L`exemption du gain en capital pour résidence principale
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L`exemption du gain en capital pour résidence principale
348 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE L’exemption du gain en capital pour résidence principale Anne-Marie Boucher* ABSTRACT Financial advisers have always considered that the acquisition of a home represents the best investment for the Canadian taxpayer. There are three reasons for this: the return on investment, in the form of a shelter, is not taxable; forced savings result from monthly mortgage payments; and, most significantly, the capital gain realized upon disposition of the home is exempt from taxation by virtue of the existing tax provisions governing the capital gain exemption on principal residence. This article presents a three-part analysis of these provisions based on the applicable legislation as at December 31, 1995. In the first part of the article, the author analyzes the formula for calculating the tax-exempt portion of the capital gain realized upon disposition of the principal residence. In the next part, the author examines the definition of “principal residence,” and in the last part, she analyzes the provisions relative to the change in use of a property which affects the admissibility of the capital gain exemption on principal residence. The article does not address the questions of the transfer of a principal residence between spouses or of tax planning with respect to the transitional rules applicable to a residence held before 1982. P RÉCIS Ce n’est pas d’hier que les conseillers financiers sont d’avis que l’acquisition d’une maison constitue pour le contribuable canadien le meilleur investissement qu’il puisse effectuer. Trois raisons principales leur servent d’argument. D’abord, le rendement sur l’investissement, soit le gîte qu’il obtient et qui est non imposable. Ensuite, le paiement hypothécaire mensuel qui constitue pour le contribuable le meilleur moyen de s’obliger à épargner. Toutefois, la raison principale est probablement que le gain en capital éventuel réalisé lors de la disposition de la résidence sera exempt d’impôt en raison des règles fiscales existantes concernant l’exemption de gains en capital pour résidence principale. * L.L.B., M. fisc., Brouillette Charpentier Fournier, Montréal. L’auteure désire remercier Mme Diane Bruneau, notaire et professeure à l’Université de Montréal, pour son aide et ses conseils judicieux, ainsi que Mme Céline Frenette pour son support technique. 348 Vol. (1996),(1996), Vol. 44, No.44, 2 /No. no 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 349 Cet article constitue une analyse de ces règles selon l’état du droit en date du 31 décembre 1995. Il comporte trois volets distincts. L’auteure fait d’abord une étude de la formule de calcul de la partie du gain en capital qui est exemptée d’impôt, fait ensuite un examen de la définition de «résidence principale» et traite enfin des règles relatives au changement d’usage d’un bien qui affecte l’admissibilité à l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Ne sont pas abordées dans cet article, les questions du transfert de la résidence principale entre conjoints et les planifications relatives aux règles transitoires visant les résidences détenues avant 1982. INTRODUCTION Pour plusieurs contribuables, les règles d’imposition de la résidence principale d’un contribuable canadien semblent relativement simples. Le gain en capital réalisé est exempté d’impôt et la perte en capital n’est pas déductible. Néanmoins, une analyse des règles sur le traitement fiscal applicable à la résidence principale révèle un niveau surprenant de complexité et l’importance d’une bonne planification. La définition de résidence principale qui se trouve à l’article 54 de la Loi de l’impôt sur le revenu compte à elle seule quelque 600 mots. Cet article fait un examen des règles touchant l’imposition et l’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale par un contribuable canadien. Il ne vise pas à faire un exposé descriptif du fonctionnement des règles1 mais à en approfondir le contenu en apportant des précisions à certaines questions soulevées par leur application à la lumière des diverses interprétations données par les tribunaux et de la position du ministère du Revenu. L’auteure tente d’apporter des éléments de solution. Vient d’abord une étude de la disposition particulière de la Loi qui contient la formule de calcul de la partie du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale qui est exemptée d’impôt. D’après l’application de cette formule, certains éléments de planification sont suggérés. L’article fait ensuite l’examen de la définition de «résidence principale», plus particulièrement des différents critères sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de la résidence. Des précisions à l’égard de chacun de ces critères sont apportées. Enfin, l’article traite des règles relatives au changement d’usage d’un bien qui affecte l’admissibilité à l’exemption de gains en capital sur la résidence principale et des quelques problèmes qui se dégagent de l’application des règles. 1 Pour une analyse descriptive du fonctionnement de l’ensemble des règles d’imposition de la résidence principale au Canada, voir l’ouvrage de Howard S. Simmons, The Family Home and Income Tax (Toronto : Carswell, 1986). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 350 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE L’auteure n’aborde pas les questions du transfert de la résidence principale entre conjoints et des planifications relatives aux règles transitoires applicables lorsqu’une résidence était détenue par un contribuable avant 1982, alors qu’il était possible pour une même famille de désigner plus d’une résidence principale2. Par ailleurs, comme les règles d’imposition de la résidence principale contenues à la Loi sur les impôts du Québec3 sont similaires, aucune référence particulière n’est faite aux dispositions de cette loi. DÉTERMINATION DU GAIN EN CAPITAL La disposition d’une résidence par un contribuable canadien dans une année d’imposition est assujettie aux règles relatives à la détermination des gains en capital imposables et des pertes en capital déductibles, telles que contenues à la sous-section c) de la Loi de l’impôt sur le revenu4. Le gain en capital réalisé lors d’une telle disposition est d’abord calculé selon la formule contenue au paragraphe 40(1) LIR. Le montant ou une partie du montant du gain ainsi calculé pourra ensuite faire l’objet d’une exemption si la résidence est admissible à titre de «résidence principale» et fait l’objet d’une désignation pour les années d’imposition pertinentes. Calcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôt La partie du gain en capital exemptée d’impôt est déterminée selon les modalités de l’alinéa 40(2)b) et de l’article 465 LIR. Selon l’alinéa 40(2)b), la partie du gain en capital qui est exemptée d’impôt est obtenue en multipliant le gain autrement déterminé par la fraction suivante : le nombre un plus le nombre d’années d’imposition qui se terminent après la date d’acquisition pour lesquelles le bien était la résidence principale du contribuable et au cours desquelles celui-ci résidait au Canada, 2 Certains auteurs ont déjà analysé en détail ces questions, plus particulièrement Barbara A.F. Suzuki, «Tax Considerations in Negotiating Matrimonial Property Agreements», dans Report of Proceedings of the Thirty-Sixth Tax Conference, 1984 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1985), 1096-1125; Robert E. Beam et Stanley N. Laiken, «The Principal Residence Designation Decision: The New Complexity» (1984), vol. 32, n o 3 Revue fiscale canadienne 572-94. 3 LRQ, c. I-3, telle que modifiée. 4 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c. 1 (5 e suppl.), telle que modifiée (ci-après la «Loi» ou «LIR»). 5 À titre de «bien à usage personnel», la résidence du contribuable est soumise aux règles contenues à cet article. La définition de «bien à usage personnel» à l’article 54 LIR comprend tous les biens affectés principalement à l’usage ou à l’agrément personnel du contribuable ou d’une personne qui lui est liée. Voir le Bulletin d’interprétation IT-332R, «Biens à usage personnel», le 28 novembre 1984. Par conséquent, la perte réalisée lors de la disposition d’une résidence principale est réputée nulle en vertu du sous-alinéa 40(2)g)(iii) LIR. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 351 sur le nombre d’années d’imposition se terminant après la date d’acquisition au cours desquelles le contribuable était propriétaire du bien conjointement avec une autre personne ou autrement. Aussi, de façon plus globale, selon l’alinéa 40(2)b), le gain que le contribuable a tiré de la disposition d’un bien qui était sa résidence principale correspond • au gain en capital autrement déterminé selon le paragraphe 40(1) LIR; • moins la partie exemptée du gain en capital calculée à l’aide de la formule déjà décrite; • moins le montant de l’ajustement calculé à cet alinéa pour tenir compte du choix que le contribuable peut avoir effectué en vertu du paragraphe 110.6(19) LIR à l’égard de la réalisation du gain en capital accru au 22 février 1994 pour lequel il désirait bénéficier de l’exemption de gain en capital personnelle de 100 000 $ alors éliminée. Aux fins de cet article, l’intérêt porte sur le calcul de la partie exemptée du gain en capital calculé par ailleurs, soit le deuxième point, qui constitue un calcul distinct du calcul de l’ajustement décrit au troisième point. Le lecteur peut constater que le gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence n’est pas automatiquement exempt d’impôt. Seule la partie exemptée du gain, calculée selon les modalités décrites, n’aura pas à être incluse dans le revenu du contribuable. La date d’acquisition dont il est fait référence à l’alinéa 40(2)b) est définie comme étant la dernière des dates suivantes : le 31 décembre 1971 ou la date à laquelle le contribuable a acquis la résidence pour la dernière fois ou l’a acquise de nouveau. Ainsi, lors d’une disposition présumée de la résidence, par exemple dans le cas d’un changement d’usage suivant les règles énoncées à l’article 45 LIR, seules les années depuis la plus récente acquisition seront prises en considération dans le calcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôt. Utilisation des expressions «pour lesquelles» et «au cours desquelles» Les expressions «pour lesquelles» («pendant lesquelles» dans la version antérieure aux modifications de forme qui ont été apportées à la Loi) et «au cours desquelles» utilisées au numérateur et au dénominateur de la fraction qui sert au calcul de la partie du gain en capital exempte d’impôt doivent être interprétées comme se rapportant «‹à n’importe quel moment de› plutôt que ‹pendant la totalité de› l’année d’imposition»6. Donc, lorsqu’une résidence est par ailleurs admissible à 6 Bulletin d’interprétation IT-120R4, «Résidence principale», le 26 mars 1993, numéro 13. Au Québec, les bulletins d’interprétation correspondants qui traitent de la (page suivante s.v.p.) (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 352 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE titre de résidence principale pour toute partie d’une année d’imposition, elle est admissible aux fins de la désignation à titre de résidence principale, pour toute l’année d’imposition. Une planification simple consisterait à reporter le moment de la disposition d’une résidence principale, autrement prévue pour la fin d’une année d’imposition, au début de l’année d’imposition subséquente afin d’augmenter la fraction. L’utilisation de cette planification suppose que la résidence faisant l’objet d’une disposition ne peut bénéficier d’une exemption totale puisqu’elle n’est pas admissible à titre de résidence principale pour deux ou plusieurs années d’imposition. Exemple : en 1987, un contribuable acquiert une résidence au coût de 60 000 $. Il l’habite normalement durant les années 1989 à 1993 et en dispose en 1993 pour un montant de 160 000 $. Comme la résidence n’a pas été normalement habitée par le contribuable au cours des années 1987 et 1988, elle ne peut être désignée comme résidence principale que pour les années 1989 à 1993. Le calcul de la partie du gain en capital autrement déterminé qui peut faire l’objet d’une exemption en vertu de l’alinéa 40(2)b) LIR s’effectue comme suit : 100 000 $* × 1 + 5(1989 à 1993) = 85 714 $** 7(1987 à 1993) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital Si la disposition de la résidence du contribuable était prévue pour décembre 1993 et que les contraintes de négociation, financières ou autres, ne constituaient pas un obstacle au report de la date de disposition, la date de clôture de la transaction aurait pu être reportée au début de l’année 1994. La fraction aurait été augmentée par l’ajout d’une année au numérateur et au dénominateur de la formule ayant pour effet d’accroître la partie exempte du gain en capital : 100 000 $* × 1 + 6(1989 à 1994) = 87 500 $** 8(1987 à 1994) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital Ajout d’une année au numérateur de la fraction L’ajout d’une année au numérateur de la fraction est prévu afin de permettre à un contribuable qui, au cours d’une même année d’imposition, aurait disposé d’une première résidence principale et fait l’acquisition d’une seconde résidence en remplacement de la première, de bénéficier de l’exemption pour l’année en question à l’égard des deux (… suite) résidence principale sont : IMP. 274-1, «Qualification d’un bien à titre de résidence principale», le 31 mars 1993, et IMP. 277-1/R1, «Résidence principale et terrain contigu», le 24 octobre 1986. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 353 résidences. Autrement, étant donné que la Loi ne permet de désigner qu’une seule résidence par année d’imposition du contribuable, l’une des résidences ne pourrait faire l’objet d’une exemption complète7. Exemple : en 1983, un contribuable achète une résidence au coût de 50 000 $. Il occupe la résidence jusqu’en 1988, année où il en dispose pour un montant de 85 000 $. En 1988, il acquiert une seconde résidence au coût de 100 000 $ qu’il habite normalement jusqu’en février 1994, année où il en dispose pour un montant de 150 000 $. Pour l’année d’imposition 1988, une seule des deux résidences peut être désignée comme résidence principale. Hypothèse 1 — Le contribuable choisit de désigner sa première résidence comme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formule n’est pas ajouté au numérateur. • Première résidence : 35 000 $* × 6(1983 à 1988) = 35 000 $** 6(1983 à 1988) • Seconde résidence : 50 000 $* × 6(1989 à 1994) = 42 857 $** 7(1988 à 1994) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital Hypothèse 2 — Le contribuable choisit de désigner sa seconde résidence comme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formule n’est pas ajouté au numérateur. • Première résidence : 35 000 $* × 5(1983 à 1987) = 29 166 $** 6(1983 à 1988) • Seconde résidence : 50 000 $* × 7(1988 à 1994) = 50 000 $** 7(1988 à 1994) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital L’ajout d’une année au numérateur de la formule prévu à l’élément B de la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR aurait permis l’exemption de la totalité du gain réalisé lors de la disposition de la seconde résidence dans l’hypothèse 1 et de la totalité du gain réalisé lors de la disposition de la première résidence dans l’hypothèse 2. La formule de l’alinéa 40(2)b) sert à déterminer la partie du gain en capital exempte d’impôt de toutes les résidences d’un contribuable qui 7 Le ministère du Revenu national (ci-après le «Ministère») reconnaît cet état de fait au numéro 15 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 : Bien qu’un seul bien puisse être désigné en vertu de l’alinéa 54g) comme résidence principale du contribuable pour une année d’imposition donnée, la formule prévue à l’alinéa 40(2)b) reconnaît que le contribuable peut, de fait, avoir deux résidences la même année. Cela se produit, par exemple, lorsqu’une résidence est vendue et qu’une autre est acquise la même année. Le «un +» dans la formule ci-dessus a pour effet de traiter les deux biens comme une résidence principale cette année-là, même si un seul d’entre eux peut avoir été désigné comme tel cette année-là. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 354 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE sont admissibles à titre de résidences principales. Comme la définition de «résidence principale» ne permet de désigner qu’une seule résidence principale par année d’imposition, il peut s’avérer avantageux pour un contribuable qui détient plus d’une résidence au cours des mêmes années d’imposition, de désigner une seconde résidence pour au moins une année d’imposition afin de tirer profit de l’ajout d’une année au numérateur de la formule. L’exemple simplifié qui suit illustre le bénéfice que peut tirer un contribuable d’une telle planification : En 1989, le contribuable fait l’acquisition d’une maison de ville et d’une maison de campagne au coût de 75 000 $ et 45 000 $ respectivement. Il dispose de la maison de campagne en 1992 pour un montant de 60 000 $, de la maison de ville en 1993 pour 100 000 $ et choisit de désigner la maison de ville comme résidence principale pour quatre des cinq années durant lesquelles il y a habité, soit les années 1990 à 1993. La maison de campagne est désignée comme résidence principale pour au moins une année d’imposition durant laquelle il détenait plus d’une résidence, soit pour l’année 1989. La partie exempte du gain en capital réalisé lors de la disposition de chacune des résidences principale et secondaire sera déterminée comme suit : • Maison de ville : 25 000 $* × • Maison de campagne : 15 000 $* × 1 + 4(1990 à 1993) = 25 000 $** 5(1989 à 1993) 1 + 1(1989) = 7 500 $** 4(1989 à 1992) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital Cette planification relativement simple permet de réduire de moitié la partie taxable du gain en capital réalisé lors de la disposition de la maison de campagne, tout en conservant la totalité de l’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition de la maison de ville. Dans cet exemple, il est présumé que toutes les autres conditions relatives à la désignation d’une résidence à titre de résidence principale sont respectées. Règle générale, il est plus avantageux de désigner la résidence dont le gain en capital moyen accru par année est le plus élevé pour un nombre d’années suffisant à une exemption totale. Effet de l’application de la formule L’application de la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR établit le gain en capital autrement déterminé au prorata du au nombre d’années de détention de la résidence par le contribuable. Il est donc pris pour acquis que la valeur de la résidence s’accroît de façon régulière et égale durant toute la période de détention8. Cette méthode de calcul semble arbitraire en ce sens qu’il n’est aucunement tenu compte des réalités 8 Cette méthode est utilisée possiblement dans le but de simplifier le calcul de l’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale. Voir Robitaille c. MRN, 89 DTC 599 (CCI). