Durabilité : Innovations dans le développement de matériaux routiers
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Durabilité : Innovations dans le développement de matériaux routiers
Congrès annuel 2009 de l’Association des transports du Canada Séance technique : Durabilité des enrobés bitumineux Durabilité : Innovations dans le développement de matériaux routiers Jean-Martin Croteau, ing. Works Alberta Ltd. Edmonton (Alberta) [email protected] François Chaignon Colas Amérique du Nord Morristown (New Jersey) [email protected] Todd Strynadka Terus Construction Ltd. Vancouver (Colombie-Britannique) [email protected] RÉSUMÉ L’industrie de la construction routière explore sans cesse des innovations technologiques qui amélioreront le rendement des matériaux routiers et des systèmes de revêtement. Au cours des dernières années, l’accent mis sur la durabilité a donné lieu à de nombreux projets de recherche et développement (R et D), partout dans le monde. En effet, l’industrie a fait des pas de géant à cet égard, en élaborant des matériaux routiers écologiques, des systèmes de revêtement sûrs et silencieux ainsi que des produits et des procédés qui présentent des risques moindres pour la santé et la sécurité des travailleurs et du public. La priorité accordée à la durabilité en R et D est relativement récente. Les résultats révèlent d’incroyables possibilités nouvelles en matière de systèmes et de matériaux routiers. Parmi celles-ci, mentionnons les enrobés à chaud à teneur élevée en matières recyclées, l’amélioration de l’efficacité dans le recyclage du pavage en place, la réduction des températures de fabrication, l’utilisation de matériaux locaux, l’élaboration de bioproduits et la chimie verte. De nouvelles générations de chaussées, plus sûres et plus silencieuses, sont en développement. Des produits et procédés de rechange sont mis en place pour réduire les risques, notamment l’utilisation de jauges de compactage non nucléaires, des produits et procédés de laboratoire sans solvant, des produits de réduction des vapeurs d’hydrocarbures, etc. Dans le présent article, nous présentons diverses initiatives entreprises au Canada et ailleurs en vue de concevoir des matériaux routiers durables. Nous dressons un portrait de différents projets, notamment une brève liste des matériaux routiers écologiques, un résumé des systèmes de revêtement plus sûrs et silencieux récemment développés ainsi qu’un aperçu des systèmes d’éco-étiquetage pour les chaussées. 1 1.0 Introduction Dans tous les secteurs industriels, les innovations visent inlassablement à prévoir les besoins futurs. L’industrie de la construction routière n’y fait pas exception, et toutes les activités de recherche et développement (R et D) menées partout dans le monde ont pour but de satisfaire les besoins actuels et futurs des administrations routières, des usagers de la route et de ceux qui les construisent. On explore sans cesse des percées technologiques qui amélioreront le rendement des matériaux routiers, accroîtront la rentabilité et l’efficacité de la construction, et permettront de préserver les ressources. Au cours des dernières années, l’accent mis sur la durabilité a donné lieu à de nombreux projets de recherche et développement (R et D), partout dans le monde. En effet, l’industrie a fait des pas de géant à cet égard, en élaborant des matériaux routiers écologiques, des systèmes de revêtement sûrs et silencieux ainsi que des produits et des procédés qui présentent des risques moindres pour la santé et la sécurité des travailleurs et du public. L’industrie routière se concentre sur la mise au point de nouveaux matériaux routiers et solutions de revêtement qui offrent de la durabilité. Il s’agit d’une méthode globale qui comprend la chaîne complète de production, de construction, de réfection et d’entretien, de l’extraction des matières premières à la fin du cycle de vie du revêtement. Elle touche la préservation de l’environnement par la réduction de la consommation de ressources naturelles et d’énergie ainsi que des émissions de gaz à effet de serre, l’augmentation du recyclage des déchets industriels et de chantier, et l’élaboration de produits et de techniques respectueux de l’environnement. En outre, cette méthode globale de durabilité comprend l’amélioration de la sécurité des systèmes de revêtement pour les usagers de la route par l’accroissement de la friction et une diminution du bruit, afin de réduire la gêne attribuable au bruit de roulement du trafic. Le concept de durabilité comprend également la mise au point de produits et de procédés afin de réduire les risques pour les travailleurs et les usagers, notamment l’utilisation