SA259_42-44 - Spectra Analyse

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SA259_42-44 - Spectra Analyse
INTERVIEW
Un LIMS pour la production
Les sites de la société Marie entamé en 2003 un projet de mise en place d’un LIMS. Ce LIMS très
personnalisé se trouve directement connecté à la production et joue un rôle essentiel dans
l’effort d’amélioration de la traçabilité mené par cette société. Jean-Pierre Alves1, Responsable
gestion des risques alimentaires pour Marie Groupe Uniq et Jacqueline Doyen2 (voir Encadré L’expérience du site de Ludres), Responsable contrôle qualité, au sein de la société Saint-Hubert*.
nous expliquent le déroulement de ce projet, les difficultés et les gains associés à sa réalisation,
Spectra Analyse : Pourriez-vous
nous décrire votre société ?
Métier
Jean-Pierre Alves : La société Marie est l’entité
française du groupe anglais Uniq PLC dont l’activité se focalise sur le marché du « convenience
food ». Nos produits sont positionnés sur le
marché du frais et du surgelé. Le groupe Marie
emploie 1500 personnes en France, son chiffre
d’affaires en 2006 s’élève à 385 millions d’euros.
L’ensemble de notre production est réparti en
France sur six sites spécialisés par technologie,
trois usines fabriquent des produits surgelés
(Chacé (Maine-et-Loire), Airvault (Deux-Sèvres), Mirebeau (Vienne)) et les trois autres des
produits frais (Briec (Finistère), Sablé (Sarthe),
Viriat (Ain)), le siège de la société est situé à
Rungis. Quatre de ces six usines sont dotées
de laboratoires et des analyses sont également
réalisées par différents prestataires de services.
Les analyses concernent une très grande variété
d’échantillons, des matières premières aux produits finis en passant par les produits semi-œuvrés, de nombreuses analyses environnementales (eaux, surfaces, hygiène du personnel) sont
également effectuées. La nature de ces analyses
est également diversifiée car nous conduisons
des analyses bactériologiques, chimiques, physiques et organoleptiques sur nos produits.
Spectra Analyse : Pourquoi avez-vous entamé
une démarche d’informatisation ?
Jean-Pierre Alves : De par notre activité, nous
devons suivre une quantité importante d’indicateurs dans le cadre du reporting qualité.
L’informatisation du traitement de ces données constitue donc un passage obligé pour
gérer de façon pertinente ces indicateurs associés aux analyses réalisées. Une des usines du
groupe était déjà dotée d’un LIMS qui avait été
développé en interne. Cet outil était relativement performant au niveau de la gestion des
analyses mais ne pouvait pas évoluer. Pour les
autres usines, leurs responsables qualité recouraient pour certains à des logiciels bureautiques « classiques » disponibles sur le marché
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pour assurer l’informatisation de leurs données. L’obsolescence de certains de nos outils,
la demande des responsables qualité et plus
globalement le souhait du groupe d’améliorer
la traçabilité ont abouti à la mise sur pied d’un
projet d’informatisation avec l’implémentation
d’un progiciel de suivi et de pilotage de la production, un MES (Manufacturing Execution
System), puis celle d’un LIMS destiné à gérer
tout le volet analytique de la traçabilité.
Spectra Analyse : Quelles étaient vos attentes
par rapport à la mise en place d’un LIMS ?
Jean-Pierre Alves : Nos attentes étaient très spécifiques, les fonctionnalités de notre LIMS ne devaient pas se limiter à la gestion de l’activité des
laboratoires mais être connectées à la production
avec notamment un interfaçage avec le MES et
avec notre ERP. Les demandes associées à ces attentes dépassaient donc très largement les fonctionnalités de base de ce type de système et nécessitaient de nombreux développements à façon.
Notre activité implique beaucoup d’auto contrôles
et donc l’élaboration de plans de contrôle tout au
long du process de fabrication des produits de la
matière première jusqu’à l’expédition des produits.
Le LIMS devait donc permettre de planifier l’ensemble des prélèvements associés à ces plans de
contrôles, c’est-à-dire générer une liste de la totalité des prélèvements à exécuter et les étiquettes nécessaires à l’identification des échantillons.