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 355 économique et financière du marché immobilier canadien. Elle peut être avantageuse pour un contribuable qui a bénéficié de l’accroissement de la valeur de sa résidence principalement durant les années de détention au cours desquelles elle n’était pas admissible à titre de résidence principale. Par contre, si la plus-value de la résidence du contribuable s’est accumulée principalement durant les années où elle était admissible à titre de résidence principale, le contribuable est pénalisé par l’application de cette formule. L’exemple qui suit illustre cette situation de fait : En 1985, le contribuable fait l’acquisition d’une résidence pour un montant de 50 000 $. Il habite normalement cette résidence et la désigne comme résidence principale de 1985 à 1989. En novembre 1989, il fait l’acquisition d’une résidence plus luxueuse qu’il commence à habiter en janvier 1990. Il dispose finalement de sa première résidence en 1991 pour un produit de disposition de 125 000 $. Étant donné que le marché immobilier était en pleine effervescence durant les années 1985 à 1989, la valeur de la résidence du contribuable s’est vite accrue au cours de ces années. Elle s’est ensuite maintenue à ce niveau pour les deux années qui ont suivi, dû en partie à la récession économique. Le calcul de la partie exemptée du gain en capital s’effectue comme suit : 75 000 $* × 1 + 5(1985 à 1989) = 64 285 $** 7(1985 à 1991) * gain en capital autrement déterminé ** partie exemptée du gain en capital Une partie du gain en capital réalisé lors de la disposition de la résidence se trouve inévitablement imposée, malgré le fait que la totalité de la plus-value correspond à la période durant laquelle la résidence était admissible et désignée comme résidence principale. Dans les circonstances, une formule plus équitable consisterait à ne tenir compte, dans le calcul de l’exemption, que de l’accroissement du gain en capital correspondant à la période au cours de laquelle la résidence est désignée comme résidence principale. Cette façon de procéder nécessiterait toutefois que la juste valeur marchande de la résidence soit établie aux différents moments pertinents, à l’image de la méthode alternative du paragraphe 40(6) LIR à l’égard de la disposition d’une résidence principale qui appartenait au contribuable avant 1982. DÉFINITION DE RÉSIDENCE PRINCIPALE Généralités L’alinéa 40(2)b) LIR permet d’exempter une partie ou la totalité du gain en capital réalisé lors de la disposition par un contribuable de sa résidence principale dans la mesure où elle est admissible à ce titre. La résidence d’un contribuable n’est pas automatiquement admissible à titre de «résidence principale» au sens de la Loi. Un certain nombre de conditions sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de la (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 356 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE résidence doivent être respectées pour chacune des années d’imposition durant lesquelles le contribuable désire la faire reconnaître comme telle. Ces conditions sont énoncées dans la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR : S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition, bien — logement, ou droit de tenure à bail y afférent, ou part du capital social d’une société coopérative d’habitation acquise dans l’unique but d’acquérir le droit d’habiter un logement dont la coopérative est propriétaire — dont le contribuable est propriétaire au cours de l’année conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que : a) le contribuable étant un particulier autre qu’une fiducie personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année par le contribuable, par son conjoint ou ancien conjoint ou par un enfant du contribuable; a.1) le contribuable étant une fiducie personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année civile se terminant pendant l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par le conjoint ou l’ancien conjoint de ce bénéficiaire ou par un enfant de celui-ci; b) le contribuable, étant une fiducie personnelle ou un particulier autre qu’une fiducie, ait fait soit le choix prévu au paragraphe 45(2) concernant le changement d’utilisation du bien au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure (sauf un choix sur lequel le contribuable est revenu en vertu du paragraphe 45(2) dans sa déclaration de revenu pour l’une de ces années), soit le choix prévu au paragraphe 45(3) concernant le changement d’utilisation du bien au cours d’une année d’imposition ultérieure. Toutefois, sous réserve de l’article 54.1, le bien ne peut en aucun cas être considéré comme la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition : c) à moins que le contribuable étant un particulier autre qu’une fiducie personnelle, ne l’ait désigné comme étant sa résidence principale pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires et qu’aucun autre bien n’ait été désigné, pour l’application de la présente définition, pour l’année par le contribuable, par une personne qui a été son conjoint tout au long de l’année (sauf une personne qui, tout au long de l’année, a vécu séparée du contribuable en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation), par un enfant du contribuable (sauf un enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de l’année) ou, dans le cas où le contribuable n’était pas marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de l’année, par une des personnes suivantes : (i) la mère ou le père du contribuable, (ii) le frère ou la soeur du contribuable qui n’étaient pas mariés ou âgés de 18 ans ou plus au cours de l’année; c.1) à moins que, le contribuable étant une fiducie personnelle, les conditions suivantes soient réunies : (i) la fiducie a désigné le bien, en la forme et selon les modalités réglementaires, comme étant la résidence principale du contribuable pour l’année, (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 357 (ii) la désignation comporte le nom de chaque particulier (appelé «bénéficiaire déterminé» à la présente définition) qui, au cours de l’année civile se terminant pendant l’année : ( A ) d’une part, a un droit de bénéficiaire dans la fiducie, ( B ) d’autre part, sauf dans le cas où la fiducie n’a le droit de désigner le bien pour l’année que par l’effet de l’alinéa b), habitait normalement le logement ou a un conjoint, un ancien conjoint ou un enfant qui l’habitait normalement, (iii) nulle société de personnes ou société, sauf un organisme de bienfaisance enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la fiducie au cours de l’année, (iv) aucun autre bien n’a été désigné, pour l’application de la présente définition, pour l’année civile se terminant au cours de l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par une personne qui a été le conjoint du bénéficiaire tout au long de cette année civile (sauf une personne qui, tout au long de cette année civile, a vécu séparée du bénéficiaire en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation), par un enfant du bénéficiaire (sauf un enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile) ou, dans le cas où le bénéficiaire n’était pas marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile, par une des personnes suivantes : ( A ) la mère ou le père du bénéficiaire, ( B ) le frère ou la soeur du bénéficiaire qui n’étaient pas mariés ou âgés de 18 ans ou plus au cours de cette année civile; d) par effet de l’alinéa b), dans le cas où, par le seul effet de cet alinéa, le bien aurait été, sans le présent alinéa, la résidence principale du contribuable durant au moins quatre années d’imposition antérieures. En outre, pour l’application de la présente définition : e) la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition est réputée comprendre (sauf si le bien est une part du capital social d’une société coopérative d’habitation) le fonds de terre sous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fonds de terre sous-jacent et de cette partie excède un demi-hectare, l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage; f ) le bien qu’une fiducie désigne pour une année en application de l’alinéa c.1) est réputé être un bien désigné pour l’application de la présente définition par chaque bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année civile se terminant pendant l’année. Nature de la résidence Essentiellement, la résidence principale du contribuable doit être un logement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action du capital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporation. La résidence principale est également réputée comprendre le fonds de terre sous-jacent, ainsi que le fonds de terre adjacent à un tel logement. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 358 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE Quel type d’habitation est admissible à titre de logement ? Comme le terme «logement» n’est pas défini dans la Loi, il devient pertinent de tenter d’en définir les paramètres. Les tribunaux ont apporté très peu de précisions sur la question. Néanmoins, il n’est pas imprudent de soutenir, à la lumière de la décision Flanagan9, qu’un logement s’entend de tout type de construction ou d’installation offrant au contribuable abri et confort, incluant une roulotte ou une caravane. Par ailleurs, l’absence de services publics — aqueduc, égout, électricité — ainsi que la nature mobile de pareille roulotte ou caravane ne doivent pas empêcher de les qualifier de «logement». Dans Flanagan, les faits pertinents peuvent se résumer ainsi : en 1973, M. Flanagan avait fait l’acquisition d’un terrain vacant en bordure d’un lac. Un permis de construction n’ayant pu être obtenu des autorités municipales, il achète une caravane et une roulotte qu’il installe sur le terrain lors de ses visites durant les fins de semaines et les vacances, sans services publics pour les desservir. Dans son jugement, le juge Rip conclut comme suit : A “housing unit” need not be a building. A house provides shelter to people who reside in it, and a building is not the sole means of shelter. A van and trailer, suitably equipped, are capable of providing the same type of shelter and comfort as a traditional house. Today one finds more than a few people residing in vans and trailers while some trailers, like the caravan in Makins v. Elson, op cit, may rest on bricks and be supplied with services. Others may be mobile, taking advantage of the very nature of the beast for travel. In either event the van or trailer easily may serve as a housing unit: it is a question of fact whether the van or trailer at any time is a housing unit. I do not find the lack of services to the appellant’s van and trailer fatal to his appeal. Cette interprétation relativement large de ce que constitue un logement semble correspondre à la position administrative du Ministère exposée au numéro 8 du Bulletin d’interprétation IT -120R 4 : Le terme «logement» comprend une maison, un appartement dans un duplex, dans un immeuble d’habitation ou dans un immeuble en copropriété, un chalet, une maison mobile, une roulotte ou une maison flottante. Il n’est toutefois pas certain que la position du Ministère prévoyait des circonstances comme celles qui ont entouré la disposition de la résidence de M. Flanagan. En effet, il semble que seul le terrain ait fait l’objet d’une disposition et que le contribuable ait conservé la roulotte et la caravane qui n’étaient installées sur le terrain que lors de ses visites durant les fins de semaines et les vacances. Bien qu’il soit possible qu’une roulotte ou une caravane — qu’elle bénéficie ou non des services publics — soit considérée comme un «logement» au sens de la Loi, il paraît difficilement concevable, contrairement à l’opinion du juge Rip, que la nature mobile d’une telle installation n’ait aucune 9 Flanagan c. MRN, 89 DTC 615 (CCI). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 359 influence sur les conclusions en l’espèce. L’auteure est d’opinion que toute structure qualifiée de résidence principale devrait avoir un caractère permanent10. Il serait donc nécessaire qu’une roulotte ou une caravane soit installée à demeure, soit de façon permanente sur le terrain. Il y a aussi le fait que la mobilité d’une roulotte ou d’une caravane rend difficile l’identification du fonds de terre sous-jacent à ces installations 11. Les tribunaux auront sans doute l’occasion de se prononcer à nouveau sur cette question afin d’établir des paramètres plus précis. Le terme «logement» peut-il inclure plus d’une installation ? Sans le définir, la Loi utilise le terme «logement» — housing unit dans la version anglaise — pour désigner le type de structure susceptible d’être admissible à titre de résidence principale. Terme à sens plutôt large, «logement» pourrait inclure plus d’une installation. Par exemple, un bungalow, situé sur le terrain où se trouve la résidence habitée par le contribuable et servant à loger les domestiques, le concierge et le jardinier, des employés qui entretiennent la résidence et le terrain du contribuable, pourrait-il faire partie du logement du contribuable ? Dans son Bulletin d’interprétation IT -120R4, le Ministère n’énonce pas de position sur la question et, à la connaissance de l’auteure, elle n’a fait l’objet d’aucune analyse par les tribunaux canadiens. Deux décisions des tribunaux anglais12 pourraient toutefois aider à répondre à cette question. En Grande-Bretagne, comme au Canada, le contribuable bénéficie d’une exemption de gain en capital à la disposition d’un dwelling-house et du fonds de terre sous-jacent et adjacent ne dépassant pas 1 ⁄ 2 hectare qui entoure le logement et qui sert à la jouissance de la résidence. Pour la partie du fonds de terre qui excède the permitted 10 Cette opinion semble être partagée par Robert C. Strother, «Income Tax Implications of Personal-Use Real Estate», dans Income Tax Aspects of Real Estate Transactions, 1983 Corporate Management Tax Conference (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1983), 59-90, à la p. 60 : «Presumably, any structure of reasonably permanent character suitable for human habitation will qualify». (soulignement ajouté) 11 Windrim c. La Reine, 91 DTC 5221, à la p. 5227 (CF 1 re inst.) : «In the present case there is a further complication. Where the taxpayer’s/homeowner’s housing unit is a mobile home which is capable of going whither [sic] he or she goes, how can one readily identify any “land subjacent to [that] housing unit and such portion of any immediately contiguous land as may reasonably be regarded as contributing to the taxpayer’s use and enjoyment of [that] housing unit”?» 12 Markey (HMIT) v. Sanders, [1987] BTC 176 (Ch. D.); Batey (HMIT) v. Wakefield (1981), 55 TC 550 (CA). Pour un commentaire sur ces deux arrêts, voir D.H. Moore, «Current Cases» (1987) vol. 35 n o 3 Revue fiscale canadienne 702-5. Sans avoir procédé à une analyse de la question mais, en se fondant sur la décision Batey, la Cour provinciale, a accepté d’inclure la résidence des domestiques comme résidence principale bien qu’elle semblait être située sur une partie plus éloignée du terrain : voir Yuile c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1988] RDFQ 202 (CP Mtl.). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 360 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE area, c’est-à-dire 1 ⁄ 2 hectare, il appartient aux Commissioners de déterminer s’il est nécessaire à la jouissance du dwelling-house comme résidence. C’est l’expression dwelling-house qui a été interprétée par les tribunaux anglais, plus particulièrement pour déterminer si ce terme peut comprendre plus d’une structure. Dans l’affaire Markey v. Sanders, le contribuable avait disposé de sa maison de campagne située sur un vaste fonds de terre incluant un bungalow situé à l’entrée de la propriété, habité par les domestiques et le jardinier. Il avait été nécessaire de construire ce bungalow puisqu’il était très difficile d’obtenir l’aide d’employés sans leur offrir de logement. La résidence du contribuable, pour sa part, se trouvait à 130 mètres de l’entrée de la propriété. Le contribuable a réclamé l’exemption de gain en capital sur la totalité du gain réalisé lors de la transaction, sur la base que le bungalow faisait partie de son dwelling-house. En commentant la décision de la Cour d’appel dans Batey v. Wakefield, le tribunal conclut qu’il était impossible, dans les circonstances, de considérer la résidence du contribuable et le bungalow des employés comme une seule résidence. Dans Batey v. Wakefield, les faits étaient similaires, sauf que la résidence du contribuable et le bungalow des employés étaient situés sur un fonds de terre considérablement plus petit et que la distance qui les séparaient n’était pas plus large qu’un court de tennis. La Cour d’appel conclut que le bungalow pouvait raisonnablement être considéré faire partie du logement du contribuable. L’expression dwelling-house pourrait donc inclure le logement d’une autre personne si la structure est suffisamment rapprochée de la résidence du contribuable et que le logement sert au personnel d’entretien de la résidence du contribuable. Dans Markey c. Sanders, les Commissioners étaient d’avis qu’il fallait plutôt déterminer si l’ensemble des structures, prises comme un tout, pouvait être considéré comme un seul dwelling-house. À cet égard, ils ont considéré que le test développé par la Cour d’appel était trop imprécis puisque «the concept of “very closely adjacent” does not of itself indicate that the scale of the buildings must be taken into consideration» 13. Si un parallèle peut être établi entre l’expression «logement» utilisée dans la Loi et l’expression anglaise «dwelling-house», les décisions anglaises pourraient servir à interpréter l’étendue du terme «logement». Ces deux causes appuient la conclusion que le logement d’un contribuable peut inclure plus d’une structure si, examinées dans leur ensemble, les différentes structures peuvent être considérées comme une résidence unique. Il s’agira d’une question de faits laissée à l’appréciation des tribunaux. 13 Markey, supra, note 12, aux pp. 184-85. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 361 Constructions contenant plus d’une unité d’habitation Un dernier point mérite d’être souligné à l’égard du logement lui-même. Certaines constructions sont initialement érigées pour contenir deux ou plusieurs unités d’habitation facilement identifiables, tel un duplex, un triplex ou un immeuble à appartements. Il est alors facile de distinguer l’unité qui constitue la résidence principale du propriétaire des autres unités, qui sont le plus souvent louées. Il arrive parfois qu’une construction, dans laquelle se trouve la résidence du propriétaire et dont une partie est par ailleurs louée, ne soit pas divisée de façon aussi manifeste. L’affaire Saccomanno14 offre une illustration de cette question. Le juge Taylor avait à examiner la situation de faits suivante : le contribuable avait fait l’achat d’une maison en 1979 avec l’intention d’en faire sa résidence. À l’origine, cette maison avait été construite dans le but d’en faire une seule maison d’habitation mais avait par la suite été divisée de façon simple et non permanente afin d’abriter trois familles. Il était de l’intention du contribuable d’éliminer les divisions et d’habiter la superficie totale de la maison. Toutefois, ayant accepté un emploi à l’extérieur de la ville, le contribuable dut vendre la maison qui avait entre-temps été habitée en partie par son épouse et louée pour l’autre partie. Après avoir examiné les circonstances particulières entourant la situation du contribuable, le juge Taylor conclut comme suit : Clearly a taxpayer could acquire a property—primarily as a rental property—and use a portion thereof for a personal residence. That is the view taken by the Minister in this assessment. But I can think of no valid objection to a taxpayer doing exactly the opposite—buying a property for his own use, as a principal residence, and renting out a part of it. […] The essence of the Minister’s assessment must be that he is considering the property as containing three separate “housing units” (paragraph 54(g) of the Act). This is as if this taxpayer had purchased a block of three “townhouses,” which happened to have certain common physical elements, such as walls, but were nevertheless distinctly separate—and then rented two, and lived in one. I do not think that is a reasonable interpretation of the circumstances of this matter. […] As I perceive this situation, the entire house was a “housing unit,” not three separate “housing units.” 15 La Cour fédérale eut à son tour l’occasion d’examiner une question similaire dans l’affaire Mitosinka 16. Les faits pertinents sur lesquels la Cour a basé sa décision peuvent se résumer comme suit : en 1957, le contribuable a fait l’acquisition d’un terrain vacant sur lequel il a érigé sa future résidence. L’immeuble a été construit de façon à comporter deux parties séparées par une cloison vitrée et un petit coin où se 14 Saccomanno c. MRN, 86 DTC 1699 (CCI). Ibid., à la p. 1701. 16 La Reine c. Mitosinka, 78 DTC 6432 (CF 1 re inst.) accueillant l’appel de la Commission de révision de l’impôt : Mitosinka c. MRN, 77 DTC 13 (CRI). 15 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 362 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE trouvait un téléphone commun. Le sous-sol était aménagé de façon à desservir les deux parties de la maison. Les services publics, à l’exception d’un, étaient installés indépendamment pour chacune des parties de l’immeuble, et chaque partie possédait son propre numéro civique. Durant les premières années, les parents du contribuable ont occupé l’une des parties de la maison qui a ensuite été louée à différents locataires. Dans son avis de cotisation, le Ministre a considéré que la moitié du gain en capital seulement pouvait faire l’objet d’une exemption pour résidence principale. Dans son jugement, le juge Collier conclut ainsi : While the building was not quite a duplex in its construction, it served, to my mind, the same practical function. It could, and did, house separate families, who had separate facilities, and paid for separate services17. Ces décisions indiquent clairement que les faits particuliers, propres à chaque cas, servent à déterminer si un immeuble contient une ou plusieurs unités d’habitation distinctes. L’auteure peut toutefois identifier quelques circonstances qui auront des conséquences, à savoir l’intention du contribuable, la vocation de l’immeuble lors de sa construction, ainsi que la nature permanente ou non, irrémédiable ou non, des divisions de l’immeuble. Afin que l’immeuble soit considéré comme maison d’habitation unique constituant la résidence principale du contribuable, il ne doit pas l’avoir acquis avec l’intention d’en tirer un revenu, même si une partie de l’immeuble est louée. Il doit l’avoir acquis dans le but unique d’en faire sa résidence principale. Quant à la vocation de l’immeuble, un bungalow serait, par définition, davantage perçu comme unité d’habitation unique, même s’il avait ultérieurement subi certaines modifications non permanentes, par opposition à un immeuble dont la construction initiale prévoyait deux ou plusieurs unités d’habitation distinctes. En outre, le fait que chacune des parties de l’immeuble soit desservie de façon indépendante par les divers services publics, ainsi que l’existence de numéros civiques distincts, peuvent révéler la présence d’unités d’habitation distinctes. Qu’est-ce qu’un fonds de terre «adjacent» ? Aux termes de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR, la résidence est réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent au logement, ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence». Il est à noter que la définition de «résidence principale» a été modifiée pour les dispositions effectuées après 1990, notamment en ce qui concerne le passage pertinent qui traite de l’admissibilité du fonds de terre. Dans la version antérieure de la définition, la résidence du 17 Mitosinka (CF 1 re inst.), supra, note 15, à la p. 6435. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 363 contribuable était réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent au logement et la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant au contribuable l’usage et la jouissance du logement comme résidence». La référence au contribuable et à la jouissance ne se retrouve pas dans la présente version de la définition. Tous les termes qui portaient à une interprétation «plus subjective» ont été supprimés de ce passage, c’est-à-dire l’évaluation de «la jouissance» du fonds de terre en rapport avec «le contribuable» lui-même. Cette modification est donc venue entériner le courant jurisprudentiel qui veut que cette partie de la définition de «résidence principale» soit interprétée «objectivement», comme il sera démontré plus loin. Neanmoins, comme la jurisprudence étudiée dans cet article interprète la définition de «résidence principale» dans sa version antérieure, l’auteure fait référence aux expressions «usage et jouissance». Une première remarque quant au fonds de terre concerne la distinction qui doit être faite entre le fonds de terre sous-jacent et le fonds de terre adjacent à la résidence. Sous-jacent signifie le fonds de terre situé directement sous le logement; adjacent signifie le fonds de terre qui vient directement toucher le fonds de terre sur lequel repose le logement du contribuable. Cette distinction n’est pas toujours présente à l’esprit de certains juges18. Avant d’être en mesure d’évaluer la contribution apportée par un fonds de terre particulier à l’usage et à la jouissance du logement d’un contribuable, il faut être certain, aux fins de la qualification de résidence principale, qu’il s’agit d’un fonds de terre «adjacent». Cette question a été abordée par les tribunaux au cours des dernières années et il semble que pour être qualifiés d’«adjacents», deux fonds de terre doivent être en contact physique direct. Cet énoncé est appuyé d’une part, par la définition même du terme «adjacent» qui signifie deux choses qui se touchent19 et d’autre part, par l’interprétation que fait le juge Rip de cette expression dans la décision Flanagan : Prior to 1983 the land comprising this property was not contiguous to the land comprising the first property which was subjacent to the housing unit. The two properties were separated by a roadway and were not touching. 