Interview - EtiennePiot - Mont

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Interview - EtiennePiot - Mont
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LE MESSAGER - Faucigny
FAUCIGNY
Jeudi 9 juillet 2015
Etienne Piot
« Assurer la pérennité
du pôle
de compétitivité »
La dernière assemblée générale du pôle de compétitivité
Mont-Blanc Industrie, qui
s’est tenue à Bonneville en
juin, a renouvelé pour trois ans sa confiance en son
président Etienne Piot, élu
depuis 2009. Il aura la lourde
tâche d’assurer la pérennité
de la structure, dont les finances pourraient être fragilisées dans le cadre du projet
de loi relatif à la nouvelle
organisation territoriale.
c’est 95 559 euros exactement.
Mais indirectement, si l’on tient
compte de nos partenaires, qui figurent dans l’écosystème du pôle
et qui reçoivent des aides du Département au titre d’une action du
pôle, nous arrivons à 3 millions
d’euros provenant du conseil départemental. C’est un contributeur important, et s’il devait
perdre son droit à intervenir dans
l’économie, cela pourrait poser
des soucis au pôle et à toutes les
autres organisations de notre écosystème.
Régions auront un leadership sur
l’économie, mais pas toutes
seules, et qu’elles pourront déléguer ou traiter de manière commune avec les Départements.
Vous pourriez augmenter aussi
les cotisations…
Il y a trois ou quatre ans, nous
avions triplé les cotisations des
entreprises, car lors du lancement
du pôle, le montant avait été fixé
assez bas, ceci afin d’amorcer la
pompe. Désormais, nous respectons globalement l’équilibre des
Le projet de loi relatif à la nouDans ce contexte de rigueur financements public-privé.
velle organisation territoriale de budgétaire, comment comptezLe pôle peut-il accueillir des
la République, dite « loi NOTRe, vous assurer la pérennité du
entreprises hors du départevous inquiète-il ?
pôle ?
ment ?
En ce moment il y a un contexte
Nous avons tout un tas de réDans les critères d’adhésion au
très instable, qui est le contexte flexions sur le sujet pour assurer
des collectivités territoriales. Et le la pérennité du pôle, nous ne pôle, nous pouvons accueillir des
pôle a été dès le début soutenu par sommes pas restés les deux pieds entreprises hors du département,
le Département, et de manière un dans le même sabot. Clairement, mais à condition qu’elles aient un
peu atypique. Car, quand on re- nous sommes en dialogue perma- lien avec la mécatronique, le dégarde les autres pôles, il est rare nent avec le conseil départemen- colletage ou l’usinage de précique les Départements se soient en- tal, qui nous dit : « On vous ac- sion, et de l’intérêt pour les activités du pôle.
gagés aussi fortement que le
nôtre. La réforme des collectivités
est en cours de discussion. Et la
tendance globalement est que les
Régions reprennent à la fois des
responsabilités de l’Etat et des Départements. Dans le jargon technique, les Départements perdraient totalement ou partiellement la compétence générale,
c’est celle qui permet d’intervenir
dans tous les secteurs, et notamment dans l’économie. Cette compétence générale serait l’exclusivité des Régions. Donc nous
sommes dans une période d’instabilité des règles du jeu, avec des
risques pour le pôle.
En matière de financement, de
qui dépend Mont-Blanc Industries ?
Quand on parle de financement, il faut distinguer le fonctionnement et les projets du pôle.
Les projets, essentiellement pour
l’innovation, c’est le Fonds unique
interministériel (FUI, ndlr) où il y
a un cofinancement Etat-collectivités-entreprises. Et ces projets ne
devraient pas être impactés par la
loi NOTRe, aussi longtemps que
l’Etat consacre encore une ligne
budgétaire au FUI. Le fonctionnement est financé en premier lieu
par le conseil départemental, à
hauteur cette année de 185 000 euros, sachant qu’il y a aussi des
contributions de la Haute-Savoie
sur des projets spécifiques. L’Etat,
c’est 95 000 euros, et la Région
« Des alliances
avec d’autres pôles »
compagne aussi longtemps qu’on
le pourra. » Et avec une envie de
leur part de se battre pour continuer à avoir ce droit. Par ailleurs,
nous réfléchissons à une évolution
du business model du pôle, en
vendant peut-être plus de prestations aux entreprises dans différents domaines. Mais c’est encore
un peu prématuré pour en dire
davantage. Nous réfléchissons
également à des stratégies d’alliance avec d’autres pôles et des
clusters (Une organisation dont le
but est de faire collaborer PME,
grands groupes et laboratoires de
recherche sur des projets innovants, ndlr). Ce n’est pas nouveau,
car nous avons déjà des alliances
de partenariat avec les pôles Moveo et Véhicule du futur. Nous
sommes en dialogue étroit avec
Plastipolis. Nous pouvons imaginer d’intensifier ces liens, voire en
établir de nouveaux, comme ce sera le cas mercredi 8 juillet en signant un partenariat avec le cluster d’excellence Auvergne Efficience industrielle. Mais il y a une
chose que nous ne voudrons pas,
c’est remettre en cause notre écosystème, lequel est fortement lié à
la Haute-Savoie. Cela dit, la loi
NOTRe n’est pas encore sortie,
tous les jours nous avons des informations différentes, certes les
Le pôle a-t-il permis de générer des emplois dans les entreprises membres ?
