Nature L`ortie, une plante utile en cuisine, en - La Maison d`Or
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Nature L`ortie, une plante utile en cuisine, en - La Maison d`Or
Région DEF MARDI 15 MAI 2012 40 MARDI 3 JANVIER 32 Nature L’ortie, une plante utile en cuisine, en cosmétique et au jardin Elles ont la cote, les sorties guidées de cueillette suivies d’ateliers de cuisine ou de fabrication de cosmétiques à base de plantes sauvages. L’ortie est leur reine. Manger des orties en salade, en quiche, en soupe, en bouchées au chocolat ? S’en servir pour soigner son acné, revivifier ses cheveux ou prévenir les rides ? Drôles d’idées. Depuis des décennies, cette plante qui pique est aussi mal aimée que le chardon ou le liseron, arrachée par nombre de jardiniers, si ce n’est détruite à grands renforts de désherbant chimique. « Richesse incroyable » Mal aimée à tort, disent les piqués des orties, « c’est une plante aux richesses incroyables. » Pleine de vitamines à portée de main dès les premiers beaux jours du printemps. « Riche en zinc pour soigner l’acné, en flavonoïdes et sélénium pour ralentir le vieillissement cellulaire, en caroténoïdes pour se protéger du soleil », explique Marie-Josée Deck qui a créé, voici deux ans à Lutterbach, l’association Maison d’Or pour partager ses connaissances et ses recettes avec le grand public. Des recettes de grand-mère améliorées par ses expériences personnelles et par l’abondante littérature qui fleurit sur le sujet depuis que l’ethno-botaniste François Couplan et le paysan Bernard Bertrand ont, à la fin du Lotion d’orties et de romarin pour les cheveux : à filtrer comme une tisane après l’infusion des plantes. Photos Darek Szuster Orties sèches et yaourt : après la fabrication, l’application sur le visage pour traiter l’acné juvénile. siècle dernier, fait redécouvrir les vertus des plantes sauvages. Aujourd’hui, l’ortie a ses festivals, ses sites internet, ses blogs, ses associations de défense, ses stages de formation… Dans la région mulhousienne, que séance. Le public ? « Des gens de tous âges, des midinettes et des mamies, des branchés, des patouilleuses qui adorent faire tout elles-mêmes. » Un public qui se pose des questions sur la qualité des aliments et des cosmétiques industriels, et qui recherche des produits naturels ne coûtant pas les yeux de la tête. L’ortie, abondante partout, n’est pas toxique et ne peut être confondue avec une autre plante. Tout cela, Marie-Josée Deck l’explique au cours de journées comme celle organisée en mars, à Wittenheim, dans le cadre du mois de la parentalité. Au Sahel Vert, association de prévention et d’insertion sociale, un groupe de parents et d’enfants est parti à la cueillette un samedi matin. Apprendre à ne pas se piquer, préparer un repas complet à base d’orties et le déguster ensemble à FLes ateliers de la Maison d’Or Transmettre l’art de fabriquer soi-même « des produits cosmétiques écologiques, ludiques, simples, économiques et efficaces », c’est le but de l’association Maison d’Or, créée en 2010 par Marie-Josée Deck à Lutterbach. Elle organise des ateliers pratiques, partage un matériel commun, propose des achats groupés d’ingrédients sélectionnés pour leur qualité à des prix intéressants. Elle travaille en partenariat avec de nombreuses institutions : Centre d’initiation à la nature et à l’environnement Le Moulin à Lutterbach, centre culturel La Margelle à Staffelfelden, Communauté de communes Essor du Rhin (plan climat), Ville de Thann, M2A (mois de la parentalité)… Site internet : http://maison.dor.free.fr Des recettes faciles et pas chères La quiche aux orties, fabriquée avec Marie-Josée Deck (à droite) à l’association Sahel Vert de Wittelsheim. Photo D. S. Jus de pomme aux orties (recette de Marc Kauffmann). Passer 250 g d’orties fraîches à l’eau froide, les ciseler finement dans 1,5 l de jus de pomme, passer au mixeur, filtrer au chinois. Boire bien frais. Gelée d’orties (recette de Marc Kauffmann). Rincer les orties fraîches à l’eau froide, mettre dans une casserole en les tassant, faire bouillir pendant 20 mn, presser pour en extraire le jus. Peser le jus, ajouter les graines d’orties, le même poids de sucre et du gélifiant (pectine ou algues marines), cuire jusqu’à la prise, mettre en pots. Soupe royale (extrait du livre Saveurs d’ortie, de Bernard Bertrand, Édition de Terran) : 400 g de têtes d’orties, 100 g de feuilles de coquelicot, 1 litre les rencontres proposées par Marie-Josée Deck pour s’initier à la cuisine et à la cosmétique écologiques à base de plantes ne désemplissent pas. Au centre d’initiation à la nature Le Moulin à Lutterbach, son café-cosméto mensuel refuse du monde à cha- d’eau, 1 oignon, 2 cuillerées à soupe de farine, crème fraîche, croûtons aillés, parmesan râpé, sel, poivre. Préparation : 20 minutes. Cuisson : 10 mn. Sur l’oignon fondu dans l’huile, ajouter feuilles d’ortie et de coquelicot, laisser mijoter à couvert 5 à 7 mn. Lorsque la verdure est cuite, saupoudrer