Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016

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Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016
www.lejdd.fr I 10 janvier 2016 I N° 3600 I 2 € (JDD + Version Femina)
« Sur l’alcool, la loi Santé est un échec »
Les accusations de l’ancien ministre Claude évin
Goutte-d’or
Pages 14-15
Les
étranges
voyages du
mystérieux
terroriste
Page 12
Plan EmPloi
M 00851 - 3600 - F: 2,00 E
3’:HIKKSF=VUWUUU:?n@g@a@a@k";
La lettre ouverte
des patrons
au Président
Exclusif JDD b SoS chômage : les grandes
organisations de chefs d’entreprise réclament
« une loi d’urgence audacieuse » et un nouveau
contrat de travail plus souple
Pages 2-3
François Hollande, jeudi, à Paris. Martin Bureau/aFP
NoAh BERgER / AFP
JEAN-PAUL PELISSIER PoUR LE JDD
WANg gANg/SIPA ASIA/SIPA
gERARD JULIEN/AFP
Christian Estrosi
Emmanuel macron
Crise chinoise
Zinédine Zidane
Pages 6-7
Page 17
Page 18
Page 36
Favorable à
« la déchéance
pour tous »
France métropolitaine : 2 €
Représentant
à Las Vegas
de la French Tech
Cette fièvre
est-elle
contagieuse ?
Début royal
à la tête de
la Maison blanche
2|
L’événement
jdd | 10 janvier 2016
EXCLUSIF Le JDD publie la lettre ouverte au chef de l’État des grands dirigeants
de société. Ils appellent à « une mobilisation générale » pour l’emploi
Les patrons pressent Hollande d’agir
C
NICoLaS PrISSEttE
@NicolasPri7
’est la dernière chance. Il reste une
semaine. François Hollande doit
livrer le 18 janvier l’ultime plan
pour l’emploi de son quinquennat.
Au moment où l’Élysée planche
sur les arbitrages, les principales organisations
de chefs d’entreprise lui adressent une lettre
ouverte que le JDD publie en exclusivité.
Les patrons proposent des mesures
d’urgence, ils en appellent au soutien de
« l’ensemble des partis politiques » et à « une
mobilisation générale » dans un esprit d’unité
nationale. Cette initiative rare unit le Medef,
l’Association française des entreprises pri-
vées (Afep), qui compte les 115 plus grandes
multinationales du pays, CroissancePlus,
Ethic, EDC (patronat chrétien), le Cercle de
l’industrie et le Mouvement des entreprises
de taille intermédiaire.
Réforme du contrat de travail, suppression
des charges dans les petites sociétés, autoentreprise… Les signataires – qui représentent la
majeure partie de l’économie française – ont
ciblé cinq propositions, « un socle minimal »,
selon eux, touchant à l’embauche et au coût du
travail. Ils espèrent que le chef de l’État ne se
bornera pas à des effets d’annonce. « Hollande
a promis un plan, mais il y a un risque de se
retrouver avec des mesurettes. Il n’y aura pas
d’autre occasion d’agir en profondeur avant
2017 », pointe un haut responsable patronal.
La batterie de mesures ne devrait pas susciter d’opposition à droite, où l’on préconise en
outre de revoir les 35 heures et de supprimer
les seuils sociaux. À gauche, le PS n’a pas cessé
depuis 2012 de dénoncer « une surenchère
patronale ». Parmi les dispositifs, la création
d’un « contrat de travail agile » est le plus sensible. Les syndicats y sont hostiles. Par le passé,
le gouvernement a retoqué cette mesure. La
promotion de « nouvelles formes d’activités
indépendantes » fait aussi débat. Les signataires de la lettre ouverte devraient rencontrer
un écho plus favorable sur d’autres points :
la suppression de cotisations patronales et
l’instauration d’un barème aux prud’hommes.
À seize mois de l’élection présidentielle,
François Hollande s’apprête à prendre les
dernières mesures dont l’efficacité sera
visible, ou pas, avant le scrutin de 2017. Le
président de la République en a tracé les
grandes lignes lors de ses vœux à la télévision. Il espère enfin l’inversion de la courbe
du chômage, dont il a fait une condition de
sa candidature.
Le nombre de demandeurs d’emploi peine
à décroître malgré les dispositifs déjà pris,
notamment le pacte de responsabilité, et en
dépit d’une conjoncture très favorable sur les
prix du pétrole, le dollar et les taux d’intérêt.
Selon l’Insee, le taux de chômage reculerait
seulement de 0,1 % d’ici à fin juin. g
Ce que prépare
le Président
FRANÇOIS HOLLANDE a dévoilé une partie de ses mesures pour
l’emploi lors de ses vœux télévisés.
Leur mise en œuvre reste à préciser.
b 500.000 FormatIoNS
PoUr LES ChômEUrS
Les organismes de formation ont reçu l’an dernier environ
680.000 chômeurs, inscrits ou non
à Pôle emploi. François Hollande
veut en former 500.000 supplémentaires. Il a demandé à Bercy
de dégager l’enveloppe nécessaire
au financement, sachant que les
Régions – qui payent la moitié des
formations – devraient aussi être
sollicitées. Xavier Bertrand (NordPicardie), reçu par Manuel Valls
jeudi, a obtenu qu’elles pilotent
par expérimentation la politique
de Pôle emploi.
En moyenne, plus d’un chômeur
formé sur deux retrouve un poste
dans les six mois, contre un sur trois
en l’absence de formation. Mais rien
ne dit que les organismes formateurs
soient en capacité d’accueillir une
hausse de 71 %
des effectifs. Tout
en saluant cette
initiative, les experts du patronat
n’y croient pas,
et le président
du Sénat Gérard
Larcher (LR), fin
connaisseur du
système, non plus.
Au contraire, Yvan
Ricordeau, le « M.
Formation » de
la CFDT, estime
qu’il est possible
d’atteindre l’objectif présidentiel à condition que
tous les organismes se mobilisent
au maximum.
mentaires, formation… soit environ
10 % de la feuille de paie. L’État les
prendrait à son compte, pour tout
ou partie, dans une durée qui reste
à préciser.
b aPPrENtISSagE
Le gouvernement entend donner
un coup d’accélérateur à l’apprentissage, dont les effectifs ont interrompu leur chute l’an dernier. L’idée est
d’élargir l’accès aux 120 formations
en entreprise, peu connues, appelées
« titres du ministère du Travail », qui
se distinguent des lycées professionnels et des organismes, et sont gérées
par les partenaires sociaux. Cette
filière qui accueille 100.000 jeunes
de moins de 26 ans par an sera rendue accessible à tout moment de
l’année, de sorte que les élèves sortis
du système scolaire sans diplôme à
l’été puissent l’intégrer sans devoir
attendre la rentrée suivante.
b LoI EL KhomrI
La ministre du Travail Myriam
El Khomri prépare une loi, qui
sera présentée en
conseil des miL’exécutif planche nistres le 9 mars,
notamment
sur une exonération visant
à réformer le Code
de cotisations
du travail. Son
texte va surtout
patronales pour
rationnaliser les
l’embauche d’un
négociations entre
salarié par une très patronat et syndicats au niveau des
petite entreprise
entreprises et des
branches. Mais il
à un salaire
touchera aussi aux
proche du smic
125 pages régissant le temps de
travail (35 heures
et congés). Les partenaires sociaux
seront autorisés à mettre en œuvre
de nouveaux assouplissements.
Jusqu’où ? Le gouvernement n’a
b EXoNératIoN dE ChargES
pas donné de détails.
L’exécutif planche sur une exoCette loi doit également fixer
nération de cotisations patronales
un barème aux indemnités dues
pour l’embauche d’un salarié par
par les employeurs condamnés aux
une très petite entreprise à un saPrud’hommes pour licenciement
laire proche du smic. Le dispositif
abusif. Cette mesure, attendue
actuel d’allègement de charges a
par les chefs d’entreprise, figurait
certes éliminé les cotisations à la
dans la loi Macron, mais le Conseil
Sécurité sociale sur les plus bas
constitutionnel l’a censurée car le
salaires, mais il reste des versements
dispositif établissait un distinguo –
obligatoires à d’autres caisses : assuinterdit – entre petites et grandes
rance-chômage, retraites complésociétés. g
Le Premier ministre, Manuel Valls, et la ministre du Travail, Myriam El Khomri, après une réunion à l’Élysée. CHAMUSSY/SIPA
Valls contre-attaque
Au MILIEu d’une séquence
houleuse sur la déchéance de
nationalité, Manuel Valls entame
une série de rendez-vous économiques et sociaux. Le Premier
ministre entend reprendre son
leadership réformiste là où Emmanuel Macron a pris la lumière.
Il reçoit demain à Matignon, avec
Myriam El Khomri, les syndicats et le patronat au cours d’une
journée marathon pour recueillir
leurs idées en matière d’emploi,
une semaine avant le discours de
François Hollande.
Le chef du gouvernement
devrait confier à sa jeune ministre
du Travail les mesures sociales ini-
tialement prévues dans la loi « Macron 2 » – texte qui n’est plus assuré
de voir le jour. une mesure de précaution, dit-on au sein de l’exécutif, sachant que, le cas échéant, le
gouvernement ne pourra utiliser le
49-3 qu’une seule fois d’ici à juillet
pour le faire passer.
Le Premier ministre va passer
deux jours à Davos
Manuel Valls va occuper le
terrain. Il recevra jeudi trois présidents de région pour négocier
leur financement du futur plan
de formation des chômeurs. Vendredi, il inaugurera la nouvelle
usine d’huile Lesieur à Bassens,
près de Bordeaux, accompagné de
Stéphane Le Foll et d’Alain Juppé.
Le géant agroalimentaire Avril (exSofiprotéol) y a investi 31 millions
d’euros. Le président du groupe
n’est autre que Xavier Beulin,
patron de la FNSEA, le syndicat
majoritaire des agriculteurs.
Point d’orgue, il se rendra les 20
et 21 janvier au forum de Davos, en
Suisse, considéré à la gauche du PS
comme un temple du libéralisme.
Deux jours, une première pour un
chef de gouvernement français. Le
cabinet du ministre de l’Économie
envisage aussi un déplacement
dans les Grisons.
N.P. avec Marie Nicot
Macron-Gattaz, l’escapade américaine
MERCREDI SOIR à Las Vegas,
Pierre Gattaz entame son discours
au salon mondial de la high-tech
par un « France is back ! ». Quelques
instants plus tard, Emmanuel
Macron lui succède au micro et
lance la même phrase. Le patron
du Medef et le ministre de l’Économie ont affiché une image d’unité
cette semaine aux États-unis, où
ils se sont retrouvés dans la capitale du jeu puis en Californie.
«L’idée, c’est de montrer la
France unie. Tout le monde a parfaitement joué le jeu», confie Macron à
la fin du séjour. « L’équipe de France
joue ensemble, les entrepreneurs que
je représente et Emmanuel Macron
au nom du gouvernement, renchérit
Gattaz. C’est le message que nous
avons passé aux Américains, qui y
sont très sensibles. Mais attention,
il ne faut pas les décevoir. »
Un brunch dans la Silicon valley
Les deux hommes se sont longuement parlé vendredi après un
brunch organisé dans un grand
hôtel de la Silicon Valley avec des
investisseurs en capital-risque. Le
président du Medef a plaidé discrètement auprès du ministre, qu’il
apprécie, en faveur de ses revendications pour l’emploi. Ils se sont
revus à la réception avec la communauté française à la résidence de
France de San Francisco – où s’est
rendue Ségolène Royal – et enfin
lors d’un dîner offert par John
Chambers, le patron de l’équipementier informatique Cisco. Ils
ont été « très complémentaires,
consensuels, une vraie opération
de charme qui a fonctionné auprès
des investisseurs », témoigne le
sénateur-maire d’Angers Christophe Béchu (LR). Cette nuit, ils
devaient reprendre le même vol
pour Paris. Emmanuel Macron
met la dernière main à ses mesures
pour doper l’activité économique,
qu’il promet de présenter bientôt,
quel que soit leur aiguillage législatif ou réglementaire. N.P.
l’événement | 3
jdd | 10 janvier 2016
Laurent Bataille, président
des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens
Stanislas de Bentzmann, président
de CroissancePlus
élizabeth Ducottet,
coprésidente du Meti
Pierre Gattaz,
président du Medef
Sophie de Menthon,
présidente d’Ethic
Philippe d’Ornano,
coprésident du Meti
Pierre Pringuet, président de l’Association
française des entreprises privées
Philippe Varin,
président du Cercle de l’industrie
« Faciliter
la création
d’emplois exige
de passer d’une
“gestion sociale
du chômage”
à une “politique
économique
pour l’emploi” »
Photos : Francois BoUchon ; haMiLton/
rEa ; V. isorE/iP3 ; r. MEiGnEUX/siPa ;
iBo/siPa ; t. PadiLLa/MaXPPP
« Pour un plan d’urgence audacieux pour l’emploi »
L
es entreprises de toutes
tailles et de tous secteurs
appellent à des mesures
d’urgence pour l’emploi, adoptées en procédure d’urgence,
afin de débloquer l’embauche.
Ces mesures, appelées par l’ensemble du monde économique
et soutenues par l’ensemble des
partis politiques signeraient enfin
la mobilisation générale contre le
chômage.
La situation actuelle reste celle
d’une dégradation continue sur
le front de l’emploi. Tant que les
mesures nécessaires ne seront
pas prises pour lever les freins à
l’embauche, les chiffres du chômage resteront à la peine. Faciliter la création d’emplois exige de
passer d’une « gestion sociale du
chômage » à une « politique économique pour l’emploi ».
Nous demandons en conséquence l’adoption d’une loi d’urgence, permettant de mettre en
œuvre dès le premier trimestre
2016 plusieurs mesures essentielles, qui constitueraient au
travers d’un premier train de
mesures un socle minimal pour
débloquer la situation de l’emploi :
Une sécurisation pour un
contrat de travail agile, prévoyant un plafonnement des indemnités prud’homales lié à l’ancienneté du salarié, et des motifs
de rupture liés à la situation de
l’entreprise ou la réalisation d’un
projet ;
Une exonération totale de
cotisations sociales patronales
durant deux ans pour toute nouvelle embauche dans les petites
entreprises ;
Une exonération sociale totale
pour tout recours à un alternant (apprenti ou contrat de professionnalisation) ;
Des dispositions facilitant
l’embauche de chômeurs de
longue durée ou de personnes éloignées de l’emploi en s’inspirant
des expérimentations en cours et
combinant formation et abondement par des aides sociales pour
alléger le coût pour l’entreprise ;
Une facilitation des nouvelles
formes d’activité indépendante.
1
2
3
4
5
moyen et long terme, en passant
Nous considérons que le coût
de ces mesures sera largement
notamment par un assainissement
compensé par les économies sur
des finances publiques, sans pénales comptes sociaux grâce à la
liser l’investissement, et par une
montée en compétence des nouréduction du chômage résultant
de leur mise en œuvre.
velles générations, seuls gages
Plus largement, les entreprises
d’un rétablissement durable de
souhaitent qu’il puisse être fait
la compétitivité.
recours à l’expérimentation, pour
Coût du travail, fiscalité et
être en mesure de démontrer les
complexité constituent encore des
effets concrets
obstacles majeurs
des mesures susà la compétitivité,
ceptibles de créer « Ces mesures
malgré les efforts
de l’emploi.
engagés via le
signeraient enfin
La politique
Pacte de responéconomique de la mobilisation
sabilité. Les lois
la France doit générale contre
en préparation
plus que jamais
sur le droit du
travail et sur les
s’appuyer sur les le chômage »
entreprises, en
nouvelles opporcréant les conditunités éconotions de leur commiques, ainsi que
pétitivité, de leur agilité, et plus
la prochaine négociation sur
l’assurance chômage, devront
globalement d’une confiance dans
l’avenir. C’est ainsi que notre pays
contribuer à lever ces obstacles,
retrouvera une véritable dynaà l’inverse de ce qui vient de se
mique d’emploi, d’entrepreneuriat
passer avec la pénibilité. Notre
sous toutes ses formes, d’invesconviction profonde est que notre
tissement et de croissance. Cette
pays a un potentiel fabuleux :
politique doit se développer à
une capacité à innover, inventer
le futur, se projeter, prendre des
risques, se réinventer…
Par cette lettre ouverte, nous
affirmons notre volonté de relancer l’emploi dans notre pays, pour
redonner espoir à l’ensemble de
nos concitoyens. Nous appelons
tous les partis politiques à soutenir
ce plan d’urgence pour l’emploi,
pour permettre aux entrepreneurs
de se consacrer au développement
de leur entreprise, créant par là
même activité et emploi.
Au-delà de ces mesures d’urgence, les organisations signataires décident de mettre en
place un travail collectif durable,
en développant des propositions
communes, et en apportant au
débat public leurs analyses.
Pierre Pringuet, président de l’Afep ;
Stanislas de Bentzmann, président de
CroissancePlus ; Philippe Varin, président du Cercle de l’industrie ; Laurent
Bataille, président des EDC ; Sophie de
Menthon, présidente d’Ethic ; Pierre
Gattaz, président du Medef ; Elizabeth
Ducottet et Philippe d’Ornano, coprésidents du Mouvement des entreprises de
taille intermédiaire (Meti).
Un contrat de travail « agile » qui attise les débats
Marie Nicot
@marie_nicot
La lettre ouverte à François
Hollande des organisations de
chefs d’entreprise (voir ci-dessus)
relance l’idée du contrat de travail
« sécurisé », une revendication
de longue date du patronat. Il
s’agit d’y inscrire au moment de
l’embauche les motifs éventuels
de rupture.
À condition qu’une clause
le prévoie, le salarié pourrait
être licencié si, par exemple, le
chiffre d’affaires de l’entreprise
est en baisse ou s’il ne remplit
pas certains objectifs. Comme
si, avant leur mariage, les futurs
époux fixaient les causes d’un
divorce.
Cette proposition répond,
dans l’esprit de ses promoteurs,
au besoin de lever « la peur de
l’embauche ». En prévoyant les
modalités individuelles de rupture du contrat, l’employeur
s’éviterait une source d’imbroglios longs et coûteux aux
prud’hommes. Pierre Gattaz,
comme son homologue de la
CGPME, François Asselin, estime que le risque de contentieux
bloque les créations d’emplois.
« Le CDI aménagé facilitera
le recrutement »
« La peur des procédures aux
prud’hommes tétanise les chefs
d’entreprise », confirme Augustin
Landier, professeur d’économie
à l’école de Toulouse. « Ce CDI
aménagé éliminera les risques liés
aux licenciements. Par ricochet,
il facilitera le recrutement ou la
conversion de CDD en engagement
de longue durée. Le dirigeant pourra conserver les jeunes talents. »
Mais cette initiative divise.
Outre les syndicats, qui y sont très
hostiles, économistes et experts
du droit social ne sont pas tous
convaincus de son bien-fondé.
Gilbert Cette, économiste à l’université Aix-Marseille, est contre
si elle est limitée au niveau de
l’entreprise : « Le CDI sécurisé est
une proposition aberrante. Quel
est le pouvoir de négociation d’un
candidat à un poste qui discute seul
face à l’employeur ? La relation est
déséquilibrée. On peut s’interroger si les législations française et
européenne autoriseraient une telle
relation contractuelle. »
« Un marqueur idéologique
du patronat »
Coauteur avec Jacques Barthélémy de Réformer le droit du travail
(Odile Jacob), il préconise d’autres
pistes : « Clauses et motifs de licenciement devraient être définis par
les partenaires sociaux au niveau de
la branche ou d’une société. Ces discussions doivent être collectives. »
Gilbert Cette recommande surtout
l’arbitrage pour régler les conflits
et une refonte des prud’hommes
avec l’intégration de magistrats
professionnels. Proche du terrain,
Jean-Paul Charlez, président de
l’association nationale des DRH,
estime que « le contrat sécurisé
peut convenir à certains cadres,
qui discutent déjà leurs conditions
de départ au moment du recrutement. Mais ce sont des exceptions.
Un salarié a besoin de sécurité et
de confiance. Il ne peut travailler sous la menace d’une épée de
Damoclès. »
Un avis partagé par Philippe
Ravisy, avocat au cabinet Astaé,
spécialisé en droit du travail : « La
loi permet déjà de licencier lorsque
la performance n’est pas au rendez-vous. » Au sein de l’exécutif,
on y voit « un marqueur idéologique du patronat et une source
de contentieux ». g
4 | instantanés
JDD | 10 janvier 2016
Les indiscrets
Le top 5 twitter
copé fait son mea culpa
« L’excès de confiance, c’est le pire ennemi qui soit. » C’est
l’étonnante confession de Jean-François Copé sur Le Divan de
Marc-Olivier Fogiel (France 3, le 19 janvier). Pendant soixante-dix
minutes, Copé aborde tous les sujets, de son éviction de la
présidence de l’UMP à sa guerre contre Fillon en passant par
l’affaire Bygmalion. « En perdant tout, j’ai retrouvé la liberté »,
assure-t-il. Après dix-huit mois de silence imposé, « on ne peut pas
revenir pareil ». Les bonnes feuilles de son livre Le Sursaut français
(Stock) seront publiées jeudi dans l’hebdo droitier Valeurs
actuelles. Tout un programme avant la primaire républicaine.
1 Patrick Pelloux, médecin urgentiste
un syrien à l’Élysée
Le coordinateur de l’opposition syrienne à la
table des négociations, Riad Hijab, sera reçu
demain au Quai d’Orsay puis à l’Élysée par
François Hollande en personne. Cet ancien
Premier ministre de Bachar El-Assad a fait
défection en 2012. « Il n’a pas un charisme
foudroyant mais il est crédible », estime un
diplomate français. La première séance de
négociations avec des représentants du régime
syrien est prévue le 25 janvier à Genève.
Larcher, le dialogue
constitutionnel
Le Drian lance
l’offensive turque
Mardi à Ankara, Jean-Yves Le Drian a plaidé
la cause du système de défense sol-air
Eurosam (Thales et MBDA) pour équiper
l’armée turque. Le contrat est évalué à
3 milliards d’euros. « Sur cet appel d’offres,
les Chinois ont été retoqués, le champ est
ouvert pour nous », confie une source proche
des discussions. En froid avec la Russie et les
États-Unis, la Turquie « se cherche de
nouveaux amis ».
Après avoir présenté ses vœux à la presse,
François Fillon s’adressera mardi à ses soutiens
via Facebook, avant de lancer officiellement
son nouveau site de candidat : fillon2017.fr,
« à la pointe de la technologie et à forte dimension participative » selon son entourage. Il a été
conçu à l’aide du logiciel NationBuilder, un outil
utilisé par Obama en 2008 et qui permet de
mieux identifier et mobiliser les électeurs potentiels sur le terrain. Toutes les propositions formulées par François Fillon à ce jour seront consultables, ouvertes au vote et aux commentaires.
Manuel Valls reçoit
les principaux
leaders syndicaux
et patronaux à
Matignon pour
discuter du nouveau plan
pour l’emploi. g Procès de
l’affaire Nóos, à Palma de
Majorque (Espagne), où
l’infante Cristina (photo),
sœur du roi d’Espagne, et
son mari, Iñaki Urdangarin,
comparaissent pour
corruption politique.
à l’âge de 69 ans. La veille de son
enterrement, sa belle-fille, Pauline
Delpech, écrivaine et actrice,
lui a rendu un dernier hommage.
@paulinedelpech
À demain, mon si beau père.
4 L’animateur et médecin
Michel Cymes est touché :
il a fait directement son entrée
à la 9e place du classement des
personnalités préférées des Français.
@michelcymes
Derrière le déconneur se cache un
hypersensible très ému par une telle
marque d’affection. Sincèrement. #JDD
#cayestjeparledemoiala3emepers
5 Le président mexicain, Enrique Peña
Jean-Luc Barré plaide pour Jérôme cahuzac
Nieto, a annoncé vendredi sur
Twitter l’arrestation du narcotrafiquant
le plus recherché du pays,
Joaquín Guzmán dit « el Chapo ».
@EPN
Mission accomplie : nous l’avons eu.
Je veux informer les Mexicains que
Joaquín Guzmán Loera a été arrêté.
Il fut son adversaire politique à Villeneuve-sur-Lot avant de devenir son confident. Jean-Luc
Barré, biographe de Chirac et de Mauriac, publie chez Fayard le 25 janvier Dissimulations, un
ouvrage très attendu sur l’affaire Cahuzac. Nourri de nombreuses confidences de Jérôme Cahuzac, le livre suggère que le compte caché à l’étranger aurait pu trouver son origine dans des
financements politiques, notamment des réseaux rocardiens. « J’ai menti pour sauver ma vie,
mais aussi par devoir, par nécessité politique », assure l’ancien ministre du Budget, relançant les
spéculations sur ce que savait vraiment François Hollande. Barré détaille également le rôle de
Patricia Cahuzac dans la chute de son ex-mari. HaNNaH assoUliNE/oPalE/lEEMaGE ; BERNaRd BissoN/Jdd
un nouveau
porte-parole
pour Juppé
Elle avait commencé en janvier à
l’Olympia son Aimons-nous les
uns les autres avant de s’installer
pendant six mois sur la scène de
l’Alhambra. Ce soir, à 21 heures,
Anne Roumanoff jouera une dernière fois dans cette salle proche
du canal Saint-Martin son show
qui fait rire sur le mariage gay, le
FN ou la phobie administrative.
L’intégralité de la dernière recette sera reversée aux Pièces
jaunes.
du député européen
Aymeric Chauprade pour
provocation à la haine
envers les musulmans.
g Festival international
du film de comédie
à l’Alpe-d’Huez.
Mardi
Mercredi
Jeudi
Barack Obama prononce
son dernier discours sur
l’état de l’Union devant le
Congrès américain.
g Le tribunal de Bordeaux
rend son jugement dans
Délibéré du procès
Guérini-Ciot pour
détournement de fonds
publics et recel de
détournement, à Aixen-Provence. g Procès
François Hollande et JeanYves Le Drian présentent
leurs vœux aux armées, à
Coëtquidan (Morbihan).
g L’Agence mondiale
antidopage (AMA) publie
du Ballon d’or
à Zurich.
g Ouverture du
Salon international
de l’automobile de
Détroit (États-Unis).
tendances de recherches du 1er au
7 janvier (plus fortes progressions)
Tous les sujets
France
Personnalités
politiques
1. Michel Delpech
2. Zinédine
Zidane
3. Euro 2016
4. Thierry
Lhermitte
5. PlayStation
Network
1. François
Hollande
2. Nicolas
Sarkozy
3. Marine Le Pen
4. Manuel Valls
5. Emmanuel
Macron
Nos classements et analyses sur lejdd.fr
retrouvez à suivre cette semaine ce matin entre 6 h et 10 h dans Week-end Première sur
le volet des écoutes de
l’affaire Bettencourt.
g Inhumation de Michel
Galabru au cimetière
Montmartre après une
cérémonie à l’église SaintRoch, à Paris.
g Cérémonie de remise
Le top 5 Google
ce soir, roumanoff joue
pour les Pièces jaunes
Le jeune sénateur-maire LR
d’Angers, Christophe Béchu,
41 ans, va figurer parmi les
porte-parole d’Alain Juppé
pour la primaire de la
droite et du centre aux
côtés de Benoist Apparu
et d’Édouard Philippe.
Béchu avait annoncé son
ralliement à l’ancien premier
ministre l’an passé.
à suivre cette semaine
Lundi
2 Michel Delpech est mort le 2 janvier,
3 La disparition lundi à 93 ans de
l’acteur Michel Galabru a également
suscité de nombreuses réactions,
parmi lesquelles celle de la
gendarmerie nationale en souvenir
de son célèbre rôle.
@Gendarmerie
#Hommage à Michel #Galabru :
#CoupDeKépi
au dernier
gendarme de
Saint-Tropez !
#ILoveLesGendarmes
Le président du Sénat, Gérard Larcher, doit procéder à une nomination au Conseil constitutionnel aux côtés de celles de François Hollande
et de Claude Bartolone. Il espère un dialogue
constructif avec le président de la République
et celui de l’Assemblée afin d’équilibrer les
nominations entre politiques et juristes.
Fillon,
la campagne geek
et collaborateur de Charlie Hebdo,
est revenu mercredi sur l’attentat
du 7 janvier 2015.
@PatrickPelloux
Putain y a un an
Nicolas MaRQUEs PoUR lE Jdd ; ViNcENt isoRE/iP3/MaXPPP ; PJB/siPa ; aloNso M GaMERo/EFE/siPa ; MEl EVaNs/aP/siPa
la deuxième partie de son
rapport sur le dopage dans
l’athlétisme. g Ouverture
du procès de l’acteur
américain Bill Cosby
(photo) pour agression
sexuelle, à Philadelphie.
g Annonce des
nominations aux Oscars
du cinéma.
Vendredi
Procès de Samir
Bouabout, en
fuite, soupçonné
d’avoir projeté de faire
le djihad en 2012 avec
Samy Amimour, l’un des
kamikazes du Bataclan. g
Début des championnats
d’Europe de handball
masculin en Pologne.
Samedi
Élections présidentielle
et législatives
à Taïwan.
g Manifestation
de harkis à
Toulouse, en vue de
la reconnaissance de leur
situation
et du rôle de l’État
dans leur abandon
en Algérie.
Dimanche
Le pape François
à la grande synagogue
de Rome à l’invitation
de la communauté juive.
g Quatrième débat
télévisé entre les candidats
démocrates à la MaisonBlanche, à Charleston.
6|
Politique
jdd | 10 janvier 2016
DéChéANCe De LA NAtIONALIté Début février,
le projet de réforme de la Constitution arrivera
à l’Assemblée nationale. Divisés, les socialistes
espèrent toujours un accord avec l’exécutif
Recherche
compromis
désespérément
D
« Nous ne sommes pas dans
un débat entre l’exécutif et le PS.
es errances de ratioLe débat parlementaire est libre,
nalité. Sur ce point,
mais il faut, avant de convoquer le
au moins, les sociaCongrès, que la réforme soit votée
listes sont d’accord.
de façon identique dans les deux
Ils savent qu’avec la
chambres, dont une, le Sénat, est à
déchéance de nationalité pour les
droite », rappelle-t-on à l’Élysée.
binationaux ils se sont piégés tout
« Sur un sujet comme celui-ci, ce
seuls. Ils ont fracturé une gauche
ne peut pas être “silence dans les
déjà en mauvais état et se sont
rangs”, mais il faut aller vite »,
mis au pied un boulet qu’ils vont
avertit Didier Guillaume, le patron
traîner jusqu’à
hollandais du PS
la réunion du
au Sénat.
Congrès à Ver- « Ce n’est pas Valls
L’exécutif le
sailles. Le tout qui décide, c’est
sait : la grogne
va bien au-delà
pour une mesure
de l’habituel
qui ne fera pas au Parlement
cercle des fronreculer le terro- de le faire »
deurs. « Au sein
risme. Du coup,
du groupe, c’est
plusieurs dirigeants hollandais
environ 80 contre,
cherchent encore
30 pour, et le reste
la synthèse magique tout en soud’indécis », avance un pilier de l’Ashaitant que la question soit transemblée nationale. Vendredi, lors
chée au plus vite, d’ici demain
d’un repas de travail, une vingtaine
ou mardi.
de députés PS de la commission
En milieu de semaine derdes lois se sont réunis pour faire
nière, alors que la piste d’une
le point. S’il n’y a pas eu formeldéchéance pour tous prenait de
lement de vote, le tour de table a
l’ampleur, Manuel Valls a voulu
au moins permis un constat : à une
sonner la fin de la récréation en
très grande majorité, le projet de
écartant cette hypothèse pour
réforme actuel de la Constitution
revenir au texte initial du goune leur convient pas : « Il faut que
vernement : pas question de faire
l’exécutif sache que les plus fidèles
des apatrides. Hier, à Évry, le Predes hollandais ne se laisseront pas
mier ministre a réaffirmé que le
embarquer là-dedans. Ce n’est pas
discours de Hollande devant le
Valls qui décide, c’est au Parlement
Congrès était « un pacte, un serde le faire », lance un des convives.
ment », un « bloc [dont] on ne peut
« Aucune proposition nette n’est
pas enlever tel ou tel élément ». Un
sortie de cette réunion », regrette
bloc auquel la droite a dit oui. Or
toutefois un autre député.
pour faire adopter une modifiAvant Noël, soucieux de troucation de la Constitution, il faut
ver une solution, le président de la
les trois cinquièmes au Congrès,
République avait reçu Claude Baret donc un compromis avec la
tolone et Dominique Raimbourg,
droite. Fin de la discussion ?
le vice-président de la commisArthur NAzAret
@ArthurNazaret
Christiane Taubira, hier
à Montrouge, lors de
l’hommage à Clarissa
Jean-Philippe, tuée par
Amédy Coulibaly
le 8 janvier 2015.
Bernard Bisson pour le Jdd
sion des lois. Devant un François
Hollande attentif et intéressé,
Raimbourg avait plaidé pour une
« dégradation républicaine », une
peine privative des droits civiques
ressemblant fort à l’indignité nationale et susceptible de faire consensus à gauche. Mais le président ne
l’a finalement pas retenue.
« On est du côté obscur
du bordel »
Alors, les socialistes moulinent
encore. « Valls va devoir atténuer
sa position. Sinon, il n’y aura pas de
piste d’atterrissage », prévient un
député pourtant très loyaliste. « Les
textes internationaux prévoient des
exceptions sur la question de l’apatridie. La déchéance de nationalité
pour tous est la seule solution. Il n’y
aurait pas de discrimination entre
les Français, et cela respecte ce qu’a
dit le président », poursuit-il. « Pour
que les binationaux ne se sentent
pas stigmatisés, il faut trouver
des mesures qui amènent plus de
sérénité », lance Didier Guillaume,
imaginant compléter le projet avec
une forme d’indignité nationale
pour tous ou alors revenir « à la
déchéance pour tous s’il est possible
de régler la question de l’apatridie ».
« Pourquoi, comme le fait Valls,
s’enferrer dans la proclamation
autoritaire d’une solution et fermer
toute possibilité de dialogue ? », se
demande Christian Paul, l’un des
leaders de l’aile gauche du PS.
« Nous ne nous opposerions pas à
l’indignité nationale », ajoute-t-il.
S’il fallait un signe de plus
du malaise socialiste, la fédération de Haute-Garonne – une
des plus grosses – vient de voter
Sarkozy met la pression sur
Le patron des républicains
s’est dit « très étonné de ce
qui se passe » au gouvernement
« Imaginez que moi, président
de la république, j’aie fait
la même chose… »
ChrIstINe OLLIvIer
@Chr_Ollivier
La déchéance de nationalité pour
les binationaux condamnés pour
terrorisme, Nicolas Sarkozy est à
100 % pour… surtout quand elle
embarrasse le gouvernement.
Alors que la gauche se déchire sur
la question, le patron des Républicains a appuyé samedi là où ça fait
mal en apportant un soutien sans
ambiguïté – et sans condition – à
la mesure proposée par François
Hollande et Manuel Valls. « Quand
on a la double nationalité et qu’on
trahit la France […] on ne mérite plus
d’être français », a-t-il lancé devant
plusieurs centaines de nouveaux
adhérents LR conviés au siège du
parti. « C’est notre position, et je
n’ai pas l’intention qu’on y aille en
s’excusant au prétexte que c’est porté
par François Hollande. »
Et de se référer au discours
qu’il avait prononcé à Grenoble en
2010, dans lequel il se prononçait
pour la déchéance de nationalité
pour quiconque porterait atteinte
à la vie d’un policier : « Le fameux
[discours]…, qui paraît tellement
d’actualité et en même temps tellement modéré par rapport à ce qu’on
entend aujourd’hui », a-t-il ironisé.
Nicolas Sarkozy, hier, au siège des Républicains. philippe sTerC/panoramiC
Goguenard, Nicolas Sarkozy s’est
dit « très étonné de ce qui se passe »
dans la majorité : « On a donc François Hollande qui a changé du tout
au tout sa position sur le retrait de la
nationalité – ça peut arriver – […], et
la ministre [qu’il] choisit pour porter
cette réforme répète matin, midi et
soir qu’elle est opposée à la réforme
qu’elle va devoir présenter… Imaginez que moi, président de la République, j’aie fait la même chose… »,
s’est-il moqué, dans une allusion
grinçante à la désormais célèbre
anaphore de François Hollande.
Nicolas Sarkozy s’est donc
longuement fait l’avocat de la
réforme de la déchéance de nationalité. Symbolique, elle ne « sert
à rien » ? « C’est bien la première
fois que j’entends dire que dans la
République les symboles ne servent
à rien. » En outre, elle permet
d’« expulser manu militari une fois
sa peine exécutée » un binational
condamné pour activité terroriste,
a-t-il souligné.
Il veut « être sûr qu’on ne mente
pas aux Français »
Concernant ceux, à gauche en
particulier mais pas seulement, qui
proposent de retirer la nationalité
aux Français qui ne seraient pas
Politique | 7
jdd | 10 janvier 2016
Taubira
sauvée !
à l’unanimité une résolution
refusant la déchéance. D’autres
pourraient suivre et amplifier la
rébellion de la base. Dès demain,
celle des Hauts-de-Seine doit se
prononcer. Le PS, lui, tranchera le
18 janvier, au risque d’arriver après
la bataille. « À ce stade, il n’y a pas
de majorité au PS pour avaliser le
texte du gouvernement », assure un
membre de la direction. « C’est une
saga comme Star Wars. Il y a tous
les jours un épisode, et là on est du
côté obscur du bordel », conclut un
socialiste dépité. g
Hollande
binationaux, l’ex-chef de l’État
a ces mots : « Dans ma vie, j’en ai
entendu, des bêtises, mais là on franchit toutes les barrières ! » Déchu, un
terroriste français « sera apatride,
donc on devra le garder ». « Je ne
vois vraiment pas en quoi on aurait
résolu le problème », fait remarquer
le patron des Républicains.
Si Nicolas Sarkozy avait semblé dans un premier temps vouloir conditionner son soutien à
l’adoption par le gouvernement
d’autres mesures contre le terrorisme, il n’en est désormais plus
question. Simplement, il veut « être
sûr qu’on ne mente pas aux Français » et « qu’il s’agisse bien d’une
déchéance de nationalité et pas d’un
artifice de communication ou – comment dit-on ? – de triangulation »,
a-t-il mis en garde. C’est pourquoi
la droite veut connaître le contenu
de la loi d’exécution de la réforme
constitutionnelle au moment de
voter lors du Congrès : « Sinon,
nous risquons de voter un principe
et d’avoir une loi d’exécution soit qui
n’arrive pas, soit qui dit le contraire
du principe. » Un temps désarçonné
par le coup de Jarnac d’un François
Hollande qui avait désarmé la
droite en reprenant une bonne
part de ses propositions, Nicolas
Sarkozy espère désormais prendre
à son propre piège son successeur
à l’Élysée. Et le met au défi de faire
passer la réforme de la déchéance
avec les voix de droite. g
L’Élysée a choisi de passer
l’éponge pour l’instant
Il est possible que Christiane Taubira change un jour
d’affectation ministérielle. Et
qu’on la voie, par exemple,
passer de la place Vendôme
– siège du ministère de la Justice – à la rue de Valois – au
ministère de la Culture. Mais
pour l’heure, quoi qu’elle dise
(ou ne dise pas), l’icône ne
risque rien. A fortiori quand
la droite réclame à François
Hollande sa tête.
Certes, la ministre vient
encore de faire des siennes
en déclarant jeudi qu’elle
était totalement loyale envers
François Hollande mais plus
que jamais radicalement
hostile à l’idée pourtant hollandaise de déchéance de la
nationalité pour les binationaux. Le lendemain, Manuel
Valls lui rappelle sèchement
qu’une « ligne politique » a été
définie, et qu’un membre du
gouvernement doit s’y tenir.
Jack Lang lui-même, après
avoir prudemment couvert la
ministre de fleurs, lui glisse à
l’oreille : « Un gouvernement,
c’est une équipe. »
Mais, déjà, l’orage s’éloigne.
Hier matin à Montrouge, lors
de l’hommage rendu à la policière municipale Clarissa
Jean-Philippe, François Hollande et Christiane Taubira
se retrouvent côte à côte. Un
proche du chef de l’État rappelle que le « cap » a été fixé
et que le Président ne transigera pas : « La seule chose
qui compte, c’est la protection
des Français ». Pour cela, une
priorité s’impose : le rassemblement des Français. Mais
attention, ce rassemblement
doit inclure la droite, mais ne
pas commencer par la mise
à l’écart d’une « figure » de
la gauche. Dans un sondage
Ifop-iTélé, 54 % des Français
jugent d’ailleurs qu’elle peut
rester au gouvernement.
« On fait de la politique,
pas du droit »
Un membre du premier
cercle vallsiste évoque, lui, ce
qu’il appelle crûment « l’accident industriel d’Alger », autrement dit ce 22 décembre
où Christiane Taubira avait
annoncé depuis Alger que
la réforme de la déchéance
était… abandonnée. Mais
le même homme qui prévoit,
il est vrai, que près de
100 députés de gauche au
Parlement pourraient prendre
leurs distances, se montre
aujourd’hui compréhensif : « Cela nous arrange que
Christiane Taubira tienne le
discours qu’elle tient car elle
porte les sentiments de ceux
qui éprouvent une grande émotion et beaucoup de réserves. »
Et d’ajouter, sans ménager
cette fois la garde des Sceaux :
« Aujourd’hui, on fait de la politique, pas du droit. » D.de M.
lejdd. fr La politique en
coulisses : Christiane Taubira,
le contre-gouvernement
Estrosi : « Je suis pour
la déchéance pour tous »
LeS RÉPuBLICAINS
Élu président de la région Paca
en rassemblant contre
le FN les voix de droite et de
gauche, il rappelle à ses amis
que l’adversaire à battre
en 2017, ce sera le FN
IntervIew
DoMINIQue De MoNTVALoN
eT CHRISTINe oLLIVIeR
@Demontvalon1
@Chr_Ollivier
janvier, un accord pour mettre
des portiques électroniques dans
les gares TER de ma région, de
la vidéosurveillance dans toutes
les rames de train, et créer une
police régionale des transports.
de 5 millions d’habitants, sur
l’économie, la formation, l’emploi
ou la sécurité. Le moment venu,
je veillerai, si les résultats sont,
comme je l’espère, au rendezvous, à ce que ces actions soient
reprises et portées dans le débat
de la primaire.
Vous avez pris vos distances avec
Nicolas Sarkozy. Pourriez-vous
malgré tout voter pour lui
à la primaire de novembre ?
Diriez-vous, comme Nicolas
Sarkozy entre les deux tours
des régionales, que le vote FN
n’est « pas immoral » ?
Nicolas Sarkozy est le patron
de ma famille politique. Il a ma
Êtes-vous favorable
solidarité. Pour l’instant, il ne
Je dis que le FN est immoral.
s’est pas officiellement déclaré
C’est la politique économique et
à la déchéance de nationalité
candidat à la primaire. Ce qu’il
sociale du gouvernement qui a
pour les binationaux ?
exaspéré les Français avec, par
Je n’ai pas de raison de voter
y a de formidable avec lui, c’est
aujourd’hui contre une disposique nous pouvons nous dire les
exemple, la fiscalité, le chômage
tion que j’approuvais avec mes
choses, y compris quand on n’est
ou la montée de l’insécurité, et
qui a participé à la montée du
collègues, debout, au Congrès. En
pas d’accord. Nicolas Sarkozy m’a
politique, il faut de la constance.
fait confiance aux régionales. Je
FN. Nous avons le devoir de réhaMais parce que je ne vois pas
lui ai demandé de me laisser faire,
biliter la politique à leurs yeux.
au nom de quoi
dans ma région et
Il faut leur montrer qu’on peut
un Français ne
alors que l’enjeu
vraiment changer les choses. J’y
disposant que « Créer des
était de battre
mettrai toute mon énergie à la tête
de la nationa- apatrides ? J’en
Le Pen, ce qui
de cette région, pour convaincre
me paraissait
lité française qui
que la parole donnée peut se transle mieux pour
trahit son pays prends le risque »
former en parole tenue. Et très
répondre aux
ne serait pas lui
vite, dans les six mois. Si, comme
attentes de la
aussi déchu de
je l’ai promis, je baisse de 25% les
population. Le
sa nationalité, je
frais de fonctionnement du conseil
discours sur le « ni-ni », ça resuis pour la déchéance pour tous,
régional, je redonnerai du crédit
pour tous les traîtres. Quand on
monte à l’âge de pierre. Le second
à la parole publique. Si, comme
est un traître à sa patrie, on est un
tour de la présidentielle se jouera
je le promets – et je le tiendrai –,
traître à sa patrie, qu’on ait la binaentre notre candidat – ou celui
on monte dans six mois dans le
tionalité ou pas. Cela créera des
de la gauche –, et un Le Pen. Il se
TER en passant un portique de
apatrides ? J’en prends le risque.
jouera donc exactement dans la
sécurité et qu’il n’y a plus d’agresUn homme qui aurait tiré au Batamême configuration que celle que
sions aux heures tardives grâce à
clan pourrait, après avoir purgé
j’ai vécue en Paca. Aujourd’hui,
la vidéosurveillance, j’aurai fait
sa peine dans trente ans, se voir
je suis simplement un homme
la démonstration que le vote FN
redonner ses droits ? Il pourrait
libre qui, le moment venu, fera
était une impasse. Le FN, je vais
devenir maire ou député ? Eh bien
son choix. Je compte ne pas rester
le combattre comme je l’ai comnon. Quand on a trahi son pays,
absent de cette primaire. Je n’y
battu aux régionales, et je veux
on n’est plus français.
serai pas candidat mais j’y parque chacun comprenne, chez Les
Contre le terrorisme, les mesures
ticiperai en faisant valoir mes
Républicains, que l’adversaire à
idées et mes valeurs gaullistes.
battre, parce que c’est à lui qu’on
prises par le gouvernement
Pendant six mois, je vais expésera confronté en 2017, c’est le FN.
sont-elles suffisantes ?