de jauges de compactage non nucléaires, des produits et procédés de laboratoire sans solvant, des produits de réduction des vapeurs d’hydrocarbures, etc. Dans le présent article, nous présentons diverses initiatives entreprises au Canada et ailleurs en vue de concevoir des matériaux routiers innovateurs et des systèmes de revêtement qui offrent une durabilité accrue. Nous dressons un portrait de différentes initiatives environnementales, notamment une brève liste des matériaux routiers écologiques, et évaluons des projets en vue de quantifier les bienfaits pour l’environnement. Nous présentons et commentons aussi des systèmes de revêtement plus sûrs et silencieux récemment développés, et dressons enfin un aperçu des systèmes d’éco-étiquetage pour les chaussées. 2.0 Consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, tenue en 1992, a été l’amorce d’une prise de conscience universelle des risques de dégradation qui menacent la planète. La destruction des ressources naturelles et les changements climatiques constituent les principales causes de détérioration et de perturbation des écosystèmes. L’industrie, l’agriculture et le transport sont les principaux facteurs y contribuant. Cette sensibilisation s’est concrétisée dans le Protocole de Kyoto de 1997, qui porte essentiellement sur la limitation et la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Dans leur cadre de politique, les gouvernements du monde ont établi deux mesures prioritaires : restreindre les effets des facteurs contribuant aux changements climatiques et optimiser la gestion des richesses naturelles. Tous les secteurs d’activités sont visés, et l’industrie de la construction routière est consciente des enjeux stratégiques universels liés à la durabilité. Sa démarche visant à réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre comporte deux volets : accroître l’efficacité et choisir des structures de chaussée écologiques. 2 2.1 Accroître l’efficacité Au cours des dernières années, l’industrie de la construction routière a déployé des efforts considérables pour définir les sources d’économies d’énergie potentielles par la réduction de la consommation. Des activités ont été entreprises pour trouver des indicateurs utiles pour les différents secteurs de l’industrie. À coût égal, deux projets auront probablement une valeur énergétique très différente, selon la part de travail offerte en sous-traitance, la nature des travaux mêmes, la distance des ressources et des matériaux, etc. Ce processus s’améliore avec le temps, grâce à des outils comme l’analyse du cycle de vie1, 2, 3. L’industrie a mis en place bon nombre de mesures tangibles dans le but de favoriser l’efficacité énergétique. De nombreuses initiatives sont en élaboration : systèmes de gestion, programmes d’économie d’énergie personnalisés, etc. Il est de plus en plus répandu d’établir des critères d’efficacité énergétique dans l’acquisition d’équipement de construction. Les systèmes de surveillance en vue d’établir des données de référence de la consommation énergétique par type d’engin, marque et conducteur qui permettent d’orienter les choix d’investissement, de peaufiner les stratégies d’entretien et de préciser les besoins de formation gagnent du terrain. Par exemple, 4 la conduite apaisée est susceptible de produire des économies de consommation de 10 à 15 % . 2.2 Matériaux routiers et structures de chaussée Au cours des dix dernières années, des activités d’analyse comparative ont été entreprises un peu partout dans le monde pour déterminer la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre de la construction et de l’entretien des routes1, 2, 3. Les principaux matériaux routiers ont été analysés (enrobés à chaud, technologies à l’émulsion de bitume, béton de ciment, recyclage en place ou en centrale, etc.) pour établir des indicateurs utiles. Il a été déterminé que la démarche du cycle total offrait les indicateurs nécessaires pour comparer les différents matériaux routiers. Ce type de démarche commence à l’extraction des matières premières et se termine à la fin de la durée de service de la chaussée, en passant par la fabrication des matériaux, leur mise en œuvre pour la construction de la chaussée neuve et les travaux d’entretien au cours du cycle de vie prévu. Cette analyse est liée aux matériaux routiers à de très nombreux égards. L’analyse est ensuite appliquée à différents types de structure de chaussée au cours de leur durée de service, en vue d’établir des lignes directrices permettant à l’industrie de choisir des matériaux routiers et des structures de chaussée efficaces sur le plan énergétique et dont les émissions de gaz à effet de serre sont moindres. Parmi les techniques bien cotées à ces deux égards, citons la majorité des techniques de recyclage, les technologies d’émulsion et les processus en place. Ce type d’analyse a ouvert la voie à l’élaboration d’un logiciel d’analyse de l’énergie et des gaz à effet de serre appliqué aux chaussées. L’EcologicieL, développé par Colas S.A., en Europe, constitue un bon exemple; le logiciel fera l’objet de la section suivante5. En outre, et peut-être plus important encore, ce type d’analyse a eu une énorme influence sur la recherche portant sur les matériaux routiers et les structures de chaussée de demain, et en a toujours. 