18 Dans l’affaire Lewis Estate et al. c. MRN, 89 DTC 316, à la p. 322 (CCI) (en appel), le juge Rip confond le fonds de terre sous-jacent et le fonds de terre adjacent : Paragraph 54(g)(v) provides that a principal residence includes the land not exceeding one acre that is subjacent to the housing unit. […] It is therefore appropriate for a taxpayer to designate any one acre of land subjacent to the housing unit to be part of his principal residence. (soulignement ajouté) Il est question du sous-alinéa 54(g)v) tel qu’il se lisait et qu’il était applicable aux dispositions survenues avant 1982 comme dans l’affaire Lewis Estate. En effet, l’expression «un acre» contenu à cette disposition de la Loi a été remplacé par «un demi-hectare» pour les dispositions survenant après 1981. Cette conversion au système métrique a été légèrement à l’avantage du contribuable étant donné qu’un demi-hectare représente une surface plus grande qu’un acre ( 1 ⁄ 2 hectare = 1,235 acre). 19 Le petit Larousse illustré (Paris : Librairie Larousse, 1987), 15. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 364 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE Underground piping under the road connecting the two properties does not make the properties contiguous20. (soulignement ajouté) Dans ce dernier cas, il est clair que le juge fait référence à un contact physique. Ainsi, deux fonds de terre séparés par un élément naturel, telle une petite rivière, ou par un élément artificiel, comme en l’espèce une route, ne pourraient être considérés comme «adjacents». Cette conclusion s’infère également de deux autres décisions21 qui ont abordé la question. Si deux fonds de terre ne peuvent être adjacents s’ils sont séparés par un élément physique, une division légale ne viendrait pas affecter le caractère contigu d’un fonds de terre qui formerait autrement la continuité d’un autre. Dans l’affaire Fourt, la contribuable et son époux avaient d’abord fait l’acquisition d’un lot de terre (le lot 76) sur lequel ils ont construit leur maison. Entre-temps, ils ont fait l’acquisition d’une seconde partie du fonds de terre, soit le lot 77. Alors que la maison était entièrement située sur le lot 76, un hangar servant à l’entreposage et un incinérateur se trouvaient sur le lot 77. Le Ministère prétendait que seule la partie du fonds de terre comprise dans la plus petite unité légale de division sur laquelle la maison des contribuables avait été érigée (soit un «lot» et, en l’espèce le lot 76) pouvait être considérée comme le fonds de terre adjacent. Sur ce point, le juge Strayer a fait la remarque suivante : That is not what subparagraph (v) says, however, and I do not think that an intention can be ascribed to Parliament to limit the natural meaning of “contiguous” in this way. […] In other words the existence of two legally separate lots did not preclude the second lot from being contiguous to the lot upon which the house stood. A fortiori it should not in the present case, involving less than 1 ⁄ 2 hectare, preclude Lot 77 from being contiguous to the land subjacent to the house on Lot 7622. Une question similaire s’est posée dans la décision Fraser alors qu’il s’agissait de déterminer si une partie du fonds de terre, par ailleurs adjacente à la maison du contribuable, perdait cet attribut en raison du fait qu’elle se trouvait séparée par un droit de passage qui traversait le terrain. Le juge Taylor conclut qu’un droit de passage ne pouvait constituer une ligne de démarcation imaginaire ayant pour effet de séparer une partie du fonds de terre sur laquelle se trouvait le terrain de jeu en l’espèce, du reste du fonds de terre immédiatement adjacent à la maison. À cet égard, il s’exprime comme suit : With regard to contiguity, the Minister has set up this separation of the “principal residence” and the “garden and play area.” […] Thereby the Minister established the right of way as an imaginary line of demarcation. In my view, the “garden and play area” is just as “immediately contiguous” to the housing unit as is the “right of way.”23 20 Supra, note 6, aux pp. 619-20. Fraser c. MRN, 83 DTC 448 (CRI); Fourt c. La Reine, 91 DTC 5631 (CF 1re inst.). 22 Fourt, supra, note 21, aux pp. 5634 et 5635. 23 Fraser, supra, note 21, à la p. 452. 21 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 365 Attribution du fonds de terre adjacent entre la partie de l’immeuble servant de résidence principale et celle servant à produire un revenu Un logement peut faire partie d’un immeuble comprenant plus d’une unité d’habitation alors que ces unités servent à produire un revenu. Cette situation de fait soulève la problématique particulière de l’attribution du fonds de terre adjacent entre la partie de l’immeuble qui représente la résidence principale du contribuable et celle correspondant à la partie louée. Exemple : en 1985, un contribuable achète un duplex qui inclut un jardin, un patio et un garage pour un montant de 60 000 $. Depuis cette date, le deuxième étage du duplex sert à produire un revenu et le contribuable habite le premier étage avec sa famille. De plus, il s’est réservé l’accès et l’usage du jardin, du patio et du garage qu’il utilise en exclusivité. Le contribuable dispose de son immeuble en 1990 pour un montant de 100 000 $. En ce qui concerne l’immeuble, il est facilement concevable que la partie du gain en capital réalisé s’y rapportant soit attribuée, pour la moitié à la résidence principale et pour l’autre moitié, à la partie de l’immeuble servant à produire un revenu. Ce résultat est conforme avec la position du Ministère à ce sujet, telle qu’exprimée au numéro 36 du Bulletin d’interprétation IT -120R4 où il est expliqué que la partie d’une résidence produisant un revenu est habituellement calculée en fonction de la superficie en cause. Cette position ne semble traiter que de l’immeuble, sans donner de précisions sur le fonds de terre. Est-ce dire que le fonds de terre doit automatiquement être attribué dans les proportions qui s’appliquent à l’immeuble ? Si tel était le cas, une situation inéquitable résulterait en l’espèce, étant donné que la partie du fonds de terre adjacent était strictement réservée à l’usage du contribuable et de sa famille. L’auteure est d’avis que la relation qui existe entre l’utilisation qui est faite du fonds de terre adjacent et la résidence principale du contribuable doit être prise en considération et l’attribution des proportions entre les différentes unités d’habitation de l’immeuble établie en conséquence. Cette affirmation semble être appuyée par deux décisions, dont Mitosinka où le juge Collier s’exprime comme suit : In respect of the land, the evidence indicates it was common to both housing units. Each family had the use of the whole of the land. It would, however, be unreasonable to assign or allocate the whole of the land to one housing unit, or to the other. The Minister’s equal apportionment has not, as I see it, been shown by the defendant to be unrealistic or unreasonable24. Par raisonnement a contrario, si le fonds de terre avait été destiné à l’usage exclusif de la résidence principale du contribuable, il aurait 24 Mitosinka (CF 1 re inst.), supra, note 16, à la p. 6435 et Berkovic c. MRN, 83 DTC 335 (CRI). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 366 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE raisonnablement été possible de démontrer que l’attribution de la totalité du fonds de terre à l’une des deux unités d’habitation, soit la résidence du contribuable, permettrait d’arriver à un résultat plus équitable. Par ailleurs, dans Berkovic25, le contribuable, propriétaire d’un immeuble à appartements dans lequel se trouvait sa résidence, prétendait que le fonds de terre adjacent devait être attribué en totalité à la partie de l’immeuble correspondant à sa résidence. Le juge Cardin, après avoir fait état de la situation de fait, reprit les conclusions du juge Collier dans Mitosinka : On the basis of the evidence, the appellant did not have the exclusivity of use or enjoyment of the land component that he could normally have expected if his principal residence had been a single family dwelling. With respect to the objective test of use of the land component, the tenants had full use of the driveway and the parking area which took up a considerable portion of the land surrounding the apartment building. There were no restrictions to the tenants’ use of the patio; they enjoyed a good view of the landscaped surroundings and used the lawn for sunbathing. […] Applying Mr. Justice Collier’s reasoning to the facts of this appeal, it would be unreasonable to allocate the whole of the land component to any one of the housing units including that of the owner of the building, the appellant26.(soulignement ajouté) En définitive, l’attribution du fonds de terre adjacent entre la résidence principale et les autres unités d’habitation de l’immeuble doit être résolue d’après les faits pertinents à chaque cas, en visant le résultat le plus équitable possible. Dans l’exemple qui précède, le calcul de la partie du gain en capital exempte d’impôt aurait dû se faire en tenant compte du fait que la totalité du terrain servait à l’usage et à la jouissance exclusive des occupants de la résidence principale. Ainsi, il y aurait lieu d’attribuer une fraction supérieure du gain en capital à la partie de l’immeuble utilisée comme résidence principale par le contribuable. La méthode préconisée consisterait à évaluer la superficie de la résidence du contribuable et du terrain adjacent par rapport à la superficie totale représentée par l’ensemble des deux logements et du fonds de terre adjacent. À défaut, un calcul distinct pour l’immeuble d’une part et pour le terrain d’autre part pourrait être effectué. Voici une illustration de la première alternative : Hypothèse : • superficie 1 er étage du duplex incluant le fond de terre sous-jacent • superficie 2 e étage du duplex 700 mètres carrés 350 mètres carrés • superficie du fonds de terre comprenant le jardin, le patio et le garage 350 mètres carrés Calcul : 25 26 40 000 $* × Berkovic, supra, note 24. Ibid., aux pp. 336-37. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 1050 (mètres carrés) = 30 000 $** 1400 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 367 * gain en capital total autrement déterminé ** partie du gain en capital attribuable à la résidence principale du contribuable Distinction entre le fonds de terre adjacent d’un demi-hectare ou moins et le fonds de terre de plus d’un demi-hectare Tel que mentionné, aux termes de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR, le fonds de terre sous-jacent au logement, ainsi que la partie du fonds de terre adjacent «qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence», sont réputés faire partie de la résidence principale du contribuable. Cette présomption s’applique dans la mesure où la superficie totale du fonds de terre sous-jacent et la partie du fonds de terre adjacent n’excèdent pas un demi-hectare. Si le fonds de terre est de plus d’un demi-hectare, «l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit qu’il est nécessaire à cet usage». Cette terminologie employée par le législateur suggère que, dans les deux cas (soit celui d’un fonds de terre d’un demi-hectare au moins et celui d’un fonds de terre de plus d’un demi-hectare), certains faits doivent être démontrés afin que le fonds de terre puisse être considéré faire partie de la résidence principale du contribuable. Quant au Ministère, le numéro 20 du Bulletin d’interprétation IT -120R 4 semble suggérer une approche différente lorsque la superficie du fonds de terre n’excède pas un demi-hectare : Il n’est habituellement pas nécessaire de faire la preuve que un demi-hectare ( 1 ⁄ 2) de fonds de terre ou moins, y compris l’aire sur laquelle est érigé le logement, facilite l’usage et la jouissance du logement comme résidence. Toutefois, si une partie de ce fonds de terre est utilisée pour tirer un revenu d’entreprise ou de bien, cette partie n’est habituellement pas considérée comme facilitant l’usage et la jouissance du logement comme résidence. (soulignement ajouté) En somme, le Ministère considère que la partie du fonds de terre d’un demi-hectare ou moins est réputée faire partie de la résidence principale du contribuable, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il facilite l’usage et la jouissance du logement comme résidence. Cette position est légèrement différente de celle énoncée à la version antérieure du Bulletin d’interprétation, soit le IT-120R3, dont le numéro 11 était rédigé de façon plus catégorique : «Il n’est pas nécessaire de prouver cet usage et cette jouissance s’il s’agit d’un fonds de terre de 1 ⁄ 2 hectare ou moins …». Cet énoncé suggérait qu’un fonds de terre d’un demi-hectare ou moins faisait «automatiquement» partie de la résidence. Malgré ceci, le Ministère n’a pas toujours donné cette interprétation à l’énoncé de sa politique administrative. En effet, tel qu’il en est fait état plus loin, les tribunaux ont eu à examiner des cas où le fonds de terre n’excédait pas un demi-hectare. La version anglaise27 contenait toutefois déjà cette 27 Bulletin d’interprétation IT-120R3, numéro 11. Voir (vol. 118, n o 9), le 3 mars 1984 Gazette du Canada Partie I, à la p. 1792. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 368 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE subtilité additionnelle : «No proof of such use and enjoyment is normally required in respect of 1 ⁄ 2 hectare of land or less». (soulignement ajouté) Cette dernière version de la position du Ministère sous-entend qu’il peut arriver qu’il exige la preuve de la contribution du fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence, malgré que, de façon générale, une telle preuve ne soit pas nécessaire. Le Ministère n’apporte cependant aucune précision relative aux circonstances dans lesquelles cette preuve serait requise. Il serait donc possible d’une part, dans le cas d’une disposition d’un fonds de terre n’excédant pas un demi-hectare, qu’un contribuable doive faire la démonstration du caractère contributif du fonds de terre à l’usage de la résidence. D’autre part, dû à l’utilisation du fonds de terre non reliée à l’usage du logement comme résidence principale, il serait également possible que le fonds de terre ne soit pas raisonnablement considéré faciliter cet usage du logement. Le test permettant de déterminer si un fonds de terre peut être considéré faire partie de la résidence principale diffère selon que la superficie excède un demi-hectare ou non. Les cas où la superficie est de plus d’un demi-hectare sont soumis à un test davantage rigoureux étant donné que le contribuable doit faire la preuve de la «nécessité» de la partie excédentaire à l’usage du logement (le test de nécessité). Pour une superficie d’un demi-hectare ou moins, un test moins strict s’appliquerait qui exigerait simplement la démonstration qu’il est raisonnable de considérer le fonds de terre comme «facilitant» l’usage du logement comme résidence principale (le test de contribution). Il s’agit de deux tests différents qui ne doivent pas être confondus, comme le fait remarquer le juge Strayer dans la décision Fourt : Thus it will be seen that while the learned judge considered that the use of Lot 77 may well have been convenient and enjoyable for the plaintiff he dismissed her appeal because that lot was not “necessary” to the use and enjoyment of the housing unit. He thus applied the test appropriate for the disposition of land in excess of 1 ⁄ 2 hectare whereas the land in question here was less than 1 ⁄ 2 hectare 28. En outre, le juge fait remarquer plus loin que le test relatif au fonds de terre dont la superficie n’excède pas un demi-hectare en est un qui doit être appliqué de façon «objective». Un test subjectif serait plus approprié dans le contexte de la disposition d’un fonds de terre dont la superficie excède un demi-hectare : 28 Fourt, supra, note 21, à la p. 5633. Cette distinction n’est cependant pas toujours présente à l’esprit des juges. Dans Gook et al. c. MRN, 92 DTC 1637 (CCI), le juge Tremblay applique le test de contribution à un fonds de terre de 5,22 acres, soit plus de 1 ⁄ 2 hectare. À la page 1637 du jugement, il déclare : The first point is whether for the year 1985 a 5.22 acre piece of land located in Victoria, British Columbia, may reasonably be regarded as contributing to Flavia and Richard E. Gook Sr.’s use and enjoyment of the housing unit as a residence pursuant to the provision 54(g)(v) of the Income Tax Act. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 369 The word “reasonably” implies some kind of objective test […] It is not for the officials of the Department of National Revenue, nor for the courts, to be the arbiters of life-styles chosen by taxpayers. […] in particular we are not entitled to reject the taxpayer’s claim that certain land contributed to the use and enjoyment of his residence simply because in our view such land was not necessary to that use and enjoyment. The latter test is appropriate only for dispositions of holdings totalling more than 1 ⁄ 2 hectare 29. (soulignement ajouté) Cette dernière remarque du juge Strayer n’est pas en accord avec l’affirmation qu’avait faite le juge Christie, bien qu’en obiter seulement, quelques années auparavant dans l’affaire Rode. En effet, le juge Christie était d’avis que le test de nécessité, comme le test de contribution, doit être appliqué de façon objective et s’exprima comme suit : Therefore what an appellant must do in order to establish that his principal residence exceeds 1 acre is to prove that the excess was “necessary” to the use and enjoyment of the housing unit as a residence. I believe that in this context this requirement dictates that a stringent test shall be applied in determining the acreage of a principal residence. I am also of the opinion that what constitutes a principal residence is to be decided throughout by objective, not subjective, testing30. (soulignement ajouté) D’autres ont été d’avis que chacun de ces deux tests contient des éléments qui font appel à une évaluation à la fois objective et subjective, en particulier l’utilisation de l’expression «usage et jouissance» qui était employée dans les deux cas, notamment la décision du juge Bonner dans l’affaire Madsen : […] I think, that the test as laid down by paragraph 54(g) is not only the objective test of use, but also the subjective test of enjoyment, being the equivalent of gratification and pleasure31. En effet, alors que le terme «usage» demande une certaine objectivité puisqu’il s’agit de vérifier l’existence de certains faits seulement, le terme «jouissance» demande plutôt d’évaluer le plaisir et la satisfaction que retire le contribuable de la possession de son fonds de terre, ce qui ajoute une composante subjective à chacun des deux tests. Toutefois, comme le terme «jouissance» a été retiré de la plus récente version de la définition de «résidence principale», et compte tenu du plus récent courant jurisprudentiel à ce sujet, il est espéré que l’application des tests de contribution et de nécessité sera dorénavant plus «objective». 29 Fourt, supra, note 21, aux pp. 5633 et 5634. Rode et al. c. MRN, 85 DTC 272, à la p. 274 (CCI). Cette opinion du juge Christie a récemment été réitérée par la Cour fédérale d’appel dans Carlile c. La Reine, 95 DTC 5483, où le juge Desjardins mentionnait, à la page 5484, «One way of establishing that land in excess of one acre is necessary to the use and enjoyment of the housing unit as a residence is by reference to what is known as an objective test». 31 Madsen c. MRN, 81 DTC 1 (CRI) à la p. 2. Ce test objectif de l’usage et le test subjectif de la jouissance ont été repris dans la décision Berkovic, supra, note 24. 30 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 370 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE Application par les tribunaux du test de contribution lors de la disposition d’un fonds de terre mesurant un demi-hectare ou moins Comme il s’agit d’un jugement récent de la Cour fédérale et donc d’un poids certain en la matière, la décision Fourt 32 est celle qui mérite d’être soulignée comme exemple de l’application du test de contribution dans les cas où la superficie du fonds de terre ayant fait l’objet d’une disposition n’excède pas un demi-hectare. De plus, Il s’agit de l’une des rares décisions ayant eu à appliquer le test de contribution. Le lecteur se souviendra que dans cette affaire, les contribuables avaient fait l’acquisition de deux lots de terre, érigé leur résidence le lot 76 tandis que le lot 77 servait de stationnement, d’espace vert et d’emplacement pour un hangar servant à l’entreposage, un incinérateur et une cabane extérieure. Il fut d’une part décidé que les lots 76 et 77 devaient être considérés comme des fonds de terre adjacents. D’autre part, il s’agissait de savoir si, à ce titre, le lot 77, dont la superficie totale additionnée à celle du lot 76 ne dépassait pas un demi-hectare, pouvait raisonnablement être considéré comme facilitant l’usage et la jouissance du logement comme résidence (test de contribution). Voici la conclusion du juge Strayer : In the present case the plaintiff gave very credible evidence that she and her husband bought Lot 77 to provide them with additional space and privacy. Although they had intended to build a house on it, they kept it and did make use of it. While its use as space for a storage shed, an outhouse, an incinerator, some lawn and parking was obviously not essential to the use and enjoyment of the house on Lot 76, it clearly contributed to that use and enjoyment. It is true, as counsel for the defendant implied, that all of these uses could have been accommodated on Lot 76. […] Nevertheless, that is not the test for whether a portion of land may reasonably be regarded as contributing to the taxpayer’s use and enjoyment of his or her housing unit. What is important is that Lot 77 did in the plaintiff’s view contribute to her use and enjoyment of her house and that view cannot be characterized as exaggerated, fanciful, or unnatural 33. (soulignement ajouté) Tel que mentionné précédemment, le Ministère est d’avis que le fonds de terre sous-jacent et adjacent au logement qui n’excède pas un demi-hectare est réputé faire partie de la résidence principale du contribuable sans qu’il ne soit nécessaire (habituellement) de faire la preuve qu’il facilite l’usage et la jouissance du logement comme résidence. Toutefois, dans le cas Fourt, le Ministère a exigé une preuve de la contribution à l’usage et à la jouissance puisqu’un premier lot avait été acquis sur lequel la maison avait été construite, le lot adjacent n’ayant été acquis qu’ultérieurement34. 