de farine et mélanger. Mouiller avec l’eau tout en continuant de tourner à la cuillère. Laisser mijoter quelques minutes supplémentaires puis passer au moulin à légumes fin (ou au mixeur). Assaisonner et accorder avec crème fraîche, parmesan râpé et croûtons aillés… La farine peut être remplacée par n’importe quel autre liant : pomme de terre, farine de maïs, flocons d’avoine, tapioca. midi, fabriquer des lotions capillaires, des masques et émulsions pour la peau… « Une journée joyeuse et enthousiasmante pour tout le monde », dit Marie-Josée. « Faire très bien avec très peu » Pédagogue, elle sait transmettre ces petits bonheurs simples de contempler une plante, de sentir la nature. Elle équilibre théorie et pratique, explique les précautions à prendre, donne à chacun l’occasion de faire soi-même. Minimaliste, elle privilégie « les recettes simples contenant très peu d’ingrédients. L’idée de faire très bien avec très peu, d’être rapide et pragmatique. C’est une démarche libératrice, chacun reprend contact avec le monde et avec la nature. » Vertus d’une mal aimée Au Moyen Âge, l’ortie faisait partie des simples, des plantes médicinales cultivées dans les monastères. Jusqu’à l’avènement de l’agriculture intensive, les paysans l’utilisaient comme plante alimentaire, médicinale, textile, tinctoriale et fourragère. La feuille d’ortie est riche en protéines avec un bon équilibre entre les huit acides aminés essentiels, en vitamines et sels minéraux, en particulier en calcium, fer, bore, zinc, béta-carotène ou pro-vitamine A, en vitamine E et C. Dans 100 grammes de feuilles d’ortie fraîche, on a la totalité des apports journaliers recommandés (AJR) de calcium et de fer, ainsi que six fois les AJR de pro-vitamine A et quatre fois ceux de vitamine C. Les phytothérapeutes la considèrent comme une des plantes majeures de notre pharmacopée : elle est reminéralisante, dépurative et antioxydante, elle régénère le sang, stimule les fonctions digestives… L’ortie concentre aussi métaux lourds et pesticides : il ne faut pas la récolter dans les lieux pollués. Éviter les bords de route, les zones traitées avec des désherbants et autres pesticides. Elle pique ? Pas si on la prend dans le bon sens. D. S. Textes : Élisabeth Schulthess « C’est ma plante fétiche » Dans son potager et aux jardins familiaux de Riedisheim, les récoltes sont abondantes. Sans jamais employer d’engrais chimiques ni de pesticides. Le secret de Marc Kauffmann : le purin d’orties. « C’est ma plante fétiche », annonce Marc Kauffmann, président de l’association Zone verte de Riedisheim, qui gère les jardins familiaux locaux et s’investit dans la défense des collines des environs. Dans ces jardins, l’ortie a sa place réservée. Pour favoriser la biodiversité : des papillons y pondent leurs œufs, des oiseaux en mangent les graines. Et les jardiniers y trouvent l’ingrédient de choix pour fabriquer, gratuitement, leur purin d’ortie. La base du jardin au naturel. Ce n’est pas un engrais mais un stimulant qui permet la régénération de la flore bactérienne du sol. « Il active la croissance des plantes et stimule leurs défenses immunitaires. C’est un bon activateur de compost : il favorise la décomposition des matières organiques. » Stimulant et répulsif Les doryphores, les pucerons verts et noirs n’aiment pas ce purin. Celui-ci agit comme un répulsif, permet de lutter contre les vers de la pomme, de la carotte et du poireau, et retarde l’apparition du mildiou de la tomate. Comment le fabriquer ? Marc Kauffmann plonge 1,5 à 3 kg Marc Kauffmann, spécialiste reconnu du jardin au naturel, fabrique chaque année 250 litres de purin d’ortie et enseigne aux jardiniers l’art de préparer des purins de diverses plantes. Photo Thierry Gachon d’orties fraîches, avec leurs racines, dans 10 litres d’eau de pluie. Il remue chaque jour, et laisse fermenter dans le baril qu’il couvre, mais non hermétiquement : « Attention aux odeurs. Si votre voisin ne vous parle plus depuis belle lurette, soyez sûr que pendant la fermentation, vous entendrez parler de lui ! » dit-il en riant. La fermentation dure deux à trois semaines, selon la température ambiante. « Tant qu’un voile de mousse blanche flotte à la surface, le processus de fermentation n’est pas terminé. » Une fois prêt, le purin ne dégage plus d’odeurs nauséabondes et se conserve toute la saison dans son baril, ou dans des bouteilles. Marc Kauffmann le dilue à 20 % pour pulvériser les feuilles, avec si possible du petit-lait ou un autre mouillant afin que les principes actifs se fixent sur les feuilles. Il filtre soigneusement pour éviter de boucher la buse du pulvérisateur. Pour l’arrosage au sol, il le dilue à 50 %. Ce cocktail d’éléments organiques et minéraux, parmi lesquels l’acide formique, peut être utilisé sans risque : il n’est toxique ni pour les personnes, ni pour les plantes, ni pour la faune. Les maraîchers bio et les services d’espaces verts engagés dans la démarche « zérophyto » l’utilisent de plus en plus.