1 EDF GDF Non à la privatisation-spoliation annoncée Pour un

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1 EDF GDF Non à la privatisation-spoliation annoncée Pour un
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EDF GDF
Non à la privatisation-spoliation annoncée
Pour un nouveau projet historique refondateur
Jean Marcel MOULIN
L'examen en Conseil des Ministres d'un projet de loi préparant la privatisation d'EDF et de GDF, initialement
prévu début août a été repoussé. Certains y verront de la sagesse, ou peut être de la chance, car l'été fut chargé.
La gigantesque panne qu'à connu le Nord Est des Etats Unis, celle de moindre ampleur survenue ensuite en
Grande Bretagne, les délestages pratiqués durant l'été dernier en Italie, puis la panne généralisée qui a affecté ce
pays le 28 septembre, les difficultés qu'EDF a connues durant la canicule pour assurer sa mission essentielle et
plus généralement les tensions sur le marché européen de l'électricité sont venus confirmer les risques qui pèsent
sur le fonctionnement de services publics de l'électricité.
Cependant, en dépit de ces évènements, qui devraient sonner comme autant d'avertissements ultimes, la maladie
de la privatisation et de la déréglementation reste endémique.
Peu avant l'été le Ministre de l'Economie et des Finances adressait aux Présidents de Gaz de France et d'EDF des
courriers, valant feuille de route, pour préparer les conditions de privatisation des deux services publics, l'usage
de l'expression "ouverture du capital" à la place de son synonyme "privatisation" ne trompant personne.
Presque simultanément le Président d'EDF claironnait, à grand renfort d'encarts de presse, l'actualisation de son
projet stratégique, qui, sans justification solide, fait de la privatisation un objectif en soi. Il s'est ensuite déclaré
"prêt au changement de statut", substitut "novlangue" de la privatisation, "dès la fin de l'année" (2003). Quant à
son homologue gazier, il se déclare quant à lui prêt immédiatement.
L'agitation florentine sur des projets de textes de Loi n'a pas cessé, même en été, dans la discrétion des couloirs
des Ministères, des directions des deux entreprises, des banques d'affaires et de certaines fédérations syndicales.
Il est sans doute significatif, qu'en dépit de ces présages, il n'y ait pas eu jusqu'à présent de réactions un peu
consistantes1 analysant conjointement la question de l'organisation des services publics du Gaz et de l'Electricité,
de la privatisation projetée des entreprises qui l'exercent et de l'évaluation des processus de déréglementation,
alors même que s'est déployé un simulacre de consultation sur la politique énergétique française.
1
Parmi les exceptions on notera l'ouvrage de F. Soult "EDF chronique d'un désastre annoncé". Au titre des
articles, à signaler les doutes exprimés par F. Lemaître Electricité : "une libéralisation risquée" dans le
journal Le Monde (23/8/2003) pourtant rarement critique en matière de libéralisation et de privatisation ;
bien que cet article ne traite que de l'agenda de la déréglementation, ce qui n'est qu'une face fort limitée du
problème
2
Tout au plus avons-nous eu droit aux explications embarrassées ou inconsistantes des promoteurs de la
déréglementation2 se dépêchant de conclure au non lieu, alors que s'accumulent inlassablement les contreperformances des processus conjoints de déréglementation et de privatisation
Face à cet aveuglement, il devient nécessaire de formuler quelques idées claires, pour sortir de l'ornière où
plusieurs années d'acharnement idéologique nous ont entraîné :
1.
1.
Le processus de déréglementation est un échec, en Europe, comme ailleurs.
2.
La privatisation, en France, d'EDF et de GDF serait un verrou irréversible organisant cet échec en
excluant toute possibilité de retour à une situation sectorielle maîtrisée.
3.
Pour les deux entreprises, mais plus encore pour EDF, le processus de déréglementation et l'effet
d'annonce du projet de privatisation ont déjà profondément amoindri les bases industrielles, sociales et
institutionnelles nécessaires à l'accomplissement des missions essentielles.
4.
Il est urgent de stopper ce processus de décomposition, non seulement en abandonnant tout projet de
privatisation, partielle ou totale, mais aussi en décrivant les schémas susceptibles de redonner une
capacité d'action à l'ensemble EDF-GDF.
5.
Il est nécessaire de donner à EDF et GDF un nouveau projet historique refondateur au service des
citoyens-usagers, de l'intérêt général et de la collectivité nationale
Le processus de déréglementation est un échec.
Partout la déréglementation est en échec. Aucun des bénéfices promis n'a été atteint ; notamment l'espoir
d'une baisse des prix à la fois substantielle et durable, généralisée aux différentes catégories de clients.
Aux Etats Unis, la leçon de l'échec Californien n'a pas été tirée. Les défenseurs de la déréglementation
n'ont voulu y voir que la conséquence du comportement délictueux de quelques acteurs dont le plus en vue,
Enron, a finalement été "châtié".
Il faudrait expliquer pourquoi tellement de temps et d'argent ont été consacrés à fabriquer un système qui,
non seulement permettait à Enron et à tous les autres qui ne s'en sont pas privés, de manipuler et tricher,
mais surtout les incitait à le faire. Il faudrait aussi expliquer pourquoi, pour sortir de l'impasse, il a fallu non
seulement l'intervention directe de l'argent public pour éviter une faillite sectorielle3 mais aussi une reprise
en main vigoureuse, ne devant rien au marché, pour construire les moyens de production nécessaires pour
faire face à la demande.
On pourrait sans doute épiloguer longuement sur le rôle exact qu'a joué la déréglementation dans la grande
panne du Nord Est des Etats Unis du 14 Août dernier, mais il apparaît que même les gestionnaires des
infrastructures en monopole naturel, les grands réseaux, semblent avoir du mal à faire leur métier
correctement avec les nouvelles règles.
Force est de constater qu'en dépit de sa diversité, le système américain n'a pas réussi à produire de contre
modèle convaincant. Dans les zones où l'électricité était chère, elle le reste. La principale retombée tangible
de l'expérience de déréglementation risque bien de demeurer, pour quelque temps encore, le processus de
concentration qui s'est opéré à la fin des années quatre vingt dix. Renforcer, par la concentration, le pouvoir
de marché des offreurs au nom de la liberté de choix du consommateur, voilà sans doute une de ces ruses
de la raison hégélienne qui avait échappé aux déréglementeurs les plus obtus.
En Grande Bretagne, mère des modèles de déréglementation, le paysage n'est guère plus brillant. La
énième réforme du dispositif4, pour faire face au verrouillage oligopolistique du "pool" n'a réussi qu'à
2
Cf notamment "Trois questions à JM Chevallier" Le Monde du 22/08/2003. Ou les vaticinations
inconséquentes de C. Mandil "Electricité, gaz : oui, libéraliser" Le Monde du 30/09/2003
3
Le rachat des réseaux des opérateurs en place a permis de financer l'obligation qui leur était faite d'acheter au
prix de marché, manipulé, et de revendre à prix plafonné.
4
Le NETA, pour New Energy Trade Agreement. Sa principale fonction historique est d’enterrer la réforme
précédente en substituant au défunt « pool », marché obligatoire doté au forceps de tous les attributs du
marché smithien, un dispositif forcément nouveau associant contrats bilatéraux et marché « optionnel ».
Hélas, les petits arrangements avec la main invisible ne sont guère fructueux pour les clients. Les rentes ont
migré du marché de gros vers les contrats bilatéraux, avec pour conséquence presque inattendue que sans
portefeuille client il faut vendre à prix soldés. British Energy en à fait les frais. Le contribuable britannique
3
accoucher d'un marché de surplus portant sur des quantités limitées, dont les prix sont sans rapport avec
ceux que subissent les clients. Les prix ont baissé sur ce marché de "soldes" mais ces baisses oublient
fâcheusement de se propager jusqu'à l'escarcelle des usagers, surtout des ménages.
La Scandinavie, qui occupa un temps le rôle de mère adoptive pour les expérimentations de
déréglementation, commence à connaître quelques tensions entre l'offre et la demande d'électricité. Il est
vrai que le marché, surtout dans un système massivement hydraulique, peine à produire les éclairages de
prix stables dont la théorie libérale a tellement besoin pour garantir que les investisseurs seront là pour
construire les centrales nécessaires. Pas de prix à terme stables, pas de centrales et voilà votre
déréglementation qui se brise le nez…
L'Italie, coutumière du déficit électrique, n'en finit plus de ne pas résoudre ses problèmes : les prix y sont
toujours élevés, les importations toujours massives, les nouveaux moyens de production toujours aussi rares
et comme la demande continue de croître il a fallu délester à la fin du printemps et subir un black out
complet à l'automne5… La privatisation totale de l'ENEL, imminente depuis plus de cinq ans, reste toujours
partielle, ce qui n'a cependant pas suffit à provoquer l'abondance électrique que les gourous libéraux
prophétisaient.
L'Espagne continue, derrière les Pyrénées, à vivre sous le régime du "duopole tranquille" soutenu par un
pouvoir dont les déclarations libérales ne peuvent cacher un constant appui de l'Etat aux profits des grandes
firmes électriques. Mais là aussi les tensions sur l'équilibre offre-demande ont commencé à pointer le bout
de leur nez et le passage de l'été sans délestage n'a été possible que grâce à un réaménagement, d'ailleurs
habilement monnayé par les opérateurs, des plannings d'entretien des centrales.
L'Allemagne a confirmé tout le bien qu'on peut penser des processus réels de déréglementation, puisqu'au
final après avoir débuté sous des auspices éminemment libéraux (éligibilité totale, c'est-à-dire concurrence
généralisée pour tous les clients, baisses apparentes de prix très significatives…) le fond "pragmatique"
rhénan a repris le dessus (mais était-il jamais passé à l'arrière plan autrement que dans les discours?): la
réalité du système électrique et gazier allemand aujourd'hui c'est la concentration (fusion de Bayernwerk et
Veba en EON) et l'intégration gaz-électricité (fusion avec Ruhrgas), le maintien de prix élevés, notamment
par des tarifs d'accès aux réseaux (transport et distribution) très rémunérateurs, l'opacité la plus commune
au monde des affaires (pas de véritable publication des comptes dissociés prévus par la Directive), et une
régulation réduite au contrôle accommodant de l'office des cartels. Bref si un processus peut prétendre à
incarner tout l'écart qui existe entre les prétentions de l'idéologie libérale et sa réalité profonde, la
déréglementation à l'allemande est sans doute éligible au premier rang.
En France enfin, au delà de l'épisode médiatique de l'été, l'élément le plus significatif est la répétition
depuis fin juin, c'est à dire sans rien devoir à la canicule d'août, de tensions importantes sur les prix de gros
de l'électricité: 500 €/MWh fin juin, 100 à 200 €/MWh début juillet, 1000 €/MWh en août. Ainsi,
l'électricité s'est à plusieurs reprises échangée très cher6, ponctuellement.
Ces "excursions" de prix, inhabituelles en cette période de l'année, (elles pourraient être explicables en
hiver très froid), sont les signes avant-coureurs du réajustement des parcs de production, non pas seulement
en France mais dans l’ensemble du système électrique européen. La sécheresse et la canicule ont servi de
loupe pour mettre en évidence un risque d'offre insuffisante. Les partisans de la déréglementation devraient
se réveiller : la rareté frappe à la porte et elle va bientôt frapper au porte monnaie ceux là même qu'elle est
censée libérer.
aussi puisque le gouvernement le subventionne afin d’éviter que 25 % de la puissance installée ne
disparaissent brutalement du « marché ».
5
Les deux évènements avaient toutefois des origines différentes, bien qu'une même cause, la libéralisation.
Les délestages du printemps sont bien liés à une insuffisance d'offre en l'absence d'accident. Le black out du
28 septembre est intervenu de nuit, avec une demande faible Il met en évidence la dépendance massive du
système italien par rapport à ses voisins en l'occurrence les Suisses. Les opérateurs, pour des raisons
directement financières, ont délibérément pris le risque de fragiliser le système électrique pour maximiser
leur profit en important massivement. En ce sens, le black-out italien n'est pas un problème de transport, c'est
bien un problème de négoce dans un système fragile en raison de l'insuffisance des moyens de production.