32 Fourt, supra, note 21. Ibid., à la p. 5634. 34 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 4 mai 1995, dans Window on Canadian Tax (Don Mills : CCH Canadian) (feuilles mobiles), (page suivante s.v.p.) 33 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 371 Cette décision peut servir à circonscrire les limites d’application du test de contribution. En somme, le test requiert d’abord qu’il soit fait usage du fonds de terre adjacent. Bien que cette utilisation du fonds de terre n’ait pas à être caractérisée «d’essentielle», le test demande ensuite que l’usage puisse être considéré faciliter ou contribuer à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Il est à noter que cette contribution n’exige pas que l’usage du terrain soit «exclusivement» relié au logement. Il doit toutefois être rattaché à la nature des fonctions d’une résidence. Dans l’affaire Fourt, il a été considéré que le lot 77 qui servait d’espace de stationnement, d’espace vert, et d’emplacement pour le hangar, la cabane et l’incinérateur, pouvait raisonnablement être considéré contribuer à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. D’autres exemples types pourraient être l’utilisation du fonds de terre comme potager ou roseraie, ou encore pour l’installation d’une piscine. Il s’agit d’un test facile à respecter et l’auteure soupçonne que, dans la majorité des cas, les tribunaux devront donner raison au contribuable dans la mesure où une contribution est apportée par le fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence, du moins à son «usage» depuis les modifications apportées à la Loi. Application par les tribunaux du test de nécessité lors de la disposition d’un fonds de terre excédant un demi-hectare Remarques préliminaires Le test pour un fonds de terre dont la superficie excède un demi-hectare est considérablement plus exigeant, principalement pour les deux raisons qui suivent. D’une part, le contribuable a la charge de tenter de réfuter la présomption établie par la Loi. Le présent texte de l’article 54 LIR stipule que «l’excédent [d’un demi-hectare] n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage35». D’autre part, le test exige que l’excédent du fonds de terre soit «nécessaire» à l’usage de la résidence par opposition à simplement «contributif», ce qui ajoute considérablement au fardeau de preuve imposé au contribuable. L’interprétation du Ministère se lit comme suit : L’excédent du fonds de terre doit être clairement nécessaire, et non seulement souhaitable, pour que le logement puisse remplir convenablement son rôle de résidence36. Les tribunaux ont également tenté de définir le terme «nécessaire». À noter, l’affaire Fraser 37 où le juge Taylor indique ce qui suit concernant (… suite) paragraphe 3662, à la p. 4669. Il est à noter que ces mémorandums internes, ainsi que les interprétations techniques émises, bien qu’utiles pour apprécier la position du Ministère, ne constituent pas des énoncés qui lient ce dernier. 35 Paragraphe 54e) LIR. 36 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 21. Le ministère du Revenu du Québec décrit le test de nécessité dans les mêmes termes : IMP. 227-1/R1, numéro 5. 37 Fraser, supra, note 21. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 372 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE le sens à attribuer au terme «nécessaire» dans le contexte du test établi à l’article 54 LIR : I consider “necessary” in this context to be virtually synonymous with “vital” or “essential.” […] for this appellant to bring himself within this strict limits of the exception provision “necessary to such use and enjoyment,” it is important to perceive of the excess area in dispute as indispensable in its direct relationship to the residential properties of the housing unit 38. Pour sa part le juge Christie, dans la décision Rode 39, s’inspire de la définition du terme «nécessaire» fournie par le dictionnaire afin d’en établir les paramètres. Il s’exprime de la façon suivante : Among the interpretations assigned to the word “necessary” in the Oxford English Dictionary is: “Indispensable, requisite, essential, needful; that cannot be done without.” From this selection I believe that the phrase “that cannot be done without” best epitomizes what a taxpayer must meet in order to establish that his principal residence can properly be regarded as greater than 1 acre 40. Des synonymes proposés, le juge choisit l’expression «cannot be done without» qui constitue le plus strict des termes susceptibles de décrire le sens du mot «nécessaire», par opposition aux termes requisite et needful. En conséquence, le test de nécessité reçoit une interprétation très étroite. D’autres décisions ont suivi le raisonnement du juge Christie dans l’interprétation du test de «nécessité», notamment les décisions Cox41 et Beaton42. L’affaire Cox fait explicitement référence à la décision Rode : The dugout or fish pond was quite capable of contributing to the use and enjoyment of the housing unit as a residence, but it does not meet the test of necessity enunciated in Rode 43. (soulignement ajouté) De même, dans l’affaire Beaton, le juge Brûlé, après avoir cité les commentaires du juge Christie, conclut de la façon suivante : «The Appellant did indeed “do without” the 2.1 acres while using and enjoying his residence44». Exemples d’application Selon l’interprétation donnée au test de nécessité contenu à la définition de «résidence principale» de l’article 54 LIR, il n’est pas imprudent d’affirmer que la tâche imposée au contribuable est très exigeante et 38 Ibid., aux pp. 452-53. Rode, supra, note 30. 40 Ibid., à la p. 274. 41 Cox et al c. MRN, 85 DTC 320 (CCI). Il s’agit d’une décision du même juge, soit le juge Christie. 42 Beaton c. MRN, 87 DTC 243 (CCI). 43 Supra, note 41, à la p. 322. 44 Supra, note 42, à la p. 246. 39 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 373 qu’il n’aura gain de cause que dans de rares cas. La jurisprudence démontre que les tribunaux ont appliqué le test de nécessité de façon très stricte. L’auteure attire d’abord l’attention du lecteur sur les cas où les tribunaux ont refusé de considérer l’excédent d’un demi-hectare de fonds de terre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement du contribuable. L’espace d’un fonds de terre servant de potager pour le contribuable ou de terrain de jeu pour ses enfants pourrait être considéré comme «contribuant» ou «facilitant» l’usage et la jouissance de sa résidence mais ne respecterait certes pas le test de nécessité45. Dans l’affaire Rode 46, il était également question d’un fonds de terre utilisé comme potager mais à plus grande échelle. Les contribuables, dont le style de vie était autosuffisant, utilisaient le fonds de terre de 9,3 acres adjacent à leur résidence pour cultiver les aliments dont ils avaient besoin pour vivre. En appliquant le test de nécessité (cannot be done without) de façon objective, le juge Christie conclut que, aussi louable que puisse être considéré le style de vie des contribuables, ils n’avaient pu démontrer qu’à défaut du fonds de terre en question, ils n’auraient pu utiliser et tirer profit de leur logement comme résidence. Au même effet, la décision Raper Estate 47 s’ajoute à titre d’exemple d’une contribuable qui, afin de répondre aux besoins découlant de son style de vie rural, utilisait le fonds de terre adjacent à sa résidence pour cultiver ses légumes et garder quelques animaux. Après avoir cité la majorité des passages de la décision Rode, le juge Tremblay conclut que le style de vie de la contribuable ne suffisait pas à démontrer que l’excédent d’un demi-hectare de terrain était nécessaire à l’usage et à la jouissance de sa résidence. Par ailleurs, il est à noter que l’usage du fonds de terre doit être relié à la nature des fonctions de la résidence. Ainsi, un contribuable ne pourrait soutenir que le fonds de terre sur lequel sont situées quelques bâtiments qui servent à des assemblées religieuses peut être considéré «nécessaire» à l’utilisation de la résidence48. La destination d’un tel fonds de terre serait certes nécessaire à la conduite des activités religieuses du contribuable, mais ce serait là appliquer un test différent de celui établi à l’article 54 LIR49. 45 Fraser, supra, note 21. Rode, supra, note 30. 47 Raper Estate c. MRN, 86 DTC 1513 (CCI). 48 Madsen, supra, note 31. 49 Ibid. Au même effet, voir la décision Watson et al. c. MRN, 85 DTC 270 (CCI). La preuve démontrait que le contribuable avait fait l’acquisition d’une résidence, incluant un fonds de terre sur lequel se trouvaient une grange, une écurie et un atelier, dans le but d’y établir une pension pour chevaux. Cette partie du fonds de terre ne pouvait être considérée nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence car son utilisation n’était pas reliée aux fonctions d’une résidence mais plutôt aux occupations du contribuable. 46 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 374 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE La décision Yates Malgré le caractère restrictif du test de nécessité, les tribunaux ont parfois accepté de considérer l’excédent d’un demi-hectare de fonds de terre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement d’un contribuable. La décision qui est considérée établir un précédent en la matière est celle du juge Heald de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Yates50. Dans cette affaire, le contribuable avait acquis, en 1964, un fonds de terre d’une dimension de 10 acres. À l’époque, le règlement de zonage en vigueur exigeait que les terrains résidentiels soient de cette dimension minimum. Une modification au règlement municipal a par la suite porté la dimension minimum à 25 acres. Le contribuable utilisait un acre de terrain pour sa résidence, l’excédent étant loué à un fermier à des fins agricoles. En 1978, sous menace d’expropriation, le contribuable a disposé de 9,3 acres de terrain en faveur de la ville de Guelph. Il a conservé la partie du terrain sur laquelle était située sa maison et a continué d’y vivre. Dans un bref jugement oral, le juge Heald a confirmé les conclusions du juge Mahoney de la Cour fédérale51 qui avait conclu qu’étant donné l’existence, au moment de la disposition de la résidence principale, d’un règlement de zonage exigeant que le fonds de terre du contribuable soit d’une dimension minimum, la superficie totale de ce fonds de terre, en l’occurrence 10 acres, devait être considérée faire partie de la résidence principale. Il était d’avis que le contribuable s’était déchargé, de ce fait, du fardeau de prouver que l’excédent d’un acre de terrain (aujourd’hui un demi-hectare) était nécessaire à la fois à l’usage et à la jouissance du logement du contribuable comme résidence principale. Le juge Mahoney était d’avis que le règlement de zonage constituait un facteur déterminant : The Defendants could not legally have occupied their housing unit as a residence on less than ten acres. It follows that the entire ten acres, subjacent and contiguous, not only “may reasonably” be regarded as contributing to their use and enjoyment of their housing unit as a residence; it must be so regarded. It also follows that the portion in excess of one acre was necessary to that use and enjoyment52. Règlements municipaux La décision dans l’affaire Yates est d’importance significative pour trois raisons. Premièrement, elle établit que la partie excédant un demi-hectare 50 La Reine c. Yates et al., 86 DTC 6296 (CF Appel). Cette décision, qui établit le principe que la partie du fonds de terre excédant un demi-hectare serait considérée nécessaire à l’usage et la jouissance de la résidence lorsqu’un règlement municipal requiert qu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale, a été reprise par les tribunaux de façon constante, plus particulièrement récemment dans l’affaire Carlile, supra, note 30. Cette décision, du même tribunal, vient confirmer le principe. 51 La Reine c. Yates, 83 DTC 5158 (CF 1 re inst.). 52 Ibid., à la p. 5159. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 375 de terrain sous-jacent et adjacent à la résidence serait «nécessaire», donc faisant partie de la résidence principale, lorsqu’un règlement municipal requiert qu’un fonds de terre soit de cette dimension minimale53. Le Ministère est prêt à reconnaître que ce genre de restriction constitue un facteur qui doit figurer dans l’évaluation du caractère nécessaire de la partie excédant un demi-hectare du fonds de terre. En effet, le numéro 22 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 énonce : Un bien utilisé à des fins résidentielles peut être visé par une loi ou un règlement d’une municipalité ou d’une province fixant la dimension minimale du lot pour un emplacement résidentiel. Si la dimension minimale de lot pour fins résidentielles imposée par la loi était supérieure à un demi-hectare (1 ⁄ 2) au moment où le contribuable avait fait l’acquisition du bien, cette dimension minimale est généralement considérée comme la superficie minimale de fonds de terre nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence, et ce, tout au long de la période où le contribuable a possédé le bien d’une façon continue depuis la date de son acquisition. À la suite de la décision de la Cour fédérale d’appel dans Yates, le Ministère avait émis un Communiqué sur cette position54 mais il semblerait qu’il désire en limiter son application aux cas où les faits présentés sont virtuellement identiques à ceux de l’affaire Yates55. Par ailleurs, le Ministère indique, dans son Bulletin d’interprétation IT -120 R 4, ainsi que dans le Communiqué du 13 avril 1987 qui a suivi la décision Yates, que les restrictions de morcellement imposées par les règlements de zonage en vigueur peuvent également constituer un facteur à peser pour déterminer de la «nécessité» de l’excédent d’un demi-hectare du fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement, et donc considéré faire partie de la résidence principale du contribuable 56. 53 Dans Wideman c. MRN 83 DTC 531, à la p. 535 (CCI), le juge Cardin en était déjà venu aux mêmes conclusions après avoir examiné une situation similaire : The by-law requiring that residential lots consist of two acres and 200 ft. frontage appears to me to be not only reasonable but, in instances such as this one, necessary for the access as well as the use and enjoyment of the principal residence. The municipal by-law, with respect to the size of residential lots, should in my opinion be applied here and the allocation of land to the principal residence should be 2 acres with a 200 ft. frontage on one of the roads. 54 Ministère du Revenu, Communiqué, le 13 avril 1987. Ce Communiqué est discuté par Arthur B.C. Drache, «Principal Residence Change Announced», dans The Canadian Taxpayer, vol. IX, n o 11 (Toronto : DeBoo, 1987), 82. 55 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 22 février 1991, dans Claude Désy, Access to Canadian Income Tax, vol. 3 (Montréal : DAFCO) (feuilles mobiles), paragraphe 91 RCT 226, à la p. 808,204. 56 La politique du Ministère concernant les restrictions de morcellement est énoncée au numéro 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui se lit comme suit : Des restrictions quant au morcellement ou à la subdivision du fonds de terre […] sont d’autres facteurs qui doivent être pris en considération, dans certains cas, (page suivante s.v.p.) (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 376 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE Comme facteur pertinent lors de l’application du test de nécessité, la reconnaissance d’un règlement municipal ou d’une loi provinciale exigeant qu’un terrain résidentiel soit d’une dimension minimale supérieure à un demi-hectare est en accord et tire sa source de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Yates. Pour sa part, la reconnaissance des restrictions quant au morcellement ou à la subdivision d’un fonds de terre comme facteur pertinent pour déterminer le caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant un demi-hectare, émane du Ministère lui-même. Jusqu’à récemment, les tribunaux rejetaient cette considération comme facteur pertinent. Il est important de distinguer un règlement municipal qui requiert qu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale d’un règlement municipal qui impose des restrictions de morcellement. D’une part, si un règlement municipal fixe la dimension minimale d’un lot pour un emplacement résidentiel (15 hectares, par exemple), il est à présumer que le contribuable ne pourrait légalement faire l’acquisition et habiter une résidence située sur un fonds de terre plus petit. Il est donc logique que les tribunaux et le Ministère évitent de pénaliser un contribuable qui fait face à cette situation, bien qu’elle risque davantage de se produire en milieu rural qu’en milieu urbain et qu’il serait alors possible d’y voir un avantage pour le contribuable habitant en banlieue par rapport au citadin. D’autre part, le contribuable dont le fonds de terre (15 hectares, par exemple) est soumis à des restrictions de morcellement se trouve dans une situation différente. S’il ne peut légalement subdiviser son lot et disposer d’une partie, il peut par ailleurs, légalement, faire l’acquisition et habiter une résidence située sur un fonds de terre déjà subdivisé et d’une dimension inférieure. Les tribunaux ont réitéré à quelques reprises la nécessité d’établir une telle distinction et rejeté les restrictions de morcellement comme facteur pertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Dans l’affaire Watson, le juge Bonner rappelle ce qui suit : Mr. Watson stated that both when the property was acquired and when it was expropriated it could not be severed. He referred, I assume, to the prohibition contained in subsection 29(2) of the Planning Act. 2 The argument seemed to be that in order to use the house and in particular to have access to it the whole parcel was necessary because it was not possible to convey the house and a strip of land required for the driveway without at the same time, conveying the rest of the parcel. In my view the definition of “principal residence” contained in paragraph 54(g) is such that considerations as to what can lawfully and effectively be conveyed are irrelevant. The amount of land which contributes to the use (… suite) pour déterminer si la portion du fonds de terre de plus d’un demi-hectare (1 ⁄ 2) est nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Toutefois, dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient le temps de déterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fonds de terre est nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 377 and enjoyment of a housing unit is not, by paragraph 54(g) of the Income Tax Act, made to depend on what can lawfully be bought and sold57. Un peu plus tard, dans Lewis Estate58, le juge Rip a repris les conclusions du juge Bonner. En 1981, les contribuables, monsieur et madame Lewis, ont disposé de leur résidence principale et du fonds de terre adjacent de 2,11 acres. Dans leur déclaration d’impôt pour l’année en question, les contribuables n’ont inclus aucun montant provenant de la vente de leur résidence ayant considéré que la totalité des 2,11 acres faisait partie de la résidence principale. Au moment de la disposition de leur résidence située dans un secteur zoné résidentiel, les règlements municipaux en vigueur ne leur permettaient pas de subdiviser leur fonds de terre. Les contribuables s’étaient appuyés sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Yates pour en arriver à la conclusion et soumettre l’argument que la totalité du fonds de terre devait être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de leur logement comme leur résidence principale. Le juge Rip a soulevé la distinction qui devait être faite entre la situation de faits entourant l’affaire Yates et celle en l’espèce se rapprochant davantage des circonstances de faits entourant l’affaire Watson et a statué comme suit : Where a by-law prohibits subdivision of an existing lot, except under certain conditions, there may be no relationship between such a prohibition and the requirement in paragraph 54(g)v) of the Act that for the land in excess of the one acre subjacent to the housing unit (“excess land”) to be included as principal residence, the land must be established to be necessary to the use and enjoyment of the housing unit as a residence to the taxpayer: See Watson v. M . N . R., 85 DTC 270. However, where the by-law prohibits use and occupation of the property for purposes of a residence of lots having less than a minimum area, as was the case in Yates, op cit, the by-law prohibition has obvious relevance to the words of paragraph 54(g)v) since the “use and enjoyment of the housing unit as a residence” is dependent on the area of the property. […] The evidence did not establish the legal prohibition of use and occupation on land of less than a minimum size for a residence; the evidence only established that the 2.11 acres could not be subdivided and sold. The facts fall within Watson, op cit, and not Yates, op cit 59. Plus récemment, la Cour fédérale a eu l’occasion de confirmer, sous la plume du juge Muldoon, les conclusions auxquelles étaient arrivés les juges Bonner et Rip dans les décisions Watson et Lewis Estate respectivement. Dans Windrim 60, il s’agissait encore une fois d’une situation où le contribuable, ayant disposé d’un fonds de terre excédant un demi-hectare, prétendait que la totalité de ce fonds de terre devait être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de son 57 Watson, supra, note 49, à la p. 271. Supra, note 18. 