des personnes handicapées mentales et psychiques

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des personnes handicapées mentales et psychiques
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éd.
des personnes
handicapées
mentales et psychiques
SOUS LA DIRECTION DE
Gérard Zribi & Raymond Ceccotto
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e
édition
des personnes
handicapées
mentales et psychiques
Le rôle des établissements
et services sociaux et médico-sociaux
Sous la direction de
Gérard Zribi
Raymond Ceccotto
2016
PRESSES DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE
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Ouvrages de Gérard Zribi
Aux Presses de l’EHESP
L’avenir du travail protégé. Les ESAT dans le dispositif d’emploi des personnes handicapées,
4e éd., 2012
Handicapés mentaux graves et polyhandicapés en France, 1993
En collaboration
Gérard Zribi, Dominique Poupée-Fontaine, Le dictionnaire du handicap, 8e éd., 2015
Gérard Zribi, Jean-Tristan Richard, Polyhandicaps et handicaps graves à expression multiple,
2013
Gérard Zribi (dir.), Le vieillissement des personnes handicapées mentales, 3e éd., 2012
Gérard Zribi, Jacques Sarfaty (dir.), Handicapés mentaux et psychiques, vers de nouveaux
droits, 3e éd., 2012
Gérard Zribi, Thierry Beulné (dir.), Les handicaps psychiques. Concepts, approches, pratiques,
2009
Gérard Zribi, Jean-Louis Chapellier (dir.), Penser le handicap mental, 2005
Gérard Zribi, Jacques Sarfaty (dir.), Construction de soi et handicap mental, 2000
Gérard Zribi (dir.), L’accueil des personnes gravement handicapées, 1998
Chez d’autres éditeurs
Gérard Zribi, Jacques Sarfaty (dir.), Handicap mental et vieillissement, Éditions du
CTNERHI, 1990
Gérard Zribi, Vers une psychothérapie sociale. Le sort des adolescents et des adultes handicapés
mentaux, Éditions ESF, 1987
Le photocopillage met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans autorisation
de l’éditeur (loi du 11 mars 1957, code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992).
© 1re édition, 2007, Éditions ENSP
© 2e édition, 2016, Presses de l’EHESP – Avenue du Professeur Léon-Bernard – CS 74312 – 35043
Rennes Cedex
ISBN : 978-2-8109-0536-2
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Remerciements
Nous remercions vivement les auteurs pour leur contribution à un sujet complexe et relativement récent ainsi que Samuel Ceccotto et Sara Grandinetti pour
la traduction de deux articles de l’italien vers le français et Brigitte Oviève pour
celle d’un article de l’anglais vers le français.
Notre gratitude va également aux Presses de l’EHESP pour leur confiance
toujours renouvelée.
Cet ouvrage a enfin bénéficié de la disponibilité de Florence Bidaux ; son aide
matérielle et organisationnelle a été précieuse.
Gérard Zribi, Raymond Ceccotto
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Les auteurs
Gérard ZRIBI, docteur en psychologie, est directeur général de l’Association des
familles et amis pour l’accueil, les soutiens, l’éducation et la recherche en faveur
des personnes handicapées mentales (AFASER), association gestionnaire d’établissements et services spécialisés en région parisienne. Président d’une association nationale de directeurs, vice-président de l’Association de recherche et
de formation sur l’insertion en Europe (ARFIE), responsable d’un service de
formation continue, conférencier, il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages
sur les handicaps, majoritairement parus aux Presses de l’EHESP. Il participe à
plusieurs enseignements et formations.
Raymond CECCOTTO, psychologue, est directeur général de l’Association des
parents d’enfants mentalement handicapés (APEMH), gestionnaire d’établissements spécialisés au Grand-Duché de Luxembourg. Il est responsable d’une
unité de formation continue pour les professionnels intervenant dans le domaine
médico-social en général et dans le secteur du handicap en particulier (UFEP).
Président de l’Association de recherche et de formation sur l’insertion en
Europe (ARFIE), il a participé à la publication de cahiers thématiques et à l’organisation de séminaires européens sur les questions d’actualité dans le domaine
des handicaps.
Wassila BELHADJ, est cadre de santé dans une maison d’accueil spécialisée.