6
Le coût de complet moyen de production du kWh pour un équipement neuf fonctionnant en base se situe aux
alentours de 35 €/MWh. 100 à 200 €/MWh c'est déjà le coût de moyens de pointe au delà on entre dans des
valeurs dites de défaillance (effacement de clients, importations de secours, délestages…)
4
En effet depuis au moins cinq ans, les développements de moyens de production nouveaux, tous hors
marché (cogénération, éolien…) ont été sans rapport avec l'évolution des besoins. La demande a continué
de croître à un rythme de 1 à 2 % par an, c'est à dire au niveau européen d’une vingtaine de TWh/an ou
encore de 2 à 3 GW/an de nouvelles centrales lourdes.
Lentement, mais sûrement se sont résorbés les surdimensionnements initiaux; il aura suffit que la demande
soit un peu soutenue dans une période où habituellement les centrales sont à l'arrêt pour entretien, et que la
sécheresse limite les possibilités de refroidissement des centrales, pour que cette tension se révèle dans les
prix de façon spectaculaire.
Il n'y a à cela ni miracle ni catastrophe, il est dans la logique profonde de la déréglementation de produire
ces tensions. Là où le monopole régulé est responsable sur sa légitimité propre de satisfaire constamment la
demande, ce dont il s'acquitte parfois au prix d'un surinvestissement, le "Marché" ne connaît qu'un principe
général d'irresponsabilité : tant que les prix n'offrent pas une espérance de rentabilité suffisante, pas
d'investissements7 ! C'est de la pénurie que naissent des conditions de rémunération suffisantes pour
justifier les investissements8.
Compte tenu des caractéristiques du secteur (durée de construction des centrales, absence de stockage,
besoin vital du produit, fluctuations saisonnières et météorologiques de l'offre et de la demande…) le
réajustement se produit d'abord ponctuellement, de façon brusque par des envolées de prix, à la faveur d'un
aléa de disponibilité à la production - ce qui s'est produit cet été 9 - ou d'un aléa de demande (ce qui se
produira au prochain hiver froid). Ce n'est qu'une fois ces tensions répétées et avérées que les
investissements peuvent de nouveaux être envisagés par les plus hardis des investisseurs privés. Les
tensions enregistrées cet été dans le système français et dans les systèmes voisins sont ainsi le dernier
avertissement bénin.
Les gros consommateurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompé puisqu'en délégation ils sont allés protester de la
volatilité des prix auprès… du Ministre, qui n’en peut mais, une fois emmanchée la mécanique fatale de la
déréglementation qu'il ne veut pas remettre en cause.
Gageons, sans peine, que la prochaine étape de déréglementation fixée en 2004, qui prévoit l'éligibilité des
clients professionnels, recevra au mieux un succès d'estime en matière de prix comme de qualité de service;
au pire qu'elle tournera à la déroute.
Il n'est nul besoin pour cela de prophétiser un quelconque "black-out", même si celui-ci n'est pas
impossible. Plus simplement, les clients potentiellement éligibles vont se voir offrir des prix qui intégreront
les tensions prévisibles de l'équilibre offre-demande, c'est à dire les déséquilibres actuels augmentés des
quelques giga-watts de demande supplémentaire qui se développeront d’ici un an. Déjà, sur les derniers 18
mois, les prix moyens de l'électricité en gros à l'horizon de 18 mois ont augmenté d'au moins 20 %10
Nous ne pouvons que souhaiter bonne chance à ceux qui essaieront de convaincre les clients professionnels
que l'inestimable liberté de choisir leur fournisseur vaut bien une hausse de leur facture d'électricité de 10 à
25 %. Et nous verrons se déployer massivement toutes les arnaques accrocheuses pour "capturer" le
nouveau client, alors que personne ne peut encore dire auprès de qui et par qui pourront être instruites les
multiples plaintes qui seront à disposer, à l'instar des télécoms ou de l'électricité en Angleterre.
Quant aux usagers domestiques, leur tour est annoncé pour 2007, et ce sera dans les mêmes conditions,
voire, le plus probable, dans des conditions pires. En effet, le laboratoire que constitue, depuis de
nombreuses années, la libéralisation anglaise nous démontre, témoignages constants des associations de
consommateurs à l'appui, que :
7
A l'exception de ceux qui subventionnés se font en dehors du marché, comme l'éolien ou la cogénération.
8
Cette exigence de rémunération est d'autant plus forte que les perspectives sont volatiles. Là où le monopole
assuré de ses débouchés se contente de 8 % de rentabilité économique et d'un temps de retour de 10 à 15 ans,
l'investisseur en concurrence demande 12 % ou plus et un temps de retour de 6 à 8 ans. Dans une activité
capitalistique forcément cela coûte plus cher pour le client.
9
Principalement sous l’effet combiné de la sécheresse - moins d’eau dans les barrages et pour refroidir les
centrales - et dans une moindre mesure de la canicule - de l’eau chaude, limitant les rejets thermiques.
10
Les dernières mises aux enchères de centrales virtuelles (VPP) font ressortir un prix de la fourniture plate
permanente aux alentours de 30 €/MWh contre moins de 25 €/MWh il y a un an.
5
a)
les consommateurs aisés et sûrs font l'objet de l'attention des opérateurs qui leur font des rabais pour
les conquérir,
b) que les consommateurs pauvres se voient imposer des compteurs à pré-paiement liés à des tarifs
honteusement élevés,
c)
que les autres consommateurs sont l'objet de démarchages voyous pour changer d'opérateur sans réels
bénéfices dans la durée,
d) que l'ensemble des usagers domestiques est transformé en "vache à lait" par les opérateurs, avec
dégradation de la qualité de service et non-répercussion à l'usager final des baisses de prix à la
production.
Et chacun peut regarder ce qui se passe en Espagne, en Scandinavie, en Allemagne, où la prétendue
concurrence est supposée régner pour le bonheur des clients domestiques: "écrémage" au profit de
certains, (ce qui signifie liquidation du principe de l'égalité d'accès et de la péréquation), et "vache à lait"
pour tous, telles sont les deux mamelles du libéralisme électrique, tel est désormais le beau résultat de la
terre promise de la concurrence.
Fort douloureux bilan qui commence à alerter les élus locaux et les collectivités locales concédantes, qui
sont directement menacés d'éviction et de spoliation de leurs droits, et à qui toute l'histoire du droit et des
libertés communales a confié, en France, légitimement, la qualité d'autorité organisatrice des services
publics en vue d'assurer la satisfaction des besoins de base des citoyens et de faire respecter leurs droits,
notamment celui de l'égalité d'accès à ces services.
Tel est le brillant résultat de ces belles expériences: adieu le grand marché où tout le monde gagne ! la
règle, désormais, sera la pénurie exprimée d'abord par les prix, et si nécessaire par les coupures.
Et on voit mal ce qui pourrait éclaircir les perspectives à un horizon de 3 ou 4 ans. Les producteurs ont
besoin de reconstituer leurs marges sérieusement écornées par les deux ou trois années, passées en lutte
stérile pour les parts de marché et en développements internationaux hasardeux: ils attendront pour investir.
Les volumes de production imposés au nom des politiques énergétiques (éolien et cogénération) sont sans
commune mesure avec la croissance des besoins et de toute façon très coûteux; il n’y aura probablement
pas non plus, avant dix ans au moins, de nouvelle centrale nucléaire en dépit des manœuvres plus ou moins
subtiles des tenants de cette énergie, et enfin, le durcissement, légitime, des normes de rejet pour les
équipements thermiques non nucléaires ne peut qu'accélérer le déclassement d'installations vétustes, donc
accroître la pénurie, ou imposer des surcoûts (dépollution, combustibles raffinés…) qui seront répercutés
dans les prix…
S'il est probablement trop tard pour repousser l'échéance 2004, celle ci promet d'être suffisamment cuisante
pour qu'à l'échéance 2007, l'éligibilité totale, soit remise en question. En ce sens les tensions de l’été sont
bien une chance, la dernière, d’arrêter la mécanique folle.
Au total, partout dans le monde, ce que de multiples faits, très têtus, nous démontrent, c'est que le
modèle libéral théorique appliqué à l'électricité et au gaz conduit inexorablement à de graves crises, à
des hausses de prix généralisées, le moment venu, et à de fortes dégradations de la continuité de
fourniture et de la qualité de service.
Ce modèle, déjà appliqué dans les télécoms, et qui veut se généraliser dans le chemin de fer, le gaz et
l'électricité, prétend séparer les infrastructures en monopole naturel, (les réseaux), de la production. Les
réseaux relèveraient ainsi de la régulation "en cost-plus", par les coûts. La production relèverait, elle, du
marché et de la concurrence, où seules des firmes privées de production en concurrence seraient en mesure
d'être efficaces et de satisfaire la demande des consommateurs au moindre coût.
Mais que nous démontrent les exemples de la Californie, du Nord-Est américain, de la Grande Bretagne,
de l'Italie, sans parler de la Nouvelle-Zélande ou de la Scandinavie ? C'est que l'électricité et le gaz ne sont
pas des marchandises comme les autres, transportables et stockables11. La sécurité d'approvisionnement à
moindre coût suppose que, zone par zone, dans des limites géographiques imposées par les lois physiques
de l'électricité, (de l'ordre de quelques centaines de kilomètres, avec secours mutuel limité et à la marge
11 Pour les amateurs de discussions byzantines on soulignera que, dans l'esprit bruxellois, l'électricité doit être
déréglementée parce que c'est un bien; et c'est un bien et non un service parce qu'on peut la voler. C'est dire la
puissance de l'entendement économique des démiurges déréglementeurs de Bruxelles.
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entre zones), soit assuré par un opérateur responsable de l'équilibre offre-demande le plus complet, ce qui
suppose la planification conjointe production-réseaux par cet opérateur, car le marché ne donne aucun des
signaux de prix qui permettraient à des opérateurs privés d'assurer les investissements nécessaires à
moindre coût.
Reconnaître cette évidence de la faillite du modèle libéral devrait conduire les gouvernements européens et
la Commission à revenir sur tout le processus de libéralisation et de privatisation. Mais, à la place, on nous
sert une nouvelle mystification faisant de la prétendue insuffisance des réseaux de transport (à travers les
Alpes, les Pyrénées, l'Alsace et les Ardennes, pour l'Europe) la responsable des très grandes pannes
américaines ou européennes !12 Piètre tentative visant à détourner l'attention de la politique responsable,
celle du tout-libéral, mais qui ne trompe que les sous-informés de la réalité technico-économique de
l'électricité! Sauf qu'il sera difficile de convaincre les populations concernées de laisser passer une Europetoutes-lignes-très-haute-tension, de la même façon que l'Europe-tout-camion nous est imposée, et de la
payer en surcoûts aberrants par des tarifs électriques toujours plus élevés.!
2.
La privatisation pour verrouiller le processus de déréglementation
On pourrait imaginer que des acteurs responsables, le gouvernement, EDF chargé par la Loi de la mission
d’assurer à la Nation un approvisionnement sûr et dans de bonnes conditions économiques, prennent leurs
responsabilités et commencent à tirer le signal d’alarme, subordonnant tout développement de la logique de
déréglementation à la manifestation, ou au moins à l’espoir raisonnable, de gains pour la collectivité… Il
n’en est rien, et le seul objet de préoccupation, aujourd'hui, c’est la préparation de la privatisation.
Ce qui doit nous interpeller dans cette situation paradoxale, où les acteurs ne se préoccupent pas des
questions qui leur sont institutionnellement posées, et dont ils ont la responsabilité, alors qu'ils sont aussi
constamment à la manœuvre qu'intarissables sur les questions qui ne leur sont pas posées, c’est moins le
niveau élevé de leur aveuglement idéologique et de leur cynisme que leur constante volonté de conduire
jusqu'au bout le processus conjoint de déréglementation et de privatisation, envers et contre tout.