59 Ibid., aux pp. 319 et 320. 60 Supra, note 11. 58 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 378 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE logement comme résidence principale, étant donné qu’au moment de la disposition il lui était impossible, légalement, de subdiviser son fonds de terre en plus petits lots. Le juge Muldoon dispose du litige de la façon suivante : So, the property, by operation of law could not be subdivided. On the other hand, there was no legal minimum size of the taxpayer’s residential property prescribed either by municipal by-law, provincial legislation or by restrictive covenant. […] The restrictive covenant H48269 filed against and running with the property from and after June 14, 1979 (exhibit 3(2)) establishes that subdivision of the land is prohibited, as the plaintiff has known since he bought the property, but its existence and operation do nothing to establish that the additional 12.66 acres or 5.122 hectares were necessary to the plaintiff’s use and enjoyment of the unit 61. Il faut constater que, malgré l’énoncé du Ministère sur la question des restrictions de morcellement imposées par les règlements municipaux ou autres, les tribunaux ont préféré jusqu’à maintenant appliquer le libellé de la Loi telle que rédigée et ont refusé de considérer les restrictions de morcellement applicables à un fonds de terre dont la superficie est supérieure à un demi-hectare, comme facteur pertinent dans l’application du test de nécessité. Cette attitude des tribunaux semble toutefois vouloir prendre une nouvelle orientation pour rejoindre l’opinion du Ministère à cet sujet. En effet, à deux reprises, la Cour fédérale d’appel a reconnu les restrictions de morcellement imposées par les règlements municipaux comme facteur pertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Premièrement, dans l’affaire Augart 62 dont il est question plus loin, puis dans l’affaire Carlile où le juge Desjardins conclut comme suit : I conclude that the appellant, both on V-Day and at the time of disposition, has met the objective test not only vis-à-vis the 25-acre minimum allotment size for her property, but also for the remainder since the local authority would not have authorized a partition of her lot between 25 acres and the remainder. She should, therefore, be exempted from tax on capital gains for the whole of her parcel of land63. Autres facteurs Le Ministère fournit des exemples additionnels de facteurs pertinents à considérer dans l’évaluation du test de nécessité au paragraphe 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R 4 : Le fonds de terre de plus de un demi-hectare ( 1 ⁄ 2) pourrait être nécessaire à cette fin si la dimension ou la nature du logement de même que son 61 Ibid., aux pp. 5224-25 et 5227-28. Il est à noter toutefois que dans La Reine c. Joyner, 88 DTC 6459 (CF 1 re inst.), la Cour fédérale, bien que ne l’appliquant pas pour d’autres raisons, accepte indirectement de prendre en considération les restrictions de morcellement comme facteur pertinent dans l’évaluation du caractère nécessaire de la partie excédentaire du fonds de terre. 62 Augart c. La Reine, 93 DTC 5105. 63 Carlile, supra, note 30, à la p. 5487. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 379 emplacement sur le lot font que cet excédent de fonds de terre est essentiel à son usage et à sa jouissance comme résidence ou si l’emplacement d’un logement exige cet excédent de fonds de terre pour permettre au contribuable d’avoir accès aux chemins publics. (soulignement ajouté) Lorsque la partie du terrain excédant un demi-hectare sert d’accès au chemin public, les tribunaux ont reconnu que cette étendue de terrain était «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement du contribuable comme résidence principale. L’affaire Fraser fournit un exemple de cet état de fait. Voici les commentaires du juge Taylor : I must conclude that the Minister is in agreement that “access” must be provided to the housing unit in order that it fill the function of a residence even if, according a taxpayer this “access” (in this case the right of way) produces a total area in excess of the one acre general limitation provided in the relevant section of the Act. The access is clearly “necessary to such a use …” (of the housing unit as a residence)64. Compte tenu du fait que l’utilisation du fonds de terre pour l’accès au chemin public est un facteur pesé et jugé pertinent, suffirait-il que le contribuable construise sa résidence le plus loin possible du chemin public afin de maximiser son exemption de gains en capital pour résidence principale ? D’une part, à moins que l’emplacement éloigné pour la construction de la résidence ne soit choisi pour une raison précise, par exemple pour être en bordure d’un lac, procéder de la sorte ne serait pas très «pratique» pour le contribuable. D’autre part, après avoir énuméré les exemples de facteurs pertinents à considérer dans l’application du test de nécessité, le Ministère précise ainsi au numéro 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R 4 : … dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient le temps de déterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fonds de terre est nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Le Ministère laisse donc la porte ouverte à l’appréciation des faits entourant chaque cas et reconnaît que certaines circonstances, telles la dimension, la nature d’un logement ou son emplacement sur le fonds de terre peuvent rendre l’excédent de fonds de terre essentiel à l’usage et à la jouissance de la résidence. Les tribunaux ont également considéré certains faits autres que l’existence d’un règlement municipal exigeant que les terrains résidentiels soient d’une dimension minimale supérieure à un demi-hectare, comme pertinentes à l’application du test de nécessité. L’affaire Mintenko65 est particulièrement instructive à cet égard, d’autant plus qu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale. En 1977, 64 65 Fraser, supra, note 21, à la p. 452. Mintenko c. La Reine, 88 DTC 6537 (CF 1 re inst.). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 380 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE le contribuable avait disposé de sa résidence, ainsi que de dix acres de terrain qui lui étaient adjacents. Sur trois de ces dix acres de terrain non cultivables se trouvaient notamment, un puits, quelques dépendances, des arbres et un espace vert. Ayant à appliquer le test de nécessité à ces trois acres de terrain, le juge Martin conclut de la façon suivante : Bearing in mind that this is farm land and, for the most part, sales are in minimum areas of 160 acres and that, because there are no municipal water and services, additional land is essential to the proper enjoyment of the residence, I have concluded that the plaintiff has discharged the obligation on him under paragraph 54(9)(v) and has established that three acres were necessary for the use and enjoyment of the Duke farmhouse and should be included as part of the plaintiff’s principal residence66. (soulignement ajouté) L’absence de services municipaux essentiels à l’utilisation d’une résidence rend l’excédent du fonds de terre adjacent nécessaire, lorsqu’il sert à donner accès aux ressources habituellement fournies par les services publics. Cet énoncé semble demeurer vrai, même si l’excédent de terrain ne sert pas entièrement à ces fins. Disposition partielle Le deuxième aspect intéressant qui ressort de la décision Yates est le fait que la Cour n’ait apparemment pas suivi la position administrative du Ministère à l’effet qu’une résidence principale ne puisse faire l’objet d’une disposition partielle, c’est-à-dire que si une partie seulement du fonds de terre excédant un demi-hectare fait l’objet d’une disposition et que le logement peut continuer de servir de résidence, cette vente indique que le terrain vendu n’était pas nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence. Cette position est énoncée au numéro 23 du Bulletin d’interprétation IT -120R 467 : 66 Ibid., à la p. 6538. Voir également la décision du juge Tremblay dans Michael c. MRN, 85 DTC 455, à la p. 459 (CCI) où, en obiter, il remarquait qu’étant donné l’emplacement de la résidence, la topographie du terrain et la condition du sol, le meilleur usage pouvant être fait du fonds de terre était en fonction de la résidence : The description of the subject property given in paragraph 3.02 and, among others, the fact that the house is situated 600 feet back from the road, in the rear portion of the property, it seems to the court that the highest and best use of the whole land is for the use and enjoyment of the principal residence. The whole description in 3.02 is to be read. Moreover because the subject land is Dumfries soil, its best use, with the other elements (trees, pond, etc.) is for the enjoyment of the residence. (soulignement ajouté) Le juge Tremblay conclut alors que la totalité du fonds de terre excédant un demi-hectare était nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence principale. Cette dernière décision semble aller au-delà des critères énumérés au numéro 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui peuvent, selon le Ministère, être pris en considération dans l’évaluation du caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant un demi-hectare. 67 Ancien numéro 13 du Bulletin d’interprétation IT-120R3. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 381 Lorsque le logement d’un contribuable est situé sur un fonds de terre de plus de un demi-hectare ( 1 ⁄ 2) et qu’une partie ou la totalité de cet excédent de fonds de terre est détachée du bien et vendue, le fonds de terre vendu est généralement considéré comme ne faisant pas partie de la résidence principale à moins que le logement ne puisse plus servir de résidence en raison de la vente du fonds de terre. Si le logement peut continuer de servir de résidence, cette vente indique que le fonds de terre vendu n’était pas nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Dans Yates, le juge Mahoney a toutefois fait remarquer que l’argument à l’effet que, de par sa nature, une résidence principale ne peut faire l’objet d’une disposition partielle, ne lui avait pas été présenté pour débat. Monsieur et madame Yates ont néanmoins pu conserver l’usage et la jouissance de leur résidence située sur le 0,7 acre du fonds de terre, tandis que le 9,3 acres du fonds de terre vendu ont été considérés nécessaires à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Sur ce point, la décision Yates n’a toutefois pas toujours été suivie. Dans Baird68, le juge Taylor a opté pour l’application du principe énoncé au numéro 23 du Bulletin d’interprétation IT -120R4. En 1951, le contribuable avait acquis un fonds de terre d’une dimension de 2,41 acres du «Director, Veterans’ Land Act». À cet époque, les 2,41 acres représentaient la dimension minimum de terrain qu’un vétéran pouvait acquérir comme résidence afin de bénéficier de l’aide financière fournie en vertu de cette loi. En 1978, le contribuable a vendu une partie du fonds de terre, 1,66 acre, et conservé la partie du terrain sur laquelle se trouvait sa résidence. Il cherchait à exempter, au titre de résidence principale, le gain en capital réalisé lors de cette vente. Le juge Taylor a pris la position qu’une exemption ne pouvait être réclamée lorsqu’il s’agissait, comme en l’espèce, d’une disposition partielle du fonds de terre et que la résidence du contribuable était conservée sur l’autre partie du terrain. Alors que dans l’affaire Yates l’argument sur la disposition partielle n’avait pas été plaidé, les procureurs du Ministère l’ont spécifiquement avancé dans l’affaire Baird. Le juge Taylor a conclu ainsi : In the instant case, counsel for the respondent specifically argued that such a “partial disposition” was not possible and that, had that argument been made at the Yates trial (supra), the judgement might have been different. This argument of counsel for the respondent is very persuasive, as I see it 69. (soulignement ajouté) Il serait imprudent à ce stade de tirer des conclusions à ce sujet. La Cour fédérale d’appel devra ultimement apporter des précisions pour éclaircir la question d’une disposition partielle. 68 69 Baird c. MRN, 83 DTC 582 (CCI). Ibid., aux pp. 584-85. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 382 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE La question du timing Le troisième point qui ressort de la décision Yates est celui du timing de l’application du test de nécessité. Cet arrêt énonce clairement que le moment immédiatement avant la disposition de la résidence constitue le moment critique aux fins de la détermination du caractère nécessaire du fonds de terre excédant un demi-hectare, à l’usage et à la jouissance de la résidence. Plusieurs décisions ont par la suite suivi les conclusions du juge Mahoney à cet égard70. De ces décisions, l’arrêt Joyner a mérité le plus d’attention puisqu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale et que la question du timing de la démonstration du test de nécessité constituait les motifs du jugement, par opposition à un obiter comme pourraient être interprétés les commentaires sur le sujet contenus dans les autres jugements. Monsieur et madame Joyner ont acquis une résidence située sur 14 acres de terre agricole, qu’ils ont habité jusqu’au moment de sa disposition en 1980. Quelques années après l’achat, le gouvernement provincial imposait des restrictions de morcellement applicables au fonds de terre des contribuables qui ont alors demandé une exemption aux restrictions. Ils ont réussi, de façon partielle, et procédé à la disposition en 1980 de 7,9 des 14 acres de terrain, incluant la résidence. Le Ministère a calculé l’exemption de gain en capital en ne considérant qu’un seul acre de terrain faisait partie de la résidence principale. Les contribuables ont prétendu que leur avis de cotisation devait être diminué afin de tenir compte que, durant un certain nombre d’années, la totalité du fonds de terre était soumise à des restrictions contenues à un règlement de zonage, les 6,1 acres restants demeurant toujours assujettis aux restrictions de zonage. La question était de savoir à quel moment évaluer l’impact des restrictions imposées par le gouvernement provincial sur la détermination du caractère nécessaire de l’excédent du fonds de terre. Le juge Reed a d’emblée rejeté la notion voulant que la résidence principale puisse avoir an elastic existence. En s’inspirant de la décision Yates, Madame la juge en est arrivée aux conclusions suivantes : I have come to the conclusion that it is the time of the disposition of the property which is significant for the purposes of ascertaining whether or not land in excess of one acre should be deemed to be part of the taxpayer’s principal residence 71. Le moment critique serait donc la date de disposition par opposition à la date d’acquisition ou encore, à un moment donné au cours de chacune des années de désignation. Toutefois, la décision Raper Estate 72, rendue par la Cour canadienne de l’impôt, avait établi, deux 70 Rode, supra, note 30; Joyner, supra, note 62; Lewis, supra, note 18 et, encore récemment, Gook, supra, note 28. 71 Joyner, supra, note 61, aux pp. 6463-64. 72 Supra, note 47. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 383 années auparavant, un principe différent. Les faits en sont relativement simples : la contribuable avait, durant les dix années précédant son décès, habité sa résidence située sur 2,46 acres de terrain. Durant toutes ces années, à l’exception des deux années précédant son décès, des restrictions contenues aux règlements de zonage en vigueur s’appliquaient au fonds de terre de la contribuable. Ainsi, la Cour établit que, pour une période de huit ans, la totalité des 2,46 acres devait être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence de la contribuable. Dans sa décision, le juge Tremblay s’exprime ainsi : The designation of principal residence status being made for each year of ownership, it seems equitable that the critical time for demonstrating necessity would be also on a yearly basis73. Devant ces deux opinions divergentes, le Ministère a pris position en 198874 en faveur des conclusions du juge Reed dans l’affaire Joyner. Toutefois, la Cour fédérale d’appel se prononçait récemment sur le débat dans l’affaire Augart 75 dont les faits pertinents se résument comme suit : en 1966, le contribuable faisait l’acquisition d’une résidence située sur un fonds de terre de 8,99 acres. À cette époque, les règlements municipaux exigeaient qu’un bâtiment soit situé sur un fonds de terre d’une dimension minimale de 3 acres et les restrictions de morcellement empêchaient la subdivision des terrains de moins de 10 acres. Peu avant que le contribuable dispose de sa résidence en faveur de la municipalité en 1980, un nouveau règlement municipal est entré en vigueur stipulant qu’une résidence devait dorénavant être située sur un fonds de terre d’une dimension minimale de 80 acres, les fonds de terre existants d’une dimension inférieure étant réputés conformes au nouveau règlement. Étant donné l’existence du règlement municipal au moment de la disposition, le contribuable prétendait que la totalité du fonds de terre était nécessaire à l’usage et à la jouissance de sa résidence. Pour sa part, le Ministère soutenait que le contribuable pouvait «légalement» habiter sa résidence sur 3 acres et que l’excédent de 5,99 acres ne pouvait donc être considéré nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence. Il s’agissait de déterminer le moment critique pour apprécier la pertinence de l’existence d’un règlement municipal. À cet égard, les juges Heald et Robertson, majoritaires, ont décidé comme suit : A determination regarding the area of land to be deemed a principal residence should not, in my opinion, be resolved by the mechanical application of a single criterion such as a minimum lot size on the date 73 Ibid., à la p. 1519. «Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Fortieth Tax Conference, 1988 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1989), 53:9-188, question 55, aux pp. 53:154-55. 75 Supra, note 62. 74 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 384 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE of disposition. […] In conclusion, the minimum amount of property, zoned for residential use, that the appellant was legally required to have both at the time of purchase and at the moment before disposition was 8.99 acres 76. Il découle de cette décision que le moment critique pour évaluer le caractère nécessaire du fonds de terre excédant un demi-hectare est non seulement le moment de la disposition mais également le moment de l’acquisition. Par ailleurs, ont été pris en considération non seulement les règlements municipaux imposant une dimension de fonds de terre minimale mais, indirectement, ceux imposant des restrictions quant au morcellement. En effet, pour justifier 8,99 acres comme dimension du fonds de terre nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence du contribuable, les juges ont conclu qu’au moment de l’acquisition, le contribuable devait acheter la totalité du fonds de terre s’il voulait habiter cette résidence particulière située sur 8,99 acres de terrain étant donné l’existence du règlement interdisant la subdivision des fonds de terre d’une dimension inférieure à 10 acres. De plus, au moment de la disposition, les 8,99 acres étaient également nécessaires à l’usage et à la jouissance de la résidence puisqu’il existait un règlement municipal exigeant que les fonds de terre résidentiels soient d’une dimension minimale de 80 acres. Les juges majoritaires considéraient que ces conclusions n’étaient pas en contradiction avec la décision Yates. En effet, dans Yates, bien que le juge n’avait pas pris en considération le moment de l’acquisition de la résidence, la totalité du fonds de terre sur lequel elle était située à cette date, soit 10 acres, était soumis à l’application d’un règlement municipal exigeant cette dimension minimale. Les contribuables avaient donc dû faire l’acquisition des 10 acres de terrain. Pour l’auteure, le fait que les restrictions contenues dans les règlements municipaux sur la superficie minimale d’un fonds de terre de même que celles sur le morcellement soient considérées comme critère pertinent dans l’application du test de nécessité semble donner des résultats plutôt arbitraires. Comme les règlements municipaux en vigueur varient d’un endroit à l’autre au Canada, ce critère est certes susceptible d’être appliqué de façon variable selon l’endroit particulier où se trouve la résidence du contribuable. De plus, ces règlements municipaux ne sont pas statiques dans le temps. Ainsi, en appliquant le raisonnement qui se dégage de la décision Yates et qui a été suivi à plusieurs reprises, notamment par le juge Reed dans la décision Joyner, il en résulte de graves iniquités. Exemple : deux contribuables détiennent chacun, pendant une période de huit ans, une résidence située sur 4 hectares de terrain. Dans le cas du premier contribuable, les règlements municipaux en vigueur durant les quatre premières années de détention exigent cette dimension 76 Ibid., aux pp. 5209 et 5210. