Si Mozart avait eu un ordinateur
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Si Mozart avait eu un ordinateur
SAMEDI 7 JUILLET 2012 L'EXPRESS-L’IMPARTIAL JEUX Bon anniversaire Ratchet ! SP Depuis dix ans, Ratchet et Clank, un petit robot futé, voyagent de planète en planète, venant en aide à qui en a besoin. PAGE 18 LE MAG ART ET TECHNIQUE Un Neuchâtelois aux Rencontres mondiales du logiciel libre de Genève. Si Mozart avait eu un ordinateur sont ancestraux. On essaie de mettre en évidence la continuité, et non la rupture, des liens entre musique et technique. LE CONTEXTE Mariage de raison pour les uns, liaison contre nature pour d’autres, le couple art et technologie est au cœur des Rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL) qui débutent ce soir à Genève. Le point de vue d’un musicien-informaticien neuchâtelois, Matthieu Amiguet. Vous voulez parler de la musique contemporaine, là? Non, bien avant! Prenez l’iPod. Il recèle toute une histoire qui passe par les CDS, les vinyles, remonte aux boîtes à musique et aux automates du temps de Jaquet-Droz. Beaucoup de courants musicaux prétendent à une rupture radicale avec le passé; ils ouvrent des portes, mais, privés de racines, ils ne durent généralement pas. On dispose de fantastiques moyens techniques, ce serait dommage de s’en priver, mais n’oublions pas leurs origines. CATHERINE FAVRE Du baroque au rock, Matthieu Amiguet traverse tous les univers avec ses multiples flûtes mâtinées d’électronique. DAVID MARCHON nève jusqu’au 12 juillet. Destiné notamment aux acteurs des arts numériques, ce rendez-vous est prolongé par un festival de performances tout public. Entretien avec Matthieu Amiguet, électron libre de la scène artistique, 38 ans au compteur et un triple cursus de mathématicien, informaticien et musicien. Un logiciel libre, c’est quoi? Contrairement aux logiciels standards, on peut ouvrir le ca- L’iPod recèle toute une «histoire qui remonte aux boîtes à musique et aux automates du temps de Jaquet-Droz.» ARTISTES EN MOTS ET EN IMAGES MATTHIEU AMIGUET MUSICIEN-INFORMATICIEN pot d’un programme libre, plonger les mains dans le cambouis pour le modifier, le transmettre, l’adapter… peu défrichés, c’est un outil génial qui nous permet d’arriver à un résultat sur mesure. Ce qui renvoie au débat – au serpent de mer – sur le copyright. C’est une façon de passer par-dessus les droits d’auteur? Non, logiciel libre ne signifie pas gratuité, mais liberté d’utilisation. Cette démarche engendre une dynamique nouvelle, un système communautaire de partage des connaissances, des savoirfaire. Dans ce sens, certains usagers y voient une alternative éthique aux impasses dans lesquelles s’enferre notre société, alors que d’autres utilisateurs mettent plutôt en avant l’adaptabilité de ces logiciels. Désormais, la musique assistée par ordinateur relève essentiellement d’un travail de technicien. Où réside encore la création artistique? Il y a une part technique, c’est sûr. On pourrait difficilement se lancer dans ce type de projets si aucun de nous n’était informaticien. Mais c’est toujours l’idée musicale qui prime. Partant de là, on élabore une sorte de cahier des charges pour l’ordinateur. Il ne faut pas que le travail technique soit visible pour le public. Sur scène, il n’y a que la musique qui compte, l’échange d’émotions, quels que soient les styles et les outils utilisés. Et pour vous? Pour nous qui aimons nous aventurer dans des domaines C’est dans les arts numériques que réside le plus grand potentiel d’innovation de la musique? BEAU LIVRE Une anthologie. Sculpteurs, peintres, photographes, s’expriment, bien sûr, à travers leur art, dans la pierre et le