Marco O. BERTELLI, diplômé de médecine à l’Université de Florence (Italie)
est directeur du MAPPsi (Medics Associated for Psychiatry and Psychotherapy,
Florence) et responsable des services cliniques psychiatrique et psychologique
de la Misericordia di Firenze (Florence). Il est aussi directeur scientifique de
CREA (Centre clinique et de recherche), de la Fondation San Sebastiano della
Misericordia de Florence. Professeur de psychiatrie dans des cours post-universitaires pour le département des sciences de neurologie et de psychiatrie à
l’Université de Florence et dans divers programmes de formation au niveau
local, national et international, il a participé à de nombreux congrès nationaux.
Il est également président de la Société italienne pour les troubles neuro-développementaux et président élu de l’Association italienne pour l’étude de la qualité de vie (AISQUV).
Thierry BEULNÉ, psychologue, est directeur d’un ESAT et de services associés
pour handicapés psychiques. Il est co-auteur d’ouvrages sur les handicaps.
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Le droit à la santé des personnes handicapées mentales et psychiques - 2e édition
Annamaria BIANCO, diplômée en psychologie clinique et communautaire à
l’Università degli Studi de Florence (Italie), spécialisée en psychothérapie comparée, est chercheuse auprès de l’Institut CREA (Centre clinique et de
recherche) de la Fondation San Sebastiano della Misericordia de Florence. Elle
est l’auteur d’articles pour des revues scientifiques nationales et internationales
et de chapitres de livres. Elle a également participé avec le CREA à des projets
européens sur les « besoins en formation des professionnels confrontés au
« double diagnostic » et sur la « bientraitance ».
Laurent BIZZARRI, psychologue clinicien, est psychologue auprès de l’Association des parents d’enfants mentalement handicapés (APEMH) au Grand-Duché
de Luxembourg, après avoir travaillé en foyer de l’enfance, en crèche, en foyers,
en service d’action éducative en milieu ouvert. Il est l’auteur de plusieurs publications.
Anna BLUM, est ergothérapeute, chef de service paramédical.
François CARON, est directeur d’une maison d’accueil spécialisée pour adultes
polyhandicapés.
Patrick DAOUD, pédiatre, médecin-chef à l’hôpital de Montreuil-sous-Bois,
exerce également à l’externat médico-pédagogique (EMP) (annexe 24ter) de
Champigny-sur-Marne.
Anne DASNOY-SUMELL, licenciée en sciences de l’éducation, est enseignante
et formatrice pour adultes dans le domaine de la vie affective, relationnelle et
sexuelle et de la communication. Elle est l’auteur de plusieurs publications sur
la transition entre enfance et adolescence et sur l’éducation affective et sexuelle.
Évelyne FRIEDEL, docteur en droit, est avocate au barreau de Paris et conseil
auprès du cabinet international Jones Day (Paris). Par ailleurs, elle est administratrice d’Autisme Europe et vice-présidente de la Fédération nationale des
associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d’établissements et
services pour personnes handicapées mentales (FEGAPEI). Intervenant comme
avocate dans le cadre bénévole, elle a déposé, en 2002, la première réclamation
collective relative aux droits des personnes handicapées auprès du Conseil de
l’Europe. Elle a rédigé plusieurs articles sur le diagnostic et l’éducation des
enfants autistes et sur leurs droits.
Mylène GAROest médecin psychiatre et thérapeute familiale.
Roberto KELLER, médecin chirurgien inscrit à l’Ordre des médecins de la
Province de Turin (Italie) depuis 1993, est psychothérapeute spécialisé en psychiatrie, en neuropsychiatrie infantile et en neuro-psychopharmacologie. Il
dirige actuellement comme psychiatre à temps plein le département de santé
mentale G. Maccacaro de l’unité sanitaire locale de Turin. Il est aussi conseiller
général de la Société italienne de psychiatrie du Piémont et membre de la
Société italienne de neuro-psychopharmacologie.
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Les auteurs
Sandy-Laure LAVIRON, est directrice d’un externat médico-éducatif pour
enfants polyhandicapés.