Les mesures proposées
rimenter un certain nombre de
Ce combat commence aujourd’hui
aujourd’hui sont celles que je
choses à l’échelle d’un territoire
dans chacune de nos régions. g
défendais il y a un an. Il n’y avait
alors pas de mots assez sévères
pour me les reprocher… Mais je
souhaite que nous allions plus
loin. Je veux être sûr qu’on prononce l’expulsion des imams
étrangers qui prêchent contre la
République, que soient fermés
sans délai les centres islamistes
où on prêche la haine, qu’on interdise le financement étranger des
lieux de culte, qu’on mette sous
contrôle par tous moyens – bracelet électronique, assignation à
résidence ou rétention administrative – les personnes fichées,
qu’on réprime la consultation de
sites faisant l’apologie du terrorisme, qu’on exclue des réductions
de peine les auteurs d’actes terroristes. Et en tant que président
de région, j’agis : je négocie avec
Christian Estrosi, vendredi, sur la terrasse du conseil régional de Provence-Alpes-Côte
la SNCF, qui le signera d’ici à fin
d’Azur, à Marseille. JEAN-PAUL PELISSIER PoUR LE JDD
Les invités politiques du dimanche
Jack Lang (PS) :
L’Interview politique du 7/9 du
week-end, France Inter, à 8 h 20.
g Aliza Bin-Noun (ambassadrice
d’Israël en France) : L’Invité
d’Askolovitch, iTélé, à 8 h 50.
g Bernard Cazeneuve (PS),
Nathalie Kosciusko-Morizet (LR) :
Le Grand Rendez-vous, Europe 1/
Le Monde/iTélé, à 10 heures.
g Jack Lang (PS) : Bureau politique,
LCI, à 10 h 30.
g
Julien Dray (PS) : Agora,
France Inter/L’Obs, à 12 heures.
g Jacques Sapir (économiste) :
Le Brunch politique, Sud Radio,
à 12 heures.
g Patrick Kanner (PS) :
12/13 Dimanche, France 3,
à 12 h 10.
g Paul Quilès (PS) : Internationales,
TV5 Monde/RFI, à 12 h 10.
g Valérie Pécresse (LR) : Le Grand
Jury, RTL/Le Figaro/LCI, à 12 h 30.
g
Gilles Kepel (politologue,
spécialiste de l’islam et du monde
arabe) : Le Supplément,
Canal+, à 12 h 55.
g Henri Guaino (LR) :
Forum, Radio J, à 14 h 20.
g Marc Trévidic :
18 H Politique, iTélé, à 18 heures.
g Xavier Bertrand (LR) :
C politique, France 5, à 18 h 35.
g Valérie Debord (LR) :
Soir 3, France 3, à 0 h 30.
g
8|
InternatIonal
jdd | 10 janvier 2016
ÉTATS-UNIS Le président américain prononcera mardi son dernier discours sur l’état de l’Union afin
d’évoquer les résultats de son mandat, marqué par son impuissance face au lobby des armes à feu
Obama
défend
déjà
son
bilan
O
ù est passé le bon
sens ? » À trois reprises
cette semaine, Barack
Obama a multiplié
dans ses interventions
publiques l’expression common
sense. Comme si lui, professeur
de droit public et Prix Nobel de la
paix, dénigré pour un tempérament
plus intellectuel qu’instinctif, ne
parvenait pas à faire comprendre
l’absurdité sanglante du scandale
des armes à feu. Mardi, dans son
discours à la Maison-Blanche, les
larmes aux yeux, puis jeudi soir,
devant le public de CNN lors d’un
débat avec de simples citoyens sur
le thème de la violence par armes
à feu, et enfin hier matin dans une
tribune publiée par le New York
Times, le président des États-Unis
a tenté de convaincre. En utilisant
toutes les comparaisons possibles.
Rendre plus sûr l’usage des armes,
amendement de la Constitution
c’est comme améliorer la sécurité
(lire interview ci-dessous).
d’une voiture ou la rendre moins
Après-demain, devant les deux
polluante. C’est ce qu’on réclame
chambres du Congrès réunies
comme chaque année pour le
aussi à l’industrie agroalimentraditionnel distaire afin d’obtenir des produits
cours sur l’état de
plus sains. « Si l’on Six États seulement
l’Union, Barack
Obama suppliera
rend plus difficile à sur cinquante,
un enfant l’ouverà nouveau les élus.
ture d’un flacon de comme la Californie, Ceux de droite
cachets d’aspirine, ont adopté jusqu’ici comme ceux de
on devrait aussi
tant il est
des lois restrictives gauche,
f a i re e n s o r t e
vrai que nombre
qu’il n’ait jamais sur les armes
de barons de son
à appuyer sur la
propre parti, sous
détente d’une arme à feu », écrit
la pression de la National Rifle Assole Président. Visiblement exaspéré
ciation (NRA) et de leurs électeurs,
que cet argument de « bon sens »
sont paralysés par toute idée de
se heurte à l’intransigeance du
régulation du commerce et du port
lobby des armes à feu, qui refuse
d’armes. Mais il appellera aussi les
toute régulation ou toute intergouverneurs et les élus de chaque
prétation restrictive du deuxième
assemblée locale dans les États fédé-
rés à rejoindre son combat. Six États
seulement sur cinquante, comme
la Californie (lire le reportage cicontre) ont adopté jusqu’ici des lois
restrictives sur les armes. Un chiffre
qui pourrait progresser, lentement
mais sûrement, comme c’est le cas
sur l’autre thème ultrasensible, la
peine de mort, de moins en moins
appliquée. Devant un Congrès qui
lui est hostile depuis 2010, Barack
Obama mettra en avant que les plus
grandes réformes accomplies aux
États-Unis ne se sont pas faites en
un jour. Ce fut le cas pour celle de
l’assurance santé, qu’il a eu tant de
mal à faire adopter et que les républicains se sont juré d’abolir s’ils
parviennent à reprendre la MaisonBlanche en novembre prochain. Il
est assez paradoxal, pour une grande
démocratie comme les États-Unis,
que la plupart des progrès réalisés
sous le double mandat d’Obama
aient été portés par des décrets présidentiels et non par des lois. Qu’il
s’agisse des normes antipollution
pour lutter contre le réchauffement
climatique ou des accords internationaux signés avec l’Iran et Cuba.
Il est également curieux de voir
à quel point l’opinion publique est
si ingrate vis-à-vis d’un président
qui, en sept ans, a vu baisser le chômage de plus de moitié, avec des
créations d’emplois, notamment ce
mois-ci, qui battent des records inédits depuis les années 1990. Hillary
Clinton est bien la seule à le remercier à ce sujet. Mais si elle gagne
la présidentielle et que le Congrès
reste à droite, il lui sera tout aussi
difficile de réformer, singulièrement en matière d’armes à feu. g
François ClemenCeau
@Frclemenceau
Vincent michelot, historien des États-unis et directeur de sciences-Po lyon
« Le président aura tout essayé »
La volonté de Barack Obama
d’agir au niveau exécutif pour
mieux contrôler les ventes
d’armes sans passer par le
Congrès a-t-elle des chances
d’aboutir ?
Ce qu’il a annoncé tient du symbolique et de la rhétorique. Il n’a
pas pris de décret exécutif mais a
donné des instructions afin que la loi
fédérale soit appliquée plus strictement. Il sait bien que sur ce dossier
sa capacité d’action est limitée et que
la législation dépend des États fédérés. Le président aura tout essayé.
La vérité est qu’il ne dispose pas
des moyens législatifs, techniques
et financiers pour éradiquer un fléau
qui est perçu par la majorité de l’opinion, toutes tendances confondues,
comme une fatalité.
Quels sont les principaux obstacles
juridiques ou techniques à une
réforme des ventes et du port
d’armes ?
Chacun des États a sa
propre législation. Mais il
existe au niveau fédéral une
base de données à laquelle tous ont
accès pour vérifier le passé criminel ou psychiatrique des potentiels
acheteurs d’armes. Or certains États
prétextent de l’incompatibilité de
leur système informatique avec
ceux d’autres États pour croiser
leurs données et estiment que c’est
à l’État fédéral de financer cette
modernisation technique, ce que
le Congrès à Washington refuse de
faire. Cela dit, si vous prenez les
auteurs des 25 plus grandes tueries
par armes à feu de ces dernières
années, leurs armes ont été achetées le plus légalement du monde
ou du fait de failles dans les bases de
données. En outre, 40 % des armes
achetées échappent au contrôle des
antécédents parce qu’elles sont vendues par des particuliers ou dans
des foires où les stocks ne sont pas
suffisants pour être systématiquement contrôlés.
Barack Obama dit qu’il a l’opinion
publique de son côté pour que
les contrôles soient renforcés…
Oui, mais cette majorité d’Américains ne veut pas pour autant qu’il y
ait moins d’armes en circulation. Ils
souhaitent juste que les armes à feu
ne tombent pas entre de mauvaises
mains. Lors du débat de jeudi soir
sur CNN entre le président et des
citoyens pro- ou anti-armes à feu,
il n’a pas voulu désavouer ceux qui
disaient qu’ils auraient pu prévenir un crime s’ils avaient été armés.
Les larmes d’Obama, le 5 janvier.
LAMARQUE/REUTERS ; LAfAbREgUE/ALpAcA/AndiA
Ce qui revient à dire qu’il faut plus
d’armes encore en circulation. Il y a
là un effet pervers. Chaque fois qu’il
y a un mass shooting et que le président s’exprime dans la foulée pour
demander des contrôles plus stricts,
les gens se ruent vers les armureries !
Que faut-il faire alors ? Attendre
que la Cour suprême devienne plus
progressiste pour que ses arrêts
s’imposent à tous ?
Il y a dans l’histoire des États-Unis
des moments et des crises où des responsables politiques parviennent à
agir. Ce fut le cas lors du mouvement
des droits civiques pour combattre la
ségrégation. À l’époque, bien des élus
démocrates du Sud étaient contre ces
réformes de déségrégation voulues
par leur propre camp. Mais pour la
Cour suprême, n’oublions pas que
bien souvent elle accompagne les
mouvements de la société plus qu’elle
ne les anticipe. On l’a vu récemment
sur le mariage gay. Je note aussi que
les premiers juges en âge d’être remplacés sont d’abord des progressistes,
pas des conservateurs. Autrement
dit, même si Hillary Clinton gagne
en 2016, il n’est pas dit qu’elle pourra
modifier l’équilibre politique de la
Cour durant son mandat.
interView F.C.
InternatIonal | 9
jdd | 10 janvier 2016
40 % de la clientèle du LAX
Firing Range est féminine.
Giselle Sarria (ci-contre) est
venue vendredi à Inglewood,
en Californie, avec son ami
policier pour apprendre à se
défendre lorsqu’elle aura fait
l’acquisition d’une arme.
La jeune femme trouve
l’atmosphère du stand de tir
exaltante, même si elle
approuve les mesures
annoncées par Obama.
Un jeune homme de 19 ans
(à gauche sur la photo
du milieu) forme ses amis
au maniement des armes.
NaNcy Pasteur/Polaris images
Le modèle californien
« Moi, je trouve que c’est trop.
Ces lois vont à l’encontre du deuxième amendement », lâche Moises
Baltazar, ancien marine de 26 ans,
juste avant de tirer à son tour. Cet
amendement à la Constitution,
adopté dès 1791, stipule que tout
Américain a le droit de porter une
Los AngeLes (ÉtAts-Unis)
arme. Comme la liberté d’expresCorrespondanCe
gUiLLAUme sÉRinA
sion ou de prier le dieu que l’on
veut, ce droit est comme gravé
L’odeur de la poudre. Les douilles
dans le marbre. Moises préférequi giclent. Le bruit assourdisrait « que toutes les bonnes persant que même le casque ne
sonnes puissent utiliser une arme
peut totalement étouffer. Giselle
pour neutraliser les criminels ou les
Sarria, 22 ans, adore ça. « Quelle
terroristes ». Raison pour laquelle
adrénaline ! », s’écrit-elle. C’est la
il émet l’idée d’une « formation au
première fois que la jeune femme
tir de plusieurs heures ».
s’empare d’une arme à feu et tire
Mark Medina, 35 ans, est le
sur une cible. Son ami Aaron
manager du LAX Firing Range. Il
White est policier dans le comté
est du même avis et souhaite même
de Los Angeles. Il l’a emmenée
aller plus loin. « Les mesures sur
sur un stand de tir « pour le fun ».
le background check n’apportent
Giselle compte avoir sa propre
rien de nouveau », dit-il en maniarme un jour,
pulant un fusil sechez elle, « pour
mi-automatique.
«
Acheter
une
arme,
[se] défendre ».
« Ac h e t e r u n e
arme, ça devrait
Mais tout comme ça devrait être
être comme pour
Aaron, elle approuve les me- comme pour
une voiture : il faut
sures annoncées une voiture : il faut
savoir l’utiliser. »
par Barack Obama
Il préconise donc
cette semaine. savoir l’utiliser »
une formation.
Mark Medina, manager
« Les lois ne sont
« Il faut acquérir
pas assez strictes. du LAX Firing Range
certaines compétences et les
Cela devrait être
entretenir, sinon
plus difficile de se
procurer une arme à feu », dit le
on les perd », dit-il en soulignant
policier, au repos ce vendredi et
le nombre de tués par accident à
que son quotidien confronte à des
cause d’une mauvaise manipulacitoyens potentiellement armés à
tion ou de stress mal contrôlé. Il
chaque coin de rue.
estime aussi que les lois califorLes nouvelles règles comprises
niennes « sont un peu trop strictes
dans les décrets annoncés cette
et empêchent le business ». Selon
semaine par Barack Obama sont
lui, « les extrémistes sont très minodéjà, dans les grandes lignes, appliritaires ». « Pour la plupart de nos
quées dans l’État de Californie. Les
clients, c’est un loisir ou un sport.
États fédérés ont en effet le droit de
Je remarque aussi beaucoup plus
légiférer comme ils l’entendent en
de femmes qui viennent. Au moins
40 % de notre clientèle. »
la matière. Et le Golden State est
sans doute le plus restrictif lorsqu’il
s’agit de l’accès aux armes. Le venUn cadeau de 100 dollars
par pistolet rendu
deur et l’acheteur doivent obtenir
un permis ; les background checks
Depuis 2010, le nombre de tués
(contrôle du casier judiciaire du
par balles à Los Angeles a été divisé
client) sont obligatoires et durent
par deux, pour atteindre environ
dix jours ; l’acheteur doit passer un
mille victimes par an début 2015.
test écrit. En outre, les armes et les
L’une des raisons avancées par le
munitions sont eux-mêmes limimaire démocrate Eric Garcetti est le
tés : les « chargeurs » ne peuvent
succès rencontré par le programme
contenir que 10 balles maximum
de buy back. Deux fois par an, la
et il est impossible d’acheter plus
Ville offre ainsi des cartes-cadeaux
d’une arme par mois. Quant aux
à tous ceux qui rapportent leurs
armes à la police. Un cadeau de
armes d’assaut automatiques, elles
100 dollars par pistolet rendu, à
sont interdites. Dans d’autres États,
aucune régulation ou presque
dépenser dans les supermarchés
n’existe alors que la loi califorRalphs. Et même 200 dollars par
nienne autorise les municipalités
fusil automatique. Depuis que
cette mesure est passée, près de
à agir d’elles-mêmes si elles veulent
être plus restrictives.
15.000 armes ont été restituées aux
L’État le plus peuplé des
États-Unis est aussi l’un des plus
restrictifs sur le port d’armes.
Le nombre de tués par balles
à Los Angeles a été divisé par
deux depuis 2010. Reportage
forces de l’ordre. « Presque tous les
jours dans cette ville, quelqu’un est
victime de la violence par balles »,
déplore Eric Garcetti. « Nous devons faire tout ce que nous pouvons
pour protéger nos communautés et
enlever ces armes de la circulation. »
Une « discussion au plus haut
sommet de l’État fédéral »
Récemment, la Californie n’a
pas été épargnée par les massacres
collectifs. L’attaque, désormais
qualifiée de terroriste, à San
Bernardino, le 2 décembre dernier, a marqué les esprits. On se
souvient aussi de ces parents
effondrés après la fusillade d’Isla
Vista, en marge du campus de
l’université de Santa Barbara. Le
23 mai 2014, le jeune Elliot Rodger
tuait six étudiants et en blessait
quatorze avant de se suicider.
Le père de l’une des victimes a
même créé une association baptisée Everytown for Gun Safety qui
encourage les maires à prendre
des mesures restrictives.
Tom Mauser avait pris la même
décision il y a déjà quinze ans. Il
a perdu son fils Daniel dans le
tristement célèbre massacre de
Columbine, dans le Colorado
(Ouest). Daniel avait 15 ans. Le père
a donc décidé de prendre le taureau
par les cornes et a créé une fondation. « À l’époque, j’étais le seul à me
battre, dit-il au JDD. Aujourd’hui,
il y a une autre mère de famille qui
parle fort. Elle était d’ailleurs à la
Maison-Blanche cette semaine. » Ce
militant de longue date ne pense
que du bien des mesures annoncées par Barack Obama. « Je me dis :
enfin ! Ç’aurait dû être fait depuis si
longtemps !, lâche-t-il. Mais je suis
content que la discussion ait désormais lieu au plus haut sommet de
Pour le JDD
l’État fédéral, et plus uniquement
localement. » Tom Mauser, comme
la plupart des proches de victimes
et des autres militants anti-armes à
feu, réclame des background checks
approfondis et au niveau national.
« Il faut aller bien plus loin. Avec la
mesure annoncée, on vérifie le casier
judiciaire mais on ne peut pas surveiller les conversations privées » sur
les réseaux sociaux, argumente-til. Quant à l’idée d’une formation
suivie pour les porteurs d’armes,
« c’est l’évidence, il faut absolument
un permis ». Malheureusement, le
Colorado est à la traîne. La culture
de l’arme à feu y est très enracinée
et le site Gun Laws ScoreCards,
qui classe les États en fonction de
la sévérité de leur législation sur les
armes, lui donne la note de C–. La
Californie, elle, détient la note A–,
mais 26 autres États sont classés F,
l’équivalent d’un zéro pointé. g
10 | InternatIonal
JDD | 10 janvier 2016
Ce qui s’est vraiment passé à Cologne
AllemAgne Des heurts ont éclaté hier en marge d’une manifestation de l’extrême droite dans la ville où les agressions
de la Saint-Sylvestre ont déclenché le plus de plaintes. La contre-enquête du JDD met en avant la complexité des faits
b Cette nuit de violenCes
A-t-elle été plAnifiée ?
Selon les informations du JDD,
les enquêteurs y voient la main de
la mafia marocaine, de plus en
plus puissante dans la région. Une
commission spéciale (Sonderkommission) dite « Soko Casablanca »
a surveillé plus de 2.000 suspects
l’an passé et a alerté en décembre
sur l’infiltration de ce gang de trafiquants et de pickpockets dans
les foyers de réfugiés. « Il pourrait
s’agir d’une démonstration de force,
un fait d’armes pour lequel ils sont
allés chercher du renfort parmi les
réfugiés arabophones et désœuvrés de la ville », avance Sebastian
Fiedler, représentant du syndicat
de la police criminelle en Allemagne (Bund deutscher Kriminalbeamter). « On a assisté à
une opération similaire à Francfort
cet automne : la mafia locale de la
drogue a recruté des Érythréens pour
un gros coup aux abords de la gare. »
Berlin (AllemAgne)
CorrespondanCe
Hélène KoHl
b ComBien d’Agressions
ont été Commises ?
Dix jours après les faits, l’enquête
de la police fédérale a permis d’enregistrer 32 crimes ou délits, dont 3
à caractère sexuel. Une femme a
notamment subi de graves et multiples attouchements qualifiés de
viol. Selon le ministère fédéral de
l’Intérieur, l’essentiel des investigations porte sur des vols et des intimidations ou attaques physiques.
Le nombre de plaintes déposées se
montait hier à 379 selon la police
locale, dont 40% pour agression
sexuelle, mais le chiffre est resté
longtemps confus car certaines
plaignantes se sont rétractées. Cette
séquence de violence reste en tout
cas inédite dans l’histoire contemporaine allemande.
b Y A-t-il eu des déBordements
dAns d’Autres villes ?
Des plaintes pour agressions
physiques et sexuelles ont été
déposées à Hambourg, Francfort, Bielefeld ou encore Stuttgart.
Mais elles sont le fait de groupes
isolés. Dans le sud du pays, quatre
jeunes Syriens ont été reconnus
coupables d’un viol en réunion,
mais pas dans un espace public,
au cours de l’après-midi du 31 décembre.
b lA gAre de Cologne A-t-elle
été une zone de non-droit ?
Un rapport interne de la police
fédérale fait état d’une situation
« chaotique » et « honteuse » pour
les forces de l’ordre. Uwe, un
habitant de Cologne, habitué des
Saint-Sylvestre traditionnellement
électriques de la ville, avec batailles
Hier, à Cologne, dispersion d’une manifestation d’extrême droite au canon à eau. WOLFGANG RATTAY/REUTERS
géantes de pétards et de feux d’artifice, témoigne pour le JDD : « Je n’ai
jamais vu ça. La foule était agressive.
Des groupes se formaient, compacts,
bloquant toute circulation ou interpellation. » Un policier raconte, dans
le Spiegel publié hier, avoir évacué
à plusieurs reprises la place devant
la gare. Mais la foule se reformait
immédiatement : « On comptait pour
du beurre, ces jeunes n’étaient pas du
tout impressionnés. » À 21 heures, la
zone est déjà de facto « tenue » par
une bande de 500 hommes saouls
ou drogués. À 23 heures, malgré
le déploiement de deux brigades
d’intervention, ils étaient 1.500. Le
calme ne reviendra qu’à 7 heures.
Le chef de la police de Cologne a été
suspendu de ses fonctions.
b Qui ComposAit Cette foule
déCHAînée ?
71 contrôles d’identité ont été
effectués sur place. La plupart des
personnes ne présentent pas de
papiers et sont qualifiées, sans
plus de vérification, de « réfugiés »
dans le procès-verbal de la nuit.
Les victimes, les témoins et les
vidéos de surveillance ne laissent
pas de doute : la foule est composée de jeunes hommes de type
arabe ou nord-africain. Plusieurs
policiers ont noté la présence de
nombreux francophones. « Pas de
problème », crient-ils, en français,
aux passants en leur jetant des
pétards dans les jambes. Uwe, lui,
reconnaît avoir été étonné par
l’absence de Turcs à la gare, point
de ralliement pour les jeunes des
quartiers les soirs de réveillon.
b Qui sont les premiers
suspeCts ?
La police estime que, sous
la protection de la foule qui les
entourait voire les encourageait,
environ 100 personnes sont passées à l’acte. Parmi lesquelles
31 suspects ont été formellement
identifiés et font l’objet d’une
enquête. On compte 22 demandeurs d’asile – des Syriens, des Iraniens, un Irakien, des Maghrébins.
Dans la liste fournie par le ministère
fédéral de l’Intérieur, ces derniers
sont surreprésentés (9 Algériens
et 8 Marocains). On compte aussi
2 Allemands et 1 Américain.
b Quelles ConséQuenCes
politiQues pour merKel ?
Hier, la chancelière a tapé du
poing sur la table. Elle réclame l’expulsion des étrangers condamnés
par la justice allemande, y compris
à des peines avec sursis. La rupture
est frappante avec son allocution de
la soirée de Saint-Sylvestre, soustitrée en arabe, au cours de laquelle
elle a répété que les réfugiés étaient
« une chance pour l’Allemagne ».
Mais la fronde gronde à nouveau
au sein de son propre parti (CDU)
inquiet de l’incompréhension grandissante de la base. On vote dans
trois Länder au mois de mars : ces
scrutins régionaux feront figure de
test pour Angela Merkel. Si elle ne
parvient pas à endiguer la poussée
des populistes de l’AFD, son leadership sera contesté. g
La France s’impatiente pour la Libye
dAeCH Après les attentats
de cette semaine, les plus
meurtriers depuis le début de la
guerre, les occidentaux veulent
accélérer la mise en place
d’un gouvernement d’union
nationale pour mieux frapper
ensemble l’état islamique
Jeudi, à Zliten,
après l’attaque
d’un camp
d’entraînement
de la police à la
voiture piégée.
L’attentat
a fait plus
de 50 morts.
Antoine mAlo et
frAnçois ClemenCeAu (à AnKArA)
@AntoineMalo2
@Frclemenceau
EPA/MAxPPP
2016, année de la Libye ? Les événements de ces derniers jours
semblent donner raison aux pronostics des conseillers du ministère de la Défense, inquiets il y a
quelques semaines de l’avancée de
l’État islamique dans le pays. Lundi,
les djihadistes s’emparaient de Ben
Jawad, première ville du stratégique
croissant pétrolier de l’Est, où sont
concentrés les principaux terminaux du pays. Dans la foulée, ils attaquaient les installations d’Al-Sedra
et de Ras Lanouf. Jeudi, Daech a
perpétré l’attentat le plus meurtrier depuis la mort de Mouammar
Kadhafi en 2011, dans une école de
police de Zliten, 170 km à l’est de Tripoli, faisant plus de 50 morts. Une
attaque suivie d’une autre explosion
à Ras Lanouf, qui a fait 6 morts.
Indéniablement, l’EI bénéficie
du chaos dans lequel est plongée
la Libye. Le groupe terroriste a vu
ses rangs grossir au cours de l’année
écoulée et compterait désormais,
selon diverses sources militaires
françaises, entre 3.000 et 5.000 combattants. Il s’est aussi structuré avec
l’arrivée de cadres importants de
Daech, même si, selon un diplomate
de haut rang, « il n’y a pas eu non
plus un exode massif de la Syrie vers
la Libye ». Géographiquement, le
groupe terroriste contrôlerait déjà
300 km de côtes autour de son fief de
Syrte, à 450 km à l’est de Tripoli. « La
vraie crainte est de les voir s’étendre
vers le sud et les champs pétroliers »,
s’inquiétait fin décembre une source
militaire française. Tout aussi préoccupantes est la situation à Ajdabiya, ville où l’EI rallie des partisans
et mène actuellement attaques et
assassinats. Si cette dernière tombe
entre ses mains, c’est un verrou de
l’Est libyen qui sauterait.
Le Drian veut aider Sarraj
Comment contrer cette avancée
djihadiste ? Les Occidentaux misent
tout sur le futur Premier ministre
Fayez El-Sarraj. Mi-décembre, au
Maroc, il a, avec l’émissaire spécial
de l’ONU Martin Kobler, arraché un
accord pour un gouvernement unifié
à des représentants des Parlements
de Tobrouk et de Tripoli. Reste à
l’entériner avant le 17 janvier et à
implanter son futur gouvernement
à Tripoli. « Il faut que Sarraj ait le
contrôle sur l’armée, la banque centrale, le pétrole », prévient-on dans
l’entourage de Jean-Yves Le Drian.
Le ministre de la Défense était mardi
à Ankara, où il a pu vérifier que le
président Erdogan était sur la même
longueur d’onde. Plus facile à dire
qu’à faire car rien ne se mettra en
place sans un consensus des dizaines
de milices présentes dans le pays et
sans régler le cas du général Haftar,
ministre de la Défense à Tobrouk :
honni par les islamistes qui l’accusent d’être un nouveau Kadhafi,
il est pourtant un personnage incontournable car il a la main sur une
partie de l’armée. « On ne peut pas
faire sans lui », souffle-t-on à Paris.
Si Sarraj parvient à ses fins, l’idée
serait d’abord de créer une « zone
verte » à Tripoli, sécurisée par des
soldats italiens, où siégerait le gouvernement. L’Union européenne
s’est dite prête hier à soutenir ce
futur gouvernement dans sa lutte
contre le terrorisme à hauteur de
100 millions d’euros. Selon l’heb-
domadaire allemand Der Spiegel,
une centaine de soldats allemands
pourraient alors prendre part à ce
travail de conseil et de formation des
nouvelles forces de sécurité.
Alors, Sarraj pourrait « se taper »
l’EI, comme on le dit au ministère
français de la Défense. Cela pourrait
passer par une résolution à l’ONU
qui autorise le soutien aérien d’une
coalition militaire. Qui pour en être
membre ? « Il n’y a pas un appétit
énorme pour y aller », regrette un
conseiller élyséen. Les Américains,
qui font voler depuis des années
leurs drones dans le ciel libyen,
pourraient également participer. Les
Italiens, eux, revendiquent déjà un
rôle de nation cadre. « Mais serontils vraiment là le jour J et seront-ils
acceptés par les Libyens ? », s’interroge un diplomate français.
« Pour nous, cela se cantonnera à
de l’aérien », prévient-on au ministère de la Défense, où l’on reconnaît que des vols de reconnaissance
au-dessus de la Libye, entamés fin
2015 se poursuivent actuellement.
« C’est pour surveiller l’évolution des
métastases de l’État islamique », justifie-t-on. Et pour éviter d’être « pris
au dépourvu comme nous l’avons été
en Syrie ». g
Autour du monde | 11
jdd | 10 janvier 2016
EspagnE
Pourquoi la
gauche ne veut
pas gouverner
avec la droite ?
lejdd.fr Le grand angle diplo
de François Clemenceau :
« Fabius, stop ou encore ? »
Un Parlement sans gouvernement ? À trois jours
de la rentrée des députés élus le 20 décembre,
l’Espagne n’a toujours pas d’équipe exécutive. Le
Premier ministre conservateur, Mariano Rajoy,
a remporté le scrutin, mais sa piteuse moisson
(123 sièges, sur 350) l’a obligé à se tourner vers
le socialiste Pedro Sánchez pour former une
grande coalition à l’allemande. Du jamais-vu en
trente-sept ans de démocratie. Mais le jeune et
fringant chef de file du Parti socialiste ouvrier
espagnol (PSOE) ne veut pas entendre parler
d’un pacte avec « la droite de l’austérité et de la
corruption ».
« Nous n’avons pas la culture de la coalition »
À la tête du PSOE depuis seulement un an et
demi, Pedro Sánchez est arrivé avec la difficile
mission de relever un parti atone qui enchaîne les
défaites depuis 2008. Personne ne connaissait ce
simple député sans éclat particulier, absent des
organes de direction. Mais en quelques mois, celui
que l’on surnomme « El Guapo », le beau gosse,
pour sa prestance et son sourire de commande, est
devenu un candidat agressif et ambitieux qui rêve
de prendre le gouvernail de l’Espagne. Pas question donc de céder le premier rôle à un Mariano
Pedro Sánchez à Lisbonne, jeudi. ARmAndo FRAncA/AP/SiPA
Rajoy qui « appartient au passé ». Pour lui, une
intimité avec le PP risquerait de coûter cher au
PSOE, qui a déjà failli céder la tête de la gauche
à Podemos, grand vainqueur avec ses 69 sièges,
contre zéro il y a quatre ans. Le PSOE a perdu au
passage une bonne partie de l’électorat urbain,
à Madrid ainsi qu’à Barcelone, à Valence ou au
Pays basque. L’honneur du parti a été sauvé grâce
à la fidélité du vote rural, tout spécialement en
1.000
C’est le nombre d’habitants de porter ranch (Californie)
ayant engagé une action collective contre la société
soCalgas, après une fuite massive de gaz.
La célèbre militante écologiste Erin Brockovich est en première ligne
dans ce scandale environnemental, le plus grave depuis la fuite de pétrole
d’une plate-forme BP dans le golfe du Mexique en 2010.
LE LEadEr dE La sEmainE
Un an seulement après son élection au suffrage universel, il espère un second souffle.
Avec, notamment, la nomination d’un
nouveau ministre de l’Intérieur, le cinquième en quatre ans. « Nouvelle équipe…
sans nouveauté », a immédiatement raillé
le quotidien arabophone Echourouk. Béji
Caïd Essebsi, 89 ans, sait que 2016 sera décisif pour la fragile démocratie tunisienne.
L’année 2015 fut marquée par l’incapacité
criante de l’État à assurer
la sécurité des citoyens,
avec trois attentats perCinq ans après pétrés à Tunis et à Sousse
la Révolution de par Daech. Et par une
jasmin, le président économie en berne et une
tunisien appelle crise politique au sein de
son fils Hafedh son propre parti gouverà la rescousse alors nemental, Nidaa Tounes,
que l’État est ébranlé créé en 2012.
Prisonnier de
par le terrorisme
et la récession l’alliance scellée avec les
économique islamistes d’Ennahdha, le
président tunisien organise désormais la montée en puissance de
son fils Hafedh Caïd Essebsi. Affublé du
surnom « W » – en référence à un autre
« fils de », George W. Bush –, ce chef d’entreprise de 53 ans a été adoubé par son
père au comité exécutif de Nidaa Tounes.
Il est perçu comme le grand gagnant du
remaniement de cette semaine, quitte à
provoquer un sentiment de « révolution
trahie »…. « On le soupçonne de vouloir
rétablir la logique de clan qui prévalait sous
Ben Ali, avec un pouvoir héréditaire, familial, dynastique, et de remettre en place des
cadres de cette époque », estime Mansouria
Mokhefi, conseillère pour le Maghreb à
l’Ifri. « C’est le retour de l’ancien régime,
celui sur lequel les Tunisiens voulaient
tourner la page. »
Alors que son rival Moncef Marzouki
– président de 2011 à 2014 – a lancé fin
décembre un nouveau parti, dénonçant un
« gouvernement totalement impuissant »,
« Béji » n’a pas cillé lors de ses vœux
du Nouvel An. « Notre État est toujours
debout, a-t-il déclaré. Et nous avançons. »
CamiLLe NeVeUX %@camille_neveux
BÉJI CAÏD
ESSEBSI
afrique du sud Le président
sud-africain, Jacob Zuma, a dénoncé
hier le « démon du racisme » lors
d’une allocution célébrant l’anniversaire de la naissance du Congrès
national africain (ANC). La « nation
arc-en-ciel » promise par Nelson
Mandela est sous tension : une agente
immobilière blanche a comparé, sur
Facebook, les Noirs à des singes, tandis qu’un fonctionnaire noir a été suspendu après avoir déclaré, toujours
sur Facebook, que le pays devrait être
« nettoyé » des Blancs.
ReuteRS
DiaNe CamboN (à maDriD)
Le président
tunisien, 89 ans,
cherche un second
souffle. HAmmi/SiPA
dErnièrE hEurE
pologne Des dizaines de milliers
de Polonais ont manifesté hier dans
plusieurs villes du pays contre une
nouvelle loi soumettant les médias
publics au contrôle du parti conservateur Droit et Justice (PiS) au pouvoir.
Le texte, promulgué jeudi, a déjà
permis de remplacer vendredi les dirigeants de la télévision et de la radio
publiques. Pour l’opposition, la loi est
une nouvelle étape – après le blocage
du Tribunal constitutionnel – dans la
prise de contrôle de tous les leviers du
pouvoir par les conservateurs.
AFP
Andalousie, où l’impétueuse Susana Díaz est une
des plus opposées à un pacte avec les conservateurs, qu’elle considère comme une « anomalie
historique ». Depuis la fin du franquisme, la droite
et la gauche n’ont jamais formé de front commun
et chacun a gouverné selon une alternance bien
huilée. « Nous n’avons pas la culture de la coalition. Tout pacte est perçu comme une défaite, une
concession à l’adversaire perçue comme quelque
chose d’inacceptable », commente le politologue
Fernando Vallespín.
Enterrée, la coalition d’entente nationale avec
la droite ? Sánchez souhaite en revanche reproduire le modèle portugais autour d’une coalition
de gauche avec l’appui du parti centriste Ciudadanos et les cruciaux 69 députés de Podemos.
Or Pablo Iglesias, leader de Podemos, exige une
condition maximaliste, qui représente un fil rouge
pour les socialistes : la tenue d’un référendum
d’autodétermination en Catalogne, rejeté par
l’ensemble de la classe politique au nom de l’unité
nationale. Dans ce contexte d’affrontement politique, nombreux sont les observateurs à pencher
vers de nouvelles élections d’ici au printemps
comme seul dénouement possible.
syrie Vingt-trois personnes sont mortes de faim depuis le 1er décembre dans
la ville syrienne de Madaya, une banlieue de Damas assiégée depuis six mois par
l’armée du régime de Bachar El-Assad, selon les chiffres révélés vendredi par
Médecins sans frontières. Six d’entre elles avaient moins de 1 mois. L’ONU doit
acheminer à partir d’aujourd’hui de l’aide aux 42.000 habitants, dont la moitié
sont des enfants. Damas a autorisé jeudi la livraison de nourriture par l’ONU et
la Croix-Rouge. Le Conseil de sécurité doit se réunir demain sur ce sujet. AP/SiPA
La phrasE
« nous prendrons d’autres mesures contre l’iran
si ce pays poursuit ses agressions »
Le Conseil de coopération du golfe (arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar),
réuni hier en réunion extraordinaire pour exprimer son soutien à ryad dans la crise qui l’oppose à Téhéran
après l’exécution du dignitaire chiite saoudien nimr al-nimr, critique du pouvoir monarchique
*
12 |
société
jdd | 10 janvier 2016
teRRoRISMe Sans-papiers désespéré ou fanatique obéissant aux injonctions de Daech ?
Tarek Belgacem est mort le jour anniversaire du massacre de « Charlie »
L’énigme du Tunisien
de la Goutte-d’Or
A
«
Stéphane Joahny
ubergines, aubergines… » Samedi,
c ’e st j o u r d e
marchés à Barbès. L’officiel,
sous le métro aérien. Et le clandestin, en bordure du boulevard
de la Chapelle, où briques de lait,
vêtements d’occasion et brosses à
dents s’échangent à des prix défiant
toute concurrence. Quarante-huit
heures après le premier acte qualifié de terrorisme perpétré en
France en 2016, le sujet reste au
cœur des conversations. Mais la
vie, déjà, reprend son cours. Les
deux policiers en faction devant
le commissariat de la Goutte-d’Or,
repliés derrière des barrières métalliques, n’ont eux-mêmes pas l’air
trop stressés. À quelques rues de
là, les vendeurs de cigarettes à la
sauvette se cachent à peine pour
écouler leurs « Marlboro, Marlboro ! » de contrebande…
Le corps de Tarek Belgacem, jeudi, devant le commissariat du 18e arrondissement de Paris. ANNA POLONYI/AFP
« Abou Jihad Tounsi »
Le jeune homme tué jeudi
devant le commissariat du 18e arrondissement – trois balles sur les
six tirées par deux policiers l’ont
mortellement blessé – était-il l’un
de ces jeunes Maghrébins généralement sans papiers vivant d’expédients ? Dans le quartier, son visage
ne dit rien à personne, hormis un
jeune qui croit se souvenir de lui.
C’était il y a deux ans environ : « Il
vendait des cigarettes juste là », soutient-il en désignant le boulevard
de la Chapelle. « Ça m’étonnerait,
corrige un autre, ça fait trois ans
que je suis là et je ne l’ai jamais vu.
En plus, ce sont les Algériens qui
tiennent le business… »
Selon toute vraisemblance, la
victime est née en mars 1991 en
Tunisie et s’appelle Tarek Belgacem. Mais qui était exactement
ce quasi-inconnu, et quel a été
son parcours ? Les policiers de la
section antiterroriste de la brigade criminelle tentent depuis
jeudi de répondre à ces questions.
Sur la foi de la comparaison de ses
empreintes digitales avec celles
enregistrées en juillet 2013 par la
gendarmerie, suite au vol avec deux
complices d’une paire de lunettes
sur une plage de Sainte-Maxime
(Var), les enquêteurs ont d’abord
pensé avoir affaire à un jeune Marocain de 20 ans. Le clandestin avait
prétendu alors s’appeler Sallah Ali,
natif de Casablanca, et être parvenu
sur la Côte d’Azur après un périple
en Italie. Bilan : un rappel à la loi
et une OQTF, sigle d’obligation de
quitter le territoire français.
Il a vécu dans un foyer de
demandeurs d’asile en Allemagne
Mais depuis la diffusion de son
portrait dans les médias, sa famille
– une cousine en région parisienne
et ses parents en Tunisie – s’est manifestée pour révéler sa véritable
identité. Elle figurait d’ailleurs sur
l’étrange texte manuscrit retrouvé
dans sa veste : un vague dessin du
drapeau de Daech suivi de la profes-
sion de foi musulmane ; son pseudo
islamiste, « Abou Jihad Tounsi », précédant son nom d’état civil, Tarek
Belgacem, et le mot « Tunis » ; enfin,
un texte en arabe signifiant son allégeance à Al-Baghdadi et son souhait
de venger les morts en Syrie…
En attendant le résultat de l’examen des images vidéo des caméras parisiennes, les enquêteurs ont
commencé à « faire parler » le téléphone du jeune homme ; surtout sa
carte SIM, achetée en Allemagne
et activée cet automne. Ils ont ainsi
établi que Belgacem était arrivé
en France le 24 décembre 2015 et
s’était depuis déplacé sur un axe
Valenciennes-Paris-Marseille. La
PJ a également enregistré les premiers retours de coopération judiciaire en provenance de Suisse, du
Luxembourg et d’Allemagne, mais
aussi de Roumanie, autant de pays
où, selon une source proche de l’enquête, Belgacem s’est fait remarquer ces dernières années pour de
menus larcins et des infractions à
la législation sur les étrangers, sous
différentes identités. Hier soir, la
police judiciaire allemande a indiqué avoir perquisitionné un foyer
de demandeurs d’asile où il vivait,
en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
« Aucun indice de possibles autres
attaques » n’a été trouvé.
« Pour l’instant, nous n’avons
aucune certitude »
Sollicités par une radio tunisienne, ses proches, basés dans la
région de Mahdia, soutiennent que
Tarek Belgacem « n’appartenait à
aucune organisation extrémiste ».
« Il est allé [au commissariat] pour
son passeport », insiste sa mère.
« Il y a trois, quatre jours, il nous a
appelés pour nous demander de lui
envoyer des extraits de naissance »,
confirme son père. Aucune explication en revanche sur la note manuscrite, le couteau de boucher et la
mystérieuse sacoche entourée de
ruban adhésif et équipée d’un fil
électrique qui a mobilisé un robot
de déminage pour lever le doute
sur la présence d’explosifs…
Si les applications retrouvées
sur le téléphone du jeune homme
trahissent, selon une source judiciaire, un « intérêt pour le djihad et
l’islam radical », elles n’auraient,
selon une source policière, pu servir qu’à recopier la profession de foi
musulmane. « Pour l’instant, nous
n’avons aucune certitude. » g
Hommages aux victimes des attentats
Ce matin, à paris, la place de
la République est le centre des
commémorations, en présence
de François hollande
Un an après la marche républicaine qui avait réuni près de 4 millions de personnes en France le
11 janvier 2015, un hommage est
prévu en deux temps aujourd’hui
place de la République, à Paris.
À 11 heures, François Hollande
et Anne Hidalgo dévoileront
une plaque au pied d’un « chêne
du souvenir » en mémoire des
149 victimes du terrorisme en
France dans l’année. Suivront
des chansons – notamment Un
dimanche de janvier par Johnny
Hallyday –, ainsi qu’une minute
de silence et une Marseillaise. À
17 h 30, les Parisiens sont invités
à se rassembler munis d’une bougie devant le chêne, la statue de la
République et la fresque Fluctuat
nec mergitur illuminés.
En parallèle, l’invitation de
tous les citoyens à un « thé de
la fraternité », qui a débuté hier
à l’appel du Conseil français du
culte musulman (CFCM) dans de
nombreuses mosquées, se poursuit aujourd’hui. L’objectif est de
défendre un islam de concorde, de
« perpétuer l’esprit de solidarité du
11 janvier », « de mieux se connaître
pour mieux se reconnaître », a
expliqué Anouar Kbibech, le
président du CFCM. Hier aprèsmidi, celui-ci a accueilli Bernard
Cazeneuve à la mosquée de SaintOuen-l’Aumône (Val-d’Oise).
