PDF en Français - Art Institutions and the Feminist Dialectic
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Allyson Mitchell Lez en profondeur/Deep Lez Merci, Carla. Et merci, Demetra, de m’avoir invitée à présenter un discours aujourd’hui. Je voulais faire un petit exercice avant que je commence à parler. J’espère que ça ne vous dérange pas si je vous demandais de vous lever pour un instant. J’étais au congrès de NOLOSE, la National Organization for Lesbians of Size Everywhere. Elles se réunissent une fois par an, parfois tous les deux ans, pour parler d’anti-régimes, de la politique du corps, des expériences centrées dans le corps, et ainsi de suite. Quelqu’un avait eu l’idée d’entamer cet exercice que nous allons faire dans quelques secondes. C’était vers la fin d’une journée où on était toutes restées assises pendant trop longtemps, et on se sentait engourdies. Bon, il faut dire que cette personne était monitrice de Jiu-Jitsu. [Rires] Moi je ne suis certainement pas monitrice de Jiu-Jitsu, mais je connais un peu de Wen-do élémentaire, l’auto-défence des études féministes, pourrait-on dire. Je pense que ce serait bien de faire un petit exercice ensemble. Tenez vos poings ici et expirez en même temps que vous poussez un de vos poings vers l’avant comme ça. Tournez votre bras et poussez votre poing vers l’avant, et l’autre bras revient à sa position initiale. Mettez tous le poids de votre corps dans ce mouvement que vous faites en poussant votre poing vers l’avant. Allez, une, deux, trois ! On va le faire cinq fois de suite, et sur le cinquième punch, je veux que vous criiez [elle crie] « hah ! » Bon, vous êtes prêtes ? Une, deux, trois, quatre… [Elles crient toutes ensemble] « hah ! » Oui, c’est ça, bon travail, tout le monde. [Applaudissements] J’espère que cela nous a réveillées un petit peu. Ne vous gênez pas, remuez-vous, étirezvous si besoin est, il faut redémarrer le moteur, question de quelques secondes. S’il y a quelqu’un d’autre qui connait des techniques de Wen-do… PARTICIPANT : Les vôtres n’étaient pas mal. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 1/17 Lez en profondeur/ Deep Lez MITCHELL : Merci. Bon, on peut commencer. Je vais vous montrer quelques diapos. Je vais aussi vous montrer un court-métrage que j’avais réalisé avec Christina Zeidler, ainsi qu’une vidéo de la part d’un groupe de musiciennes montréalaises qui s’appellent Lesbians on Ecstasy. Je vais vous parler aujourd’hui de Deep Lez, qui représente la base théorique à partir de laquelle toute mon œuvre découle—mon art visuel, mes œuvres cinématographiques, mon écriture, ma musique, ma gastronomie, mon enseignement et autres éléments créatifs. Je vais vous présenter quelques incarnations de Deep Lez que j’ai réalisées récemment. La première fois que j’avais parlé de Deep Lez en public était à TAAFI, la Toronto Alternative Art Fair International, que Carla avait mentionné. C’est un événement organisé par Andrew Harwood, qui a, en fait, donné naissance au terme « Deep Lez », donc je reconnais son rôle comme inventeur du terme. Depuis que j’ai parlé de cela en public en 2004, à peu près, je suis parvenue à déterminer ce que Deep Lez signifie ainsi que les activités dans lesquelles elle s’implique. Je vais vous montrer comment j’ai incarné Deep Lez en ce qui concerne l’établissement de liens dans la communauté, dans le contexte des festivals de cinéma, dans le domaine des centres et autres phénomènes artistiques gérées par les artistes, dans la culture DIY et dans les institutions artistiques. Je vais aussi brièvement évoquer la renaissance de l’esthétique du féminisme de deuxième vague et des idées que l’on peut voir se réaliser ; je vais terminer avec quelques réflexions sur ce que nous prévoyons dans l’avenir, moi et quelques-unes de mes amies, pour des occurences de Deep Lez à Toronto et ailleurs. Je vais aussi mentionner comment vous pouvez faire partie de Deep Lez, si vous le désirez. Je vais commencer par une citation. Voici une broderie à l’aiguille que j’avais créée à partir de morceaux de Phentex que j’avais trouvés, des Phentex ready-mades dans un sens, ainsi que des éléments de réparation de moquette à longues mèches—je voulais la donner une apparence d’artisanat basé sur les rondelles d’arbre, avec les mots « Deep Lez » inscrits dessus. Je vais vous lire une citation tirée du manifeste Deep Lez, surtout parce que c’est une déclaration « I », une déclaration à la première personne, qui représente une nouvelle forme de femifeste (“womanifesto”) et qui va opérer, j’espère, comme un virus en quelque sorte. Vous pouvez voir la dérivation à partir de « manifeste » aussi dans la déclaration « I ». Deep Lez représente une expérimentation, un processus, une esthétique et un mélange de théorie et de pratique. Deep Lez vient de cette minute même et tire ses origines dans les femistoires (“herstories”) et théories antérieures. Elle prend les idées les plus pertinentes et réussies de notre époque et les transforme en outils pour créer de nouvelles façons de penser tout en adhérant à des manifestations de politique radicale qui ont déjà eu lieu, mais qui perdurent encore. Le « profond » de © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 2/17 Lez en profondeur/ Deep Lez Deep Lez renvoie en partie aux notions d’engagement, de permanence et d’importance.1 J’aime beaucoup les désignations, et conséquemment je prends ma désignation comme féministe lesbienne très au sérieux—cela fait partie aussi du « profond » dans Deep