Bruit aérien

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Bruit aérien
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Approfondissement sur les données environnementales dans les études de
Points Noirs Environnementaux (PNE)
Thématique : Fiche Eau, Bruit et Sols pollués
Fiche n° 3-2
Bruit aérien
Le bruit correspond à une variation de pression de l’air. Le niveau sonore (ou niveau de pression acoustique)
s’exprime sous forme logarithmique et ne s’additionne donc pas linéairement mais par sommation
logarithmique. En tant que nuisance à la santé et au bien-être humain, les niveaux sonores s’expriment en
décibel A, ou dB(A), qui pondèrent les niveaux sonores en fonction des fréquences sous une forme qui
correspond le mieux à la sensibilité de l’oreille humaine.
Le niveau sonore n’étant pas constant au cours d’une période donnée, on détermine des grandeurs (indices)
qui intègrent les variations de niveau sur cette durée et également le potentiel de nuisance, un bruit nocturne
étant en principe plus gênant qu’un bruit diurne. Par exemple, les Plans d’Exposition au Bruit des aéroports
(cf. infra) sont basés sur l’indice Lden depuis 2002
L’indice Lden (Level day-evening-night), recommandé pour tous les modes de transport au niveau européen
découpe la journée en trois périodes :
- la période du jour s’étend de 6 heures à 18 heures
- la période de soirée s’étend de 18 heures à 22 heures : à même niveau de bruit, la gêne y est
considérée comme trois fois supérieure à celle occasionnée dans la période 6h -18h
- la période de nuit s’étend de 22 heures à 6 heures : à même niveau de bruit, la gêne y est considérée
comme dix fois supérieure à celle occasionnée dans la période 6h -18h
Par rapport à l’ancien indice « Indice psophique ou Ip ou encore PNdB pour Perceived Noise Level»,
l’indice Lden est plus représentatif de la gêne subie par les riverains grâce aux coefficients de pondération
en période de soirée et de nuit mais est moins adapté aux mouvements des avions car il ne prend donc pas en
compte la répétition des évènements sonores, qui augmente la nuisance perçue du bruit.
A. Seuils réglementaires
La législation, notamment la Loi n° 85-696 du 11 juillet 1985 relative à l’urbanisme au voisinage des
aérodromes impose (i) une évaluation la plus rationnelle possible de la gêne créée par le bruit des avions
(ii) la traduction de cette gêne dans un Plan d’Exposition au Bruit (PEB) permettant d’imposer des règles
d’urbanisme à l’intérieur de celui-ci et (iii) la mise en œuvre d’une concertation entre les communes, les
populations et l’autorité administrative.
Les contraintes de construction et d’aménagement aux abords des plateformes aéroportuaires sont définies
dans leur Plan d’Exposition au Bruit (PEB). Le PEB définit deux zones de bruit fort : zone A limitée par
la courbe Lden 70 et zone B comprise entre la courbe Lden 70 et Lden 65 à 62 et une zone de bruit modéré
Zone C comprise entre la limite de la zone B et la courbe Lden 57 à 55. Une zone de bruit faible, zone D,
comprise entre la limite de la zone C et la courbe Lden 50 est également définie. Le Code de l’Urbanisme
stipule que
- Les constructions à usage d'habitation sont interdites dans les zones A, B et C à l'exception :
o de celles qui sont nécessaires à l'activité aéronautique ou liées à celle-ci
o dans les zones B et C et dans les secteurs déjà urbanisés situés en zone A, des logements de
fonction nécessaires aux activités industrielles ou commerciales admises dans la zone et des
constructions directement liées ou nécessaires à l'activité agricole
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o en zone C, des constructions individuelles non groupées situées dans des secteurs déjà
urbanisés et desservis par des équipements publics dès lors qu'elles n'entraînent qu'un faible
accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances.
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Dans les zones A et B, les équipements publics ou collectifs ne sont admis que lorsqu'ils sont
nécessaires à l'activité aéronautique ou indispensables aux populations existantes
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La rénovation, la réhabilitation, l'amélioration, l'extension mesurée ou la reconstruction des
constructions existantes dans les zones A, B et C peuvent être admises lorsqu'elles n'entraînent pas
un accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances
Le PEB est établi sur la base du trafic aérien à 15 ans.
La directive européenne du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement
prévoit l’établissement de cartes stratégiques de bruit pour les aérodromes dont le trafic annuel dépasse
50 000 mouvements. Le Plan de Gêne Sonore (PGS), établi par le Préfet, délimite un périmètre à l'intérieur
duquel les habitations sont éligibles à une aide financière pour l’insonorisation des logements. Le PGS
définit trois types de surfaces appelées respectivement :
- zone de gêne très forte (Zone I) : limitée par la courbe Lden 70,
- zone de gêne forte (Zone II) : limitée par les courbes Lden 70 et 65, et
- zone de gêne modérée (Zone Iii) : limitée par les courbes Lden 65 et 55
Le PEB et le PGS sont élaborés avec le même logiciel de simulation qui détermine des courbes de même
niveau de bruit. Contrairement aux PGS, les PEB n'ont pas pour objet la mise en œuvre d'un dispositif d'aide
aux riverains, mais de fixer des contraintes d’urbanisation dans les zones de bruit délimitées, de façon à
éviter que de nouvelles populations soient exposées aux nuisances.