Le jour où quelqu’un sait répondre à cette question, il aura le
prix Nobel d’économie. Parce que
le monde entier se pose la même
question. Par exemple, j’étais il y a
deux ou trois ans dans une
réunion des clusters en Allemagne, et ils se sont posé cette
question très précisément. Il y a
des subventions et des aides financières, mais comment on mesure l’output ? Ce qu’on peut dire,
c’est que l’emploi ne s’est pas dégradé, y compris durant la période de crise économique mondiale et nous avons même observé
que pendant cette période-là, les
entreprises du pôle avaient davantage conservé leurs salariés
que les autres.
Quels projets développés par
le pôle ont désormais débouché
sur une application commerciale ?
Il y a eu le projet Captaucom, il
s’agit de capteurs autonomes et
communicants, développés par le
groupe Seb, NTN-SNR et Somfy.
Par exemple, cela a permis à SNR
d’être prêt à entrer sur des technologies et des applications pour des
roulements sur le ferroviaire et les
éoliennes offshore dans le domaine de la surveillance et du
diagnostic d’organes tournants.
Un autre exemple d’application
Le pôle de compétitivité fondé à Cluses en juillet 2005 pour renforcer l’industrie haut-savoyarde en s’appuyant sur son écosystème a tout juste dix ans d’existence. Sa dernière assemblée générale, qui s’est tenue à Bonneville en juin, a renouvelé sa confiance en son président Etienne Piot, élu depuis 2009. Identifié
comme un pôle regroupant essentiellement des très petites et moyennes entreprises, Mont-Blanc Industries concentre 315 entreprises, comprenant un peu plus de 27 000 salariés et générant 5,2 milliards d’euros
de chiffres d’affaires. Le pôle se définit comme un catalyseur de l’innovation industrielle. C’est surtout une
véritable usine à projets.
est la machine-outil autoadaptative, qui est devenue une brique
du projet de l’usine du futur Usitronic. Le GIE (groupement d’intérêt économique) achat Val’ Essor
a maintenant 32 entreprises
membres, son volume d’achats est
monté à 2,3 millions d’euros et il
est autosuffisant. Et l’une des prochaines étapes de Val’Essor
concernera les négociations sur
l’électricité, donc on est passé de
l’achat de gommes et de crayons à
celui de l’énergie.
mandent comment aller chercher
la croissance là où elle est. Et elle
est à l’export, donc comment les
accompagner et les aider vers des
développements export ? Par l’innovation technologique, mais pas
seulement, je pense aussi à l’innovation organisationnelle.
Un an après le lancement de la
nouvelle dénomination du pôle,
alors qu’il s’appelait Arve Industries Haute-Savoie Mont-Blanc,
quel bilan tirez-vous ?
Cela a été très positif. Il y a eu
Avec Usitronic, à quoi ressem- une très forte acceptation et idenblera l’atelier de demain ?
tification du nouveau nom. La
Usitronic est un projet qui vise greffe a pris tout de suite. Le préà automatiser des lignes de pro- cédent nom était long et on finisduction dans le décolletage de A à sait par l’appeler Arve Industries.
Z, et que cela puisse fonctionner, Localement tout le monde comêtre piloté la nuit et le week-end prenait, mais à l’international, et
de manière automatique. Et der- même à Lyon, ce n’était déjà plus
rière tout ça, c’est une chance sup- compréhensible. D’autant plus
plémentaire pour nos entreprises que cinquante pour cent des adhéde pouvoir remporter des appels rents du pôle sont implantés en
d’offres, car elles seront plus com- dehors de la vallée de l’Arve. En
tout cas, la marque marche bien, il
pétitives.
y a une très bonne adhésion de la
Aller chercher la croissance part des entreprises. Aujourd’hui,
en dehors de nos frontières est nous commençons à développer
aussi la préoccupation de vos et à capitaliser sur la notoriété du
adhérents…
pôle Mont-Blanc Industries.
Beaucoup d’entreprises se de-
ME0208.
Le pôle a lancé en mai 2012
son label, visant à accompagner
les entreprises vers l’excellence.
Qu’est ce qui a changé depuis au
sein des entreprises labellisées ?
Le label Mont-Blanc excellence
industries est un système d’amélioration continue et de progrès.
Les entreprises qui entrent dans
cette démarche, elles entrent alors
dans une démarche de progrès.
Les entreprises subissent un diagnostic à 360 degrés, très intensif,
où l’on diagnostique dans tous les
secteurs, et l’on relève les forces et
les points d’amélioration de l’entreprise, de cela on déduit un plan
d’accompagnement, une feuille
de route sur deux ans. A fin 2014,
28 entreprises sont engagées dans
un premier cycle de labellisation,
treize dans un deuxième cycle et
quarante autres ont manifesté de
l’intérêt. Ce que l’on constate :
quand les entreprises se lancent
dans une nouvelle labellisation,
cela implique de plus en plus les
comités de direction, et devient un
véritable projet d’entreprise. Mais
ce label sert aussi à améliorer
l’image de marque du territoire
sur le plan industriel, de manière
à ce qu’il soit davantage attractif.
ENTRETIEN RÉALISÉ
PAR JÉRÔME MEYRAND