LA GONARTHROSE

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LA GONARTHROSE
ED intégré Neuro Sciences Appareil Locomoteur
Hôpital Roger Salengro
CHRU de Lille
Professeur Ph. LAFFARGUE
LA GONARTHROSE
En raison de la grande diversité des pathologies, le diagnostic d'un genou douloureux présente des
difficultés très variables. La gonarthrose est de loin l'étiologie la plus fréquente d'une douleur du genou
après 50 ans. Son diagnostic est avant tout fondé sur un interrogatoire minutieux, un bon examen du
genou et une lecture attentive des radiographies standards.
L'arthrose du genou est la cause la plus fréquente de douleur du genou après 50 ans. Elle peut se
définir comme un amincissement de l'interligne fémoro-tibiale ou fémoro-patellaire, associé à une
ostéophytose marginale tibiale ou fémorale et accessoirement à une ostéosclérose. La gonarthrose est la
plus fréquente des arthroses (3 fois plus fréquente que la coxarthrose). Elle est bilatérale dans 2/3 des
cas. Dans ¾ des cas, il s'agit d'une atteinte fémoro-tibiale interne. L'atteinte est bi-compartimentale,
fémoro-tibiale interne et fémoro-patellaire dans 15 à 20 % des cas. L'âge moyen de survenue des
douleurs chroniques est d'environ 65 ans.
La gonarthrose résulte en premier lieu d'un problème mécanique (déformation fémoro-tibiale,
séquelles traumatiques...) mais comporte aussi des altérations biochimiques du cartilage modifiant ses
propriétés mécaniques.
Les principaux facteurs de risque intervenant dans la génèse de la gonarthrose sont :
- l'obésité,
- les facteurs traumatiques : lésion méniscale, rupture du ligament croisé antérieur, fracture
articulaire,
- l'activité sportive, le surmenage professionnel,
- les troubles statiques : déviation axiale, sub-luxation externe de la rotule.
I - RAPPEL D'ANATOMIE FONCTIONNELLE
L'axe mécanique du membre inférieur, joignant le centre de la tête fémorale et le milieu de
l'articulation tibio-tarsienne, passe presque au milieu du genou, sur l'épine tibiale externe. Chez le sujet
normal, en station bipodale, le poids du corps s'exerce selon l'axe des membres inférieurs et la pression
se répartit également entre chaque plateau tibial, interne et externe. En station unipodale, la ligne de
charge passe en dedans du centre du genou, ce qui entraîne une surcharge fonctionnelle du
compartiment interne.
En cas de genu varum, l'axe mécanique du membre inférieur passe en dedans de l'axe mécanique
physiologique. Le plus souvent, cette déformation est primitive, d'origine tibiale, provenant d'une
dystrophie tibiale métaphysaire interne. Le genu varum est parfois secondaire : cal vicieux fémoral ou
tibial, fracture-tassement du plateau tibial, coxa vara. Le genu varum expose à l'arthrose fémoro-tibiale
interne par augmentation des contraintes mécaniques à ce niveau.
Dans le cas du genu valgum, l'axe mécanique du membre inférieur passe en dehors de l'axe
mécanique physiologique. Le genu valgum est le plus souvent d'origine idiopathique et constitutionnelle,
en particulier chez la femme, par l'hypoplasie du condyle fémoral externe. Il peut également être
secondaire à un cal vicieux, à une fracture-tassement du plateau tibial externe ou à une coxa-valga. Il
expose à l'arthrose fémoro-tibiale externe.
Parmi les autres causes exposant à l'arthrose du genou, citons les cals vicieux rotatoires du fémur,
les laxités chroniques antérieures du genou.
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II - SIGNES CLINIQUES
Le début est souvent progressif.
1. Signes fonctionnels
- la douleur :
* localisation : interne ou antéro-latérale, externe, plus rarement postérieure, elle peut irradier dans
la jambe.
* caractère mécanique, favorisé par la marche, le terrain accidenté, les escaliers, les positions
assises prolongées et le changement de la position assise à la position debout.
- parfois sensation de dérobement,
- parfois sensation de craquement,
- boiterie,
- amyotrophie quadricipitale.