2.2.1 EcologicieL : logiciel pour évaluer la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre5 L’Ecologiciel est un logiciel unique en son genre. Cet outil suit les principes de l’analyse de cycle de vie et calcule le contenu énergétique ainsi que le volume de gaz à effet de serre produit de la plupart des techniques existantes de construction, de réfection et d’entretien de routes. L’analyse du cycle de vie permet de souligner les principales caractéristiques environnementales d’un produit à toutes les étapes, de l’extraction des matières premières à la fin de la durée de service de la chaussée en passant par la construction de la route. Le logiciel est particulièrement utile pour comparer des solutions de rechange et ainsi choisir les solutions optimales de revêtement quant à leur rendement relatif à la consommation d’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre. Les exemples d’utilisation de cet outil pour quantifier les bienfaits environnementaux d’une technique par rapport à une autre ne manquent pas. Plutôt 3 générique au départ, il a évolué et tient maintenant compte des particularités production propres à un site. En outre, le logiciel est constamment mis à jour et d’une utilisation régionale à l’extérieur de la France, où il a été mis au point. similaires sont actuellement en élaboration; ils visent également à quantifier environnementaux des diverses techniques de construction, de réfection et 6 routes . 2.2.2 des usines de adapté en vue D’autres outils les avantages d’entretien de Production d’enrobés bitumineux à des températures moindres L’industrie de la construction routière explore sans cesse des innovations technologiques qui permettront d’améliorer le rendement des matériaux, d’accroître l’efficacité de la construction, de préserver les ressources et de mettre de l’avant l’intendance environnementale. Des règlements en vigueur ou imminents sur les émissions et la conservation de l’énergie rendent la réduction des températures de production des enrobés plutôt intéressante. Les enrobés tièdes et semitièdes sont destinés à cette fin; ils font l’objet des sections suivantes. 2.2.2.1 Production d’enrobés bitumineux à des températures de 125 à 135 °C7 Appelés « enrobés tièdes », ces enrobés sont fabriqués à des températures de 25 à 35 °C inférieures à celles des enrobés à chaud classiques. La consommation d’énergie est ainsi réduite de 10 à 15 %. Mais ce n’est pas le seul avantage environnemental. En effet, la diminution des températures de production permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de fumées et d’odeurs à l’usine et au chantier. On estime que les émissions de fumée seraient de 50 % inférieures à celles produites avec les enrobés à chaud classiques. Partout dans le monde, on s’intéresse aux enrobés tièdes, et plusieurs systèmes sont en élaboration en vue d’abaisser les températures des enrobés bitumineux sans compromettre la production de pavage d’asphalte. Ces systèmes visent un enrobage complet des granulats à des températures inférieures, l’obtention d’une densité et un rendement égal ou supérieur à celui des enrobés à chaud classiques à température ambiante. L’enrobage complet est obtenu par la réduction de la viscosité du liant ou par l’utilisation d’additifs qui permettent le mouillage complet des granulats à faible température. Les systèmes d’enrobés tièdes sont classés dans une ou plusieurs catégories : techniques liées à l’eau (moussage) et additifs (organiques ou chimiques). Au fur et à mesure que les enrobés tièdes offriront de nouvelles possibilités, comme une teneur accrue en asphalte recyclé, les gains environnementaux associés à cette technique augmenteront. 