Le PGS est établi sur la base du trafic aérien de l'année à venir.
B. Effets sur la santé
De manière générale, le bruit peut causer deux types d’effets sur la santé : effets physiologiques et effets
psychologiques.
Les effets physiologiques sont principalement :
- des effets sur l’audition : l’exposition à court terme et à long terme à des niveaux sonores élevés (90
dB(A)) provoquent des pertes d’audition
- des effets cardiovasculaires. A court terme, une exposition à un bruit intense provoque une
modification de la tension artérielle avec augmentation transitoire du rythme cardiaque. A long
terme, une association entre l’exposition au bruit et l’augmentation de certaines maladies
cardiovasculaires telles que l'angine de poitrine, l'hypertension et l'infarctus du myocarde a été
montrée par les études épidémiologiques mais les relations causales ne sont pas totalement ? établies
physiologiquement. De plus, de nombreux facteurs de confusion viennent affaiblir la validité
statistique de ces études.
- des troubles du sommeil : l’effet du bruit sur les troubles du sommeil est démontré
expérimentalement, et confirmé les études épidémiologiques, mais celles-ci montrent une amplitude
de l’effet plus faible que les études expérimentales.
Les effets psychologiques sont généralement résumés sous le terme de « gêne » et aboutissent à des
pathologies telles que le stress et l’anxiété. Là encore, l’existence de nombreux facteurs de confusion
atténue la force des associations montrées par les études épidémiologiques.
Parmi les études épidémiologiques, assez rares, portant plus spécifiquement sur l’exposition aux bruits
aériens, on peut citer deux enquêtes menées en Ile-de-France :
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l'enquête ETADAM (2000) qui a mis en évidence l'existence de liens entre l'exposition au bruit des
avions et certaines pathologies ou indicateurs de l'état de santé (manifestations d'angoisse,
consommation de médicaments à visée neuropsychique par exemple). Cette étude a aussi montré que
la relation bruit-santé pouvait être modifiée par des facteurs socioéconomiques.
l’enquête INSOMNIA (2004) a montré notamment un nombre plus important des troubles du
sommeil et, dans une moindre mesure, un accroissement du stress et de l'angoisse parmi les
populations survolées par les avions autour de Roissy-CDG.
Plus récemment en Suisse, une étude publiée en 2010 portant sur une cohorte de 4,6 millions de personnes
de plus de 30 ans, entre la fin de l’année 2000 et décembre 2005 a mis en évidence une augmentation du
risque de décès par infarctus du myocarde chez les riverains exposés au bruit des avions (d’après une
cartographie du bruit). L’augmentation du risque a été associée au bruit des avions (risque relatif de 1,3
entre des expositions moyenne > 60 dB(A) et < 45 dB(A) allant jusqu’à 1,5 pour les populations ayant résidé
plus de 15 ans dans les zones exposées. Ni la pollution de l’air (estimée par mesure de PM10), ni la proximité
des grands axes routiers, ni les facteurs socioéconomiques n’ont pu expliquer cette différence. Aucun effet
n’a été montré sur la mortalité générale, les maladies vasculaires cérébrales et le cancer du poumon.
Des études menées chez les enfants aux Etats-Unis et en Europe ont soit montré des différences non
significatives, soit montré des effets cardiovasculaire significatifs mais sans avoir ajusté par certains facteurs
de confusion pertinents (chez les scolaires : comportement de l’instituteur vis-à-vis du bruit, par exemple).
C. Apports des enquêtes d’opinion et travaux de psychosociologie
D’après le baromètre IRSN 2012, seuls 11,9 % des personnes interrogées accepteraient de vivre à proximité
d’un aéroport (contre 15,5 % qui accepteraient de vivre près d’une centrale nucléaire), cette aversion étant a
priori liée aux nuisances sonores.
L’étude sociologique menée à Champlan, près d’Orly, en 2009, montre que la présence d’un aéroport est un
facteur de sélection immédiat des habitants potentiels qui acceptent ou refusent de supporter la nuisance.
Une fois l’installation décidée, les résidents s’accommodent, voire s’habituent à cet inconvénient et
préfèrent profiter des avantages indirects (zones non constructibles boisées, prix et loyers des habitations
peu élevés, etc.), qui pèsent bien entendu également dans leur choix de résidence. Ce comportement a
également été observé dans les zones très industrialisées (voire fiche Seveso). Il faut cependant rappeler qu’à
Orly un couvre-feu total de 23H à 6H existe depuis 1968, ce qui réduit de beaucoup les nuisances sonores
aériennes nocturnes.