Recueillement devant l’Hyper
Cacher de la porte de Vincennes
Le ministre de l’Intérieur
a martelé que « la République
[avait] besoin, plus que jamais, de
l’engagement de tous les musulmans de France ». « Lorsque des
barbares frappent la jeunesse
sans distinction de religion, les
premiers à souffrir en termes de
dégradation d’image de leur religion sont les musulmans amoureux
de la République », a-t-il ajouté en
Bernard Cazeneuve, hier, dans une mosquée du Val-d’Oise. érIc dessONs/Jdd
condamnant les « actes imbéciles »
commis contre des lieux de culte
musulmans. En 2015, le CFCM a
recensé 400 actes antimusulmans,
dont 174 sur le mois de janvier.
Hier à 19 h 30, les deux hommes
se sont retrouvés au « rassemblement unitaire d’hommage » aux
victimes des attentats de janvier,
organisé devant l’Hyper Cacher
de la porte de Vincennes à l’appel
du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif ).
« L’année 2015 a été une année
horrible pour les juifs, pour les
journalistes, pour les policiers et
finalement pour tous les Français.
Mais ce soir, nous ne sommes pas
seuls », a rappelé son président,
Roger Cukierman. Dix-neuf
bougies – pour les 17 victimes de
janvier, plus une pour celles du
13 novembre et une pour toutes les
victimes du terrorisme – ont été allumées par des personnalités, dont
Anne Hidalgo, Nicolas Sarkozy, le
grand rabbin de France Haïm Korsia, l’archevêque de Paris André
Vingt-Trois et le « héros » Lassana
Bathily, ovationné. « La flamme du
judaïsme et l’âme de la République,
ce soir, sont unies », a martelé le
Premier ministre, Manuel Valls,
dans un discours très applaudi,
évoquant « l’angoisse légitime » des
juifs de France, qui « ne doit plus
jamais être sous-estimée ». « Je ne
cesserai de le répéter parce que c’est
une conviction profonde : sans les
juifs de France, la France ne serait
pas la France ! » J.D.
lejdd.fr De République à Nation,
notre reporter refait aujourd’hui le
parcours de la marche républicaine
du dimanche 11 janvier 2015
société | 13
jdd | 10 janvier 2016
Carte scolaire, le
remue-méninges
ÉDUCATION Favoriser la mixité
sociale dans les collèges, c’est
l’objectif. Selon le ministère,
20 départements doivent mener
des expériences à la rentrée
2016. Ce ne sera pas le cas…
MArIe QUeNeT
En finir avec les collèges ghettos,
c’était l’un des objectifs affichés par
le gouvernement au lendemain des
attentats de janvier 2015. Le 10 novembre, la ministre de l’Éducation
annonçait des expérimentations
pour favoriser la mixité sociale
dès la rentrée 2016. Avec une liste
de 17 départements « volontaires »,
de droite comme de gauche, prêts à
tester la démarche sur un ou deux
« territoires pilotes ». L’idée phare ?
Créer des secteurs de recrutement
communs à plusieurs collèges afin
de mélanger davantage les enfants
(aujourd’hui, chaque élève dépend,
selon son adresse, d’un seul collège).
Deux mois plus tard, chacun
avance avec une prudence de Sioux,
conscient que tout ce qui touche
à la carte scolaire, au devenir des
enfants, reste un sujet ultrasensible. La liste des secteurs pilotes
demeure donc confidentielle. Le
ministère prévoit un point d’étape
le 20 janvier avec le comité scientifique censé accompagner ces pionniers de la mixité. Tout sera rendu
public fin janvier-début février. « On
aura 25 à 30 territoires pilotes, six fois
l’objectif initial », se félicite-t-on déjà
rue de Grenelle, en annonçant trois
départements de plus : la Vienne, la
Marne et le Gard.
« C’est surréaliste, nous n’avons
pas donné notre accord ! »
Le JDD a donc questionné les
20 conseils départementaux, seuls
compétents en matière de sectorisation. Premier constat : deux
« volontaires » ne semblent pas au
courant. La Marne, dirigée par la
droite, tombe des nues : « C’est surréaliste, nous n’avons pas donné notre
accord ! » L’Indre-et-Loire, présidé
par l’UDI, botte en touche : « Nous
ne possédons pas assez d’éléments
pour travailler à la mise en place d’un
tel dispositif, susceptible de susciter
chez les parents d’élèves de très vives
réactions. » Ailleurs, dans un département PS, on se présente comme
un « désigné volontaire ».
Deuxième constat : près de la
moitié des volontaires ne se lanceront probablement pas à la rentrée 2016, date fixée par le ministère.
En Haute-Savoie, par exemple, il
faudra attendre la rentrée 2017 et
l’ouverture du 49e collège du département. En Meurthe-et-Moselle, un
secteur multicollèges verra le jour à
Nancy en septembre 2017. « On ne
doit pas imposer d’en haut la mixité
sociale », martelait la ministre en no-
Les 20 départements
« volontaires »
Charente-Maritime, Doubs,
Eure-et-Loir, Gard,
Haute-Garonne, Hérault,
Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire,
Loire, Haute-Loire, Maine-et-Loire,
Marne, Meurthe-et-Moselle,
Puy-de-Dôme, Bas-Rhin,
Haute-Savoie, Paris, Vienne, Tarn
et Seine-Saint-Denis.
vembre. Beaucoup de départements
prendront donc leur temps. « Nous
en sommes au stade du scénario », estime-t-on en Haute-Garonne. « Les
parents doivent déposer les dossiers
d’entrée en sixième au tout début
du printemps, la période de travail
est trop courte pour des évolutions
importantes à la rentrée 2016 », juge
encore Henri Colin, vice-président
de la Vienne chargé des collèges.
D’autres, comme le Maine-et-Loire,
risquent de décaler leur test – a priori un secteur multicollèges autour
du collège Jean-Lurçat à Angers,
classé REP + (réseau d’éducation
prioritaire renforcé) – pour des raisons administratives : leur interlocuteur au rectorat vient d’être muté
dans les Bouches-du-Rhône !
« Redonner envie de faire le choix
du collège public de son quartier »
Pour corser le tout, sous couvert d’expérimentations locales,
les approches sont très variées.
En réalité, à la rentrée 2016, seuls
quelques départements, comme
le Bas-Rhin et le Gard, comptent
tester le secteur multicollèges mis
en avant par la ministre. Le Doubs,
l’Eure-et-Loir et la Loire peut-être
aussi. Mais pour 2016, la plupart
privilégient d’autres approches.
Paris, par exemple, corrige simplement des périmètres de recrutement dans plusieurs territoires
– la limite entre arrondissements :
les 12e et 20e, les 18e et 19e –, rectifiant
l’affectation d’un bout de rue, d’un
morceau de quartier, s’appuyant
sur les nouveaux outils fournis par
l’Éducation nationale. Et les secteurs multicollèges ? Peut-être à la
rentrée 2017… La Seine-Saint-Denis,
elle, conjugue en priorité révision de
la sectorisation face aux évolutions
démographiques (par exemple à
Clichy-sous-Bois) et nouvelle offre
pédagogique. « Il faut surtout redonner envie aux familles de faire le choix
du collège public de leur quartier »,
martèle Stéphane Troussel, le président (PS) du conseil départemental.
Même raisonnement dans
l’Hérault. Ici, on ne touche même
pas à la carte scolaire. « Le collège
Las-Cazes, à Montpellier, concerné
par l’expérimentation, ne rencontre
pas de problèmes de mixité dans sa
zone de recrutement. Mais près de
300 familles préfèrent mettre leurs
enfants ailleurs, regrette Renaud
Calvat, vice-président délégué
à l’Éducation. Tout notre travail
consiste donc à rendre ce collège
plus attractif. » Avec de multiples
mesures : travail sur la place des
sciences, passerelles avec le lycée
et l’enseignement supérieur, théâtre,
projet numérique…
Aux confins de la Loire, on soigne
l’offre pédagogique. Ce département, qui ne compte aucun collège
en REP, fait aussi partie des « expérimentateurs ». Son projet porte sur un
collège (moins de 100 élèves), avec
la création d’une « section sportive
option équitation ». Objectif : « favoriser la revitalisation du territoire
par un recrutement des élèves sur
le plan départemental, académique,
voire interacadémique ». La mixité
par petites touches ? « Je ne prépare
pas le grand soir », prévenait Najat
Vallaud-Belkacem en novembre. g
lejdd.fr Ce qui va se passer
dans chacun des 20 départements
Devant le collège Jean-Lurcat, à Angers (Maine-et-Loire). Un établissement qui souffre d’un manque de mixité sociale. N. MARQUES poUR lE JDD
14 | société
JDD | 10 janvier 2016
« La loi Santé est un échec total
INTErvIEw Claude Évin, ex-ministre de la Santé et ancien directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, réagit
IntervIew
ANNE-LAUrE BArrET
ET MATThIEU PEchBErTy
@AnneLaureBarret
@mpechberty
La loi Santé détruit-elle la vôtre, qui
encadre la publicité pour l’alcool ?
Sur l’alcool, responsable de
135 morts par jour en France, le
combat est en train d’être perdu.
Durant vingt-cinq ans, ce texte,
qui réglemente la publicité pour
l’alcool, a été sans cesse attaqué.
Sous la pression des publicitaires
et celle des viticulteurs qui dans
cette affaire sont instrumentalisés, la publicité sur des affiches
dans la rue a été rétablie trois ans
après, celle sur Internet a été autorisée en 2009. Dire aujourd’hui
qu’on ne peut diffuser la photographie d’un vignoble ou faire un
article sur la Bourgogne est absurde. Ce qu’on ne peut accepter,
c’est de présenter l’alcool, quel
que soit le produit, de manière
à inciter à la consommation, que
ce soit sous la forme de visuels
ou d’articles. La consommation
excessive d’alcool tue, brise des
familles (violence conjugale) et
des vies (accidents de voiture),
on ne peut donc pas en faire la
promotion comme on le ferait
par exemple d’un parfum.
Claude Évin, jeudi, à Paris. Sa loi a 25 ans aujourd’hui même. Bernard BISSOn POUr Le Jdd
ce nouveau texte marque-t-il
un recul dangereux ?
La loi Santé est un échec total
sur l’alcool : elle légitime le contournement de la loi Évin. Sous couvert
d’œnotourisme, on pourra promouvoir n’importe quel produit. On a
introduit dans la loi une fausse distinction, entre publicité et information, qui permettra de présenter
le vin ou d’autres alcools comme
un produit attractif. On verra, à
l’heure où les jeunes sont devant
la télé ou le samedi soir au cinéma,
des pubs estampillées terroir pour
des vodkas polonaises ou du whisky
écossais. Les grands vainqueurs de
ce recul sanitaire seront les publicitaires qui lorgnent ce marché gigantesque et les vendeurs de bières et
d’alcools forts, qui vont s’engouffrer
dans la brèche.
La crise est là, le gouvernement
a tranché en faveur des
exportations. Est-ce un scandale ?
C’est un faux argument : enca-
drer la publicité ne limite pas les
« binge drinking », en augmentation
exportations. La qualité des proconstante chez les jeunes, n’a-t-elle
duits détermine notre capacité à
pas été menée ? Ces sujets n’ont
les vendre. Certes, la viticulture, ce
pas été portés politiquement par
sont des hommes et des femmes,
la ministre de la Santé. Il n’y a ni
de l’activité économique, une parpédagogie ni éducation sanitaire.
tie de l’image de la France. Mais
L’alcool est un tabou en France,
on ne peut pas sacrifier la santé
sans doute du fait que nous sommes
au nom de l’économie. En 1991,
un grand pays de production… et
le Conseil constitutionnel l’avait
de consommation.
d’ailleurs confirmé en validant
comment aviez-vous combattu
ma loi. Une démarche intelligente
les lobbys en 1991 ?
consisterait aujourd’hui à trouver
L’opinion avait été préparée à
un accord entre défenseurs de la
ce débat par cinq grands professanté et acteurs économiques,
seurs de médecine qui avaient
pour instaurer
fait de la santé
un code de bonne
un des enjeux du
conduite. Marisol « Si un fumeur n’a
duel MitterrandTouraine avait pas décidé d’arrêter, Chirac de 1988.
Les échanges
promis un groupe
entre ministres
de travail sur ce paquet neutre
sujet. Je regrette ou pas, il ira acheter ont été vifs. Le
qu’il n’ait pas été
Premier ministre,
mis en place. On ses cigarettes »
Michel Rocard, a
n’aurait peut-être
tranché en ma fapas eu ce vote par
veur et, au Conseil
la suite.
des ministres, j’ai eu la surprise
De nombreux professionnels
d’entendre François Mitterrand,
souvent silencieux lorsqu’il s’agisde santé critiquent l’inaction
sait de la présentation d’un texte
du gouvernement en matière
de loi, s’engager. Il a insisté sur le
de prévention…
La politique de santé publique
fait qu’il y avait, dans notre pays,
ne se résume pas à une loi. Pourune trop grande tendance à banaquoi aucune action contre le
liser l’alcoolisme, générateur de
Lobbying
sans modération
au Parlement
ENQUÊTE Une centaine
de députés des régions viticoles
ont mené une intense bataille
pour assouplir la loi Évin.
D’autres ont failli tuer le paquet
de cigarettes neutre
« Il n’y a plus de loi Évin. Les
publicités pour l’alcool fleurissent à
chaque coin de rue. Elles envahiront
bientôt les écrans. On ne sait plus ce
qui est interdit et ce qui est autorisé. » Ce haut responsable du ministère de la Santé ne décolère pas. La
loi Santé, qui va être examinée dans
dix jours par le Conseil constitutionnel, assouplit, par le biais d’un
amendement, le volet alcool de la
loi Évin de 1991. « Les politiques
sont irresponsables. Quand la pub
pour l’alcool augmente, la consommation augmente aussi. Nos députés et sénateurs, qui ont épousé la
cause des lobbys, nous préparent une
catastrophe sanitaire… »
Catherine Lemorton, députée (PS) de Haute-Garonne et
présidente de la commission des
affaires sociales à l’Assemblée
nationale, partage le même sentiment d’avoir « perdu la bataille »
face à de « l’électoralisme pur » et à
« des intérêts riches et puissants ».
Cette pharmacienne de profession
n’a pas réussi à convaincre ses
confrères de faire passer la santé
avant les intérêts économiques.
La bataille a commencé il y a
trois ans, au moment de l’annonce
d’une loi Santé. À la manœuvre, Vin
& Société, fédération représentant
500.000 producteurs, qui a lancé
pour l’occasion une vaste campagne
de communication. La plupart des
200 députés ayant des vignobles
dans leur circonscription ont reçu
la visite des lobbyistes. Outre celui
de l’Association nationale des élus
de la vigne et du vin (Anev), ces derniers ont pu compter sur le soutien
de la grosse centaine de parlementaires membres du groupe viticulture de l’Assemblée nationale. Ce
club très couru n’a cessé de réclamer « une clarification responsable
de la loi Évin ». À sa tête, Catherine
Quéré, députée (PS) de CharenteMaritime, patrie du cognac et du
pineau. Cette ancienne viticultrice
reconnaît volontiers que le lobby
de l’alcool a murmuré à son oreille.
« Le problème n’est pas de recevoir
tel ou tel mais de faire preuve d’indépendance au moment de prendre
une décision. Je manquerais de cette
indépendance si j’avais été payée,
cela n’a pas été le cas. »
Manipulation à la Commission
des affaires sociales
L’offensive finale a été lancée
durant l’été 2015 par trois députés
de régions viticoles. Denys Robiliard (vallée de la Loire), Gilles
Savary (Bordelais) et Laurent
Grandguillaume (Bourgogne) ont
tenté d’introduire un amendement
pour assouplir la loi Évin dans la
loi Macron. En vain. À la rentrée,
la pression est revenue au Sénat
cOLcanOPa
avec le sénateur de Gironde Gérard
César, également viticulteur. Le
président du groupe d’étude de la
vigne au Sénat réunit derrière lui
une quarantaine de ses collègues
de gauche et de droite des régions
viticoles, favorables à autoriser
l’information sur le vin et l’œnotourisme. « Il s’est beaucoup battu,
reconnaît un professionnel. Sans lui,
le sujet aurait été enterré. »
Car à l’Assemblée nationale, la
commission des affaires sociales ne
compte aucun élu de terroirs plantés de vignes. « Il y avait un vrai
blocage, on n’arrivait pas à avoir
de rendez-vous », admet un lobbyiste de la filière viticole. Début
novembre, deux députées PS réalisent un tour de force. Catherine
Quéré et Anne-Yvonne Le Dain
(Hérault) font pression pour intégrer cette commission et remporter le vote en faveur de « l’amendement alcool ». Le président du
groupe socialiste à l’Assemblée,
Bruno Le Roux, orchestre ce jeu
de chaises musicales : il demande à
Sylviane Bulteau et Jean-Jacques
Vlody de laisser leurs places au
sein de la commission.
Les régionales ont pesé
sur les votes
« Jean-Jacques Vlody était
opposé à cette mesure, explique
sa collaboratrice. Mais il a obéi
à la consigne du groupe. » « Oui,
c’est inhabituel et cela s’est fait
assez tard avant le vote », admet
du bout des lèvres un proche de
Le Roux, pas très à l’aise. Objectif
rempli : la commission des affaires
sociales vote l’amendement. « Ce
parachutage est une véritable
manipulation », accuse Catherine
Lemorton. Catherine Quéré, elle,
rétorque : « C’est tout à fait légal et
pas rare de changer de commission.
Le vote a été largement majoritaire.
De toute façon, le groupe PS était
quasi unanime sur ce thème et François Hollande nous a soutenus. » La
campagne des régionales a aussi
servi de levier politique. « Les viticulteurs ont mis la pression dans
toutes les régions où ils sont présents », explique Michèle Delaunay,
députée (PS) de Gironde. « Et les
buralistes ont fait la même chose. »
Quinze jours après, une nouvelle offensive, cette fois-ci sur le
paquet neutre, a bien failli faire
vaciller la loi Santé. Dans la nuit du
25 au 26 novembre, le député socialiste du Doubs Frédéric Barbier
réussit à rassembler une cinquantaine de collègues pour s’opposer
à cette mesure phare de la loi de
Marisol Touraine.
Tous députés de régions frontalières, qui souffrent des achats
de tabac à l’étranger, beaucoup venaient du Tarn, de l’Hérault et des
Pyrénées-Orientales. « Ils se sont
mobilisés après que des buralistes
locaux ont perturbé un meeting de
la candidate PS en Midi-Pyrénées,
Carole Delga , décrypte l’un d’eux.
Ils l’ont menacée de lui faire perdre
les élections. » Le paquet neutre a
finalement été voté à deux voix
d’écart seulement. Et Carole Delga
a été élue. A.-L.B. ET M.P.
société | 15
jdd | 10 janvier 2016
sur l’alcool »
à la loi qui doit entrer en vigueur cette année
violence familiale. Aujourd’hui,
Marisol Touraine n’a pas bénéficié
du soutien de François Hollande.
Les sujets de santé n’intéressent
pas, comme s’il n’y avait plus le
souci de sauver des vies.
Dans la loi
touraine, il y a
tout de même le
« paquet neutre »
pour lutter contre
le tabagisme…
« Il faut un
électrochoc pour
changer les
comportements !
Il faut augmenter
les prix de manière
forte et brutale »
Ce n’est pas
une mesure qui
incite à l’arrêt
du tabac. À titre
personnel, je n’y
crois pas. Si un
fumeur n’a pas
décidé d’arrêter,
paquet neutre ou
pas, il ira acheter ses cigarettes.
C’est un symbole pour se donner
bonne conscience. Il sera un élément supplémentaire pour lutter
contre le tabagisme mais ne sera
pas déterminant.
Qu’aurait dû faire
Marisol touraine ?
Il faut les augmenter de manière
forte et brutale. De faibles hausses
régulières, comme cela a été fait
pendant des années, ne servent
à rien. Je ne nie pas les conséquences pour les buralistes mais
ce n’est pas une
raison pour ne
rien faire.
Il faut un électrochoc pour
changer les comportements ! La
ministre aurait dû se battre pour
augmenter les prix, la meilleure
façon de limiter la consommation.
Les aspects
financiers ont-ils
primé ?
Le tabac assure à l’État des
t a xe s i m p o rt a n t e s
( 14 m i l l i a rd s
d’euros). Mais il
coûte 47 milliards d’euros
chaque année à la
Sécurité sociale et fait 78.000 victimes. Ce drame humain ne se
mesure pas avec des chiffres.
Sur le tabac, votre loi a-t-elle
également été contournée ?
Le texte n’a pas changé mais il
est insuffisamment appliqué, par
exemple dans les bars et les restaurants qui, en hiver, installent des
terrasses fermées et couvertes. Il
n’y a pas, là encore, de volonté politique pour que des contrôles fassent
respecter la réglementation. g
Quand les prix montent, la consommation baisse
Prix du paquet
le plus vendu
en euros
Cigarettes fumées
par jour/adulte
8
7
6
5
4
3
2
4,8
4,6 €
5€ 5 €
5,3 €
5,6 €
5,9 €
6,6 €
6,2 €
2002
6,8 €
5,3€
3,35€
3,9 €
3,6 €
3,2 €
2000
7 € 7€
Estimation
JDD
2,9
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Source : C. HILL (Sept. 2013)
La consommation de tabac repart à la hausse
eXCLUSIF Les ventes de cigarettes
ont augmenté de 1 % en 2015,
celles de tabac à rouler de 6,3 %.
Les taxes progressent aussi
MAttHIeU PeCHBertY
@mpechberty
C’est une première depuis 2009 :
la consommation de tabac repart
à la hausse. Les ventes de cigarettes ont augmenté de 1 % l’an
passé après avoir baissé de 7,6 %
en 2013 et de 5,3 % en 2014. Pire,
celles de tabac à rouler, alternative
prisée par les jeunes, continuent
à exploser : elles ont progressé de
6,3 % alors qu’elles avaient reculé
de 3 % en 2014.
La reprise de la consommation
est très nette. Elle intervient alors
que les prix des cigarettes n’ont
pas augmenté depuis le 1er janvier 2014. Un lien évident pour
les professionnels. « La stabilité
des prix a joué énormément, c’est
incontestable, estime un industriel.
On n’avait pas fait une telle année
depuis longtemps. » Étonnant coup
de pouce, la fermeture des frontières décrétée par l’état d’urgence
a limité les achats de cigarettes
dans les pays frontaliers et profité
aux buralistes en France au mois
de décembre.
Les recettes fiscales
ont progressé de 1,8 %
Ce rebond tombe mal alors que
vient d’être votée la loi de santé de
Marisol Touraine. « À force de se
concentrer sur le paquet neutre, le
gouvernement a oublié l’essentiel :
augmenter les prix ! », s’étonne un
autre professionnel. À moins que
l’État l’ait fait volontairement.
Car ses recettes fiscales ont aussi
profité des bonnes ventes en
progressant de 1,8 %, soit près de
250 millions d’euros.
Un rattrapage qui réjouira
Bercy après une année 2014 désastreuse quand les taxes avaient baissé de 200 millions d’euros. Tout le
monde surfe sur la vague puisque
les buralistes, qui touchent 6,9 %
sur chaque paquet vendu, ont aussi
vu leurs commissions s’améliorer
de 37 millions d’euros. g
*
16 | société
JDD | 10 janvier 2016
Gabegie, fromage
et recasage…
Notre-Damedes-Landes :
CRS contre
agriculteurs
INSTITUTIONS Peu
HIER SOIR, vers 23 heures, après
une première tentative avortée de
négociation entre la police et des
opposants au projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes (LoireAtlantique), des CRS équipés de
lances à eau sont intervenus pour
tenter de déloger les agriculteurs
qui bloquaient totalement le pont de
Cheviré, sur la Loire, coupant ainsi la
circulation sur le périphérique nantais. Charge avec gaz lacrymogène
d’un côté, fusées d’artifice et feu de
paille de l’autre, la situation était très
confuse aux alentours de minuit.
En début de nuit, alors qu’une
importante colonne de CRS passait
le pont dans le sens nord-sud en direction du barrage des opposants,
les agriculteurs avaient positionné
en épis leurs tracteurs – entre 40
et 60 – pour faire face aux forces
de l’ordre. Ils voulaient couper le
périphérique nantais tant que François Hollande ne renoncerait pas à
l’expulsion des personnes habitant
sur le site du futur aéroport.
consulté, le Conseil
économique, social et
environnemental est
dans le collimateur.
Son nouveau patron,
Patrick Bernasconi,
recevra dans huit
jours le président de
la République pour
ses vœux aux forces
vives de la nation
MarIe-ChrISTINe TabeT
@mc_tabet
Le 18 janvier, François Hollande
lancera le dernier round social
du quinquennat au palais d’Iéna.
Au programme : réforme du Code
du travail et du régime chômage.
Il sera accueilli sur le perron du
Conseil économique social et environnemental (Cese) par l’ancien
patron de la Fédération nationale
du bâtiment, Patrick Bernasconi,
ex-dirigeant du Medef, qui en a
ravi la présidence le 1er décembre
à Jean-Paul Delevoye. Une provocation ou du moins un faux pas
pour FO et la CGT…
C’est en mai dernier que
Delevoye a compris que ses jours
étaient comptés à la tête de la troisième assemblée de la République,
celle des partenaires sociaux. Ce
jour-là, il recevait Laurent Berger,
le secrétaire général de la CFDT.
Désireux de briguer un second
mandat, Delevoye, élu en 2010
pour cinq ans, voulait savoir s’il
aurait le soutien du syndicat réformateur. Berger l’a félicité pour son
« bon bilan d’assainissement » mais
ne lui a laissé aucun espoir : « Il m’a
gentiment fait comprendre que la
gestion du Cese devait revenir aux
partenaires sociaux… »
« J’ai voulu remettre la maison
en ordre de marche »
La greffe Delevoye n’a jamais
pris. Le personnel s’est rapidement
méfié des ambitions réformatrices
de l’ancien médiateur de la République, fustigeant « la brutalité de
son management » et un « manque
d’investissement ». En témoigne un
audit réalisé par le cabinet Technologia. Jamais rendu public, ce
document remis en mars 2014 –
dont le JDD a pu consulter une
synthèse – montre que, si 81 % des
personnels jugeaient des évolutions nécessaires, 51 % n’approuvaient aucun des chantiers engagés
par le président Delevoye.
« J’ai voulu remettre la maison en
ordre de marche, se défend-il. En arrivant, je me suis aperçu que la maison gonflait ses effectifs et distribuait
des primes sans compter. Pour un
salaire moyen de 55.000 €, les fonctionnaires du Cese travaillaient en
moyenne 1.350 heures annuelles, soit
largement moins que les 1.607 heures
obligatoires de la fonction publique…
Sans compter les arrangements
extérieurs et les contrats léonins.
Lorsque le directeur de cabinet de
mon prédécesseur, un préfet qui percevait 15.000 € par mois, a quitté
À Paris, le palais d’Iéna abrite le Conseil économique, social et environnemental. CHARLES PLATIAU/REUTERS
le Cese pour rejoindre la Cour des
dical, professionnel, agricole…
Chaque organisation y désigne
comptes, j’ai dû continuer à payer
des représentants. Pour la plupendant trois mois son salaire… au
Medef. Je me suis aperçu qu’en 2008,
part, l’opération est très juteuse.
on avait puisé dans la caisse de
À commencer par la CFDT et la
retraite pour subventionner à hauCGT, qui y envoient parmi les plus
teur de 260.000 € les Assises de la
gros contingents (18 personnes)
jeunesse. Caisse déficitaire et renet perçoivent une rente annuelle
flouée par l’État ! À l’époque, j’avais
de 640.000 €. FO empoche
préféré taire toutes ces dérives pour
quelque 500.000 €. Les conseilprotéger l’institution. Des députés
lers reversent à leur organisation
réclamaient sa disparition ! »
l’intégralité de leurs indemnités
Ses tentatives de réorganisation
de 3.000 € mensuels. Leur profit
n’ont pas convaincu. Et il a dû recupersonnel est différé mais tout
ler sur certains dossiers. Exemple
aussi important. Il prend la forme
édifiant : la pointeuse en début et
d’une super-épargne retraite : 350 €
fin de journée qu’il a imposée pour
de pension pour un mandat de
augmenter le temps de travail ne
cinq ans, 700 € pour deux mandats.
prend pas en compte les pauses
Le barème a été révisé en juillet.
déjeuner à l’intérieur du palais
Auparavant, la pension atteiet les diverses activités de loisirs
gnait près de 1.200 € au terme
de deux mandats, pour deux
offertes sur place. « Pour diriger le
jours de travail
Conseil, il faut être
par semaine en
au moins francmoyenne et des
maçon ou syndica- Le conseiller social
liste, fait observer du PS vient de
frais de déplaceun... syndicaliste,
ments additionnels. Les « PQ »,
et Delevoye n’est décrocher l’un des
ni l’un ni l’autre. Il deux prestigieux
personnalités
n’a obtenu le poste
qualifiées choisies
de manière totaleque parce que la postes de questeur
maison n’avait pas au Cese, avec
ment discrétionréussi à trouver
naire par l’exéun accord interne bureau et chauffeur cutif, bénéficient
après la présidu même régime
dence de Jacques
e t c o n s e r ve n t
leur « traitement ». Un groupe
Dermagne. »
Le 1 er décembre, Jean-Paul
de personnalités associées (PA)
Delevoye a été battu à plates couparticipe également aux travaux
tures au premier tour par Patrick
de l’assemblée mais pas aux votes.
Bernasconi, le candidat de la
Elles perçoivent une indemnité de
CFDT, qui a obtenu 131 voix contre
quelque 1.500 €.
seulement 60 à son adversaire.
La campagne pour la présiLa CGT lui avait promis son soudence du Cese a laissé des traces.
tien… au second tour. Les accords
Yves Veyrier, ancien conseiller CGT-FO du Cese, ne décoélectoraux au sein du Conseil
dépassent largement les logiques
lère pas. « Sarkozy avait nommé
de lutte des classes. Le Cese et ses
ses conseillers Pierre Charon et
38 millions d’euros de budget sont
Raymond Soubie, mais il me semble
une affaire financière de la plus
que c’est la première fois que l’exéhaute importance. Un des plus
cutif envoie à l’évidence un permabeaux fromages de la République
nent national du parti de la majoassurent ses détracteurs.
rité », fustige-t-il. Sur le banc des
Le Conseil est composé de
accusés, Jean Grosset, le conseiller
233 conseillers issus de la société
social du PS qui, après avoir effeccivile, du monde associatif, syntué un premier mandat au Conseil
dans le groupe Unsa, revient sur
la liste des 40 personnalités qualifiées, le quota de l’exécutif. La
potion est amère pour FO car
Grosset est issu de ses rangs et a
fait ouvertement campagne pour
Patrick Bernasconi. Or cet ancien
trotskiste, surnommé « Saïgon »
chez les lambertistes et proche de
l’actuel premier secrétaire du PS,
Jean-Christophe Cambadélis, dont
il est conseiller social, vient de décrocher l’un des deux prestigieux
postes de questeur au Cese, avec
bureau et chauffeur.
« On a besoin de retrouver
une légitimité »
Sur les 40 PQ, 25 seraient
proches du PS… dont l’ancien
député Jean-Marie Cambacérès ou le candidat malheureux
aux régionales dans le Vaucluse,
Jean-Louis Joseph, nommé avant
même l’échéance électorale. Jacky
Bontems, le représentant du
groupe des PQ, vient de publier
un ouvrage d’économie très louangeur sur François Hollande, que
ce dernier a d’ailleurs pris soin
de préfacer. « On a besoin de retrouver une légitimité, se plaint
un conseiller environnement,
cette assemblée est un des rares
lieux de débat non conflictuel de la
République, un endroit où la société
civile peut faire entendre sa voix
sans être obligée de pétitionner ou
de manifester. Quel gâchis… »
Le dernier rapport de la Cour
des comptes, publié en février dernier, dressait un bilan sans appel
de l’institution. « Le Cese a pour
mission première de donner son
avis sur les projets de loi qui lui sont
soumis […]. Malgré les évolutions
institutionnelles, la place du Cese
[…] est caractérisée par la faiblesse
du nombre de saisines gouvernementales (5 en 2013, 2 en 2012, 11
en 2011) et parlementaire (1 seule à
ce jour)… » Depuis la rédaction du
document, le Sénat et l’Assemblée
ont saisi une fois chacun le Cese.
Donc trois saisines parlementaires
en cinq ans. g
20.000 manifestants
selon les organisateurs
Plus tôt dans la journée, les antiaéroport avaient réuni des milliers
de personnes – 20.000 selon l’Acipa,
principale association d’opposants,
7.200 selon la police, dont un millier de cyclistes –, la mobilisation
la plus forte depuis la manifestation du 22 février 2014, lorsqu’au
moins 20.000 personnes s’étaient
réunies dans le centre de Nantes. Le
rassemblement d’hier a lieu plus de
deux mois après l’annonce, le 30 octobre, d’une relance « pour 2016 »
du chantier, après la validation par
le tribunal administratif de Nantes
des arrêtés préfectoraux autorisant
le début des travaux. Une audience
doit avoir lieu mercredi au tribunal de grande instance de Nantes,
le groupe Vinci, concessionnaire du
projet d’aéroport, demandant que
soit prononcée l’expulsion immédiate de onze familles et de quatre
agriculteurs vivant sur ce site.
Hier, Nicolas Hulot, ex-envoyé
spécial de François Hollande pour
la protection de la planète, a par
ailleurs estimé dans les colonnes
du Monde que le projet de NotreDame-des-Landes était « la preuve
que nous n’avons pas encore intégré qu’il y a des projets auxquels il
va falloir renoncer ». La dirigeante
d’EELV, Emmanuelle Cosse, a de
nouveau appelé à l’abandon du projet d’aéroport.
Le transfert de l’actuel aéroport vers le site de Notre-Damedes-Landes, à 20 km au nord de
l’agglomération nantaise, devait
initialement s’achever en 2017
avec l’inauguration de la nouvelle
infrastructure, mais les travaux sont
arrêtés depuis 2012. r.b. (aveC aFP)
Hier, les manifestants ont bloqué le trafic sur
le pont de Cheviré. AFP
économie
jdd | 10 janvier 2016
| 17
NUMÉRIQUE Le salon mondial de Las Vegas a vu passer des dizaines de jeunes
entrepreneurs en quête de financements. Ou comment transformer une idée en business
Start-up françaises
cherchent jackpot
constituent un petit monde qui
peut changer d’avis très facilement. Quelques signes, comme
cette forte présence française
au CES, peuvent les faire revenir », est persuadé Jean-David
Chamboredon.
À Las Vegas, beaucoup de startup françaises étaient aussi venues
convaincre un public international friand d’innovation de la pertinence de leur technologie. « On
T
LAS VEGAS (ÉtAtS-UNIS)
ENVOYÉE SPÉCIALE
SYLVIE ANDREAU
@sylvieandreau
enter sa chance à Las
Vegas pour toucher le
jackpot aux machines
à sous ou pour épouser un millionnaire n’a
jamais si bien marché. Décrocher
le million avec une semelle chauffante ou une enceinte intelligente
est un pari beaucoup plus risqué.
C’est pourtant celui dans lequel se
sont lancées les quelque 200 startup embarquées dans la caravane
de la French Tech, dispersée hier
soir après trois jours « mémorables » dans la capitale du jeu. Le
Consumer Electronic Show (CES)
a pris cette année les allures d’un
concours de beauté géant qui doit
permettre à ces entrepreneurs de
convaincre des investisseurs de les
accompagner dans leur aventure
ou des futurs clients, distributeurs
ou partenaires commerciaux de
donner une chance à des produits
souvent audacieux.
Un distributeur de vin en dosette,
connecté
Morgan Acas a débarqué à Las
Vegas avec une étonnante machine
baptisée « Figure ». Elle se propose
de traiter les données récoltées par
un smartphone ou une montre
connectée, comme la météo ou
la pollution, et de concocter une
crème de soin pour le visage sur
mesure. Un peu plus loin sur un
autre stand, Thibaut Jarrousse a
lui enchaîné les démonstrations de
son distributeur de vin en dosette
d’un verre, lui aussi connecté, afin
de le servir à température idéale.
Pour les deux entrepreneurs, le
calcul est vite fait : une poignée de
millions de dollars ferait passer
leur machine du stade de prototype à la phase industrielle. Elle
« Quelque chose est
en train de changer
dans notre pays.
Une véritable
révolution culturelle
est en cours »
Emmanuel Macron
Des visiteurs du Salon découvrent les nouvelles lunettes connectées de Google. GENE BlEvINS/DAIlY NEWS/ZUMA/vISUAl
leur permettrait aussi d’ouvrir des
bureaux là où leur projet peut rencontrer de nouveaux marchés, aux
États-Unis, bien sûr, ou en Chine.
À Las Vegas, les chances de rencontrer ce partenaire providentiel
sont bien plus importantes qu’à
Paris. En France, les sommes consacrées au financement de l’innovation plafonnent sous la barre des
700 millions d’euros par an. Aux
États-Unis, ce sont près de 47 milliards de dollars qui ont été injectés
l’an dernier dans des entreprises de
nouvelles technologies. Les French
entrepreneurs sont bien décidés à
en capter une part. « Les financiers
américains ne s’intéressaient plus
à la France qu’ils avaient rayée de
leur agenda. Ils nous considéraient
comme le Sénégal de la technologie…
Les choses commencent à changer »,
reconnaît Jean-David Chamboredon, investisseur français, notamment au capital de Blablacar et
président du fonds Isai.
Une enceinte musicale intelligente
La communauté des investisseurs américains a eu droit à une
visite d’Emmanuel Macron, qui
a fait un crochet par San Francisco flanqué d’une délégation de
golden boys français comme Frédéric Mazzella, de Blablacar ou
Ludovic Le Moan, de Sigfox. Plus
tôt dans la semaine, Mister Macron a été accueilli comme une
rockstar à Las Vegas. « Quelque
chose est en train de changer dans
notre pays. Une véritable révolution culturelle est en cours »,
s’est enflammé le ministre
devant un parterre d’entrepreneurs conquis. « Les Américains
Ces entrepreneurs déjà millionnaires
Henri Seydoux,
Parrot
Son dernier drone, le
Disco, restera l’une des
attractions du CES de Las
Vegas. Il y faisait des ronds
dans une cage, montée sur
l’imposant stand du français. Henri Seydoux,
fondateur du groupe Parrot, est fan de ce
rendez-vous annuel qu’il honore depuis des
années. L’enjeu, cette fois, est de prouver que
le français est incontournable sur le marché
des drones grand public. Son chiffre d’affaires
s’est envolé autour des 250 millions d’euros.
Le groupe vient aussi de lever 300 millions
pour accélérer son développement sur un
marché qui explose. « J’étais un peu sceptique
face à cette histoire de French Tech. Je craignais
l’image de village gaulois… Je dois reconnaître
qu’une vraie dynamique s’est créée, avec une
belle énergie. J’espère que l’idée de chasser en
meute sera payante. »
SIPA
Ludovic
Le Moan,
Sigfox
Le champion français,
créateur d’un
réseau pour
objets connectés, s’est contenté
cette année d’un petit espace sur
le stand d’Engie (ex-GDF-Suez).
Mais son fondateur Ludovic Le
Moan a été embarqué dans la
délégation officielle d’Emmanuel Macron. Le ministre, qui lui
fait la bise, est un fan de Sigfox,
dont la valorisation s’est élevée
à 800 millions d’euros pour un
chiffre d’affaires de 3 millions
en 2013 et de 12 l’an dernier. Ils
sont nombreux à parier que cette
progression va continuer sur le
même rythme.
SIPA
Igor Duc,
Native
Union
Le jeune
entrepreneur français, basé à
Hongkong depuis des années, a
assisté amusé à l’offensive French
Tech. Sa société, Native Union, a
su profiter de l’incroyable filon de
l’iPhone et au problème numéro 1
de ses utilisateurs : le recharger.
Elle a mis au point des câbles
malins et design, dotés d’un
nœud de touline qui évite qu’ils
ne tombent de la table de chevet ou du bureau. Sa gamme de
produits a séduit des distributeurs comme Darty ou la Fnac
en France, et les Apple Store du
monde entier. S.A.
SINOPIX-REA
a eu plein de contacts », se réjouit
Tamim El Zein, arrivé de Nancy
avec les semelles Zhor Tech qui,
glissées dans un escarpin comme
dans une chaussure de ski, assurent un chauffage du pied tout
au long de la journée. Le père de
Zhor rêve d’un succès comme celui
qui semble à la portée de l’inventeur de Prizm, une enceinte musicale intelligente : celle-ci choisit
l’ambiance sonore d’une pièce en
fonction du nombre de personnes
et de leurs goûts, grâce à la détection des morceaux sélectionnés
dans leur téléphone portable. Via
la plateforme américaine de financement Kickstarter, Prizm est déjà
forte de centaines d’adeptes qui
ont déboursé au total 160.000 $
pour lui permettre de développer
son produit. Le million n’est plus
très loin… g
LE GÉANt VALEo, SoLIDAIRE
DE LA FRENch tEch
Jacques Aschenbroich
Du haut de ses 13 milliards d’euros
de chiffre d’affaires, le patron de
l’équipementier automobile Valeo,
pourrait donner quelques leçons
aux start-up françaises venues
tenter leur chance à Las Vegas. Ce
n’est pas le genre de la maison. Pour sa première visite
au CES, et la troisième année consécutive de présence
de son groupe sur le salon, l’industriel a mis le paquet
avec un immense stand et surtout un circuit de conduite
pour tester la voiture autonome. Il a dévoilé un système
d’écrans intérieurs qui remplacent les rétroviseurs, ou
encore de dégivrage à distance qui se déclenche grâce
au smartphone. Mais Jacques Aschenbroich a surtout
été bluffé par l’audace des jeunes entrepreneurs qu’il a
croisés. Que certains aient disparu d’ici à la prochaine
édition du CES ne le choque pas : « L’innovation et la
création d’entreprises participent à un principe darwinien.
Il y a une sélection naturelle. Certaines vont vivre et se
IP3/MAXPPP
développer, d’autres ne résisteront pas. »
18 | économiE
Elle ose
Melissa Ferrick réclame
200 millions de dollars
à Spotify
Ce n’est pas une
star, mais sa
popularité va
monter en flèche.
La chanteuse
indie-folk
Melissa Ferrick
attaque
le leader de
la musique
en streaming
Spotify. Elle
JDD | 10 janvier 2016
Le chiffre
affirme que ses chansons ont
été écoutées ou téléchargées
plus d’un million de fois ces
trois dernières années, mais
que Spotify n’a pas géré les
droits d’auteur comme il
le fallait. L’artiste réclame
au géant suédois 200 millions
de dollars. C’est la troisième
plainte après celle de David
Lowery, fondateur des
groupes de rock Cracker et
Camper Van Beethoven. Ce
dernier exige, lui, la somme
de 150 millions de dollars. M.N.
480
C’est, en millions d’euros,
les différents émoluments en
actions que les collaborateurs
d’Axa ont perçus en 2015.
L’assureur va débourser
cette somme pour racheter
ces 20 millions d’actions
distribuées sous forme
de plan d’épargne à
24.000 salariés ou offertes
Coulisses
à la totalité des salariés.
Le plan d’épargne, proposé
chaque année depuis vingt
ans, s’est élevé à 375 millions
d’euros en 2015. Les salariés
détiennent aujourd’hui
environ 7 % du capital d’Axa.
De leur côté, les 7.300 plus
hauts cadres dirigeants
se sont partagé environ
20 millions d’euros. Les
quelque 80 millions d’euros
restants couvrent les actions
gratuites versées à tous les
salariés du groupe Axa. M.P.
La fièvre chinoise
est-elle contagieuse ?
BOURSE Pékin a multiplié les interventions après deux tempêtes cette semaine.
Ce qu’il faut craindre pour l’économie mondiale : débat
INTERvIEw
BRUNa BaSINI
@BrunaBasini
Folle semaine en Bourse, de Shenzhen à Shanghai. À deux reprises,
les 4 et 7 janvier, les marchés phares
de Chine ont abandonné plus de
7 %, obligeant les autorités à intervenir pour éviter un effondrement :
baisse du yuan, injection de liquidités, restrictions de vente pour les
actionnaires… Deuxième économie
mondiale, le pays est dans le radar
des principales places financières,
qui se sont affolées aussi (– 6,54% à
Paris sur la semaine). Au point que
le financier George Soros a cru bon
d’agiter l’épouvantail d’un retour de
la crise de 2008. Le JDD a sondé
deux économistes sur le sujet.
