Une décision de justice relance le débat sur le port du foulard à l

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Une décision de justice relance le débat sur le port du foulard à l
Une décision de justice relance le débat sur le port du foulard à l’école
Faut-il systématiquement interdire le port du foulard aux enseignantes musulmanes durant les
heures de cours ? Non, a tranché vendredi la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe,
invalidant une décision de justice datant de 2003. Aux yeux des juges, une interdiction globale
contrevient à la liberté de religion des femmes. L’arrêt fait couler beaucoup d’encre en
Allemagne.
Dans leur décision, forte de 55 pages, les juges expliquent qu’une école publique ouverte aux
différentes confessions a pour mission de transmettre aux élèves la tolérance à l’égard
d’autres religions ou orientations philosophiques. « Or, cet idéal doit aussi pouvoir être
concrètement vécu », ajoutent-ils. Cela inclut donc le port d’une kippa, d’une croix ou d’un
habit de religieuse par les enseignant(e)s. Les juges ajoutent que, contrairement au crucifix
accroché au mur de la salle de classe, le vêtement de l’enseignant ne remet pas en cause la
neutralité de l’État en matière de religion.
Pas d’interdiction globale
Au nom de la liberté, l’arrêt juge donc inconstitutionnelle la prohibition systématique de
signes religieux. L’État ne peut, en effet, pas préjuger des motifs pour lesquels l’enseignante
porte ce foulard, arguent les juges. Il ne peut donc en aucun cas supposer qu’elle entend ainsi
s’opposer à la Loi fondamentale, à l’État de droit ou à la démocratie.
Le Cour constitutionnelle ne ferme toutefois pas la porte à une interdiction plus
circonstanciée. L’arrêt accorde, en effet, le droit aux établissements scolaire d’interdire le port
de signes religieux aux enseignants lorsque la paix au sein de l’école est menacée.
Réactions divergentes
Parmi les Länder, qui sont compétents en Allemagne en matière religieuse, certains ont déjà
réagi. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Bade-Wurtemberg et Berlin réfléchissent à une
réforme législative. Après la décision de 2003, en effet, les Länder ouest-allemands avaient
décidé dans leur presque totalité d’interdire le port du foulard aux enseignantes. À Berlin, la
mesure concerne même l’ensemble de la fonction publique.
La décision des juges ne clôt toutefois le débat, au contraire. Les associations musulmanes ont
salué une décision qui « montre que le foulard ne menace pas en lui-même la paix à l’école »,
selon Nurhan Soykan, secrétaire générale du Conseil central des musulmans d’Allemagne
(ZMD).
« La levée de l’interdiction générale rétablit la normalité », là où l’interdiction sous-entendait
que le port d’un foulard était nécessairement un signe de soumission de la femme, a renchéri
l’islamologue Mouhanad Khorchide. « On ne peut pas interdire aux musulmans quelque
chose qui est important à leurs yeux et, dans le même temps, exiger d’eux qu’ils s’identifient
sans réserve à la société allemande », ajoute-t-il.
Cette décision est « bonne et elle était urgente », a estimé de son côté la députée des Verts,
Katja Dörner. L’interdiction globale contribuait, à ses yeux, à « nourrir les ressentiments ».
Conflits à venir dans les écoles ?
D’autres personnalités, en revanche, s’inquiètent, notamment d’une recrudescence des conflits
au sein des établissements. Le problème se voit renvoyé au niveau des écoles, or les critères
permettant aux directeurs décider si la paix de l’établissement est menacée sont totalement
flous, regrette le responsable chrétien-démocrate Wolfgang Bosbach.
À une exception près, les syndicats de l’éducation ont d’ailleurs ouvertement critiqué la
décision pour le même motif. Certains directeurs d’écoles redoutent que l’arrêt ne complique,
en outre, considérablement leur travail. Si des parents de différentes classes refusent, par
exemple, de confier leurs enfants à une enseignante qui porte le foulard, il faudra revoir en
profondeur la composition des classes et cela aboutira à un imbroglio.
Parmi les opposants, beaucoup critiquent aussi la décision avec des arguments plus politiques.
Ils rappellent que l’islam n’impose pas le port du foulard, et que nombreuses sont les femmes
musulmanes qui enseignent en Allemagne tête nue. Selon eux, le port du foulard doit être
interdit car il est le signe d’un islam politique.
A.L.