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PARTENAI R ES Schmidt à l’état de veille u Sur le plateau de Caussols, dès que commence la nuit astrale, le télescope de Schmidt scrute, à 36 000 km de la Terre, tout visiteur indésirable sur l’orbite géostationnaire. Ainsi surveillés, les satellites Télécom, TDF, Astra poursuivent sereins leur trajectoire au milieu de météorites et C réé en 1974 par le Cerga*, situé à 1 270 m au-dessus de Nice, le site de Calern dépend de l’observatoire de la Côte d’Azur. Dans un décor lunaire, différents instruments,à l’architecture bizarroïde pour certains, répartissent leur activité entre la télémétrie laser (Lune et satellite), l’interférométrie, la mesure du diamètre du Soleil et la surveillance du ciel. Le télescope de Schmidt, destiné à élaborer une première cartographie du ciel en ultraviolet depuis Hawaï, ne devait faire ici qu’une brève escale. En fait, il n’a jamais quitté le plateau grassois. Grâce à lui, l’astéroïde Toutatis, la comète Ciffréo sont sortis de l’ombre stellaire,ainsi que de nombreux autres objets ici détectés. C’est en 1996 que le CNES a demandé à l’observatoire de commencer l’étude des débris spatiaux sur film photographique. Et même si les astronomes ne voient pas d’un très bon œil ces intrus artificiels, ils se sont pris d’intérêt à ce nouveau jeu d’observation optique. 34 Au départ piégés par l’expression débris spatiaux, ils imaginaient observer une zone du ciel où les satellites hors d’usage dérivaient vers une orbite de rebut. «Nous pensions voir des nuages de très petits objets,résultant d’explosion de satellites suite à une collision, resitue Alain Maury, ingénieur chargé de cet instrument. En fait,il n’en est rien.C’est pourquoi il est plus judicieux de parler de déchets spatiaux. Nous ne pouvons pas dire,à l’heure actuelle,que nous avons vu des objets fragmentés... Mais cela fait partie du projet.» Une caméra optique sur le télescope A l’issue de la première campagne photographique organisée en 1996 pour le CNES,le télescope est équipé d’une caméra CCD. Sa résolution (2 000 x 2 000 pixels) offre alors la possibilité de photographier des objets à des dizaines de milliers de kilomètres de la Terre. Sa sensibilité est 10 à 20 fois meilleure que celle de la photographie.«Le temps de pose se situe entre 40 secondes © Cnes 1998, A.-L. Huet © Cnes 1998, A. Felix de déchets spatiaux. et une minute pour les débris sur l’orbite des satellites géostationnaires. C’est amplement suffisant pour détecter des objets de l’ordre de quelques dizaines de centimètres de diamètre à un mètre. Nous revenons dessus toutes les 5 à 10 minutes. La fréquence d’échantillonnage varie selon la vitesse de l’objet observé. Actuellement la taille du champ ne nous permet pas de couvrir une zone importante. Nous préférons pour l’instant rester toute la nuit sur le même champ.» remarque Albert Bijaoui, astronome, responsable de cette étude de détection des débris spatiaux.Reste dans l’avenir à installer un autre détec- teur plus grand pour accroître la performance. Mais d’ores et déjà grâce à ce nouveau procédé, l’image est directement visible sur l’ordinateur. Plus besoin d’épreuve papier, tout se grave directement sur CD-Rom. Toute la difficulté réside à ce niveau-là dans le traitement des données. L’équipe d’Albert Bijaoui a mis au point une technique informatique afin de rallonger les poses, d’aller très loin en magnitude et de supprimer les traces d’étoiles brillantes par traitement d’image. Un champ de couverture à élargir Maintenant, l’équipe entame la 3e phase du projet : celle des statistiques.En campagne du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999, Alain Maury observe à chaque lunaison l’orbite en question à partir de 300 images analysées quasiment en temps réel.A ce rythme,l’objetdétecté Deux radars Armor braqués sur l’orbite basse u Dans la rade de Brest, la mystérieuse “Reine