2.2.2.2 Production d’enrobés bitumineux à des températures de 70 à 99 °C8, 9 Appelés « enrobés semi-tièdes », ces enrobés sont fabriqués à des températures inférieures à 100 °C, soit en dessous du point d’ébullition de l’eau. La consommation d’énergie est ainsi réduite de 30 à 50 % comparativement aux enrobés à chaud classiques, ce qui est énorme. Cette économie est principalement attribuable au fait que la vaporisation de l’eau, qui exige une grande quantité d’énergie, n’est pas nécessaire puisque l’enrobé demeure sous les 100 °C. Les avantages environnementaux liés à l’émission de fumées, de composés organiques volatils et de gaz à effet de serre sont considérables. Toutes les technologies d’enrobés semi-tièdes sont à base d’eau; le liant est émulsifié ou moussé à l’usine. Les travaux liés aux enrobés semi-tièdes demeurent limités, probablement parce qu’ils sont à des années-lumière des méthodes d’enrobés à chaud classiques. Cependant, on s’attend à ce que ces techniques soient de plus en plus connues et acceptées au fur et à mesure que les travaux d’élaboration en révèlent les avantages sur le plan technique. 2.2.3 Bioproduits Les bioproduits végétaux sont mis au point à l’aide des principes de la chimie verte. Ils sont destinés à remplacer les produits bitumineux utilisés dans l’industrie de la construction routière, afin d’éliminer l’utilisation de substances dangereuses et de réduire la consommation d’énergie. 4 2.2.3.1 Liants et fluxants Colas S.A. a mis au point Végéflux®10, un biofluxant qui permet d’éviter l’évaporation de composés organiques volatils tout en améliorant les propriétés du bitume. À la différence des solvants et fluxants pétroliers, la réaction de Végéflux est siccative, et pourrait être décrite comme une combinaison de l’oxygène de l’air, du fluxant et du bitume, ce qui améliore la cohésion du liant. Pour des applications similaires, il faut une quantité moindre de biofluxants comparativement aux fluxants pétroliers classiques. Les biofluxants peuvent remplacer les fluxants classiques, en émulsions visqueuses pour des applications de revêtement superficiel au début ou à la fin de la saison ou en émulsions fluides pour des applications d’enrobés à froid à base d’émulsions. Les biofluxants permettent d’appliquer du bitume à chaud à des températures de 25 °C inférieures comparativement au bitume appliqué à chaud classique. De plus, le point d’éclair est supérieur, ce qui améliore la sécurité de la manipulation du produit. Colas S.A. a également élaboré Végécol®4, un bioliant utilisé comme substitut du bitume. Conçu à base d’huile végétale et de résine, Végécol® est totalement transparent, mais peut aussi être coloré. Il est principalement utilisé à des fins esthétiques dans des centres-villes, pour des allées piétonnières, etc. Les enrobés au Végécol® ont un rendement équivalent à celui des enrobés bitumineux. En 2007, plus de 450 projets utilisant Végécol ont été réalisés et près de 2 700 tonnes de liant Végécol® ont été appliquées partout dans le monde, y compris un projet du Cirque du Soleil mis en œuvre à Montréal en 2006. Le produit a été élaboré à l’occasion du concours La route du futur, organisé en Bretagne en 2003. 2.2.3.2 Signalisation horizontale4 Végémark® est un autre bioproduit que Colas S.A. a mis au point à l’aide des principes de la chimie verte. Ce marquage routier destiné à améliorer la sécurité routière est fabriqué à partir de matières premières oléagineuses; il contient des produits renouvelables dérivés de l’industrie des plantes oléagineuses. Il permet une remise en circulation quasi immédiate après son application. Ostrea® est un bioproduit de marquage à chaud développé par Prosign, une filiale de Colas S.A., avec le soutien de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Il substitue à une charge calcaire classique un recyclat de déchets de coquilles d’huîtres et optimise la consommation énergétique d’un nouveau type de fondoir. 2.2.4 Remise en état et recyclage des déchets des industries routières et de la construction À titre d’importante productrice et utilisatrice de matériaux de construction, l’industrie de la construction routière a à cœur de remettre les terrains en état ainsi que de recycler les déchets et les matériaux usagés en vue de la construction, de la réfection et de l’entretien des routes. Certaines techniques sont maintenant largement acceptées par les organismes du secteur des transports routiers; d’autres demeurent toutefois relativement spécialisées, et leur utilisation est restreinte. Nous présentons dans les sections suivantes les principales techniques utilisées au Canada et aux États-Unis. 2.2.4.1 Recyclage en centrale des enrobés à chaud11, 12 Le recyclage à grande échelle des chaussées bitumineuses a commencé dans les années 1970. À cette époque, la crise du pétrole et la conception d’équipement de fraisage pour l’industrie routière créaient un contexte favorable pour les nouvelles technologies de recyclage à grande échelle. Depuis, des centaines de millions de tonnes d’enrobés à chaud contenant de l’enrobé recyclé ont été produites au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Le bon rendement de l’enrobé à chaud contenant jusqu’à 50 % d’enrobé recyclé a été signalé. Le recyclage en centrale des enrobés à chaud constitue probablement la pratique de recyclage la plus commune dans l’industrie de la construction routière. En fait, dans de nombreux secteurs, il s’agit d’une procédure normale. 