La formation en maintien de la paix au service de la consolidation

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La formation en maintien de la paix au service de la consolidation
La formation en maintien de la paix
au service de la consolidation de la démocratie
JOCELYN COULON
Directeur du Bureau de Montréal
Centre canadien international Lester B. Pearson
pour la formation en maintien de la paix
Le débat qui nous réunit aujourd’hui porte sur un aspect vital, sinon fondamental, de notre vouloir-vivre collectif au sein de l’espace francophone : le développement de la culture démocratique par la promotion et la défense
des droits de la personne. Depuis la disparition de l’antagonisme Est-Ouest au début des années quatre-vingt-dix
et la tenue, pratiquement au même moment, du sommet de La Baule, qui a donné le coup d’envoi à des processus
démocratiques en Afrique francophone, tous reconnaissent aujourd’hui que l’épanouissement d’une culture démocratique doit nécessairement reposer sur le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales. Sans
cela, l’espace démocratique est une fiction, comme l’illustrait si bien la situation prévalant dans les ex-démocraties populaires.
Si la culture démocratique ne peut vivre et s’épanouir sans la promotion et la défense vigoureuses des droits
de la personne, ces derniers sont-ils extensibles ? Peut-on ajouter sans cesse de nouveaux droits – notamment le
droit au développement et le droit à la paix – à ceux déjà énumérés dans la Déclaration universelle des droits de
l’Homme de 1948 ? Ces nouveaux droits sont-ils nécessaires à une saine démocratie ? C’est là le sens de la réflexion
à laquelle nous convie Monsieur Karel Vasak dans le rapport introductif de cette 5e Réunion préparatoire sur la
Culture démocratique. Le Centre canadien international Lester B. Pearson pour la formation en maintien de la paix
n’a pas de réponses toutes faites à ces questions. Il ne peut non plus trancher, comme le fait remarquer Karel Vasak,
« si le respect des droits de l’Homme constitue un préalable à la paix [comme semble le suggérer la Charte des
Nations Unies et l’Acte constitutif de l’UNESCO], ou si la paix a la primauté et même la priorité sur les droits de
l’Homme ». Toutefois, le Centre Pearson aimerait contribuer au débat en rappelant que la paix constitue l’une des
conditions du respect des droits et des libertés et, de ce fait, de la consolidation de la démocratie.
Il y a de multiples façons de contribuer à la paix entre les États mais aussi au sein de ceux-ci. Une de ces façons
consiste à mettre sur pied une force internationale chargée de ramener, de maintenir ou d’imposer cette paix. La
première opération de maintien de la paix (OMP) a été conçue par l’ancien ministre canadien des Affaires étrangères, Lester B. Pearson, lors de la crise de Suez en 1956. Pour cette action, il a reçu le prix Nobel de la paix un
an plus tard. Jusqu’en 1989, les opérations de maintien de la paix étaient essentiellement des interventions visant
à maintenir la paix entre des acteurs reconnus qui avaient préalablement accepté les bons services des Nations
Unies. La plupart des 13 missions mises sur pied entre 1956 et 1989 « étaient essentiellement de nature militaire,
tant par leur composition que par leur mandat, qui consistait à faire taire les armes le temps nécessaire pour que
les différends puissent être réglés à la table de négociations », peut-on lire dans une brochure de l’ONU. Leurs
tâches étaient relativement simples : surveiller une ligne de cessez-le-feu tout en ayant le moins possible recours
à la force. À partir de la fin des années quatre-vingt, les missions de paix des Nations Unies vont toutefois se transformer radicalement. L’ONU n’intervient que rarement dans les conflits entre États, puisque ces conflits tendent
à disparaître. Par contre, elle est de plus en plus appelée à intervenir au sein même des États où éclatent des guerres
civiles, des mouvements de sécession, des heurts interethniques et des luttes tribales. La nature même de son intervention change. À ses tâches militaires, l’ONU doit ajouter « des mesures propres à renforcer les institutions, à
encourager la participation politique, à protéger les droits de l’Homme, à favoriser la tenue d’élections et à promouvoir le développement socio-économique ». Les OMP sont devenues des missions multirôles. Elles sont même
parfois appelées à reconstruire l’État comme au Cambodge, en Somalie, au Kosovo et à Timor. Pour remplir ces
nouveaux rôles, l’ONU s’autorise même à utiliser la force.