Christine PIEUCHOT, psychologue, est directrice d’un institut médico-éducatif pour enfants et adolescents épileptiques sévères.
Micaela PIVA-MERLI, diplômée en médecine à l’Université des études de
Florence (Italie), est spécialiste en psychiatrie et psychothérapeute. Chercheuse
auprès de l’Institut CREA (Centre clinique et de recherche), de la Fondation
San Sebastiano della Misericordia de Florence, elle est l’auteur d’articles scientifiques sur la santé mentale chez les personnes atteintes de troubles du développement intellectuel et relationnel.
Fabienne PRESSARD, psychologue, est directrice d’externat médico-éducatif
(EMP) et d’externat médico-professionnel (EMPro) pour enfants et adolescents
handicapés mentaux. Elle est l’auteur de plusieurs articles sur les handicaps.
Brigitte REBMEISTER, est professeur et parent.
Elisa RONDINI, diplômée en anthropologie de l’Université de Pérouse (Italie),
poursuit un Master en études géographiques et anthropologiques à l’Université
de Florence, et travaille sur une thèse intitulée « Espaces urbains et troubles
psychiques : l’expérience florentine ». Elle est assistante de recherche auprès de
CREA (Centre clinique et de recherche) de la Fondation San Sebastiano della
Misericordia de Florence.
Michele ROSSI, psychiatre et psychothérapeute, exerce son activité en tant qu’indépendante et consultante pour divers prestataires de services sanitaires pour
personnes atteintes de troubles de santé mentale et du développement intellectuel. Elle est aussi chercheur auprès de CREA (Centre de clinique et de
recherche) de la Fondation San Sebastiano della Misericordia de Florence
(Italie) et chargée de cours. Elle est l’auteur de contributions scientifiques dans
des revues nationales et internationales.
Paolo ROSSI-PRODI, docteur en médecine et chirurgie et en psychiatrie, est
responsable du Groupe Autisme ASF (GAIA) et coordinateur pour la santé
mentale de l’Aire « Centre » à Florence. Il intervient dans de nombreux congrès
et workshops, nationaux et internationaux, de psychiatrie et sur les dépendances
pathologiques, ainsi que sur le sujet de l’autisme.
Sandrine RUBEN, psychologue, est coordonnatrice d’un service de réadaptation
pour handicapés psychiques.
Michel SCHMITT, est chef de Pôle, Groupe hospitalier du Centre-Alsace à
Colmar. Il est pilote et rapporteur de la mission ministérielle « Bientraitance en
établissements de Santé », et vice-président honoraire de la Croix-Rouge
Française. Il est l’auteur de l’ouvrage Bientraitance et qualité de vie (Elsevier
Masson).
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Le droit à la santé des personnes handicapées mentales et psychiques - 2e édition
Daniela SCUTICCHIO, travaille comme psychologue psychothérapeute dans
le champ des troubles du développement de l’intelligence et comme chercheuse
auprès de l’Institut CREA (Centre de clinique et de recherche) de la Fondation
San Sebastiano della Misericordia de Florence (Italie). Elle est chargée de cours
pour des formations adressées aux travailleurs sociaux du secteur socio-sanitaire
et des cours de formation à distance. Elle est l’auteur d’articles publiés dans des
revues scientifiques nationales et internationales et de chapitres de livres.
Catherine TAGLIONE, diplômée en sciences politiques et juridiques, est formatrice à l’institut régional supérieur du travail éducatif et social (IRTESS) de
Bourgogne. Ses nombreux écrits ont porté sur la vie affective et la sexualité en
institution, et sur les droits des usagers.
Ariane VIENNEY, est directrice de foyers communautaires, de foyers de vie, de
foyers de jour, d’un service d’accompagnement médico-social pour adultes
handicapés (SAMSAH) et d’un service d’accompagnement à la vie sociale
(SAVS). Elle est l’auteur de plusieurs articles sur les handicaps.
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Introduction
Articuler les actions de santé
avec l’accompagnement médico-social
Gérard Zribi
Ce n’est que récemment que le lien entre la santé (mentale, ­physique,
etc.) et le médico-social apparaît aussi incontournable dans les textes réglementaires et dans les projets d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux (ESMS).