Lez. ; certaines théories et philosophies qui nous inciteraient à dire, par exemple, « Wow, que c’est profond… » se rapportent à ce « profond » aussi. Deep Lez emploie un mélange d’artisanat, de contexte, de cuisine, d’action directe et de liens sociaux qui nous fait penser à une cafétéria ou une cantine pour alimenter des politiques lesbiennes radicales et des stratégies de résistance. C’est en partie une session en groupe de courtepointe, une campagne de relations publiques et un cocktail Molotov. Deep Lez explore les liens entre les féminismes de deuxième vague qui ont soutenu la politique lesbienne radicale et les féminismes de troisième vague contemporaines qui ont souligné, avec raison parfois, les lacunes de ce radicalisme. Mais Deep Lez veut tout englober, et pour tout le monde : les féminises inclusives ainsi que les meilleurs aspects de la théorie et pratique lesbienne radicale. Et il ne s’agit ni de nostalgie ni d’entêtement, mais plutôt d’une volonté de choisir tout ce qui pourrait être utile dans nos femistoires et de foncer droit devant, à pleine allure. C’est une question de ressusciter le terme « lesbienne » comme un contexte d’identification politisé dont on soit fières, et non pas quelque chose qui évoque l’indifférence, ou pire encore, la honte. Deep Lez représente pour moi un point de départ pour une réflexion sur ma politique ainsi que ce qui est important pour moi et les communautés avec lesquelles je m’identifie. C’est un macramé, un enchevêtrement conceptuel à travers lequel il faut que nous passions : comment intégrer notre art dans notre politique et notre politique dans notre art ? Comment imaginer le monde et notre rôle là-dedans? Deep Lez est conçue pour être transmise de main en main, de l’artisane à la cinématographe, de l’étudiante à l’enseignante à la commissaire et de retour à l’artisane et ainsi de suite. On peut se mettre ensemble grâce à Deep Lez pour forger une nouvelle voie qui irait au-delà de cet environnement dysfonctionnel, afin de créer de nouvelles écologies, de nouvelles politiques et de nouveaux 1 “Deep Lez I Statement,” Allyson Mitchell, consulté en ligne le 6 février 2011, http://www.allysonmitchell.com/action/deeplez.cfm. On peut aussi trouver cette déclaration dans Allyson Mitchell: Ladies Sasquatch, essais de Carla Garnet, Allyson Mitchell, Josephine Mills & Ann Cvetkovich, en conjonction avec l’exposition itinérante du même nom initiée par le McMaster Museum of Art, Hamilton, ON, et présentée à la Winnipeg Art Gallery, Winnipeg, MB, ainsi qu’à la Lethbridge Art Gallery, Lethbridge, AB, en 2009. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 3/17 Lez en profondeur/ Deep Lez styles. Je décris volontiers Deep Lez comme une sorte de communauté de femmes inédite qui n’est pas fondée sur le genre et le privilège, ainsi qu’une fraternité nouvelle qui n’est pas fondée sur le viol et le pillage. Deep Lez constituait, à l’origine, un de mes projets culturels. Elle est à présent une des sources principales de mon art et de ma recherche universitaire. En ce qui concerne ma pratique artistique, je réalise des femmes Sasquatch géantes lesbiennes et féministes en trois dimensions, comme celles que vous voyez sur ces diapos. (Trois de ces femmes que j’avais créées récemment étaient exposées au McMaster Museum of Art en janvier 2009.) Je fais aussi des installations à l’echelle d’une salle entière, comme celle-ci que Sarah Quinton avait évoquée antérieurement, intitulée The Hungry Purse: The Vagina Dentata in Late Capitalism (2006). Les objets et les environnements que je crée constituent l’expression des idées et concepts du féminisme de deuxième vague qui a tant contribué à ma formation, et en même temps ils restent fidèles à l’aspect inclusif des théories et pratiques du féminisme de troisième vague. L’idée de Deep Lez a très vite évolué d’une façon virale au-delà de ma propre pratique vers des communautés locales et internationales. C’est en fait un rêve devenu réalité. Une artiste locale, Cecilia Berkovic, avait reçu des subventions pour créer des affiches de multiples, et moi j’en ai produit une qui représentait deux lesbiennes Sasquatch sur un côté et un ouvrage brodé semblable à celui que j’avais montré auparavant sur lequel était inscrit « Deep Lez ». J’en ai envoyé un tas de cinquante à une amie pour qu’elle les distribue durant le Michigan Womyn’s Music Festival. Cette œuvre s’est répandue à partir de cette assemblée de militantes lesbiennes féministes et d’universitaires, en partie parce que c’est un objet matériel en papier qu’on peut prendre chez soi, afficher et contempler, mais aussi en raison du fait qu’elle véhiculait des idées qui étaient vraiment pertinentes à ce qui se passait alors—des idées que l’on trouvaient stimulantes et qui incitaient les gens à se demander, « Merde, mais c’est quoi ce Deep Lez? » Pour citer un autre exemple, ceux/celles qui favorisent l’inclusion des individus transgenres au Michigan Womyn’s Festival avaient adopté le lexique de Deep Lez. Son lexique a également été adopté par les responsables de Camp Trans, qui avait utilisé une entrevue que Chelsey Lichtman—connue sous le nom de Chelsey Lichtawoman dans certains contextes— avait fait avec moi quand elle était une de mes étudiantes. Elle avait 21 ans à l’époque et c’était en 2004. Les responsables de Camp Trans avaient inclus cette entrevue sur Deep Lez dans leurs dossiers de solidarité trans annuels. J’étais absolument ravie d’apprendre cela parce que Deep Lez est à présent