Nous sommes également dans l’obligation de
conserver les échantillons prélevés après la date
limite de durée de vie du produit, la gestion de
notre échantillothèque constitue donc une vraie
problématique à laquelle le LIMS devait également répondre. Autre point, le LIMS devait être
doté d’un outil extrêmement complet et convivial
pour permettre une automatisation la plus poussée possible du traitement des données analysées
dans le cadre de notre reporting qualité. Enfin, et
il s’agit là d’un point primordial pour les usines qui
ne disposent pas de laboratoires, le LIMS devait
pouvoir recevoir et intégrer sans aucune ressaisie
les résultats des analyses réalisées par les laboratoires prestataires.
Marie Groupe Uniq – 13-15, rue du Pont des Halles – BP 108 – 94526 Rungis cedex
Saint-Hubert – 870, rue Denis Papin – Zone Industrielle – BP 8 – 54712 Ludres
* NDR : Cette société était rattachée au Groupe Uniq jusqu’en novembre 2006.
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SPECTRA ANALYSE n° 259 • Décembre 2007
Interview
Un LIMS pour la production
Spectra Analyse : Comment s’est déroulé
la phase de choix de la solution retenue ?
Jean-Pierre Alves : Chacune des fonctionnalités spécifiques évoquées précédemment était pour nous non
négociable dans le cadre de l’appel d’offres que nous
avons mené. La conception du cahier des charges a
démarré au cours de l’année 2003, elle a été pilotée
par le chef de projet informatique qui s’était chargé
du projet MES, j’étais pour ma part en charge du volet utilisateurs de ce dossier. L’ensemble des réponses
à notre appel d’offre a été analysé par un groupe de
travail regroupant les deux chefs de projet précités,
le responsable analyse sensorielle et la personne en
charge du projet au niveau du site pilote sur lequel le
LIMS devait être installé. Cette étape nous a permis
d’établir une liste réduite de trois éditeurs. Nous avons
ensuite réalisé des visites sur sites pour voir les solutions pratiques apportées par les trois produits encore
en lice. Enfin, différents scénarii ont été soumis aux
éditeurs afin de nous permettre de juger de leur capacité à répondre à des demandes concrètes. Le choix
final a notamment été motivé par la précision, la pertinence et la personnalisation des réponses apportées
à nos demandes. L’ensemble de cette phase a duré environ six mois.
Spectra Analyse : Comment s’est déroulée
concrètement la phase d’implémentation
de cette solution ?
Jean-Pierre Alves : Un groupe de projet a été
constitué avec un représentant de chacune de
nos usines, le responsable analyse sensorielle
et moi-même. L’intégration a été assurée par
l’éditeur lui-même. Une première étape « d’application study » avec le chargé de projet de
l’éditeur nous a permis de mettre à plat et de
clarifier toutes les demandes de notre cahier
des charges. Ce travail a été primordial pour
la réussite du projet et a permis à l’éditeur de
réécrire les spécifications fonctionnelles techniques. Cette phase a duré quatre mois à raison de 2 jours de réunion par mois. Le groupe de projet a ensuite suivi une formation de
base d’une semaine afin de se familiariser avec
le LIMS. Une dernière série de réunions sur
le site de Rungis nous a permis de mettre en
commun toutes les informations utiles à la définition d’un socle d’implémentation commun
pour tous les sites. L’implémentation sur le site
de Ludres a démarré en 2005, pour les autres
usines le déploiement se fait au fur et à mesure.
Spectra Analyse : Quel bilan tirez-vous
de l’adoption de ce LIMS ?
Jean-Pierre Alves : Les usines utilisatrices sont satisfaites à plusieurs niveaux. La gestion informatique des
prélèvements est un plus incontestable, elle permet
de gagner du temps au niveau de la préparation des
échantillons et d’éviter les oublis potentiels, la préparation des bordereaux de transmission des échantillons est également entièrement automatisée. Par
ailleurs, l’intégration directe des résultats des analyses
réalisées à l’extérieur doit nous permettre de traiter
l’intégralité des résultats d’analyses dans le cadre du
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INTERVIEW
L’expérience du site de Ludres
Spectra Analyse : Pourriez-vous nous décrire la société
St-Hubert et les analyses liées à son activité ?