La raison est, sans doute, à rechercher dans le dépassement du clivage
traditionnel entre les maladies qui seraient évolutives et les handicaps considérés comme « fixés ».
Le monohandicap étant rare (les aberrations trisomiques, les handicaps
graves à expression multiple, les handicaps rares, la schizophrénie, etc.), il n’est
également plus question de réduire les besoins d’une personne à des interventions ciblées sur un domaine particulier (cognitif ou sanitaire par exemple),
mais de prendre en compte la dynamique globale propre à chaque sujet.
Une autre explication réside dans l’inscription depuis une trentaine d’années, dans le champ médico-social, de sujets affectés de troubles psychiques
durables (les handicaps psychiques), autrefois cantonnés dans les hôpitaux
psychiatriques. Également, l’allongement de la durée de vie et ses impacts
(physiques, mentaux, etc.) ont imposé l’adaptation de l’accompagnement
(rythme de vie et d’activité, prévention, soins, ergonomie, etc.) au vieillissement des personnes handicapées.
Enfin, la restructuration globale du système de santé s’est, pour ce qui
concerne notre sujet, et particulièrement dans le domaine de la santé mentale, axée sur le passage de la prise en charge de patients chroniques du
secteur sanitaire (et notamment psychiatrique) vers le secteur médico-social.
Les changements notionnels, démographiques, politiques et institutionnels ont ainsi éloigné les approches autrefois univoques et cloisonnées, au
profit d’une autre logique plus globalisante, partenariale et davantage
­territorialisée.
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Le droit à la santé des personnes handicapées mentales et psychiques - 2e édition
Santé, vulnérabilités et pathologies
Les déterminants de la santé sont très divers : « intrinsèques à l’individu
(génétiques, métaboliques…), comportementaux (nutrition, consommation
d’alcool, tabac…), environnementaux (habitat, bruit…), économiques (revenus sociaux et réseau social, niveau d’éducation, travail…), territoriaux… »
(Haut Conseil de la santé publique, 2015).
Ainsi, la promotion d’une bonne santé physique et mentale ne relève
pas seulement du système de soins, mais aussi d’une manière de vivre
(habitat, transports, activités physiques, etc.), des conditions de travail, de
l’accès à un réseau relationnel (amis, familles), de ressources suffisantes, etc.
Les constats sur la santé de la population vont varier en fonction de l’âge,
des territoires, du milieu socio-économique, etc., ainsi que des fragilités
personnelles.
Les études récentes montrent un niveau de maladies chroniques en
hausse (affections cardio-vasculaires, tumeurs, maladies psychiatriques,
notamment), une expansion des incapacités de travail (dues aux troubles
psychiatriques pour 28 % des situations), mais aussi un allongement très
sensible de la durée de la vie (+ 4 ans pour les femmes, + 5,9 ans pour les
hommes entre 1990 et 2013 ; Haut Conseil de la santé publique, 2015).
Alors que la santé bucco-dentaire s’améliore régulièrement et que les
maladies infectieuses reculent grâce à la prévention vaccinale, les troubles
mentaux et les troubles du comportement sont le premier motif d’admission
en affectation de longue durée (ALD) des moins de 15 ans (données de
l’assurance maladie en 2008).
Par ailleurs, l’espérance de vie ne fait que croître (à l’exception de l’année
2015), avec une différenciation nette entre de jeunes retraités actifs et globalement en forme (malgré quelques limitations physiques, sensorielles et
cognitives) et le quatrième âge caractérisé (pour une partie des personnes
très âgées) par des problèmes de santé et de dépendance (maladies chroniques invalidantes).
Rappelons également que le vieillissement est source de remaniements
progressifs, physiques ou psychiques, qui sont plus ou moins bien intégrés
selon la personnalité, l’histoire personnelle et la condition sociale.
Cela suggère que des actions de prévention (suivi médical régulier, ergonomie, domotique, interactions sociales, etc.) sont possibles et limiteraient,
entre autres, le suicide des personnes âgées qui est lié, dans la plupart des
cas, à la solitude et à la souffrance psychologique.