2. Examen clinique :
- à la phase de début, aspect normal du genou avec mobilité conservée,
- au stade d'état :
* augmentation de volume du genou par l'épanchement, la présence de panicule adipeux périrotulien ou encore l'hypertrophie des extrémités osseuses dans les gonarthroses évoluées,
* limitation des amplitudes articulaires : limitation de la flexion et perte de l'extension complète
(flessum),
* point douloureux à la pression de l'interligne externe,
* mouvement de latéralité, reflet de l'usure ostéo-cartilagineuse, parfois masqué par une
rétraction ligamentaire dans la concavité ou majoré par une distension des formations ligamentaires de la
convexité.
- examen du morphotype : genu varum qui déforme les jambes en O ou genu valgum qui déforme
les jambes en X.
- signes d'arthrose fémoro-patellaire associés : douleur à la percussion de la rotule, toucher rotulien
douloureux, signe du rabot.
III - LES SIGNES RADIOLOGIQUES
Le bilan standard comprend des radiographies du genou de face et de profil en charge, en schuss
et en incidence fémoro-patellaire à 30, 60 et 90° de flexion, complétées par une goniométrie (ou
pangonogramme).
Les signes radiographiques sont le pincement articulaire, la condensation osseuse sous-chondrale,
les ostéophytes, au bord du condyle et du plateau tibial ou encore au niveau des épines tibiales.
Dans les gonarthroses évoluées, on peut observer en particulier sur le profil, un enfoncement
cupuliforme du plateau tibial. On peut également observer sur la radiographie de face dans ses formes
évoluées, une sub-luxation du tibia en dehors.
La goniométrie permet de mesurer l'axe mécanique des membres inférieurs et de rechercher une
déviation axiale en genu varum ou en genu valgum.
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IV - EVOLUTION
L'évolution spontanée est variable. Elle se fait le plus souvent par poussées inflammatoires de
quelques semaines ou mois qui conduisent progressivement à une aggravation fonctionnelle avec
augmentation de la déviation frontale, apparition d'un flessum permanent.
Notons que l'évolution de l'arthrose fémoro-tibiale externe est plus lente que celle de l'arthrose
fémoro-tibiale interne.
V - FORMES ETIOLOGIQUES
1°) Formes secondaires à une altération d'un élément articulaire :
- chondromalacie rotulienne, elle survient chez le sujet jeune et se caractérise anatomiquement par
des fissurations ou par un oedème localisé du cartilage. Elle se traduit cliniquement par un syndrome
rotulien et peut conduire à long terme à une arthrose fémoro-patellaire.
- ostéochondrite disséquante,
- ostéonécrose du condyle interne,
- séquelle de traumatisme : fracture articulaire (rotule, plateau tibial ou condyle), entorse grave (en
particulier rupture ancienne du ligament croisé antérieur), lésion traumatique des ménisques.
2°) Formes secondaires à une déviation frontale du genou :
- genu varum,
- genu valgum.
3°) Formes secondaires à une déviation sagittale du genou :
- genu flessum (secondaire à un flessum de hanche, à des séquelles traumatiques ou à une arthrite
ancienne).
4°) Formes secondaires à un trouble statique fémoro-patellaire :
- luxation ou sub-luxation permanente de la rotule : rare,
- luxation récidivante ou sub-luxation récidivante de la rotule : caractérisée par un syndrome
rotulien, en particulier chez la jeune fille ou la jeune femme responsable de douleur, d'épisodes de
dérobement et de pseudo-blocages et conduisant à plus ou moins terme à une arthrose fémoro-patellaire,
- syndrome d'hyper-pression externe.
VI - DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
1°) Les "faux" genoux douloureux :
- douleur d'origine rachidienne,
- coxopathie.
2°) Les douleurs du genou d'origine non articulaire :
- tendinite,
- bursite.
3°) Les autres douleurs du genou :
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- chez l'adulte jeune :
* pathologie fémoro-patellaire, chez la fille,
* pathologie méniscale plus fréquente chez le garçon,
* replis synoviaux,
* ostéochondrite et apophysite,
* arthrite infectieuse et rhumatismale,
* synovite villo-nodulaire,
* pathologie tumorale osseuse ou ostéo-articulaire.