Ludovic subran, chef économiste
d’Euler Hermes
« 50 nuances
d’économie de marché »
Peut-on résister aux
turbulences chinoises ?
N’agitons pas le chiffon
rouge du risque de contagion parce que la Chine ne
tourne plus à plein régime.
Pour l’instant, nous avons
subi une bourrasque financière. Les économies qui
ont le plus à perdre sont
celles des pays usines qui
travaillent pour la Chine :
Vietnam, Philippines ou
Indonésie, ainsi que les
hubs financiers régionaux
Hongkong et Singapour. Le
reste de la planète n’a pas à
redouter une onde de choc
sauf scénario catastrophe.
J’en vois deux : la croissance
chinoise chute brutalement
sous la barre des 6 % ; une
crise sévère de solvabilité
qui détourne les investisseurs de la dette chinoise
et des entreprises étatiques
et privées, aujourd’hui sous
perfusion.
Quels sont les ressorts de
Pékin pour rebondir ?
Une formidable réserve
de consommateurs. Si le
gouvernement leur donne
une sécurité sociale et des
emplois, il peut les inciter
à puiser dans leurs économies qui représentent
56 % du PIB. Le matelas de
réserves de change reste
très solide avec 3.200 milliards de dollars. Les autorités peuvent aussi appuyer
sur l’accélérateur des programmes d’infrastructure
qui génèrent emplois et
profits. Et la stratégie dite
de la « nouvelle route de la
soie », qui repose sur des
produits plus qualitatifs,
le développement de la
sphère d’influence en Asie
et en Afrique et un financement international, va lui
redonner de l’élan.
Le gouvernement semble
hésiter sur la politique
à mettre en œuvre…
Les caciques du parti
se déchirent autour de
50 nuances d’économie de
marché. Ils sont face à un
« trilemme » en matière de
devise, croissance et financement. Pour le moment, le
courant « État fort » porté
par le président Xi Jinping
semble l’emporter et va
continuer à provoquer
beaucoup de volatilité sur
les marchés. g
REA
La Chine entre le 8 février dans l’année du singe,
l’incarnation de tous les excès. AFp
Patrick artus, directeur de la recherche
et des études de natixis
« Le risque existe
pour le monde»
Peut-on résister aux
turbulences chinoises ?
Il y a deux courroies de
transmission du risque de
contagion. La Chine subit
une crise industrielle qui
contamine ses importations
et exportations. Les premières ont ainsi baissé de
15 % en 2015 car le pays ne
fabrique plus de biens milieu
et bas de gamme. Deuxième
facteur de diffusion : le yuan
a dévissé de 8 % depuis août
et continuera de chuter en
2016. Cela va pénaliser les
entreprises qui produisent
en Chine ou y exportent.
La Bourse a déjà intégré
ce risque en marquant sa
défiance envers les secteurs
exposés. Pour la France, on
peut chiffrer l’impact à une
perte de quatre dixièmes de
point de croissance.
D’où provient la crise
chinoise ?
Elle est principalement
due à la chute de la rentabilité du capital dans l’industrie.
Depuis quinze ans, les salaires
n’ont cessé d’augmenter et les
investissements ont explosé. Cette année, les coûts de
production ont crû de 5 % et
les prix baissé de 7 %, avec à
la clé un effondrement des
marges des entreprises. Du
coup, les investisseurs qui
cherchent de meilleurs rendements sortent leurs avoirs
de Chine : 150 milliards de
dollars chaque mois. Cette
hémorragie a entraîné la
baisse du yuan et une perte
de confiance qui s’est déplacée sur les places financières.
Comment gérer la transition
vers une économie de la
consommation, des services
et de l’innovation ?
Pékin sait qu’il doit
changer de modèle en développant le secteur des
services et les investissements dans les infrastructures. Mais l’industrie, qui
génère encore un tiers de
la richesse nationale et des
emplois, doit, elle, monter en
gamme. Pour l’instant, c’est
le retour de l’étatisme après
une période d’ouverture.
On peut donc s’interroger
sur la capacité du gouvernement à restructurer le secteur
en sureffectif des entreprises d’État et à libéraliser
l’économie pour favoriser les
start-up. g
ip3/MAXppp
TF1 veut assouplir la loi sur
les concentrations dans
l’audiovisuel
Le futur PDG de TF1, Gilles
Pélisson, entame son tour de
piste des dossiers dont il aura
la charge à partir du 19 février.
Il va logiquement s’occuper de
l’avenir de LCI sur la TNT
gratuite. Mais il va aussi
s’atteler à ouvrir le vaste
chantier de l’évolution de la loi
de 1986 sur l’audiovisuel.
Celle-ci interdit à un
actionnaire français de détenir
plus de 49 % d’une chaîne
et à un étranger d’en avoir
plus de 20 %. Avec l’aide
de Martin Bouygues, dont le
groupe familial détient 43,5 %
de TF1, il tentera de
convaincre les législateurs
d’assouplir la loi. Pour faire
un jour entrer un partenaire
étranger au capital ? Car Gilles
Pélisson aura pour mission
de transformer et d’adapter
le groupe à la dimension
internationale des contenus
audiovisuels. M.P.
Courrèges, c’est
toujours demain
MODE Le styliste
révolutionnaire des
années 1960, décédé jeudi
à 92 ans, voit sa marque
revivre après une
transmission originale.
Toujours futuriste
Avec son total look blanc
immaculé, André Courrèges, décédé jeudi à l’âge de
92 ans, laisse une empreinte
indélébile sur la scène de
la mode. Résolument moderne, ce Palois monté à
Paris, diplôme d’ingénieur
des Ponts et Chaussées en
poche, bouscule les vestiaires féminins dans les
années 1960 avec sa femme
Coqueline, sa « complémentarité créative ». Ensemble, ils
imposent un style qui émancipe les femmes : minijupes,
bottes plates vernies, robeschasubles, pantalons pour le
soir et le fameux vinyle blanc,
orange, rose et jaune vif. « Plus
rien n’était comme avant »,
saluera alors Yves Saint Laurent. Les Courrèges chamboulent aussi les codes de la
profession, introduisant de
la musique dans leurs défilés
et des collections de prêt-àporter. Fabrication en série
et prix moins chers garantis.
Du temps pour peindre
et sculpter
Pourtant, la marque a
failli disparaître en 1995.
Souffrant déjà de la maladie de Parkinson, le styliste
abandonne alors son studio
pour peindre et sculpter.
Coqueline Courrèges poursuit son œuvre pendant une
quinzaine d’années avant
de trouver le parfait mix
humain pour reprendre la
marque en 2011, le duo de
publicitaires (ex-Young &
Rubicam) Jacques Bungert
et Frédéric Torloting. « Les
Courrèges nous ont transmis
l’intransmissible : leur rêve,
leur créativité et leur alphabet », exprime Jacques Bungert. La relance est engagée.
Deux jeunes créateurs
à succès
« Nous sommes une griffe
patrimoniale française, une
grande marque mondiale et
une start-up », cadre Jacques
Bungert. Diffusée dans des
corners et en boutiques
multimarques, l’enseigne,
qui compte trois magasins
en propre, est présente dans
135 points de vente. Rénovée
en 2013, son usine de Pau assure une production made
in France sur une ligne de
collection étoffée.
Courrèges a aussi renoué
avec les grands rendez-vous
de la mode en présentant,
durant la Fashion Week
de septembre dernier, une
collection signée par deux
jeunes créateurs à succès,
Arnaud Vaillant et Sébastien
Meyer. L’ouverture d’un site
d’e-commerce et le développement de parfums et de l’optique complètent le dispositif. Le tandem, qui n’a jamais
souhaiter dévoiler le montant
de son investissement, s’est
offert en octobre dernier un
actionnaire minoritaire de
choix, Artemis. La holding
de la famille Pinault a acquis
30 % de la société. Un gage de
longévité.
Bruna Basini
André Courrèges et trois modèles, dans les années 1960. STiLLS/GAMMA-RApHO
économie | 19
jdd | 10 janvier 2016
Année record pour la Française des jeux
STÉPHANE PALLEz va présenter,
jeudi, ses premiers résultats. Et ils
seront très bons pour la nouvelle
PDG de la Française des jeux : en
dépit d’un contexte général difficile, la FDJ a dépassé l’an dernier
les 13 milliards d’euros de chiffre
d’affaires réalisés en 2014. Elle
réalise la moitié des ventes du
secteur, avec le PMU, les casinos
et les opérateurs de jeu en ligne.
C’est une bonne nouvelle aussi
pour l’État, actionnaire à 72 % de
l’entreprise publique de loterie,
qui va en tirer plus de 3 milliards
d’euros de contribution au budget.
Ces résultats valident la stratégie
de développement numérique
impulsée à son arrivée par cette ancienne du Trésor à la forte culture
d’entreprise, passée par Orange.
Les mises « digitales » croissent
en ligne mais aussi dans le réseau
physique, adapté pour certains jeux
à la dématérialisation.
En 2015, la FDJ n’a subi ni la
persistance de la crise ni les événements tragiques. Les attentats du
vendredi 13 novembre ont conduit
Stéphane Pallez à réfléchir aux
jackpots habituellement liés à ce
jour de chance. Une étude a été
commandée à OpinionWay : 85 %
des Français sondés demandent
le maintien du tirage exceptionnel des vendredis 13, au motif de
« continuer à vivre normalement »
ou parce que « ce jour fait partie
du patrimoine », selon les verbatim
recueillis auprès des sondés. Même
si le chiffre d’affaires augmente en
moyenne d’un tiers ce jour-là, l’enjeu financier reste marginal dans
l’année. Et en 2016, il y aura un seul
vendredi 13, en mai. G.R.
Vente-privee.com
pousse les murs
COMMERCE Jacques-Antoine
Granjon, le patron du site leader
de déstockage, inaugure un
immeuble spectaculaire à
Saint-Denis. En plus du
prêt-à-porter, il se développe
dans le voyage et la billetterie
MARiE NiCOt
Le Vérone,
nouvel écrin
du site de
déstockage
en ligne, sera
inauguré
demain,
à Saint-Denis
(93), en
présence
du ministre
de l’Économie,
Emmanuel
Macron.
@marie_nicot
« Plus visible que le Stade de
France… » Bravache, opportuniste
et visionnaire, Jacques-Antoine
Granjon, fondateur de venteprivee.com, dévoilera demain en
présence du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, et de
Martine Pinville, secrétaire d’État
chargée du Commerce, Le Vérone,
un immeuble de bureaux des années 1980 entièrement repensé
avec l’architecte Jean-Michel Wilmotte (lire encadré). À l’origine, le
PDG de 53 ans souhaitait que ce
bâtiment atypique constitué de
trois hélices héberge des startup. Mais son ami Xavier Niel lui a
grillé la politesse en lançant la Halle
Freyssinet. Le Vérone accueille
au sein de ses murs en béton nu
400 salariés des services marketing,
communication, informatique…
C’est le sixième bâtiment du
groupe à Saint-Denis, preuve d’une
fidélité teintée de pragmatisme :
« Nous avons ouvert ici le premier entrepôt en 1988 avec une vision de long
terme du développement sur ce territoire, se souvient Jacques-Antoine
Granjon (JAG). Comme nous n’investissons pas en publicité, il est fondamental d’être présent dans le réel.
Les bâtiments racontent la marque
par leur créativité. » Chaque jour, le
site attire 3,5 millions de visiteurs à
Vincent FiLLOn/
Vente-PRiVee
l’affût de vêtements, jouets, vins ou
boîtes de caviar bradés entre – 50 %
et – 70 %. Les premiers arrivés sont
les premiers servis.
Leader de son créneau avec
2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 25 millions de membres,
le site cherche la croissance dans
le tourisme, les spectacles et les
services aux 2.600 marques partenaires. Lancée il y a trois ans,
la vente de chambres d’hôtel, de
séjours au soleil ou au ski en discount pèse aujourd’hui 150 millions d’euros. En 2015, la prise de
participation minoritaire au sein
de MisterFly, spécialiste des vols
secs à prix cassés (Air France, Iberia…), a donné un coup de fouet à
l’activité. Dans le divertissement,
le patron médiatique s’est offert le
Théâtre de Paris en 2013 et celui
de la Michodière un an après. En
2015, l’acquisition de la société de
JEAN-MiChEl WilMOttE A RECRéé « uN bâtiMENt
fONCtiONNEl Et ESthétiquE »
L’architecte, urbaniste et designer
a orchestré la renaissance d’un
immeuble hors norme bâti au cœur
du nœud routier de Saint-Denis, près
de Paris, pour en faire l’immeuble
étendard de Vente-privee.com.
Lorsque Jacques-Antoine
Granjon m’a demandé
d’intégrer à la façade l’œuvre de son
ami designer et plasticien italien
Pucci de Rossi, décédé en 2013,
je n’ai pas hésité, explique
Jean-Michel Wilmotte. C’était lui
rendre un bel hommage que de
«greffer» cette résille de 42 tonnes
en béton fibré constellée de milliers
de LED, intégrant l’écran le plus
grand d’Europe. À l’intérieur, il a fallu
sept mois de travaux pour dévêtir
l’immeuble et y installer des
bureaux, une salle de sport, un
restaurant ouvert sur des jardins. La
façade sud est équipée de panneaux
photovoltaïques pour alimenter le
bâtiment en électricité.
Jacques-Antoine Granjon a ajouté sa
poésie avec des œuvres d’art
contemporain. Chaque jour
350.000 automobilistes
contemplent Le Cylope, la sculpture
géante de Thomas Houseago,
plantée à l’entrée. Ce building est à
la fois fonctionnel et esthétique. Il
s’inscrira dans la mémoire visuelle
des Franciliens et des touristes. »
PROPOS RECuEilliS PAR M.N.
billetterie en ligne Weezevent a
complété l’offre.
« L’Allemagne, pays
au potentiel énorme »
Le soldeur chic propose aussi aux
marques de gérer leurs invendus.
Pour la première fois, vente-privee.
com pilote en direct les soldes du site
de lingerie Undiz. Le groupe fabrique
des catalogues virtuels, diffuse des
coupons de réduction… « Avec notre
offre Inshop en test depuis juin, nous
proposons des remises sur d’anciennes
collections encore en boutique, précise
JAG. L’internaute commande via le
site, et retire les produits en magasin.
Cela répond à un besoin de rapidité.»
L’avenir de vente-privee.com
se joue aussi en Europe, qui assure
25 % de son activité. En dix ans, le
site a jeté ses filets en Espagne, Italie, Autriche, au Benelux, RoyaumeUni et en Allemagne. « Ce pays a un
énorme potentiel avec 82 millions
d’habitants, commente JAG. Les Allemands adorent acheter en discount. Je
ne suis pas favorable à d’éventuelles
levées de fonds ou à une introduction
en Bourse pour financer l’expansion
internationale. L’entreprise a les liquidités nécessaires à ses investissements.
Nous marions croissance, profitabilité
et vision à long terme. »
Rien n’est joué. La concurrence des outlets, ces immenses
centres commerciaux focalisés sur
le déstockage en périphérie des
villes européennes se durcit. La
concurrence est rude. « Je le redirai
à Emmanuel Macron demain : pour
que les entreprises françaises soient
compétitives, il faut une Europe unie
avec des règles fiscales et sociales
harmonisées. » Une inauguration
avec tapis rouge et un conseil à
un ministre : coup double pour
Jacques-Antoine Granjon. g
*
20 | RegaRds | Portrait
Tarak Ben Ammar
L’ami
grand écran
de Bolloré
Neveu de Bourguiba, intime
des monstres sacrés du cinéma
et de l’audiovisuel, l’homme d’affaires
franco-tunisien est à la manœuvre
pour Vivendi. En Italie et à Hollywood
D
IntervIew
Bruna BasInI
@BrunaBasini
rôle d’endroit pour une
rencontre ! La villa Montmorency, enclave dorée
du village d’Auteuil à
Paris, abrite une des plus
belles brochettes de milliardaires du
pays. C’est là que l’on retrouve, entre
deux rendez-vous et un vol pour Los
Angeles, l’homme d’affaires franco-tunisien Tarak Ben Ammar. Il a des yeux
rieurs, une coupe hérisson et une taille
de basketteur rangé des paniers. Collée à ses semelles, sa chienne Taïga, un
husky de Sibérie, grommelle.
L’homme s’est d’abord fait connaître
comme producteur de films, zigzaguant
entre la Tunisie, son pays de naissance,
l’Italie, son pays d’adoption, et la France,
sa seconde patrie. « Père tunisien, mère
corse, citoyen du monde, et musulman non
pratiquant ouvert à toutes les religions »,
ponctue l’intéressé.
L’essentiel de ses activités, logées sous
la bannière Quinta Communications,
est en Italie : une chaîne
de sport, des fréquences
numériques et un catalogue de 1.500 films.
Il a aussi investi dans
la chaîne tunisienne
Nessma et l’égyptienne
ONtv ainsi que dans la
société de production
des frères Weinstein.
Un ensemble hétéroclite valorisé 240 millions d’euros. Pourtant,
c’est ici qu’en 1999 il s’est
installé avec femme et
enfants, « malgré l’ISF ».
« Un hasard », dit-il,
parce que ses amis
Carole Bouquet et
Gérard Depardieu y
vivaient à l’époque.
Le hasard fait parfois bien les
choses. À l’époque, Tarak Ben Ammar
ne connaissait pas son voisin Vincent
Bolloré et le magnat breton n’était pas
encore président du groupe Vivendi.
Depuis, les deux entrepreneurs ont forgé
« une amitié de quinze ans » et mené trois
campagnes d’Italie : des batailles d’administrateurs manœuvrant au sein du
conseil de la banque d’affaires italienne
Mediobanca, chez l’assureur de Trieste
Generali et aujourd’hui chez Telecom
Italia, le premier opérateur du pays, dont
Vivendi détient 20 %.
Tarak Ben Ammar joue à merveille
les rôles de prêcheur de bonne parole
auprès de ses amis italiens. Et Vin-
cent Bolloré lui en sait gré. Question
contacts, il assure comme personne. À
66 ans, il est plus que jamais l’homme
qui chuchote à l’oreille des puissants
de l’audiovisuel. Le grande negoziatore encensé par la presse italienne.
Et un allié clé pour Bolloré qui rêve de
transformer son groupe en géant des
médias recentré autour des contenus
et adossé à Telecom Italia. C’est ainsi
qu’il faut comprendre l’entrée de Tarak
Ben Ammar au conseil de surveillance
de Vivendi en mai 2015.
Des prêtres romains
à la « Guerre des étoiles »
« Heureusement que j’ai fait du
cinéma », soumet-il en guise d’explication. Son père espérait le voir marcher sur les traces de son oncle Habib
Bourguiba, premier président d’une
Tunisie indépendante. Pensionnaire
chez les religieux du lycée catholique
international de Rome. Étudiant en
relations internationales à l’université
de Georgetown, l’école du pouvoir par
excellence. À l’arrivée, le jeune homme
parle cinq langues. Sous
les ors de la République
tunisienne naissante, il
assiste aux débuts du
panarabisme, voit défiler Hassan II, Mouammar Khadafi, Houari
Boumediene, Yasser
Arafat, Hafez El-Assad
et Saddam Hussein. La
voie semblait toute tracée. Peine perdue. À la
politique il préfère les
astres du 7e art et les
grands fauves de la télévision . « J’étais Tarak
Ben machin, je n’avais
pas d’argent mais j’ai
vendu la Tunisie et ses
magnifiques paysages
aux réalisateurs américains. Plus tard,
j’ai rencontré Leo Kirch avec lequel j’ai
produit La Traviata, puis Silvio Berlusconi qui m’a mis sur la voie des séries télé,
et grâce à Rupert Murdoch j’ai appris ce
qu’était la télé payante. C’est ça mes vrais
diplômes », résume-t-il.
Tarak Ben Ammar sait que son histoire a tout pour plaire aux administrateurs de Vivendi. Un scénario hollywoodien doublé d’une plongée dans
les mégadeals de l’audiovisuel des trente
dernières années et une épure convaincante sur le « next big thing », le mariage
des tuyaux et contenus entre les géants
des télécoms et les groupes de médias.
Dans les années 1970, c’est lui qui
avait convaincu George Lucas et Steven
« En avril, j’ai dit
à Lucas, Scorsese,
Coppola,
Spielberg que
Vivendi pouvait
devenir
la plateforme
des talents
indépendants »
Tarak Ben Ammar, en septembre 2015. Gilles BassiGnac/DiverGence pour le JDD
1949
Naissance à Tunis
1957
Quitte la Tunisie
pour l’Italie
et devient élève
du lycée catholique
international
de Rome
1973
Crée Carthago films
contre l’avis de son
père
1991
Engage un procès
contre Universal qui
refuse de distribuer
Pirates de Roman
Polanski
1995
Michael Jackson
lui demande
de devenir
son manager
2011
Sa chaîne de
télévision Nessma
couvre la révolution
du jasmin
2015
Entre au conseil
de surveillance
de Vivendi
Spielberg de tourner plusieurs scènes de
La Guerre des étoiles et des Aventuriers
de l’Arche perdue dans le désert tunisien.
Ses studios d’Hammamet ont attiré des
pointures comme Roberto Rossellini,
Franco Zeffirelli, Brian de Palma ou le
Français Jean-Jacques Annaud qui, en
2011, y filme Or noir, en pleine révolution du jasmin. Il a produit Pirates de
Polanski, un échec cuisant suivi d’un
procès fleuve aux États-Unis, distribué
la très polémique Passion du Christ, de
Mel Gibson, et géré pendant trois ans la
carrière de l’icône mondiale de la pop
Michael Jackson.
« Il sait prendre des risques et s’est toujours battu pour ses films, mais c’est aussi
un homme d’affaires avisé. Le cinéma est
un métier où, comme disent les Américains, vous commencez par être milliardaire si vous voulez devenir millionnaire »,
appuie Jean-Jacques Annaud.
« En avril, je me suis envolé pour Los
Angeles et j’ai demandé à Lucas, Scorsese,
Coppola et Spielberg comment ils voyaient
l’avenir de l’audiovisuel face à un agrégateur de contenus comme Netflix. Je leur
ai dit que Vivendi pouvait devenir une
plateforme pour les talents indépendants
du monde entier. On a une vraie carte à
jouer », estime le producteur qui, en plus
d’ouvrir son carnet d’adresses à Bolloré,
est au cœur du projet de Vivendi 2.0. Un
acteur global présent en France, Italie,
Espagne et demain en Afrique.
Silvio Berlusconi : « Tarak est
comme un frère pour moi »
Ben Ammar mise aussi sur sa facette
d’homme de médias et de faiseur de
rois. Rappelle qu’il était à la manœuvre
pour aider Silvio Berlusconi à lancer La
Cinq en France dans les années 1980.
Lorsque le Cavaliere entre en politique
en 1992, c’est Ben Ammar qui trouve
des actionnaires pour son groupe Fininvest. « Je lui ai apporté Leo Kirch, le
Sud-Africain Johann Rupert du groupe
de luxe Richemont et le prince saoudien
Al-Walid. Puis les deals et les alliances se
sont enchaînés. » Les deux hommes ne
se quitteront plus. « Tarak est comme
un frère pour moi. J’ai l’impression de
le connaître depuis toujours. On a les
mêmes points de vue sur les gens et
les situations. On partage les mêmes
valeurs. Je crois en lui et lui en moi »,
affirme au JDD Silvio Berlusconi.
Le charme de Tarak Ben Ammar, qui
n’a pourtant pas que des amis, opère
aussi auprès du parrain du capitalisme
français Claude Bébéar. « Il a une facilité
de contact avec les gens inouïe, il est très
ouvert, très cultivé, et il ne vous viole
pas. Chez Vivendi, il a mis tout le monde
dans sa poche. Il sait de quoi il parle. »
Aujourd’hui, l’ami des puissants
rêve aussi d’écrire une page du roman
national tunisien. « Je m’interroge depuis mes débuts comme Kennedy dans
son discours inaugural de 1961, sur ce
que je peux faire pour mon pays. » Il
s’imagine en ambassadeur officieux
de la démocratie tunisienne. « Avec ma
chaîne Nessma, je tiens mon projet de
société. Nous étions né pour être une
chaîne de divertissement et nous sommes
devenu la chaîne de la liberté, de la laïcité et de la modernité. » Une chaîne
du dialogue qu’il rêve d’installer dans
le PAF pour les millions de Français
musulmans. Avec ou sans Vivendi. g
jdd | 10 janvier 2016
Le livre
de la semaine
I
l avait terminé le précédent quinquennat sur les
rotules. Il faut dire, six
volumes de chroniques du
règne bling-bling de Nicolas
Ier, il y avait de quoi aspirer à la
quiétude et à la paix des âmes !
Et puis Patrick Rambaud a
craqué au mitan du quinquennat hollandien, il a repris sa
colle, ses ciseaux et son stylo,
l’académicien Goncourt travaille à l’ancienne. Un seul
François,
le Petit
et le Grand
volume pour deux années et
demi de règne ? Bien qu’expert
en blagues, François le Petit
(une référence à Victor Hugo)
n’a pas la puissance comique
de Nicolas le Mauvais, ce qui
peut se comprendre : Rambaud
présente François le Quatrième
comme le disciple de Mazarin
et de ses préceptes cardinaux :
« Affecte un air modeste, candide, affable… Arrange-toi pour
que ton visage n’exprime jamais
aucun sentiment particulier… »
Et dès la page 42, tel le naturel galopant, l’auteur appelle
à la rescousse le vrai-faux
retraité, Nicolas l’Assoiffé ou
le Piaffant ou le Fripon ; les
deux monarques ont droit à
« Ces parvenus
avaient ennuyé
le peuple, ils l’avaient
trompé, maintenant
ils l’exaspéraient »
une collection de qualificatifs
dont un obsessionnel fera la
recension, à n’en pas douter.
Il n’y a pas que du rire chez
Rambaud le caricaturiste. Sa
plume épingle juste : situations
remarquablement troussées,
portraits acérés et cruels… Le
colérique duc d’Évry, la duchesse honoraire de Cayenne,
la marquise de Pompatweet, le
jeune comte Macron, le duc de
Meaux, celui de Sablé, mademoiselle de Montretout… Les
débuts du règne sont plaisants,
la normalitude amuse, et puis
tout se gâte : le fameux tweet
assassin contre l’adversaire de
l’archiduchesse Ségolène ; la
bagarre entre le duc de Nantes
et le connétable de Montebourg sur l’aciérie Mittal ; le
compte en Suisse du duc de
Villeneuve ; la répudiation de
Mme T. et l’arrivée de Mademoiselle Julie, on en passe et
des meilleures.
À mesure que la chronique
avance, que la défiance envers
nos élites s’accroît (« Ces parvenus avaient ennuyé le peuple, ils
l’avaient trompé, maintenant ils
l’exaspéraient »), un malaise saisit le lecteur. Toutes pertinentes
regards
qu’elles soient, ces moqueries
ne se font-elles pas complices
du populisme ambiant ? Rambaud, soudain plus grave,
conclut son volume dédié à ses
vieux complices Cabu et Wolinski par un épilogue au vitriol
contre les « crétins islamistes »
suivi de ces mots terribles : « À
suivre ? Hélas ! »
L’époque est si glaçante ;
on peut trouver plaisant de
se transporter au temps du
modèle de Hollande, François
Mitterrand, dont les vingt ans
de la mort suscitent une avalanche de livres et de documentaires. Plusieurs ouvrages
avaient devancé l’appel : dans
un genre romanesque, celui de
Laure Adler, 176 Journées particulières dans la vie de François Mitterrand (Flammarion) ;
dans le genre des grandes biographies, celui d’Éric Roussel,
François Mitterrand, de l’intime
au politique (Robert Laffont),
lequel termine son impressionnant travail par ces lignes :
« Quel est le vrai Mitterrand ? Le
jeune étudiant Croix de feu ? Le
petit fonctionnaire pétainiste ?
Le résistant giraudiste ? L’élu de
droite entré en politique à la Libération ? […] Le chef de l’union
de la gauche ? L’adversaire des
communistes ? Le promeneur
de Venise ? »
Hollande et son modèle
Mitterrand, le maître
des ambiguités
Le kaléidoscope explique à
lui seul l’écart entre l’amour et
la détestation qui entourent le
premier président de gauche de
la Ve République. L’excellente
revue Charles, qui traite la politique comme un sujet culturel,
donne la parole à nombre de
partisans du « Vieux », comme
l’appelle Mélenchon, premier
témoin d’une exceptionnelle
tendresse à l’égard du maître
des ambiguïtés. Son fils Gilbert
Mitterrand, sa fille, Mazarine
Pingeot, ses très proches Michel Charasse, Édith Cresson,
Gilles Ménage et même sa
chienne Baltique (confessée
par Jean-Baptiste Daoulas)
nous livrent des foules d’anecdotes qui racontent autant le
Sphinx que ses entourages et
leurs rivalités. C’est follement
amusant, très instructif ; les
historiens se feront une joie
de trier tout cela.
En ouverture de sa sotie,
Patrick Rambaud écrit : « Avant
de rejoindre le monde des esprits,
François-le-Grand avait estimé
que ses successeurs ne seraient
au mieux que des comptables. »
C’est bien vu mais c’est peutêtre l’époque qui vaut ça, plus
que la médiocrité intrinsèque
des dirigeants. Les marges de
manœuvre sont réduites un
peu partout, même pour « le
président étasunien Obama »,
comme dirait Rambaud.
Patrice traPier%@patricetrapier
François le Petit.
chronique d’un
règne, Patrick
rambaud,
Grasset, 234 p.,
16,50 €.
Le roman
Mitterrand,
charles n° 16,
162 p., 16 €
météo | 21 *
« Janvier à ma fenêtre, je regarde la rue/où sont plantés les êtres un rayon
de soleil serait pas superflu/Au balcon de mon deux-pièces, je fume en hiver/
en crachant de bons vieux glaires/comme j’aurai craché le noir de ma nuit »
Extrait de « Janvier » (1997).
Hommage à Mano Solo, décédé le 10 janvier 2010.
5
10
6
10
Cherbourg
5
11
7
11
Rennes
Nantes
9
13
11
15
6
Nord 10
Sud
8
13
Jeudi 14
3/5
Nord
Sud
2
7
4
12
5
9
Brest
Dimanche 10 janvier
Indice de confiance 5/5
Lundi 11
5/5
5 Lille
9
Abbeville
5
9
5
10
Paris
Tours
Clermont-Ferrand
7
11
Bordeaux
Toulouse
7
13
Biarritz
Mardi 12
5/5
Nord
Sud
4
9
7
11
Vendredi 15
2/5
Nord
Sud
1
7
3
10
Ensoleillé
- 10°/0°
1°/5°
Nancy Strasbourg
5
4
9
9
Dijon
Besançon
6
6
9 10
Marseille
8
Bastia
16
11
19
Nuageux
Pluie
11°/15°
3
8
4
10
Samedi 16
2/5
0
6
3
11
21°/25°
26°/30°
Orages
Neige
Mercredi 13
3/5
Nord
Sud
6°/10°
Couvert 16°/20°
Lyon
8
Grenoble
12
4
9
8
16 Nice
Nord
Sud
Éclaircies
31°/35°
36°/40°
*
22 | regards
JDD | 10 janvier 2016
À l’Assemblée nationale
Rouge vif
Anne Roumanoff
@anne_roumanoff
Déchoir
ou ne pas
déchoir ?
– Dans ma circonscription, les électeurs ne
comprennent pas que l’on passe autant de
temps à discuter de la déchéance alors qu’ils
ont autant de mal à payer leurs échéances.
Franchement, vous pensez que c’est une
mesure utile ? Vous croyez que le terroriste
qui a envie de se faire sauter, va penser « oh
ben mince, je vais être déchu de ma
nationalité » et qu’il va renoncer à commettre
un attentat ?
– Ça n’est pas une mesure utile, c’est une
mesure symbolique. C’est important les
symboles pour la République. C’est un débat
d’idées. En France, on adore réfléchir, peser le
pour et le contre, c’est ce qui fait la force de
notre démocratie. N’oubliez pas que s’il n’y
avait plus de débat d’idées, on serait dans une
dictature.
– Une partie de la gauche s’indigne parce
qu’elle estime qu’il n’est pas légitime, au nom
de l’égalité entre les citoyens, de déchoir
uniquement les binationaux alors que les
terroristes qui seraient juste français ne
seraient pas déchus.
– Mais si on déchoit un Français, il devient
apatride, et créer des apatrides est interdit
Opinion
Stéphane Jacquot
Dominique Raimbourg
Ancien secrétaire national des Républicains (LR),
membre de l’équipe de campagne d’Alain Juppé
Député PS, vice-président de la commission des lois
de l’Assemblée nationale*
Refonder
la prison
dans et hors
les murs
“
Ce livre est un message
d’espoir en ces temps incertains”, écrit Robert Badinter en
préface de notre essai consacré
à la prison. Au-delà des clivages
politiques, nous portons l’ambition commune de sortir de ce
débat stérile gauche-droite. Il
est urgent de proposer des solutions afin de sauver un mécanisme pénal à bout de souffle,
sur lequel plane la menace d’une
politique ultrasécuritaire !
OutRe LA PRivAtiOn de liberté,
l’une des principales missions
de la prison est de protéger la
société et de préparer les personnes détenues à la réinsertion. L’action de réparation doit
être privilégiée dans la sanction
afin de donner un sens à la
peine. Pour lutter
contre l’oisiveté
en détention et
pour permettre
davantage aux
m a g i st ra t s d e
prononcer des
travaux d’intérêt
général (TIG) en
condamnation
pour les courtes
peines, nous voulons créer une
agence nationale
de l’activité des
personnes placées sous main
de justice. La création de cette
agence permettrait la multiplication et l’encadrement du
travail en détention, notamment
par l’instauration d’un contrat
de travail de droit administratif et le développement de
la formation professionnelle.
Elle inciterait les collectivités
locales et les entreprises à créer
des missions de travail d’intérêt
général et à créer des emplois.
POuR LimiteR les risques de
récidive, il faut contrôler les
sortants de prison ( jusqu’en
2014, 80 % d’entre eux ne faisaient l’objet d’aucun suivi). Ce
contrôle et ce suivi doivent être
renforcés et visibles, car une société a besoin de comprendre les
sanctions qu’elle inflige. Cela
évitera de reprendre la course
à toujours plus de places de prison, car la France a un taux de
détention supérieur à ceux de
l’Allemagne et des Pays-Bas par
exemple. En complément, pour
éloigner les sortants de prison
de leur milieu criminogène,
nous souhaitons qu’un tutorat
soit mis en place dès la sortie.
Ce tutorat impliquerait ceux qui
ont suivi le détenu en détention, à l’accompagner « hors les
murs ». Cette mission pourrait
être confiée aux associations de
visiteurs de prison.
enfin, POuR LutteR contre la radicalisation, nous proposons une
idée novatrice, celle de renforcer
le renseignement en prison en
affectant un policier de la direction générale du renseignement
intérieur (DGRI)
dans chaque établissement et en
donnant plus de
moyens à l’aumônerie musulmane. En effet,
les aumôniers
musulmans sont
des partenaires
privilégiés pour
empêcher la radicalisation en
prison. Peut-être
faut-il modifier
le statut de l’ensemble des aumôniers de prison, catholiques,
protestants, juifs… pour qu’ils
soient intégrés aux personnels,
à l’image des aumôniers militaires. Ils deviendront ainsi de
véritables acteurs de l’administration pénitentiaire. g
« Il faut sortir
du débat stérile
gauche-droite
pour sauver un
mécanisme pénal
à bout
de souffle »
*Auteurs de Prison. Le choix
de la raison (economica).
par les traités internationaux.
– Tergiverser depuis trois semaines là-dessus
alors qu’il y a tellement de problèmes urgents
à régler, est-ce que ça n’est pas un peu stérile ?
Ils doivent bien rigoler les terroristes de nous
voir passer des heures à nous prendre le chou
sur cette mesure. Et puis concrètement, ça va
se passer comment ? En admettant qu’on
attrape un terroriste vivant, ce qui est assez
rare, vous en conviendrez, on va appeler son
autre pays et dire « Allô, on a attrapé un
terroriste plutôt dangereux, on vous le renvoie.
Bonne journée ! » Si l’autre pays refuse de
l’accueillir, on fait comment ?
– Il y a aussi tous ceux qui sont partis faire le
djihad en Syrie et qui reviennent vivre en
France comme si de rien n’était.
– Pour eux, il y a une mesure qui s’appelle
« privation des droits familiaux, sociaux et
civiques », pas besoin de faire une révision de
la Constitution pour ça.
– Je crois que Hollande voulait déstabiliser
l’extrême droite, gêner la droite, mais qu’il se
retrouve empêtré à gauche dans un bourbier
dont il n’arrive pas à sortir. N’est pas
Mitterrand qui veut.
– N’empêche, 85 % des Français sont
favorables à cette mesure.
– On ne gouverne pas avec l’émotion mais
avec la raison.
Dans un journal
– Bon, préparez-moi un topo sur la position
des principaux leaders politiques sur la
déchéance.
– Ouh la la, c’est pas simple ! Alors, il y a ceux
qui sont pour : Manuel Valls, François
Hollande, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy,
François Bayrou, le FN. Il y a ceux qui sont
contre : Christiane Taubira, Martine Aubry,
Patrick Devedjian, Hervé Mariton, Nathalie
Kosciusko-Morizet, Cécile Duflot, Jean-Luc
Mélenchon…
– Et au niveau des votes, ça donne quoi ?
– On ne sait pas trop, certains qui sont pour
risquent de s’abstenir ; Juppé et Fillon sont
plutôt contre, mais ils peuvent voter pour ; il y
a ceux qui sont pour mais qui ont des réserves
sur la formulation et qui peuvent voter contre,
et il y a Christiane Taubira, qui est contre
mais qui va demander aux députés de voter
pour.
– Après, il ne faut pas s’étonner si les Français ne
comprennent plus rien à la politique. g
regards | 23 *
jdd | 10 janvier 2016
Non, les grandes marées et leurs
cohortes de pêcheurs à pied ne sont pas
remontés jusqu’au canal Saint-Martin.
Le grand nettoyage d’hiver a commencé
lundi sur les deux kilomètres découverts,
le dernier remontait à 2001. Le canal
parisien inauguré par Charles X a été
vidé de 90.000 mètres cubes d’eau et
la pêche miraculeuse a pu commencer.
En général, on y découvre des vélos,
des lits, des chaises, des chariots,
des poussettes, de l’électroménager
et même des armes, voire pire…
Ensuite, il faudra curer la vase, remettre
en état les écluses. Le chômage du canal,
c’est le terme consacré, coûtera près
de 10 millions d’euros et se terminera
en avril. P. KOVARIK/AfP
Les photos
de la
semaine
Déchiffrage
Axel de Tarlé
Orange veut faire
sauter la banque
O
range va proposer des
services bancaires. Le
champion français des télécoms s’appuie, pour cela, sur
le site bancaire de Groupama
dont il va acquérir 65 % du capital. Orange ne manque pas
d’atouts pour rafler la mise.
D’abord, le terrain est favorable. Nombre de clients des
banques traditionnelles supportent de moins en moins la
cascade de frais plus ou moins
justifiés.
Désormais,
les banques
nous facturent des
« frais pour
tenue de
compte ». En
clair, il nous
faut payer
pour être
clients ! Un
peu comme si
Carrefour ou
Leclerc rendaient payant
l’accès à leurs
magasins… Unboulevard pour
Orange qui pourra convaincre
ses 28 millions de clients mobiles de souscrire une offre
Orange Banque, via son réseau de 850 boutiques.
et des mots de passe qu’on
a évidemment oubliés. Et si
faire un virement devenait
aussi simple qu’envoyer un
e-mail ?
Enfin, en matière de sécurité, les banques ne sont pas
forcément plus légitimes que
les acteurs du Web. Cette
semaine, HSBC, la première
banque européenne, a connu
de gros bugs. Des milliers
de Britanniques n’avaient
plus accès à
leur compte,
d ’a u t re s s e
faisaient intempestivement facturer
5 £ (6,70 €).
« Les champions du
Web sont peut-être
mieux armés que
les banques
traditionnelles
pour réussir le défi
de la banque
en ligne »
Surtout, les entreprises de
la Net économie maîtrisent
parfaitement l’ergonomie du
Web. Payer avec Apple est un
jeu d’enfant. Alors qu’effectuer un virement depuis son
compte bancaire peut relever
du casse-tête, avec des icônes
dans tous les sens, des codes
finalEmEnt,
les champions du Web
sont peutê t re m i e u x
armés que
les banques
traditionnelles pour
réussir le défi de la banque
en ligne. Orange sert déjà
de banque à 15 millions
d’Africains avec son offre
Orange Money. Apple et
Google sont en embuscade.
Une bonne nouvelle, cette
concurrence va secouer un
secteur trop sclérosé : seuls
3 % des Français changent
de banque chaque année.
Le gros hic, c’est que cette
bataille pourrait faire pas mal
de casse sociale. Les banques
emploient 370.000 salariés en
CDI en France. g
Sur lejdd.fr
g Franck Bondoux : « Le festival d’Angoulême n’est ni sexiste ni
misogyne! »
g En vidéo, les mystères de la photo de Mitterrand sur son lit de mort
g L’histoire du kiosquier de Wolinski et Cabu, braqué par les frères Kouachi
le jour de l’attentat contre « Charlie Hebdo »
g En carte interactive : Iran-Arabie saoudite, les frères ennemis de l’islam
g Des «smart drugs» pour doper nos capacités cérébrales
24 | sciences
JDD | 10 janvier 2016
Quatre atomes de plus, du superlourd dans la table de Mendeleïev
RichaRd Bellet
@richardbellet1
Dix-huit colonnes, sept lignes, et sur la dernière quatre cases
vides qui viennent d’être remplies. Le 30 décembre, l’Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA) a validé la
découverte de quatre nouveaux atomes « superlourds » qui,
jusqu’alors, manquaient dans la table de Mendeleïev.
Cette « classification périodique » réunit l’ensemble
des éléments connus, rangés en fonction de leur
taille et de leurs propriétés. Les derniers trouvés,
les 113, 115, 117 et 118 (leur noyau contient ce
nombre de protons), se sont longtemps fait désirer. Pour les faire apparaître, des équipes de scientifiques japonais, russes et américains ont en effet
dû, grâce à des accélérateurs de particules, « bombarder » des noyaux d’atomes lourds avec des noyaux
d’atomes plus légers. « Leur fusion, en synthétisant un nouveau
noyau, a donné des éléments encore plus lourds », explique Philippe Chomaz, directeur scientifique de la Direction de la recherche fondamentale du CEA. Ainsi le « 113 » est-il le fruit de
milliards de collisions entre des atomes d’américium et de calcium. Mais pour toucher ce jackpot, encore fallait-il, après
collision et fusion des noyaux, que les nouveaux survivent assez longtemps (de l’ordre d’une microseconde) pour attirer des électrons et former, réellement, un nouvel atome.
Plusieurs raisons poussent les chercheurs à la
poursuite de ces atomes géants. D’abord, mieux
comprendre leurs noyaux, atypiques, et leurs
a Le tableau périodique des éléments, avec les quatre
nouveaux venus. SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS
propriétés chimiques. « Nous explorons, c’est un peu comme
au Far West. Ces bêtes de laboratoire nous permettent par
exemple de mettre en exergue les propriétés déterminant leur
cohésion », constate Philippe Chomaz. À terme, les scientifiques
espèrent créer des atomes encore plus lourds permettant
d’atteindre un « îlot de stabilité », avec une durée de vie beaucoup plus longue qui permettrait de mieux les étudier. Mais
personne ne sait aujourd’hui combien un noyau peut, au maximum, contenir de neutrons et de protons.
Ces prochains mois, les quatre petits nouveaux, qui portent des
noms provisoires, seront officiellement baptisés. On parle déjà
du japonium pour le 113, sa découverte ayant été faite au
Japon. En attendant, les chimistes rêvent déjà du prochain élément, celui qui inaugurera la 8e ligne de la table de Mendeleïev.
Après le 118, le 119 ? Pas sûr. « Les impairs sont durs à faire,
donc plutôt 120 avant 119 », pronostique Philippe Chomaz. g
Un village lunaire dans dix ans
les missions vers la lune vont se succéder ces prochaines années. d’abord avec des robots, puis ce sera le retour de l’homme.
Un des objectifs : apprendre à vivre sur une autre planète, préalable à l’exploration de Mars
JUliette deMey
@juliettedemey
Un village sur la Lune bâti par des
robots… Loufoque ? Pas si sûr. Depuis
sa prise de fonction à l’été 2015, le
directeur général de l’Agence spatiale
européenne (ESA), Johann-Dietrich
Wörner, ne cesse de défendre cette
idée. Et mi-décembre, 200 spécialistes ont planché sur le sujet lors
d’un symposium international.
Certes, aucun humain n’a foulé le
sol lunaire depuis 1972 et la Chine y
est le seul pays présent, avec un atterrisseur et un rover actifs depuis 2013.