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Introduction
Nous ne pouvons que souscrire au diagnostic du Haut Conseil de la santé
publique (2015) qui est généralisable à de nombreuses affections chroniques :
« la prise en charge des troubles mentaux les plus sévères qui relève de soins
spécialisés n’est actuellement pas optimale et de nombreux freins sont régulièrement identifiés : démographie et répartition sur le territoire des psychiatres, non-remboursement par l’assurance maladie, cloisonnement entre
les secteurs sanitaire, médico-social et social et au sein du secteur sanitaire
entre la ville et l’hôpital, stigmatisation et auto-stigmatisation des patients… ».
L’action publique n’a, de ce fait, d’autres choix (et en y consacrant les ressources nécessaires) que de s’attacher à la prévention et à la prise en charge
précoce des pathologies et de mieux articuler les réponses, qu’elles relèvent
des soins, du médico-social, de la réadaptation et des pratiques inclusives.
Santé et handicaps
Tout en étant concernées par les constats généraux exposés ci-dessus, les
personnes handicapées sont affectées de troubles divers plus fréquents que
l’ensemble de leurs concitoyens : diabète, cardiopathie, épilepsie, etc., mais
aussi de représentations collectives limitant une image personnelle en bonne
santé.
Les comorbidités sont fréquentes dans certains handicaps. Ainsi, la prise
en charge des handicaps mentaux et psychiques peut négliger d’autres affections : chez les trisomiques, obésité, malformations cardiaques, troubles
visuels, démences précoces ; à l’autisme sont associés des troubles épileptiques dans 30 % des cas ; les traitements neuroleptiques peuvent également
affecter la santé. Les difficultés d’expression, comme un déficit d’information des professionnels ou encore la faiblesse des moyens médicaux limitent
l’identification des problèmes de santé (« Accès aux soins des personnes en
situation de handicap », 2009).
La complexité particulière des polyhandicaps exige, par ailleurs, l’élaboration de projets étoffés, l’existence de véritables équipes pluridisciplinaires
et l’inscription des services au sein de réseaux et de partenariats eux-mêmes
sensibilisés à ce domaine spécifique.
Il est à signaler aussi que les troubles psychologiques, dont les formes
durables et invalidantes génèrent des handicaps psychiques, sont probablement sous-estimés chez les personnes mentalement handicapées, résultante
possible de la rigidité des classifications (cristallisant un clivage excessif
entre les handicaps psychiques et les handicaps mentaux).
Malgré des avancées, il ne fait pas de doute qu’un certain nombre de
handicapés mentaux ne bénéficient pas, à la hauteur souhaitée, d’aides
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Le droit à la santé des personnes handicapées mentales et psychiques - 2e édition
psycho­thérapeutiques, ce qui a pour conséquence des souffrances accentuées, un sentiment d’isolement, mais aussi des pathologies somatiques.
Également, l’allongement spectaculaire, en quelques décennies, de
l­ ’espérance de vie des personnes handicapées (Zribi, 2012) ne trouve
pas actuellement de réponses suffisantes tant dans la conception globale
d’une politique ad hoc, dans l’analyse des besoins que dans la formation des
­personnels dans les domaines de la gérontologie et de la gériatrie.
Un certain nombre de facteurs (inadéquation du secteur sanitaire, faibles
moyens médicaux et compétences limitées des personnels dans les ESMS
en matière de santé, complémentarités insuffisantes entre le secteur de soins
et le secteur médico-social) expliquent ainsi que, malgré des progrès peu
contestables, l’accès à la prévention et aux soins des personnes handicapées
reste difficile et quelquefois acrobatique.
Une récente instruction a pour but de « lever les obstacles à l’exercice
d’un droit, celui d’accès et de continuité des soins courants. Ceux-ci sont
liés aux difficultés d’accès physique, de communication, de la nécessité d’une
prise en charge coordonnée entre professionnels sanitaires et médico-sociaux et de l’accompagnement des aidants familiaux ou professionnels »
(Instruction n° DGOS/R4/DGCS/3B/2015/313 du 20 octobre 2015).
Pour cela, cette instruction prévoit la mise en œuvre de « dispositifs
dédiés », inscrits dans une politique régionale de santé et utilisant un répertoire opérationnel de ressources (ROR) ainsi que les plateformes territoriales d’appui.