mobilisé pour transformer l’identification ou l’alliance de la communauté radicale lesbienne avec la communauté transgenre d’une position de potentialité © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 4/17 Lez en profondeur/ Deep Lez vers une actualisation inclusive. Une auberge espagnole Deep Lez de performance avait été organisée à San Francisco, où la notion de l’identification lesbienne fut explorée comme un contexte pertinent et stratégique pour la politique des jeunes queer habitant en métropole. J’ai fait une tournée cet été avec Christina Zeidler, ma collaboratrice qui est assise juste là, pour montrer nos films, faire des performances sur scène et organiser des présentations artistiques. Pendant nos voyages, la notion de Deep Lez nous précédait, car des femmes allant de Portland jusqu’à San Francisco et Montréal en avaient entendu parler ; elles avaient même tenté d’appliquer Deep Lez, et voulaient en discuter, parfois d’une manière conflictuelle, et parfois par simple curiosité. Je vais vous montrer des photos de ce voyage dans quelques instants. Je voudrais revenir à cette notion d’idéologie et de stratégie virale, et explorer son rapport avec ma pratique artistique hybride et les festivals de cinéma et de vidéo queer, ainsi qu’avec les institutions artistiques établies. Je suis réalisatrice de courts-métrages lesbiens expérimentaux, qui incorporent en partie des éléments narratifs et autobiographiques. Malheureusement, le cycle de vie d’un tel film dure un an, si vous êtes chanceuse. Si c’est le cas, dans les premiers quelques mois, un festival de cinéma lesbien et gay va décider de le programmer, et le film fera la tournée des festivals semblables. Si vous êtes vraiment chanceuse, votre film pourra se trouver à l’affiche d’un festival connu comme le Inside Out Festival de Toronto, ou Frameline, à San Francisco. Nombreux sont les autres festivals de cinéma—et il existe des centaines de festivals de cinéma lesbiens et gay—qui n’ont pas suffisamment de financement pour envoyer leurs commissaires et responsables de programmation aux festivals principaux, donc ils obtiennent le programme et effectuent leur choix de programmation à partir du programme. Ils n’assistent même pas aux festivals. Mon ami Roy Mitchell avait décidé de tenter une expérience fondée sur ce phénomène il y a quelques années. Il avait créé un film, lui donnant un titre stratégiquement conçu pour que les responsables de programmation lesbiennes et gay prennent l’appât : le film était intitulé Gay Men and Hair Loss (2005). Ils ont décidé de le programmer basé sur le titre uniquement, en pensant qu’il s’agissait d’un court-métrage conventionnel, mais ils se sont trouvés devant un film animé d’une rare poésie, étrange, intime, tendre et beau à la fois. Il y a deux ans, quelque chose d’extraordinaire a eu lieu qui a transformé la trajectoire de beaucoup de mes films ainsi que ceux de Christina. Amy Lyn Kazymerchyk, une jeune commissaire et cinéaste pleine d’ambition de Vancouver, a proposé une programmation fondée uniquement sur mes films et ceux de Christina au Vancouver Gay and Lesbian Film © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 5/17 Lez en profondeur/ Deep Lez Festival—une telle programmation, exclusivement sur deux artistes lesbiennes, était plus ou moins sans précédent pour les festivals de cinéma gay et lesbiens. Christina et moi-même avons réalisé, depuis la deuxième moitié des années 90, des films ensemble et en proximité l’une de l’autre, sous l’appellation Freeshow Seymour, une désignation qui parle de l’accès à la culture, de la production culturelle et des réactions à la culture. Comme je l’ai déjà mentionné, ces sont des films expérimentaux et fondés sur le processus. Des réalisatrices telles que Joyce Wieland, Barbara Hammer et Sadie Benning ont influencé notre œuvre. Souvent nous produisons notre œuvre dans le contexte de retraites d'artiste, qui sont semblables à des résidences artistiques informelles où nous explorons mutuellement nos intérêts sur un format filmique, où les images sont reliées ensemble avec des éléments autobiographiques, des histoires et des chansons. Je vais vous montrer un de ces films maintenant. Ce film s’intitule If Anyone Should Happen to Get in My Way (2003), et c’est véritablement un film fondé sur le processus. Christina et moi, nous avons trouvé une caméra Lomo qui capte quatre clichés dans lesquels, en fait, on peut distinguer des mouvements. On a aussi vidé deux masques de tête d’animaux, pour que Christina puisse les porter, et on lui a fait faire ensuite des mouvements répétitifs qui signifiaient la frustration. On a aussi créé la musique pour le film. On a donc produit un petit film animé à partir de ces images photographiques où on peut voir un mouvement circulaire et répétitif, en quelque sorte, qui a pour but d’exprimer la frustration, la colère, et une incapacité reliée au genre d’exprimer la colère et la rage. C’est un film qui dure deux minutes et demie. [La projection du film a lieu] Une partie de la tâche d’Amy en tant que commissaire consistait à regarder les vieilles versions VHS—les cassettes VHS obsolètes de mon oeuvre et celle de Christina. S’il existait une version DVD de l’œuvre, il fallait qu’elle regarde la cassette VHS et qu’elle la détruise. Donc, [elle rit] Amy a décrit jusqu’à quel point cette expérience était traumatisante pour elle, parce qu’elle concevait l’acte de détruire ces cassettes VHS comme une métaphore pour la disparition de Riot