Sans doute les dirigeants d’EDF voient-ils d’un bon œil la perspective de jouir d’une autonomie accrue
dans un système où le pouvoir est indiscutablement du côté des offreurs, les opérateurs : la remontée des
prix, c’est l’assurance de restaurer les marges érodées par quelques années de petites batailles sur les prix
de gros, par une stratégie fatale à l’international et par l’incapacité à renouveler la dynamique de
productivité interne.
Sans doute est-il fatal qu’un gouvernement, où le Ministère de l’Economie a été affermé au Medef, et les
réflexions stratégiques sectorielles sous-traitées aux banques, ait du mal à se représenter l’intérêt général
autrement que sous la forme de l'hybridation burlesque des intérêts immédiats de la grande industrie et de la
finance de marché.
Tout ceci est probablement vrai. Mais ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est qu’une fois
passée la privatisation il n’y aurait plus de moyens de revenir en arrière, ni même de sauver les meubles.
Privatisées, mêmes partiellement à la sauce "ouverture du capital-changement de statut", EDF comme GDF
n'auraient d'autre intérêt stratégique que d'alimenter le processus de déréglementation en cherchant à
l'orienter à leur avantage : plus gros, plus riche mais, évidemment pas moins cher pour le client ni plus
fiable pour la nation.
Nous n’avons pas entendu encore les dirigeants des deux entreprises EDF et GDF ou les hommes politiques
qui prônent ces privatisations, nous expliquer pourquoi une entreprise privée aurait des raisons particulières
de protéger les consommateurs contre les fluctuations de prix liées à la régulation concurrentielle. Alors
12 Là encore, la pataphysique libérale laisse pantois. Nos "experts" bruxellois, commissaires en tête, comparent
la plupart des flux intra-européens d'électricité ramenés à la consommation (entre 5 et 10 %) aux ratios
équivalents pour les automobiles ou les nouilles, et ils décrètent qu'il y a insuffisance d'infrastructure
puisqu'il y a insuffisance d'échange. C'est, bien entendu, d'une stupidité digne du Gosplan car l'intérêt des
échanges doit être mis au regard de leur coût. Or, l'électricité est coûteuse à transporter: en infrastructures (un
million d'euros par km est un bon ordre de grandeur du coût d'investissement pour des niveaux de tension
élevés), en pertes électriques, en systèmes destinés à garantir la tension et la fréquence …, sans compter les
coûts de "redispatching" (ou de désoptimisation de la production) consentis pour libérer des capacités
d'exportation, qui représentent annuellement plusieurs dizaines de millions d'euros essentiellement payés par
les usagers.
7
que typiquement il n'y a pas d'autres règles de concurrence dans ces deux secteurs que celle de l'entente de
fait entre quelques très gros opérateurs d'un oligopole. C'était le système électrique français avant guerre,
dont les errements et les crises ont été sanctionnés par la nationalisation. Et chacun sait comment
fonctionne aujourd'hui l'oligopole français de l'eau!
Pourquoi un opérateur privé devrait-il renoncer à l'opportunité de s'enrichir si les prix s'envolent ? Ou plus
exactement, comment faire que le "libre jeu concurrentiel" mettant face à face des consommateurs
fortement différenciés par leur pouvoir de marché et quelques grands groupes internationalisés partageant
les mêmes objectifs d'opérateurs privés (l'enrichissement et la croissance) produise autre chose que des prix
jugés par les offreurs justement rémunérateurs, c'est à dire exorbitants pour l'usager ?
Force est de reconnaître que nous ne disposons pour l'instant que d'une promesse théorique, "la
concurrence y pourvoira"… ce qu'elle n'a fait sous aucuns cieux, ni à aucune époque, dans les énergies de
réseaux et ce qu'elle n'a nulle raison de faire puisque, une fois bouclée la boucle de la déréglementation et
de la privatisation, la rémunération du capital est le seul terme garant de l'adéquation offre demande. Il
faudra bien que les prix soient élevés si les consommateurs veulent de l'électricité. Et ils en veulent, les
bougres !
Ainsi, privatiser, c'est poser un acte rendant irréversible la déréglementation, c'est la verrouiller. Tout ceci
avec l'objectif de la spoliation de la collectivité nationale, des usagers-citoyens propriétaires, des
collectivités locales, des droits des personnels.
3.
Déréglementation et projet de privatisation ont compromis la capacité des deux entreprises à assurer
leurs missions, tout particulièrement EDF.
Certains ont pu prétendre, peut-être même de bonne foi, que la déréglementation constituait une opportunité
pour EDF et pour GDF. Les deux entreprises étaient ainsi censées retrouver dans un cadre plus vaste,
l'Europe au moins, si ce n'est le Monde, la possibilité d'une croissance extensive rendue inexorablement
impossible par la saturation des débouchés en France.
Nous n'aurons pas la cruauté de revenir en détail sur les résultats tangibles de cette manie de la croissance.
D'autres qu'EDF y ont succombé, en pleine bulle boursière, aucun n'en a retiré les bénéfices mirifiques, si
faciles à obtenir sur le papier et si rares en pratique. C'est un peu comme au Loto "100 % de ceux qui ont
gagné ont joué…" 100 % de ceux qui ont perdu aussi d'ailleurs13.
Ce que les bons prophètes refusaient de voir, pour les plus sincères, ou de dire, pour les plus sournois, c'est
que l'enjeu ne résidait nullement dans l'acquisition au prix fort d'un supplément de chiffre d'affaires, mais
bien dans la modification structurelle des modes de régulation internes et externes aux entreprises qu'une
telle mutation rendait non seulement possible mais nécessaire.
En d'autres termes, il s'agissait bien, sous couvert d'adaptation à une nouvelle donne, de remettre en cause
chacun des compromis institutionnels fondateurs du modèle d'entreprise publique en charge du service
public au service de l'intérêt général, de son autorégulation positive, c'est-à-dire son homéostasie, pour
risquer une analogie biologique.
Pour ces messieurs, Présidents actuels compris, l'international, oui, mais pour démontrer que l'activité
France ne représentait plus qu'une des activités du grand EDF ou du grand GDF. Le président d'EDF n'avait
il d'ailleurs pas habilement fixé la barre à 50 % du CA hors de l'électricité en France, pas trop haut pour ne
pas heurter les fédérations syndicales et le personnel, mais pas trop bas non plus car il fallait bien quelque
part montrer que la vieille activité de service public en France était la chose d'un passé révolu, en la diluant
dans un ensemble plus vaste. Il est d'ailleurs plaisant que la Commission Parlementaire chargée d'enquêter
sur les conséquences brillantes et dispendieuses de cette stratégie de fuite en avant à l'international, ne se
soit à aucun moment posée la question du rôle qu'avait pu jouer le désir de privatisation dans la conduite de
cette navrante chevauchée.
L'international, oui, mais aussi pour pourrir le compromis salarial en France, fondé en grande partie sur
un équilibre bonne protection sociale/salaire d'activité modéré/disponibité-efficacité-dévouement, y
compris pour les cadres. Il s'agissait pour ces messieurs, simultanément, de remettre en cause le régime de
retraite et de faire miroiter que le salaire direct serait recalé sur les standards du marché au moins pour les
plus méritants. Et nous persistons à penser que les conditions économiques très avantageuses, et
13
Le secteur des télécoms, atteint d'une fièvre cousine aggravée par les délires de la nouvelle économie, fournit
un abondant florilège de contre références, qui devrait permettre de renouveler à peu de frais les études de
cas des cours de management.
8
exorbitantes du droit commun de nos entreprises, faites à de nombreux cadres dirigeants recrutés à
l'extérieur de l'entreprise avaient moins pour objectif d'attirer des compétences rares14, (la réalité a
démontré la mystification contenue dans cette affirmation) que d'alimenter les fantasmes des plus
opportunistes sur les bienfaits que les cadres internes pourraient personnellement retirer dans la
collaboration enthousiaste à l'œuvre de déconstruction.
En tête de cette déconstruction se trouve la tentative d'éradication des bases idéologiques fondatrices de nos
entreprises15, de ce "référentiel culturel et managérial" fondateur : la recherche constante de l'intérêt
général, du travail efficace au profit de la collectivité et des usagers . Tant pis, bien sûr, si les salariés
refusent d'accepter les cartes biaisées qu'on leur propose en dévaluant les valeurs du service public qui
fondent leurs motivations, et en démantelant leur système de protection sociale, avec l'aval, ouvert ou
caché, de certaines fédérations syndicales et de quelques uns de leurs dirigeants qui continuent à "aller à la
soupe", en dépit du choix clair de refus des privatisations fait par le vote de 60% des actifs par référendum,
(une partie des autres ayant été trompés par diverses manipulations, telle cette affirmation mensongère
selon laquelle n'existait aucun lien entre privatisation et changement du régime de retraite).
Le grand marché Européen, oui, mais pour échapper à la régulation nationale fondée sur une convergence
stratégique construite, entre Etat et Entreprises, qui incorpore par nécessité la promotion de l'intérêt général,
pour pouvoir enfin aller faire ses petites affaires à l'abri des compromis fumeux dérivés du droit de la
concurrence – un peu de part de marché en France contre une filiale en Italie ou ailleurs - et de l'utopie
coûteuse de l'optimum pareto-walrasien: les prix flambent, c'est le marché ou la canicule, ou la
réglementation tatillonne, ou l'inconséquence des gens qui ne veulent pas des centrales mais qui continuent
à consommer… mais le marché y'a pas mieux
L'électricité produit banalisé, "commodité" pour reprendre le barbarisme à la mode, oui mais surtout pour
mieux spolier les collectivités locales en leur montrant que les concessions de distribution se réduisent à la
seule fonction réseau, et que les usagers qu'elles représentent ont vocation à devenir des clients purs d'un
marché de l'énergie dématérialisé et tant pis pour les élus qui demain devront expliquer aux PME en
cessation de paiement qu'elles doivent s'expliquer avec le marché…et aux consommateurs domestiques
qu'ils ont été flouées par un marché … de dupes!
De toutes ces raisons, la fraction opportuniste du management d'EDF et de GDF n'a voulu voir que le
versant agréable : la liberté accrue, le rapport de force salarial modifié, l'émancipation des différentes
tutelles publiques (Etat et Collectivités Locales), l'abaissement de l'usager au rang de client qu'on aime
surtout pour le plumer…
Le problème c'est que la réalité se venge et qu'aujourd'hui EDF et GDF sont prises au piège de leur propre
stratégie. La situation est déjà très préoccupante pour EDF et nous nous devons de la détailler ici, mais elle
est en train de le devenir à GDF.
Pour ne prendre que l'exemple d'EDF, celle-ci est en effet déjà atteinte dans trois de ses fonctions
essentielles au risque de devenir non manœuvrable :
• La programmation économique de la production.
• L'intégrité de la distribution
• La régulation économique interne : le contrôle de gestion.
14
Il semblerait que le Président d'EDF ait été particulièrement… "malchanceux" (?) en matière de choix des
hommes puisqu'à notre connaissance les principales personnalités qu'il avait choisi de recruter à bon prix,
n'ont pas donné satisfaction, et que bon nombre ont "valsé" au bout de deux-trois ans, remplacés par de
nouveaux venus qui n'ont pas encore fait leurs preuves. Reconnaissons au Président de GDF une habileté
supérieure en ce domaine.
15 L'un des points d'orgue de ce conditionnement idéologique avait été, auparavant, la création et la prise de
contrôle par les libéraux, internes et externes à coups de consultants, de l'Institut du Management, véritable
"école du libéralisme pour cadres dirigeants".