Ces dispositifs dédiés seraient facilités par des actions en direction de
l’orientation des patients et de la formation des professionnels.
Ces mesures montrent que la prise de conscience des décideurs publics
à propos des difficultés des personnes handicapées à accéder aux soins est
tout à fait présente aujourd’hui. Il faudra cependant, à moyen terme, évaluer
la pertinence et l’efficacité des actions entreprises.
Des réponses
Plus généralement, il faut noter d’ores et déjà une inégalité de traitement
car les solutions ne varient pas seulement en fonction de la lourdeur des
pathologies ; ainsi, à titre d’exemple, selon M. Coldely et C. Nestrigue (2014),
« le taux de recours moyen des hospitalisations au long cours est de 17 pour
100 000 habitants avec un écart de 1 à 30 selon le territoire de santé ». Ces
différences s’expliqueraient par la richesse et la diversité de l’offre des soins
et de l’offre médico-sociale qui ne sont pas les mêmes partout.
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Introduction
Il faut constater aussi, alors que la politique publique tend à diversifier
les modes d’accompagnement en accentuant les interventions à domicile,
que la probabilité d’accéder à des soins adaptés est supérieure pour les personnes handicapées vivant en institution par rapport à celles vivant à domicile ; « à caractéristiques de handicap identique, les personnes en institution
ont un recours aux soins plus élevé que les personnes en ménage pour tous
les types de soins » (Penneau et al., 2015). Cela est dû aux facteurs suivants :
la connaissance par les institutions des services sensibilisés aux handicaps ;
la présence d’un médecin coordonnateur ; la logistique dans les institutions
qui permet le déplacement pour une visite à un spécialiste externe, etc.
À ce propos, P. Jacob (2013) propose très justement la systématisation
des visites médicales pour les personnes handicapées (gynécologie, soins
dentaires, etc.), qu’elles vivent en domicile ou en institution.
Il revient également avec insistance sur l’idée que les proches (les
« aidants familiaux ») doivent devenir une option forte pour soutenir et
accompagner la dépendance et les handicaps.
Pourtant, l’éducation des patients et de leurs familles comme ressource
ou comme substitut thérapeutique ou d’autonomie ne doit pas être exagérée : elle a davantage d’intérêt pour la valorisation de l’image de soi, pour
les acquisitions cognitives ou encore pour l’intériorisation de « bonnes »
habitudes de vie.
En effet, les différentes solutions ne doivent pas s’exclure : services particuliers ou non dans les établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes (EHPAD) avec un soutien destiné aux équipes internes
ou externes ; structures et services spécifiques médico-sociaux comme les
foyers de vie, les foyers d’accueil médicalisé (FAM), les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), les services de
soins infirmiers à domicile (SSIAD), etc., avec des coordinations, des mutualisations, des accompagnements complémentaires au sein des territoires.
C’est en créant un champ large d’opportunités souples et mobiles que
les personnes handicapées auront quelques chances de mener une vie qui
leur convienne.
Mais, au nom de l’inclusion, il ne pourra être question d’une approche
fondamentaliste ; il s’agira plutôt de mixer, selon les besoins et les attentes
des personnes handicapées et de leurs proches, des logiques normatives (les
mêmes pour tous), supplétives (celles qui s’ajoutent aux précédentes) ou
spécifiques (celles qui sont spécialement conçues pour elles).
C’est à ces conditions que leur intérêt prendra le pas sur les architectures
de réponses aussi séduisantes et ambitieuses soient-elles.
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Bibliographie
« Accès aux soins des personnes en situation de handicap », Rapport de la
Commission d’audition publique, 23 janvier 2009.
Cabut S., « Schizophrénie. Prédire pour prévenir », Le Monde, 24 juin 2015.
Coldefy M., Nestrigue C. (2014), « L’hospitalisation au long cours en psychiatrie :
analyse et déterminants de la variabilité territoriale », Question d’Économie de la
Santé, n° 202, octobre.
Cour des Comptes (2011), La prévention sanitaire, Rapport.
Danet S. (2011), L’état de santé de la population en France, DREES, Rapport.
Haut Conseil de la santé publique (2012), La santé en France et en Europe. Convergences
et contrastes, Collection Avis et rapports.