Alors, ce « Moon village » serait-il un
doux rêve ? « Non ! Pour l’instant, il
n’y a qu’une maison chinoise. Mais il
se met en place depuis dix ans », sourit
l’astrophysicien Bernard Foing, à la
tête du groupe international d’exploration lunaire ILEWG à l’ESA. Si le
public a les yeux rivés sur Mars, la
course à la Lune n’a pas cessé. En
2003, l’agence européenne a joué
les pionnières en lançant la sonde
Smart-1, le « bébé » de Bernard Foing :
« L’idée était de tester des technologies
et d’explorer la Lune depuis l’orbite
pour détecter des ressources, chercher
des sites pour alunir et peut-être y
vivre un jour. » Une flottille de sondes
a suivi : japonaise, chinoise, indienne
et américaines. De quoi cartographier
la Lune et sa face cachée, détecter de
l’oxygène dans les roches ou encore
des glaces dans les régions polaires…
Un premier vol test
sans équipage
« D’ici cinq à dix ans, on verra
l’avènement d’un village robotique
lunaire », prédit Bernard Foing. La
Chine prépare deux missions robotiques (Chang’e 4 et 5). L’une se
posera sur la face cachée, l’autre rapportera des échantillons. La Russie,
en collaboration avec l’ESA, prévoit
trois missions (Luna 25, 26 et 27)
lancées après 2019 : un alunisseur
technologique qui se posera près
des pôles, un orbiteur et un alunisseur explorant les glaces polaires.
L’ESA contribue avec des techniques
d’alunissage de précision, des instruments, une foreuse pour mesurer
le sous-sol. « C’est un défi technologique de se poser en douceur sur la
Lune, car il faut annuler une vitesse
de 2 km/s, sans freinage atmosphérique », précise l’astrophysicien.
Fait nouveau, des acteurs privés
sont dans la course. Une quinzaine
d’équipes concourent pour le Google
Lunar XPrize, doté de 30 millions
de dollars, dont 20 millions pour la
première qui posera son robot sur
la Lune, lui fera parcourir 500 m et
en transmettra les images.
En 2021, les Américains lanceront la capsule Orion avec quatre
astronautes à bord, pour dix jours en
orbite autour de la Lune. L’ESA fournira à la Nasa la navette qui conduit
la capsule et la ramène à Terre pour
un premier vol test automatique sans
équipage en 2017. « Notre contribution aux missions humaines n’est pas
encore validée, mais ce vol est un point
d’entrée pour envoyer le premier Européen autour de la Lune ! », se réjouit
Bernard Foing. L’agence européenne
développe déjà des systèmes de pilotage pour manipuler les robots depuis
la Station spatiale internationale
(ISS) et Orion.
Des modules
habitables
L’étape suivante, le retour de
l’homme, interviendrait dès 2025.
À moins que les Chinois n’y soient
déjà… En tout cas, après 2020, la coopération avec les landers et rovers
lunaires s’accélérera. Ceux-ci installeront des modules habitables,
résistant aux radiations solaires et
cosmiques et aux météorites. Puis
un dôme gonflable pourrait être
déployé et recouvert d’une coque
protectrice en nid d’oiseau, formée
par l’impression 3D de poussières
lunaires. L’oxygène nécessaire serait
extrait des silicates lunaires puis
recyclé.
À quoi bon viser la Lune ? Selon
Johann-Dietrich Wörner, lancer
un projet international pacifique et
fédérateur est crucial alors que la fin
de l’ISS se profile en 2024. L’Inde, la
Chine et d’autres pays pourront cette
fois être associés. « La Lune est une
plateforme naturelle, tout le monde
pourra y contribuer, à la carte », plaide
Bernard Foing. Y compris des sociétés
privées. L’ESA, qui rassemble 22 pays
et collabore avec les autres continents,
entend jouer un rôle moteur.
Côté scientifique, les enjeux sont
majeurs. « La Lune, fille de la Terre,
est un livre d’histoire pour comprendre
les débuts et les collisions du système
solaire. » Il faudra aussi concevoir
des systèmes de vie autonomes et
recyclables. « L’homme va apprendre
à vivre sur une autre planète à partir
des ressources locales, une première !
On pourra aussi adapter la vie terrestre : on a déjà fait pousser des fleurs
de calendula ou des oignons dans du
sol lunaire en y ajoutant des bactéries
qui dégradent les roches », confie l’astrophysicien. Depuis la face cachée
de la Lune, « l’endroit le plus calme
du système solaire », les scientifiques
écouteront le rayonnement de l’univers et scruteront les galaxies, à l’abri
des signaux de la Terre, dans les très
basses fréquences. « On pourrait aussi
envoyer des astronautes y vivre un
an sans voir la Terre », avance Bernard Foing. Une étape clé avant tout
voyage vers Mars. L’avantage ? En cas
de pépin, ils regagneraient la Terre en
cinq jours, contre au moins six mois
depuis la planète rouge. g
b L’homme
pourrait revenir
dès 2025
sur la Lune.
Les premiers
modules
habitables
de la future base
lunaire seraient
déployés par des
robots. Sur cette
vue d’artiste,
un dôme couvert
de couches
de poussières
protègerait
les astronautes
des radiations
cosmiques et
solaires et des
météorites.
ESA/FOSTER +
PARTNERS
Heureux comme
un bourdon abstinent
POUR GARANTIR la survie de leur
espèce, les bourdons ont développé
une sexualité originale. Au départ,
l’abstinence est générale. Puis la
colonie se scinde en deux groupes : les
ouvrières qui se reproduisent, et celles
qui restent stériles et éternellement
au service de la communauté. C’est la
conclusion d’une étude publiée cette
semaine dans le journal Royal Society
Open Science. « Chez les insectes
sociaux, les ouvrières sont un excellent
exemple de comportement altruiste.
Elles évitent de se reproduire et mettent
toute leur énergie dans l’éducation de
leurs frères et sœurs », explique la
coauteure de l’étude, Ann-Marie
Rottler-Hoermann, de l’université
d’Ulm (Allemagne). Quand la reine de
la colonie sort de son hibernation au
printemps, elle pond ses premiers
œufs : des bourdons « ouvrières »
qui s’occupent de collecter
la nourriture, de construire le nid et
d’alimenter les larves. Quand la colonie
a atteint la taille voulue, vers la fin de
l’été, certaines ouvrières se mettent
alors à leur tour à pondre. Débute une
compétition acharnée entre elles mais
aussi avec la reine pour nourrir et
soigner les larves. Des conflits violents
et parfois mortels… tandis que celles
qui n’ont pas pondu restent pacifiques.
Les jumeaux partagent
aussi les cancers
SI UN JUMEAU développe un cancer,
le risque pour l’autre d’être atteint
d’une forme de tumeur cancéreuse
augmente de façon significative. Les
chercheurs de la faculté de santé
publique de Harvard et des universités
de Southern Denmark et d’Helsinki
ont examiné les données médicales
de plus de 200.000 paires de jumeaux
monozygotes et dizygotes au
Danemark, en Finlande, en Norvège et
en Suède, qui ont été suivis pendant
trente ans jusqu’en 2010. Cette étude,
la plus vaste réalisée à ce jour sur le
cancer et les jumeaux, a été publiée
cette semaine dans le Journal of the
American Medical Association.
Conclusion : quand on diagnostique
un cancer chez l’un des deux jumeaux
dizygote, son jumeau a un risque
accru de 37 % de développer
une tumeur cancéreuse.
Chez les jumeaux identiques, le risque
augmente davantage, de 46 %.
PLAINPICTuRE/WESTENd61
dimancheculture
jdd | 10 janvier 2016
| 25
Stylisé, « Bang Gang », premier long métrage d’Éva Husson, met en scène
des adolescents libres et débridés découvrant la sexualité seuls ou en groupe
Nouveaux jeux interdits
George (Marilyn Lima) va se livrer à une sarabande sexuelle avec ses amis, dont Gabriel (Lorenzo Lefebvre), pour s’attirer toute l’attention d’Alex. Prod
ALexiS CAMpiOn
V
ingt ans après Kids, film
de référence de Larry
Clark sur des ados newyorkais en voie de dépravation, sorti en 1995
alors que l’épidémie de sida
faisait encore plus de ravages, on
pouvait craindre une resucée du
genre vulgaire et tape-à-l’œil. Car
dans Bang Gang, a priori, Éva Husson met en scène une génération
d’adolescents n’ayant pas beaucoup
évolué depuis vingt ans : ne sachant
s’adonner qu’au skate et au sexe, la
tête pas vraiment encore pleine de
poèmes classiques mais déjà vidée
par des drogues de notre temps, les
mêmes que dans les années 1990
d’ailleurs – alcool, cannabis, voire
condensés chimiques.
Fort heureusement, ces motifs
aussi risqués que rebattus ne sont
ici que des prétextes. Au bout du
compte, le propos de Bang Gang, si
dérangeant soit-il, se fait plus consistant, plus cinématographique et plus
actuel qu’il n’y paraît. « Ce n’est pas
tant le côté sexuel qui m’intéressait »,
prévient d’emblée la cinéaste. Devoir
l’affronter me terrorisait. J’étais surtout curieuse de comprendre pourquoi
Bang Gang (une histoire
d’amour moderne) iiif
D’Éva Husson avec Finnegan Oldfield,
Marilyn Lima, Daisy Broom. 1 h 38.
Sortie mercredi.
Dans les pavillons proprets de
Biarritz, sur la côte atlantique, les
lycéens de la classe moyenne aisée
s’ennuient vite après les cours.
Heureusement, George et Laetitia,
les deux bonnes copines qui crèvent
l’écran dans Bang Gang, ont quelques
avantages physiques. Et du
répondant lorsqu’elles se font
draguer ! C’est George la blonde, sûre
de son sex-appeal et de ses yeux de
« Travailler la lumière est
l’essence même du cinéma »
Cette subjectivité revendiquée
va, à l’écran, de pair avec une stylisation appuyée de la musique (de
l’électro pseudo-palpitante signée
Brodinski, associée à des lieder
La ressource essentielle de Bang
de Schubert) comme de l’image
(travaillée en détail entre ombres,
Gang n’en reste pas moins ses jeunes
personnages dont quatre, c’est assez
demi-teintes et plein éclat avec
le chef opérateur danois Mattias
original pour être signalé, font aussi
Troelstrup). Un choix assumé et
fonction de narrateurs. « Le regard
maîtrisé par Éva Husson, femme
est la clé, la porte d’entrée selon qu’ils
d’image dont la formation s’est acle portent sur eux-mêmes, leurs télécomplie en Espagne à la Casa Velásphones, leurs camarades ou leurs
quez, et aux États-Unis, à l’Ameriparents. » Effrontés ou flottants, ces
can Film Institute
regards vont bien
de Los Angeles, en
avec la singularité
« J’étais terrifiée
passant notamde l’adolescence.
ment par la réalisa- à l’idée de me
« Je ne prétends
tion de publicités retrouver au
pas dépeindre une
et de clips musigénération dans sa
caux. Selon elle, milieu de cinquante banalité, mais au
« s’enticher de la gamins à poil… »
contraire révéler
laideur au nom du
un comportement
réalisme, comme si Éva Husson, la réalisatrice
extrême. Cela dit,
la laideur c’était le
oui, je reconnais
réel », serait une habitude trop franune partie de moi dans chacun des
çaise à laquelle seuls quelques-uns
personnages. »
ont su échapper, tels Claire Denis
et Leos Carax. « Ma génération s’afÉchapper aux visions patriarcales
franchit de plus en plus des héritages
Les deux héroïnes, la frêle blonde
handicapants post-nouvelle vague et
George et son amie Laetitia, brune
assume avec moins de complexe la
boudeuse ressemblant à Isabelle
mise en scène du réel affirme-t-elle.
Adjani jeunette, sont particulièreTravailler la lumière est l’essence
ment bien dessinées, dotées de temmême du cinéma. Pourquoi prétendre
péraments forts. D’ailleurs elles ne
que toute décision concernant la luressortiront pas si laminées que ça de
mière n’est qu’esthétique par essence ?
leur erreur de jeunesse en forme de
Elle est avant tout narrative. »
déflagration sexuelle… Mais plutôt
biche, qui s’initiera la première aux
joies du sexe. Mais Alex, son jeune
partenaire, n’a pas le bon goût de
tomber amoureux pour autant.
Étranger aux sentiments, il reste
dans le registre de l’expérimentation
physique frivole et, à force d’alcool
et de joints, dans la « défonce ».
Par dépit autant que par défi, George,
blessée, s’improvise alors initiatrice
d’un jeu scabreux qui implique toute
leur bande de copains, et qui les
pousse à coucher tous ensemble
dans une grande orgie échangiste.
Dans un vertige stylisé, tour à tour
lumineux et mortifère, fiévreux et
nauséeux, Éva Husson dépeint
avec un tact certain les dérives
de ces jeunes corps entre perdition,
débauche, solitude et affirmation de
soi. Sans jugement ni voyeurisme
déplacé, elle malmène ses
personnages avec le soin qui
convient. In extremis alors que
le scandale éclate au grand jour,
elle ne les sauve que pour amener
des questions légitimes sur le désir,
la liberté, le danger. Bang Gang
interpelle les révolutions en cours,
intimes et non moins technologiques
à l’heure du porno, banalisé
jusqu’aux écrans des téléphones
ces jeunes, sans prédisposition particulière pour ce genre d’expérience,
avaient pu aller aussi loin. »
Elle-même issue de la classe
m oye n n e p rov i n c i a l e, Éva
Husson explique s’être inspirée
d’un fait divers survenu aux ÉtatsUnis en 1999. « J’avais 22 ans à
l’époque. Je me sentais proche des
protagonistes de cette histoire scabreuse qui, des années après, m’habitait encore. Mais la transposer en
collant trop au réel n’est pas ma
démarche. De cet accident, qui aurait pu survenir aussi bien à Nantes
ou en Belgique, je n’ai voulu garder
que le squelette et les résonances. Le
cinéma que je fais et que j’aime est
clairement subjectif. » Elle cite spontanément Gus Van Sant, Lars von
Trier et Wong Kar wai mais aussi
Antonioni au rang de ses maîtres,
des œuvres différentes dont elle
reconnaît et relie, chaque fois, « les
émouvantes imperfections ».
instruites ! « George pourrait tomber
dans un trou. Dans Kids comme dans
Breaking the Waves, des films faits
par des hommes que j’adore et qui
ont l’avantage de mettre en scène des
femmes en pleine puissance sexuelle,
l’héroïne finit punie. Il était impératif, pour moi, que George trouve une
autre issue et échappe à ces visions
patriarcales. »
Et le tournage, dans tout ça ?
« Je savais que j’avais besoin de
temps pour construire la confiance
et me sentir amoureuse des visages
que je filmais. Grâce à ma productrice, Didar Domehri, géniale,
j’ai eu ce temps. Pour les scènes
d’orgie, qui ne m’intéressaient pas
fondamentalement, j’étais bien sûr
terrifiée à l’idée de me retrouver
au milieu de cinquante gamins à
poil… » Elle trouve la parade en
imaginant qu’elle orchestre une
danse. « Cela a plutôt bien fonctionné, chaque scène était répétée
avec des fringues et je leur répétais
de ne jamais confondre leur intimité
en tant qu’acteurs avec ces scènes de
fiction. Pour eux comme pour moi,
il n’y avait pas de confusion, on a
su préserver la distance. »
Pour un premier film sensuel
et sulfureux g
Alex
(Finnegan
Oldfield)
reste
insensible
aux
sentiments
de ses
partenaires.
Prod
portables. Avec une troupe d’acteurs
novices épatants et un brin
d’humour, son projet n’évite pas les
stéréotypes ni les références. Mais au
moyen d’une réalisation habile et
aboutie, il les transcende pour aller
jusqu’au bout de son inspiration
sulfureuse et sensuelle. AL.C.
26 | culture | cinéma
JDD | 10 janvier 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Virginie Efira
ose tout
Le trio formé
par Tessa
(Géraldine
Nakache),
sa demi-sœur
Marie (Virginie
Efira) et
Pierrick
(Grégoire
Ludig)
va révéler
ses failles dans
des situations
cocasses et
inattendues.
À l’affiche de cinq films cette année, l’actrice
belge offre une facette plus vulnérable, et très
convaincante, en lesbienne tatouée en mal d’enfant
BarBara ThéaTe
D’emblée, Virginie Efira s’impose
comme une fille sympathique. Qui
s’installe sans chichis au milieu
du brouhaha d’une brasserie
bobo-branchée. Remarque quand
même que « c’est bizarre de devoir
tout dire de soi à quelqu’un qu’on
connaît depuis deux minutes ».
Et s’excuse de ne pas vous avoir
tout de suite souhaité la bonne
année. C’est d’ailleurs pour elle
que 2016 devrait s’annoncer particulièrement radieuse. L’actrice
belge sera à l’affiche de pas moins
de cinq films, dans des registres
aussi divers qu’inattendus. De
quoi satisfaire celle qui s’est vue
à ses débuts estampillée « Cameron
Diaz made in France ». « Quand on
a des grosses joues comme moi et
qu’on vient du divertissement, on
vous colle une image de drôlerie et
de douceur qui ne correspond pas
forcément à ce que vous êtes. »
« Je me suis mise toute seule
dans une case »
Aucun traumatisme là-dedans.
Virginie Efira s’estime seule responsable de son destin. C’est avec
un vrai plaisir, et « une grande
curiosité pour la nature humaine »,
qu’elle s’est lancée pendant dix
ans dans une carrière télé, en Belgique puis sur M6. Parce qu’elle
a toujours choisi de prendre la
vie comme elle est, et de faire
au mieux avec. Sans jamais pour
autant renoncer à son rêve de
comédienne, le fantasme depuis
toute petite d’une existence aventureuse. « Pendant longtemps, sachant d’où je venais, je ne m’étais
pas autorisé de plus grandes ambitions. Je me suis mise toute seule
dans une case, je me disais que
ça arriverait plus tard. Le plus
important était de rester fidèle à
une inspiration, à des valeurs. Sauf
que à attendre éternellement, plus
tard risquait de devenir trop tard.
On met plus ou moins de temps à
faire sauter nos barrages. Maintenant, je veux franchir toutes les
barrières ! Si je me casse la figure,
Et ta sœur iiff
De Marion Vernoux, avec Virginie efira,
Géraldine Nakache, Grégoire Ludig.
1 h 40. Sortie mercredi.
Venu faire le point sur sa vie très
désordonnée dans la maison de
famille de sa meilleure amie, Tessa,
Pierrick tombe sur la demi-sœur de
cette dernière, Marie, qui tente de
se remettre de sa rupture avec sa
Prod
je me dis que je trouverai toujours
un manière de me relever. »
Bousculée par Marion Vernoux
Voilà pourquoi celle qui avait
osé jouer une cougar dans 20 Ans
d’écart a accepté d’incarner une
lesbienne tatouée prête à tout
pour être mère dans Et ta sœur, de
Marion Vernoux. « Comment incarner l’homosexualité sans la caricaturer ? Que fait-on du désir d’enfant
quand il n’appartient qu’à une seule
petite amie. Le temps d’une soirée
bien arrosée, les deux cœurs brisés
vont se consoler. À la surprise de
Tessa, qui aime Pierrick en secret.
Remake d’un film américain, cette
comédie sentimentale en forme de
triangle amoureux s’interroge sur
le désir de maternité, le modèle
familial, et les jalousies fraternelles
avec sensibilité et loin des clichés.
personne ? Toutes ces questions
m’intéressaient très fortement. On
peut essayer de comprendre sans être
forcément d’accord, cela ouvre plus
largement l’esprit. » Virginie a adoré
se faire bousculer en plateau par la
réalisatrice, jamais consensuelle
avec ses acteurs. « Le tournage n’a
pas été confortable, j’ai beaucoup
appris. C’était passionnant de se frotter à l’improvisation, de chercher
comment être réellement ensemble
dans l’interprétation. Aujourd’hui,
Nue sous un gros pull irlandais, pas
maquillée, Virginie Efira offre une
facette plus vulnérable et
émouvante de sa personnalité face
à Géraldine Nakache, véritable
bulldozer comique. Pris en
sandwich entre les deux filles,
Grégoire Ludig déploie une
nonchalance et une maladresse
attachantes. B.T.
j’ai envie d’aller plus loin dans mon
jeu : oublier totalement le cérébral,
n’obéir qu’à mon instinct. »
Ce qu’elle a fait sur le mode de
la comédie au côté de Jean Dujardin dans Un homme à la hauteur, de
Laurent Tirard (en salles le 4 mai).
Puis face à des acteurs non professionnels sur le plateau de Victoria,
de Justine Triet, encensée par la
critique pour La bataille de Solferino. Elle a exploré son côté obscur
dans Pris de court, d’Emmanuelle
Cuau, en mère de famille dont le
mal-être contamine son fils adolescent. Et, petite fierté, Virginie
Efira a décroché un rôle dans Elle,
le polar que Paul Verhoeven a tourné à Paris avec Isabelle Huppert et
Laurent Lafitte (le 21 septembre).
« J’étais très impressionnée de passer le casting, mais j’admire tellement ce cinéaste ! Il y a quelques
années, je me serais dit : “Ma fille,
sois raisonnable !”, et je n’aurais
pas osé. » g
Rocky : les légendes
ne meurent jamais
Creed iiff
De ryan Coogler, avec Sylvester
Stallone, Michael B. Jordan et Tessa
Thompson. 1 h 35. Sortie mercredi.
STéphaNie BeLpêChe
@StephBelpeche
En 1976, Sylvester Stallone écrit
et interprète Rocky, l’irrésistible ascension d’un boxeur surnommé l’Étalon italien. Réalisé avec
moins d’un million de dollars, le film
rencontre un succès phénoménal
et donne naissance à cinq suites.
Trente ans plus tard, Rocky Balboa
(2006) montre le champion vieillissant, propriétaire d’un restaurant à
Philadelphie, qui par défi remonte
sur le ring. Aujourd’hui, il devient
l’entraîneur d’Adonis, le fils d’Apollo
Creed, son plus redoutable adversaire devenu son meilleur ami avant
qu’il se fasse tuer lors d’un combat.
Orphelin, Adonis a passé le plus clair
de son enfance dans un centre de
détention pour mineurs. Adulte,
sa routine d’employé de bureau ne
lui convient pas. Il démissionne
pour emboîter le pas à son père et
se consacrer à sa passion pour la
boxe. Qui mieux que Rocky pourrait le préparer physiquement à sa
première rencontre ?
Stallone en route vers l’Oscar ?
Bien évidemment, la star rechigne à prendre en charge ce jeune
garçon fougueux. Il découvre son
Michael B. Jordan et Sylvester Stallone.
Prod
potentiel inouï et change d’avis… Ce
récit initiatique, qui célèbre des valeurs telles que la famille, le dépassement de soi et le courage, est une
succession de clichés et pourtant ça
marche. On craque devant un Rocky
septuagénaire motivé comme à ses
débuts au contact de son nouveau
disciple qu’il fait trimer au cours
de séances de punching-ball et de
corde à sauter. Regret, le célèbre
thème musical de Rocky n’est pas
exploité. Passé et avenir s’entrechoquent dans ce long métrage
fédérateur et jubilatoire. Sylvester Stallone, très émouvant car vulnérable, pourrait bien décrocher
l’Oscar du meilleur second rôle.
Michael B. Jordan, alias Adonis, retrouve le réalisateur Ryan
Coogler, qui l’a révélé dans Fruitvale
Station (2013), drame indépendant
sur le racisme ordinaire aux ÉtatsUnis. Talent à suivre. g
cinéma | culture | 27
jdd | 10 janvier 2016
En sallEs
mErcrEdi
Je suis le peuple iiff
Documentaire d’Anna Roussillon.
1 h 51.
Comment s’est déroulée
la révolution égyptienne à
Louxor, loin du Caire et de la
place Tahrir ? Ce documentaire
mené sur deux ans, depuis
la destitution de Moubarak
(2011) jusqu’à celle de
Mohamed Morsi (2013),
distille une belle forme
d’espérance grâce à Farraj,
un paysan père de famille,
qui parle des récentes pénuries
(touristes, bouteilles de gaz),
de ses attentes et de son
affection pour Morsi. Al.C.
Le Garçon et la Bête
iiif
Animation de Mamoru Hosoda.
1 h 58.
À Tokyo, un orphelin de 9 ans
découvre un monde parallèle
peuplé d’animaux. Il est pris
en charge par un maître en
arts martiaux qui l’élève
comme son propre fils.
Mamoru Hosoda, remarqué
avec Les Enfants Loups (2012),
signe une fable initiatique où
le fantastique et la légende
s’invitent dans le monde réel,
et qui n’est pas sans rappeler
Le Voyage de Chihiro (2002),
le chef-d’œuvre oscarisé de
Hayao Miyazaki. Un récit
rempli de poésie et de
mélancolie, qui interpelle par
sa maîtrise formelle et sa
profondeur émotionnelle. S.B.
House of Time iiff
De Jonathan Helpert, avec Pierre
Deladonchamps. 1 h 26.
Dans un château isolé,
un spécialiste de physique
quantique propose à un
groupe d’amis un saut de
soixante-dix ans dans le
passé. Jeu de rôle ? Les invités
voient bientôt débarquer une
jeune femme blessée par une
balle de la Seconde Guerre
mondiale. Science-fiction sans
effets spéciaux, suspense,
cinéma fantastique ou farce
théâtrale ? Un film insolite
qui, en dépit de maladresses,
divertit en nous égarant. BA.T.
A Second Chance ifff
De Susanne Bier, avec Nikolaj
Coster-Waldau. 1 h 42.
Andreas, inspecteur à la
brigade des stups, découvre
un nourrisson, visiblement
victime de maltraitance, au
moment où son propre
nouveau-né meurt
subitement. Sans réfléchir, il
récupère le bébé des junkies
pour le substituer au sien…
La droiture et l’éthique du
héros cèdent face à son
chagrin avec les conséquences
que cela aura. Malgré une
idée de départ vertigineuse,
ce mélo n’évite pas le pathos
et se révèle prévisible. S.B.
Drame sublime ou mélo insipide ?
Fable sur papier glacé, « Carol », de Todd Haynes, raconte une histoire d’amour entre deux
femmes dans l’Amérique corsetée des années 1950
DANiEllE ATTAli
@danielleattali
On dit que les cinéastes finissent toujours par tourner
le même film. Il y a treize ans,
Todd Haynes réalisait Loin du
paradis. Même époque à peu de
chose près, même déco, mais plus
de sentiments que dans Carol,
sa réplique d’aujourd’hui. Il a
également signé la minisérie
Mildred Pierce pour HBO, qui
s’ancrait dans les années 1930.
Preuve de son attraction pour
le XX e siècle costumé, ainsi
que pour les histoires d’amours
contrariées. Haynes se déclare
un « pur produit du cinéma indé-
pendant » même s’il est fasciné
par l’âge d’or de Hollywood qu’il
ne finit pas de décliner dans son
cinéma. Pour Carol, coproduction
anglo-américaine, il installe son
intrigue dans les années 1950 à
New York. Une ravissante grande
bourgeoise, épouse et mère de
famille, dévie des rails de son
mariage pour l’amour de Therese,
vendeuse dans un grand magasin.
L’attirance entre les deux femmes
est immédiate. Rooney Mara a
partagé le prix d’interprétation
féminine, au dernier Festival de
Cannes, avec Emmanuelle Bercot
pour Mon roi. On a à la fois aimé
et détesté ce film. g
Carol
De Todd Haynes, avec Cate
Blanchett et Rooney Mara.
1 h 58. Sortie mercredi.
POUR
Avec ce film jumeau de Loin
du paradis (2002), Todd
Haynes, digne héritier du
cinéma de Douglas Sirk, parle
d’une époque durant laquelle
l’homosexualité était
considérée comme une
déviance. Ce sujet périlleux
donne naissance à un drame
sublime qui dénonce
une société régie par les
conventions et les préjugés.
Mais qui décrit surtout le
cheminement des héroïnes
pour acquérir leur
indépendance, accepter leur
différence et leurs sentiments.
Jalonné de moments de
grâce, le récit, d’une lucidité
bouleversante
sur la relation amoureuse,
est enlevé par une mise en
scène d’une délicatesse, d’une
élégance et d’une sensualité
inouïes. On ressent l’influence
d’Edward Hopper dans la
Cate Blanchett et Rooney Mara dans les sens interdits. Prod
composition du cadre et
la peinture sans fioriture de
solitudes qui se rencontrent.
Deux magnifiques portraits
de femmes en quête
d’émancipation, interprétées
par un duo exceptionnel,
Cate Blanchett et Rooney
Mara. S.B.
« Le Fils de
Saul », prix
du film le plus
audacieux
Prod
CE FUT LE FILM CHOC de la saison passée. Une trentaine de journalistes, critiques de cinéma, réunis
au sein du tout nouveau Club Média
Ciné, ont remis cette semaine leur
premier prix Coup de chapeau au
Fils de Saul, de László Nemes. Cette
nouvelle récompense va à l’œuvre la
plus audacieuse de 2015. La cérémonie a eu lieu à Paris en présence de
Thierry Frémaux, le délégué général
du Festival de Cannes, qui lui a déjà
décerné en mai le Grand Prix. Le Fils
de Saul est une plongée hallucinante
et sidérante dans un camp d’extermination. László Nemes fait actuellement campagne aux États-Unis
dans la course aux Golden Globes
et aux Oscars 2016. g
CONTRE
Todd Haynes trace une route
sans en dévier, défenseur
de la cause homosexuelle,
dénonçant la discrimination.
Dans Carol, adapté d’un
roman de Patricia Highsmith
(écrit dans les années 1950
sous pseudonyme et on
comprend pourquoi au
regard de la société corsetée
qu’il dépeint), l’image
est résolument glamour,
l’histoire codifiée quasiment
sur le mode d’un roman
Harlequin, mais totalement
dénuée d’émotion. On
contemple à distance cette
Amérique Wasp, reflet d’une
riche bourgeoisie coincée,
incarnée par une Cate
Blanchett qui traverse le film
telle une « mad woman » en
manteau de vison échappée
de Vanity Fair, le cheveu
laqué, le maquillage parfait
jusqu’au fond du lit. Quant à
Rooney Mara, en petite fille
sage qui s’émancipe,
sa composition n’a rien
de singulier.
Le réalisateur choisit de
montrer les mœurs de ces
années-là telles qu’on le faisait
avant à Hollywood. Mais
s’appuyant sur un scénario qui
manque de venin, la fable est
lisse comme du papier glacé et
sage comme une image.
Sur un rythme lent, alourdi par
une musique lancinante, tous
les effets sont soulignés. Mélo
aussi classieux par sa forme
qu’insipide sur le fond,
Carol se réduit à un catalogue
muséal ennuyeux à souhait,
tout dédié la gloire des années
1950, de ses costumes
et de son mobilier. D.A.
28 | culture | théâtre
JDD | 10 janvier 2016
Daniel Auteuil joue et met en scène la nouvelle pièce de Florian Zeller sur les affres du couple
« Le théâtre fait se sentir immortel »
Au Théâtre de
Paris, Valérie
Bonneton et
Daniel Auteuil
jouent un
couple dans
« L’Envers
du décor ».
BArBArA thÉAtE
Il se balade dans les coulisses
comme chez lui. Deux ans après
l’énorme succès de la pièce Nos
femmes, où il donnait la réplique
à Richard Berry, Daniel Auteuil se
réinstalle sur la scène du Théâtre
de Paris avec L’Envers du décor, la
comédie que le prolifique Florian
Zeller a écrite sur mesure pour lui
et que le comédien met en scène.
L’histoire d’un homme qui invite à
dîner, contre l’avis de son épouse
(Valérie Bonneton), son meilleur
ami (François-Éric Gendron).
Celui-ci vient de se trouver une
nouvelle fiancée (Pauline Lefèvre).
Il ne sait pas quelle tempête la jolie
jeune femme va déclencher dans la
tête de chacun.
JEAN-MARIE LEROY
Flatté d’inspirer l’un des auteurs
de théâtre les plus brillants
de la nouvelle génération ?
J’adore les grands classiques,
et avant qu’il ne m’offre ce formidable texte, je regardais du côté
de Tchekhov pour remonter sur
les planches. Mais c’est un privilège de pouvoir servir les mots
de ses contemporains, de parler
de l’époque dans laquelle on vit.
Florian Zeller a une écriture très
forte : avec lui, on est réellement au
théâtre. Il est un des grands auteurs
de son temps, avec sa déclinaison du
couple et son désir de réinventer le
théâtre de boulevard. Sa nouvelle
bonne idée avec L’Envers du décor
est de mettre le spectateur encore
plus au cœur de l’action, en lui permettant d’entendre ce que les personnages imaginent dans leur tête.
Même Feydeau, qui était dingue,
n’a pas osé aller jusque-là !
D’où votre envie de revenir à la
abordée avec humilité et de façon
artisanale, en me concentrant sur
Même si l’aparté est un prinla direction des acteurs. Elle me
cipe vieux de
permet de transdeux mille ans,
mettre ce que j’ai
je trouvais amu- « Le temps gLisse
appris pendant
toutes ces ansant de faire exis- de pLus en pLus
nées : comment
ter en plateau
on transforme le
les deux voix vite. pire : un jour,
travail en plaisir,
des personnages, sans savoir
pour soi et pour
tout comme de
travailler sur l’ex- pourquoi, on se
les autres.
tension du temps dit qu’iL a passé »
à l’approche d’un
théâtral. Quelques
demi-siècle de
secondes de nos pensées dans la
carrière, vous êtes toujours dans
vie deviennent de longues minutes
le cœur du public. votre secret ?
sur les planches. Je me suis inspiré
J’ai eu la chance de commende la scène du sac des Fourberies
cer au cinéma avec des comédies
de Scapin, où le héros invente en
populaires générationnelles, puis
rafales des dizaines de personnages.
de rencontrer de très grands réaLa mise en scène, je l’ai toujours
lisateurs qui ont inscrit leurs films
mise en scène, trente-cinq ans
après Le Garçon d’appartement ?
dans l’époque. Et moi avec ! C’est
émouvant de voir que des longs
métrages des années 1990 se baladent encore dans le monde entier.
Cela fait durer. Le temps glisse de
plus en plus vite. Pire : un jour, sans
savoir pourquoi, on se dit qu’il a
passé. À partir de ce moment, on a
l’impression de mener une course
contre la montre. Quand je me vois
dans la glace avec mes rides et mes
cheveux gris, je dis : « Bonjour, monsieur », mais dans ma tête, j’ai l’impression d’avoir 20 ans et que dans
quinze jours je vais jouer Godspell
à la Porte-Saint-Martin avec Dave !
Le théâtre fait se sentir immortel.
La raison pour laquelle vous
ne quittez plus les planches ?
Le succès de Nos femmes m’a
fait un plaisir énorme. Dans cette
période de sinistrose, c’est une
démarche très saine de faire rire
avec un spectacle qui reste dans
la dignité. Le théâtre demeure un
lieu privilégié de rencontre avec les
gens qui vous aiment. Ils viennent
voir sur scène des comédiens qui ne
trichent pas, alors il faut leur donner tout ce qu’on a. Me confronter
au public me met dans un tel état
de vérité que j’ai un besoin quasi
existentiel d’y retourner.
Ado, j’écoutais les enregistrements de Gérard Philipe et je rêvais
d’être un grand romantique. Quand
je suis arrivé à Paris, je voyais ma
carrière sur les planches. Mais
merci mon Dieu de m’avoir aussi
offert une vie devant les caméras !
J’adore la vie sur les tournages,
découvrir des lieux dans des
conditions magiques… J’ai été gâté.
Aujourd’hui, les choses sont plus
difficiles : on manque de grands
metteurs en scène.
Quel conseil donneriez-vous
à un jeune comédien ?
Celui que j’ai reçu il y a longtemps : continuer à se cultiver, à
s’intéresser au monde et à regarder
le plus possible les autres jouer. Être
patient. Pierre Mondy m’avait dit
de courir dans mon couloir, sans
observer ce qui se passe devant.
Pour ne pas souffrir. Je ne dis pas
que je n’ai pas jeté un coup d’œil à
gauche et à droite, que cela ne m’a
pas énervé, mais j’ai fait en sorte de
tracer ma route. J’ai vécu, aimé et
joué la comédie, tout cela en même
temps. Pour ne rien rater. Et qu’estce que j’ai été heureux ! g
L’Envers du décor, théâtre de Paris
(75009). à partir du 15 janvier. Du mardi
au vendredi à 20 h 30 ; le samedi à 17 h
et 20 h 30, le dimanche à 15 h 30. rens. :
01 48 74 25 37 et theatredeparis.com
Ils s’invitent tous sur les planches
Le théâtre privé fait le plein
de célébrités aux profils très
différents. De Jean Piat,
sociétaire honoraire de la
Comédie-Française aux
extravagants frères Bogdanov
en passant par les médiatiques
Stéphane Plaza ou PPDA
Calbérac (L’Étudiante et Monsieur
Henri), le comédien incarne un
mari en pleine crise de couple :
après trente-cinq années d’amour
et de bonheur, sa femme (Évelyne
Buyle) ne veut plus remplir ses
devoirs conjugaux. Les époux
vont trouver ensemble une solution alternative qui ne frustre
personne.
une famille modèle, à partir du
27 janvier au théâtre montparnasse.
b EmmA DE CAunES,
En EAux trouBLES
L’actrice et animatrice renoue enfin avec les projecteurs :
quatre ans après Simpatico, de Sam
Shepard, au Théâtre Marigny, elle
donne la réplique à Nicolas Briançon dans La Rivière, un drame poétique et fantastique du dramaturge
anglais Jez Butterworth qui a
connu un beau succès à Broadway
avec Hugh Jackman.
b StÉPhAnE PLAzA
nE SAit PLuS où iL hABitE
Après avoir repris le rôle de
Pierre Richard dans À gauche
en sortant de l’ascenseur, l’agent
immobilier de la télé jouera, entre
deux ventes d’appartements, dans
Le Fusible, un homme d’affaires
qui perd la mémoire au moment
où il a décidé de changer radicalement de vie.
Le Fusible, à partir du 16 janvier au
théâtredes Bouffes-Parisiens.
La rivière, à partir du 5 février
à la Comédie des Champs-Élysées.
b PAtriCk ChESnAiS,
PortÉ Sur LA ChoSE
Dans Une famille modèle, la
nouvelle pièce de l’excellent Ivan
PhOtOs : PAtRIck chEvALIER/MAXPPP ; FLORENcE LEvILLAIN ; théâtRE dE LA MAdELEINE ; dELALANdE/sIPA
b BÉnABAr
tEnD L’orEiLLE
Pour la deuxième fois de sa carrière, le chanteur monte sur les
planches sans donner de la voix.
Dans Je vous écoute, pièce qu’il
a coécrite avec Héctor Cabedllo
Reyes, il se donne le rôle d’un psy
qui passe une drôle de journée
avec un de ses patients (Pascal
Demolon). Tout ça à cause d’une
femme (Zoé Félix)… Une comédie
qui vire au combat de coqs.
Je vous écoute, à partir du 22 janvier au
théâtretristan-Bernard.
b JEAn PiAt,
immEnSE
Au fil d’anecdotes personnelles,
le comédien de 91 ans nous raconte,
seul en scène et avec humour, ses
rencontres avec les grands auteurs.
Ces Pièces d’identité sont le résumé
de soixante-dix ans de bonheur à
jouer encore et toujours.
Pièces d’identité, à partir du 28 janvier
au théâtre des Bouffes-Parisiens.
b PPDA,
à nouvEAu En DirECt
Il n’est jamais trop tard. À
68 ans, l’ancien présentateur du
20 H de TF1 fait ses débuts de
comédien sur scène dans Garde
alternée, une comédie écrite par la
pédiatre Edwige Antier et LouisMichel Colla. Face à Alexandra
Kazan, il incarnera un médecin
qui s’occupe d’enfants et d’ados
en difficulté.
Garde alternée, à partir du 19 février au
théâtre des mathurins.
b GÉrArD DArmon,
hommE à tout FAirE
Le comédien ne se contente pas
de donner la réplique à Philippe
Lellouche dans Tout à refaire. Il assure la mise en scène de la nouvelle
comédie de l’auteur de théâtre à
succès et frère de Gilles. L’histoire
de deux amis d’enfance qui remontent le fil de leurs souvenirs un soir
d’été à la terrasse d’un café.
tout à refaire, à partir du 21 janvier au
théâtre de la madeleine.
b EFFEtS SPÉCiAux GArAntiS
AvEC LES BoGDAnov
Après nous avoir fait vivre sur
grand écran des expériences scientifiques hors du commun, les frères
intergalactiques nous racontent
sur scène un Big Bang mélangeant
sketches cocasses, effets spéciaux
et moments musicaux. De la
science-fiction théâtrale.
Big Bang, à partir du 12 janvier
au théâtre du Gymnase.
b QuAnD un BronzÉ
rEnContrE un inConnu
Deux princes de la comédie
populaire s’affrontent sur scène :
dans Le Syndrome de l’Écossais,
Thierry Lhermitte invite son
copain Bernard Campan à dîner
avec sa femme, mais l’alcool et les
non-dits vont faire sérieusement
déraper la soirée.
Le Syndrome de l’Écossais, à partir du
15 janvier au théâtre des nouveautés.
musique | culture | 29
jdd | 10 janvier 2016
Arno, rockeur
sans filtre
Le chanteur belge revient avec « Human
Incognito », un disque jubilatoire
entre blues et colère sur l’état du monde
Éric Mandel
Plus de quarante ans de carrière,
une trentaine d’albums à son actif
et une urgence intacte. À 66 ans,
Arno récidive avec un nouvel opus
à son image : rugueux et racé, orageux et tendre, le tout porté par
une énergie vitale et l’authenticité
de ceux qui ne trichent pas. Au fil
de ses dix chansons aux mélodies
accrocheuses mais jamais racoleuses, le rockeur flamand porte
un regard courroucé sur l’état
du monde (Please Exist, Je veux
vivre), célèbre les losers magnifiques (Santé), les femmes vénéneuses (Ask Me for a Dance) et
les gueules de bois au petit matin
(la superbe ballade Dance Like a
Goose). Son charisme vocal lui
permet d’alterner avec la même
intensité rocks furieux chantés en
anglais (Never Trouble Trouble)
et ballades habillées d’un simple
accordéon. Du Arno pur jus, loufoque et sombre, expansif et intimiste. Rencontre.
de coiffure que dans un parti dit
« de gauche ». Je ne juge pas les
électeurs d’extrême droite. Je suis
juste un voyeur. Je ne veux pas
changer le monde, et je ne veux
surtout pas que tout le monde soit
comme moi. Là on serait vraiment
dans la merde [rires nerveux].
J’ai deux mains gauches, je n’ai
jamais travaillé, je n’ai même pas
mon permis de conduire. Heureusement d’ailleurs, je serais un
danger pour les autres… Tu vois
le bazar ? Ma seule ambition est
de mourir d’une overdose de
rock’n’roll.
b dieu
Moi l’athée, j’interpelle Dieu
dans ma chanson Please Exist. Je
lui demande de se manifester. Et
il ne m’a pas encore téléphoné,
mais je ne désespère pas. Cette
chanson, je l’ai écrite avant les
attentats. Là, il doit se sentir
très mal quand même. Croire en
Dieu peut être une excuse pour
faire des trucs beaux, mais aussi
mauvais. C’est vieux comme le
b rockeur à 66 ans
monde… J’ai été évidemment très
Je suis né vieux et je vais creattristé par les attentats. Je devais
ver jeune. C’est grâce au rock.
chanter au Bataclan au mois de
Cette musique est très impormars. Je suis triste, vraiment. Pour
tante dans ma vie. Le rock’n’roll
ma génération, je pensais que le
est ma maîtresse, quelle salope !
pire était derrière nous. Mon
Mais je l’aime. À
père a connu une
cause d’elle j’ai vu
guerre mondiale.
le monde entier « Le conservatisme Mon grand-père,
sans jamais tra- est en érection
deux. Quand les
vailler. Elle m’a
nazis ont débarpermis d’acheter comme
qué à Ostende,
il a mis toute la
ma liberté. Mais La tour eiffeL »
famille dans un
le rock est mort
aujourd’hui. Je
bateau de pêche
cherche une audirection l’Anthenticité et une originalité chez
gleterre. Bref, j’étais le premier
les jeunes groupes, c’est dur. Les
à ne pas avoir connu la guerre.
mecs, quand ils parlent ce sont
Aujourd’hui, tout est possible car
des businessmen. Tout est calon vit dans un film de cow-boys.
culé. Ils vendent leur bazar avec
b Molenbeeck.
beaucoup de sérieux. J’entends
surtout des copies de copies de
J’habite à 400 m de ce quarcopies. Aujourd’hui je m’éclate
tier. Ce n’est pas seulement ce que
plus à écouter des groupes underl’on voit aux infos. Je me balade
ground technos.
souvent là-bas. Il faut le dire aux
Français, à Molenbeeck, on a l’eau
b urgence
chaude et la télé en couleur.