9
Les défaillances de la programmation économique de la production
Il s'agit traditionnellement d'un des points forts d'EDF : une fois les équipements construits, il est essentiel de
programmer leur fonctionnement pour minimiser le coût total de production par exemple
. En évitant d'avoir des barrages vides avant l'hiver,
. En entretenant et rechargeant en combustibles les centrales nucléaires en dehors de l'hiver sans pour autant trop
concentrer les arrêts sur l'été ; en arrêtant en été, plutôt les centrales en rivières plus sensibles à l'aléa de
sécheresse que les centrales en bord de mer,
. En programmant intelligemment ses achats de combustibles thermiques,
. En tenant correctement compte dans les coûts d'entretien des gains de disponibilité, donc de combustible qu'ils
peuvent permettre ultérieurement,
. En concevant des contrats commerciaux intelligents qui prévoient des clauses d'effaçabilité qui, moyennant
contrepartie négociée à l'avance et non dans le feu de l'action, permettent en cas de tension non de produire plus
mais de consommer moins, ce qui est équivalent…
Tout cela, un bon électricien sait le faire, de façon complexe, en gérant les interactions entre les décisions y
compris d'une année sur l'autre, en arbitrant entre coût d'exploitation des centrales et disponibilité16.
Tout cela EDF savait le faire. Mais elle est entrée désormais dans l'ère de la subordination de la gestion
économique du parc de production aux mécanismes des marchés de court terme et aux intérêts du négoce. Mais
il semble que cela pose aujourd'hui problème pour deux raisons essentielles: d'une part la pression mise par la
Direction d'EDF pour influencer économiquement la gestion du parc par la logique de marché telle qu'elle est
portée par l'activité de négoce et d'autre part l'incurie de la Direction Financière d'EDF, non contredite par la
Présidence, incapable d'assurer un contrôle de gestion digne de ce nom, polarisée qu'elle était sur l'adoption à
marche forcée de méthodes forcément meilleures puisque venues d'ailleurs - du secteur automobile pour ne pas
le nommer –.
Ainsi, les achats de combustible fossiles ont été cédés à la joint venture de négoce17 - au nom des potentialités
d'arbitrages entre les marchés de combustible et de vente d'électricité - la commercialisation de gros en Europe
aussi : malgré des résistances, ceci a été organisé pour que le producteur produise et surtout ne se préoccupe pas
de récupérer les marges. Et le négociant a été incapable de lui fournir les signaux économiques à moyen terme,
indispensables pour une programmation robuste18.
Ainsi, les injonctions irréalistes aux économies de gestion distillées par une Direction Financière composite ont
conduit à de réelles désoptimisations des plannings d'entretien-rechargement. Les unités de production nucléaires
sommés de gratter sur leur budget d'exploitation ont lissé ou décalé ces arrêts, y compris en hiver, pour négocier
de meilleurs prix avec les sous traitants. La brillante stratégie a tout de même conduit EDF deux hivers de suite à
acheter au prix fort de l'électricité dans les pays voisins19!
De la même façon, cet été a vu les limiers d'EDF chercher à racheter à tout prix tout ce qui trouvait sur le marché
: des cogénérations normalement arrêtées pour l'été, des très gros clients dédommagés au prix fort pour
s'effacer20, des contrats d'exports retaillés au plus juste. Il est vrai que le Président d'EDF se sachant en sursis ne
16
Il est parfois intéressant de payer un peu plus cher la révision d'une centrale parce qu'elle se fait à un moment
ou la probabilité d'une tension est moindre.
17
EDF Trading initialement montée avec le négociant en matières premières Robert Louis Dreyfus dont il reste
difficile de préciser les compétences qu'il apportait réellement tout autant que les avantages financiers qu'il
trouvait dans l'opération avec EDF.
18
On notera cependant qu'un certain nombre de cadres y compris dirigeants ont résisté et, pour certains, ont
accepté de "sauter" plutôt que d'appliquer les injonctions économiquement hallucinantes de l'actuel président
qui souhaitait une subordination totale des intérêts de l'entreprise à ceux du partenaire en négoce. Il est vrai
que celui-ci avait pour principal avantage, sans doute, de ne pas émaner d'EDF, ce qui, pour en imposer à la
techno structure interne, n'avait pas de prix, même si cela avait un coût : les clauses financières de sorties
extrêmement avantageuses consenties à un partenaire ne disposant d'aucun savoir faire particulier en ce
domaine.
19
On peut, en quelque sorte, faire des économies de vêtements en achetant essentiellement des maillots de
bains au mois d'octobre; il ne faudra toutefois pas s'étonner de devoir payer cher les chandails par la suite.
20
Le responsable énergie de Péchiney pouvait ainsi se prévaloir dans la presse d'appartenir à une entreprise
citoyenne (il avait permis par son attitude responsable d'éviter la coupure) tout en soulignant, fine mouche,
10
souhaitait pas en plus avoir à gérer un passage au JT de 20h pour expliquer des coupures tournantes, mais cela
fait tout de même cher pour sauvegarder un siège qui reste éjectable (300 millions d'euros!, en serait le surcoût
aux dernières nouvelles).
L'état de désorientation de la distribution
Il est sans doute moins flagrant pour un observateur extérieur, mais il n'en est pas moins réel et surtout il est
beaucoup plus inquiétant pour le devenir d'EDF et de GDF. Pour l'ensemble EDF GDF21, la distribution c'est les
deux tiers des consommations, les trois quarts des recettes, 99 % des clients, plus de la moitié des agents,
l'essentiel de la visibilité externe, les missions de services publics les plus immédiatement perceptibles, le lien
avec les collectivités locales concédantes. S'il est un lieu qui devrait être préservé du tumulte de la
déréglementation, la distribution est ce lieu.
Et pourtant aujourd'hui, l'activité historique de distribution ne sait plus où elle en est. Selon les projets de
réorganisation, en refonte permanente, elle ne comprendrait pas moins de quatre fonctions distinctes, parfois plus
quand les consultants externes, et sans aucune expérience de nos secteurs, s'en mêlent :
. les fonctions commerciales gaz et électricité (les "commercialisateurs") qui ont, disent-ils, vocation à être
regroupées avec les fonctions de production (électricité) ou d'achat/vente (gaz), chacune des deux entreprises se
dépêchant ensuite de se doter dans son portefeuille d'offre de l'autre énergie – bonjour la duplication des
ressources, mais la concurrence n'a pas de prix! – . Selon l'humeur, ces fonctions commerciales comprennent une
partie plus ou moins étendue de la relation clientèle, à des "mailles" (zones géographiques) variables, et souvent
incohérentes:
. un gestionnaire de réseau de distribution en électricité et un autre en gaz, entités technocratiques censées
garantir l'accès transparent et non discriminatoire des utilisateurs (consommateurs ou producteurs) au réseau. Il
s'agirait a priori de structures de petites taille, en charge d'édicter les règles d'exploitation et de planifier le
développement et la maintenance du réseau;
. un gestionnaire d'infrastructure, réputé mixte EDF-GDF, censé fournir les actes pratiques: raccorder un client,
mesurer les consommations, manœuvrer le réseau, réparer, construire ou faire construire… ce que lui
commanderont soit les GRD soit les "commercialisateurs", y compris ceux des concurrents;
. un "machin" (actuellement baptisé "projet collectivités locales") censé résoudre la délicate question du contenu
de la propriété publique des réseaux dévolue aux collectivités locales par le droit des concessions. Et dont la
fonction essentielle est d'escamoter le fait que les deux entreprises s'escriment patiemment à vider de leur
contenu économique lesdites concessions en transférant les fichiers clients et le chiffre d'affaires qui va avec, à
des entités réputées en concurrence donc "naturellement" hors du champ d'autorité des collectivités locales.
On imagine sans peine, les difficultés qu'éprouvent les dizaines de milliers d'agents, dont les tâches concrètes
n'ont pas varié, à se situer dans cet édifice d'une complexité alchimique.
On imagine également sans peine, le plaisir que vont éprouver les élus locaux lorsqu'on va leur demander, pour
ceux qui sont également parlementaires, d'entériner ces dispositions manipulatrices qui les dépouillent d'une
partie de leur pouvoir.
Enfin, il convient également de se projeter pour imaginer la joie des usagers de la distribution qui vont devoir se
retrouver dans ces dédales pirandelliens. Là où ils avaient un interlocuteur unique assurant l'interface technique,
clientèle, commerciale et institutionnelle, il leur faudra, au gré de leurs besoins, naviguer entre des structures
dont on ne sait si elles relèvent d'Orwell ou de Courteline. C'est ce que certains appellent à juste titre le
"massacre à la tronçonneuse de la distribution". Or, tout ceci a un coût, tout ceci multiplie les coûts de
coordination et de transaction. Et qui va les payer sinon l'usager final, tant en prix qu'en détérioration de la
qualité de service, alors que cette belle opération de libéralisation nous promet la belle efficacité du marché et les
baisses de tarifs!
qu'il n'avait pas perdu d'argent. Topez là cochon qui s'en dédit, tout le monde est content mais quel est le
dindon qui paie ?
21
Il s'agit bien sûr des deux EPIC, pas des deux groupes, qui ne sont que les excroissances monstrueuses du
délire de croissance des deux directions, non régulé par les tutelles.
11
Quant au personnel et à ses conditions de travail, n'en parlons pas: la destruction des collectifs de travail, qui
fonctionnent aujourd'hui en flux tendus sur des bases coopératives pour répondre aux usagers dans les meilleurs
délais et à moindre coût pour eux (cf par exemple pour les raccordements nouveaux ou les modifications
techniques) sera la conséquence inévitable de la dé-intégration des activités de distribution. Le cinéaste anglais
Ken Loach a parfaitement montré dans son film "The navigators", ce que la logique libérale de dé-intégration des
activités a produit dans le chemin de fer britannique privatisé.
La décomposition du système de pilotage
Sur les 15 dernières années, c'est à dire pratiquement depuis l'achèvement du parc nucléaire, l'EPIC EDF a réussi
simultanément à baisser ses prix de 25 % en monnaie constante, à se désendetter de plus de 20 Milliards d'€22, à
diviser par quatre le temps de coupure moyen subi par les clients basse et moyenne tension, à mettre en place la
garantie des services, à rémunérer l'Etat sans percevoir un centime de celui-ci, et tout cela sans plomber les
comptes de l'UNEDIC ou du FNE. Quelles entreprises privées peuvent se targuer de tels résultats?
Pour y parvenir, il a fallu que l'entreprise se forge un outil de pilotage économique performant, adapté aux
enjeux de productivité en période de croissance ralentie, combinant les gains économiques centralisés
(principalement à la production sur le combustible et la disponibilité des centrales) et décentralisés
(principalement à la distribution avec l'évolution des mailles et procédures d'exploitation). Au centre de tout cela,
il y avait une formidable mobilisation des personnels encouragée par une majorité des dirigeants et par un
système de pilotage recherchant la confiance et la transparence, la responsabilisation par l'engagement
contractuel pluriannuel.
Depuis cinq ans, la pompe à productivité est désamorcée, et aujourd'hui EDF en est réduite à piloter sa
communication financière davantage que ses résultats économiques.
La responsabilité du management suprême dans cette dérive est écrasante, puisqu'on peinerait à identifier les
domaines où il ne s'est pas trompé :
. choix erronés des hommes. Parce qu'il craignait pour son pouvoir, l'actuel Président a multiplié à des postes
clefs dans ce domaine les nominations en provenance de l'extérieur, avec une perte de substance proprement
effarante pour les composantes technico-économiques et financières de l'entreprise.