Haut Conseil de la santé publique (2015), Santé en France. Problèmes et politiques,
Paris, La Documentation Française.
Haute autorité de santé (2011), Accès aux soins des personnes en situation de handicap :
synthèse des principaux constats et préconisations.
Henrard J.-C. (2012), La perte d’autonomie, un nouvel enjeu de société, Paris,
L’Harmattan.
Instruction n° DGOS/R4/DGCS/3B/2015/313 du 20 octobre 2015 relative à la
mise en place de dispositifs de consultations dédiés pour personnes en situation
de handicap.
Jacob P. (2013), Un droit citoyen pour la personne handicapée, un parcours de soins et de
santé sans rupture d’accompagnement, Ministère délégué chargé des personnes
handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Lengagne P., Penneau A., Pochetti S., Sermet C. (2015), L’accès aux soins courants et
préventifs des personnes en situation de handicap en France, t. 2, Les rapports de
l’IRDES, n° 561, juin.
Mordier B. (2013), « L’accueil des adultes handicapés dans les ESMS en 2010 »,
Études et Résultats, n° 833, février.
Penneau A., Pichetti S., Sermet C. (2015), « L’hébergement en institution favorise
l’accès aux soins des personnes de moins de 60 ans en situation de handicap en
France », Questions d’Économie de la Santé, n° 207, mars.
Zribi G. (dir.) (2012), Le vieillissement des personnes handicapées mentales, Rennes,
Presses de l’EHESP.
Zribi G., Beulné T. (2009), Les handicaps psychiques, Rennes, Presses de l’EHESP.
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Table des matières
Remerciements..................................................................................................... 3
Les auteurs............................................................................................................. 5
Introduction : Articuler les actions de santé avec l’accompagnement médico-social, Gérard Zribi................................................................ 9
Première partie
Le handicap mental et les problèmes
de santé mentale et psychique associés
Prévalence et diagnostic différentiel d’autisme et de schizophrénie dans
la déficience ­intellectuelle, Michele Rossi, Micaela Piva-Merli, Paolo Rossi-
Prodi, Roberto Keller, Marco O. Bertelli............................................................ 17
La santé mentale et physique des personnes atteintes de troubles liés aux
différentes formes d’autisme, Daniela Scuticchio, Annamaria Bianco,
Marco O. Bertelli.................................................................................................. 25
Accès aux services hospitaliers et de soins pour les personnes en situation
de déficience ­intellectuelle. Une approche européenne, Annamaria Bianco,
Daniela Scuticchio, Elisa Rondini, Marco O. Bertelli...................................... 33
Quelle place pour la parole du sujet handicapé mental ? Laurent Bizzarri.
41
Parents d’enfant handicapé face aux professionnels de la santé. Dans la
tourmente d’Œdipe et d’Antigone, Brigitte Rebmeister.................................. 49
Deuxième partie
Projets et pratiques de soins
des établissements sociaux et médico-sociaux
Trisomie 21 et problématique de l’affiliation, Mylène Garo......................... 59
La prise en charge de la santé dans une institution d’enfants présentant
une épilepsie sévère, Christine Pieuchot.......................................................... 71
Prendre soin des enfants polyhandicapés, Sandy-Laure Laviron............... 93
Suivi médical des enfants atteints de handicaps graves à expressions
multiples, Patrick Daoud, Anna Blum, Fabienne Pressard............................. 113
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Le droit à la santé des personnes handicapées mentales et psychiques - 2e édition
Veiller à la santé d’adultes polyhandicapés en maison d’accueil spécialisée, François Caron, avec la participation de Wassila Belhadj.......................
121
Le temps du maillage pour les ESAT. Actions, partenariats et coopération
dans le domaine de la santé mentale, Sandrine Ruben, Thierry Beulné...
137
Former des animateurs et accompagnateurs en vie affective et sexuelle.
Un enjeu pour la santé et l’épanouissement des personnes qui ont une déficience intellectuelle, Anne Dasnoy-Sumell......................................................
149
Le rôle d’un SAMSAH dans l’accompagnement à la santé d’adultes handicapés vivant à domicile, Ariane Vienney..........................................................