5 Il a été mentionné que les chaussées bitumineuses constituaient le matériau le plus recyclé au Canada et aux États-Unis. On recycle environ deux fois plus de tonnes de chaussées bitumineuses que de tonnes de papier, de verre et d’aluminium combinés. Cette pratique va totalement de soi sur le plan environnemental et économique. L’utilisation de chaussées bitumineuses recyclées a pris beaucoup d’importance, permettant ainsi de réduire l’utilisation de 5 matériaux vierges et de préserver les lieux d’enfouissement. Selon le logiciel EcologicieL , la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre associées à la production d’enrobé à chaud sont réduites d’environ 2,5 % pour chaque tranche de 5 % d’enrobé recyclé ajouté. 2.2.4.2 Remise en état et recyclage en place13 Le recyclage et la remise en état en place à froid sont bien ancrés au Canada, le concept voulant que les chaussées existantes constituent des sources de matières routières primaires motivant principalement ces procédés. Des millions de mètres carrés de chaussée ont été remis en état grâce à ces processus, et la capacité de l’industrie de recycler et de remettre en état la chaussée bitumineuse est l’une des plus élevées du monde. Bon nombre d’organismes canadiens du secteur des transports routiers ont recours au recyclage et à la remise en état en place comme méthode standard. L’industrie possède une vaste expérience dans l’utilisation des différentes versions du recyclage et de la remise en état en place relativement à l’équipement et au recyclage des liants. La chaussée existante est remise en état puis transformée en agrégat bitumineux, traitée par un système de recyclage et compactée en place. Le rendement du recyclage et de la remise en état en place à froid observé au cours des 20 dernières années a bien montré que leurs avantages sont techniques, économiques et environnementaux. L’un des principaux avantages techniques est lié à la capacité du matériau à atténuer la remontée de fissures, ce qui prolonge la durée de la chaussée remise en état. De plus, le recyclage et la remise en état en place offrent d’importants avantages environnementaux, car ils sous-tendent la réutilisation de tous les matériaux, permettant ainsi de préserver les agrégats et le bitume. Puisque cette technique se fait en place, à froid, la consommation d’énergie est réduite et, par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre diminuent. Il a été signalé que l’énergie nécessaire pour produire des matériaux recyclés en place à froid était de 25 à 35 % inférieure à l’énergie requise pour la production de matériaux bitumineux vierges à chaud classiques, selon le processus de recyclage ou de remise en état utilisé. Les effets sur les émissions de gaz à effet de serre seraient du même ordre1. Par conséquent, les technologies de recyclage en place continuent de gagner en popularité auprès des organismes du secteur des transports routiers du Canada. 2.2.4.3 Recyclage en centrale des enrobés à froid Le recyclage en centrale des enrobés à froid constitue essentiellement le même procédé que les techniques réalisées en place, mais il est mené à un seul endroit. L’enrobé recyclé peut provenir de fraisats récents ou d’anciens stocks. Les matériaux recyclés peuvent être replacés sur la chaussée d’origine. Ce processus peut servir lorsque l’utilisation efficace du procédé en place n’est pas possible, notamment dans de petits chantiers ou en milieu urbain confiné en présence d’obstructions (trous d’homme, tabernacles, géométrie variable, etc.) Le rendement de ce processus et ses avantages connexes sont étroitement liés à ceux du recyclage en place des enrobés à froid sur le plan technique, économique et environnemental. En outre, les économies d’énergie et les diminutions des émissions de gaz à effet de serre en ce qui concerne le transport demeurent considérables comparativement aux matériaux bitumineux vierges à chaud classiques. Ces réductions pourraient atteindre de 40 à 50 %. 