.choix erronés des structures et des outils, toujours pour des raisons de prise de pouvoir et probablement aussi
d'incompétence, l'actuel président et ceux qu'il avait nommés se sont empressés de recentraliser les dispositifs de
pilotage, notamment en créant ex nihilo une filière verticale de contrôle de gestion échappant aux niveaux de
management et de responsabilisation intermédiaires, et de réduire à néant les outils de mesure des coûts (la
comptabilité analytique) 23
.choix erronés des priorités stratégiques : rien ou presque sur le devenir du nucléaire (déchets, démantèlement,
durée de vie, nouvelle filière plus sûre et propre); rien de sérieux sur l'évolution future du maillage territorial de
la distribution, alors que l'organisation actuelle arrivait au terme des gains qu'elle pouvait produire; jeu malsain
avec GDF sur la mixité gaz et électricité, chacun cherchant à reprendre son autonomie, donc à se gréer en propre
sur des fonctions autrefois communes, avec les augmentations de coûts associés. A coté de cela, cavalcade
ruineuse à l'international, ouverture infondée du dossier retraite, externalisations financières coûteuses24 dans le
seul but de constituer une cagnotte pour régler la soulte retraite préalable à la privatisation, utilisation
démagogique des départs anticipés en inactivité, aboutissant à tarir aujourd'hui les départs naturels, donc les
possibilités de concrétiser les gains de productivité latents.
. choix erratiques de gestion : dépassée par les évènements la Direction d'EDF s'est enferrée, au nom de
l'obligation due à la concurrence, dans des objectifs irréalistes qui font rigoler tout le monde : diminuer en niveau
et en monnaie courante les dépenses décaissées de 15 % en quatre ans; Il ne s'agissait ni plus ni moins que de
doubler la productivité effectivement atteinte et atteignable. La déréglementation accouchait ainsi de promesses
dignes du Gosplan !
22
près de 30 Milliards d' € s'il n'y avait pas eu la malencontreuse stratégie de croissance externe.
23
On peut prendre un spécialiste extérieur au secteur, s'il est compétent, on peut changer le dispositif de
pilotage mais faire les deux en même temps, avec des acteurs à la compétence douteuse, c'est aller droit dans
le mur. Le responsable du contrôle de gestion a d'ailleurs été limogé récemment, mais les dégâts sont faits.
24
Le rendement des fonds externalisés est particulièrement médiocre notamment en raison des coûts
d'intermédiation qu'ils supportent. Cela n'est pas spécifique à EDF.
12
La liste des incuries serait encore longue à établir. Elles conduisent nombre d'agents compétents , y compris des
cadres en responsabilité, à la démoralisation et, souvent, à de très nombreux départs anticipés (pour ne pas
assister impuissants à la débâcle complète), quand ce n'est pas la seule décision logique qui reste dans les mains
de ceux qui sont écartés pour cause de … compétence et de capacité à sauvegarder ce qui est efficace.
Il est piteux que la récente commission parlementaire se soit surtout préoccupée d'en tirer des arguments en
faveur de la privatisation. Une approche moins dogmatique aurait permis de comprendre que c'est bien de la
logique de déréglementation et de privatisation qu'émane le désordre. C'est au nom de la rupture et de la
préparation aux règles du jeu futures que des décisions ont été prises au détriment des missions légalement
instituées des deux EPIC.
C'est parce qu'on a voulu faire d'EDF "une entreprise comme les autres" qu'on a réussi à casser ce qui marchait
plutôt mieux que dans les autres entreprises engendrant la perte de substance, de motivation et de compétences
internes actuelles.
4.
Mettre un coup d'arrêt au processus de décomposition
Risque élevé de remontée des prix, incertitudes substantielles sur la capacité des entreprises à gérer dans des
conditions pratiques (facturation, accueil…), simplement décentes, le passage de quelques milliers de clients
éligibles actuels à environ 3 millions en électricité et prés de 500.000 en gaz, en 2004, stratégies d'offre
restrictive par nécessité financière, complexification du cadre de régulation, dépossession des collectivités
locales de leur influence sur l'organisation du service, fortes détériorations des conditions de travail, …
On le voit l'ornière libérale est profonde. Continuer à s'entêter comme le font le gouvernement et les deux
directions, en refusant de constater l'échec du processus de déréglementation et en cherchant à verrouiller son
irréversibilité par une privatisation, c'est clairement agir contre l'intérêt général.
Pour sortir de l'impasse actuelle, un certain nombre de conditions préalables s'imposent. Elles sont
nécessaires pour réunir les conditions d'un nouveau projet historique refondateur pour EDF et GDF
Nous retenons a minima deux conditions externes et deux conditions internes-externes. Le débat que nous
souhaitons ouvrir ici par ce texte devrait enrichir, approfondir et élargir ces points.
- Le maintien d'une propriété intégralement publique
- L'arrêt du processus de libéralisation
- Le maintien de l'intégrité d'EDF et de GDF et de la mixité
- Le nettoyage des structures.
Le maintien d'une propriété intégralement publique
C'est sans doute la condition la plus immédiatement nécessaire. La remontée des prix liée à l'apparition des
premières tensions offre/demande est d'ores et déjà inscrite dans les indicateurs de marché. L'électricité en gros
en 2004 coûte déjà 20 % de plus qu'il y a un an. Ce processus ne peut qu'empirer car il est le reflet des
fondamentaux français et européens.
Aucun client éligible du seuil 2004 n'acceptera de renoncer aux conditions dont il bénéficie actuellement sous le
régime du monopole si cela le conduit à payer plus. Il va donc falloir, qu'on le veuille ou non, accorder des
garanties de prix à ces clients qui ne voudront pas faire jouer une éligibilité en trompe-l'œil.
Aucun acteur privé n'acceptera d'assurer cette garantie de prix, qui pour lui est une perte d'opportunité de
bénéfice, sans une contrepartie, tarifaire ou autre. Le seul actionnaire capable d'assumer de telles garanties de
prix c'est l'Etat.
Privatisez EDF et il vous faudra soit forcer les futurs éligibles à assumer leur éligibilité, soit augmenter les tarifs
pour faire payer aux ménages, les derniers restants encore non-éligibles, ce qu'on ne fera pas payer aux clients
"libéralisés" en 2004. Ce sera un transfert colossal de charges, prélevé sur l'usager-citoyen pour subventionner la
clientèle "professionnels" (petit commerçant, supermarchés, artisans, avocats, médecins, etc, et jusqu'aux PME.)
Cette contrainte est indépendante de la part du capital privatisé : 1 % ou 100 % c'est pareil, à partir du moment
où un acheteur privé sera sollicité pour détenir une action d'EDF, il exigera que soit garantie la rentabilité de son
investissement. Toutes les évolutions sur les droits des actionnaires minoritaires vont dans ce sens. C'est une
mystification que de déclarer que l'ouverture du capital n'est pas une privatisation: dès le premier euro
13
cette ouverture produit un changement de logique d'entreprise, la garantie de son profit maximum devient son
objectif et non plus la recherche de l'intérêt général au moindre coût qui est l'objectif d'une entreprise publique.
Et chacun sait que l'Etat se refusant à piloter une entreprise privatisée, il suffit d'une mise directe limitée en
actions pour qu'un actionnaire très minoritaire (1% pour la bancassurance française par exemple) devienne
l'actionnaire de référence, c'est-à-dire celui qui pilote et commande in-fine.
Si l'on veut se convaincre davantage du fait que le privé coûte cher parce qu'il faut rémunérer largement le
capital, il suffit de comparer les conditions de rémunération consenties par le régulateur pour les actifs de réseau
gazier avec celles établies précédemment pour les réseaux électriques :
-assiette économique pour le gaz et assiette comptable pour l'électricité, c'est à dire que les actifs gaziers sont à
un coût proche du coût actuel alors que ceux de l'électricité sont à un coût moyen historique, bien plus bas,
-taux de rémunération plus élevés de 2 à 3 points pour le gaz
La principale raison, si ce n'est l'unique, c'est que le gaz est déjà plus proche du privé que l'électricité, car
certains actifs importants en grands réseaux sont détenus par Total. Au point que Gaz de France est, dans l'esprit
de bien des politiques, plus proche de la privatisation qu'EDF.
Bel exemple du fait que la spoliation est déjà en marche, payée par des niveaux de tarifs gaz actuellement
largement au-dessus des coûts et alimentant à la fois la fuite en avant à l'international, sur les traces pourries
d'EDF, et diverses cagnottes destinées à rendre la privatisation attractive, en particulier avec le début d'un
provisionnement "retraites".
Nous ne reviendrons pas ici sur les données économiques et financières incontournables que nous avons fournies
dans notre premier document "EDF, une privatisation annoncée qui masque une spoliation à venir de la
collectivité nationale". Ecrit fin 2002, ce document est plus que jamais actuel et validé depuis par la réalité. En
témoignent toutes les discussions, études, variantes, maquillages variés, évaluations diverses, appréciations
divergentes, réserves et retours sur l'ouvrage qui agitent depuis un an Bercy, les cabinets, les patrons et les
financiers EDF et GDF, et la ribambelle de consultants des cabinets d'experts et autres banques d'affaires qui se
nourrissent grassement dans cette situation complexe si ressemblante à une pelote de laine, inextricablement
emmêlée, au point que tirer un seul de ses fils en renforce le caractère inextricable ou le casse.
Car il n'est pas si évident de rendre EDF et GDF attractifs et très rentables pour des acheteurs, fussent-ils
minoritaires, sans trop augmenter les tarifs immédiatement ni vendre leurs actions à un prix scandaleusement
bas. A moins de remettre radicalement en cause les droits (et leur rémunération) de la collectivité nationale, des
collectivités locales, des usagers-citoyens propriétaires et ceux des personnels; à moins de masquer, en plus et
complètement, les transferts à l'Etat de charges futures considérables sur le démantèlement des centrales
nucléaires et le cycle du combustible nucléaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, EDF et GDF doivent donc rester intégralement publiques, sauf à accepter le
hold-up du siècle de cette spoliation des citoyens-usagers seuls propriétaires de ces entreprises. NON aux
privatisations.
L'arrêt du processus de libéralisation: conditionnel pour les professionnels, total pour les ménages.
L'étape très proche concerne la libéralisation en 2004 pour les clients professionnels. Il existe des motifs très
fondés, au vu des risques de cette étape, pour que la France fasse jouer son droit d'exception et définisse son
propre calendrier, afin de maîtriser complètement ces risques.
Il est indispensable que la France redéfinisse des étapes dans cette ouverture à la concurrence pour les
professionnels : d'abord n'engager l'éligibilité que pour un seul nouveau palier de puissance (restant assez élevé,
avec un nombre d'entreprises permettant la maîtrise des risques, c'est à dire très loin du million); ensuite, laisser
se dérouler cette expérience pendant quatre à cinq ans, en mettant en place les moyens d'observation et
d'évaluation indépendantes et contradictoires; enfin, tirer un bilan précis de cette étape et ensuite seulement
décider ou non de poursuivre et d'élargir l'éligibilité. On mesure les apports que l'observation organisée,
indépendante et contradictoire, de la déréglementation réalisée également dans les autres pays européens
libéralisés apporterait dans ce bilan.
Naturellement un tel processus devrait être placé sous la responsabilité politique de la Représentation Nationale,
associant et consultant les organismes appropriés de la société civile, et non sous le pouvoir discrétionnaire de
Bercy ou des entreprises.
14
Quant à l'étape finale de la libéralisation, celle qui concerne tous les clients domestiques et qui est prévue pour
2007, l'étendue des dégâts qu'elle entraînera inexorablement doit conduire à la France à faire jouer son droit à
l'exception, au nom de ses intérêts supérieurs, tout en menant bataille pour le rééquilibrage entre concurrence et
politiques publiques, à inscrire dans les traités européens, ce qui conduirait à la remise en cause de la directive de
libéralisation du marché domestique. A cet égard, on sait que la France est loin d'être aussi isolée dans l'Union
Européenne que certains veulent nous le faire croire; en particulier de fortes convergences existent avec
l'Allemagne, la Belgique et la Grèce, ainsi que l'ont montré le compromis de Barcelone pour les usagers
domestiques, trahi ensuite par les libéraux européens. La recherche d'un nouveau cadre européen à cet égard est
donc non seulement nécessaire, mais elle peut parfaitement aboutir.
