presentation clinique et radiologique de la lombalgie chronique en
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ARTICLE ORIGINAL PRESENTATION CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE EN CONSULTATION HOSPITALIERE A DOUALACAMEROUN Doualla Marie Solange1, 2 ; LumaN. Henry1, 2 ; EricW.Pefura Yone1, 3,Adamou D. Balkissou1, 3, Tchaleu N. Benjamin1, 2 ; Motah Mathieu 1,2; Ngandeu S. Madeleine1 1 Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales Yaoundé ;2 Hôpital Général de Douala :3 Hôpital Jamot de Yaoundé. RESUME : But : La lombalgie chronique (LC) est une pathologie fréquente qui constitue le premier motif de consultation en Rhumatologie. Le but de ce travail était de décrire le mode de présentation et les principales étiologies des lombalgies chroniques dans un centre hospitalier de Douala. Méthode :Il s’agissait d’une étude transversale descriptive sur une période de 10 mois, du 1er janvier au 31 octobre 2009, de sujets adultes vus en consultation externe de rhumatologie et de neurochirurgie pour douleur de la région lombaire évoluant depuis plus de trois mois ;Résultats :Sur un total de 212 patients ayant consulté pour douleur de la région lombaire au cours de la période d’étude, 197 (92,9%) avaient une lombalgie chronique. L’âge moyen était de 54(±14)ans, 138 (70,1%) étaient de sexe féminin. Les causes de lombalgies chroniques retrouvées étaient la discopathie dégénérative (73,1%), la hernie discale (21,8%), la spondylodiscite infectieuse (3%), les cancers (1,5%) et la spondylarthrite ankylosante (0,5%). Conclusion : L’atteinte dégénérative discale est la cause la plus fréquente des lombalgies chroniques à Douala. Les infections et les cancers sont moins souvent rencontrés. Mots clés : lombalgie chronique ; discopathie ; hernie discale SUMMARY: Aim:Chroniclow back pain (CLP) is a commonpathology and the mostfrequentpresenting complaint in rheumatologyclinic. Our aimwas to describe the presentation and the main aetiologies of CLP in a hospital setting in Douala. Method:Wecarried out a descriptive cross-sectionalstudy over a period of 10months fromJanuary 1st to October 31st 2009, on adult patients seenat the rheumatology and neurosurgery out-patient clinics for pain in the lumbarregion lasting atleast 3 months. Results:From a total of 212 patients seenduring the studyperiod, 197 (92.9%) had CLP. The meanagewas 54 (±14) years, 138 (70.1%) werefemale. The aetiologies of CLP included: degenerativedisc disease (73.1%), spinal disc herniation (21.8%), infectiousspondylodiscitis (3%), cancers (1.5%) and ankylosingspondylitis(0.5%). Conclusion:Degenerative disc diseaseis the mostcommon cause of CLP in Douala. Infectious causes and cancers are uncommon Adresse pour correspondance et tiré à part : Dr Doualla Marie Solange. P 4856 Hôpital Général Douala- Cameroun. M S Doualla et al Email : [email protected] 99951513 . J AfrImagMéd 2013; (5),2: 83-88 81 INTRODUCTION : Les lombalgies constituent un motif fréquent de consultation en rhumatologie et pose un réel problème de santé publique dans les pays développés. Sur une période de six mois, environ un quart d’adultes consultent pour ce motif. La prévalence cumulée de la lombalgie en France est de 70% et leur incidence annuelle de 5 à 10% [1,2]. Elles entrainent des coûts directs et indirects importants, tant pour les patients que pour le monde du travail et la société. En Afrique, la lombalgie constitue le premier motif de consultation rhumatologique avec une prévalence de 35,34% au Togo [3]. L’épidémiologie reste très peu connue au Cameroun, nous nous sommes proposé deréaliser cette étude dontles objectifs étaient de décrire les caractéristiques démographiques et cliniques des malades présentant une lombalgie chronique et d’en décrire le mode de présentation et les principales causes à l’Hôpital Général de Douala (HGD). PATIENTS ET METHODE: Lasègue) ; la présence d’une sciatique définie par une douleur irradiant au-delà du genou;des signes de souffrance des articulations sacro-iliaques (douleur à la manœuvre du trépied en décubitus ventral sur un plan dur). Les diagnostics étiologiques étaient faitssur une base radio-clinique comportant : lombalgie commune(LC), lombo-radiculalgie par conflit disco radiculaire (CDR) et par canal lombaire rétréci(CLR),lombalgies secondaires infectieuses ou tumorales. La biopsie en vue d’un examen anatomopathologique n’a pas été réalisée. Sur le plan biologique, en respect des recommandations de l’ANAES [1],la vitesse de sédimentation (VS) marqueur de l’inflammation n’a pas été systématiquement demandée. L’imagerie standardcomportait la réalisation d’une radiographie du rachis lombaire incidences dorso-lombo-pelvi trochantérien de De SEZE, de profil en charge et trois quart, et /ou une tomodensitométrie.Nous recherchions : de discopathie, d’une hernie discale,d’une arthrose inter apophysairepostérieure(AIAP), un listhésis dégénératif ou une mesure du canal rachidien.La saccoradiculographie par injection sous arachnoïdienne d'un produit iodé recherchait les signes en faveur d’un rétrécissement fonctionnel du canal lombaire.Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS version 13.0 ; les résultats sont présentés sous forme de moyenne et déviations standard pour les variables continues et en fréquences et pourcentages pour les variables catégorielles. Il s’agissait d’une étude descriptive et transversale qui s’est déroulée dans les services de Rhumatologie et de Neurochirurgie de l’HGD, du 1er janvier au 31 octobre 2009 (10 mois). Après l’obtention de la clairance du comité d’éthique institutionnel, nous avons procédé à un recrutement systématique et consécutif de tout patient venu consulter pour douleur de la région lombaire évoluant depuis plus de 3 mois et acceptant de RESULTATS : participer à l’étude.Etaient exclus, tout patientadmis à l’hôpital pour un traumatisme du rachis lombaire Sur une population de 583 patients reçus en récent et douleur lombaire évoluant depuis moins de consultation de rhumatologie au cours de la période 3 mois. L’interrogatoire recensait les renseignements d’étude, 212 souffraient de douleurs de la région démographiques et cliniques contributifs du patient. lombaire dont 197 depuis plus de trois mois. A l’examen clinique on recherchait : un trouble de la statique rachidienne (hyperlordose, une scoliose ou Caractéristiques démographiques, cliniques et une cyphose) ;une raideur rachidienne (test de étiologiques : Schobert Mc-Rae et la distance doigt sol (DDS)) ; J AfrImagMéd 2013; (5), 2: 83-88 des signes de conflit disco radiculaire (signe de 82 M S Doualla et al Cent quatre vingtdix septpatients lombalgiques chroniques ont été inclus ; l’âge moyen était de 53 ±14 ans ; 138 (70,1%) de notre population d’étude étaient des femmes;une parité supérieure à 3 chez 77,7% d’entre elles.La durée d’évolution de la lombalgie était supérieure à un an chez 121(61,4) patients (61,4%). Un antécédent de douleur lombaire était retrouvé chez 83,9% et une profession de travail de force dans 33,3% de cas.La douleur de la région lombaire était médiane dans 72 (36,6%), latéralisée dans 83 (42,1%),avait une irradiation radiculaire dans 42 (21,3%) de cas. L’horaire de la douleur était mécanique dans 92,1% et inflammatoire dans 9,9% des cas. Le mode d’installation était brutal avec une notion d’élément déclenchant dans 29,2% de cas et progressif dans 70,8%. Les facteurs aggravants étaient isolément ou en association : le port de charges(94,5%), la station debout prolongée (86,1%), la marche et la station assise prolongée (71,8 et 71,3% respectivement),la présence d’une impulsivité à la toux 22,8%. A l’examen physique,on retrouvait une obésité chez 40,1% de patients,une hyperlordose chez 20,8%, un indice de Schöber inférieur ou égal à 14cm (19cas, 9,6%) et le signe de Lasègue (21cas, 10,6%). Les étiologies étaient essentiellement dominées par les atteintes dégénératives dans 94,9% et les formes secondaires observées dans 5,1% (Tableau I). Aspects radiographiques : Sur les 197 radiographies réalisées, le pincement discal (105 cas, 53,3%) était le plus fréquent, suivide l’arthrose apophysaire postérieure (35cas, 17,8%), et du listhésis dégénératif (24cas, 12,1%). Un seul patient pouvait avoir une ou plusieurs anomalies radiologiques. La Tomodensitométrie réalisée chez 47 patientsrévélaitune hernie discale chez 43 cas. (Tableau II). Le rachis lombaire bas correspondant aux étages L4-L5 et L5-S1 sont les plus souvent concernés autant dans l’atteinte discale que celle zygapophysaire (Tableau III). Tableau I : Etiologies des lombalgies chroniques CAUSES DE LOMBALGIES CHRONIQUES Nombre (%) Lombalgies dégénératives Lombalgie commune Canal lombaire rétréci Hernie discale Lombalgies secondaires Spondylodiscite tuberculeuse Spondylodiscite à pyogènes Myélome multiple Métastase d’un cancer de la prostate Spondylarthrite axiale 187 (94,9) 82 (41,6) 62 (31,5) 43 (21,8) 10 (5,1) 4 (2) 2 (1) 2 (1) 1 (0,5) 1 (0,5) M S Doualla et al Tableau II : Aspects radiologiques de la lombalgie chronique J AfrImagMéd 2013; (5),2: 83-88 83 Examen Discopathie AAP Association Listhésis Autres n(%) n(%) discopathie n(%) n(%) AAP n(%) Radio n=197 105 (53,3) TDM n= 