2.2.4.4 Gravois de béton de démolition Le recyclage du béton de démolition sous ses différentes formes représente d’intéressantes possibilités. Il s’agit d’un agrégat dense de qualité supérieure, lié par une pâte de ciment. Le béton de démolition est produit, comme son nom l’indique, à la suite de la démolition d’éléments 6 de route ou de structure en béton de ciment au cours de leur reconstruction, de travaux d’excavation ou d’opérations de démolition. Le nombre de lieux d’enfouissement est à la baisse; de même, le volume et la taille maximale des déchets sont de plus en plus limités. Par conséquent, le coût de rejet des bétons de démolition a nettement augmenté. En outre, les préoccupations croissantes à l’égard des effets de l’extraction d’agrégats sur l’environnement ont entraîné une diminution du nombre de sites d’extraction, alors que la demande d’agrégat ne cesse d’augmenter. Cette situation a grandement encouragé la mise au point de techniques de traitement du béton de démolition et la réutilisation des gravois. Il y a maintenant des installations de traitement des gravois de béton dans toutes les villes de moyenne et de grande taille, même si l’on trouve de l’agrégat vierge dans la région. Dans de nombreux secteurs, les gravois proviennent de murets de béton, de trottoirs et de routes d’accès existants, renforcés ou non. Une fois traités, les gravois ressemblent à de la pierre de substratum extraite d’une carrière, à l’exception de l’armature du béton. Les systèmes de concassage actuel, grâce à leurs trieurs magnétiques, sont capables de retirer la majeure partie de l’armature sans trop de difficulté. L’acier est extrait puis vendu en vue de son recyclage. Les gravois peuvent être utilisés comme agrégat de fondation traité au ciment ou de béton maigre, granulat de béton, agrégat pour remblai fluidifiable ou granulat bitumineux. Il peut également servir de matériel de remplissage sur terre ou sur l’eau, de matériel de protection des rives, panier gabion ou agrégat granulaire pour des fondations ou remblais de caniveaux. Les avantages environnementaux de ce processus sont importants, notamment dans des endroits éloignés où l’agrégat vierge est rare. 2.2.4.5 Fragmentation par résonnance La fragmentation par résonnance est une technique précisément mise au point pour le traitement en place de revêtement de béton détérioré, plutôt qu’à l’extérieur du chantier. Elle consiste en la fracturation du béton en petits éléments mesurant de 50 à 150 mm pour assurer que les joints, les fissures et autres défauts du béton ne se reflètent pas dans les resurfaçages et ne limitent pas le rendement. À l’instar d’autres techniques de traitement en place, on évalue l’énergie nécessaire à la fragmentation du revêtement de béton par résonnance à quelque 1,2 litre de diesel par tonne de matériel2. L’efficacité environnementale de cette technique est attribuable au fait qu’elle est effectuée à froid, en place, et qu’il s’agit de recyclage. En outre, il n’est pas nécessaire d’ajouter de liant ni de liant régénérant. Le béton fragmenté par résonnance sert de nouvelle fondation granulaire, qui aurait autrement été produite hors chantier, transportée puis mise en place. 2.3.5 Réutilisation de déchets et de sous-produits d’autres industries L’industrie de la construction routière a des besoins en matériaux très divers pour la construction, la remise en état et l’entretien des routes. Des techniques ont été élaborées en vue de transformer les déchets et les sous-produits d’autres industries en matériaux routiers. Certaines techniques sont maintenant acceptées par les organismes du secteur des transports routiers, mais, en règle générale, cette pratique demeure limitée. Voici les principales techniques de transformation des déchets et des sous-produits utilisées en Europe et en Amérique du Nord : – – – – – – – Produits de revêtement contenant du caoutchouc granulaire provenant de pneus usés Produits de surface contenant des déchets de miroirs en verre Murs antibruit à base de déchets ligneux Couche de base préparée à partir de pneus déchiquetés Enrobés modifiés par fibres à partir de particules de bardeaux du fabricant Enrobés produits à partir de matériaux fins de centrales thermiques Scories de l’industrie sidérurgique 7 Nous présentons les principales techniques utilisées en Europe et en Amérique du Nord dans les sections suivantes. 