Grrrl. L’esprit de ce mouvement faisait partie des influences qui nous ont motivés, Christina et moi, de prendre des caméras et de participer à la production culturelle. Amy est plus jeune que nous, elle avait 25 ans à l’époque où elle travaillait sur ce projet, et nous on a 40 ans. La politique qui découlait de Riot Grrrl était également essentielle pour Amy lorsqu’elle découvrait le féminisme, pendant son adolescence. On a décidé d’accepter cette programmation parce que Vancouver avait donné son accord. Ils nous ont fait cadeau d’un billet d’avion, donc on a eu besoin d’acheter seulement un billet © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 6/17 Lez en profondeur/ Deep Lez supplémentaire. Ils ont payé notre séjour dans un hôtel grâce à leur mécénat d’entreprise ; ils nous ont aussi payé une allocation de projection de 500 $, 30 % de laquelle était pour notre distributeur à but non lucratif qui a fait beaucoup de travail pour notre compte. Enfin, ils nous ont donné quelques centaines de dollars pour organiser une fête. Le festival voulait qu’on fasse un discours d’artiste, mais on a proposé quelque chose de très différent : un brunch pour des cinéastes locaux dans un format qui comporterait des présentations. Le thème du festival était la performance, donc on a proposé une soirée de performance, comme un cabaret, pendant laquelle on a performé quelques numéros, et il y avait aussi des performances par d’autres artistes locaux. Cette soirée était intitulée Laser Vag Magic. Voici l’invitation qu’on pouvait trouver affichée ici et là à Vancouver, et voilà Christina et moi dans nos costumes de performance. [Rires] La somme modique d’argent que le festival de Vancouver nous avait donné avait rendu tout cela possible, et c’était vraiment quelque chose de magique. Il y avaient tous ces liens qu’on avait établis : premièrement avec la culture lesbienne avant-garde à Vancouver, une ville qui n’était pas la nôtre, et ensuite avec la communauté artistiqe queer, ainsi qu’avec la culture des zines. Grâce à cela, des artistes locaux se sont réunis pour chanter, dancer et participer à des performances déjantées dans un bar. Une collective artisanale de Vancouver, les Seamrippers, étaient responsables pour la préparation du brunch, avec Amy, ainsi que de la publicité pour l’évènement. On l’a appelé « brunch », et c’était comme une sorte de leçon de choses de la part des artistes. Le brunch représentait vraiment la meilleure partie de cet évènement : c’était sur une échelle intime, il y avait environ quinze jeunes femmes présentes, ainsi que quelques hommes ; on était tous assis ensemble et on parlait, tout en dégustant une cuisine végétalienne délicieuse. C’était comme un groupe de sensibilisation, ainsi qu’un projet d’année supérieure et une leçon de choses. Et on discutait en groupe, chacun à son tour, de ce qu’on travaillait dessus, des idées conceptuelles, des questions pratiques telles que, « Ou avez-vous trouvé ce type de film? », ou « Comment avez-vous transféré ce film Lomo? », etc. Il y avait même une question sur les films érotiques lesbiens qu’on réalise soimême, comme les montrer à ses parents, et ainsi de suite. Cette diapo vient d’une autre performance dans laquelle on utilise les masques d’animaux que vous avez déjà vus dans notre film. Ici on chante une chanson intitulée « trans ma’am », dont la musique est tirée de « Fame », de David Bowie. [Elle chante] trans ma’am / we can feel your awesome power trans ma’am / you smell like you came from the shower © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 7/17 Lez en profondeur/ Deep Lez trans ma’am / heal my scab with calendula flower et cetera is it any wonder / what’s your name / what’s your name / what’s your name Bon, vous avez une idée de quoi il s’agit. Cette chanson, avec les contributions d’autres artistes de la performance, faisait partie de l’ensemble déjanté dont cette soirée était constituée. Il y avait aussi les filles avec des guitares, la musique folklorique Deep Lez, et l’art performance Deep Lez, tous les éléments incontournables et traditionnels d’une telle soirée. C’était donc une expérience formidable, et on a décidé qu’on voulait la répéter ailleurs, mais il y à toujours un problème de financement et d’y trouver une solution. Tiens, voici une photo de nous pendant le brunch—des chiens, vous savez, tous assis dans un salon, regardant les œuvres. On est allées avec ce projet à Halifax. On m’avait commissionnée de faire une installation au Khyber Institute. Cela m’a permis d’obtenir un billet d’avion, d’arriver sur place, et d’avoir un peu d’argent supplémentaire comme allocation d’artiste. On a travaillé avec la AFCOOP (Atlantic Filmmakers Cooperative) à Halifax. Il y avait une soirée de performance féministe qui se déroulait dans le contexte de leur version de Ladyfest à Halifax. Donc on a monté le projet dans sa totalité à Halifax aussi. Voici une photo de nous en train de présenter notre film à l’auditoire, dans le sous-sol de l’édifice de Radio-Canada à Halifax. Voilà une photo de moi travaillant sur mon installation au Khyber, et voici une autre photo où j’achète des tartes au marché des fermiers pour le brunch. Ça c’est le brunch qu’on a eu à la Anchor Archive Zine Library à Halifax, un lieu vraiment magique. C’était l’appartement de quelqu’un qu’ils ont transformé en archive officielle pour zines—un endroit enchanteur et mignon. Voici Christine qui s’amuse bien…[rires] pendant la leçon de choses ; il y a des gens qui font des présentations. On a proposé une programmation de films cet été à un festival de cinéma. Étant donné qu’on était en mesure de proposer une programmation bien cernée et un budget précis, on a décidé de la proposer au Frameline Festival de San Francisco. Un festival artistique queer se déroulait en même temps, ainsi qu’une auberge espagnole Deep Lez qui avait déjà été organisée avant notre arrivée. Donc on est arrivées, on a eu notre programmation de films, on a aussi participé à cette soirée de performance avec des artistes locaux, et on a agi comme hôtes pour une réunion d’échanges entre artistes à Dolores Park, San Francisco. Nous voici encore, en train de discuter de l’art lesbien. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 8/17 Lez en profondeur/ Deep Lez On a fait la même chose à Montréal. On vient de rentrer chez nous il y a quelques semaines. Pour revenir un peu en arrière, donc, le festival de films à San Francisco est énorme ; conséquemment, ils avaient assez de fonds pour nous fournir des billets d’avion pour San Francisco, payer notre séjour dans un hôtel, et nous donner une allocation d’artiste. Étant donné que l’argent pour le vol était déjà accordé, on a demandé au festival de nous faire parvenir par avion à Portland au lieu de San Francisco. On a monté le projet dans sa totalité de nouveau à Portland, en participant à un évènement queer et en contactant une coopérative de cinéma pour faire une projection de notre film gratuitement, plus ou moins, parce qu’on nous payait déjà à San Francisco. On a fait l’échange entre artistes, comme un salon en quelque sorte, et puis on a pris un train qui nous a coûté 50 $ pour San Francisco. On s’est arrêtées en route à Fancy Land, une communauté de lesbiennes anarchistes qui ne sont pas connectées au réseau et qui subsistent indépendamment sur un petit lot de terrain en Californie. On a coupé du bois et cuit un gâteau d’avoine et de framboise sauvage dur comme de la pierre, dans un four solaire, en échange pour une place sur un grabat dans la forêt. On y a aussi participé à un échange de présentations artistiques informelles très sympa. On a fait une projection de nos films sur un ordinateur portable, et reçu en échange des zines et des cartes tarot artisanales. Et, comme je l’ai déjà mentionné, nous venons de rentrer de Montréal et nous devons partir pour Winnipeg en janvier (2009) pour monter le projet à nouveau. Ce qui est important à retenir c’est que ce mélange dynamique de théorie, de pratique et d’éclat garantit que notre œuvre reste pertinente, plutôt que de moisir sur les rayons de la CFMDC (Canadian Filmmakers Distribution Centre) jusqu’à notre mort, ou jusqu’à ce que quelqu’un décide de produire une anthologie rétrospective ou une vidéo de notre œuvre. L’art visuel ici alimente le circuit des festivals engagés et d’avant-garde. Le fait d’exposer l’art visuel dans des universités, par exemple, les relie à des coopératives d’artistes tels que la AFCOOP à Halifax. L’art visuel devient comme un aimant magique qui regroupe tous ces éléments ensemble. Les festivals de cinéma établis, tels que Inside Out ou Frameline, acquièrent ainsi une certaine authenticité qui dépasse le mécénat d’entreprises, par le fait de s’associer aux projets d’artistes et de militants qui sont pertinents et vitaux à la communauté. C’est plutôt une question d’inciter les gens à partager des idées créatives, des idées qui sont solidement ancrées dans les principes des festivals de film gay et lesbiens classiques du passé ainsi que ceux des centres et autres phénomènes culturels gérés par les artistes qui existaient auparavant ; ces éléments sont à leur tour ancrés dans la politique et les pratiques du féminisme de deuxième vague et de son côté organisationnel légendaire. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 9/17 Lez en profondeur/ Deep Lez Nous voulons que ces activités ne se limitent pas à ce qui est local, mais qu’elles établissent des liens avec d’autres femmes et hommes queer, au Canada ainsi qu’à l’international. Après que ces évènements ont lieu, on demeure connecté grâce à Facebook et MySpace, mais cela va au-delà du virtuel. Il arrive qu’on ait des présences physiques, des corps chauds dans la salle, créant des liens qui inspirent une génération plus jeune, car une grande partie de notre auditoire consiste de personnes qui sont dans leur vingtaine. Cela va au-delà d’artistes établis, ou de gens de notre génération uniquement qui échangent des propos banals dans les galeries pendant les vernissages et ainsi de suite, vers une discussion véritablement importante et cohérente sur la théorie et la pratique de l’art féministe. Je vais changer de sujet en quelque sorte et parler de cette renaissance du féminisme de deuxième vague. Beaucoup d’artistes féministes découvrent qu’elles sont devenues le point focal d’une renaissance de l’esthétique et des idées féministes de deuxième vague parmi les jeunes artistes. Une partie du travail politique que j’entreprends, comme Lesbians To The Rescue (LTTR) à New York, dérive des appels politiques à l’action de deuxième vague, tels que Live and Let Lez, ou A New Rage of Thinking. Il en résulte une revitalisation de ces idées, un esprit rénovateur qui garantit que ces idées ne meurent pas. Toxic Titties, à Los Angeles, en constitue un autre exemple. Même des collectives artisanales locales tout à travers le Canada, comme le Calgary Revolutionary Knitting Circle, font partie de tout cela. Je pense que cette