Jacqueline Doyen : Notre activité est dédiée à la
production de pâte à tartiner et de margarine allégée sur le site industriel de Ludres situé à proximité
de Nancy. Cette usine emploie une centaine de personnes pour un effectif groupe total d’environ 180
personnes. Nous réalisons et nous traitons une très
grande diversité d’analyses dans les domaines de la
physico-chimie-biochimie (taux de matière grasse,
pH, taux de protéines, taux de chlorure, taux de solide, indice de peroxyde,…), de la chimie (analyses sur
des eaux usées, DCO, pH, matières sèches,…) et de la
microbiologie (entérobactéries, levures, moisissures,
flore totale,…). D’autres analyses sont réalisées par
des prestataires extérieurs. Nous effectuons aussi des
analyses organoleptiques (dégustation, couleur, texture, aspect) ainsi que des analyses en production.
Spectra Analyse : Quels étaient les objectifs associés
à la mise en place d’un LIMS ?
Jacqueline Doyen : Le premier objectif poursuivi
consistait à rapprocher les différents métiers du groupe tel qu’ils existaient au moment de l’implémentation
du LIMS. Nous souhaitions améliorer la traçabilité
au niveau local, c’est à dire au sein de chaque usine,
mais également à une échelle plus globale : le service qualité du groupe basé à Rungis devait pouvoir
accéder à l’ensemble des résultats relatifs à nos diffé-
rents produits pour toutes nos unités de production.
La mise en place du LIMS devait donc permettre une
meilleure centralisation de nos données. Nos attentes
sur le site de Ludres concernaient également la gestion de l’échantillothèque et le traitement des données. La solution que nous utilisions depuis 1985, des
tableaux réalisés sur un tableur Lotus, était dépassée
et ne pouvait plus véritablement satisfaire nos attentes à ce niveau.
Spectra Analyse : Quel bilan tirez-vous de l’adoption
de ce LIMS ?
Jacqueline Doyen : Aujourd’hui le bilan est globalement positif. L’ensemble de nos résultats est effectivement centralisé et il est possible d’accéder à ces
données de façon immédiate. Le LIMS nous offre
également beaucoup de nouvelles possibilités d’analyse statistique de nos résultats. Nous disposons désormais d’une traçabilité totale vis-à-vis du contenu
de l’échantillothèque. La gestion des plans de contrôle
a été grandement facilitée. Nous ne disposons pas à
Ludres d’un MES, toutefois le LIMS est interfacé avec
notre ERP, ceci permet l’élaboration des plans de contrôle directement dans le LIMS suite à la création des
ordres de fabrication. Selon moi, le LIMS n’apporte
pas véritablement de gain de temps, il implique en
effet dans notre cas l’emploi d’un demi-poste supplémentaire. Le LIMS constitue une aide importante permettant de répondre aux exigences de nos clients et
aux évolutions de la réglementation.
reporting. Dans l’ensemble on peut noter une fluidification importante de la gestion des prélèvements c’est
selon moi le gain le plus notable. Autre point important, nous profitons maintenant de l’automatisation
du traitement des données, la solution de reporting
intégrée est peut-être un peu complexe à paramétrer
mais son utilisation est très simple et il est possible de
croiser toutes nos données avec beaucoup de souplesse. L’extraction d’informations pertinentes à partir de
nos données se trouve significativement améliorée.
Spectra Analyse : Au regard de votre expérience
quelles sont les questions essentielles qu’une
entreprise comparable à la votre doit se poser
avant de s’engager dans une démarche visant
à l’adoption d’un LIMS ?
Jean-Pierre Alves : La définition précise du
besoin est primordiale tout comme le choix de
l’éditeur et de l’intégrateur. On doit garder à
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l’esprit que l’implémentation est un processus
long, ceci n’est pas anodin et l’on doit s’assurer de la disponibilité et de la motivation des
opérateurs vis-à-vis du projet. Dans notre cas
nous avons accompagné les opérateurs sur le
site pilote pendant plusieurs mois afin de traiter progressivement tous les problèmes rencontrés lors de la phase de démarrage. Pour
les autres sites, la majeure partie des problèmes ayant été résolue sur le site pilote, l’accompagnement a été nettement plus court.
Les responsables en charge du projet doivent
également surveiller de près le budget, l’étape « d’application study » est d’ailleurs très
importante à ce niveau car elle permet d’anticiper les évolutions qui peuvent se révéler
nécessaires. Il est problématique lorsque les
besoins n’ont pas été bien définis en amont
d’être confrontés à des développements supplémentaires qui viennent alourdir le budget.