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 385 minimale pour le fonds de terre. Dans le cas du deuxième, un règlement municipal similaire est en vigueur, cette fois pour les quatre dernières années de détention. Selon la décision Joyner, le deuxième contribuable bénéficierait d’une exemption totale du gain en capital réalisé lors de la disposition de sa résidence, ainsi que du fonds de terre qui lui était adjacent. Par contre, pour le premier contribuable, une partie de son gain en capital réalisé lors de la disposition de sa résidence ne serait pas exemptée étant donné que l’excédent d’un demi-hectare de son terrain ne pourrait être considéré faire partie de sa résidence principale. Il semble que la décision Augart apporte un élément de solution en préconisant que les règlements municipaux, pour être considérés pertinents comme facteur d’évaluation du test de nécessité, devront être examinés à la fois à la date d’acquisition et au moment de la disposition. Toutefois, malgré cette solution, il demeure des iniquités possibles. Exemple : deux contribuables font chacun l’acquisition d’une résidence située sur un fonds de terre de 10 hectares alors qu’un règlement municipal en vigueur exige cette dimension minimale. Le règlement est par la suite aboli et le premier contribuable dispose de sa résidence. Deux ans plus tard, le deuxième contribuable dispose à son tour de sa résidence, immédiatement après que le règlement en question ait été remis en vigueur. En se fondant sur la décision Augart, faudrait-il conclure que le fonds de terre excédant un demi-hectare du deuxième contribuable serait considéré nécessaire à l’usage de sa résidence alors que celui du premier contribuable ne respecterait pas le test de nécessité ? Pour ces raisons, l’auteure préconise une application uniforme de ce test à tous les contribuables canadiens et souscrit aux conclusions du juge Tremblay dans Raper Estate 77 à l’effet que le caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant un demi-hectare s’évalue sur une base annuelle. Il en va de l’équité. De plus, cet argument est appuyé par le fait que la formule d’exemption contenue à l’alinéa 40(2)b) LIR requiert que le statut de résidence principale d’un bien soit déterminé sur une base annuelle; il devrait en être de même pour l’application du test de nécessité 78. Utilisation de la résidence Pour être admissible à titre de résidence principale durant chacune des années d’imposition pertinentes, la résidence doit être «normalement 77 Supra, note 47. Cette opinion est partagée par divers auteurs notamment, R.B. Thomas, «Recent Developments in Federal Taxation», dans Report of Proceedings of the Thirty-Fifth Tax Conference, 1983 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1984), 689-705, à la p. 705 : «Because the designation of principal residence status is made for each year of ownership, one wonders why the critical time for demonstrating necessity would not also be on a yearly basis.» et W.D. Gray, «Current Cases» (1989), vol. 37, n o 1 Revue fiscale canadienne 113-18. 78 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 386 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE habitée» dans l’année par le contribuable, son conjoint ou ex-conjoint ou par un de ses enfants. Des exceptions à cette condition sont prévues à l’alinéa b) de la définition de «résidence principale» contenue à l’article 54 LIR, qui fait en sorte qu’à défaut d’avoir été normalement habité, un bien à l’égard duquel le contribuable a fait un choix pour l’année conformément aux paragraphes 45(2) ou (3) peut être admissible comme résidence principale. Ces deux paragraphes concernent le changement d’usage dont le bien peut avoir fait l’objet, sujet traité plus loin dans cet article. Remarques préliminaires concernant la condition relative à l’utilisation de la résidence La Loi exige que le logement soit habité «au cours de l’année» par opposition à «pendant toute l’année», ce qui signifie qu’un contribuable peut être considéré avoir habité plus d’une résidence dans la même année, à condition qu’il ait habité chacune d’elles «au cours de l’année». Ainsi, le contribuable qui a vendu sa résidence principale dans une année et fait l’acquisition d’une autre résidence dans cette même année respecterait cette condition puisqu’il aurait habité chacune d’elles «au cours de l’année». Il pourrait alors désigner la résidence de son choix comme résidence principale durant cette année, à condition évidemment que les autres critères d’admissibilité soient respectés. Par ailleurs, le libellé de cette condition fait en sorte qu’un logement habité sur une base périodique seulement (telle qu’une résidence saisonnière habitée durant les vacances) respecterait cette exigence, malgré qu’elle n’ait été habitée que durant une courte période de temps. Outre cette exigence, la Loi stipule que le logement doit être «normalement» habité par le contribuable sans fournir de définition du terme. Il peut s’avérer intéressant de considérer l’interprétation que les tribunaux ont donnée, par le passé, à l’expression ordinarily resident contenue au paragraphe 250(3) LIR (qui se rapproche sensiblement de l’expression ordinarily inhabited) et particulièrement l’interprétation de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson79. Selon cette décision, «habiter normalement» une résidence signifierait une habitation qui s’inscrit dans le cours «normal» ou «habituel» du mode de vie du contribuable, compte tenu des circonstances particulières et du type de résidence en question. Cette condition relative à l’utilisation de la résidence comporte donc deux volets, l’un exigeant que le logement soit habité «au cours de l’année» et l’autre exigeant qu’il soit «normalement» habité. Dans le cas particulier de l’exemple d’une résidence saisonnière, les deux volets 79 Thomson c. MRN, [1946] CTC 51, à la p. 64 (CSC) : «It [the expression “ordinarily resident”] is held to mean residence in the course of the customary mode of life of the person concerned, and it is contrasted with special or occasional or casual residence. The general mode of life is, therefore, relevant to a question of its application.» (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 387 de cette exigence, telle que libellée, sont respectés. En effet, outre le fait que la résidence est habitée à un moment «au cours de l’année», une telle habitation peut certes être qualifiée de «normale», compte tenu qu’il s’agit d’une résidence saisonnière accessible en dehors des périodes de travail seulement. Dans le Bulletin d’interprétation IT-120R4, le Ministère fournit quelques précisions sur cette condition relative à l’utilisation de la résidence principale. Il indique qu’il n’est pas nécessaire qu’une résidence soit habitée «durant toute l’année» afin de respecter le critère; il suffit qu’elle ait été habitée suffisamment, compte tenu des faits pertinents reliés à chaque cas. Aucune distinction n’est faite quant aux deux volets que comporte la condition, tels qu’exposés. Il semble même qu’ils soient assimilés de façon à n’en faire qu’une seule exigence. Le Ministère ajoute par ailleurs une condition supplémentaire : Pour déterminer si un logement est “normalement habitée” dans une année d’imposition par le contribuable ou par le conjoint, l’ancien conjoint ou un enfant du contribuable, il faut s’appuyer sur les faits propres à chaque cas. Si une de ces personnes occupe un logement pendant une courte période au cours d’une année d’imposition (p. ex., dans le cas d’une résidence saisonnière occupée pendant les vacances du contribuable ou d’une maison qui a été vendue tôt ou achetée tard dans l’année d’imposition), selon le Ministère, le contribuable habite normalement le logement dans l’année, pourvu que le bien n’ait pas été acquis principalement dans le but d’en tirer ou de lui faire produire un revenu 80. (soulignement ajouté) La position administrative du Ministère apparaît plus généreuse pour le contribuable que le libellé de la Loi, étant donné que le Ministère assimile l’exigence de l’habitation «normale» à celle qui veut que la résidence soit habitée «au cours de l’année». Le Ministère semble davantage préoccupé par les raisons motivant la détention de la résidence que par l’exigence elle-même. Exemple : un contribuable qui possède un appartement en copropriété au centre-ville de Montréal devrait l’habiter «normalement» durant toute l’année étant donné qu’il travaille dans cette ville. Le contribuable habite cependant l’appartement durant quelques mois dans l’année et en fait la location le reste du temps — sans pour autant l’avoir acquis dans le but d’en tirer un revenu — alors que normalement, compte tenu des circonstances, il pourrait l’habiter durant toute l’année. L’appartement peut-il alors être considéré comme normalement habité par le contribuable au cours de l’année ? Il serait certes considéré comme habité «au cours de l’année» mais serait-il possible de le considérer comme «normalement» habité compte tenu des circonstances et du type de résidence ? À la lumière de l’interprétation du Ministère il y aurait lieu de répondre dans l’affirmative. Toutefois, si le libellé de la Loi, telle que 80 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 388 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE rédigée, devait être appliqué relativement à l’exigence que la résidence soit «normalement» habitée, il n’est pas certain que l’habitation de la résidence du contribuable soit jugée s’inscrire dans le cours normal ou habituel du mode de vie du contribuable. Une résidence, dans la ville où travaille le contribuable est habituellement habitée par ce dernier de façon continue durant l’année. Toutefois, si le contribuable cesse d’occuper sa résidence de ville pour une période de chaque année dans le cours habituel de son mode de vie, la résidence devrait être considérée «normalement habitée» par lui durant son absence. Pour sa part, dans l’exemple de la résidence saisonnière, elle respecterait à la fois les deux volets de la condition relative à l’utilisation de la résidence, même si elle devait être louée durant la période où le contribuable ne s’y rend pas, dans la mesure toutefois où le but principal de son acquisition n’ait pas été d’en tirer un revenu. Le fait que le Ministère ne dissocie pas les deux volets bien distincts de la condition relative à l’utilisation d’une résidence diminue l’importance de l’exigence que la résidence soit «normalement» habitée. Le Ministère a choisi de ne pas mettre l’accent sur l’exigence de l’habitation «normale», préférant plutôt laisser la porte ouverte à l’appréciation des faits de chaque cas particulier81. Interprétation donnée à l’expression «normalement habité au cours de l’année» par le contribuable Comme pour le terme «logement», aucune définition de cette expression n’est fournie par la Loi. Par ailleurs, tel que l’indique le Ministère, la question de savoir si une résidence a normalement été habitée au cours de l’année par le contribuable dépend des faits propres à chaque cas. Les tribunaux ont à quelques reprises examiné la question et interprété l’expression, sans toutefois apporter de distinctions sur ses différentes composantes tel que l’auteure suggère. Dans l’affaire Ennist82, le juge Taylor est d’avis qu’une visite d’une durée de 24 heures ne suffirait pas à respecter la condition relative à l’utilisation de la résidence. Les contribuables, monsieur et madame Ennist, ont fait une offre d’achat sur un appartement en co-propriété à Toronto avec l’intention d’en faire leur résidence principale. L’appartement était en construction et devait être prêt pour habitation quelques mois plus tard. Avant que la transaction ne soit conclue, monsieur Ennist, fonctionnaire 81 Le Ministère estime que cette question «dépend des faits propres à chaque cas». Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12. La charge de l’appréciation des faits particuliers à chaque cas est laissée aux tribunaux qui ont eu à quelques reprises l’occasion de se pencher sur la question. Le Ministère a également eu l’occasion d’interpréter une situation de faits particuliers. Voir l’Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 31 décembre 1990, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 90 RCT 231, à la p. 805,871, ouvrage dans lequel il confirme la position exprimée au numéro 12 du Bulletin d’interprétation IT-120R4. 82 Ennist et al. c. MRN, 85 DTC 669 (CCI). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 389 fédéral, était promu et devait dorénavant s’acquitter de ses fonctions à partir d’Ottawa. Plutôt que de demander un remboursement de leur dépôt du constructeur pour l’achat de l’appartement, les contribuables ont conclu la transaction d’achat et pris les dispositions nécessaires pour le vendre. Étant donné le contexte économique favorable à l’époque, l’appartement s’est vendu à profit. Il a été démontré qu’une fois la transaction d’achat conclue et avant la vente de l’appartement, les contribuables l’ont occupé pour une période de 24 heures. Il est également pertinent de mentionner qu’après le départ de monsieur Ennist pour Ottawa, madame Ennist est demeurée à Toronto dans l’appartement que les époux louaient jusqu’à ce moment. Après avoir examiné la définition des mots «normalement» et «habité» le juge est arrivé à la conclusion qui suit : However, when one combines the two critical words in the phrase “ordinarily inhabited,” and puts forward as a definition the expression “in most cases, usually or commonly occupied as an abode” (a combination of the definitions provided above), I am quite prepared to say that the “24-hour stay” did not fill that requirement83. Par ailleurs, dans l’affaire Shlien84 où le juge Couture avait à examiner cette condition voulant que la résidence d’un contribuable soit «normalement habitée» pour être admissible à titre de «résidence principale», il était d’avis que l’habitation doit constituer plus qu’une visite occasionnelle, ce qui était le cas du contribuable en l’espèce : Paragraph 54(g)(i) refers to housing unit which is “ordinarily inhabited” in the year by the taxpayer. This to me implies much more than a place where one would visit occasionally or use for certain purposes other than ordinary habitation. The determination of which one of many residences may be a taxpayer’s “principal residence” must be done in the light of all the circumstances 85. Il se dégage de ces décisions, comme dénominateur commun, que l’expression «normalement habité» requiert que le contribuable occupe la résidence de façon permanente, par opposition à des visites occasionnelles86. Aussi, un séjour d’une courte durée mais qui 83 Ibid., à la p. 673. Au même effet, le juge Martin dans Mintenko, supra, note 65, indique qu’une brève visite ne suffirait pas à remplir la condition voulant que la résidence du contribuable soit «normalement habitée». 84 Shlien c. MRN, 88 DTC 1152 (CCI). 85 Ibid., à la p. 1154. Au même effet, voir la décision récente dans Standhaft et al. c. La Reine, 94 DTC 1543 (CCI). 86 Voir à ce sujet les commentaires du juge Taylor dans Andronis c. MRN, 77 DTC 134, à la p. 137 (CRI) : Without coming to any final conclusion on this point, the Board would put forward the view that to comply with the term “ordinarily resident” would necessitate an occupancy of some more obvious permanence and duration than that implied by merely taking up temporary residence for the express purpose of proposing that this transitory act should, in itself, fulfill the requirements and qualifications under the Income Tax Act for a “principal residence.” (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 390 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE impliquerait un certain degré de permanence suffirait à qualifier la résidence du contribuable de «normalement habitée dans l’année». Néanmoins, une période trop courte, par exemple une visite de 24 heures ou un séjour de quelques fins de semaines, ne suffirait pas à satisfaire aux conditions de ce critère. Un séjour d’une trop courte durée démontre habituellement le caractère non permanent ou occasionnel de la visite. Après avoir conclu que le critère d’utilisation de la résidence principale exige que le contribuable l’habite pour une période de temps minimale, il s’ensuit que la simple intention d’aller habiter une résidence particulière sans qu’il n’y ait effectivement habitation, ne pourrait être considérée. Le contribuable doit en effet habiter la résidence dans les faits pour une période de temps afin qu’elle puisse être admissible à titre de résidence principale. La seule intention initiale de l’habiter et d’en faire sa résidence principale, ayant par la suite été frustrée pour diverses raisons, ne suffirait pas à satisfaire l’exigence de la Loi 87. La question de savoir si le contribuable, qui a fait l’acquisition d’une résidence dans le but d’en faire sa résidence principale sans qu’il lui soit possible de le faire, peut être considéré l’avoir normalement habitée, s’est posée à quelques reprises devant les tribunaux. À cet égard, ils sont unanimes à dire que l’intention du contribuable dans un tel contexte n’est pas pertinente. La question de l’intention du contribuable lors de l’achat d’une résidence ne sera pertinente que pour déterminer si le bien a été acquis à des fins spéculatives ou non. Dans les cas où telle n’était pas l’intention du contribuable, le gain réalisé lors de la disposition ultérieure de la résidence serait considéré de nature capitale par opposition à un revenu. Le juge Tremblay rappelle cet état de fait dans la décision Woods88 où il s’agissait d’un contribuable qui avait entrepris la construction d’un immeuble dans le but d’en faire sa résidence principale. Avant que le contribuable ne puisse aménager la résidence, il était muté dans une autre province par son employeur. Les commentaires du juge Tremblay à l’égard de cette situation sont les suivants : The intention of the appellant however in the present case had not the same influence as if the crux of the matter would be to know whether the profit is a capital gain or a revenue. Then the intention at the time of acquisition of a property can become an important factor89. En définitive la question de savoir si une résidence a été normalement habitée pendant une année d’imposition par le contribuable doit être examinée à la lumière des faits entourant la 87 Voir Haber c. La Reine, 83 DTC 5004 (CF 1 re inst.). Woods c. MRN, 78 DTC 1576 (CRI). 89 Ibid., à la p. 1578. À l’appui de cette assertion, voir la décision Ennist, supra, note 82. 88 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 391 situation, sans prendre en considération l’intention du contribuable d’habiter effectivement la résidence. Construction d’une résidence principale sur un terrain vacant Un terrain vacant acquis par un contribuable dans le but d’y construire sa résidence principale, n’est admissible à ce titre qu’à partir de l’année où la résidence y est érigée. Cette affirmation tire sa justification d’une part, du fait que la définition de résidence principale, contenue à l’article 54 LIR, stipule qu’elle doit d’abord être un «logement» qui est réputé comprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent. D’autre part, un terrain vacant ne pourrait être considéré comme «normalement habité» par le contribuable dans l’année. Ainsi, un contribuable qui acquiert un terrain vacant dans une année et qui, par la suite y construit sa résidence principale, ne pourrait la désigner à ce titre que pour les années où elle a été normalement habitée. Par ailleurs, le contribuable serait considéré être propriétaire de la résidence depuis l’année de l’acquisition du terrain vacant, aux fins de l’application de la formule de calcul de la partie exemptée du gain en capital énoncée à l’alinéa 40(2)b) LIR. Or, dans ces circonstances, une partie du gain en capital se rapportant à l’immeuble, réalisé lors de la disposition de la résidence et du fonds de terre sur lequel elle est située se trouverait inévitablement assujettie à l’impôt. Exemple : en 1985, un contribuable acquiert un terrain vacant pour la somme de 20 000 $. Il y érige sa résidence principale en 1988 et commence immédiatement à l’habiter. Le coût total de la construction s’élève à 50 000 $. En 1993, le contribuable dispose de la résidence et de la totalité du fonds de terre sur lequel elle avait été érigée pour une considération totale de 100 000 $ répartis comme suit : 75 000 $ est attribuable à la résidence, 25 000 $ correspond au terrain. Étant donné que le contribuable a normalement habité sa résidence durant toutes les années de détention, il serait raisonnable de considérer que la partie du gain en capital se rapportant à l’immeuble, en l’occurrence 25 000 $, soit totalement exempte d’impôt. Quant au gain en capital se rapportant au fonds de terre lui-même, c’est-à-dire 5 000 $, il devrait être exempté pour les 7/9 selon la formule contenue à l’alinéa 40(2)b) LIR, à savoir : 5 000 $* × 1 + 6(1988 à 1993) = 3 888 $** 9(1985 à 1993) * partie du gain en capital correspondant à la disposition du terrain ** partie exemptée du gain en capital Au total, 28 888 $ du gain en capital total de 30 000 $ devraient être exempts d’impôt. Mais, comme la formule opère le calcul sans distinction entre le gain en capital correspondant à l’immeuble et celui correspondant au fonds de terre, une partie du gain en capital correspondant à l’immeuble se trouve assujettie à l’impôt dans ces circonstances particulières : (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 392 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE 30 000 $* × 1 + 6(1988 à 1993) = 23 333 $** 9(1985 à 1993) * gain en capital total ** partie du gain en capital total exemptée d’impôt Cette façon de calculer produit des résultats inéquitables pour le contribuable. Conscient de ce problème, le Ministère énonce dans son Bulletin d’interprétation IT-120R4 qu’il s’agit néanmoins de la méthode de calcul appropriée : Si un contribuable acquiert un fonds de terre au cours d’une année d’imposition et y construit un logement au cours d’une année subséquente, il ne peut désigner le bien comme une résidence principale pour les années qui précèdent l’année où le contribuable, son conjoint, son ancien conjoint ou son enfant commence à habiter normalement le logement. Les années précédentes (au cours desquelles le contribuable n’était propriétaire que du fonds de terre vacant ou du fonds de terre sur lequel il y avait un logement en construction) ne figureraient pas dans le numérateur […]. Toutefois, toutes les années à compter de l’année au cours de laquelle le contribuable a acquis le fonds de terre vacant figureraient dans le dénominateur […]. Par conséquent, il est possible que, au moment de la disposition ultérieure du bien, l’exemption pour résidence principale élimine une partie seulement du gain calculé par ailleurs90. Dans le calcul de la partie du gain en capital exemptée aux fins de l’alinéa 40(2)b) LIR, il n’est pas logique d’inclure au dénominateur de la formule les années d’imposition au cours desquelles le contribuable possédait le terrain alors qu’il était vacant. En effet, l’exemption accordée à l’alinéa 40(2)b) se rapporte à une «résidence principale». En vertu de la définition de ce terme contenue à l’article 54 LIR, la résidence principale du contribuable est son «logement» et est réputée comprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent à ce logement. Or, tant qu’un logement n’est pas érigé sur le terrain il ne saurait être question de parler d’une résidence principale, qui par ailleurs ne serait pas admissible à ce titre étant donné l’absence d’habitation normale. En définitive, un calcul distinct devrait être effectué pour les années pré-construction et post-construction. Dans l’exemple, la partie du gain en capital se rapportant à l’immeuble pourrait alors faire l’objet d’une exemption totale, alors que seule une partie du gain en capital se rapportant au terrain serait exemptée, ce qui serait une solution beaucoup plus équitable. Désignation de la résidence La définition de résidence principale contient une condition relative à la désignation qui doit être respectée pour chacune des années 90 Numéro 16. Cette position se retrouve également dans «Revenue Canada Round Table», dans Report of the Thirty-Second Tax Conference, 1980 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1981), 591-628, question 24, aux pp. 609-10. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 393 d’imposition où le contribuable cherche à qualifier une résidence de résidence principale. Elle doit être désignée comme résidence principale du contribuable pour chacune des années, en la forme et selon les modalités réglementaires, soit en remplissant le formulaire T -2091 ( IND) 91. L’article 2301 du Règlement de l’impôt sur le revenu92 prescrit les modalités de désignation : Toute désignation effectuée par un contribuable en vertu du sous-alinéa 54g)(iii) de la Loi doit être faite dans la déclaration de revenu qu’il est tenu, en vertu de l’article 150 de la Loi, de produire pour chaque année d’imposition au cours de laquelle a) il a disposé d’une propriété devant être désignée comme sa résidence principale; ou b) il a accordé une option relativement à l’acquisition de ladite propriété. La désignation en question est donc effectuée en produisant le formulaire T -2091 avec la déclaration d’impôt du contribuable pour l’année de la disposition de la résidence ou l’année où une option d’achat est accordée93. Il est à noter toutefois que la position administrative du Ministère est à l’effet que la désignation n’a pas à être produite avec la déclaration d’impôt du contribuable lorsque la totalité du gain en capital réalisé lors de la disposition de la résidence principale est exemptée d’impôt. Cette position est énoncée au numéro 13 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 : [I]l n’est pas obligatoire de remplir et de produire la formule T2091 avec la déclaration de revenus du contribuable, à moins qu’il ne reste un gain en capital imposable réalisé au moment de la disposition du bien après utilisation de l’exemption pour résidence principale. Curieusement, et contrairement à sa pratique habituelle, le ministère du Revenu du Québec exige pour sa part que soit produit le formulaire prescrit (TP-274) avec la déclaration d’impôt du contribuable pour l’année d’imposition pendant laquelle la résidence principale a été aliénée, que le gain en capital qu’il réalise soit ou non exempté en totalité après soustraction du montant du gain exempté94. Par ailleurs, le contribuable, de même que tous les membres de sa famille, ne doivent avoir désigné, directement ou indirectement par l’entremise d’une fiducie, aucune autre résidence pour ces mêmes années d’imposition. Aux de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR, le terme «famille» comprend deux conjoints, qui ne vivent pas séparés en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord 91 Le formulaire à compléter aux fins de la Loi sur les impôts du Québec est le TP-274. CRC (1978), c. 945, tels que modifiés. 93 Voir l’article 49 LIR. 94 «Table ronde sur la fiscalité provinciale», dans Congrès 1994 (Montréal : Association de planification fiscale et financière, 1995), 30:1-53, question 1.5, à la p. 30:6. 92 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 394 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE écrit de séparation95, ainsi que tous les enfants de ces conjoints qui ne sont pas mariés et qui ont moins de 18 ans. Une seule résidence par famille pourra faire l’objet d’une désignation pour chaque année d’imposition, limitant ainsi la possibilité de doubler l’exemption de gains en capital réalisés lors de la disposition d’une résidence principale, à l’intérieur d’une même famille. Une seule résidence principale par famille ne veut pas dire que lorsque deux conjoints détiennent leur résidence en copropriété indivise, un seul de ces derniers pourra effectuer une désignation pour la moitié de la résidence. Ils pourront chacun désigner le bien comme résidence principale et bénéficier de l’exemption. De plus, si l’un des conjoints désigne un tel bien détenu en commun comme résidence principale, l’autre conjoint aura tout avantage à le faire étant donné que, depuis 1982, une seule résidence par famille peut faire l’objet de la désignation 96. Dans ce dernier cas toutefois, il doit s’agir d’un «même bien» détenu «conjointement» par les deux membres de la famille. Exemple : si un contribuable était propriétaire d’une résidence située sur un lot de terre (n o 100) et que son épouse était propriétaire du lot (n o 101) immédiatement adjacent (et dont la superficie totale ne dépasserait pas un demi-hectare) ce dernier lot ne pourrait être désigné comme résidence principale pour une année d’imposition dans la mesure où le contribuable désigne lui-même sa résidence située sur le lot no 100 comme résidence principale. D’une part, le fonds de terre détenu par l’épouse ne respecterait pas les critères de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR étant donné qu’il ne s’agit pas d’un «logement» et, d’autre part, il ne pourrait pas faire l’objet d’une désignation puisqu’une seule résidence par famille ne peut être désignée comme résidence principale pour une année d’imposition97. Si les deux lots avaient été détenus conjointement par les époux et que le lot no 101 immédiatement adjacent était aliéné, pourrait probablement faire l’objet d’une désignation (sujet aux commentaires précédents concernant les 95 Des conjoints qui vivraient séparés pendant une année d’imposition, sans séparation judiciaire ni accord écrit de séparation, ne pourraient désigner qu’une seule résidence comme résidence principale entre eux pour ladite année d’imposition. Voir l’Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 1 er octobre 1992, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 92 RCT 230, à la p. 810,553. 96 Voir le numéro 10 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui énonce : Lorsqu’un gain est réalisé au moment de la disposition d’un bien appartenant à un contribuable et à son conjoint […] les conjoints ont chacun un gain au moment de la disposition. Si l’un des conjoints désigne le bien comme sa résidence principale pour une année d’imposition après l’année d’imposition de 1981, l’autre conjoint doit aussi envisager de désigner de la même façon le même bien, car […] nul autre bien ne peut être désigné comme résidence principale de cet autre conjoint pour cette année-là. 97 Voir Can-Am Realty Limited et al. c. La Reine, 94 DTC 6293, à la p. 6303 (CF 1 re inst.) (en appel). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 395 dispositions partielles) avec le reste de la résidence, comme disposition d’une partie de résidence principale et, lors de la disposition de la résidence, elle serait également reconnue comme résidence principale pour les années d’imposition pour lesquelles la désignation aurait été faite 98. Propriété de la résidence La quatrième condition à respecter à l’égard de la définition d’une résidence principale à l’article 54 LIR a trait à la propriété de la résidence. La résidence doit «appartenir» au contribuable conjointement avec une autre personne ou autrement afin de se qualifier de résidence principale. Sens attribué au terme «propriété» La Loi ne définit pas le terme «propriété». En principe, la signification de ce terme devrait tirer sa source dans le droit civil applicable dans la province de Québec ou dans la Common Law si l’on se trouve dans les autres provinces. Au Québec, la propriété d’un bien est désignée en fonction de son démembrement, c’est-à-dire le droit d’usage ou d’habitation lorsqu’une personne n’a que le droit d’utiliser le bien (l’usus), l’usufruit du bien lorsque cette personne a à la fois le droit d’utiliser le bien et d’en tirer les revenus (l’usus et le fructus), et la nue-propriété d’un bien qui comporte le droit de l’aliéner (l’abusus) et qui s’assimile au legal ownership de la Common Law. Le législateur, ainsi que le Ministère, reconnaissent les particularités du système de droit civil applicable au Québec par opposition aux juridictions de Common Law en ce qui concerne les principes de la propriété d’un bien. Le numéro 6 du Bulletin d’interprétation IT-437R99 apporte cette précision : Puisque la province de Québec est une juridiction de droit civil et non une juridiction de common law, le paragraphe 248(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit une série de règles spéciales, aux fins de l’impôt sur le revenu, en ce qui a trait à cette province. Le paragraphe 248(3) LIR vient réputer un usufruit, un droit d’usage ou d’habitation et une substitution (institutions du droit civil) comme étant des fiducies aux fins du droit fiscal, et les biens sujets à ces institutions sont réputés être détenus en fiducie. De plus, les personnes qui ont le droit immédiat ou futur et conditionnel ou non de recevoir tout ou partie du revenu ou du capital relativement à un bien sujet à un usufruit, un droit d’usage ou d’habitation ou à une substitution sont réputées avoir un droit de bénéficiaire dans ladite fiducie. Aussi, si le 98 99 Voir le numéro 24 du Bulletin d’interprétation IT-120R4. «Propriété d’un bien (résidence principale)», le 21 février 1994. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 396 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE bien détenu en fiducie est admissible à titre de résidence principale, la fiducie réputée qui en dispose peut demander l’exemption de gains en capital pour résidence principale afin de réduire tout ou partie du gain en capital réalisé, dans la mesure où toutes les autres conditions de l’article 54 LIR sont respectées. En effet, aux termes des modifications apportées à la définition de «résidence principale» à l’article 54, une fiducie personnelle peut réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale, tel qu’il sera discuté ci-après. Ainsi, un droit d’usufruit100 est réputé être une fiducie, même s’il ne s’agit pas d’une fiducie en droit civil, et les biens assujettis à un usufruit sont réputés être détenus en fiducie101. Les usufruitiers et le nu-propriétaire sont assimilés aux bénéficiaires de la fiducie car ils sont réputés avoir un droit de bénéficiaire dans la fiducie 102. Or, l’usufruitier serait considéré comme détenteur d’une participation au revenu de la fiducie et le nu-propriétaire serait considéré détenir une participation dans le capital de la fiducie. À ce titre, la disposition par un usufruitier de son droit d’usufruit correspondrait à la disposition de son intérêt dans la fiducie et non du bien détenu par la fiducie réputée et qui constitue une résidence principale. L’usufruitier ne pourrait donc pas bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Il en serait de même pour le nu-propriétaire qui disposerait de la nue-propriété du bien car il serait considéré disposer de sa participation dans la fiducie aux fins de la Loi103. Selon l’ancien paragraphe 248(3) LIR, une personne ayant un droit d’usufruit était réputée détenir la propriété effective du bien assujetti à l’usufruit. Étant donné que le bénéficiaire d’un usufruit sur un bien immeuble est habituellement la personne qui l’habite normalement et, qu’aux fins de la Loi, l’usufruitier était considéré détenir la propriété de fait de l’immeuble, les conditions énoncées à l’article 54 LIR étaient considérées être respectées et il pouvait bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale lors de la disposition de son droit d’usufruit. Quant au nu-propriétaire, il était considéré, avec l’usufruitier, avoir la propriété du bien immeuble, situation qui respecte le libellé de la définition de résidence principale à l’article 54 qui stipule que le bien doit appartenir «au contribuable conjointement avec une autre personne ou autrement». Toutefois, le nu-propriétaire ne pouvait bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale lors de la disposition du bien immeuble qu’à la condition où 100 Pour un exposé plus détaillé sur l’usufruit voir Luc Massé, «L’usufruit et l’impôt sur le revenu» (1992), vol. 14, n o 1 Revue de planification fiscale et successorale 1-45. 101 Alinéa 248(3)a) LIR. 102 Alinéa 248(3)e) LIR. 103 Ces conclusions sur le droit d’usufruit sont conformes à l’Interprétation technique en date du 30 juillet 1991 émise par la Division des services bilingues et des ressources industrielles que l’on retrouve dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 240, à la p. 808,216. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 397 il habitait normalement la résidence. Cette situation pouvait donc se produire lorsque le contribuable qui était le nu-propriétaire de la résidence l’habitait avec son conjoint et/ou ses enfants qui étaient euxmêmes usufruitiers de la résidence. Le droit d’un usufruitier acquis après 1990 est toutefois maintenant soumis aux règles exposées plus haut. Détention par une société Le libellé de l’article 54 ne permettrait pas la détention indirecte d’une résidence principale par l’entremise d’une société qui ne pourrait par conséquent réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale lors de la disposition d’une résidence qu’elle détient. Néanmoins, le Ministère indique, au numéro 11 de son Bulletin d’interprétation IT-120R 4, qu’en dépit du fait que la société elle-même n’ait pas droit à l’exemption de gains en capital pour résidence principale, un membre de la société pourrait y avoir droit : Un logement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action du capital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporation peut être un bien de société. La société n’est pas un contribuable et ne peut pas utiliser l’exemption pour résidence principale au moment de la disposition de ce bien. Toutefois, un membre de la société pourrait utiliser l’exemption pour résidence principale pour réduire ou éliminer la partie de tout gain réalisé au moment de la disposition du bien qui lui est attribué conformément à la convention de société, pourvu qu’il satisfasse aux autres exigences de l’alinéa 54g) (p. ex., l’associé a résidé dans le logement de la société pour les années en question). Ainsi, un associé qui habiterait normalement, comme résidence principale, un immeuble détenu par la société, pourrait réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale, dans la mesure où le gain réalisé lors de la disposition de cet immeuble est attribué à cet associé en particulier aux termes de la convention de société. Détention par une fiducie Jusqu’en 1990, seules les fiducies établies au profit du conjoint au sens du paragraphe 70(6) ou 73(1) LIR avaient droit à l’exemption de gains en capital pour résidence principale à l’égard d’un bien qu’elle détenait104. Avant 1991, lorsqu’une fiducie personnelle quelconque détenait une résidence qui devait faire l’objet d’une disposition, la fiducie devait, pour avoir droit à l’exemption de gains en capital pour résidence principale, distribuer d’abord la résidence à un bénéficiaire du capital de la fiducie. En vertu du paragraphe 40(7) LIR, lorsqu’une fiducie personnelle remet un bien à un bénéficiaire en acquittement de 104 «Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Forty-First Tax Conference, 1989 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1990), 45:30-60, question 25, aux pp. 45:45-46. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 398 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE tout ou d’une partie de sa participation au capital de la fiducie et que cette distribution s’effectue sur une base de roulement selon le paragraphe 107(2) LIR, le bénéficiaire qui en dispose par la suite est réputé, aux fins du calcul de l’exemption de gains en capital pour résidence principale, avoir été le propriétaire de la résidence depuis que la fiducie l’a acquise pour la dernière fois. Ainsi, si le contribuable qui reçoit la résidence l’a normalement habitée durant les années précédant la distribution ainsi qu’après, la résidence peut être admise et désignée comme résidence principale pour toutes les années où elle était détenue par la fiducie et par le contribuable lui-même et donc, la totalité du gain en capital réalisé peut être exemptée. À la suite des modifications apportées à la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR105 et applicables aux dispositions effectuées après 1990, les fiducies personnelles, en plus des fiducies au profit du conjoint, peuvent bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. La fiducie personnelle peut désigner, pour une année d’imposition, un bien qu’elle détient comme résidence principale lorsqu’elle est normalement habitée au cours de l’année par un «bénéficiaire déterminé» de la fiducie, par le conjoint ou l’ancien conjoint de ce bénéficiaire ou par un de ses enfants. Un bénéficiaire déterminé de la fiducie est un particulier qui a un droit de bénéficiaire dans la fiducie106 et qui habite normalement le logement ou dont le conjoint, l’ancien conjoint ou un enfant l’habite. Afin que la fiducie personnelle puisse avoir droit à l’exemption de gains en capital sur la résidence qu’elle détient, les conditions suivantes doivent être réunies : • le bien doit faire l’objet d’une désignation, dans la forme et selon les modalités réglementaires107, comme étant la résidence principale de la fiducie pour l’année; • la désignation doit comporter le nom de chacun des bénéficiaires déterminés; • aucune société ou corporation, à l’exception d’un organisme de charité enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la fiducie au cours de l’année; et • aucune autre résidence n’a fait l’objet d’une désignation pour l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie ou par toute autre personne membre de la famille du bénéficiaire. Ainsi, une seule résidence principale pourra être désignée directement ou indirectement par l’entremise d’une fiducie par une même famille pour une année d’imposition. 105 LC (1994), c. 7, annexe VIII, paragraphe 16(1). C’est-à-dire un bénéficiaire du revenu ou du capital de la fiducie : paragraphe 248(25) LIR. 107 Formulaire T1079. 106 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 399 Les nouvelles règles qui permettent à toutes les fiducies personnelles de réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale, offrent dorénavant une plus grande souplesse dans la planification entourant la détention d’une résidence qu’un contribuable habite normalement et qu’il veut désigner comme sa résidence principale. RÈGLES RELATIVES AU CHANGEMENT D’USAGE D’UN BIEN À la section du calcul des gains et pertes en capital, la Loi prévoit des règles particulières concernant le changement d’usage d’un bien, notamment concernant le choix que peut effectuer un contribuable lors d’un tel changement d’usage. Changement complet d’usage d’un bien utilisé à une seule fin Lorsqu’un contribuable a acquis un bien à une autre fin et commence, à un moment ultérieur, à l’utiliser en vue de gagner un revenu ou vice-versa, le paragraphe 45(1) LIR prévoit qu’il est réputé avoir disposé du bien et l’avoir réacquis aussitôt pour un montant égal à sa juste valeur marchande. Il s’agit d’une disposition présumée qui résulte de l’application de la Loi et qui implique nécessairement la réception par le contribuable du produit de disposition réputé. Bien que ce dernier principe semble être logique, il a néanmoins fait l’objet d’un litige dans l’affaire Derlago108. Il s’agissait d’une situation où les règles relatives au changement d’usage d’un bien s’appliquaient et où le contribuable était réputé avoir disposé d’un bien qu’il utilisait pour gagner un revenu qu’il a commencé à utiliser comme résidence principale. Il prétendait que l’alinéa 45(1)a) LIR ne prévoyait pas expressément que le produit de disposition présumée était réputé reçu au moment de la disposition présumée mais qu’il était plutôt reçu à un moment ultérieur. Devant cet argument, le juge Martin conclut : As applied to this matter it means that when the plaintiff changed the purpose for which he was using the property in 1980, he was deemed to have sold it in 1980 for an amount equal to its fair market value. I can find nothing in that which would lead me to conclude that some portion or all of the deemed proceeds should be deemed to be payable after the end of the plaintiff’s 1980 taxation year. If I am to deem that the plaintiff sold his property in 1980 for a specific sum of money, I would assume, in the absence of any provision to the contrary, that he received the proceeds at the time of the disposition. My view in this respect is reinforced by subparagraph (iv) of section 45(1)(a) which provides that immediately after the taxpayer is deemed to have sold the property, he is deemed to have reacquired it for the same price. This indicates to me, in this fictional world of taxation, that Parliament must have intended the deemed proceeds to have been received by the plaintiff because it 108 Derlago c. La Reine, 88 DTC 6290 (CF 1re inst.). (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 400 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE provided for the expenditure of the proceeds by the plaintiff immediately after their creation109. Le contribuable est donc présumé avoir disposé du bien faisant l’objet d’un changement d’usage complet, avoir reçu un produit de disposition réputé égal à la juste valeur marchande du bien et l’avoir réacquis aussitôt pour un coût égal à cette somme. Il réalise donc à ce moment un gain égal ou une perte égale à la différence entre la juste valeur marchande du bien et son prix de base rajusté. Changement d’usage de résidence principale à un bien produisant un revenu Lorsqu’un contribuable a complètement converti un bien utilisé à une autre fin, notamment comme résidence principale, en un bien produisant un revenu, les règles sur le changement d’usage d’un bien décrites plus haut sont applicables et le contribuable peut utiliser l’exemption des gains en capital pour résidence principale afin d’éliminer ou de réduire le gain réalisé au moment de la disposition présumée. Le contribuable peut toutefois faire un choix en vertu du paragraphe 45(2) LIR aux fins d’être réputé ne pas avoir effectué le changement d’usage du bien et peut donc reporter la réalisation de tout gain à une année ultérieure, possiblement au moment de la disposition réelle de la résidence ou jusqu’à une année d’imposition ultérieure où il révoque ce choix. Le choix est également considéré révoqué le 1 er jour de l’année d’imposition pour laquelle le contribuable demande une déduction pour amortissement à l’égard du bien. La Loi ne précise pas la façon dont ce choix doit être effectué. Toutefois, le Ministère indique, au numéro 31 de son Bulletin d’interprétation IT -120R 4, que le choix s’effectue au moyen d’une lettre signée par le contribuable et produite avec sa déclaration de revenus pour l’année au cours de laquelle le changement d’usage a eu lieu. La politique actuelle du Ministère, ainsi que celle du ministère du Revenu du Québec, sont à l’effet d’accepter un choix produit tardivement dans la mesure où aucune déduction pour amortissement n’a été demandée pour le bien depuis le changement d’usage et pendant la période où le choix demeure en vigueur110. Bien qu’en principe le contribuable puisse, en vertu du choix du paragraphe 45(2) LIR, éviter l’application des règles relatives au changement d’usage d’un bien, à partir de ce moment, le bien ne pourrait être admissible à titre de résidence principale. En effet, le contribuable ayant commencé à utiliser le bien en vue de gagner un revenu, le bien ne pourrait être considéré comme «normalement habité» durant ces années d’imposition. La définition de résidence principale à 109 Ibid., à la p. 6291. Numéro 31 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 et paragraphe 5 du IMP. 281-1, «Règles relatives au changement dans l’usage d’un bien aux fins du calcul des gains et pertes en capital», le 30 novembre 1994. 