- chez le sujet âgé :
* arthrite micro-cristalline,
* ostéonécrose du condyle interne,
* fracture de contrainte du plateau tibial,
* arthrite infectieuse et rhumatismale.
VII - TRAITEMENT DE LA GONARTHROSE
1°) Méthodes thérapeutiques
1) Traitement médical :
a) Règles d'hygiène :
- réduction de la surcharge pondérale,
- conseils de ménagement du genou.
b) Rééducation :
- renforcement du quadriceps, du hauban externe
- lutte contre le flessum et entretien des amplitudes articulaires.
c) Traitements médicaux :
- antalgiques,
- anti-inflammatoires,
- chondro-protecteurs,
- Synvisc.
2) Traitement chirurgical :
a) Traitement arthroscopique : l'arthroscopie permet de pratiquer un lavage articulaire et
une ablation de corps étranger libre ou pédiculé, de régulariser un ménisque, voire de réaliser des
perforations de Pridie.
b) Ostéotomie :
- ostéotomie de valgisation pour corriger un genu varum réalisée au niveau du
tibia. Deux modalités : ostéotomie tibiale d'ouverture interne ou ostéotomie tibiale de fermeture externe.
- ostéotomie de varisation pour corriger un genu valgum, le plus souvent de siège
fémoral par fermeture métaphysaire interne.
c) Les arthroplasties :
- prothèse uni-compartimentale interne ou externe,
- prothèse fémoro-patellaire,
- prothèse à charnière d'indication devenue rare, prothèse à pivot rotatoire,
- prothèse tri-compartimentale à glissement :
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* avec ou sans conservation du ligament croisé postérieur,
* cimentée ou non cimentée,
* avec ou sans resurfaçage de la rotule.
d) Complications les plus fréquentes de la chirurgie prothétique du genou :
- thrombo-phlébite, voire embolie pulmonaire, voire décès,
- hématome,
- nécrose cutanée,
- infection sur prothèse de genou par contamination per-opératoire ou
hématogène (foyer urinaire, digestif, dentaire, cutané ou pulmonaire),
- complication rotulienne :
* raideur du genou,
* descellement prothétique,
* usure d'un composant prothétique.
e) Méthodes chirurgicales spécifiques de l'arthrose fémoro-patellaire :
- Réaxation de l'appareil extenseur,
- Arthroplastie non prothétique (spongialisation ou arthroplastie au fascia lata),
- patellectomie partielle externe ou totale,
- arthroplastie prothétique fémoro-patellaire.
2°) Indications thérapeutiques
1) Stade de début : traitement médical et fonctionnel
2) Stade plus évolué
a) Gonarthrose primitive sans déviation axiale :
- arthroscopie de lavage,
- arthroplastie tri-compartimentale.
b) Gonarthrose sur déviation axiale :
- ostéotomie de valgisation ou de varisation,
- prothèse uni-compartimentale, voire prothèse tri-compartimentale.
c) Arthrose fémoro-patellaire :
- traitement fonctionnel par rééducation spécifique,
- réaxation-patellectomie externe,
- arthroplastie plutôt tri-compartimentale.
Le diagnostic d'une douleur du genou nécessite un bilan clinique précis avec un examen du genou
complet et une analyse des radiographies standards qui permettront dans la plupart des cas de conduire
à un diagnostic. Au delà de 50 ans, la gonarthrose est l'étiologie la plus fréquente. Quand le bilan clinique
est peu explicite et que les radiographies standards sont normales, le recours aux techniques d'imagerie
médicale (scintigraphie, tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique nucléaire) permettent
d'identifier plus aisément les autres étiologies. La part du traitement chirurgical dans le traitement des
gonarthroses reste prépondérante. Le bilan radiographique et la goniométrie sont essentiels pour pouvoir
proposer le cas échéant une ostéotomie de réaxation fémoro-tibiale, en cas de déviation axiale, à un
stade précoce et avant le stade de gonarthrose généralisée pour laquelle seule une solution prothétique
pourra être envisagée.
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