renaissance n’a rien à avoir avec l’ironie, la ridiculisation, le pillage ou le vol ; c’est plutôt relié à l’honneur, l’admiration et le respect. Je vais vous montrer maintenant un vidéo par Lesbians on Ecstasy—un groupe qui n’est plus ensemble, je pense, mais elles nous ont laissé un riche répertoire de classiques de la musique lesbienne féministe, qu’elles ont retravaillés en leur donnant une nouvelle tonalité rythmique pour qu’ils soient dansables. Elles les ont véritablement infusés d’une nouvelle vitalité. Je vais parler un petit peu de la notion d’iconographie de base de la féminité, une notion qui est dérivée de certaines tendances esthétiques de l’art féministe de deuxième vague, mais qui n’est pas généralisée à d’autres tendances. Cette idée d’images essentielles de la féminité ne s’accorde pas très confortablement à la situation contemporaine, étant donné qu’on a toutes été inculquées avec la notion que c’est réducteur. La politique féministe s’est délaissée de cette idée d’une féminité essentielle, ou universelle, depuis longtemps. Toutefois, en 1971, comme l’ont évoqué Suzy (Lake) et Johanna (Householder), la situation était assez différente. Le féminisme radical était encore à ses débuts. C’était l’année de l’ouverture du premier hospice pour les femmes au Canada. En 1974, l’antécédent du NAC (National Action Committee on the Status of Women) parcourait le pays et effectuait des entrevues avec des femmes dans les centres communautaires pour en savoir plus sur leurs circonstances vis-à-vis du sexisme. En 1971 également, des dizaines de milliers de femmes tout à travers © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 10/17 Lez en profondeur/ Deep Lez les États-Unis ont fait la grève pour l’égalité. Le Ladies’ Home Journal était le point focal pour une occupation des lieux contre le sexisme qu’il incarnait ; également, l’anthologie féministe canonique rédigée par Robin Morgan, Sisterhood is Powerful: An Anthology of Writings from the Women’s Liberation Movement se répandait à une allure incroyable.2 L’avortement, la parité des salaires et les inégalités domestiques étaient toutes des questions dont on acceptait de plus en plus la validité sur le terrain politique. Les revendications féministes étaient soient ignorées ou traitées avec réserve dans le contexte de la résistance organisée à la Guerre du Vietnam. Des cours en études féministes apparaissaient pour la première fois sur le cursus des universités. Pendant que le féminisme radical travaillait sur l’élaboration d’un vocabulaire pour parler de la politique sexuelle, les artistes visuels développaient un langage visuel pour atteindre les mêmes objectifs. En ce qui concernait des idées telles que le patriarcat ou la solidarité féminine, qui ont été longtemps depuis critiqués comme trop simplistes et réducteurs, l’iconographie que ces artistes développaient était émergente, bien qu’elle semble peu nuancée quand on l’interprète aujourd’hui. Dans le contexte de cette époque, elle ne l’était pas. Dans une entrevue que j’avais faite avec Judy Chicago, elle avait reconnu ce manque de nuance. Déclare-t-elle, Je ne possédais aucune iconographie sur laquelle me fonder, il n’y avait que l’iconographie masculine, donc ce n’est pas étonnant que le résultat soit quelque peu simpliste. Évidemment, on ne pouvait pas s’attendre à ce que ce soit profond et évolué d’un seul coup. Bien sûr que l’art féministe était lourd et peu nuancé au début. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Jusqu’au XIXe siècle, on était obligées d’accommoder notre matière, nos expériences, nos perspectives et nos idées dans un cadre iconographique masculin, élaboré par des hommes. Ce n’était qu’avec l’arrivée du modernisme et le développement de l’abstraction qu’on pouvait créer des formes qui représenteraient notre contenu, notre façon de signifier, sinon on n’aurait même pas eu cette opportunité.3 2 (New 3 Tirée York: Random House, 1970). d’une entrevue inédite, dont des parties ont été citées dans When Women Rule the World: Judy Chicago in Thread and She Will Always Be Younger Than Us: Orly Cogan, Wednesday Lupypciw, Cat Mazza, Gillian Strong and Ginger Brooks Takahashi, essais de Allyson Mitchell, Sarah Quinton et Jenni Sorkin, publié en conjonction avec les expositions des artistes nommées cidessus, par le Textile Museum of Canada et la Art Gallery of Calgary, 2009. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 11/17 Lez en profondeur/ Deep Lez Elle a évoqué brièvement comment son œuvre, ou de nombreuses œuvres qui font partie de la deuxième vague du féminisme, sont désignées comme « art de la chatte », ou encore « art vaginal ». Mais je trouve sa réplique vraiment pertinente quand elle remarque qu’on ne désigne pas le Lincoln Monument comme « art du pénis », bien que ce soit véritablement phallique. Mais en raison du fait qu’il y a toute cette iconographie historique qui l’entoure, on ne l’interprète pas comme tel. Étant donné que l’iconographie féministe a eu tellement peu de temps pour se rattraper, voilà ce qui en résulte. Donc, bien que les premières œuvres féministes soient considérées comme rudimentaires du point de vue visuel par rapport aux notions contemporaines, leur objectif n’était pas de se préoccuper de nuances esthétiques, mais plutôt de forger la possibilité elle-même d’une esthétique féminisée. Ces explorations initiales d’images de base ont préparé le terrain pour une iconographie féminine potentielle qui déplacerait le phallus comme métaphore