bronze, sur la toile et le papier. Au cours des siècles, maints artistes ont, en outre, pris la plume ou la parole pour commenter le geste créateur, justifier une démarche ou, plus près de nous, se forger une image médiatique. Ancrée dans la Renaissance, cette tradition s’est épanouie au 19e siècle avec C’est certainement une voie intéressante. Mais désormais la musique assistée par ordinateur est partout, y compris sur un disque de classique. Encore faut-il s’accorder sur la définition de «numérique», terme cantonné souvent à la musique électronique pure, exempte de tout son acoustique. Aux Chemins de traverse, on joue avec des instruments bien réels, certains mêmes l’émergence de la modernité, a cheminé jusqu’à l’époque contemporaine, où l’écrit s’est vu intégré au cœur même du travail plastique. Sous la direction de Jean Blanc, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Genève, «Paroles d’artistes» fait entendre la voix de 130 créateurs, depuis le peintre Cennino Cennini, un théoricien de l’art important, jusqu’à l’artiste conceptuelle Sophie Calle – «Disons que je suis une midinette La différence avec Jaquet-Droz, c’est qu’aujourd’hui l’ordinateur permet à chacun de s’improviser musicien et compositeur? Cette démocratisation de la musique est une belle chose, même si elle relève un peu du mythe. C’est vrai, on peut être tenté de se plonger dans toutes les possibilités techniques qu’offre le numérique, on s’amuse soi-même, mais le résultat manque souvent d’intérêt. On ne peut faire l’impasse sur un travail musical extrêmement exigeant, et seule une remise en question perpétuelle permet de ne pas perdre de vue le sens artistique de la démarche. Sinon, on risque de tomber dans quelque chose d’aride. REPÈRES ART NUMÉRIQUE Genre artistique à part entière utilisant les spécificités du langage numérique dans différents domaines de création. RMLL Après Strasbourg en 2011, Bordeaux en 2010, Genève accueille les Rencontres mondiales du logiciel libre et le Festival des arts numériques, du 7 au 12 juillet. Voir: http: //2012.rmll.info/ LES CHEMINS DE TRAVERSE Concert «Crossings», salle communale de Plainpalais, Genève, ce soir, 18h; conférence de Matthieu Amiguet, «La face cachée d’un concert», Uni Mail, lundi, 17h20, www.lescheminsdetraverse.net/ conceptuelle, ou une conceptuelle midinette» – en passant par Delacroix, Warhol, Kosuth (photos)... Journaux intimes, manifestes, interviews, traités, autobiographies, correspondances, entre autres formes, composent cette polyphonie de pratiques et d’idées, somptueusement illustrée. DBO + «Paroles d’artistes», sous la direction de Jean Blanc, éd. Citadelles et ● Mazenod, 2012; 504 p. sous coffret illustré. Prix: 219 euros. SP Ça sonne, résonne, chuinte, siffle avec des fulgurances baroques et rock, dans le minuscule local d’une vieille bâtisse de la rue du Tertre, à Neuchâtel. Un jardinet sous serre en quelque sorte. C’est là que Matthieu Amiguet, musicien-informaticien, et Barbara Minder, flûtiste-pédagogue, élèvent toutes sortes d’espèces sonores en un enchevêtrement de tuyauteries à becs, à clés et à fils: des flûtes basses, kingma, scotariu, traversières, à coulisse, mâtinées d’électronique. Même les canettes en rang d’oignon sont converties à la cause «bierthovenienne». Avec leur ensemble Les Chemins de traverse, les deux artistes se produisent dans les lieux les plus divers, de la Case à chocs à des salles de concert ultra-classiques. Et visitent tous les répertoires. Vivaldi piqué par le «Still Loving You» de Scorpions, ça chatouille. Ce soir, les deux Neuchâtelois débarqueront avec tout leur barda aux Rencontres mondiales du logiciel libre, qui ont lieu à Ge-