D. Indicateur
Le seul indicateur du bruit aérien qui semble être utilisé dans la littérature est le niveau de bruit cartographié,
notamment, en France, dans le cadre des PEB et PGS an utilisant les niveaux pondérés de type Lden. Pour
les aéroports de moyen et petit trafic, l’approche de proximité (inclusion dans un rayon de 1 km, par
exemple), semble la plus simple.
E. Indices existants
Les indices d’exposition aux bruits des grands aéroports tels que Roissy-CDG ou Orly en Ile-de-France, sont
les différentes zones de PEB et PGS (cf. chapitre A), qui sont d’ailleurs peu différentes. Il s’agit d’indices
qui peuvent évoluer avec les révisions des plans, avec de périodes plus ou moins longue par exemple, à
Roissy-CDG le dernier PGS date de 2004 et a remplacé celui de 1998, et le dernier PEB date de 2007, le
précédent remontant à 1989. Il n’existe pas toujours de tels indices pour les aéroports de moyen et faible
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trafic ou n’accueillant que de petits aéronefs (aéroclubs) qui n’ont pas de PEB, mais il arrive que des CES
(Courbes d’Environnement Sonore), issues de modélisation à partir des trajectoires des avions soient
disponibles.
F. Sensibilité à une modification de l’état de l’environnement
Du point de vue technique, la réduction des bruits aériens peut se faire par (i) la réduction du bruit des
avions, en particulier celui émis par les moteurs, point sur lequel les constructeurs continuent de faire de
gros efforts, (ii) l’application aux opérations aériennes (atterrissage, décollage et roulage) de procédures
dites «à moindre bruit» et (iii) l’optimisation de l’exploitation de l’aéroport, en particulier le couvre-feu tel
que mis en œuvre à Orly, mais pas encore à Roissy, sauf pour les avions les plus bruyants tels que l’Airbus
A320. D’un autre côté, le PEB permet déjà de limiter l’augmentation des populations dans les zones
exposées au bruit ce ces aéroports. L’évolution quantitative et spatiale des nuisances sonores devrait en
principe se répercuter sur les PEB/PGS, mais avec un certain retard.
G. Leçons tirées des travaux sur les points noirs environnementaux et recommandations
Parmi les publications sélectionnées dans le cadre de la problématique PNE, cinq études, toutes européennes
ont pris en compte l’exposition aux bruits aériens : l’étude Netherlands [F9], l’étude Berlin [F10], l’étude
Nantes [F17], l’étude Inégalités France [F19] et l’étude Inégalités Ile-de-France [F21]. Les méthodes
employées pour estimer l’exposition au bruit ont été les suivantes :
- dans l’étude Netherlands [F9], une des zones d’étude est justement la zone riveraine de l’aéroport
d’Amsterdam-Schipol : les données aéroportuaires contribuent à la cartographie du bruit toutes
sources (routier, ferroviaire, aérien) dans cette zone. La maille de cartographie du bruit aérien est de
250 x 250 m, contre 25 x 25 m pour les autres sources.
- dans l’étude Berlin [F10], les données aéroportuaires sont utilisées pour cartographier le bruit aérien,
qui est cumulé avec les bruits routier et ferroviaire pour constituer un index attribué à chaque unité
géographique, les valeurs des index étant réparties en quartiles
- dans l’étude Nantes [F17], des cartes de bruits existantes, intégrant les sources routières, ferroviaires
et aériennes sont utilisées pour attribuer une valeur à des mailles 250 x 250 m couvrant le territoire
de la métropole nantaise
- dans l’étude Inégalités France [F19] : le nombre de PEB approuvé et les mouvements d’appareils
commerciaux. Seul parmi ces 2 variables, le nombre de PEB par unité géographique (Département) a
été retenu après traitement statistique (ACP) comme variable explicative de la défaveur
environnementale.
- dans l’étude Inégalité Ile-de-France [F21] : l’exposition est estimée par l’inclusion dans le Plan de
Gêne Sonore (PGS) ou dans un périmètre de rayon 1 km autour des petits aéroports (pour lesquels il
n’y a pas de PGS).
Objectivement, la cartographie du bruit, fait à la demande d’une étude, ou dans le cadre de l’élaboration des
PEB ou PGS, est le meilleur indicateur rendant compte de l’exposition au bruit aérien. Les modes
d’expression (indices équivalents jours, Lden ou autres) et les seuils d’exposition à prendre en compte sont à
déterminer par rapport aux valeurs guides réglementaires ou aux effets escomptés. Pour les grandes
plateformes aéroportuaires, l’existence de PEB et de PGS permet de disposer d’un outil prêt à l’emploi,
même s’il faut vérifier qu’il n’est pas obsolète. En ce qui concerne les aérodromes de moyen et petit trafic,
une approche par proximité peut être développée, mais un périmètre rectangulaire de même orientation que
la piste serait a priori plus indiqué qu’un périmètre circulaire.
Bibliographie
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Code de l'urbanisme. Version consolidée du code au 1er juin 2013.
Directive 2002/30/CE du Parlement Européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et
procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté
Loi n° 85-696 du 11 juillet 1985 relative à l’urbanisme au voisinage des aérodromes

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