visuelle par excellence. La notion d’une iconographie féminine unifiée et essentialiste peut être mieux comprise dans ce contexte ; bien sûr, de nos jours, nous pouvons identifier les problèmes que cette essentialisation de l’expérience féminine implique. Les valeurs qui avaient structuré ces féminismes seraient attaquées, cependant, dans les années qui suivirent. Les accusations d’exclusion, de racisme, d’élitisme, d’homophobie—surtout lesbophobie nottament—et de discrimination sociale, parmi d’autres, auxquelles devaient faire face les féministes expérimentées de cette période, ont mené à des changements fondamentaux dans la nature de la politique féministe. Dans les années 80 et 90, si ces antécédents n’étaient pas rejetés complètement, ils étaient du moins considérés avec méfiance. Cette critique du féminisme des années 70, dont le but était de la rendre plus ouverte et nuancée, était justifiée dans beaucoup de cas, mais d’autres se sont emparés d’elle avec l’objectif de détruire le féminisme dans sa totalité, ce qui a donné naissance, pourrait-on soutenir, à ce que certains nomment le « post-féminisme. » Je voudrais évoquer un discours formidable auquel j’ai assisté au College Art Association à New York il y a quelques années. Est-ce que quelqu’un présent ici y avait assisté aussi ? On avait organisé une table ronde intitulée « 30 Years After Womanhouse. » Womanhouse était une installation importante qui avait ses origines dans le projet artistique féministe dirigé par Miriam Schapiro et Judy Chicago en Californie dans les années 70. Il consistait d’un manoir entièrement abandonné dans lequel elles produisaient des installations. Cette table ronde était composée de jeunes féministes, praticiennes d’art visuel contemporain, qui parlaient des trois décennies qui suivirent la création de Womanhouse. Kathleen Hanna y figurait comme © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 12/17 Lez en profondeur/ Deep Lez une des intervenantes—on la considère comme centrale au mouvement Riot Grrrl et elle faisait partie du groupe Le Tigre ; elle a aussi fait du travail formidable sur de nombreux projets aux États-Unis. Elle avait suivi, comme moi, une formation libérale d’études féministes à l’université dans les années 90, et elle décrivait qu’elle avait appris qu’il fallait éviter l’essentialisme à tout prix, que c’était quelque chose de monstrueux, horrible, la pire chose imaginable, et qu’on ne devait jamais dire quoi que ce soit d’essentialiste ou avoir une démarche essentialiste. Quand elle parlait de cela, il me semblait que c’était effectivement une simplification excessive de ce que le féminisme devrait représenter. En y réfléchissant bien, une meilleure approche serait d’extraire ce qui est utile dans cette politique des débuts du féminisme plutôt que de la rejeter complètement. Par exemple, Carla (Garnet), quand vous nous parliez d’avoir appris aux études supérieures que Simone de Beauvoir était essentialiste, quiconque vous a enseigné cela mérite d’avoir leurs diplômes révoqués, parce que Simone de Beauvoir était une des premières philosophes qui parlait de la construction sociale et du genre. Elle n’était pas essentialiste. Je pense que cette idée vient d’une culture qui veut rejeter le féminisme à tout prix, en utilisant toutes les approches à sa disposition. Donc, évidemment, je pense que ces premières féministes travaillaient sur et essaient de résoudre des enjeux importants. Bien sûr, leurs approches étaient lourdes et problématiques, dans certains cas ; mais on peut très bien les modifier, on n’a pas besoin de faire table rase et commencer à partir de rien. Il est vrai qu’au début certaines œuvres féministes ont affiché un concept plutôt universel de la femme, et que la notion de plus en plus controversée d’images de base était volontiers rejetée par des féministes qui voulaient avoir des idées plus nuancées sur le genre, la sexualité et le corps. Une grande partie de la renaissance de la deuxième vague que j’avais évoquée antérieurement se porte sur la récupération et le rejaillissement de l’esprit, de l’esthétique et des valeurs de la deuxième vague. Cela se manifestait, en partie, par de jeunes femmes qui avaient une certaine idée romantique d’un passé plus révolutionnaire et plus prometteur. Je suis consciente du fait qu’il y a un côté sentimental à tout cela. On imagine qu’il y avait ce phénomène qu’on appelait féminisme que tout le monde découvrait et auquel on s’adhérait, en masse. On ne l’imagine pas tel qu’il était, comme le décrivait Suzy quand elle devait appeler des gens lors d’une exposition parce qu’il n’y avait que cinq personnes dans la galerie. On imagine qu’une foule de gens s’étaient présentés à l’exposition, n’est-ce pas ? Je pense qu’il y a quelque chose d’utile dans une telle conceptualisation de potentialité ou d’unité. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 13/17 Lez en profondeur/ Deep Lez Je pense aussi que les jeunes féministes qui se sont impliquées dans cette renaissance de la deuxième vague ont le sentiment que les tâches et les objectifs étaient plus réalisables à cette époque, surtout en les contrastant avec les énergies fragmentées et divisées des années 80 et 90, pendant lesquelles ont avait appris à déconstruire tout cela. Sans aucun doute, les énergies fragmentées et divisées des cette période étaient très importantes et ont rendu possible toute une diversité de résultats, tant mieux. Mais je pense que, dans un certain sens, ils ont aussi donné le sentiment que la tâche était impossible, à cause du fait qu’il y avait une fragmentation d’objectifs. Si l’on considère des phénomènes comme les désaccords sur la question de la sexualité, les Guerres du Sexe, qui mettaient en opposition l’école féministe anti-pornographie et celui qui était pro-sexe, ces mini-récits postmodernes et autres éléments semblables, ont donné le sentiment que le projet féministe était une impossibilité. Mais en ce qui concerne cette « nouvelle renaissance »--et je mets cela entre guillemets—ce sont de jeunes féministes, je pense, qui s’efforcent à comprendre et à digérer les erreurs ainsi que la grandeur des féminismes antérieures, et d’intégrer les nuances politiques et les modifications nécessaires qu’elles avaient apprises dans les années 80, les années 90, et même les années 00, avec les leçons qui ont découlé du mouvement anti-globalisation et des coalitions de cette époque. Donc on prend ces leçons et on les recycle, dans un sens, on les redonne, plutôt que de tout jeter par-dessus bord. La renaissance vise alors à préserver les possibilités révolutionnaires et les éléments importants—les notions écologiques, anti-guerre, anti-impérialistes, anti-pauvreté reliées aux stratégies collectives de collaboration—et de les rendre pertinents aux programmes contemporains queer et trans-positifs dirigés par les lesbiennes qui sont anti-racistes et contre le contrôle politique des entreprises. La partie romantique qui se manifeste dans la récupération et la revalorisation de l’esthétique de la deuxième vague est une sorte de tentative de se mettre dans le rôle de ces premières féministes, de se mettre dans leur peau et de retracer leur parcours. Et si on est parvenues à avoir des cours d’études féministes qui n’existaient pas auparavant, ou des expositions de l’histoire de l’art féministe telles que WACK ! Art and the Feminist Revolution—une exposition internationale très importante et de grande evergure organisée par le Museum of Contemporary Art de Los Angeles, qui, également, n’existait pas à cette époque, nous avons alors une fondation solide sur laquelle nous pouvons bâtir et aller plus loin, au lieu de devoir perdre notre temps et nous fatiguer à réinventer la roue chaque fois. Je voulais vous montrer cette vidéo parce qu’elle incarne une grande partie de l’esthétique et des idées que j’ai évoquées. Elle est par le groupe Lesbians on Ecstasy, et elle s’intitule Sisters in the Struggle. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 14/17 Lez en profondeur/ Deep Lez [On entend la musique qui commençe] my ladies my gentlemen my boys and girls step up to the greatest / greatest show on earth everybody everyone can join us in the fun anybody anyone / are you listening to me 400 swinging people / 400 bicycles 600 decibels / are you listening to me 400 prophecies / it’s an eternity 600 centuries / are you listening to me we’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers we’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers checky checky testy, 1 2 3 anyone can do it / you can cheat with me 400 minipizzas / 4000 calories 600 fabulous missed opportunities 400 effigies / too much apology © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 15/17 Lez en profondeur/ Deep Lez 6 extra quantity / are you listening to me 400 prophecies /or are they hypocrisies 600 centuries / are you listening to me we’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers we’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers I’ve been lonely without you, you my sisters my sisters You look around you, It’s awesome we found each other (repeat) We’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers (repeat) [La musique s’arrête] MITCHELL : Je voulais parler de quelques projets sur lesquels nous travaillons, moi et quelques-unes de mes amies. Avec Christina Zeidler et Chelsey Lichtman, je suis en train d’organiser une soirée-performance « womanifesto ». On a aussi invité des artistes à lire d’autres manifestes féministes et à participer dans une discussion après, comme un salon en quelque sorte. J’espère reprendre cet évènement comme le programme d’ouverture pour une galerie d’art féministe que nous voulons ouvrir à Toronto. C’est juste pour enthousiasmer les gens, mais le nom provisoire que nous avons choisi pour la galerie est le suivant : The Centre for Fucking Patriarchy. [Rires] Vous êtes toutes les bienvenues à agir comme commissaires invitées, à exposer, et, bien entendu, à assister au vernissage du Centre for Fucking Patriarchy. Je collabore également avec deux autres artistes, Scott Berry et Deirdre Logue. Nous partageons un studio © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 16/17 Lez en profondeur/ Deep Lez ensemble, et nous programmons des films autour de textes queer lesbiens importants, mais parfois éphémères. Nous programmons aussi une série de films intitulée Our Celluloid, Our Selves: Short Feminist Films from 1945-1980, et un autre programme fondé sur « Our Right to Love ». Si vous cherchez des images Deep Lez, en voici la source, tout le monde. C’est une série de films que nous programmons intitulée Our Right to Shove: Short Films from the Gay Liberation Movement, 1969-1981. Et avec cela, nous arrivons à la fin de mon discours . PARTICIPANT : Je voudrais inviter tout le monde à télécharger la chanson que vous avez écoutée par Lesbians on Ecstasy. Vous pouvez l’acheter sur leur page MySpace. © Allyson Mitchell 2008, 2010 Used by permission 17/17