110 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 401 l’article 54 permet toutefois qu’un bien soit admis et désigné comme résidence principale du contribuable pour un maximum de quatre années d’imposition au cours desquelles un choix effectué en vertu du paragraphe 45(2) est en vigueur. Il est à noter que pour tirer avantage de cette possibilité, le contribuable doit être résident canadien ou réputé résider au Canada étant donné le libellé de la formule de calcul de la partie exemptée du gain en capital pour résidence principale prévue à l’alinéa 40(2)b). Évidemment, si le bien faisant l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) est désigné comme résidence principale du contribuable au cours d’une année, aucun autre bien ne pourra, au cours de cette même année d’imposition, être désigné comme tel par le contribuable ou par un autre membre de l’unité familiale. En vertu du choix effectué selon le paragraphe 45(2), «le contribuable est réputé ne pas avoir commencé à utiliser le bien en vue de gagner un revenu». Tout revenu, par exemple un revenu de location à l’égard du bien, devra cependant être déclaré aux fins de l’impôt et les dépenses afférentes, incluant les intérêts sur un prêt hypothécaire111 mais à l’exception de la déduction pour amortissement, pourront être déduites, tant et aussi longtemps que le choix est en vigueur112. Un choix effectué en vertu du paragraphe 45(2) permet au contribuable, d’une part, d’être réputé ne pas avoir commencé à utiliser sa résidence en vue de gagner un revenu et, d’autre part, de désigner cette résidence comme résidence principale pour quatre années d’imposition au cours desquelles le choix est en vigueur. Dans une interprétation technique récente113, le Ministère émet l’opinion à l’effet que «Where the four-year principal residence designation expired prior to a sale, the property would be deemed to have been disposed off and reacquired under the change-in-use rules». Cette opinion semble étrange puisque rien dans la Loi ne prévoit que lorsqu’une résidence fait l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) et qu’elle peut par ailleurs être désignée comme résidence principale pour une période de quatre ans, une disposition présumée surviendrait nécessairement à l’expiration de ces quatre ans. Selon cette interprétation, si le contribuable choisit de désigner la résidence faisant l’objet du choix du paragraphe 45(2) comme résidence principale, ce choix ne pourrait s’appliquer que pour une période maximale de quatre ans. Le libellé du paragraphe 45(2) ne prévoit aucune telle règle. Lorsque le changement d’usage de résidence principale à bien produisant un revenu résulte du fait que le contribuable a changé de lieu d’emploi, la limite de quatre années pour lesquelles un bien faisant 111 Interprétation technique de la Division des industries financières, le 28 mars 1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 184, à la p. 807,918. 112 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 32. 113 Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 28 mai 1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 234, à la p. 808,210. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 402 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) peut être désigné comme résidence principale est supprimée. En effet, selon l’article 54.1 LIR , cette limite est étendue indéfiniment si les conditions suivantes sont réunies : • le contribuable n’habite pas normalement sa résidence pendant une année visée par le choix prévu au paragraphe 45(2) en raison du changement du lieu de son emploi ou de celui de son conjoint; • l’employeur n’est pas lié au contribuable ou à son conjoint; • la résidence est plus éloignée d’au moins 40 kilomètres de son nouveau lieu d’emploi ou de celui de son conjoint selon le cas, que son nouveau lieu de résidence; et • le contribuable recommence à habiter sa résidence pendant la durée de son emploi (ou de celui de son conjoint) chez cet employeur ou avant l’année d’imposition qui suit immédiatement celle au cours de laquelle cet emploi se termine ou encore, le contribuable meurt pendant la durée de cet emploi. Le paragraphe 45(1) LIR prévoit des règles qui s’appliquent «lors d’un changement d’usage». Dans certains cas, il est plus difficile de déterminer s’il y a eu ou non un changement d’usage au sens de la Loi. Exemple : en 1990, un contribuable acquiert une résidence pour en faire sa résidence principale. Il l’habite normalement jusqu’en novembre 1992 et, à ce moment a l’intention de la mettre en location. Toutefois, il ne la loue qu’à partir de janvier 1994. Étant donné que le contribuable n’habite plus normalement la résidence depuis novembre 1992, elle ne pourrait en principe être admissible à titre de résidence principale à partir de l’année d’imposition 1993, à moins qu’elle ne fasse l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2), choix qui ne peut être effectué que dans la mesure où il y a eu un changement d’usage. À cet égard, le sous-alinéa 45(1)a)(i) LIR stipule qu’il y a changement d’usage d’un bien acquis à une autre fin à un moment postérieur où le contribuable commence à l’utiliser en vue de gagner un revenu. Dans ce contexte, l’intention du contribuable en novembre 1992 serait-elle pertinente ? Les tribunaux se sont prononcés à deux reprises 114 à l’effet que l’intention du contribuable lors de l’acquisition d’un bien ne peut prévaloir sur l’utilisation effective qui en est faite. Dans ces deux cas, les contribuables cherchaient à éviter l’application des règles de changement d’usage en prétendant qu’un bien qu’ils avaient utilisé respectivement durant plusieurs années pour gagner un revenu ne faisait pas l’objet d’un changement d’usage au moment où ils ont commencé à l’utiliser comme résidence principale, étant donné qu’ils l’avaient acquis expressément dans ce but. 114 Woods, supra, note 88 et Derlago c. MRN, 86 DTC 1503 (CCI), confirmée par le Cour fédérale, Division de première instance, supra, note 108. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 403 Pourtant, dans une rare décision québécoise traitant de ce sujet, la Cour provinciale en est venue à une conclusion différente115. Dans cette affaire, le contribuable avait fait l’acquisition d’une propriété en octobre 1977 aux fins d’en faire sa résidence principale. Il ne l’emménagea néanmoins qu’en mai 1978. Entre-temps la résidence était louée à la venderesse moyennant un loyer mensuel. En ce qui concerne la question de savoir s’il y avait eu changement d’usage du bien en mai 1978 le juge Verdy en vint à la conclusion suivante : L’appelant ayant admis qu’il a acheté sa propriété en vue d’en faire sa résidence principale ne peut, selon ces articles, prétendre qu’il y a eu disposition présumée de ce bien par changement d’usage le 1er mai 1978, le 18 mai ou le 29 mai. Le fait que la venderesse soit demeurée dans l’immeuble en attendant que l’appelant puisse emménager, “par la force des choses”, constitue une situation strictement temporaire et circonstancielle qui n’a rien à voir avec l’intention première de l’achat qui était de faire de la propriété une résidence principale. C’est la distinction qu’on doit faire d’avec l’arrêt Woods c. M . R. N. (4) où, au contraire, le contribuable avait loué son immeuble pendant neuf ans et avait même acheté dans une autre province une maison qu’il a habitée durant sept ans. On a décidé alors qu’à son retour pour occuper sa résidence il y avait disposition présumée116. Étant donné que l’usage qui a été fait de la résidence ne correspondait pas à l’intention du contribuable, c’est-à-dire au but de l’achat, et s’avéra «strictement temporaire et circonstanciel», l’intention du contribuable a prévalu et il n’y eut aucun changement d’usage en mai 1978. Une analogie pourrait être établie entre cette dernière décision et le cas du contribuable dans l’exemple précité et prétendre qu’il n’y aurait eu, en novembre 1992, aucun changement dans l’usage de la résidence puisque le contribuable avait l’intention de tirer un revenu de la résidence à partir de novembre 1992; le fait qu’il n’ait pu la louer avant janvier 1994 constituait une circonstance strictement temporaire et l’intention du contribuable devrait prévaloir. La résidence pourrait alors faire l’objet du choix prévu au paragraphe 45(2) et être désignée comme résidence principale pour quatre années d’imposition après 1992. Changement d’usage d’un bien produisant un revenu à une résidence principale Lorsqu’un contribuable a converti un bien qu’il utilisait pour gagner un revenu à une résidence principale (par opposition à d’autres fins), les règles prévues à l’alinéa 45(1)a) LIR concernant le changement d’usage d’un bien sont applicables. Cette disposition réputée peut donc donner lieu à la réalisation d’un gain en capital imposable. Toutefois, à l’instar du choix prévu au paragraphe 45(2), le contribuable peut choisir de 115 116 Côté c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1982] RDFQ 90 (CP). Ibid., à la p. 93. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 404 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE différer la réalisation de ce gain jusqu’à une année ultérieure en choisissant, selon le paragraphe 45(3), de n’être pas réputé avoir disposé du bien et l’avoir acquis de nouveau à ce moment. Le choix est effectué au moyen d’une lettre signée par le contribuable et produite avec sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours de laquelle une disposition réelle du bien survient ou plus tôt lorsque le Ministre en fait la demande formelle. Le choix prévu au paragraphe 45(3) ne peut être effectué que dans la mesure où aucune déduction pour amortissement n’a été réclamée à l’égard du bien pour les années d’imposition précédant la date du changement d’usage117. La définition de résidence principale contenue à l’article 54 LIR permet au contribuable de désigner comme telle un bien faisant l’objet d’un choix exercé en vertu du paragraphe 45(3) pour un maximum de quatre années d’imposition, soit les années d’imposition antérieures au changement d’usage, bien que la résidence n’ait pas été «normalement habitée» par le contribuable durant ces quatre années. Encore une fois, comme dans le cas du choix exercé en vertu du paragraphe 45(2), le contribuable devra avoir été résident canadien ou réputé résider au Canada pendant les années visées par le choix s’il veut tirer avantage de l’exemption des gains en capital pour résidence principale étant donné le libellé de la formule de calcul de la partie exemptée de ce gain. Le contribuable ou un autre membre de sa famille ne pourra désigner aucun autre bien comme résidence principale pour les années d’imposition au cours desquelles le bien faisant l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(3) est désigné comme telle. Les choix prévus aux paragraphes 45(2) et 45(3) ne peuvent être exercés que dans la mesure où il y a changement «complet» d’usage d’un bien par opposition à un changement partiel, c’est-à-dire lorsque le contribuable convertit une partie de l’usage de son bien. Changement partiel d’usage d’un bien utilisé à une seule fin Lorsqu’une partie d’un bien utilisé pour gagner un revenu commence à être utilisée à une autre fin, et vice-versa, le contribuable est réputé avoir aliéné et réacquis à ce moment la partie du bien qui a fait l’objet d’une conversion d’usage. Exemple : si un contribuable convertit une partie de sa résidence principale en un bien produisant un revenu, la partie du bien ainsi convertie est réputée, en vertu du paragraphe 45(1) LIR , avoir fait l’objet d’une disposition présumée pour un produit de disposition égal à la part de la juste valeur marchande du bien attribuable à cette partie. Cette même partie du bien est réputée avoir été immédiatement acquise de nouveau pour un coût égal à ce montant. Le contribuable est donc susceptible de réaliser un gain lors de la disposition présumée, qui peut être éliminé ou réduit par l’exemption de gains en capital pour résidence principale. 117 La Loi prévoit expressément cette règle au paragraphe 45(4), contrairement au cas du choix selon le paragraphe 45(2) pour lequel il s’agit d’une politique du Ministère. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 405 Bien que dans le cas d’un changement partiel d’usage d’un bien utilisé comme résidence principale le gain réalisé lors de la disposition présumée peut être éliminé grâce à l’exemption des gains en capital pour résidence principale, la partie du bien convertie ne pourra ultérieurement faire l’objet d’une désignation comme résidence principale. Cependant, pour qu’il soit considéré y avoir eu changement partiel d’usage d’un bien utilisé comme résidence principale, le changement doit être important et de nature permanente, c’est-à-dire un changement structurel118. À cet égard, le Ministère est d’avis que : Un changement structurel se produit, par exemple, avec la conversion de l’avant d’une maison en magasin, la conversion d’une partie de maison en établissement domestique autonome en vue de gagner un revenu de location (un duplex, un triplex, etc.) ou des modifications apportées à une maison afin d’aménager des locaux commerciaux distincts. Dans ces cas-là et dans d’autres cas semblables, le contribuable déclare le revenu et peut déduire les dépenses concernant la partie modifiée du bien (c.-à-d. une partie raisonnable des dépenses relatives à l’ensemble du bien) ainsi que la DPA sur cette partie modifiée. Lorsqu’il n’y a pas de changement structurel du bien, qu’aucune déduction pour amortissement n’a été demandée et que l’usage comme bien produisant un revenu est accessoire à l’usage principal du bien comme résidence, la pratique du Ministère, énoncée au numéro 38 du Bulletin d’interprétation IT -120R4119, est à l’effet que les règles de disposition présumée ne soient pas appliquées. Ainsi, la résidence principale du contribuable qui n’aurait pas subi de changement structurel mais qui par ailleurs serait utilisée en partie pour gagner un revenu accessoire conserverait, dans son ensemble, son caractère de résidence principale et pourrait être désignée en totalité comme résidence principale aux fins de l’exemption des gains en capital. Tel serait le cas, par exemple, si le contribuable «exploite une entreprise pour la garde d’enfants dans sa maison, qu’il loue une ou plusieurs pièces de la maison ou qu’il a un bureau ou un autre espace de travail dans la maison qu’il utilise dans le cadre de son entreprise120». Par contre, le contribuable doit déclarer le revenu tiré de l’utilisation de cette partie de sa résidence et peut déduire les dépenses afférentes, à l’exception de la déduction pour amortissement. Malgré ce dernier énoncé très clair de la position du Ministère, une opinion contraire a été émise lors d’une demande d’interprétation technique où certaines questions étaient posées concernant une partie d’une résidence principale utilisée par la corporation du propriétaire121. 118 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 37. Voir aussi IMP. 281-1, numéro 10. La politique du ministère du Revenu du Québec est au même effet : IMP. 281-1, numéro 11. 120 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 38. 121 Interprétation technique de la Division des services bilingues et des ressources industrielles du 16 juillet 1990, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 90 RCT 91, à la p. 805,662. 119 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 406 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE Le Ministère a émis l’opinion que la partie de la résidence utilisée par la corporation ne serait pas considérée comme résidence principale aux fins de l’exemption du gain en capital pour résidence principale, que le contribuable ait réclamé ou non la déduction pour amortissement à l’égard de cette partie de la résidence. Donc, au moment de la disposition, le gain en capital réalisé sur cette partie de la résidence pour la période au cours de laquelle elle était utilisée par la corporation du contribuable ne pourrait être exempté en vertu de l’alinéa 40(2)b) LIR . Cette interprétation n’est toutefois pas conforme à la plus récente position du Ministère énoncée au numéro 38 du Bulletin d’interprétation IT -120R 4 qui a été émis à une date ultérieure, soit le 26 mars 1993. CONCLUSION Étant donné que le gain en capital que réalise un contribuable canadien lors de la disposition de sa résidence peut potentiellement faire l’objet d’une exemption totale d’impôt, il a tout avantage à connaître les règles fiscales sur l’application de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Plus particulièrement, le libellé de la formule de calcul de la partie du gain en capital exemptée contenue à l’alinéa 40(2)b) LIR permet d’effectuer des planifications relativement simples, parfois retarder la transaction de quelques jours, pour ainsi maximiser l’accession à cette exemption. De plus, pour être admissible à l’exemption, la résidence du contribuable doit constituer une «résidence principale» au sens attribué à cette expression à l’article 54 LIR. Cette définition étant rédigée de façon large, les tribunaux ont dû s’y pencher et préciser l’interprétation de certaines notions, notamment les termes et expressions «logement», «normalement habitée» et «fonds de terre nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence». Outre le fait d’apporter des précisions, ils n’ont pas restreint l’interprétation de ces notions ou l’application des tests d’appréciation. Or, un contribuable qui connaît l’interprétation de la portée de cette définition faite par les tribunaux et par le Ministère dans son Bulletin d’interprétation IT-120 R4, est davantage en mesure de planifier a priori l’achat, la détention et la disposition de sa résidence pour s’assurer de bénéficier au maximum de l’exemption du gain en capital pour résidence principale qui pourra en résulter. Par ailleurs, il est possible de constater l’ouverture par le législateur à une plus grande souplesse dans les règles pour les adapter à la réalité économique canadienne, plus particulièrement au niveau des dernières modifications apportées à la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR afin de permettre à toute fiducie personnelle de réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Cette nouvelle règle tient compte des différents modes de détention juridique possibles d’un bien et les traite sur un pied d’égalité; elle permet également la mise en place de planifications pour (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2 L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 407 un particulier (par exemple pour mettre ses actifs à l’abri des créanciers) sans compromettre pour autant sa possibilité de bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Cette souplesse se dégage également des règles applicables au changement d’usage d’une résidence, en ce sens qu’elles permettent de faire exception aux critères d’admissibilité à l’exemption de gains en capital pour résidence principale. La politique fiscale actuelle, qui tend à vouloir éliminer ou limiter le plus possible les abris fiscaux — exonération cumulative des gains en capital de 100 000 $, règles concernant les régimes enregistrés d’épargne-retraite, règles touchant les fiducies familiales — ne semble pas, jusqu’à maintenant, vouloir viser l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Elle demeure donc un outil certain d’épargne fiscale. (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2