161
Troisième partie
Des questions particulières
des réponses à apporter
Handicap(s) psychique(s). Un dispositif à améliorer, des réponses à promouvoir­­, Gérard Zribi.......................................................................................... 179
Le vieillissement des personnes handicapées mentales, Gérard Zribi...... 193
Quatrième partie
Des politiques et des droits
Les droits de la personne destinataire de l’intervention sociale ou médico-sociale sur ses données de santé, Catherine Taglione.............................. 207
Le droit aux soins des personnes autistes, c­ omplément de leur droit à
l’éducation, Évelyne Friedel................................................................................. 229
Bientraitance et qualité de vie au travail. Et si nous redonnions du sens
aux personnes soignantes ? Michel Schmitt ...................................................
245
Maquette couverture : V. Hélye
Réalisation : PCA-CMB Graphic - Rezé
Achevé d’imprimer sur les presses
de l’imprimerie Sepec numérique à Peronnas
Dépôt légal : octobre 2016
N° d’impression : N10715161004
Imprimé en France
Interieur.indb 266
17/10/2016 16:08:04
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éd.
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des personnes
handicapées
mentales et psychiques
SOUS LA DIRECTION DE
Gérard Zribi
& Raymond Ceccotto
D
epuis la récente restructuration globale du système de santé,
LA DIRECTION
une SOUS
réforme
deDEl’articulation des actions de santé et de
Gérard
Zribi
&
Raymond
Ceccotto
l’accom­pagnement
social
s’est imposée, entraînant un basculement de la prise en charge des patients chroniques du secteur
sanitaire, notamment psychiatrique, vers le secteur médico-social.
Les questions de santé, somatiques et psychiques, sont ainsi devenues prégnantes dans les établissements et services destinés aux
enfants, adolescents, adultes et personnes âgées handicapées, qu’il
s’agisse d’autisme, de handicaps mentaux et psychiques, de handicaps
graves à expression multiple ou encore rares.
Dans cette nouvelle édition, qui réunit les contributions françaises
et européennes de pédiatres, psychiatres, psychologues, paramédicaux, directeurs, chercheurs et juristes, les auteurs abordent les
grandes problématiques populationnelles dans lesquelles les soins
somatiques et psychiques ont une place importante (les troubles
psychiques, les troubles du spectre autistique, le vieillissement, les
épilepsies sévères, les polyhandicaps, etc.).
En présentant ici des réponses concrètes, au sein de dispositifs
territoriaux­ ou d’établissements et services sociaux et médicosociaux (EMP, IME, ESAT, FAM, foyers, MAS, SAMSAH, CAMSP, etc.),
ils contribuent ainsi à combler le fossé entre les droits formels et
leur application concrète en matière de santé.
Gérard ZRIBI, docteur en psychologie, est directeur général de l’Association des familles et amis pour l’accueil, les soutiens, l’éducation et
la recherche en faveur des personnes handicapées mentales (AFASER),
association­gestionnaire d’établissements et services spécialisés en région
parisienne.
Raymond CECCOTTO, psychologue, est directeur général de l’Asso­
ciation des parents d’enfants mentalement handicapés (APEMH), gestionnaire d’établissements spécialisés au Grand-Duché de Luxembourg.
Avec les contributions de : W. Belhadj, M.O. Bertelli, T. Beulné, A.M. Bianco,
L. Bizzarri, A. Blum, F. Caron, P. Daoud, A. Dasnoy-Sumell, É. Friedel,
M. Garo, R. Keller, S.-L. Laviron, C. Pieuchot, M. Piva-Merli, F. Pressard,
B. Rebmeister, E. Rondini, M. Rossi, P. Rossi-Prodi, S. Ruben, M. Schmitt,
D. Scuticchio, C. Taglione, A. Vienney.
ISBN : 978-2-8109-0536-2
25 €
Imposition.indd 1
www.presses.ehesp.fr
LE DROIT À LA SANTÉ des personnes handicapées mentales et psychiques • Gérard Zribi & Raymond Ceccotto (dir.)
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des personnes
handicapées
mentales et psychiques
SOUS LA DIRECTION DE
Gérard Zribi & Raymond Ceccotto
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