J’ai commencé à écrire cet
b cinÉMa
album en mars dernier, il a été
bouclé fin août. En studio, je l’ai
Quand je fais de la musique,
enregistré vite, en une semaine,
je suis le patron. Quand je fais un
comme dans les années 1960. Je
film, j’obéis au réalisateur, c’est
fais une ou deux prises maximum.
comme une thérapie. Je vais jouer
Je suis très impulsif dans la créaun père au côté de Nathalie Baye
tion. Parfois j’en paie le prix quand
dans Préjudice, d’Antoine Cuypers
je réécoute mes disques. Quand je
(en salles le 3 février). C’est un
fais de la musique, il ne faut pas
drame familial un peu autiste.
trop intellectualiser pour garder
J’ai jamais vécu ce type d’histoire,
la spontanéité.
quelle chance ! Je reçois une dizaine de scénarios par an, parfois
b colère
formidables. Mais je décline. Je
Le conservatisme est en
suis toujours en tournée, et puis
érection comme la tour Eiffel.
je ne suis pas acteur, je ne me sens
Aujourd’hui, la France est expas capable. Je suis un chanteur
trême droite et blonde. Et ce n’est
de charme raté. Mon ami Michel
pas seulement en France, mais
Piccoli m’encourage souvent.
dans toute l’Europe, en Belgique
J’avais joué dans son film Alors
aussi avec la Flandre. À mon âge,
Voilà. L’autre jour, je l’ai appelé :
je ne pensais pas connaître cette
« Ça va ? ». Il me répond : « Non. »
révolte réactionnaire. Les gens
Je lui demande : « Pourquoi ? ».
en ont peut-être marre du sociaIl me dit : « J’ai pas de boulot, je
lisme. Je viens d’une famille de
m’emmerde. » Je me suis marré.
syndicalistes. Aujourd’hui, il y
C’est un bon copain, il est le dera plus de gauche dans un salon
nier acteur, un monument vivant.
À 66 ans, Arno est de retour avec un album aux mélodies accrocheuses. DANNY WILLEMS
b Trinquer
Je bois moins qu’avant car mon
foie pleure. Mais dans la dernière
chanson de mon disque, je trinque
à la santé de tous les cocus de la
terre. On est nombreux dans ce cas.
Cette expérience m’est aussi arri-
vée. Santé est une chanson de fête
et d’amour car on est cocus seulement quand on est amoureux. Je ne
parle évidemment pas des cocus de
la politique, c’est un autre sujet. g
en concert les 19 et 20 mai au Trianon à
Paris et en tournée dans toute la France.
Human Incognito
iiif (Naïve),
sortie le 15 janvier.
30 | culture | lire
JDD | 10 janvier 2016
Un premier roman
de mille pages, acheté
2 millions de dollars
aux états-Unis,
croise plusieurs destins
dans le New York
des années 1970
Marie-laUre DelorMe
l
es uns et les autres. Ils ont
tous un rapport avec le
meurtre de la jeune Samantha Cicciaro, à Central Park
West, le soir du 31 décembre
1976, à une centaine de mètres de
la soirée des richissimes Hamilton-Sweeney. On va les suivre,
les aimer, les détester, les saisir.
Et puis la ville épileptique de
New York. Et puis les légendaires
années soixante-dix. Et puis la
scène punk américaine. City on
Fire est un événement. Parce que
le manuscrit a été acheté 2 millions
de dollars par l’éditeur Knopf ;
parce que l’auteur est un inconnu
âgé de 37 ans ; parce que la somme
de 2 millions de dollars représente
un record pour un premier roman ;
parce que l’histoire s’étend sur près
de mille pages ; parce que les droits
pour une éventuelle adaptation
cinématographique ont été achetés par le producteur Scott Rudin ;
parce que c’est une réussite. Les
références viennent immédiatement à l’esprit pour évoquer une
œuvre de sang-froid et de sang
chaud captant, comme nulle
autre pareille, le flux des destinées
humaines. On pense au Bûcher des
vanités, de Tom Wolfe, à Outremonde, de Don DeLillo, au Chardonneret, de Donna Tartt. Le vaste
roman, composé de sept parties
et d’allers et retours temporels,
connaît son point d’orgue : la
panne new-yorkaise du 13 juillet
1977, plongeant New York dans un
bain d’acide, et provoquant scènes
de pillages et désordres sociaux.
Le nouveau petit génie des lettres américaines fait une entrée fracassante dans le monde de l’édition avec « City on Fire ». Miller Mobley/ProFile eXC/SiPA
Garth Risk Hallberg
Les illusions perdues
conduit à une maison squattée de
l’East Village, où règnent le nihiliste Nicky Chaos et une bande de
Dans la nature comme
révolutionnaires archi drogués
des ballons dégonflés
aux petits pieds nommés les PostLes personnages. William
Humanistes. On va aussi croiser le
Hamilton- Sweeney III (un punk
galeriste autrichien Bruno Augenblafard et héroïnomane de 33 ans,
blick et la jolie Américaine d’origine
ancien leader des Ex Post Facto de
vietnamienne Jenny Nguyen. Ils
1973, se consacrant à la peinture) est
n’ont rien à voir les uns avec les
en couple avec Mercer Goodman
autres ; ils ont tout à voir les uns
(un enseignant afro-américain de
avec les autres.
Le tour de force de Garth Risk
24 ans, rêvant d’écrire un romanmonde, originaire de Géorgie).
Hallberg est de se faufiler entre
Regan Hamiltonles milieux, les
identités, les
Sweeney (une
sexes, les récits,
mère de deux Le tour de force
les quartiers, les
enfants, sœur de du romancier
âges pour monWilliam Hamiltrer une seule et
ton-Sweeney III, est de se faufiLer
même condition
ancienne ano- entre Les miLieux,
rexique) divorce
humaine. Un bloc,
de Keith Lam- Les identités, Les
un bloc avec des
plighter (un mari sexes, Les récits,
fissures, mais un
volage, mal en
bloc quand même.
Les
quartiers,
Les
point, amoureux
Si l’on est de bout
de son épouse). âges pour montrer en bout du côté
du roman dicCharles Weisbarger (un adolescent une seuLe et même ke n s i e n , c ’e st
parce que tous
juif de 17 ans, aux condition humaine
les personnages
cheveux roux,
ont un compte à
adopté par une
famille de Long Island et aspirant
régler avec leur enfance. Parents
à devenir prophète) est amoureux
morts, parents défaillants, parents
de Samantha Cicciaro (une fille à la
envolés. Les jeunes gens admirent
dérive, dont la mère est partie avec
ici Walt Whitman et Patti Smith.
un professeur de yoga, qui est éleRien ne sera à la hauteur de leurs
vée par son père artificier). La jeune
rêves. Ils se retrouvent lâchés dans
fille mineure, deux balles dans la
la nature comme des ballons détête à Central Park, se retrouve dans
gonflés. Samantha Cicciaro est la
le coma à Beth Israel. Un journaliste
fille d’un artificier. Les spectacles
dépressif (Richard Groskoph) et un
pyrotechniques n’ont ni passé ni
inspecteur du NYPD boiteux (Larry
futur. « Et elle avait appris qu’on ne
Pulaski) mènent l’enquête. La piste
pouvait pas vraiment constituer des
réserves avec ce qui comptait. Les
sentiments, les gens, les chansons,
le sexe, les feux d’artifice : ils n’existaient que dans le moment présent
et, quand le moment se terminait,
ils se terminaient eux aussi. » Les
Illusions perdues, de Balzac, est
l’un des romans préférés de l’enseignant noir Mercer Goodman.
Comment en serait-il autrement ?
Il est arrivé à New York en pensant
« à nous deux maintenant ».
Le black-out de juillet 1977
Depuis le remariage de William
Halmilton-Sweeney II avec Felicia Gould, la richissime famille
a explosé en mille morceaux. Le
frère de la seconde épouse, Amory
Gould, manipule son entourage au
sein du clan. Comme tout roman
d’apprentissage abouti, les clés
d’entrée dans l’histoire sont multiples : la famille, le punk-rock, le
bien et le mal, la création artistique. La ville de New York est
le véritable personnage de City
on Fire. La scène du black-out de
1977, où les personnages errent
dans les rues et se cognent à euxmêmes dans l’obscurité, est emblématique de tout le roman. Que
reste-t-il d’un trader, d’un Noir,
d’une femme, d’un junkie, d’un
bourgeois quand la peur prend au
ventre, quand on a besoin de l’autre
pour retrouver son chemin, quand
on peine à distinguer le visage
du danger. Quand on enlève nos
repères sociaux comme un tapis
tiré de sous des mocassins vernis.
Si Garth Risk Hallberg a écrit les
illusions perdues new-yorkaises
des années 1976-1977, c’est parce
qu’il ne reste au final que ça : la
beauté dangereuse de la ville.
Le génie de Dickens
et la série « The Wire »
Sa génération d’écrivains : le
génie de Dickens et la série The
Wire. City on Fire est un roman sur
les possibles, le chaos, les incendies.
On y lit, en ligne de fuite, le sida et
le 11-Septembre. New York : les
oiseaux, les junkies, les artistes,
les traders, les rats. L’électrocution et l’électricité. Chez les riches
Hamilton-Sweeney, père et fils ne
se parlent plus depuis longtemps.
Alors, le père écrit à son fils pour
dire ses regrets : « Que ton père est
un homme, mon fils, comme toi :
telle est la chose impossible que je te
demande d’imaginer. » La ville en
feu de Garth Risk Hallberg serait
un simple roman réussi, parmi
d’autres, sans ses moments de silence. Tout revient toujours à ça :
une enfant dans le coma après un
meurtre. Les personnages vivent
aux côtés de doutes plus grands
qu’eux. L’apprenti écrivain Mercer
Goodman s’interroge sur la création
littéraire : comment se confronter
à la complexité de la vie réelle ? En
malaxant l’ombre et la lumière pour
rester à hauteur d’homme. Il se dit
attaché à l’idée désuète que le roman
est là pour nous enseigner quelque
chose. Garth Risk Hallberg le croit-il,
lui aussi, avec son œuvre pyrotechnique ? Une multitude d’oiseaux
indifférents à notre sort hantent,
de manière obsédante, City on
Fire comme pour nous rappeler
que c’est nous qui sommes rivés
ici-bas. g
City on Fire, de Garth
Risk Hallberg, trad.
Elisabeth Peellaert,
Plon, 980 p., 22,90 €.
sélection JDD
5 livres français
la renverse, Olivier Adam,
Flammarion.
l’autre Joseph, Kéthévane
Davrichewy, Sabine Wespieser.
envoyée spéciale,
Jean Echenoz, Minuit.
la splendeur dans l’herbe,
Patrick Lapeyre, P.O.L.
Histoire de la violence,
Édouard Louis, Seuil.
5 livres étrangers
le nouveau nom,
Elena Ferrante, Gallimard.
la route étroite vers le nord
lointain, Richard Flanagan,
Actes Sud.
City on fire, Garth Risk Hallberg,
Plon.
eileen, Ottessa Moshfegh,
Fayard.
tous les vivants, Jayne Anne
Phillips, L’Olivier.
(Liste établie par : Anne-Julie Bémont,
Marie-Laure Delorme, Nicolas Demorand,
Laëtitia Favro, Alexandre Fillon, Ilana Moryoussef,
Augustin Trapenard)
lire | culture | 31
jdd | 10 janvier 2016
Retour par l’Algérie Kéthévane Davrichewy
de René-Victor Pilhes Les deux Joseph
armes dont il connaissait de visu
la détermination, la bravoure,
l’intelligence.
de l’académie Goncourt
Ils s’étaient rencontrés
@bernardpivot1
à la prison d’Albi, où Abane
Ramdane purgeait une peine
de cinq ans pour menées subela fait seize ans que le nom
versives. Jean-Michel Leutier,
de René-Victor Pilhes avait
étudiant à Toulouse, pour
disparu de l’actualité littécomplaire à la mère de la jeune
raire. Avait-il renoncé à écrire ?
fille dont il s’était entiché et
Ses derniers romans, Le Fakir,
qui était visiteuse de prison,
Le Christi, enfin La Jusquiame,
l’y avait suivie. Tout oppose au
en 1999, n’avaient pas eu le
parloir le Kabyle révolutionnaire
retentissement et le succès des
et le jeune pied-noir, fils d’un
premiers : La Rhubarbe, prix
gendarme d’Aïn-Témouchent,
Médicis 1965, Le Loum (1969),
en Oranie, et tout les rapproche.
surtout L’Imprécateur (Seuil),
L’un est ici contre son gré, dans
prix Femina 1974, formidable
l’attente de la révolution par les
fiction sur le monde inquiétant
armes, l’autre pour ses études
des entreprises, œuvre persde droit, pour préparer dans
picace sur la déshumanisation
la métropole son confortable
cynique de leurs dirigeants. Les
avenir. Mais ils ont en commun
romans de René-Victor Pilhes
l’amour de l’Algérie, même si
ont deux qualités majeures : leur
le pays qu’ils ont dans le cœur
écriture baroque où verbes et
et la mémoire n’est vraiment
adjectifs sont souvent inattenpas le même.
dus, et le mélange réussi de ce
De leur première conversaqu’il a vécu et de ce qu’il pense
tion le jeune homme est sorti
avec les puissants ressorts de
impressionné,
son imagination.
presque hypOn est heuCette guerre qui,
notisé, par la
reux de retrouver de tout cela
à l’époque, n’osait sincérité brutale
du proscrit,
dans La Nuit de
pas avouer son
par sa foi dans
Zelemta, roman
l’indépendance
par lequel René- nom, il l’a faite
la liberté, par
Victor Pilhes
pendant deux ans et
sa volonté de lui
inscrit pour la
ouvrir les yeux
première fois
et il en est
sur une Algérie
son nom dans
revenu, Comme
qu’il habitait
la littérature
mais qu’il ne
du XXIe siècle,
beauCoup de
connaissait pas.
même si le sujet
Jean-Michel
en est la tragédie soldats du
Leutier ne fut
de la France des Contingent, amer,
plus jamais le
années 1950 : la
même.
guerre d’Algérie. Choqué, révolté
Ce qu’il appela
Cette guerre
« le syndrome
qui, à l’époque,
d’Abane », une sorte de mauvaise
n’osait pas avouer son nom
conscience permanente, ne le
(« les événements d’Algérie »,
lâcha plus, même si, convaincu
disait-on), il l’a faite pendant
des dangers de ses visites, il finit
deux ans et il en est revenu,
par y renoncer.
comme beaucoup de soldats
À travers le récit du vieux
du contingent, amer, choqué,
curé – que le lieutenant, grand
révolté. Elle l’a marqué si
soldat, grand blessé qui attend
profondément que, plus de
la mort à l’hôpital, appelle
cinquante ans après, il a su en
affectueusement « petit curé » –,
exposer dans une fiction à susRené-Victor Pilhes restitue
pense les malentendus, les aveuadmirablement les états d’âme,
glements, les contradictions, les
les hantises, la douloureuse
déchirements, les utopies, les
lucidité d’un jeune pied-noir
absurdités. C’est là un roman
avant et après la Toussaint 1954,
politique sur les débuts d’un
date du déclenchement du
conflit sauvage qui, de 1954 à
soulèvement populaire. De plus
1962, devait durer huit longues
en plus convaincu que l’histoire
et douloureuses années. Il est
exaucera les vœux et ratifiera la
dédié « à la mémoire de Pierre
violence anticolonialiste d’Abane
Cullin ». Est-ce le vrai nom du
Ramdane, Jean-Michel Leutier
héros du livre, le lieutenant
n’en résiliera pas moins son surJean-Michel Leutier ?
sis pour s’engager dans l’armée
C’est un vieux curé qui
et défendre la présence des
raconte. Il a été l’ami et le
Français en Algérie. Une sorte
confident de Jean-Michel
de sursaut patriotique et idéoloLeutier. À lui seul il a révélé ce
gique le débarrassera même un
qui s’était passé au cours de la
temps de ce terrible syndrome
nuit, à Zelemta, quand il s’était
qui lui gâchait la vie.
trouvé face à l’un des chefs du
Jusqu’à cette nuit de
FLN (Front de libération natiomars 1957, dans une mechta
nale), Abane Ramdane. Pourquoi
du massif de Zelemta… g
il avait agi ainsi. Pourquoi et
comment et par quel cheminement de son esprit il en était
arrivé à adopter ce comporteLa nuit de Zelemta,
ment, à obéir à ce réflexe, quand
René-Victor Pilhes,
les hasards de la guerre lui
Albin Michel, 190 p.,
avaient fait croiser les chemins
17,50 €.
clandestins d’un Algérien en
Bernard Pivot
c
pires lâchetés comme de la plus
grande bravoure, séducteur impénitent, exilé contraint, aventurier
et père absent ? Quand l’auteur
choisit d’enquêter sur cette
branche de l’histoire familiale,
rares sont les vivants capables
d’éclairer l’énigme d’une existence d’une complexité telle que
la fiction semble un recours naturel et nécessaire.
La romancière retrace le parcours
de son arrière-grand-père,
Joseph Davrichachvili, aviateur et
agent secret, dont la destinée fut
intimement liée à celle de Staline
Laëtitia Favro
« Ils ont les yeux bruns, les cheveux
noirs, avec un petit quelque chose
en plus, dans la forme du visage,
qui leur donne un air de famille. »
Nés en Géorgie à quelques rues
et à quelques années près, Joseph
Davrichachvili, l’un des tout premiers aviateurs russes, et Joseph
Djougachvili, futur Staline, font
ensemble leurs premières armes.
Fils du préfet de Gori, le premier
bénéficie d’une éducation bourgeoise mais stricte, tandis que le
second, dont la mère est couturière et femme de ménage chez
les Davrichachvili, grandit dans
la crainte d’un père alcoolique
et violent. S’ils sont animés d’un
même élan patriotique, d’abord
incarné par les bandits de la tradition orale caucasienne puis par
la révolution bolchevique, leur
inimitié croissante les engage sur
des voies distinctes, qui ne cesseront pour autant de se croiser.
Après un passage tourmenté
par le séminaire et quelques faits
d’activisme, le futur maître du
Kremlin est envoyé en Sibérie où
il rédige ses premiers textes, avant
de s’illustrer pendant la campagne
de 1905. Familier des milieux
révolutionnaires parisiens,
Photo : PhiliPPe MAtSAS/oPAle/leeMAge
Davrichachvili milite, quant à lui,
aux côtés d’un certain Lev Rosenfeld, futur Kamenev et membre
du triumvirat soviétique au même
titre que Zinoviev et Staline. Ce
n’est qu’à la mort de son aîné en
1953 que Davrichachvili reviendra
sur leur enfance commune et leur
supposé lien de sang, se libérera
de cet encombrant camarade qui
allait modifier son destin et celui
de sa descendance.
Quel homme était-il, cet aïeul
mythique et distant, capable des
Les méandres d’une existence
bouillonnante
Puisant dans ses souve nirs, dans les archives et dans
l’évolution sémantique de son
patronyme le moindre indice
utile à son entreprise de mémoire,
Kéthévane Davrichewy retrace
les jeunes années de cet « autre
Joseph » grandi dans l’ombre
de Staline, des premières bagarres
dans les rues de Gori aux défilés
militants sur fond rouge. La voix
de l’auteur, juste, empathique
et d’une émouvante sensibilité,
accompagne tour à tour son lecteur
et son héros dans les méandres
d’une existence bouillonnante partagée entre cultures géorgienne et
française, prise dans les remous de
l’histoire du XXe siècle. g
L’Autre Joseph,
Kéthévane Davrichewy,
Sabine Wespieser,
280 p., 21 €.
Philippe Claudel
Lettre à un ami perdu
Le romancier et cinéaste offre
une méditation sur la mort,
en hommage à l’éditeur
Jean-Marc roberts
aLexanDre FiLLon
Au printemps
2012, le narrateur du nouveau
roman de Philippe Claudel
s’est rendu en
Indonésie. Sur
l’île de Sulawesi.
Dans un village
Photo : thoURoUDe
du pays Toraja
où l’on trouve un arbre particulier, « remarquable et majestueux ».
L’occasion de penser à la manière
d’aborder la question de la mort, du
passage du temps. De regarder le
monde qui l’entoure et ceux qui y
évoluent. Le voyageur en question
vient d’avoir 50 ans. Ce cinéaste
dont le dernier long métrage a
connu un accueil médiocre est
divorcé de Florence, avec qui il
a longtemps encore continué à
dîner et à faire l’amour dans une
chambre d’hôtel. À son retour du
pays Toraja, le héros de l’auteur
des Âmes grises (prix Renaudot) et
du Rapport de Brodeck découvre un
message sur son répondeur. Message qui lui apprend que son meilleur ami et producteur, Eugène, a
un « sale cancer ». De ceux qu’on
n’arrive pas à soigner.
Eugène, un enchanteur qui
rappelle le regretté Jean-Marc
Roberts, ne va pas baisser la
garde. Et jusqu’au bout conserver sa fantaisie. Nostalgique d’une
« amitié de mots », le narrateur
oscille entre le présent et le passé.
Les souvenirs remontent peu à
peu. Celui de Jean-Christophe,
camarade de lycée, qui s’est donné
la mort à 19 ans par dépit amoureux. Celui de Gary, l’alpiniste disparu à 28 ans dans « l’exubérante
beauté de la jeunesse ». Ceux d’une
enfance en Lorraine où il se rendait chaque dimanche au cinéma.
La vie se charge de vous surprendre. Parfois agréablement.
Notre homme se plaît ainsi à
observer les mouvements et les
courbes de sa jeune voisine du
6e étage. Laquelle va s’avérer se
prénommer Elena, être une cher-
cheuse d’origine croate à l’haleine
parfumée d’orange et à la tête
aussi bien faite que le corps.
L’arbre du pays Toraja permet
aussi de croiser Milan Kundera
dans un « bar-tabac sans grâce », ou
Michel Piccoli qui donne rendezvous au protagoniste de Claudel
dans un McDonald’s proche de
son domicile et lui dit appartenir
à « des temps révolus ». L’écrivain,
cinéaste et dramaturge vient de
signer une touchante et sobre
lettre à un ami perdu. Une réflexion mélancolique sur la difficulté de trouver la juste distance
et sa juste place. g
L’Arbre du pays Toraja,
Philippe Claudel,
Stock, 209 p., 18 €.
32 | personnalités
JDD | 10 janvier 2016
« Delpech, cœur sensible et mélancolique »
par terre face à Geneviève. Nous nous
regardions en silence. Puis, soudain, je
me suis levé, j’ai traversé la pièce et je
l’ai embrassée. J’ai décidé de rester. »
Abba Athanasios mariera en
1985 le jeune couple dans la crypte
de l’église Saint-Sulpice. Ce jour-là, il
y avait évidemment moins de monde
qu’aujourd’hui, un seul photographe
assistait à la cérémonie. Trente ans
plus tard, au même endroit, Geneviève lit un poème de Baudelaire
(Réversibilité) pour l’homme qu’elle a
accompagné dans sa retraite près de
Saint-Germain-en-Laye, fasciné qu’il
était par les Pères du désert, ces porteurs d’Évangile délestés du superflu.
« Michel était comme un surfeur trop
tôt descendu de la vague », rappelait
son confident ecclésiastique.
Vendredi, l’évêque copte
Abba Athanasios a célébré à
Saint-Sulpice les obsèques
du chanteur qu’il avait connu
il y a trente-cinq ans. La foi était
au cœur de leur amitié
LudoVic Perrin
@LPJDD
Catherine Deneuve, Patrick Bruel,
Anne Hidalgo, Fleur Pellerin
et même Renaud… Vendredi, à
11 heures, l’église Saint-Sulpice
était noire de personnalités venues
d’horizons divers (François Bayrou,
Alain Madelin, Ingrid Betancourt)
pour accompagner Michel Delpech
vers sa dernière demeure. Pour que
le tableau soit complet, il n’aura
manqué que Mick Jagger, cette autre
star qui se serait, elle aussi, prénommée Michel si elle avait été française
et que Delpech évoquait dans son
succès Quand j’étais chanteur.
Aux côtés de la famille, l’épouse,
les enfants, des amis (Bénabar,
Didier Barbelivien), l’évêque de
l’Église copte orthodoxe Abba
Athanasios, coiffé d’une barrette
noire, était peut-être l’un de ceux
qui connaissaient le mieux Michel
Delpech. « Il est venu me voir en 1980
dans mon petit appartement sous les
toits donnant sur le Père-Lachaise,
se remémore le prêtre. Nous parlions de tout, de Dieu, de saint Paul,
du Festival de Cannes… Petit à petit,
un dialogue s’est installé et nous nous
voyions pour des conseils, des entretiens, des bénédictions. Michel était
très sensible à la confession. »
En haut, l’évêque copte Abba Athanasios (en blanc). Ci-dessus, Renaud. À droite, Didier
Barbelivien, Catherine Deneuve et Dominique Besnehard. JBV NEWS; PaNoramic/StarfacE; SiPa
Au début des années 1980,
l’auteur des Divorcés entamait
une longue descente vers l’abîme.
Séparé de sa première épouse, le
chanteur des Trente Glorieuses
vide sa maison, vend ses droits à sa
firme discographique et s’apprête
à prendre le large (Los Angeles ?
Tahiti ?). C’est alors que la providence sonne à sa porte. Une voisine passe lui dire au revoir. Elle
est accompagnée d’une amie,
Geneviève. « Un coup de foudre »,
nous confiera en 2000 Michel
Delpech : « À un moment, nous nous
sommes retrouvés seuls. J’étais assis
Un si grand sourire
« Mes parents m’avaient inculqué
des principes de vie saine et d’honnêteté, expliquait Delpech en 2000. Je
ne sais pas si ces valeurs s’appliquent
au show-business. La folie, l’argent,
les filles, tout ce que m’offrait la célébrité, j’en ai archiprofité, mais, à un
moment donné, je ne pouvais plus
m’identifier à mon rôle. »
Michel Delpech avait accueilli les
deux enfants de Geneviève. Sa bellefille Pauline le rappelle : « J’étais
encore bébé. Tu n’étais pas obligé
de nous élever, de nous aimer, mon
frère et moi, et pourtant tu l’as fait.
Tu es mon si beau père. Comme disait
l’autre : “Si j’avais su que je t’aimais
autant, je t’aurais aimé davantage.” »
Avec ses proches et sa famille, le
prêtre copte l’a accompagné durant
les derniers mois de sa maladie.
« Michel prenait ma main gauche
avec sa main gauche ; en communion, il s’apaisait. Il est parti dans
une paix intérieure. Sous sa livrée
de star battait le cœur sensible d’un
homme épris de justice et de vérité,
doublé d’une mélancolie qu’il avait
héritée de sa mère, si aimée, et de
l’humour d’un père, si aimé. » Michel Delpech, ce chanteur qui avait
voulu vivre sa vie sans craindre de se
confronter à ses « joies », comme ses
« erreurs » et ses « transgressions »,
avait dû recevoir beaucoup d’amour
enfant pour conserver un si grand
sourire. Dernièrement, Didier
Barbelivien l’avait taquiné : « Je
lui avais dit : “Tu as commencé ta
carrière sous l’enveloppe de Justin
Bieber et tu la finis sous celle de
Jean-Pierre Marielle.” » Là encore,
Delpech avait ri.
Les orgues de Saint-Sulpice ont
rejoué ses succès (Chez Laurette,
écrit et chanté en 1965, à 18 ans, Le
Chasseur, Wight is Wight, etc.) Son
sourire trône sur l’autel, la photo
d’un chanteur au temps de sa splendeur. Maintenant que sa dépouille
se dirige vers le Père-Lachaise, sa
voix résonne dans l’église. Quand
j’étais chanteur. La foule applaudit.
Le Père-Lachaise, c’est là justement
où, trente-cinq ans plus tôt, il avait
retrouvé le père Athanasios pour
s’assurer de son goût de la vie et de
la couleur du ciel. g
téléVision | 33
jdd | 10 janvier 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Un Président
Ciné dimanChe
loin des clichés
À l’occasion du 20e anniversaire de la disparition de François Mitterrand,
un documentaire revient sur son destin à travers ses albums de famille(s)
Éric Mandel
Raconter l’homme à travers les
photos personnelles d’une vie. Une
vie ô combien romanesque faite de
multiples amours, de luttes pour
le pouvoir et de controverses politiques… L’ambition du film François Mitterrand, albums de familles
peut surprendre, voire interpeller.
On ignore d’ailleurs si le principal
intéressé aurait goûté de voir son
intimité ainsi dévoilée, lui qui aura
bataillé durant son existence pour
préserver sa vie privée. Mais la démarche initiée par Pierre Favier et
Hughes Nancy a séduit les trois
enfants du défunt président. Ses
deux fils, Jean-Christophe et Gilbert, mais aussi Mazarine Pingeot
ont accepté d’ouvrir les albums
photographiques constitués par
François Mitterrand lui-même. Et
de témoigner face caméra du père
et de l’homme public.
Jeune enamouré d’une certaine
Marie-Louise Terrasse
Ces photos, François Mitterrand
prenait soin de les compiler dans
des albums, mais aussi de les annoter de sa plume. Cela en dit long
sur le lien qu’il entretenait avec sa
propre histoire. En majorité totalement inédites, elles montrent le
premier président socialiste de la
Ve République au fil des époques,
dans des situations parfois insolites :
étudiant déguisé en curé, jeune
enamouré d’une certaine MarieLouise Terrasse, son premier amour
et future speakerine sous le nom de
Catherine Langeais. Plus tard en
vacances les pieds dans le sable à
la plage d’Hossegor avec femme et
enfants… « Un collector », dixit son
fils aîné, Jean-Christophe. Le film
débute par l’origine, à Jarnac où il a
vu le jour dans une famille de droite
traditionnelle et catholique. On le
voit gamin au milieu de ses frères et
sœurs, avec sa mère, disparue trop
tôt, avec son père, Joseph, à Vichy
en 1942. S’il fait des allers-retours
entre la vie privée et la vie publique
de l’homme, le film ne dresse pas le
bilan critique maintes fois réalisé
des deux septennats du monarque
républicain.
Elle raconte un père
« super marrant »
Il retrace plutôt les grandes
lignes de son parcours politique,
sans omettre les zones d’ombre
d’un personnage éminemment
complexe. Son passé de « vichystorésistant », d’abord ministre de
Pétain puis chef de réseau sous le
nom de Morland. Il revient également sur son amitié avec René
Bousquet, secrétaire général à la
police du régime de Vichy, coupable de déportations de Juifs et
de la rafle du Vél’ d’Hiv. Une amitié
indéfectible, justifiée par certains
en raison de l’aide apportée par
Bousquet au réseau du jeune Mitterrand, laquelle aurait permis de
sauver des vies, dont celle de Mitterrand lui-même. Pour Mazarine,
son père aurait dû rompre les liens
avec Bousquet. Sans oublier l’attentat de l’Observatoire et les écoutes
téléphoniques de l’Élysée orchestrées pour « protéger » sa vie privée
marquée du sceau du secret.
Le film montre comment il a parfaitement cloisonné ses vies. Celle
officielle avec Danielle Mitterrand
et celle cachée avec Anne Pingeot.
On découvre alors un père de famille
tendre et affectueux, presque « papa
gâteau ». Les photos dévoilent une
complicité évidente entre le sphinx
de la République et sa fille : lors de
son anniversaire, en voyage à Venise, à Jérusalem ou au Caire. On
connaissait l’animal politique, elle
raconte un père « super marrant »,
amateur de « blagues nulles » et
de films « un peu pourris ». Le
documentaire exhume d’ailleurs
cette vidéo incroyable où François
Mitterrand et Mazarine s’amusent
à rejouer une scène de la série
Dallas. On voit le président endosser le rôle de J.R. face à sa fille en
Sue Ellen qui lui reproche ses infidélités et lui son alcoolisme. Un
président loin des clichés. g
François Mitterrand, albums de familles,
demain à 20.55, France 3.
À lire : François Mitterrand et Paris
Match, c’est toute une histoire dont
l’un des faits saillants fut la publication
des premières images publiques
de Mazarine. Jean-Pierre Bouyxou
et Marc Brincourt racontent la vie
incroyablement romanesque de l’ancien
président dans un livre d’une richesse
iconographique inouïe.
François Mitterrand. Sa vie est un roman
(Éd. du chêne-Paris Match), 296 p., 35 €.
lejdd.fr Vidéo : les mystères de
la dernière photo de Mitterrand
François Mitterrand, son épouse, Danielle, et leurs trois enfants en 1950. Le président et Mazarine Pingeot, en 1984. FTV
La sélection de la semaine
SÉrie À Londres, en 1827, l’inspecteur John Marlott est chargé
d’enquêter sur la découverte
d’un cadavre composé de plusieurs membres d’enfants cousus
ensemble. Une affaire embarrassante pour le gouvernement, qui
s’apprête à faire passer une loi,
fort impopulaire, qui autorise les
anatomistes à utiliser les indigents
décédés pour les dissections. Le
policier se lance sur les traces d’un
scientifique désireux de continuer
l’œuvre du héros de Mary Shelley.
Tout en ménageant une intrigue
policière palpitante, cette série à la
mise en scène soignée nous plonge
dans le Londres sale et mal famé de
Dickens, avec ses enfants de la rue
miséreux et maltraités, un juteux
trafic de cadavres, une communauté scientifique prête à toutes les
expérimentations pour accélérer
la marche du progrès. En policier
hanté par la mort de sa femme et de
sa fille, Sean Bean finit d’apporter
finesse et émotion à cette première
saison qui se termine par un formidable twist. B.T.
The Frankenstein chronicles, mardi,
20.50, canal+ Séries.
FicTion « Stavisky se suicide
d’un coup de revolver qui lui a
été tiré à bout portant », ironisa
Le Canard enchaîné le 10 janvier
1934, deux jours après la mort
du « beau Sacha », célèbre escroc
qui aurait bénéficié d’appuis
politiques. Un charlatan dont les
arnaques financières furent utilisées par l’extrême droite pour discréditer la République. Avec Tomer
Sisley dans le rôle-titre, ce téléfilm
retrace son parcours sur fond de
corruption pendant les années
1930. Dommage que cette fiction
historique évoque trop brièvement
les conséquences de l’affaire qui fit
chuter un gouvernement, provoquant des manifestations très violentes. Pas assez de rythme ; trop de
bavardages. Ce sujet méritait une
écriture et une mise en scène plus
audacieuses. Ba.T.
Stavisky, l’escroc du siècle, mercredi
à 20.55, France 2.
cFlight iiif Un pilote de ligne va sauver
ses passagers du crash inéluctable de son
appareil. L’enquête va révéler la face sombre
du héros. Denzel Washington est impeccable.
20.55, TF1.
a La Couleur pourpre iiif Le film
de Steven Spielberg qui a révélé Whoopi
Goldberg. 20.50, HD1.
c Le Magnifique iiif Une parodie populaire
et réjouissante des films d’espionnage pour
notre Bébel national. Avec la très belle Jacqueline
Bisset pour partenaire. 20.45, Arte.
c Le Seigneur des anneaux : La Communauté
de l’anneau iiif Premier opus de la trilogie
adaptée de Tolkien.Une luxuriante fresque
d’héroic fantasy. 20.55, France 2.
Votre soirée
17.05 Sept à huit. 20.00 Journal. 20.55 Flight
iiif Film américain de Robert Zemeckis
(2012). Un pilote de ligne réussit un atterrissage en catastrophe
miraculeux. Avec Denzel Washington et John Goodman. 23.30
Mentalist. Série américaine. 1.10 Les Experts : Manhattan.
Série américaine.
D8 21.00 L’Union sacrée
ifff F i l m f r a n ç a i s
d’Alexandre Arcady (1989).
18.10 Stade 2. 18.45 Vivement dimanche prochain :
Thierry Lhermitte. 20.00 Journal. 20.40 Parents, mode
d’emploi. 20.55 Le Seigneur des anneaux : La Communauté
de l’anneau iiif Film américano-néo-zélandais de Peter
Jackson (2001). Après des siècles de paix, le réveil d’une force
maléfique menace de plonger le monde dans le chaos. Avec Elijah
Wood et Sean Bean. 23.50 Faites entrer l’accusé.
NT1 20.55 Yes Man iiff
Film américain de Peyton Reed
(2008).
16.10 Du côté de chez Dave. 17.15 Personne n’y avait
pensé ! 17.55 Le Grand Slam. 19.00 Le 19.20. 20.25 Zorro.
20.55 Miss Fisher enquête. Série australienne (2015).
Les tourments de l’âme ; Valse mortelle au Grand Hôtel ; Le
Bourreau assassiné ; Esprit, es-tu là ? Avec Essie Davis et Nathan
Page. 0.35 Soir 3.
HD1 20.50 La Couleur pourpre
iiif Film américain de
Steven Spielberg (1985).
TMC 20.55 Les Experts : Miami.
Série américaine.
Gulli 20.50 C’est donc ton frère
iiif Film américain de
Harry Lachman (1936).
6ter 20.55 Incassable iiff
Film américain de M. Night
Shyamalan (2000).
17.20 Zapping de la semaine. 17.40 L’Envoyé
spécial du Petit Journal. 18.35 Canal Football Numéro 23 20.50 Training
Club. 20.55 Avant-match. 21.00 Marseille-Guingamp. Ligue 1, Day iiif Film américain
20e journée. 22.55 Canal Football Club. Le débrief. 23.15 L’Équipe d’Antoine Fuqua (2001).
du dimanche. 23.30 Le Journal des jeux vidéo. 0.00 Strike Back.
Paris Première 20.45 Lie to me
18.35 C Politique. 20.00 In Vivo, l’intégrale. 20.30 Avis Série américaine.
de sorties. 20.40 Quand la galette fait des rois. Documentaire français de Domitille Jobbé-Duval (2015). Enquête RTL 9 20.40 Mon voisin le
sur une tradition très lucrative. 21.30 La Fraise, un parfum de tueur ifff Film américain
business. Documentaire français (2014). 22.25 Les Anglais dans de Jonathan Lynn (2000).
la Résistance. 23.20 La Grande Librairie.
Téva 20.40 The Good Wife.
19.15 Cuisine royale au château de Tranekaer. Série américaine.
19.45 Arte journal. 20.00 Karambolage. 20.15
Vox Pop. 20.45 Le Magnifique iiif Film franco-italien de Philippe TCM Cinéma 20.40 Jeremiah
de Broca (1973). Un écrivain trop timide s’est inventé un double litté- Johnson iiif Film amériraire doté du courage dont il est totalement dépourvu. Avec Jean-Paul cain de Sydney Pollack (1972).
Belmondo et Jacqueline Bisset. 22.20 Borsalino. Documentaire
(2015). 23.10 Pierre Boulez, un certain parcours (1/2).
FX 20.50 La Fiancée de Frankenstein iiii Film améri16.30 66 Minutes : le doc. 17.20 66 Minutes. 18.40 cain de James Whale (1935).
66 Minutes : grand format. 19.45 Le 19.45. 20.05
Sport 6. 20.10 E = M6. 20.55 Capital. Réparation, OCS Géants 20.40 Géant
réclamation, livraison : le client prend le pouvoir. 23.00 Enquête iiff Film américain de
Exclusive. Courchevel/Saint-Moritz : duel au sommet du luxe. George Stevens (1955).
session de rattrapage du Jdd aVec
Le top des 3 programmes à revoir aujourd’hui sur Internet
a Doc.
Charlie 712.
Histoire d’une
couverture
France 5
a Divert.
La Femme
du boulanger
France 2
a Doc.
Stefan Zweig,
histoire d’un
européen
Arte
34 | JEUX
travaille
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des prunes
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pentes vers
le sommet
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n’est pas
de bois
est à dégrafer pour les
besoins du
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fontaine et
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les deux sont
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un seul
nous en fait
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retourné
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a fait baptiser tous
ses enfants
imitation pas
forcément
pâle
le rouge
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au cœur du
mystère
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digramme
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à la peau
rouge
cogne fort
être
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ou celui qui
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ne mobilisa
de piquer
pas ses forces
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une déjection et une
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animal
d’apparat
tête de
mort
accord
tue à plus
ou moins
petit feu
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parfois
monté
en épingle
dans un livre
de recettes
Gérant-Directeur de la publication Philippe
Pignol. Président d’honneur Daniel Filipacchi.
éditeur édouard Minc. éditrice adjointe
Anne-Violette Revel de Lambert.
Communication Nawal Hocine,
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Tirage du 3 janvier 2016 :
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rectangle
ou
un cercle
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plaisir à
l’entourage
moyen
solution des jeux
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Numéro ISSN 0242-3065.
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est une filiale de Lagardère Active SAS.
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qui tombent
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de lolos
calculent
une distance
à partir de la
longueur du
rectangle
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HoriZontalement
1. Indépendantisme.
2. Moëre. Aisée. Out.
3. Mec. Rhin. Visite.
4. Halètement. Us. 5.
Rhumes. Routage. 6. Ta.
Privai. Égala. 7. Aimé.
Tasserez. 8. Leurrer.
Sua. Ode. 9. Tee. Initiales.
10. Sue. Freine. Levé. 11.
Asexué. Texte. Or. 12. Tu.
Essor. Irait. 13. Iran. Travée. Fia. 14. Opposante.
Vison. 15. Naine. Aérien.
Né.
verticalement
1. Immortalisation. 2.
Noé. Haie. Usurpa. 3.
Déchu. Mutée. Api. 4.
Er. Ampère. Xénon. 5.
Perler. Refus. Se. 6. Hésite. Resta. 7. Naît. Varie.
Orna. 8. Dîneras. Nitrate.
9. As. Moissine. Ver. 10.
Neveu. Eutexie. 11. Teinterai. Trêve. 12. Stage.
Aléa. In. 13. Soi. Gazole.
Ifs. 14. Mutuel. Dévotion.
15. Êtes. Aléser. Ane.
Mots fléchés
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LE JOURNAL DU DIMANCHE est édité par :
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en course
en jaune
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10, rue Thierry le Luron, 92300 Levallois-Perret.
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entre eux,
tout est dit
corps
étranger
Solution la semaine prochaine
Directeur Jérôme Bellay. Directeur adjoint
de la rédaction Patrice Trapier. Rédacteurs
en chef François Clemenceau, Dominique
de Montvalon, Cyril Petit (éditions), Guillaume
Rebière, Brigitte Suffert (directrice artistique),
Laurent Valdiguié.
Secrétaire général adjoint Robert Melcher.
Rédacteurs en chef adjoints
Danielle Attali, Richard Bellet, Stéphane Joby,
Pierre-Laurent Mazars, Didier Siberchicot.
Chef du service économie Bruna Basini.
Chef du service photo Aurélie Chateau.
botte
plutôt
cHic
morceau b
de rosbif
ici, lui fait
Honneur là
lècHe
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beau comme
un camion
de pompier
il est dangeou du puncH
reux, ils sont gros moustique
condamsusceptible
nables
de piquer
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extrait du
misantHrope
tragédie
de racine
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verticalement
1. Condamnation à perpétuité. — 2.
Hommes aux paires. — Séparation
de biens. — Changea de place sans
autorisation. — 3. N’est plus en état
de grâce. — Tout à fait déplacée. —
Garniture de chaussons. — 4. Errer à
gauche et à droite. — On l’évoque en
courant. — Est un peu inspiré. — 5.
Arriver aux pores. — Défense passive. — Réfléchi. — 6. Flotte avant de
plonger. — Évita les fuites. — 7. Se
sépare de sa mère. — Fait divers. —
Garnit. — 8. Feras un repas en rêve.
— Sel pour engraisser. — 9. On l’abat
avec plaisir. — Bien utile pour garder
les baies. — La proie pour l’ombre. —
10. Rameau adjacent. — A un point
de fusion fixe. — 11. Donnerai de
ton. — Arrêt en pleine campagne. —
12. Essai avant de marquer un but.
— Coup du sort. — Branché. — 13.
Lieu de repli. — Est versé dans une
caisse d’épargne. — Se taillent dans
le parc. — 14. Pari souvent stupide.
— Fait des confits. — 15. Pensez
donc ! — Tourner à l’intérieur de
la pièce. — Élève au plus bas.
évoque
le golf,
qu’il soit ou
non suffixé
d’un g
b
avec du jus
HoriZontalement
1. Désir de liberté. — 2. Conquête
maritime. — Commode. — Mauvais
service. — 3. Mâle de la poule. —
Cours d’opéra. — Tour de contrôle.
