
Villejuif et Champigny-sur-Marne.
Deux vide-greniers d’importance
aujourd’hui dans le Val-de-Marne.
Quelque 400 exposants attendus
sur le parking de Carrefour, avenue
de Stalingrad, à Villejuif.
Également, 300 exposants au parc
du Tremblay, à
Champigny-sur-Marne.

Documents pareils

Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016

Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016 La ministre du Travail Myriam El Khomri prépare une loi, qui sera présentée en conseil des miL’exécutif planche nistres le 9 mars, notamment sur une exonération visant à réformer le Code de cotisat...

Plus en détail

Le Journal du Dimanche - 20 Decembre 2015 - entree

Le Journal du Dimanche - 20 Decembre 2015 - entree ils n’embauchent pas, ils formulent toujours les mêmes réponses : il faut agir en sécurisant les ruptures de contrats de travail, donc en levant la peur d’embaucher. Les séparations doivent être pl...

Plus en détail