des quais”, longue de 230 mètres, en intrigue plus d’un. Peu de sorties en mer pour ce bateau laboratoire de la Marine Nationale qui surveille en permanence notre espace. Spécialisé dans les tirs balistiques grâce à ses radars Armor, Stratus, Savoie, Gascogne, le BEM Monge fonc© Cnes 1998, A. Felix Masaï tionne comme un énorme capteur. Depuis quelques mois, ses deux radars Armor s’intéressent aussi à la course des débris sur l’orbite basse. © Cnes 1998, E. Grimault est finement identifié. «Lorsqu’ils sont stationnaires,nous sommes en mesure de voir des objets de magnitude 20,soit de 10 x 10 cm. S’ils sont mobiles,nous tombons sur des objets de l’ordre du mètre carré. Pour l’instant, nous sommes figés sur un certain nombre de champs en raison de la mise au point de la séquence. D’ici cet été, nous allons couvrir de plus en plus de surface.» Un tiers de la ceinture des satellites géostationnaires est aujourd’hui dans l’œil de Schmidt.Le but est bien entendu d’agrandir la zone afin d’avoir sous contrôle l’ensemble des objets repérés, plusieurs fois par nuit. L’observatoire sera alors en mesure de fournir au CNES des informations très précises sur la position des objets et la métrologie des satellites.A ce jour,700 objets sont recensés sur l’orbite géostationnaire dans le répertoire de l’USSPACECOM. D’ailleurs un tiers des débris concernant cette orbite n’y est pas référencé. Une bonne connaissance de l’activité de cette orbite assurera à la France son autonomie dans ce domaine. A ce jour le télescope est utilisé deux nuits par semaine pour le CNES, soit 30 % de son temps consacré à l’observation des déchets spatiaux.Aucune collision n’a encore été annoncée mais les déchets,quant à eux, prolifèrent dans l’espace... Sans compter qu’il existe à cette hauteur des risques naturels non négligeables, comme par exemple les météorites, véritables dangers pour les satellites.Les Léonides l’ont récemment démontré,obligeant les agences spatiales à réorienter leurs satellites. La petite équipe d’astronomes de Calern a été,à cette occasion,sur le pont plusieurs nuits d’affilée.C’est pourquoi ici plus qu’ailleurs, la sauvegarde du ciel prend tout son sens. ■ Brigitte Thomas E lément fondamental du dispositif d’essais de la Marine Nationale pour recueillir et exploiter tous les paramètres des tirs de missiles en vol, l’équipement du BEM Monge n’a pas son pareil au monde. Sur le pont radars, tourelle optronique, station de télémesure, lidar, sondes pour mesures aérologiques, se partagent la vedette, avec, dans la coque du navire, les PC radars, calcul et mesures qui vont de pair. Véritable centre d’essai mobile, il est amené aujour- Observatoire de la Côte d’Azur BP 4229 • 06 304 Nice cedex 4 Tél. +33 (0)4 92 00 30 11 http : //www.obs-nice. fr/ *Cerga :Centre d’Etudes et de Recherches en Géodynamique et Astronomie Caractéristiques du radar Armor : puissance crête 1 MW, puissance moyenne 20 kW, masse 50 tonnes, diamètre de l’aérien 10 m. 35 PARTENAI RES Une observation fine sur 10 km © Cnes 1998, E. Grimault Généralement les débris suivis depuis le navire résultent du lancement de tous les satellites en orbite basse. Le volume d’observation du radar Armor représente un lobe d’un tiers de degré, soit un pinceau très fin dont la portion utile en distance (soit 10 km) est couverte par le satellite en un peu plus d’une seconde. Dans ce cas, prévoir une veille dans l’attente du passage d’un débris est exclu, d’où la nécessité des données de l’USSPACECOM pour établir des points d’attente. “En général nous savons que le débris va passer sur la trajectoire sans connaître la date.Nous nous mettons sur un point d’attente.Lorsque nous captons le signal dans le volume d’observation du radar, nous passons en poursuite grâce à un vecteur d’injection qui est, dans notre jargon, l’ensemble des informations (position, vitesse, temps) caractéristiques d’une trajectoire