Le caractère intangible du droit à l'égalité d'accès aux services publics et du droit à garantir la solidarité sociale
et territoriale, du droit à la péréquation, conduit à maintenir une distribution publique de l'électricité et du gaz
aux usagers domestiques, au nom de notre constitution qui a pour étendard les trois principes "liberté-égalitéfraternité". C'est pourquoi, nous n'acceptons pas la remise en cause des fondements de notre société et leur
remplacement par le règne généralisé de la concurrence qui déstabilise ces principes, détruit les valeurs de
solidarité, met en danger la cohésion sociale du pays.
Le maintien de l'intégrité d'EDF, de GDF et de la mixité électricité-gaz
La troisième condition préalable est le maintien de l'intégrité de chacune des deux entreprises et de la mixité au
niveau de la distribution du gaz et de l'électricité
La tentation existe de détacher plus ou moins progressivement au sein des deux entreprises ce qui apparaît digne
d'être privatisé (production/négoce, commercialisation, international) du reste, trop complexe ou trop imbriqué
avec les intérêts publics pour intéresser les marchés financiers.
D'une certaine façon, l'exfiltration des fonctions commerciales depuis la distribution pour les placer auprès du
producteur, rebaptisée producteur/commercialisateur, est une des formes les plus sournoises de cette logique :
d'un côté, pour les marchés financiers et le management supérieur, l'actif client (fichiers/notoriété de marque…),
de l'autre, pour les collectivités locales et l'Etat l'acheminement du courant c'est à dire la contestation des
ouvrages, les clients insolvables, les fermetures d'implantation…
Le même type de tentation est apparu avec l'organisation de la production : d'un côté, pour les marchés financiers
et le haut management, la production nucléaire et hydraulique à bas prix et le négoce, et, de l'autre, pour la
Nation, le démantèlement des centrales, le retraitement du combustible25, le financement à perte des énergies
renouvelables…
Ces représentations ne sont pas étrangères à l'atonie des performances d'EDF au cours de ces dernières années.
La fabrication de chimères organisationnelles a occupé beaucoup plus d'énergie que la recherche de productivité
industrielle et, par ailleurs, a gravement perturbé les conditions d'exercice de l'activité26.
Il est clair que pour retrouver la voie de la performance, il va falloir retrouver une certaine logique industrielle de
l'organisation des services. Il est impératif de replacer la fonction de production sur son terrain (programmation
économique, réduction tendancielle des coûts), en lui subordonnant l'activité de négoce, et non l'inverse. Il est
également indispensable de cesser de découper en morceaux la distribution en fonction de schémas
intellectuellement fumeux et fonctionnellement impraticables. Ainsi, il n'est pas possible, sauf à entraîner des
conséquences inadmissibles en coûts et en dégradation de la qualité, de détacher la relation client de la desserte
technique, ni celles ci de la relation institutionnelle aux collectivités locales.
De la même façon le premier enjeu commercial reste la mixité gaz+électricité. Avec cinquante ans d'avance la
Loi du 8 avril 1946 avait identifié ce résultat de bon sens: il est plus efficace en terme de coût et de qualité de
service de distribuer conjointement l'électricité et le gaz. Depuis lors, dans tous les processus de
déréglementation, le premier mouvement des opérateurs non mixtes, a été de se doter de l'énergie qui leur
manque. Et les directions d'EDF et de GDF ne font pas exception à ce constat, puisqu'elle cherchent à se doter
chacune des compétences de l'autre. Cependant, tout entières aveuglées par leur fantasme d'autonomies elles sont
prêtes pour cela à sacrifier ce qui existe et qui marche, la mixité actuelle de la distribution en France. Notre
conviction est que la Nation s'épargnera des surcoûts aussi inutiles qu'important en imposant que l'actuelle mixité
25
Il faut avoir entendu des cadres dirigeants d'EDF appeler de leurs vœux l'Etat à assumer ses responsabilités,
de passif bien sûr, sur le programme nucléaire pour être certain de ne pas être sourd.
26
cf supra les problèmes que posent l'asservissement du producteur à la logique de négoce ou les découpages
incessants de la distribution.
15
en distribution constitue le fondement de l'alliance recomposée entre EDF et GDF27. Et les élus et les
collectivités locales, organisatrices de la Distribution, devraient intervenir par tous moyens pour faire en sorte
que ce massacre de la mixité cesse immédiatement.
Le nettoyage des structures
Par nettoyage des structures nous entendons d'une part le règlement définitif de la question des développements
calamiteux à l'international, d'autre part la remise en ordre du management supérieur.
Pour se limiter à l'exemple d'EDF, celle-ci s'est débarrassée de quelques participations périphériques les plus
immédiatement cessibles (le suédois Graninge..) et, surtout, a cessé sous la pression bénéfique de l'Etat de
gaspiller ses ressources financières en acquisitions aussi infondées que coûteuses. Ce premier mouvement a
d'ailleurs permis de faire justice de la fable du besoin de financement, censé justifier la privatisation, puisque les
récents comptes semestriels laissent espérer un désendettement réel de plusieurs milliards d'Euros, conséquence,
notamment de l'arrêt des investissements extérieurs. Ceci apparaît abstraction faite de la manipulation de la
présentation des comptes, due au prolongement de la durée de vie comptable du nucléaire, de 30 à 40 ans, pour
commencer à rendre plus présentable une situation totalement calamiteuse née des engagements hors-bilan,
résultat direct des acquisitions folles à l'étranger.
Il reste cependant beaucoup à faire. Les participations stratégiquement inutiles de Grande Bretagne, de la
ruineuse expédition en Italie, d'Amérique Latine, d'Egypte…, doivent être cédées dans des échéances brèves
n'excédant pas un ou deux ans, pour se ramener aux besoins immédiats sur la plateforme du Centre-Europe
(consolidation des positions en Allemagne, sans esprit d'expansion).
Quant à GDF, l'impression se dégage qu'elle met désormais les bouchées doubles dans des acquisitions infondées
à l'étranger, profitant sans doute de la focalisation actuelle sur EDF pour se faire oublier.
Cette remise à plat, pour EDF comme pour GDF, devra inclure l'identification des responsabilités sur la
conception, la validation, l'implémentation et le "contrôle" de la stratégie de la croissance tous azimuts. Car il
serait trop facile de croire qu'il est possible de se vacciner d'une maladie qui faillit être mortelle, sans identifier
son virus et ses agents propagateurs.
Au delà, il conviendra également de mesurer et de tirer les conséquences de la capacité du management
supérieur à assumer les missions et responsabilités, institutionnellement dévolues à EDF qui sont au titre de
l'article 12 de la Loi du 10 février 2000 : "La garantie de l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du
territoire national, dans le respect de l'intérêt général. […] l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement,
à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, . la gestion optimale et au développement des ressources
nationales, . la maîtrise de la demande d'énergie, . la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des
choix technologiques d'avenir, comme . l'utilisation rationnelle de l'énergie. […] la cohésion sociale, […] dans
les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et
énergétique."
Telles sont les missions assignées par la Loi, et il est à craindre qu'un certain nombre de dirigeants actuels d'EDF
et GDF qui, au mieux, étaient supposés avoir été sélectionnés en fonction de leur compréhension de ces
missions, se soient très vite révélés par leur capacité à participer à la recherche fébrile d'une émancipation de la
tutelle de l'Etat par le biais d'un programme de développement international aussi dispendieux que
stratégiquement inutile. Et ils ont été encouragés dans ces voies, expressément ou par connivence, en particulier
dés lors qu'on avait brisé par simple décret, l'équilibre des pouvoirs entre un Président d'orientation et un
Directeur Général de mise en œuvre, et instauré, par un Président-Directeur Général, les conditions d'un système
autocratique incontrôlable et incontrôlé. Rien ne pourra être remis en ordre sans remise en ordre de ce
management par son départ, sanction de ses multiples erreurs. Quant au choix des équipes dirigeantes
futures, quant à la mise en place d'un vrai management public équilibrant Conseil de Surveillance et Directoire
exécutif, il relève de la capacité à mettre en œuvre un vrai projet, radicalement différent.
27
A ce titre le choix calamiteux du Ministre de l'Economie et des Finances d'adresser deux feuilles de routes
distinctes à chacun des deux dirigeants montre bien à quel point l'idéologie libérale est peu soucieuse des
deniers des citoyens, quant elle n'organise pas sciemment le pillage de la domanialité publique.
16
5. Pour un nouveau projet historique refondateur
Contre la destruction programmée: comme à chaque étape, un projet
Nous avons rappelé, en introduction de notre premier document de fin 2002, qu'EDF appartient à la Nation et il
en va de même de GDF. Nous avons également rappelé à l'issue de quel processus historique ces entreprises ont
été fondées, processus marqué par le programme du Conseil National de la Résistance, mis en place par la
volonté conjointe de Jean Moulin et du général de Gaulle.
Nous nous sentons héritiers de ces pères fondateurs de nos entreprises face à la destruction de ce qu'ils ont
construit et que tant de personnes ont ensuite enrichi et consolidé en se donnant à fond, sur les réseaux, dans les
centrales, sur les plateaux clientèle et chez les usagers, dans tous les bureaux. Nous savons qu'une immense
majorité d'agents d'EDF et GDF se positionnent exactement comme nous et sont prêts à mener le combat
jusqu'au bout contre les privatisations, sachant désormais qu'est légitime le recours, conscient et responsable, à la
grève avec coupures, si nécessaire, pour stopper la folie destructrice d'un pouvoir qui n'a jamais été élu par les
français pour faire cela et qui, en conséquence, est totalement illégitime pour mener ces privatisations. Il pourrait
apparaître à certains que nous sommes mal placés, étant donnée notre position dans l'entreprise, pour légitimer
ainsi le recours à la grève avec coupures tournantes maîtrisées, mais, au point où en sont les choses, si l'on veut
interdire l'exercice d'un droit de grève responsable aux agents EDF-GDF sous cette forme et ne leur concéder
que des grèves invisibles, alors on les acculera aux grèves avec coupures sauvages donc risquées voire
dangereuses.
C'est pourquoi nous disons que le Président de la République, (élu avec nos voix par refus d'un candidat
d'extrême droite) et son gouvernement, sont totalement illégitimes en matière de privatisations qui conduiront à
la destruction des entreprises publiques EDF et GDF, au nom de la collaboration avec le tout-libéral, toutconcurrence, et que, il est légitime de les combattre avec les armes adaptées, allant jusqu'à la grève avec
coupures maîtrisées.
Cependant, dans la situation de la Résistance, il est vite apparu qu'il ne suffisait pas de résister et combattre, mais
qu'il fallait aussi rassembler et unir autour d'un programme, autour d'un vrai projet pour la France libérée, qui la
sortirait des graves défauts de la France d'avant-guerre et tracerait une perspective crédible et mobilisatrice pour
le peuple de France, une fois la guerre gagnée. Tel fut l'immense talent de Jean Moulin, d'avoir su jeter les bases
de cette unification et de l'élaboration du programme du CNR, véritable "projet pour la France".
Ce rappel historique, même si la comparaison a toutes ses limites, nous démontre que le moment est venu
de formuler un nouveau projet historique refondateur pour EDF et GDF.
Nouveau, oui, car le monde a changé, et que la réussite reconnue de ces deux entreprises jusqu'à récemment, est
due à leur capacité d'avoir disposé et mis en œuvre les outils indispensables et mobilisateurs: à chaque étape,
un projet.
Historique et refondateur, oui, parce qu'il faut en finir avec l'histoire des cinq dernières années de fuite en avant
impériale à l'international aux dépens de la satisfaction des besoins nouveaux des usagers-citoyens, des
entreprises clientes, des collectivités locales, des personnels .
Personne aujourd'hui n'est en mesure de formuler ex-nihilo, un tel projet. Et ce n'est pas au management des
entreprises de le faire, car les citoyens en ont assez de ces comportements d'Etat dans l'Etat par lesquels des
entreprises publiques, dont les citoyens sont propriétaires, auto-définissent leur propre projet. L'administration de
tutelle (Bercy) n'est pas plus légitime en la matière. Un tel projet doit forcément surgir d'un débat citoyen large et
contradictoire, puis faire l'objet d'une saisine par une représentation nationale légitime, c'est à dire élue et
mandatée pour sa formulation explicite.