47 22(46,8) 35(17,8) 23 (11,7) 24(12,1) 10(5,0) 9 (19,2) 5 (10,6) 3(6,38) 8(17,0) Autres : spondylarthrite axiale ; métastases osseuses ; Myélome ; Spondylodiscite Tableau III : Etages atteints par les causes de lombalgies chroniques dégénératives (N=187) Etage Pincement AAP LC L CDR L CLR Total N=82 (%) 43 cas (%) 62 cas (%) 187 cas (%) L1 L2 6 (8,33) 0 4 (8,00) 10 (6,66) L2 L3 9 (12,50) 2 (8,33) 6 (12,00) 17 (11,33) L3 L4 24(33,33) 3 (12,50) 14 (28,00) 31 (20,66) L4 L5 34(47,22) 11 (45,83) 27 (54,00) 72 (48,00) L5 S1 30(41,66) 12 (50,00) 21 (42,00) 64 (42,66) L3 L4 1 (1,39) 0 8 (16,00) 9 (6,00) L4 L5 8(11,11) 1 (4,17) 14(28,00) 23(15,33) L5 SI 10(13,89) 1 (4,17) 14(28,00) 26(17,33) DISCUSSION : L’atteinte dégénérative lombaire est la cause la plus fréquente des lombalgies chroniques à Douala ; Sa prévalence est comparable à celle décrite dans les études africaines, mais inferieure à celle de certains groupes professionnels en occident [5,6,7]. La pénibilité du travail dans nos contrées semble influencer la fréquence de survenue des lombalgies chroniques. La lombalgie chronique touche surtout l’adulte jeune de sexe féminin. L’influence du sexe a été diversement appréciée dans la littérature. Les publications africaines s’accordent sur la prédominance du sexe féminin dans les populations lombalgiques, celui ci étant parfois cité comme facteur de risque de lombalgie [3,5,10].Il est aussi fréquent de voir une plus grande pénibilité du travail dans les taches dévolues aux femmes, associées à la grande multiparité et au morphotype d’hyperlordose caractéristique pouvant justifier de la fréquence élevée de lombalgies chroniques chez les femmes africaines.En Norvège, deux études publient des résultats divergents [12,13]. Sur le plan démographique, la survenue de la lombalgie est influencée par l’âge[6,9]. En Europe,la tranche d’âge la plus atteinte est de 45 à 59 ans et de 55 à 64 ans aux Etats-Unis. En Afrique,la lombalgie surviendrait une décennie plus tôt, dans la tranche allant de 40 à 49 ans avec une moyenne d’âge de 48,6 ansau Bénin et au Congo [10,11], proche de celle de YOLLO à Yaoundé de 50,82 ans [5], résultats comparables aux nôtres. J AfrImagMéd 2013; (5),2: 83-88 84 M S Doualla et al L’hyperlordose est fréquente et peut contribuer sur le plan de la statique à favoriser une surcharge articulaire postérieure des derniers étages lombaires, fragilisant ainsi l’isthme vertébral et pouvant entrainer un listhésis dégénératif ; L’hyperlordose pourrait également participer l’extrême fréquence du canal lombaire rétréci, et sa survenue plus précoce qu’en Occident. La claudication et la douleur à l’extension du rachis ont été les éléments sémiologiques caractérisant les sténoses canalaires [14].La raideur rachidienne mesurée par la distance doigt-sol et l’Indice de SCHÖBER est peu souvent retrouvée au cours des atteintes dégénératives du rachis lombaire dans les séries africaines [3,10]. Elle pourrait résulter de l’hyperlordose qui caractérise le rachis lombaire du sujet africain responsable d’une compensation du segment sous pelvien lors de la flexion avant du tronc et donc réduisant ainsi la valeur sémiologique de raideur du rachis mesurée par l’indice de SCHÖBER. L’élaboration d’un test prenant en compte la particularité de ce trouble de la statique pourrait pallier à cette insuffisance chez l’africain. L’atteinte dégénérative a été la forme clinique la plus fréquente dans notre population d’étude,comparable aux séries africaines publiées confirmant la rareté de la spondylarthrite axiale et des tumeurs[3, 10, 15,16]. Cependant lecaractère hospitalier des études africaines,le plateau technique insuffisant (absence de scintigraphie, d’imagerie par résonnance magnétique, de biopsies disco vertébrales) pourrait représenter un facteur limitant le diagnostic des lombalgies symptomatiques. Sur le plan radiologique, les discopathies constituent les anomalies les plus fréquemment retrouvées, aussi bien en Occident qu’en Afrique[16].Cependant le listhésis dégénératif semble plus fréquemment décrit dans les séries africaines, probablement favorisée par la survenue d’une discopathie sur un terrain d’hyperlordose. CONCLUSION :L’atteinte dégénérative discale est la cause la plus fréquente des lombalgies chroniques à Douala et touche surtout la femme de la quatrième décade. Les infections et les cancers sont moins souvent rencontrés. REFERENCES : 1. Diagnostic and therapeutic management of :1760-4. common lumbago and sciatica of less than 3 months of duration. Recommendations of the 3. T. 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