— 4. Résultat des courses. — À
suivre. — 5. Riches en roupies. —
Préparation d’expédition. — 6. Possessif. — Imposai la ceinture. — Mit
à niveau. — 7. Très cher. — Ferez
le plein. — 8. Bercer pour endormir. — Mouilla aux pores. — Pièce à
louer. — 9. Base sportive. — Lettres
d’introduction. — 10. A envoyé promener un vieux juif. — Serre les
mâchoires. — Produit de lices en
mouvement. — 11. Comme un petit
ange. — Mots d’auteur. — Matière à
livres. — 12. Pronom. — Belle envolée. — Intention de déplacement.
— 13. État peu civil. — Rangée en
politique. — Reposa. — 14. Tape sur
le système. — Lapin surévalué. — 15.
Dame du demi-monde. — Qui nous
passe par-dessus la tête. — Pas dans
la roture.
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avec spider
et de quoi
speeder
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mi-février
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une bombe
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l’une en tient
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dans la
brigade, ce
n’est pas lui
qui a le plus
de flair
Albert Varennes
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mots fléchés
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Jean Marny
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mots croisés
JDD | 10 janvier 2016
Spécial neige | tendances | 35
jdd | 10 janvier 2016
Ski de randonnée,
évasion nature
De nombreuses stations dédient des pistes à cette discipline en plein essor.
Découverte à la Plagne : six itinéraires seront inaugurés le week-end prochain
Mardi, 7 heures, un croissant
de lune éclaire le ciel sombre de
la Plagne. Il a neigé toute la nuit
en Savoie. On se met en route,
lampe frontale sur le bonnet. Des
explosions retentissent à travers
la montagne : les pisteurs artificiers déclenchent des avalanches
pour sécuriser le domaine skiable.
Thomas, le moniteur, propose un
exercice de conversion. Pas si évident lorsque le talon n’est pas fixé
au ski… On monte lentement mais
sûrement alors que le jour se lève.
Au-dessus du restaurant d’altitude
La Bergerie, on retire la peau de
phoque synthétique collée sous la
spatule. C’est parti pour une descente féerique, à 8 h 30, seul dans
la poudreuse fraîche.
Les adeptes du ski de randonnée
sont de plus en plus nombreux à
remonter les pistes avant ou après
leur fermeture. Une pratique pouvant se révéler problématique au
niveau de la sécurité, avec le risque
de croiser une dameuse ou un scooter des neiges. La Plagne a choisi de
mettre en place, à partir du weekend prochain, six circuits balisés.
En quelques minutes, les télésièges
disparaissent du décor, pour une
ascension à travers les mélèzes saupoudrés de blanc, le crissement de
la neige en bande-son.
« Un sport sans forfait, en liberté »
Cette discipline connaît un
essor spectaculaire depuis cinq
ans. D’abord pratiquée comme
un ski de printemps une fois les
stations fermées, elle s’est développée toute la saison, dès les
premiers flocons. Dans la foulée
du super-athlète Kilian Jornet, les
sportifs font du trail l’été, du ski de
randonnée l’hiver. Parallèlement,
le matériel est devenu ultraléger,
avec des fixations minimalistes. Des
courses verticales rassemblent les
passionnés, dont celle, chaque mercredi soir, de Courchevel.
Dans les traces
d’un champion
antoine dénériaz,
médaillé d’or olympique
en descente il y a dix ans,
joue les moniteurs à
Morillon. en piste !
Grande silhouette un peu
raide, il enchaîne ses premiers virages sur un rythme tranquille. Se retourne après chaque
courbe pour vérifier qu’on le suit.
Intimidé, on glisse dans ses traces
avec concentration. Au fil des pistes,
un lien de confiance s’instaure. « Les
épaules face à la pente, dissocie bien
le haut et le bas du corps pour une
meilleure angulation et optimiser
ta prise de carre », recommande
Antoine Dénériaz, l’œil affûté.
La sensation de se prendre pour
un champion restera fugace : grisé
par une longue descente, le moniteur particulier prend de la vitesse
et slalome avec souplesse. L’impression vient de se retrouver face à sa
télévision, en train de regarder
une compétition. Il y a dix ans, le
Haut-Savoyard remportait l’or de
la descente aux JO de Turin.
Son père est maire
du village
À chaque croisement de pistes, des
habitués de Morillon
(Haute-Savoie) le
saluent. C’est sur les
versants de cette station du domaine du
Grand Massif que le
médaillé olympique a
grandi. Le 12 février, le
village, dont son père
est toujours maire,
fêtera les 10 ans
de son
titre. Pendant les
vacances
scolaires, les élèves du cours compétition de l’ESF (École de ski fran-
« On parle de 150.000 pratiquants, un chiffre toutefois peu
significatif pour un sport sans
forfait, en liberté », note Nicolas
Raynaud, vice-président de la Fédération française des clubs alpins
et de montagne. Dans la vallée, le
Vieux Campeur d’Albertville vend
deux fois plus de skis de randonnée – certes moins accessibles à la
location – que de skis de piste.
De nombreuses autres stations lancent des pistes spécifiques, jusque dans les Pyrénées,
à Gourette. Sans oublier, parmi
les pionniers, Saint-Pierre-deChartreuse, en Isère, initiateur
d’un espace 100 % ski de rando.
Cet encadrement n’empêche pas
de s’échapper en pleine nature,
la vocation première. À la Plagne,
une fois aguerri, on grimpe jusqu’au
sommet de Bellecôte, des lièvres ou
des chevreuils croisant vos traces
au cœur du paradis blanc.
initiation à 38 €, oxygene-ski. com
et rens. : la-plagne.com
Ski de randonnée à la Plagne : la station va ouvrir six pistes balisées. E.SirPArANTA/OT LA PLAGNE
Le carnet d’adresses chics de Val-Thorens
Antoine Dénériaz.
SAm TiNSON/AGENCE zOOm
çais) ont droit à ses conseils
durant une demi-journée.
On peut aussi réserver une
journée VIP, à 1.000 €… Ou,
plus simplement, participer au challenge Dénériaz du 30 janvier sur la
piste portant désormais son nom.
« Ado, j’avais aidé à sa construction, en ramassant des branches
coupées », se souvient-il. La principale leçon de celui qui chuta si
souvent : « Persévérer, y croire. Rien
n’est impossible ! »
Morillon compte une autre
championne du monde, junior :
Argeline Tan-Bouquet, couronnée
en 2015. Sa spécialité, le télémark.
Elle animera une initiation gratuite
le 5 mars. À la clé, selon la jeune
virtuose : « L’impression de danser,
en harmonie avec la montagne ! »
D’autres champions olympiques
jouent le jeu, comme le snowboarder Paul-Henri de Le Rue, à
Saint-Lary, dans les Pyrénées, ou,
en ski-cross, Jonathan Midol, au
Grand-Bornand. Tous désireux de
faire partager leur passion. M.G.
morillon.fr
Le 12 février 2006, aux JO
de Turin en Italie, Antoine
Dénériaz devient champion
olympique de descente.
Il est le 5e français
à avoir conquis ce titre.
ACTiONPrESS/iCON SPOrT
Perchée à 2.300 m, la plus haute
station d’Europe a réussi un triplé : elle a été élue pour la troisième année consécutive « meilleure destination européenne
de ski », aux Best European
Destinations. Le doublé des
World Ski Awards n’a, lui, pas été
renouvelé. Val-Thorens a cédé la
place à Kitzbühel, dans le Tyrol
autrichien. Elle reste toutefois,
selon ce jury, la meilleure station de France. Ces distinctions
répondent aux exigences de la
clientèle à 70 % internationale.
Souvent associée aux petits
appartements loués par la jeunesse scandinave, belge ou néerlandaise attirée par le tout-ski,
Val-Thorens gagne en qualité de
vie. Il y avait déjà le chef étoilé
le plus haut d’Europe, Jean
Sulpice. Le carnet d’adresses
chics s’étoffe avec désormais
quatre hôtels 5 étoiles. Aux côtés
du Fitz Roy, du Koh-I Nor et de
l’Altapura, le Pashmina vient de
sortir de terre. L’établissement
a été créé par les Gorini, famille
du cru de cette cité alpine inaugurée en 1971 au cœur d’un territoire minéral.
Un igloo sur un toit
Histoire de rester au sommet, on retrouve les plus hautes
cimes de la planète jusque dans
la salle de bains : une paroi est
entièrement recouverte d’une
photo de l’Annapurna. « Elle a
été prise par un ami, l’alpiniste
Stéphane Benoist. Nous avons
AUdrEy mASSON/PAShmiNA
Mathilde Giard
souhaité associer nos proches à
ce refuge de luxe reflétant notre
passion pour la montagne », précise Cédric Gorini, le directeur
général. Un igloo a été installé sur
l’un des toits, une tente de mission scientifique polaire percée
d’une fenêtre (photo). Pour une
nuit au plus près des étoiles à
l’abri du glacier de Péclet. M.G.
hotelpashmina.com et valthorens.com
Val-d’Isère, un peu plus près des étoiles
daMien Burnier
@initialsDB
Avec ses possibilités de glisse infinies, Val-d’Isère pourrait s’endormir sur son statut de station de
référence. Au contraire, elle innove. Après les quarante minutes
d’ascension depuis le terminus
TGV de Bourg-Saint-Maurice,
toujours cette impression de bout
du monde, dans un cocon de bois
et de vieilles pierres, mais aussi
quelques nouveautés.
Une connectivité étendue avec le WiFi gratuit sur
les quatre secteurs du domaine skiable, pour lequel
on cherche d’ailleurs une
autre appellation – Espace
Killy est jugé un peu daté.
Une application pour
faciliter l’achat express
de forfaits. Sur les pistes,
une télécabine high-tech
(10 places assises, sièges
chauffants) qui permet-
tra d’accéder à un nouvel espace
pour débutants en haute altitude.
À Val, qui culmine à 3.456 m,
la blancheur du manteau est rarement un souci et les descentes se
prolongent jusqu’au printemps.
L’après-ski a aussi de l’allure, plus
qu’à l’époque des Bronzés font du
ski, tournés dans la station quand
l’architecture n’était pas un souci
majeur. On est ici dans le cossu,
comme en témoigne l’ouverture
d’un sixième hôtel 5 étoiles. Face
de Bellevarde en toile de fond, le
Yule offre son épure scandinave
aux esthètes.
La curiosité du moment
Côté gastronomie, deux chefs
étoilés se nichent dans le village :
Benoît Vidal à l’Atelier d’Edmond
et Alain Lamaison aux Barmes
de l’ours. Dans un autre genre, la
Fondue Factory est la curiosité du
moment : on sait pourquoi l’on y
vient mais on reste saisi par les
beaux volumes et l’anthologie du ski qui habille le couloir d’entrée. À l’intérieur, en
évidence, les Dynamic VR
17 qui ont tracé la gloire de
Jean-Claude Killy. Pas un
hasard, c’est la famille qui
dirige l’établissement. leyule.fr
Val-d’Isère, village de haute
montagne du massif de la
Vanoise en Haute-Tarentaise.
JACQUES PiErrE/hEmiS.fr
36 |
dimanchesport
jdd | 10 janvier 2016
footBall Zinédine Zidane a entamé sa carrière d’entraîneur du Real Madrid par un festival
face à La Corogne (5-0). La conclusion idéale d’une semaine folle
En état de grâce
I
Madrid (EspagnE)
Envoyé spécial
Mickaël caron
@CARONJDD
l est vite rentré au vestiaire,
avec le sentiment du devoir
accompli. Pas de démonstration de joie après ses débuts
réussis face à un adversaire
qui n’avait perdu jusqu’ici qu’une
fois à l’extérieur. « J’ai envie de
savourer mais ce n’est qu’un début,
nous devons continuer » a calmement réagi Zinédine Zidane, qui
a pourtant fait mieux que Rafael
Benítez ou José Mourinho pour son
baptème. Un large succès marqué
par un jeu de passes rythmé, un
doublé de Karim Benzema (15e, 90e)
et un triplé de Gareth Bale (29e, 49e,
63e). Une nouvelle ère a commencé.
photo dE faMillE
à BErnaBéu
Lundi après-midi, Zinédine
Zidane préparait le prochain déplacement du Castilla, la réserve
du Real en Segunda B (D3 espagnole) quand sa vie a basculé. Un
coup de fil a prévenu le Français
qu’il remplaçait séance tenante
Rafael Benítez, démis de ses fonctions pour manque de résultats et
fronde de quelques cadres.
À 20 h 08, le président madrilène
Florentino Pérez annonçait officiellement la nouvelle, qui s’était
largement ébruitée. Jusqu’à devenir
l’information la plus commentée au
monde sur Twitter. Le temps d’une
conférence de presse au stade Santiago-Bernabéu, Zidane le discret a
pris la pose aux côtés de son épouse
Véronique et de leurs quatre fils,
tous licenciés au Real. « La photo de
famille, c’était une volonté du président », raconte Alain Migliaccio,
l’agent de Zizou.
6.000 spEctatEurs pour
son prEMiEr EntraînEMEnt
Pérez n’a pas agi sur un coup de
tête. En expert de la communication, il a fait coïncider le premier
entraînement de Zidane avec le
seul jour de l’année où la séance
est ouverte au public. Ce mardi
matin, près de 6.000 personnes
l’ont acclamé à son entrée, dans son
survêtement gris. Peu fan de Benítez, Cristiano Ronaldo a affiché un
sourire radieux aux photographes
pendant le toro. Une joie si bien
partagée qu’elle semblait mise en
scène. La chronique madrilène
assure qu’ils sont nombreux dans
le vestiaire à être soulagés par le
départ de Benítez, perfidement
surnommé El diez (le 10), pour moquer son passé de joueur médiocre.
Mardi, c’est un vrai numéro 10
qui s’est adressé à eux. « Des mots
importants mais simples », a expliqué l’ancien meneur en début
d’après-midi, lors d’une conférence de presse qui a démarré
avec une heure en retard. Solennel
dans son costume noir cintré mais
détendu et tutoyant volontiers, le
onzième entraîneur de l’ère Pérez
s’est dit « fort, heureux et préparé. »
un tExto à lacoMBE :
« c’Est dE la foliE »
C’est aussi l’avis de Guy Lacombe, qui a été le tuteur de Zizou
jusqu’à l’obtention de son diplôme
Zinédine Zidane à la baguette d’un Real Madrid bien inspiré pour sa première d’entraîneur professionnel. SUSANA VERA/REUTERS
d’entraîneur professionnel, en
mai 2015. Mercredi après-midi,
dans son bureau de la DTN, l’entraîneur moustachu a reçu un SMS
de son ancien élève, qu’il a souvent visité à Madrid : « Merci. C’est
de la folie. » « Je lui avais envoyé
quelques mots de soutien lundi. Il
a répondu au bout de deux jours »,
sourit Lacombe, qui a pu échanger avec David Bettoni, l’adjoint et
« alter ego » de ZZ, connu lui aussi
au centre de formation de Cannes,
au début des années 1990 : « David
m’a dit que Zinédine avait beaucoup
progressé depuis six mois. »
Au centre d’entraînement de
Valdebebas, l’autre adjoint français, Msaidie Hamidou, et le préparateur physique José Parrales,
ont concocté une séance musclée
ce mercredi. Profitant d’un seul
match par semaine jusqu’à la fin
du mois de janvier, Zidane entend
redonner du souffle à ses joueurs.
2 M€ Et lEs plEins pouvoirs
Jeudi matin, il ne restait que
3.000 places à vendre pour la
venue de La Corogne, une affiche moyenne. L’affluence sera
donc supérieure à 70.000 spectateurs, une bonne nouvelle tant la
moyenne avait chuté ces dernières
semaines. L’effet Zidane, déjà.
Trois jours après sa promotion,
il a signé son contrat de deux ans
et demi. « Il m’a dit que tout était
parfait et conforme à ses souhaits,
confie Alain Migliaccio. Son
contrat est un peu supérieur aux
2 millions d’euros annoncés ici ou
là. Il n’est pas au niveau des entraîneurs les mieux payés [Benítez touchait 5 M€ net par an, Ancelotti
entre 7 et 8] mais c’est secondaire.
Il veut d’abord faire ses preuves.
L’essentiel pour lui, c’est d’avoir
obtenu les pleins pouvoirs. »
La presse madrilène évoque
les premiers renforts possibles :
Hazard, Kane. « C’est loin de ses
préoccupations, assure Migliaccio.
Avec son effectif, il n’a besoin de
rien ! » Sa première décision est
symbolique : il a insisté pour que
le meilleur buteur du Castilla,
Mariano Diaz (19 ans), obtienne
un contrat de cinq ans. À sa demande, il rejoindra le groupe pro
en juillet.
partant, il a donné un exemple
de son nouveau poids politique :
« Cristiano ne partira pas tant que
je serai ici, il est l’âme du Real. »
Tard dans la soirée, il a quitté
Valdebebas pour retrouver sa
famille à leur domicile de Conde
de Orgaz, un quartier résidentiel
haut de gamme au nord de la ville,
à dix minutes du centre d’entraînement et du stade. Proche, surtout,
du lycée français, où sont scolarisés ses enfants. Avec ses nouvelles
fonctions, ce n’est pas demain qu’il
invitera à nouveau les copains de
Théo et Elyaz, qui reprennent les
cours demain, ou leurs parents, à
grignoter des sandwiches au poulet à la maison, une habitude selon
le quotidien ABC.
rEtour tardif à la Maison
son Maillot rEMis En vEntE
Passée la frénésie des premiers
jours, Zidane réalise. « C’est une
autre dimension », a-t-il soufflé en
préambule à sa troisième conférence de presse de la semaine, vendredi. En survêtement, cette fois.
Le temps de l’image est passé, place
au jeu. Premiers changements :
l’entraînement a été déplacé sur
le terrain n° 3 de la Ciudad Deportiva et les jeunes laissés en réserve.
Les exercices du jour ont laissé
penser qu’Isco serait préféré à
James Rodriguez et que Raphaël
Varane débuterait sur le banc, au
bénéfice de Pepe. Zidane n’a rien
dit, confirmant seulement le trio
offensif BBC. À la faveur d’une
question sur Ronaldo, annoncé
Hier, une centaine de curieux
patientaient devant le Bernabéu
pour apercevoir les joueurs, qui
avaient rendez-vous dès 11 h 30
avant d’aller déjeuner au centre
d’entraînement. Beaucoup étaient
venus de France et se sont précipités vers la boutique officielle
où le maillot n° 5 porté par Zizou
entre 2001 et 2006 a été opportunément remis en vente, à 120 €
pièce. Il a été le plus vendu de la
journée. Un aficionado s’est vanté
d’en avoir acheté dix, pour toute
sa famille. Le génie marketing de
Florentino Pérez est sans limite.
Sa première journée de match a
été longue mais Zidane n’a rien fait
pour abréger l’attente. Il est resté
dans le vestiaire pendant l’échauffement dirigé par son staff. À sept
minutes du coup d’envoi, les écrans
géants ont diffusé un florilège de ses
actions, un court film s’achevant
sur des images de l’icône assise
dans le vestiaire, seule, nouant sa
cravate noire sur le dernier couplet
de l’hymne merengue, Hala Madrid. Le nouveau coach a patienté
jusqu’au bout dans le tunnel avec
ses joueurs, glissant à l’oreille de
Karim Benzema quelques mots qui
l’ont fait sourire.
Mitraillé par les photographes,
il est resté debout jusqu’au coup
d’envoi, juste devant son banc,
son nouveau territoire. Au fil
des minutes, il s’est avancé vers
la limite de sa zone technique,
jusqu’à poser une chaussure audelà, sur ce terrain où son génie
s’est tant de fois exprimé. Mains
dans les poches, puis croisées dans
le dos, puis battant l’air pour faire
signe à sa défense de se placer plus
haut. Il ne s’est assis qu’après neuf
minutes, pour se relever aussitôt.
Sous les yeux de quelques amis
proches venus de France, il a fini par
s’animer davantage, levant le bras
gauche pour saluer l’ouverture du
score de Benzema, une talonnade
pour le 100e but du Français en Liga.
Le match s’est étiré, facile. Jusqu’à
cette première victoire. « Je suis reconnaissant pour l’accueil chaleureux
du public, mais à l’avenir, a souri ZZ,
j’espère que les spectateurs se focaliseront à nouveau sur les joueurs.
C’est eux, les stars ! » g
football | sport | 37
jdd | 10 janvier 2016
Cyrulnik à
Clairefontaine
MeNTAL À l’initiative de la dTN,
le célèbre neuropsychiatre
interviendra demain devant
des formateurs
SoLeN CHerrier
@SolenJdd
Non, l’équipe
de France ne
compte pas sur
Boris Cyrulnik
pour renaître
de ses traumatismes, de Knysna à l’affaire de la sextape. Mais le
grand spécialiste de la résilience,
cette capacité à surmonter les
épreuves, va s’exprimer demain
matin à Clairefontaine devant
une cinquantaine de personnes,
principalement des responsables
régionaux de la formation des
entraîneurs, réunis dans le cadre
d’un séminaire de travail. Sollicité par la Direction technique
nationale (DTN), Boris Cyrulnik
a été d’autant plus réceptif qu’il
avait dirigé un colloque « Sport
et résilience » en 2012. « Le sport
joue un grand rôle dans le bienêtre et la socialisation des enfants,
confie-t-il. Ça ne m’ennuie jamais
d’en parler. »
Pendant une heure, il évoquera aussi la notion d’attachement,
qui traite des relations entre êtres
humains, du lien entre l’enfant et
l’adulte. « Entraîneurs et éducateurs sont confrontés en permanence à cette dimension. Entre eux
et les joueurs, entre joueurs mais
aussi avec les membres de leur
staff. Il y a tellement de parallèles
entre ce type de travaux et notre
réalité que c’est bien de faire le
transfert », estime Franck Thivilier, conseiller technique national.
Un symposium à la FFF en avril
Depuis quelques années, la
DTN a revu le cadre de la formation de ses entraîneurs. Sa
réflexion l’a menée à accorder
plus de place à un aspect négligé
en France : le mental, la connaissance de soi. « C’est un sujet sensible car on tombe très vite dans
la caricature, glisse François
Blaquart, le directeur technique
national. On cherche des outils
pour mieux appréhender cette
problématique. »
Pas question de former des
préparateurs mentaux. L’idée
est d’aider les techniciens à
mieux connaître leur environnement afin que le joueur soit
plus efficace. « On ne va pas
dire à Zidane comment faire du
foot mais on peut lui donner des
pistes de développement de son
propre projet », résume François
Blaquart. Le nouvel entraîneur
du Real, qui a fait ses classes à
Clairefontaine, est d’ailleurs très
intéressé par cette dimension du
métier, que toutes les formations
traitent désormais.
Cette année, une certification
supplémentaire sur le mental a
été lancée. La cellule d’optimisation de la performance travaille
en relations avec l’Insep et l’Institut de recherche biomédicale des
armées (Irba). Elle entretient des
contacts avec des scientifiques
renommés comme Jacques
Fradin, chercheur en neurosciences cognitives, ou donc Boris
Cyrulnik. Fin avril, un symposium sur le sujet est prévu à la
Fédération. g
« Au fond, je suis un grand timide »
FrÉdÉriC ANToNeTTi Le nouveau coach à succès du Losc raconte ses deux ans et demi loin du banc.
Et revient sur sa réputation volcanique, qu’il sait indélébile
Lille
Stade Pierre-Mauroy (17 h, beIN)
Nice
LiLLe (Nord)
Envoyé spécial
dAMieN BUrNier
@initialsDB
Près des vestiaires de Luchin, pendant que Frédéric Antonetti, 54 ans,
prend la pose, Sofiane Boufal et
Mounir Obbadi s’inquiètent de
passer dans le champ. « C’est vous
qui devriez être à ma place ! » leur
lance le coach du Losc, comme pour
les dédouaner. Les flashs, il en avait
perdu l’habitude depuis mai 2013,
date de sa sortie à Rennes, douloureuse. La vacance s’est avérée
plus longue que prévu, après vingt
saisons non-stop et plus de 500
matches de L1. Mais depuis
son arrivée fin novembre
et une défaite inaugurale à
Angers, les Dogues bavent
de plaisir (5 victoires, 1 nul).
ce qu’était le métier d’entraîneur.
On entend toujours : « Le foot, ça
se joue sur des détails. » OK, mais
alors parlons-en, des détails ! On
se borne à analyser les matches
via le résultat. Alors qu’on peut
gagner 1-0 en étant
mauvais.
ver. Et enfin quatre ans encore à
Rennes, un record sous l’ère Pinault. Si je suis si ingérable, pourquoi me garde-t-on si longtemps ?
on ne vous a jamais licencié, mais
vous n’avez jamais gagné de titre…
Oui, on peut me
reprocher d’avoir
donné beaucoup
dans la façon dont « On peut me
on parle souvent
reprocher d’avoir d’espoirs et de les
déçus. Je me
de vous, la forme
donné beaucoup avoir
le reproche aussi. Je
n’a-t-elle pas aussi
pris le pas ? Car ce
d’espoirs et de les meurs près du but
je constate que
sont vos colères
avoir déçus. Je me mais
mes prédécesseurs
qu’on retient.
C’est la réa- le reproche aussi » et successeurs sont,
lité, on s’intéresse
eux, deux crans
derrière. Bon, j’ai
d ’a b o r d à u n e
image. Mais c’est de ma faute : si je
quand même gagné l’Intertoto avec
n’avais pas eu ces coups de gueule,
Bastia (en 1997)… Oui, je sais, ça
on irait peut-être plus loin. Reste
fait rire ! Mais c’est une qualificaque ces colères ont bien eu lieu.
tion européenne. J’ai disputé trois
Aviez-vous fini par trouver
le temps long ?
Entraîneur, on s’occupe
beaucoup des autres mais
pas de soi. J’avais trop tiré
sur la corde. Pendant les
six premiers mois, psychologiquement, je n’étais
pas bien. Je suis monté à
110 kilos. J’ai fait des analyses qui laissent penser
que j’ai peut-être évité
de peu la catastrophe. Un
vrai déclic. J’ai alors commencé à prendre soin de
moi, à faire du sport plutôt que traîner mon spleen.
J’ai fini par m’organiser
une vie agréable, entre la
Corse et Vichy, la région L’entraîneur lillois, jeudi, au centre d’entraînement de Luchin. Franck crUSIaUX POUr LE JDD
de ma femme. Les bonnes
sensations sont revenues. Dans le
En me regardant, je me suis parfinales de Coupe, je me suis donc
au moins donné une chance de la
même temps, mon expérience à
fois détesté. Dans la forme, c’était
Canal + (durant la saison 2013-14)
catastrophique. Alors qu’au fond,
gagner. À Rennes, on était dans les
a été importante et enrichissante.
je suis un grand timide. C’est même
cinq premiers les trois quarts du
C’était presque étonnant de vous
maladif ! Mais ça
temps, sans jamais
disparaît sur le
être récompensés.
retrouver là. Vous veniez de vous
Ma femme a été
terrain.
Je l’ai analysé penaccrocher avec Christophe dugarry,
Cette image a-t-elle claire : « Si tu
dant ma période de
consultant vedette de la chaîne…
Il avait dit des choses (sur le
Je me suis
pu freiner
refuses Lille, il faut recul.
Stade Rennais) que je n’estimais
aperçu que, même
des présidents ?
pas très justes, même s’il ne faut
On m’a souvent que tu arrêtes ! »
en étant obsédé par
pas y accorder trop d’importance.
dit : « Les gens ont
le travail, on pouJe ne l’ai jamais recroisé, même
peur de travailler
vait ne pas être
si j’ai fait cinq ou six fois le CFC
avec toi. » Ah bon ? Je suis resté
performant. On vient à manquer
(Canal football club). J’ai surtout
six ans à Bastia. Personne n’a duré
de lucidité.
participé à la création de J + 1,
autant depuis, même si j’admets
Avez-vous craint d’être oublié ?
émission plus familiale. J’ai pris
qu’on dise « oui mais là-bas, c’est
Oui et non. En 2014, quand Basconscience du prisme à travers
chez lui »… Ensuite, trois ans à
tia a choisi (Claude) Makelele, ç’a
lequel les médias regardent le
Saint-Étienne. Puis quatre à Nice.
été une déception très forte. Quatre
foot. Je n’étais pas un consultant
Et là-bas, il faut le faire, même si
mois après, les dirigeants m’ont
acide. Je voulais surtout montrer
Claude Puel est en train d’y arriproposé de prendre sa suite. Et là,
Platini joue les prolongations
FiFA Le parcours judiciaire continue pour Michel
Platini : désormais informé par la Fifa des motivations de sa suspension de huit ans de toute
activité liée au football, il va faire appel. « Nous
avons reçu dans la nuit de vendredi à samedi
les motivations de la sanction. On va les lire,
les analyser et déposer un appel lundi devant la
commission des recours », a expliqué son avocat,
Me Thibaud d’Alès, sans vouloir dévoiler le
contenu des documents.
La chambre de jugement de la Fifa avait
retenu les charges d’« abus de confiance », de
« conflit d’intérêts » et de « gestion déloyale »
en annonçant la suspension de Platini et de
Joseph Blatter pour un paiement controversé
de 1,8 million d’euros en 2011 par la Fifa au
Français. Selon les deux anciens alliés, c’était
le solde d’un travail de conseiller réalisé par
Platini entre 1999 et 2002 sur la base d’un
contrat oral, jugé récemment « totalement
irresponsable » par le prince jordanien Ali,
candidat à la présidence de la Fifa.
Blatter fera appel lui aussi, son rêve étant
de présider le congrès qui verra l’élection
de son successeur, le 26 février. Depuis que
Platini a annoncé, jeudi, jeter l’éponge pour
ils m’ont avoué qu’à l’intersaison, à
l’aune des critères dressés, j’étais
le premier sur la liste, sans qu’ils
m’appellent pour autant. Je n’ai
toujours pas compris. J’ai eu des
sollicitations à l’étranger. Sion et
les Young Boys en Suisse, le Standard de Liège, pas mal de championnats mineurs. Des sélections :
Mali, Congo, Burkina Faso, la Côte
d’Ivoire deux fois. Pour les clubs,
souvent c’était dans l’urgence. Un
peu comme ici. Mais ma femme a
été claire : « Si tu refuses Lille, il
faut que tu arrêtes ! »
Avec Hervé renard, votre destin
est un peu lié : vous avez refusé
Sochaux et la Côte d’ivoire
avant qu’il n’y signe,
vous lui succédez à Lille…
C’est juste. Quand j’ai été
nommé, il a eu l’élégance de
m’envoyer un SMS pour me
féliciter. Je l’ai appelé dans
la foulée. C’est toujours délicat, on ne sait pas trop quoi
dire dans ces moments-là. Je
suis arrivé en respectant ce
qui avait été fait. J’ai horreur
quand on dit : « Avant c’était
le Club Med, maintenant on
va se mettre au travail. »
Votre nom est souvent
revenu à l’oM. Y a-t-il
eu un contact après
le départ de Bielsa ?
Non. Le contact direct
a eu lieu en 2012, quand
Deschamps est parti. Précisément le 29 juin. Or,
je devais reprendre avec
Rennes le 1 er juillet… À
d’autres reprises, il y a eu
des approches. Mais peutêtre que Marseille ne croyait
pas assez en moi, tout simplement.
il paraît que, pour couper du
foot, vous aimez les livres…
J’en lis au moins un par semaine. Beaucoup de romans historiques, de biographies. De Richelieu, Machiavel par exemple. En
ce moment, je suis sur Opération
Napoléon, roman d’espionnage
d’un auteur islandais (Arnaldur
Indridason). J’ai aussi acheté le
livre de Juppé sur l’école. J’aime
me plonger dans l’interview d’un
coach, mais les petites histoires du
foot, en revanche, ne m’intéressent
pas. Je m’arrête aux titres. Je n’ai
rien lu sur Platini, Ruffier, Benzema-Valbuena… Une sextape, je
ne savais même pas ce que c’était.
Vous estimez-vous désormais à
l’abri de violents coups de colère ?
Non. Il y a des choses qui
peuvent m’exaspérer. (Il rit.) Je me
soigne mais je ne suis pas guéri ! g
se consacrer à sa défense, cinq candidats
restent en lice : l’ancien membre de la Fifa
Jérôme Champagne, le secrétaire général de
l’UEFA Gianni Infantino, l’homme d’affaires
sud-africain Tokyo Sexwale, le prince Ali et
le président de la Confédération asiatique, le
cheikh Salman.
Si son appel est rejeté, ce qui est très probable, Platini se tournera alors vers le Tribunal
arbitral du sport (TAS). L’ancien meneur de
jeu des Bleus entend faire annuler sa suspension pour retrouver son poste de président de
l’UEFA avant l’Euro. g
38 | sport | football
JDD | 10 janvier 2016
20e journée L’OL a inauguré son nouvel écrin par une large victoire. Voyage en coulisses
Classement
Lyon en classe affaires
Lyon
4
Lacazette (18e), Ghezzal (72e), Ferri (81e)
Beauvue (93e)
Troyes
1
Camus (67 )
e
Lyon (RHÔnE)
Envoyé spécial
SoLEn CHERRiER
@SolenJDD
Jean-Michel Aulas a eu l’intuition
qu’Alexandre Lacazette serait le premier buteur du « Parc OL », il ne s’est
pas trompé. Le président lyonnais
imagine aussi que ce projet qui a
coûté 415 millions et douze ans de
batailles placera Lyon dans le top 10
européen, mais cela reste à prouver.
En attendant, le Parc OL est bien
né avec cette large victoire contre
Troyes qui met fin à deux mois de
disette en L1. C’est un beau bijou, qui
n’est pas totalement fini et où le club
n’est pas encore bien installé, mais
qui, avec une telle acoustique, est
déjà la promesse de belles soirées.
Il y avait 55.169 spectateurs hier.
Avec 4.000 de plus et une affiche
telle que l’OM dans deux semaines,
l’ambiance sera au rendez-vous.
La billetterie, qui ne représentait
que 11,1 millions d’euros de recettes
la saison dernière, doit à terme dépasser les 70 millions. L’OL compte
sur cet écrin pour que les revenus
issus des entreprises 365 jours par
an prennent le pas sur ceux issus
du spectateur classique le jour du
match. Le business model repose en
partie sur ce nouveau rapport. « 10 %
des places vont rapporter 60 % des
recettes, alors qu’à Gerland la partie
business ne représentait que 25 % »,
précise Harry Moyal, directeur
commercial et marketing du groupe.
J
G
n
p bp bc diff.
1 Paris SG
54 20 17
3
0
50
2 Angers
34 20
9
7
4
19 11
8
3 Monaco
33 20
8
9
3
27 25
2
4 Caen
30 20
9
3
8
21 24
-3
5 nice
29 19
8
5
6
32 23
9
6 Lyon
29 20
8
5
7
27 24
3
7 Saint-Etienne
29 19
9
2
8
22 22
0
8 Rennes
28 20
6
10
4
27 23
4
9 Lorient
27 20
6
9
5
29 28
1
10 Bordeaux
26 20
6
8
6
24 28
-4
11 Marseille
Pts
9
41
25 19
6
7
6
28 21
7
12 Gazélec-Ajaccio 25 20
6
7
7
22 24
-2
13 Lille
24 19
5
9
5
15 13
2
14 nantes
24 19
6
6
7
14 17
-3
15 Montpellier
22 20
6
4
10 22 26
-4
16 Bastia
22 20
6
4
10 20 26
-6
17 Reims
21 20
5
6
9
20 27
-7
18 Toulouse
20 20
4
8
8
24 34 -10
19 Guingamp
19 19
5
4
10 17 27 -10
20 Troyes
8
0
8
12 11 39 -28
20
Meilleurs buteurs
15 buts : Ibrahimovic (Paris SG) ; 11 buts : Moukandjo (Lorient), Batshuayi (Marseille) ; 10 buts :
Cavani (Paris SG) ; 7 buts : Ben Arfa, Germain
(Nice), Lacazette (Lyon)+1 ; 6 buts : Larbi (Ajaccio),
Delort (Caen), Lacazette (Lyon), Ninga (Montpellier), Di Maria (Paris SG), Braithwaite (Toulouse)...
Alexandre Lacazette a montré la voie en inscrivant le premier but lyonnais, hier, face à Troyes. FrÉdÉric chambert/Panoramic
Le nombre de places VIP a
presque quadruplé (6.000). Soit
8.000 m2 sur deux étages exclusifs, 105 loges, six salons et quatre
« event box ». Le prix des loges
oscille entre 100.000 et 200.000 €
à l’année. Toutes ne sont pas achevées. Dans la loge de 12 places de
la société Manitowoc, qui a fourni
les grues pour les travaux du stade,
« il manque quelques finitions »,
s’amuse le patron de la société,
Jean-Noël Daguin. Hier, il avait
réuni des employés afin de profiter
du champagne et des petits fours.
Pour la venue de l’OM, ce sera plutôt des clients. Selon le club, plus de
70 % des loges ont déjà trouvé preneurs. L’OL propose aussi une offre
à la carte : entre 5.000 et 15.000 €
la location à la soirée.
Caillettes de porc
À ces tarifs, les VIP ont une place
de parking d’où ils accèdent directement en tribune, un service de
conciergerie pour répondre à toutes
leurs demandes, des cadeaux, etc.
Trois cent soixante-dix écrans
connectés doivent leur permettre
d’apprécier au mieux la rencontre.
D’ici quelque temps, ils devraient
aussi bénéficier d’un WiFi haut
débit. Plus largement, l’OL vante
l’expérience 2.0 avec ses 500 bornes
WiFi permettant 20.000 connexions
simultanées, un paiement dématérialisé et une interactivité via
une application dédiée. Hier, elles
n’étaient pas toutes actives, et, bien
qu’efficace pour un stade français,
le réseau était instable.
Dans l’espace Lumière, le plus
grand des six salons pour lesquels
les abonnements varient de 1.900
à 10.000 €, les VIP ne s’en sont
pas émus. À la pause (1-0), ils se
sont attardés devant les caillettes
de porc aux épinards et autres
mignardises régionales, persuadés que leur équipe allait se faire
remonter. C’est ce qui s’est passé.
Mais comme c’était un soir particulier, les joueurs ont tiré un feu
d’artifice en fin de rencontre. Avant
que will.i.am, le leader des Black
Eyed Peas, ne clôture la fête. g
Vendredi
Paris SG-Bastia
2-0
Aujourd’hui
Nantes-Saint-Étienne
Stade de la Beaujoire (14 h, beIN)
Marseille-Guingamp
Stade Vélodrome (21 h, Canal+)
21e journée
Vendredi 15 janvier
Nice-Angers (20 h 30, beIN)
Samedi 16
Toulouse-Paris SG (17 h, Canal+).
Troyes-Rennes; Guingamp-Nantes;
Bordeaux-Lille; Bastia-Montpellier;
Ajaccio-Reims(20 h, beIN)
Dimanche 17
Lorient-Monaco (14 h, beIN)
Caen-Marseille (17 h, beIN et Canal+)
Saint-Étienne-Lyon (21 h, Canal+)
Gourcuff, le retour
Rennes
2
Lorient
2
Dembele (35e), Boga (41e)
Diagne (4e csc), Waris (22e)
Un sale coup, une grimace, un
homme qui boîte. La méchante
twittosphère s’est pliée en quatre.
Même lui en a rigolé, après le
match. On jouait la 90e minute au
Roazhon Park, la 15e pour Yoann
Gourcuff entré en jeu sous les
acclamations près de 300 jours
après sa dernière apparition en
L1. Le geste discret mais simple
comme il aime, le grand blessé du
foot français faisait l’événement
à sa manière.
Au milieu puis côté gauche,
il a semblé goûter peu à peu ses
sensations, jusqu’à se retrouver
en position de frappe dans la
surface lorientaise. On imaginait l’épilogue hollywoodien :
le but de l’enfant du pays dans
les arrêts de jeu pour plier un
match si mal embarqué par les
Petite frayeur en fin de match. meYer/aFP
Rennais. Patatras, ou plutôt patapouf : ce gros lourdaud de Cheick
M’Bengué (oui son coéquipier)
vient prendre le pied de la fragile
idole, qui tombe au front pour
sa première. Le Roazhon Park
et Karine Ferri sont pris d’une
grosse frayeur à la vue de leur
chéri traînant la patte. Le remake
armoricain d’Un jour sans fin ?
Ouf, non. Gourcuff s’est relevé.
Welcome back en L1, Yo !
Monaco
2
Montpellier
0
Ajaccio
2
Bordeaux
1
Reims
1
Angers
2
Toulouse
3
Caen
0
Fabinho (51e sp), Carvalho (73e)
Boutaïb (8e), Tshibumbu (31e)
Devaux (12e)
Ben Yedder (51e, 66e, 90e)
)
Diabaté (16e)
Capelle (40e), Ketkeophompho (74e)
sport | 39 *
jdd | 10 janvier 2016
VoLLEY Intenables en
Télex
demi-finale du tournoi
qualificatif (3-0 face à
la Pologne), les Français
ne sont plus qu’à
un succès des JO
DAMiEN BURNiER
Rugby
Le Stade Français
se rebiffe
@initialsDB
Si le calendrier de leur discipline
s’avère souvent illisible voire inique,
les Bleus ont attaqué leur week-end
berlinois avec deux matches à disputer et une problématique simple.
Deux victoires et Rio, les voilà. Une
seule et l’escale rattrapage, en mai
au Japon, sera obligatoire. Au lendemain des demi-finales, non seulement le pire (la 4e place) a été évité,
mais le meilleur reste à portée de
main. Le billet olympique direct se
jouera cet après-midi face à la Russie
(16 h 30, L’Équipe 21). Qu’il tombe
dans les mains de la « Team Yavbou »
serait une formidable récompense
et une forme de justice.
Malgré son nouveau rang sur
la scène internationale (championne d’Europe et lauréate de la
Ligue mondiale), elle a encore dû
empiler quatre victoires en quatre
jours pour préserver ses desseins
brésiliens. Et que dire de sa dernière
performance ? Une leçon administrée à la Pologne, rien moins que
championne du monde en titre
(29-27, 32-30, 25-20). Ces Bleus
sont sans faille et même sans pitié,
comme en témoignait la salve du
sélectionneur Laurent Tillie dans la
dernière manche, alors que l’écart
Ils gardent la flamme
Rouzier, Ngapeth, Grebennikov, Tillie et Le Roux (de g. à dr.) peuvent se congratuler. Rio se rapproche à grands pas. JoHn macdoUGall/afP
était creusé : « On les laisse dans leur
merde ! »
Pour en arriver là, outre du talent, il fallait avoir des nerfs. Pendant
deux manches, la tension s’est ressentie tant à la marque (balle de 1er
set sauvée sur un challenge vidéo,
le 2e conclu après sept tentatives)
qu’à travers les regards en coin et
les invectives près du filet. Il faut
dire qu’entre ces deux équipes, on
se connaît bien. Les trois derniers
duels s’étaient réglés au tie-break.
Surtout, ce sont ces mêmes Polo-
nais, désormais guidés par un duo de
coaches français (Antiga-Blain), qui
avaient brisé les rêves olympiques
bleus il y a quatre ans. Six membres
de l’équipe actuelle (Le Roux, Ngapeth, Toniutti, Pujol, Grebennikov,
Rouzier) en étaient.
« Chapeau à mes joueurs ! »
« On a pris les deux premiers sets
à l’arrache, mais c’était l’essentiel.
Battre les champions du monde 3-0,
je dois dire chapeau à mes joueurs »,
savoure Tillie. Qui sait aussi que
les caïpirinhas ne sont pas encore
servies. Surtout que les Russes,
champions olympiques sortants,
gardent un drôle de goût du face
à face de mercredi en poule (3-1).
« Ce sera certainement un scénario
différent. Les Russes auront appris à
nous connaître et on n’aura peut-être
pas autant de réussite. » Quant à la
fatigue, un des soucis majeurs avant
cette semaine au long cours, « il ne
faut pas y penser, prévient Rouzier.
Mais surtout penser à Rio qui nous
tend les bras. » g
Pourquoi les Experts
ont de l’avenir
HANDBALL Derrière son équipe
en or, qui entame l’Euro cette
semaine, la France truste aussi
les titres chez les jeunes
MickAëL cARoN
@CARONJDD
Jusqu’à la fin du mois au moins,
l’équipe de France détient la triple
couronne olympique (2012), mondiale (2015) et européenne (2014).
Cette dernière va être remise en jeu
à l’Euro en Pologne, qui commence,
pour les Experts, vendredi face à
la Macédoine. Mais la razzia tricolore ne s’arrête pas là. En 2015, trois
équipes de jeunes ont également
gagné un titre majeur : les juniors
et les moins de 19 ans sont devenus
champions du monde, les cadets ont
remporté l’or aux Jeux olympiques
de la jeunesse. Le résultat d’un travail de fond entamé il y a quinze ans.
b UNE DÉTEcTioN PoiNTUE
En 2000, un an avant de remporter son deuxième titre mondial, le
handball masculin s’organise. Sous
la responsabilité de Sylvain Nouet,
adjoint historique de Claude Onesta
parti depuis en Tunisie, 24 pôles
espoirs masculins et féminins sont
ouverts. Pour un investissement
annuel de 5 millions d’euros, plutôt
important pour un budget fédéral
de 25 millions d’euros. « C’est une
usine qui permet d’identifier les futurs
champions dès l’âge de 14 ans », synthétise le DTN, Philippe Bana, qui
évoque un « travail obsessionnel pour
trouver les Richardson et les Karabatic de demain ».
