L`antiféminisme américain.

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L`antiféminisme américain.
Mardi 9 décembre 2014
L'antiféminisme américain.
Sandra DUFOUR.
Lorsque l’on s’intéresse à la question du féminisme de la deuxième vague aux Etats-Unis (19601980), il est également crucial de s’intéresser à l’opposition : l’antiféminisme et une de ses figures
emblématiques, Phyllis Schlafly.
Bien que cette femme ait réussi à concilier vie de famille et vie professionnelle (mère de six enfants,
auteure de vingt-et-un livres, candidate au Congrès américain en 1952 et à la Chambre des
Représentants de l’Illinois en 1970) Phyllis Schlafly a paradoxalement constitué la principale
opposante de N.O.W et a été en partie responsable de l’échec de l’amendement pour les droits
égaux en 1982 (Equal Rights Amendment).
D’abord proposé en 1920, au lendemain de la victoire du droit de vote des femmes, et finalement
voté en 1972 au Congrès avec une majorité considérable, il devait être ratifié par les trois quarts des
états, soit trente-huit états, pour devenir loi.
Pour la plus importante organisation féministe des Etats-Unis, l’Organisation Nationale pour les
Femmes (National Organization for Women – N.O.W, créée en 1966), le passage de cet amendement
était simple, d’autant plus qu’il ralliait la majorité des Américains dans les sondages. Toutefois, Phyllis
Schlafly a œuvré pour son échec, tout d’abord en créant l’organisation « Stop ERA1 » dès 1972. À en
croire Phyllis Schlafly, il allait forcer les femmes à travailler, à s’enrôler dans l’armée, ouvrir le
mariage aux homosexuels et même imposer la déségrégation des toilettes publiques.
La stratégie de cette femme a ainsi consisté à détourner l’attention du débat sur des questions dont
les journaux allaient s’emparer, mettant également en avant les différends entre les femmes et les
féministes afin de discréditer l’ERA. Au cours des années 1970 et 1980, de véritables « catfights »
(non seulement entre féministes et non féministes mais également entre les féministes elles-mêmes)
faisaient les choux gras des médias qui les mettaient en exergue sous couvert des valeurs du
journalisme américain (notamment celles d’objectivité et d’équilibre), la plupart du temps toutefois
dans des proportions démesurées, et ont ainsi contribué à décrédibiliser le mouvement et à faire
échouer l’ERA. Selon cette auteure : « The catfight has become the dominant newspeg about the
progress of the women’s movement and the competition to ratify the ERA was cast as the catfight
par excellence2 ».
1
STOP étant l’acronyme pour “Stop Taking Our Privileges”.
2
Susan Douglas, Where The Girls Are : Growing up Female with the Mass Media, New York, Times
Book, 1995, p.226.

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