2.3.5.1 Caoutchouc granulaire provenant de pneus usés14 Chaque année, près de 300 millions de pneus usés sont mis au rebut au Canada et aux ÉtatsUnis. Selon la Rubber Asphalt Association des États-Unis, 80 % des pneus usés sont réutilisés ou recyclés, et l’industrie de la construction routière y contribue grandement dans de nombreux secteurs. C’est en Arizona, dans les années 1960, que le caoutchouc granulaire provenant de pneus usés a commencé à être utilisé dans les produits de revêtement. Depuis, plusieurs techniques ont été mises au point. Le caoutchouc granulaire est utilisé dans les produits de scellement des fissures et des joints, comme liant de revêtement superficiel, de couche de découplage et de membrane ainsi que d’enrobés à chaud à haute densité, à granulométrie discontinue et ouverts. Le caoutchouc granulaire modifie le liant routier par différentes techniques, y compris des variations des voies humide et sèche, selon que le caoutchouc granulaire est d’abord mélangé au liant ou au granulat. Les liants modifiés au caoutchouc granulaire contiennent parfois d’autres additifs ou agents modificateurs, notamment le polymère, des diluants et des huiles aromatiques, pour améliorer le rendement. Les avantages du recyclage des pneus usés pour l’environnement sont importants. Dans les enrobés à chaud, la consommation de caoutchouc granulaire s’élève à environ deux pneus par tonne et, dans les revêtements superficiels, à quelque 300 pneus par kilomètre de chaussée. En plus des bienfaits du recyclage, les enrobés à chaud contenant du caoutchouc granulaire sont souvent utilisés pour un attribut unique qui a aussi un lien avec l’environnement : la réduction du bruit de roulement. 2.3.5.2 Bardeaux15,16 L’industrie nord-américaine des bardeaux d’asphalte produit un million de tonnes de particules de bardeaux. Environ 20 % sont transformés en matériaux routiers, et ne prennent pas la route des sites d’enfouissement. Le bardeau d’asphalte est composé de liant, de cellulose ou de fibre de verre, de granulés et de charge minérale. Toutes ces composantes sont utilisées dans les matériaux routiers. Les particules produites par les fabricants de bardeaux consistent souvent en des pattes de bardeau, des morceaux décolorés, des bardeaux endommagés, le début et la fin du rouleau, etc. Comme les autres formes de recyclage dans l’industrie, l’utilisation de particules de bardeaux dans les matériaux routiers contribue à réduire les effets négatifs sur l’environnement attribuables à l’excavation, au transport et au traitement des matériaux vierges. Plusieurs organismes d’État, notamment au Minnesota, au New Jersey et en Caroline du Nord, permettent l’utilisation de particules de bardeaux dans leurs spécifications d’enrobés à chaud. 2.4 Bruit et sécurité L’industrie de la construction routière a à cœur la sécurité routière et la réduction du bruit de roulement; c’est pourquoi elle a développé des produits innovateurs dans ce domaine. Plusieurs produits ont été mis au point en vue de réduire les distances de freinage de 40 % ou le bruit de roulement de 9 dB(A). Nous présentons ci-dessous quelques-uns de ces produits. 2.4.1 Systèmes de surfaçage à friction élevée Colgrip® est un système de surfaçage à haute adhérence qui vise à réduire les accidents dans les zones dangereuses. Il est présenté comme un produit de sécurité routière plutôt que comme un produit de pavage. Il permet une réduction de 30 % des distances de freinage sur chaussée mouillée comparativement aux systèmes de surfaçage classiques17. Il s’agit d’un revêtement superficiel composé de résine époxy et de granulat ayant un coefficient de polissage accéléré (CPA) de plus de 60 provenant de l’industrie de l’aluminium : la bauxite calcinée. Il a été établi que le capital investi peut être récupéré en une année si l’on tient compte des réductions des coûts d’assurance indirecte attribuables aux accidents. Ce système est utilisé au Royaume-Uni 8 depuis de nombreuses années, et le taux d’accidents y est le plus faible du monde. Colas S.A. a élaboré un autre système de surfaçage à friction élevée, Colmat H A® (haute adhérence)18. Il s’agit d’un système de micro-surfaçage composé de sable de broyage et de granulés ayant un CPA très élevé. Toute comme Colgrip®, Colmat HA est un produit de sécurité routière. 2.4.2 Systèmes de revêtements silencieux L’industrie de la construction routière a mis au point une vaste gamme de systèmes de revêtements silencieux, notamment des systèmes à base de caoutchouc granulaire provenant de pneus recyclés14, d’un mélange d’agrégats de petit calibre nominal maximal et d’enrobés drainants. Colas S.A. a créé le produit Colsoft®, qui incorpore du caoutchouc granulaire (voie humide)19. Colas S.A. a également élaboré la dernière génération de revêtements silencieux de 20 granulité 4,0 mm : Nanosoft®. Des mesures ont montré une réduction du bruit de roulement de 9,2 dB(A) par rapport aux enrobés à chaud standard certifiés ISO 11819-121. 