De deux (seniors et juniors), le
nombre de sélections nationales est
passé à quatre avec les cadets (moins
de 17 ans) et les jeunes (moins de 19).
Chacune se réunit au moins soixante
jours par an pour se confronter à
l’élite européenne. Dans un souci de
transmission, d’anciens Barjots et Experts sont intégrés aux encadrements
des garçons (Éric Quintin, Yohann
Delattre, Daouda Karaboué) comme
des filles (Laurent Puigségur).
La FFHB dépense aussi
500.000 € chaque année dans l’organisation de tournois de détection.
« Le maillage est très serré», précise
Bana, qui se félicite de l’ouverture
en janvier 2015 d’un pôle espoir en
Nouvelle-Calédonie. « Nous avons
un lien formidable avec l’outre-mer.
Ça a commencé à la Réunion, qui nous
a donné des champions comme Jackson Richardson et Daniel Narcisse.
Nous cherchons toujours des profils
physiques différents. »
b UNE FoRMATioN SoUS HAUTE
SURVEiLLANcE
Lancé en 2010, le programme des
espoirs fédéraux commence à porter
ses fruits. Avant Noël dernier, ces
Experts de demain ont été réunis à
l’Insep, comme chaque trimestre.
Selon les années, leur nombre varie
entre six et dix. Adjoint d’Onesta
depuis 2013, Didier Dinart assure
le suivi en collaboration avec les
clubs concernés. « J’ai parlé avec
Serdarusic du temps de jeu de Benoît
Kounkoud au PSG puis je suis allé à
Montpellier pour évoquer Ludovic
Fabregas, qui m’avait ébloui », raconte le Guadeloupéen, qui a poussé
auprès d’Onesta pour inclure l’ailier
droit et le pivot dans la présélection
pour l’Euro.
D’autres frappent à la porte
comme Melvyn Richardson
(18 ans), fils de l’icône Jackson, qui
En dominant le Munster
(27-7), le Stade Français a
ravivé ses espoirs de
qualification pour les quarts
de finale de la Coupe
d’Europe. « Il fallait bien qu’on
montre un peu de caractère, vu
qu’on n’était pas très bon
depuis le début de saison »,
souligne Julien Dupuy, le demi
de mêlée. Même satisfaction
du côté du Racing 92,
autoritaire face à Glasgow
(34-10), ce qui lui vaut d’avoir
déjà un pied au tour suivant.
Tennis
La leçon de Djoko
Le premier choc de la saison,
entre Novak Djokovic et Rafael
Nadal, a tourné court à Doha.
Le Serbe a été sans pitié pour
conquérir le titre (6-1, 6-2),
prenant accessoirement
l’avantage au bilan des duels
(24-23). A Chennai,
Benoit Paire a cédé en
demi-finale face à son ami
Stan Wawrinka, tenant
du titre (6-3, 6-4).
Ski
Vonn année !
2016 commence fort pour
Lindsey Vonn, victorieuse de la
descente sprint de Zauchensee.
L’Américaine égale du même
coup le record de 36 succès
dans la discipline de
l’Autrichienne Moser-Pröll.
Elle revient aussi à 58 points
de Lara Gut au général de la
Coupe du monde.
Rallye
Loeb reprend
les commandes
La France new look a perdu contre le Qatar (25-28) hier à Paris, mais le gaucher Nedim
Remili a encore brillé (4 buts) pour sa 2e sélection. Gwendoline le Goff/Panoramic
aura droit à une séance individuelle
en mars avec Dinart. « On adapte
le programme : on mesure leur évolution physique et conseille l’orientation de leur carrière », assume
Bana. Au risque de crisper parfois
les clubs. À 18 ans, la pépite Dika
Mem, l’arrière droit de Saint-Gratien, a ainsi repoussé les avances du
PSG pour aller à Tremblay, où son
temps de jeu était garanti. Face au
nombre croissant d’étrangers en
championnat, la fédération espère
aussi bientôt faire voter un règlement portant sur un minimum de
joueurs formés localement.
b UNE iNTÉGRATioN PLUS RAPiDE
« Puisque nous sommes déjà
qualifiés pour les JO 2016 puis le
Mondial 2017, nous en profitons
pour installer des nouveaux. Nous
voulons construire sur la durée », dit
Claude Onesta. L’ouverture s’accélère encore plus avec l’hécatombe
de blessés (Barachet, Grébille, Fernandez, N’Guessan). En plus de ceux
qui vont participer à leur première
grande compétition, comme Fabregas ou le plus ancien Nicolas Claire
(Nantes), Onesta a convié au stage
trois novices « qui devaient arriver
plutôt à l’horizon 2017 ».
Des néo-Bleus appelés en préparation, tous ne monteront pas dans
l’avion pour la Pologne. La liste sera
annoncée demain. Le talent est là,
Nedim Remili (Créteil) ayant été élu
meilleur joueur du championnat en
décembre. Mais rien ne remplace
l’expérience. Onesta aime citer
l’exemple du gardien Cyril Dumoulin, arrivé dans le groupe pour la
préparation des JO 2008 mais qui
n’a disputé son premier tournoi
international que six ans plus tard !
S’il y en a un qui favorise ce
renouvellement en accéléré, c’est
Didier Dinart : « À partir du moment
où je me charge de l’aspect technique,
j’ai besoin d’intégrer certains profils », justifie l’adjoint au poids grandissant, qui commence à choisir ses
hommes, comme Ludovic Fabregas.
L’Euro pourrait s’en ressentir, mais
il s’agit surtout d’éviter une rupture
au lendemain du Mondial 2017, qui
verra la retraite de plusieurs cadres.
Sur ce point, l’inquiétude des
responsables fédéraux est limitée
tant, disent-ils de concert, « le vivier
est immense ». g
Dans une journée endeuillée
par la mort d’un spectateur,
Carlos Sainz (Peugeot) a
remporté la 7e étape du Dakar,
817 kilomètres entre Uyuni
(Bolivie) et Salta (Argentine),
devant son coéquipier
Sébastien Loeb. Le bizuth
français reprend la tête
du classement général.
Foot
Vagner Love
à Monaco
A l’issue du nul face à Ajaccio,
Vadim Vasilyev, vice-président
de l’AS Monaco, a annoncé
l’arrivée du Brésilien
Vagner Love (Corinthians,
25 sélections entre 2004 et
2007). L’ancien attaquant du
CSKA Moscou, 31 ans, fera
l’objet d’un transfert. Quant à
Falcao, prêté à Chelsea, on ne
le reverra pas de sitôt sur
le Rocher : « Il est out pour
2 mois. Pour l’instant, nous
avons décidé de ne pas le
reprendre. » Vasilyev négocie
également le départ de
El Shaarawy, qui « ne fait pas
partie des plans de Jardim. »
dimancheparis
jdd | 10 janvier 2016
|i
décryptaGe La mise en place de cette nouvelle organisation territoriale et politique occasionne des tensions qui risquent
d’éclater au grand jour
Avis de gros temps sur
la Métropole du grand Paris
Le centre d’affaires de La Défense fait partie de la MGP et de ses 7 millions d’habitants depuis le 1er janvier. ArnAud robin/divergence
Bertrand Gréco
J
usqu’au bout, la naissance de
la Métropole du Grand Paris
(MGP) aura été difficile.
Instaurée au 1er janvier 2016
dans l’indifférence générale,
cette nouvelle instance regroupant la
capitale et 130 communes alentour
se cherche encore un patron et un
exécutif… dans la douleur. L’élection
du premier président de l’histoire
du Grand Paris – forcément de
droite puisque celle-ci y est majoritaire depuis les municipales de
2014 – doit avoir lieu le 22 janvier.
Les 209 conseillers métropolitains
se réuniront dans l’hémicycle du
Conseil économique, social et environnemental (Cese), place d’Iéna
(16e), pour désigner leur chef, lequel
nommera 20 vice-présidents. Quatre
postulants se disputent le fauteuil.
En coulisses, les négociations battent
leur plein, faites de tractations, pressions et menaces. « Tout le monde
grenouille, bidouille et manœuvre »,
résume un impétrant. « La situation
est extrêmement compliquée », soupire un autre.
Le mieux placé des candidats
– pas encore officiellement déclaré –
se nomme Patrick Ollier, députémaire LR de Rueil-Malmaison (92),
et ancien président de l’Assemblée
nationale. Il avait prévu d’annoncer
sa candidature la semaine prochaine,
mais tout se précipite. Sa force : il
est soutenu fermement par Nicolas Sarkozy, à la tête du parti. Mais
aussi, plus discrètement, par Valérie Pécresse, nouvelle présidente
de la Région pourtant très hostile
à la MGP. Il bénéficie aussi des
faveurs de la gauche francilienne,
et d’Anne Hidalgo en particulier.
La maire PS de Paris le juge suffisamment « consensuel » et reconnaît
son statut de « pilier fondateur » du
Grand Paris.
« Une primaire va être organisée »
« Il faut éviter que la MGP démarre dans la polémique. Le but est
de faire travailler ensemble et intelligemment des gens qui n’ont pas les
mêmes idées sur un même projet »,
explique-t-il au JDD. Mi-décembre,
Nicolas Sarkozy et Anne Hidalgo se
sont rencontrés en tête à tête, deux
jours après l’éviction de Nathalie
Kosciusko-Morizet du poste de
numéro 2 au sein de LR. L’ex-chef
de l’État a confirmé sa préférence
pour Ollier. « Il veut avoir [sa compagne] Michèle Alliot-Marie de son
côté pour la primaire présidentielle à
droite », décrypte un fin observateur.
L’autre élu LR en lice est député-maire du Perreux-sur-Marne
(94) et président de la commission
des finances à l’Assemblée nationale, Gilles Carrez. Il est soutenu
par NKM. « J’irai jusqu’au bout
de cette candidature, confie-t-il au
JDD. Je suis le seul candidat de l’Est
parisien qui est très mal représenté
dans le nouvel exécutif régional et
dans les grands syndicats intercommunaux. Que Patrick Ollier – pour
qui j’ai beaucoup d’estime – soit
le candidat de Nicolas Sarkozy ne
change rien. Une primaire doit être
organisée, conformément aux engagements pris. » Nicolas Sarkozy s’y
était engagé en effet. Mais depuis le
retrait de la candidature de NKM à
ce poste, il n’en était plus question.
Vendredi après-midi, Nicolas
Sarkozy a organisé une réunion
en petit comité dans son bureau
rue de Miromesnil, en présence
de Frédéric Péchenard (son bras
droit), Patrick Ollier, Gilles Carrez, Valérie Pécresse et NKM.
Objectif : « débrancher » Carrez.
En vain. L’intéressé a opposé une
fin de non-recevoir. Il a donc été
décidé qu’une primaire serait
finalement organisée pour départager les deux hommes. Elle aura
lieu mardi à 17 heures au siège des
Républicains, rue de Vaugirard (15e).
Le corps électoral sera composé
des quelque 95 conseillers métro-
politains LR (et apparentés) de la
nouvelle instance. « Gilles est mon
ami, nous ne sommes pas en guerre »,
précise Ollier. « Ma relation d’amitié
avec Patrick est très forte. S’il est élu,
je me mettrai à sa disposition sans
condition », ajoute Carrez.
Anne Hidalgo écartée ?
Cette primaire sonnera-t-elle
le glas de la candidature d’un autre
poids lourd du 92, André Santini ? Le
député-maire UDI d’Issy-les-Moulineaux (92), soutenu par son parti,
misait sur les dissensions au sein
des Républicains. Quand NKM était
encore en lice, la garde rapprochée
d’Anne Hidalgo avait cherché des
alliances au centre pour la contrer.
La gauche était prête alors à soutenir Jean-Christophe Lagarde,
patron de l’UDI, ou André Santini,
pour la présidence de la MGP. Mais
avec 90 conseillers métropolitains
(44 %), les élus LR n’ont pas l’intention de se laisser déposséder de cette
nouvelle instance par des centristes
qui ne pèsent que 12 %. Le dernier
candidat en lice, Philippe Laurent,
maire UDI de Sceaux (92), apparaît
comme un outsider très combatif.
« Les partis sont en train de mettre le
grappin sur cette affaire, déplore-t-il.
C’est tellement le bazar que tout est
encore possible. »
Une montée en pUissance progressive – et contestée – jUsqU’en 2021
La métropoLe du Grand Paris (MGP), mastodonte
pour l’instant inoffensif, est appelée à monter
en puissance progressivement. Créée par les lois
Maptam (2014) et NOTRe (2015), la MGP
rassemble 131 municipalités (7 millions
d’habitants, 814 km²) : Paris, les 123 villes des
départements de la petite couronne (92, 93 et
94), ainsi que sept communes volontaires de
grande couronne, dont Argenteuil (95) – les
autres étant toutes situées en Essonne. Chaque
commune dispose d’au moins un représentant
– généralement le maire – au conseil
métropolitain, lequel dénombre 209 élus,
dont 62 parisiens.
La métropole est divisée en 12 établissements
publics territoriaux (EPT) de plus de 300.000
habitants, le plus grand étant Paris. Ils remplacent
les intercommunalités de banlieue. Ce sont eux
qui, dans un premier temps, auront le pouvoir.
Car, si la MGP percevra dès cette année plus de
3,5 milliards d’euros de ressources fiscales, elle
devra les redistribuer aux territoires ; elle ne
conservera qu’un budget minuscule d’environ
65 millions d’euros. Les EPT sont d’ores et déjà
chargés de compétences locales : gestion des
déchets, assainissement, eau, politique de la ville,
et surtout plan local d’urbanisme, le nerf de la
guerre en matière de logement. En 2018, ils
récupéreront l’action sociale et la gestion des
équipements culturels et sportifs.
De son côté, la MGP n’est dotée que de peu de
pouvoir pour ses premiers pas : environnement et
développement économique, une compétence
déjà exercée par la Région. La première année, elle
devra d’abord élaborer son projet métropolitain.
Mais dès le 1er janvier 2017, la métropole prendra
de la consistance, quand elle disposera pleinement
de ses deux autres compétences stratégiques :
logement et aménagement urbain. En 2020,
le conseil métropolitain doit être élu au suffrage
universel, ce qui lui conférera davantage de
légitimité. Et en 2021, la MGP récupérera
l’intégralité de la fiscalité économique.
Entre-temps, la nouvelle présidente de la Région
Île-de-France, Valérie Pécresse, entend obtenir
« l’abandon » pur et simple de la MGP. Elle l’a
dit au Premier ministre, qu’elle a vu jeudi
en tête à tête. B.G.
Pour compliquer encore le
tableau, outre le nom du futur président de la MGP, les élus s’écharpent
sur l’identité des 20 vice-présidents
qui formeront l’exécutif. Les forces
politiques sont tombées d’accord
pour attribuer 12 vice-présidences à
la droite et au centre, et 8 à la gauche
(4 PS, 3 PCF, 1 EELV). « Un exécutif
partagé et équilibré », décrit JeanLouis Missika, adjoint en charge du
Grand Paris. Jusqu’ici, il semblait acquis que la première vice-présidence
échoie à Anne Hidalgo, assortie de
la délégation « relations internationales et grands événements ». Car
la capitale représente un tiers de la
population métropolitaine. « Paris
doit être bien traitée », estime Mathias Vicherat, le dircab de l’édile
socialiste.
Problème : cet accord serait
caduc. Les cartes seraient rebattues, au risque de mettre le feu aux
poudres. Un deal aurait été conclu
vendredi dans le bureau de Nicolas Sarkozy : si Ollier remporte la
primaire, Carrez prendrait la viceprésidence ; et inversement. Au
détriment d’Anne Hidalgo…
Autre problème : les élus parisiens LR, emmenés par NKM et
le député-maire du 16 e Claude
Goasguen, revendiquent trois
vice-présidences, rappelant qu’ils
sont 19 conseillers métropolitains
(10 %). Vendredi matin, une réunion des membres du syndicat
Paris Métropole visant à régler
cette question s’est soldée par de
« graves tensions » et un blocage.
« Hidalgo ne veut aucun représentant de l’opposition parisienne.
On n’acceptera pas d’accord sur
notre dos », dit-on chez NKM.
De son côté, le premier adjoint
d’Anne Hidalgo, Bruno Julliard,
qui mène les négociations, enrage :
« Les exécutifs municipaux doivent
être respectés. La MGP n’est pas
faite pour s’opposer aux projets
des maires. Or, la droite parisienne
veut clairement contrer la politique
d’Anne Hidalgo. C’est inacceptable ! » Décidément, l’accouchement de la MGP est douloureux. g
ii | paris
JDD | 10 janvier 2016
Sportifs, ces terrains
sont pour vous !
Télex
Pécresse
veut sauver
le passe Navigo
unique
INFO JDD La Ville lance lundi un « appel à projets sportifs » ouvert aux fédérations, clubs,
équipementiers ou architectes pour « expérimenter de nouveaux concepts ou de nouvelles pratiques »
BertraND GrécO
Paris manque d’équipements sportifs mais dispose de friches non
aménagées et de locaux inoccupés.
Qu’à cela ne tienne : ces « délaissés
urbains » peuvent être transformés
en terrains de sport éphémères.
Selon nos informations, la Ville a
identifié 14 sites* dans la capitale
– onze lui appartiennent, trois sont
la propriété de l’établissement public de la Villette (19e) – sur lesquels
elle lancera demain un « appel à
projets sportifs » international. « La
densité de Paris implique de trouver
de nouveaux lieux dédiés aux activités sportives, pour deux, trois ou cinq
ans. Plutôt que de laisser vides ces
espaces dits “intercalaires”, autant
les utiliser intelligemment avant leur
transformation. Les porteurs de projets issus de l’écosystème du sport
devront faire preuve de créativité »,
indique Jean-François Martins (exMoDem), adjoint à la maire de Paris
chargé des sports et du tourisme.
Escalade, badminton, squash,
skatepark ou foot à cinq indoor
Les acteurs du monde sportif auront jusqu’au 11 mars pour
déposer leurs offres. Les 14 lauréats
seront choisis en mai-juin 2016. Et
les premiers sites ouvriront dès septembre. La mairie espère recevoir
des propositions « originales »
– « expérimenter de nouveaux
concepts, importer des pratiques
nouvelles » –, qui ne grèveront
pas son budget puisque la Ville ne
dépensera pas un centime dans
l’opération. Certains lieux nécessiteront pourtant des travaux
À l’image du playground
Duperré dans le quartier
de Pigalle, 14 sites
parisiens inutilisés
deviendront des terrains
de sport.
HUGHES HErvé/HEmiS.fr
d’aménagement, comme ces trois
niveaux de parking souterrain rue
Nationale (13e) ou l’ancien cinéma
Cinaxe (1.066 m²) dans le parc de
la Villette (19e).
Tous les sites retenus sauf un se
situent dans les arrondissements
périphériques. Ils vont de 550 m2 à
3.500 m2. On trouve un tronçon de
la petite ceinture (13e), des dalles
surplombant le périphérique porte
Brancion (14e-15e), d’anciens terrains
de pétanque (13e), des pelouses, des
terrains de basket « mal utilisés et à
réinventer »…
Les candidats ? Les fédérations
sportives, les clubs, les grands
équipementiers. Mieux encore :
des équipes regroupant ces différents protagonistes, associés à
des agences d’architectes. Leurs
investissements pourront être
amortis par du sponsoring, voire
des activités/entrées payantes sur
certains sites. Jean-François Martins mise beaucoup sur les fédérations qui pourraient « investir,
voire à perte » pour « promouvoir
leur discipline » gratuitement. On
entend déjà les critiques fustigeant
la privatisation d’espaces publics.
« Ces sites inutilisés ne servent à
rien aujourd’hui, nous les rendons
au public », rétorque l’adjoint. Et
d’ajouter : « Les porteurs de projet
qui en tireraient du profit auront
une redevance à verser à la Ville. »
Il préfère parler de « résidences
sportives », comme il existe des
résidences d’artistes.
Des disciplines traditionnelles
sont attendues : escalade, badminton,
tennis, squash… Mais aussi des pratiques « urbaines » ou innovantes :
sports de glisse (skatepark), foot à
cinq indoor, parcours de yamakasi,
fitness technologique, sports connectés… « Un tel appel à projets est inédit
dans le monde, se félicite Jean-François Martins. C’était une promesse
de campagne d’Anne Hidalgo. Et il
prend une dimension particulière dans
la perspective de la candidature de
Paris aux Jeux olympiques 2024 : c’est
une réponse modeste à la réflexion
des grandes métropoles sur la place
du sport en cœur de ville. » g
* Retrouvez à 12 heures la carte
des 14 sites retenus sur lejdd.fr
La nouvelle présidente de
la Région a rencontré le
Premier ministre, Manuel
Valls, en fin de semaine,
pour l’alerter sur le
financement du passe
Navigo à tarif unique.
Selon Valérie Pécresse,
il manque 300 millions
d’euros au budget.
La nouvelle patronne
de l’Île-de-France compte
combler ce déficit,
notamment grâce à
la lutte contre la fraude
dans les transports.
Le gouvernement
devrait compléter
le financement de
la mesure (pour
100 millions d’euros).
Manuel Valls a accepté
de mettre à l’agenda du
gouvernement la
création d’une police
régionale des transports
(train et bus).
Après Vélib’,
voilà Belib’
La première borne
publique de recharge
pour véhicules électriques
– universelle
et rapide – sera inaugurée
mardi place Saint-Gervais
(4e) par Christophe
Najdovski, adjoint
à la maire chargé des
transports. Sur les
premiers mois de l’année,
180 points de recharge
similaires seront déployés
à Paris et créeront
un réseau dit Belib’.
L’île de la Cité va-t-elle se réveiller ?
PatrImOINe Le berceau
multimillénaire de la capitale
doit se « transformer » pour
devenir un « quartier vivant ».
explications
marIe-aNNe KLeIBer
@Makleiber
Notre-Dame, la Sainte-Chapelle à
la flèche effilée, la Conciergerie et
ses tourelles donnant sur le fleuve…
L’île de la Cité est l’un des lieux
emblématiques de la capitale. Une
mission d’étude et d’orientation sur
l’avenir de cette « île-monument »
vient d’être commandée par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin,
à l’architecte Dominique Perrault
et au président du Centre des
monuments nationaux, Philippe
Bélaval. Le duo doit « penser l’île
dans sa globalité, comme un quartier
vivant et ouvert, tourné vers les deux
rives de la Seine, conciliant activité
économique, accueil amélioré des
touristes et mise en valeur d’un
patrimoine sans égal ». L’objectif :
« transformer » ce site d’ici à 2040
« en un réel lieu de vie, plus intégré
encore au reste de la capitale ».
L’île est en effet en train de se
figer en un joli décor de vieilles
pierres quadrillé par les touristes :
plus de 14 millions de visiteurs par
an pour la cathédrale et ses gargouilles – ce qui en fait le premier
monument français en termes de
fréquentation – et plus d’un million
pour les merveilleux vitraux de la
Sainte-Chapelle. Sans parler de la
Conciergerie et son demi-million
de visiteurs annuels, des tours de
Notre-Dame (600.000) ou de la
crypte archéologique (170.000)…
Bref, un flot de touristes sur un
confetti de dix sept hectares, par ailleurs très peu habité. En 2007, l’Insee
y recensait encore mille habitants.
L’architecte Dominique Perrault.
ivAN AGUiNAGA/EPA/mAXPPP
Selon une étude de l’Association
pour un hébergement et un tourisme professionnel (AhTop), rendue
publique en décembre, seuls 650 des
1.800 logements de l’île sont occupés
par leurs propriétaires. Et au moins
300 biens (17 % des appartements)
ont été repérés par cette association de professionnels du tourisme
comme mis en location temporaire,
sur des sites comme Airbnb.
Dominique Perrault et Philippe
Bélaval aux commandes
Sur l’île, il reste cependant
des institutions qui drainent des
milliers d’actifs : l’Hôtel-Dieu, la
préfecture de police, la Direction
de la police judiciaire (le fameux
36, quai des Orfèvres) et le palais
de Justice. Mais l’hôpital historique du cœur de Paris doit se
transformer et son avenir reste à
définir. Par ailleurs, la direction
de la PJ et le tribunal de grande
instance (TGI) doivent déménager en 2017 aux Batignolles. Le
36, quai des Orfèvres s’installera
dans un bâtiment dessiné par Valode et Pistre, et le TGI dans une
tour en escalier de 140 m de haut
dessinée par Renzo Piano. Dans
l’ancien palais de Justice, resteront seulement la cour d’appel et
la Cour de cassation, laissant ainsi
d’immenses espaces vides. La destination du 36, quai des Orfèvres
n’est pas non plus encore connue.
Côté patrimoine, des changements sont aussi en cours : la
crypte archéologique a été fermée
et en travaux pendant deux mois
cette année, et la Conciergerie va
de son côté présenter, en juin, un
nouvel espace attractif : les cuisines du roi à l’époque médiévale.
Pour réfléchir à l’avenir de ce
site en mutation, le Centre des
monuments nationaux est sans
doute le mieux placé : l’institution
est en effet chargée, sur l’île de la
Cité, des tours de Notre-Dame, de
la Conciergerie et de la SainteChapelle. Ces deux monuments
royaux sont séparés justement
par… le palais de Justice et pourraient gagner en cohérence en
récupérant peut-être un passage
direct (via la cité judiciaire). Dans
Paris, le CMN dirigé par Philippe
Bélaval vient par exemple de
prendre la main sur l’hôtel de la
Marine au 1er janvier 2016. L’architecte Dominique Perrault, auteur
de la BNF François-Mitterrand,
réalise en ce moment le nouveau
pavillon d’accueil de Versailles
qui ouvrira début 2016, et la refondation de la Poste du Louvre,
contre laquelle des associations
de défense du patrimoine comme
SOS Paris ont bataillé…
Le projet de préfiguration du
devenir de l’île de la Cité concocté
par Philippe Bélaval et Dominique
Perrault devrait être connu en
septembre 2016. Dominique
Perrault a déjà évoqué des pistes
éventuelles à creuser, telle cette
promenade piétonne « longitudinale » allant d’un bout de l’île
à l’autre, traversant les époques
et le palais de Justice. La cour du
36, quai des Orfèvres pourrait être
ouverte au public et être couverte
comme celle du British Museum.
Le marché aux fleurs pourrait gagner une structure en verre « du
type du Crystal-Palace » à Londres.
L’idée serait de dessiner un « lienpromenade », permettant la révélation des patrimoines, et des différentes séquences historiques. g
paris | iii
jdd | 10 janvier 2016
Bonnes taBles
aurélie chaigneau
Des tapas
et du bon
vin chez
Freddy’s.
Julien De
FOnTenAY
POuR le JDD
l’adresse du dimanche
L’usage du monocycle
électrique
« monowheel »
reste très parisien.
Julien De FOnTenAY
POuR le JDD
Ces étranges objets
roulants qui décollent
TEndAncE Les gyroroues, « monowheels » et « hoverboards » sont l’un
des succès de l’hiver. Mais ils rivalisent avec les piétons sur les trottoirs…
MARIE-AnnE KlEIBER
@Makleiber
Phénomène de mode passager
ou nouveau moyen de se déplacer écologique ? Les smartboards
et autres gyroroues ont débarqué sur les trottoirs parisiens
cet hiver. Hoverboard – sorte de
skate électrique où l’on se tient de
face –, monowheel – un monocycle
électrique – ou moins récents et
moins futuristes, les trottinettes
électriques et skates motorisés : la
gamme des « nouveaux véhicules
électriques individuels » est large.
Les Segway, apparus sur le
bitume il y a treize ans, avaient
suscité curiosité et enthousiasme.
Mais ces machines au prix important (aux alentours de 7.500 €),
n’ont pas conquis le grand public :
ils sont surtout utilisés par des
groupes de touristes et dans les
entrepôts de stockage.
Depuis peu, ils ont des petits
frères utilisant la même technologie gyroscopique (l’usager déséquilibre la machine en se penchant ;
un « capteur d’assiette » rétablit
l’équilibre en faisant tourner les
roues). Mais ils sont bien moins
chers, bien plus cool et swag, et
les ventes s’affolent. Les réseaux
sociaux sont en partie responsables de cet engouement, avec
leurs flux de photos de joueurs
du PSG ou de stars prescriptrices
comme Justin Bieber.
« nous visons les 12.000 ventes
en 2016 »
Résultat, début novembre aux
États-Unis, eBay vendait un smartboard toutes les deux minutes (selon
le site Buzzfeed). En France, de multiples sites de revente d’hoverboards
chinois ont éclos. Les grands réseaux
comme la Fnac ou Boulanger s’y sont
mis en fin d’année. Chez Decathlon
aussi, « la mise en vente des hoverboards s’est faite il y a quelques
semaines seulement, et les chiffres
sont, pour le moment, satisfaisants
et en accord avec une croissance globale de ce marché ». Mais la vogue
pourrait se révéler n’être qu’un feu
de paille : les batteries de plusieurs
de ces grands jouets ont brûlé aux
États-Unis et tout récemment en
Australie. Et la chute de Mike Tyson
a fait le tour du Web. Un bad buzz.
Côté gyroroues, la percée semble
moins explosive, mais plus continue.
Contrairement aux hoverboards, qui
ne peuvent monter ou descendre
un trottoir, les monowheels dis-
la sécurité en question
ces nouveaux véhicules individuels
sont tolérés sur les trottoirs, où ils
ne doivent pas rouler à plus de
6 km/h (alors que certaines roues
montent à 30 km/h). Ils n’ont en
revanche pas le droit de circuler sur
la chaussée et les pistes cyclables.
La police a dressé à Paris
58 procès-verbaux en 2013, 114 en
2014 et plus de 100 pour les huit
premiers mois de 2015. L’amende
n’est pas franchement dissuasive :
4 €, voire 7 € en cas de majoration.
« Les utilisateurs de ces véhicules
doivent s’équiper comme en rollers,
avec un casque, des genouillères,
des protections pour les mains, et se
rendre visibles le soir. Ils doivent
aussi vérifier qu’ils sont assurés,
ajoute Christophe Ramond,
directeur des études et recherches
à l’association Prévention routière.
À 25 km/h, un choc équivaut à une
chute du haut d’un premier étage. »
Afin d’éviter la mise sur le marché
de produit non performants, voire
dangereux, une norme technique
européenne Afnor doit être édictée
en 2016 : elle fixera un cadre
d’essais (notamment des tests
de freinage) et devrait rendre
obligatoire un bouton « mode
piéton », bloquant le gyropode
à 6 km/h. M.-A.K.
posent d’un pneu large et d’une plus
grande autonomie. En trois ans, en
France, près de 14.000 monowheels
se sont vendues, soient autant que
les Segway en treize ans. Près de
2.000 roues de la marque Ninebot,
le leader mondial du marché, circulent rien qu’en Île-de-France.
« Nous visons les 12.000 ventes en
2016 », annonce Olivier Mignot, le
directeur marketing.
À Paris, le magasin E-roue, quai
de la Tournelle, ouvert en 2014, en
vend 100 par mois depuis avril 2015
(et 120 à Noël), à environ 1.000 €.
« C’est pour l’instant très parisien ; à
Bordeaux, où nous venons d’ouvrir un
magasin, ça ne décolle pas encore »,
explique le fondateur, Guillaume
Bocs. « Dans la capitale, les premiers
clients ont eux-mêmes fait la communication du produit. » Une randonnée
en gyroroue, sur le modèle de celle
en rollers, rassemble depuis peu une
trentaine de « wheelers » tous les
vendredis soir au départ de Bastille.
Dans la rue, les monocycles
font des adeptes rien qu’en roulant… Thierry, Parisien de 41 ans,
a été fasciné lorsqu’il a croisé « un
comme en train de léviter au-dessus
du trottoir », et a acheté une roue il
y a trois semaines. « C’est beaucoup
plus stylé que l’hoverboard. » Depuis,
ce fan de sports de glisse traverse
tout Paris avec, et l’utilise pour
se rendre au lycée où il enseigne.
Il déplore cependant le poids de
l’engin (13 kg), qui le rend difficilement portable dans les magasins – il
faut acheter une poignée et tirer la
roue comme une valise –, et la vigilance que la conduite demande dans
l’espace urbain. Comme Thierry,
90 % des clients de la boutique
E-roues utilisent leur machine
pour se rendre sur leur lieu de travail, et 40 % d’entre eux vivent en
banlieue. « Ils se rendent en roue de
leur maison à la gare RER, puis de
la gare dans Paris à leur bureau »,
explique Guillaume Bocs. Pour ces
quelques milliers de pionniers, tous
les jours, c’est « smartboard, boulot,
dodo », et pour l’instant, ça roule. g
Freddy’s (6e), festif
Un bar à manger comme un
joyeux refuge. Bruyant, toujours
plein – de rires et de bonne
humeur – où on joue gentiment
des coudes pour commander
un verre de vin. Sautez sur
un tabouret et vous pourrez
aisément y passer la soirée.
Au cœur de ce décor en bois et
vieilles pierres, on sent l’esprit
des grands frères de Freddy’s :
Semilla, Le Cosi et Fish la
boissonnerie.
À l’ardoise, on déniche des petites
tapas finaudes pensées par Éric
Trochon et réalisées par Thomas
Estrader : assiette de
6.5/10
jambon noir de Bigorre
fondant, accras et kebab
gras comme on les aime. Les
couteaux sont gourmands, qui
compensent des Saint-Jacques
et des langues d’oursins un peu
chiches. L’ensemble est plutôt
sympathique pour accompagner
une belle sélection de vins.
Le bémol : les prix grimpent vite
et il faut un certain nombre
d’assiettes (petites) pour combler
les gros appétits.
Freddy’s, 54, rue de Seine (6e). 7j/7.
Tarifs : de 35 à 70 € selon votre
appétit. Et votre soif.
la découverte de la semaine
Biondi (11e), coup de cœur
Biondi, c’est le nouveau lieu de
Fernando de Tomaso, le chef
patron de la Pulperia, pépite
argentine de la rue
Richard-Lenoir (11e). Une vaste
pièce en pierres apparentes,
un bar, des lumières tamisées,
du bois et des cuisines ouvertes.
Une cuisine française à la sauce
argentine chez Biondi.
retour chez…
il Brigante (18e), 100 % pizza
Le pizzaiolo tout en blanc, de dos,
qui prépare ses pizze en
chantonnant, distille sa bonne
humeur jusque sur le trottoir.
Chez Il Brigante, il y a trois sortes
de clients. Ceux qui trouvent une
place tout de suite dans la
microsalle ou le couloir ;
ceux qui doivent attendre dans la
rue – parfois un bon moment –
qu’une table se libère ; et ceux
qui préfèrent ramener leur pizza
pour la manger chez eux. Une
fois votre catégorie choisie (le
plus sympa reste quand même
de manger sur place, quitte à
attendre en sirotant un petit vin
de table), sélectionnez votre pizza
et quelle qu’elle soit, elle aura la
8/10
Cette fois, il s’attaque à
la cuisine française qu’il
a appris à maîtriser aux côtés
de Jean-François Piège puis
de Christophe Pelé. Et ça donne,
en entrée, de fines lamelles
de cœur de bœuf fumé d’une
tendreté idéale servies avec des
topinambours (14 €). Ensuite
étonnant turbot, radis
et bouillon d’anchois à la
bergamote (29 €). En dessert,
on a craqué pour la crème de
macha, glace au lait cru et sucre
noir du Japon (10 €) ainsi que
pour la fine tartelette aux
pommes, camomille et citron
vert (10 €).
Des produits au top, travaillés
avec précision, humeur et
créativité. Le service ressemble à
la cuisine : chaleureux, souriant,
drôle et ponctué par l’accent
argentin charmant du sommelier
qui se fait un plaisir de vous faire
goûter « juste pour goûter »
quelques crus de sa cave.
Biondi, 118, rue Amelot (11e).
Fermé le dimanche. À la carte,
entre 50 et 60 € (hb).
Tél. : 01 47 00 90 18.
pâte fine et croustillante. 7/10
De la simple margherita
(9 €) ou regina (12,50 €)
à la copieuse « pizza 18e » avec
tomate, mozzarella di bufala,
poivron, shiitaké, bresaola,
marinade citron (18 €). À
l’extérieur, il fait frais. Mais
dedans, derrière les vitres
embuées, on se tient chaud, on
parle fort, on rit et on se bouscule
un peu pour pouvoir se déplacer.
Mais l’étroitesse du lieu fait aussi
son charme. Et on se laisse bercer
par la voix rieuse et chantante du
chef dans les odeurs de pizza.
Il Brigante, 14, rue du Ruisseau
(18e). Fermé le dimanche.
Entre 15 et 25 € environ.
Tél. : 01 44 92 72 15.
iV | Paris | que faire aujourd’hui
JDD | 10 janvier 2016
En famille
couP de cœur
Véhicules anciens
1er
stars du handball
Pour voir l’équipe de France masculine
lors du tournoi de la Golden League.
AccorHotels Arena (12e), M° Bercy.
À 13 h 30, Norvège-Qatar, à 16 h,
France-Danemark. Tarifs : de 30 € à 60 €.
accorhotelsarena.com
Ciné-ConCert
8e
Forum des images,
M° Les Halles.
Nanouk l’Esquimau, l’un des
premiers films documentaires de
l’histoire (1920), raconte la vie
quotidienne des autochtones du
Grand Nord canadien. Le film de
Robert Flaherty est mis en
musique en direct par le pianiste
Ignacio Plaza. À partir de 6 ans.
Séance suivie d’un goûter.
À 15 h. Tarif : 6 €, 5 € (réduit).
forumdesimages.fr
15
e
en famille
unique
Pour le défilé de 700 voitures, motos
et autobus de collection.
Château de Vincennes (12e), M° Châteaude-Vincennes.
À partir de 7 h 30. Gratuit.
vincennesenanciennes.com
À l’extérieur
Portraitiste du XViiie sièCle
Grand Palais,
M° Champs-Élysées-Clemenceau.
Première rétrospective française
consacrée à l’une des plus
grandes portraitistes du
XVIIIe siècle, Élisabeth Louise
Vigée Le Brun. L’exposition
rassemble 130 œuvres de
la peintre officielle de
Marie-Antoinette.
Fin de l’expo demain.
dernier jour
cirque équestre
arts du congo
Pour admirer les 40 chevaux et 20 écuyers
et artistes dans Pégase & Icare.
Chapiteau Alexis Gruss (16e),
M° La Muette.
À 15 h. Tarifs : de 31,50 € à 76,50 €.
alexis-gruss.com
10e
À l’intérieur
Pour découvrir le dynamisme revigorant
de l’art contemporain en République
démocratique du Congo.
Fondation Cartier (14e), M° Raspail.
De 11 h à 20 h. Tarifs : 10,50 €, 7 €.
fondation.cartier.com
BrunCh et Vinyles
19e
Point Éphémère, M° Jaurès.
Le disquaire parisien Born Bad
Recordshop, spécialisé dans le
rock et le punk, fait découvrir son
univers musical lors d’un DJ set et
d’un marché de vente de disques
vinyles. Possibilité de bruncher
sur place.
De 11 h 30 à 15 h. Gratuit.
pointephemere.org
le monde d’emily loizeau
Le 104 (19e), M° Riquet.
La chanteuse Emily Loizeau
dévoile quelques-unes des
compositions de son prochain
album dans ce spectacle
intitulé Mona, pièce musicale.
Une fable délirante menée
par trois comédiens, deux
musiciens et un vidéaste.
À 17 h. Tarifs : 20 €, 15 €
(réduit). 104.fr
De 10 h à 20 h. Tarifs : 13 €, 9 €
(réduit). grandpalais.fr
11e
tout sur la Plongée
Vide-greniers Vintage
Paris Expo Porte-de-Versailles,
M° Porte-de-Versailles.
Le Salon de la plongée propose
informations et conseils pour pratiquer
la plongée. Démonstration
d’équipements innovants, découverte
de nouvelles destinations, présentation
des différentes formations, etc.
Next step, 11, cour Debille,
M° Voltaire.
Une cinquantaine de stands
proposent meubles, objets,
vêtements et accessoires rétro
des années 1900 à 1980. Salon
de coiffure vintage, ambiance
musicale des années 1950 et piste
de danse.
De 10 h à 19 h. Tarif : 12 €.
salon-de-la-plongee.com
De 10 h à 20 h. Tarif : 2 €.
fiftiessound.com
2e
5e
duCs de Bourgogne
Tour Jean Sans Peur,
M° Étienne-Marcel.
Gros plan sur les ducs de Bourgogne
qui, de 1363 à 1477, constituèrent
une des dynasties les plus puissantes
de l’Occident. L’exposition s’intéresse
à l’expansion de leur royaume et aux
fastes de leur cour, de Philippe
le Hardi à Charles le Téméraire.
Belle BroCante
Place Maubert,
M° Maubert-Mutualité.
Une centaine de brocanteurs et
d’antiquaires professionnels sont
attendus pour ce rendez-vous de
chineurs. Meubles anciens, objets
d’art, décoration, etc.
De 7 h à 19 h. Gratuit.spam.fr
De 13 h 30 à 18 h. Tarifs : 5 €, 3 €
(réduit). tourjeansanspeur.com
16e
littérature russe
Mairie du 16e, M° Rue-de-la-Pompe.
« La Russie aux mille visages » est le thème
de cette nouvelle édition du Salon du livre
russe qui s’intéresse aux productions des
nombreuses minorités du pays. Soixante-dix
auteurs russophones et francophones invités
dont Victor Erofeev ou Alexander Snegirev.
15e
De 10 h à 19 h. Gratuit.
russkayaliteratura.fr
« dirty danCing » en liVe
Palais des Sports, M° Porte de Versailles
Après sa tournée en province, la comédie
musicale Dirty Dancing, inspirée du film,
est de retour à Paris. Vingt-six danseurs et huit
musiciens interprètent les chansons originales
tandis que les dialogues sont adaptés en
français. Dernière date.
À 15 h. Tarifs : de 39 € à 89 €.
ledomedeparis.com
1er
tintin au musée,
derniers jours
Musée en herbe (1er),
M° Les Halles.
L’exposition « Le Musée imaginaire
de Tintin » présente des planches
de BD et des dessins originaux
de Hergé. Fin de l’expo le
14 janvier 2016.
De 10 h à 19 h. Tarifs : 6 €, 5 €
(réduit). musee-en-herbe.com
en Île-de-france
77
78
78
94
95
musique de ChamBre
Comédie-Ballet
CaBinets de Curiosités
Vide-greniers
enquête sur nos anCêtres
Ferme du Buisson, Noisiel (77).
Le collectif de musiciens La Famille
Arties propose une découverte du
quatuor à cordes à travers une
œuvre de Dmitri Chostakovitch :
le Quatuor opus 110. Un concert
dans un cadre confortable avec
banquettes, fauteuils et lumière
tamisée.
À 17 h. Tarifs : 15 €, 12 € (réduit).
lafermedubuisson.com
Opéra Royal de Versailles (78).
Le metteur en scène Clément
Hervieu-Léger et le chef d’orchestre
William Christie reprennent la
comédie-ballet de Molière,
Monsieur de Pourceaugnac, portée
par la musique de Lully. Cette pièce
de 1668 préfigure l’opéra français
du XVIIIe siècle.
À 16 h. Tarifs : de 45 € à 140 €.
chateauversailles-spectacles.fr
Château, Maisons-Laffitte (78).
L’expo « Les Chambres des
merveilles » fait revivre le temps des
cabinets de curiosités du XVIIe siècle,
quand les collections privées
regorgeaient d’objets étranges et
rares : bijoux, coquillages, mais aussi
dragons, sirènes…
De 10 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 17 h.
Tarifs : 7,50 €, 6 € (réduit).
maisons.monuments-nationaux.fr
J. SCHELLAERT/PROD ; BRigiTTE EnguERAnD/DivERgEnCE/OPuS 64 ; CEnTRE DES MuSéES nATiOnAuX ; DR ; MuSéE ARCHéOLOgiQuE DE guiRY-En-vEXin
Parc du Tremblay,
Champigny-sur-Marne (94).
Plus de 300 exposants attendus
pour la grande brocante du parc
du Tremblay. Vêtements, jouets
et bibelots en tout genre.
De 8 h à 19 h. Gratuit.
mandon.fr
Musée archéologique du
Val-d’Oise, Guiry-en-Vexin (95)
Mêlant histoire, science et
archéologie, l’exposition
« Préhistoire[s] l’enquête » propose
un parcours interactif sur les
sépultures de Téviec, des squelettes de
7.400 ans. Une manière ludique de
découvrir les travaux des chercheurs.
De 13 h à 18 h. Gratuit.
valdoise-tourisme.com

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