Au stade actuel, nous ne souhaitons donc que formuler quelques lignes directrices, que nous souhaitons mettre
en débat dans le mouvement citoyen et parmi les usagers, dans le personnel et ses organisations syndicales, dans
les partis politiques.
Axe N°1: une refondation citoyenne: un nouvel ancrage et une politique au service des usagers-citoyens
Les citoyens-usagers étant les propriétaires d'EDF et GDF, ils doivent être les premiers bénéficiaires
de leur activité.
Cela passe d'abord par le retour, dans tous les domaines, aux principes des cinquante premières
années: une recherche constante d'efficacité dans la durée, de surplus de productivité en coût et en
qualité des services, qui doivent être reversés intégralement dans des baisses de prix régulières et des
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améliorations de qualité dûment mesurées. Dans ce dernier domaine, deux priorités: a)l'accès plus
facile et plus large aux services pour tous, en particulier pour les zones et pour les personnes les plus
défavorisées (c'est cela, aussi, la démocratisation) b)l'engagement d'une vraie révolution en matière de
politique "commerciale": en finir avec l'objectif de "développement" des ventes; lui substituer
l'objectif de "réduction des factures avec accroissement du confort" (par une vraie action, généralisée
et gratuite, de maîtrise de la demande, comme par exemple, faire disparaître en quatre ans le chauffage
électrique de mauvaise qualité et lui substituer le chauffage gaz efficace, comme l'action pour une
amélioration de la qualité des constructions, comme une politique "air frais" de limitation de la
climatisation et de satisfaction de ces besoins nouveaux par la ventilation et le conditionnement, etc ..)
Cette politique ne peut qu'avoir aussi des retombées importantes en direction des autres clients,
professionnels et grands clients avec une trajectoire de prix à la baisse et des services en amélioration.
EDF et GDF doivent également en finir avec ce mouvement constant de dépossession des citoyensusagers de leur pouvoir de propriétaires aux dépens d'une technocratie dirigeante autrefois issue des
Corps d'Etat et récemment, à EDF sous l'actuelle présidence, élargie à des technocraties de firmes
privées extérieures.
Au sommet, dés l'origine, le Conseil d'Administration a été fondé sur le "tripartisme" Etat-UsagersSyndicats, mais il s'agissait de représentants "désignés". Un grand progrès a été accompli plus tard
lorsque les représentants syndicaux ont été élus par l'ensemble des salariés. Un nouveau pas qui va de
soi doit être fait, en avant dans la démocratisation, par l'élection au suffrage universel des
représentants des usagers-citoyens sur un programme et des listes nationales parrainées par des
organisations représentatives, avec des règles précises de compte-rendu de mandat et d'information au
cours de celui-ci et … des moyens donnés à ces élus pour accomplir leur mission et ne pas se
retrouver caution de décisions prises hors Conseil. Et l'objection de la difficulté d'organiser ce vote ne
tient pas quand on sait que, dans de nombreux pays démocratiques, les élections politiques nationales
sont l'occasion d'élire en vote séparé nombre d'autres représentants.
Au plan de la Distribution, mixte EDF-GDF, la loi de 1946 avait prévu la mise en place
d'Etablissements Publics Locaux (maille plus ou moins départementale) dans lesquels les collectivités
locales et les deux entreprises publiques disposaient du pouvoir. La maille départementale reste une
maille démocratique proche du citoyen qui s'est renforcée encore avec ses attributions nouvelles. Elle
est aussi historiquement la maille d'organisation de la Distribution qui permet l'intégration efficace des
activités "clientèle-réseaux locaux-collectivités locales". C'est donc sans doute à ce niveau que peut
être le mieux franchi le nouveau pas en avant à faire dans le rôle nouveau des usagers-citoyens, en
mettant en place des Conseils d'Administration de la Distribution EDF-GDF pour cette maille
départementale. Aujourd'hui, le rôle conjoint des élus locaux et des représentants des citoyensconsommateurs apparaît nécessaire et il est une condition pour combler le déficit démocratique en
matière de services publics. Mais il est clair que ces derniers doivent désormais être également élus et
sur la base d'un programme (comme pour le plan national). Quant à la nature des pouvoirs de ces
Conseils d'Administration, à la répartition des pouvoirs entre les niveaux national et local, la loi devra
les préciser en tenant compte du nécessaire équilibre entre les nécessités et les résultats de l'intégration
nationale et les actions et moyens qui doivent être décidées et engagées au plan local pour la
satisfaction des usagers.
Pour rendre effectifs ces nouveaux pouvoirs à donner aux élus locaux et aux élus citoyenconsommateurs, encore faut-il qu'ils disposent des moyens de préparer leurs décisions. A cet égard
nous pensons que les propositions de mise en place d'Observatoires indépendants (au plan national et
départemental) des services publics EDF et GDF sont indispensables, en prêtant une grande attention
à la diffusion de leurs conclusions par une information directe auprès de chaque usager-citoyen.
Bien des personnes, de gauche comme de droite, ont levé les bras au ciel devant de telles propositions
qui sont pourtant formulées ici et là depuis fort longtemps. Nous souhaitons rappeler ici deux choses:
a)la mise en place d'élections en matière d'enseignement public en France pour l'école élémentaire, les
collèges, lycées et universités était aussi apparue comme un chambardement inutile et pourtant,
aujourd'hui, même avec ses imperfections qui resteraient à corriger, personne, pas même les libéraux,
n'avancerait l'idée de supprimer cette avancée, b)on ne peut plus se contenter de parler de
"démocratisation" des services publics à coup d'invocation comme cela a été fait trop souvent depuis
1946, ou laisser croire que démocratisation=pouvoir plus grand aux organisations syndicales, comme
certains l'ont fait depuis trop longtemps: le moment est venu de constater que le fossé n'a jamais été
aussi grand entre, d'une part, EDF et GDF et, d'autre part, les citoyens-usagers, et que, pour sortir du
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fossé dans lequel les pilotes de ces entreprises les ont renversés, il faut faire un saut qualitatif en
faisant appel à la puissance de la démocratie, en donnant de nouveaux droits aux citoyens
Axe N°2: un projet industriel ayant pour but la diversification et la sécurité énergétiques et, pour moyen,
la fusion EDF-GDF
La privatisation d'EDF et GDF sera synonyme, si nous la laissons faire, de la perte de deux outils
publics majeurs de la politique énergétique française. Qu'on se souvienne! EDF, c'est l'électrification
complète du pays, la mise en valeur de la rente hydraulique, l'efficacité industrielle de la politique des
paliers thermiques pour la production classique puis nucléaire et de la politique de sûreté pour
l'exploitation du nucléaire, l'édification d'un réseau de grand transport 400kV et d'un système
d'exploitation efficaces . GDF c'est la reconversion des usines à gaz au charbon, la gazéification au
gaz naturel du pays qu'il faut achever, un réseau de gazoducs grands et petits dans toute la France et
un savoir-faire majeur dans la politique d'approvisionnement et de coopération avec les autres
compagnies gazières (l'allemand Rhurgas en particulier)et les pays producteurs (Algérie et Norvège).
Construire tout cela a nécessité une logique d'intérêt général, d'entreprise publique, pour la
minimisation des coûts et pour la sécurité, rejetant le critère du profit en réalisant des investissements
de long terme. Non pas qu'aucun acteur privé n'aurait pu atteindre certains de ces objectifs, mais pour
savoir à quels surcoûts, il suffit de se retourner vers les exemples de nombre des pays étrangers, y
compris en Europe.
Aujourd'hui, tous les marchés énergétiques sont dominés par des acteurs de grande taille, dans un
contexte où la libéralisation se traduit par toujours plus de concentrations. Privatiser GDF, tout le
monde le sait, c'est programmer sa disparition avec son démantèlement entre l'amont, achats et
commercialisation en gros avec un pétrogazier , et l'aval qui ne pourra survivre qu'en proposant une
offre conjointe électricité-gaz (soit EDF privé, soit Suez-Tractebel et/ou un privé espagnol et ENEL,
privé italien). Privatiser EDF, ce sera, si la garantie de la présence de l'Etat dure, la mise en coupe
réglée (la vache à lait) de la rente nucléaire et de ses clients domestiques qui resteront quasi-captifs, au
profit de la bancassurance française.
Mais comme "presser le citron" n'est pas une politique industrielle, la logique de la situation voudra
que EDF passe sous influence puis sous contrôle managérial d'une firme d'envergure qui aura, elle,
démontré sa capacité à mettre en œuvre une politique industrielle. Et alors on nous désignera
logiquement la firme électricité-gaz EON-Rhurgaz qui aura réussi, comme la seule entreprise ayant ce
potentiel.Ce n'est pas de la fiction: n'oublions pas que certains désignent Siemens comme devant être
la firme européenne en charge du pilotage industriel des biens d'investissements électriques, (merci
pour Alstom!) y compris du futur nucléaire.
Avec pour alternative une sous-solution dégradée que serait Suez, si cette firme accédait un jour au
rang d'industriel, alors qu'elle ne sait être, jusqu'à présent, que le spécialiste (certes, mondial) de la
gestion des situations de capture de rentes publiques concédées par les politiciens, dans le dos et aux
dépens des citoyens.
Conclusion: ne rien faire, comme le gouvernement précédent, ou privatiser comme le nouveau
gouvernement le veut, conduira à la liquidation de ces outils du patrimoine national que sont EDF et
GDF. Le Président de la République s'en rend-il compte? Accepte-t-il ainsi d'être celui qui va
organiser le déclin de la France dans ce domaine où elle excellait? Aujourd'hui Péchiney, demain
matin GDF et l'après midi EDF?
Aura-t-il l'un de ces sursauts qu'il a pu avoir, comme dans la question de l'Irak, contre une opinion très
répandue dans son propre camp?
Aujourd'hui, une seule solution s'impose contre la destruction et le déclin programmé que sont
les privatisations d'EDF et GDF: réaliser la fusion EDF-GDF, créer une entreprise publique (un
EPIC) en charge de la mise en œuvre de la politique définie ci-dessus dans l'axe N°1 et de la
politique énergétique du pays.
Il n'appartient pas à EDF-GDF de définir la politique énergétique du pays. En ce domaine, ce sont les
citoyens, par un processus démocratique de choix, qui seuls peuvent le faire. Et nous-même n'avons
pas la prétention de le faire. Tout au plus est-il de notre responsabilité, avec ce que nous savons,
d'alimenter ce débat citoyen.
19
La situation énergétique en France et en Europe est avant tout marquée par trois faits majeurs: la
domination des hydrocarbures (pétrole et gaz), le gaspillage énergétique généralisé, la dépendance
croissante vis-à-vis des importations d'hydrocarbures et des acteurs géants que sont les pétro-gaziers
dominants. Ces trois faits mettent en danger la garantie d'un approvisionnement sûr et à bas prix, gagé
par la diversification des sources et leur sécurisation par la coopération mutuelle, mais aussi l'avenir
de la planète, avec d'ores et déjà le réchauffement climatique qui a une réalité, et qui doit conduire à
des politiques publiques audacieuses appliquées par les outils que sont des entreprises publiques.
Un consensus citoyen fondamental pourrait être trouvé en France sur les quelques points suivants:
-2.1 conduire en tous domaines, comme une cause nationale, une politique de réduction importante de
la demande d'énergie (pétrole, gaz, électricité) (cf axe N°1).