3.0 Initiatives d’éco-étiquetage Plusieurs initiatives d’éco-étiquetage sont en cours au Canada et aux États-Unis en vue de promouvoir la durabilité des projets routiers. Ces initiatives visent toutes à préserver les ressources naturelles et l’environnement tout en améliorant la qualité de vie. En tant que tel, l’éco-étiquetage est lié à une cote obtenue par un projet routier qui reflète la mesure dans laquelle le projet incorpore des options durables. L’éco-étiquetage offre un cadre qui encourage l’innovation en durabilité de la conception des routes, des matériaux de chaussée et des pratiques sur le terrain. Pour les besoins du programme de certification GreenLITES de l’État de New York, « durabilité » est décrit comme une méthode appliquée aux projets routiers qui : – – – – – – encourage la participation du public dans la planification des routes; protège et améliore l’environnement; conserve l’énergie et les richesses naturelles; préserve ou améliore les caractéristiques historiques, pittoresques et esthétiques de l’endroit où le projet aura lieu; intègre la croissance intelligente et d’autres pratiques de saine utilisation des terres; encourage de nouvelles démarches innovatrices en conception durable. Le concept d’éco-étiquetage n’est pas nouveau. L’industrie du bâtiment utilise un système d’évaluation similaire, Leadership in Energy and Environmental Design (LEED), depuis le milieu des années 199023. Le système de certification LEED a eu des effets importants et a permis d’améliorer la durabilité globale des bâtiments. Les initiatives d’éco-étiquetage des routes ont plusieurs points communs avec le système LEED : il s’agit de systèmes de pointage fondés sur des critères d’évaluation liés aux options de durabilité choisies dans diverses catégories. Ainsi, les systèmes de routes vertes accordent des points à des projets et leur octroient une certification selon une échelle de niveaux de plus en plus exigeants. Tout comme LEED, les concepts d’écoétiquetage pour les routes visent à mieux intégrer les principes de la durabilité en : – – reconnaissant les méthodes et les pratiques durables que les projets routiers incorporent et en les faisant connaître; élargissant l’utilisation d’autres solutions innovatrices pouvant améliorer la durabilité. Voici les initiatives en cours au Canada et aux États-Unis : – – – Programme Green Roads de l’Université de Washington pour le département des Transports de l’État de Washington24 Initiative GreenLITES (Leadership In Transportation and Environmental Sustainability) du département des Transports de l’État de New York Groupe de travail sur le Guide vert pour les routes de l’Association des transports du 25 Canada 9 Il existe d’autres initiatives environnementales importantes qui ne sont pas liées à l’écoétiquetage, mais qui encouragent néanmoins l’innovation à ce chapitre : le Green Highways Partnership26 des États-Unis et l’initiative de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la Colombie-Britannique. Le Green Highways Partnership est un forum d’échange volontaire qui soutient les activités de collaboration visant à mettre en évidence les bonnes pratiques environnementales et à encourager l’innovation, tout en abordant les exigences fondamentales des infrastructures routières. Le programme de la Colombie-Britannique est précisément conçu pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de la construction routière. 4.0 Résumé et conclusions Comme nous l’avons montré dans le présent article, de nombreuses initiatives sont en cours au Canada et ailleurs en vue de mettre au point des matériaux routiers et des systèmes de revêtement innovateurs qui offrent une durabilité accrue. Bon nombre des produits que nous avons présentés ont été élaborés au cours des cinq dernières années dans le but de promouvoir la durabilité des projets routiers afin de conserver les ressources et de préserver l’environnement. Par conséquent, les avancées technologiques continuent de viser la réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation de ressources renouvelables et le recyclage. En outre, des systèmes de revêtement plus sûrs et plus silencieux sont créés dans la même optique de durabilité et d’accroissement de la qualité de vie connexe. Les concepts de durabilité sont maintenant des paramètres techniques dans la prise de décisions à l’égard de projets routiers. Les systèmes d’éco-étiquetage visent à établir un barème de comparaison pour reconnaître les pratiques exemplaires tout en encourageant l’innovation au chapitre de la durabilité. Ces systèmes offrent également le cadre nécessaire pour trier les paramètres techniques qui influent sur la durabilité tout en tenant compte de la fonctionnalité des infrastructures routières. 10 Références [1] Chappat M, Bilal J. “The Environmental Road of the Future: Life Cycle Analysis” Colas SA, Paris,(2003). 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