balistique. Nous suivons ainsi ses 2 ou 3 passages en visibilité de Brest.” Les deux radars fonctionnent simultanément selon des stratégies de poursuite différentes. Le PC calcul assure en temps réel l’acquisition des mesures ainsi que l’élaboration de plusieurs dizaines de trajectoires de mobiles… au CNES ensuite d’exploiter ces mesures au plus proche de la prévision de collision. L’utilisation de ces données radar influe sur la décision de manœuvrer ou pas le satellite. Depuis plus d’un an, le Groupe Mesures a été sollicité de nombreuses fois par le Centre Spatial de Toulouse. Aujourd’hui il suffit d’un coup de fil ou d’un fax informant du risque de collision, avec le numéro de l’objet pour enclencher le processus d’identification dans la base de données propre au BEM Monge et lancer l’alerte radar. Le préavis peut aller de 24 heures mini- mum à 3 jours… Encore marginale au sein de ce bâtiment d’essais et de mesures de la Marine Nationale, cette nouvelle activité ne demande qu’à se développer ! ■ BEM Monge Groupe Naval d’Essais et de Mesures 29240 Brest Naval Tél. à quai : + 33 (0) 2 98 31 13 15 Tél. en mer : 00 871 111 02 05 e-mail : [email protected] Brigitte Thomas Un matériau de protection thermique testé au Centre d’Etudes de Gramat Une des solutions envisagées pour réduire les risques d’impact consiste à améliorer le pouvoir protecteur des blindages légers des véhicules spatiaux. Dans ce contexte, le Centre d’Etudes de Gramat a réalisé, pour le compte de l’ESA, des travaux dont l’objectif était la simulation du comportement, face à ce type de sollicitation, d’un matériau de protection thermique (AQ60) élaboré par Aerospatiale. Ces travaux étaient basés sur la complémentarité des compétences du site de Gramat en matière d’expérimentation en impact hypervitesse et de simulation numérique de ces impacts. © Cnes 1998, C. Loupias d’hui à diversifier ses activités, notamment en trajectographie. “Nous avons la chance de posséder deux radars Armor,très performants en terme de bilan de liaison, ayant la capacité de voir un objet de petite taille à longue distance, précise Jean-Claude Geay, directeur technique du Groupe Mesures. Ces radars sont complètement différents de ceux du Centre d’Essais des Landes ou de celui de la Méditerranée. Ils ont été conçus pour suivre des têtes nucléaires en phase de rentrée atmosphérique avec des surfaces équivalentes très faibles. A partir de cette capacité,nous avons évalué, à la demande du CNES, la taille limite à détecter pour un débris. Nous sommes en mesure de suivre, durant 7 à 8 minutes, des objets d’une dizaine de centimètre de côté entre 400 et 1 000 km d’altitude. Cela dépend de leur structure. S’ils sont brillants du point de vue radio électrique,on peut descendre jusqu’à un diamètre de balle de tennis.” Pas de difficulté particulière pour remplir cette mission, si ce n’est que le bateau à quai impose des contraintes : cap fixe alors que le satellite est par nature mobile, interdiction d’émission en dessous de 10° de site… Canon hypervitesse L’utilisation de moyens de simulation numérique était nécessaire pour établir les lois de dommages jusqu’à la vitesse d’impact de 15 km/s (les moyens d’essais actuels ne permettant pas de lancer des projectiles de masses significatives au-delà de 8 km/s). La stratégie d’étude s’est donc articulée autour de la modélisation (caractérisation du matériau, élaboration, implantation dans le code de calcul Ouranos d’un modèle de comportement de ce matériau aux impacts de débris), de l’expérimentation (réalisation d’essais et d’expériences d’impacts hypervitesse à des vitesses comprises entre 2 et 8 km/s) et de la simulation numérique. L’ensemble de ces résultats doit être exploité par l’ESA pour élaborer des lois empiriques de dommages, applicables à la conception des structures de véhicules spatiaux. Centre d’Etudes de Gramat • 46 500 Gramat • Tél. + 33(0)5 65 10 54 32 36