-2.2 diversifier les sources de production en France, en décentralisant au maximum les systèmes
énergétiques: développement maîtrisé et démocratique des ENR aux moindres coûts (à l'opposé de
l'éolien actuel, technocratique et surpayé au profit des firmes constructrices); engagement de centrales
électriques gaz de taille moyenne en région, garanties de disponibilité en cas d'aléas climatiques
(canicule, tempêtes, hivers très froids)
-2.3 laisser ouverte et construire l'option nucléaire du futur: pour la production de masse d'électricité
qui restera, de nouvelles centrales seront encore nécessaires, mais avec les politiques ad-hoc ci-dessus,
les besoins de développement et de renouvellement du parc nucléaire français ne se présenteront pas
avant 10-15 ans, voire 15-20 ans; le type de centrale EPR que le gouvernement veut engager n'apporte
que très peu de progrès en sécurité et, surtout, EPR sera encore une filière sale en déchets. Contre le
démantèlement de la recherche publique française du CEA, il est nécessaire que s'engage le
développement industriel d'une filière intrinsèquement sûre et propre en déchets, avec des centrales de
plus petite puissance, projet très sérieux qui devrait apporter une forte contribution à la lutte contre les
effets de serre et le réchauffement climatique et qui permettrait de traiter les déchets des filières
actuelles.
-2.4 faire de la nouvelle Electricité et Gaz de France (EGF, nom que nous préférons à Energie de
France, terme impérial et excessif , car le mot énergie couvre également le pétrole), l'acteur public
français garant de la diversification gaz sûre et bon marché.
A l'aval, prés de l'usager, par la distribution mixte, efficace et citoyenne. A l'aval, également, pour le
gaz qui sera nécessaire à la production d'électricité, dont le volume dépend d'une part, des résultats de
la politique d'économie d'électricité à engager et, d'autre part, de la réussite ou non d'un programme de
nouveau nucléaire sûr et propre. A l'amont, à l'achat du gaz, en déployant, en Europe et dans les zones
proches, la stratégie autonome de diversification et de sécurité d'approvisionnement qui est nécessaire
pour ne pas avoir à se plier aux gigantesques acteurs pétro-gaziers anglo-américains. (Total, firme
d'origine française, a 35% d'actionnaires anglo-saxons et plus de 2/3 d'actionnaires étrangers; ses
intérêts pétroliers et cet actionnariat la conduisent à des marges de manœuvre très réduites par rapport
aux pétrogaziers anglo-saxons)
En réalisant la fusion EON-Rhurgas entre leur premier électricien et leur premier gazier, les allemands
ont bien compris ce qu'un nouvel ensemble intégré de ce type pouvait leur apporter. Notamment, la
coopération très forte réalisée avec Gazprom, le très grand gazier russe, qui contrôle les plus grandes
ressources en gaz de la planète, est une politique autonome visant la sécurité d'approvisionnement et
les garanties de prix pour leurs centrales électriques comme pour leurs clients gaz. La nouvelle EGF
aurait les moyens et la dimension d'une telle politique, en premier lieu par une alliance stratégique
avec EON-Rhurgas se concrétisant par des filiales communes ad-hoc. Ainsi, les conditions d'un axe
stratégique franco-allemand seront réunies, au service d'une nouvelle politique de sécurité énergétique
européenne et outil d'une géopolitique Europe-Moyen-Orient nouvelle.
Ceci d'autant plus que la partie française pourrait apporter de son côté des avantages importants: les
russes seraient heureux de ne pas risquer de devenir dépendants de la coopération avec la seule
Allemagne, l'extension de cette coopération à la Sonatrach (Algérie) et à Statoil (Norvège) avec qui
GDF à des liens historiques privilégiés renforcerait la diversification et la sécurité; un nouvel espace
de coopérations pourrait se déployer avec les républiques d'Asie centrale, l'Iran et l'Irak, qui disposent
également de ressources gaz importantes. On mesure la force que représenterait cette alternative, (les
milliards d'euros d'EDF de ses aventures à l'étranger feraient des milliers de kilomètres de gazoducs
venant de ces pays producteurs), si nous ne voulons pas que ce soient les pétrogaziers anglo-saxons
qui nous vendent à la fois le pétrole et le gaz, et qui fixent complètement leurs prix et leurs quantités,
particulièrement lorsque cette énergie se sera substituée massivement dans les usages énergétiques.
20
On le voit, et par la refondation citoyenne (Axe N°1), et par son projet industriel (Axe N°2), cette proposition soumise au
débat, ce nouvel ensemble, n'a que peu de choses en commun, à part le mot fusion, avec la proposition de fusion à la sauce
Fondation Concorde proche de l'UMP. Car ce mot fusion cache, pour ces gens, la privatisation, au niveau en dessous de celui
de l' EPIC de tête (qui est censé masquer cette privatisation). Quant à la privatisation de la logique d'entreprise, elle est
lumineuse. La Fondation Concorde ne fait référence qu'au supposé bel exemple industriel de Suez (qui depuis ne cesse de
traverser une crise grave), bel exemple, en fait, d'une logique de prédateur des rentes de services publics concédées par des
politiciens selon des procédures non-démocratiques (dans l'eau, inutile d'en dire plus; dans l'électricité en Belgique les tarifs
très élevés parlent d'eux même; en France, les citoyens ont-ils été consultés sur la main-mise de Suez sur la rente hydraulique
du Rhône de la CNR? Et celle des barrages hydrauliques de la SNCF?). Tout cela en échange du statut du personnel supposé
pouvoir rester exclusivement rattaché à l'EPIC de tête, alors que rien ne pourra empêcher le développement de statuts privés
pour les nouveaux agents des filiales, privatisées, elles. Or, sur ce plan, il devrait être question de toute autre chose, et nous
n'ignorons pas que dans la majorité politique actuelle, un certain nombre de responsables doutent complètement des bienfaits
de la libéralisation et ne sont pas partisans de la privatisation d'EDF et GDF.
Cependant, nous notons, positivement, que Concorde et nous, avons les mêmes informations juridiques sur un point décisif:
contrairement aux affirmations des ministres et des présidents d'EDF et GDF, la décision d'une fusion ne peut être interdite
par Bruxelles car elle est hors de son champ de compétences. Ce qui s'est vérifié dans le cas de la fusion EON-Rhurgas
Axe N°3: une refondation du pacte social:
Jusqu'à ces dernières années, le pacte social fondateur entre le personnel et la nation a été clair. D'un
côté, un statut conquis de haute lutte, aligné sur les meilleurs des entreprises électriques d'avantguerre, mariant garantie de l'emploi, salaire modéré par rapport aux équivalents privés, retraite
garantie en salaire différé d'inactivité financé pour l'essentiel par l'activité, consultation organisée des
personnels et de leurs organisations syndicales . De l'autre, une disponibilité, une mobilité
professionnelle et géographique, une mobilisation dans le service du public et des entreprises pour la
sécurité, la réduction des coûts et l'accroissement de la qualité des services aux citoyens-usagers, aux
collectivités locales et à tous les clients, professionnels et entreprises. Tels sont les fondements
historiques du pacte social.
Déjà, depuis plusieurs années, sont poursuivies des politiques internes de privatisation de fait,
anticipant la privatisation non faite. Une agitation fébrile de changements des organisations est
déployée dans ce but, en rupture du pacte social, avec dégradation des conditions de travail,
réductions imposées des personnels aux dépens de la qualité. Ces réformes de structures sont mises
en œuvre par "une nouvelle race de managers" trop souvent sans connaissance des métiers, choisis
pour leur docilité envers la hiérarchie, dé-professionnalisés, qui ne sont que les courroies de
transmission du management supérieur nouveau qui instaure systématiquement des formes de
pouvoirs autocratiques étrangères à EDF et GDF, et qui ne sont que les valets-acteurs de la
privatisation qu'ils anticipent. C'est ainsi que la privatisation future est déjà à l'œuvre par cette
privatisation autocratique du pouvoir qui commence par les présidences Dans bien des cas, ce vent
libéral interne, avec toutes ces réformes et contre-réformes (parfois au rythme de deux en trois ans!),
conduit à la détérioration de la productivité et de la qualité de service, au point qu'il apparaît parfois
que certains font le calcul cynique de favoriser ce déclin pour donner prises et arguments au
mouvement extérieur de privatisation.
Refonder le pacte social, c'est revenir hardiment aux fondamentaux historiques rappelés ci-dessus et
en finir complètement avec ce processus de privatisation interne.
A commencer, bien sûr, c'est une condition préalable, (cf fin du point 4 ci-dessus) par l'abolition du
pouvoir personnel unique du Président qui est devenu aussi Directeur Général, par la mise en place
d'un Conseil d'Administration-Conseil de Surveillance, distinct du Directoire exécutif, ayant un
Président (distinct du Président du Directoire Exécutif) et les moyens d'orientation stratégique et de
contrôle de sa mise en œuvre.
Autre évidence, en finir avec toutes les tentatives de remise en cause du statut du personnel,
notamment de son système de retraite, nullement menacé dans son équilibre financier et qui peut être
pérennisé facilement par des engagements de progrès de productivité dans la ligne des efforts
historiques antérieurs.
Enfin, il va de soi que l' abandon du mouvement actuel des réformes de structures est vital car elles
sont liées à la privatisation: toute nouvelle évolution des structures, de l'organisation doit être
21
subordonnée à l'adoption, en haut, d'un nouveau projet historique refondateur. Au plan des Directions
comme au plan des Unités (centrales, centres de distribution, unités de transport et des services
centraux et de recherche) il faut enfin en venir (parfois revenir) à la pratique de la mise en débat dans
le personnel et avec ses organisations syndicales, du projet de Direction et d'Unité et de son plan
stratégique, élaborés en cohérence avec le projet d'ensemble du nouvel EGF. Ce sursaut de mise en
débat n'est pas une chimère, notre passé montre qu'il existe une attente et un potentiel formidable dans
le personnel et une partie du management pour le conduire, grâce à l'expérience accumulée dans les
CMP et Sous CMP (comités mixtes à la production), renouvelée par les lois Auroux et ensuite par
certains processus mis en place lors des plans stratégiques d'il y a 5-10 ans.
Et il est sûr que les agents d'aujourd'hui, qui ont une exigence totale de démocratie, sont prêts et aussi
capables que leurs anciens, à se mobiliser formidablement pour un nouveau projet historique , une fois
que leurs combats, s'appuyant sur les usagers-citoyens, et à leur service, aura écarté la folie
destructrice de ces privatisations-spoliations
OOOOO
Au final, nous voyons à quel point il est fondé de dire NON à la libéralisation de l'électricité et du gaz
et à la privatisation-spoliation d'EDF et GDF. L'observation des faits, les crises électriques répétées à
l'étranger, tout cela est très concluant Nous avons essayé de montrer aussi à quel point sont élevés les
dégâts dus à l'anticipation interne de cette privatisation par les Directions des entreprises et quelles
sont les mesures incontournables et préalables qu'il faut prendre pour stopper le cercle vicieux actuel
de la dégradation irréversible à l'œuvre. Enfin nous avons souhaité mettre en débat la nécessité d'un
nouveau projet historique refondateur s'appuyant sur trois grands axes:
-une refondation citoyenne par un nouvel ancrage et une politique nouvelle au service du citoyenusager,
-un projet industriel ayant pour but la diversification et la sécurité énergétiques, et pour moyen la
fusion d'EDF et GDF
-une refondation du pacte social
Nous espérons que cette contribution, comme ce fut le cas pour notre premier texte, renforce et
élargisse, au-delà de nos entreprises, la résistance à des décisions annoncées sans débat démocratique.
Nous espérons qu'elle alimentera le débat citoyen que nous appelons de tous nos vœux, car EDF et
GDF appartiennent à la Nation et ne sauraient être vendues et détruites sans que celle-ci en débatte et
se prononce.
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Ce document a été rédigé et travaillé par des cadres dirigeants d'EDF et GDF qui ne peuvent sortir
de l'anonymat et qui signent sous le nom collectif de Jean Marcel Moulin.
Bien des analyses et des propositions reprises et mises en débat dans ce texte, ont déjà été formulées
auparavant, ici et là. Que leurs auteurs, individuels ou collectifs, soient ici remerciés.