Pour un voyageur dans le temps, la visite d’une mission de paix il y a une dizaine d’années ne ressemblerait
en rien à celle qu’il pourrait effectuer aujourd’hui. Le décor a complètement changé. Jusqu’au début des années
quatre-vingt-dix en effet, notre visiteur n’aurait croisé dans ces missions que des militaires et de rares civils. Depuis
une décennie, les militaires ne constituent qu’une partie, parfois minoritaire, d’une opération de maintien de la
paix. On y trouve maintenant presque autant de civils qui effectuent des tâches de policiers, d’administrateurs, de
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Symposium international de Bamako
juristes, de journalistes, d’humanitaires, d’agents de développement, de moniteurs électoraux, de protecteurs des
droits humains, etc. Une véritable fourmilière qui représente un microcosme de nos sociétés.
Tous ces acteurs qui se retrouvent au sein d’une OMP doivent travailler ensemble pour le succès de la mission.
Cet objectif n’est pas simple. En fait, on s’aperçoit souvent que la plupart d’entre eux ne se comprennent pas.
Parfois, la méfiance règne.
Le Centre Pearson a développé au milieu des années 1990 un concept holistique éminemment novateur pour
permettre à tous ces acteurs de coopérer et de mieux se comprendre lorsqu’ils participent à une OMP. Ce concept
est le « Nouveau partenariat pour le maintien de la paix » ou « NPP », lequel définit les nouvelles données et règles
du jeu existant entre tous les acteurs. Étant donné que l’action est nécessairement globale et fait appel à de multiples acteurs, il s’agit de faire coopérer militaires, agences gouvernementales, médias, policiers civils, etc. Ce
concept s’applique aux organisations et aux individus qui travaillent ensemble pour améliorer l’efficacité des opérations modernes du maintien de la paix. Il regroupe les forces armées, les forces policières civiles, les organismes
gouvernementaux et non gouvernementaux qui traitent des droits de la personne et de l’aide humanitaire. Il s’adresse
aussi aux diplomates, aux médias et aux organisations qui soutiennent des programmes de développement et de
démocratisation.
Pour instrumentaliser son concept du NPP, le Centre a élaboré une douzaine de cours permanents en plus de
tenir régulièrement des séminaires et des tables rondes. Les cours s’adressent essentiellement aux dirigeants militaires et civils qui ont participé ou qui participeront à la planification, au déploiement et à la gestion d’opérations
de maintien de la paix. Tous les cours, sauf un, se déroulent sur deux semaines et comportent une vingtaine de
modules sur différents aspects du maintien de la paix et de ses acteurs. Chaque module est présenté par un spécialiste de la question.
En plus de mettre l’accent sur la coopération interdisciplinaire, l’intérêt de ces cours tient à la place accordée
aux questions touchant à la promotion des droits de la personne et aux libertés fondamentales. Ainsi, dans le cours
de base du Centre Pearson, La Coopération interdisciplinaire. Le Nouveau partenariat pour le maintien de la paix,
des modules sont consacrés spécifiquement à la défense des droits de la personne, à l’action des ONG humanitaires, aux processus électoraux, aux questions de développement, aux médias, à la sensibilisation interculturelle
et à l’égalité des sexes. Les participants peuvent compléter leur formation en suivant des cours plus spécialisés de
deux semaines sur les droits de la personne, les réfugiés ainsi que la négociation et la médiation. Dans chaque
module ou dans chaque cours, les participants sont informés des mandats et des rôles des ONG humanitaires, de
la Croix-Rouge, des Nations Unies et des organisations régionales et internationales. Ils prennent aussi connaissance des instruments légaux adoptés par la communauté internationale (conventions, traités, accords) pour défendre
les droits et libertés. Ils sont sensibilisés aux questions légales, éthiques et morales. Enfin, ils acquièrent des outils
et des techniques pour venir en appui aux victimes, pour identifier les médias de la haine et contrer la discrimination.
Comme nous l’avons déjà dit, les OMP sont devenus des missions complexes et plus exigeantes encore que
par le passé. Entre autres exigences, les forces internationales cherchent maintenant à faire respecter et à promouvoir les droits de la personne et les libertés fondamentales. Cette exigence ne sera réalisée que par une meilleure
formation de tous les acteurs qui interviennent dans une OMP. Des acteurs sensibilisés contribueront, nous l’espérons, au succès d’une OMP qui elle-même devrait contribuer, par sa présence et son action sur le terrain, à rétablir ou à vivifier une culture démocratique. C’est du moins l’objectif ultime. Le Centre Pearson estime que ses
programmes de formation en maintien de la paix devraient permettre d’atteindre cet objectif.
Dans son rapport, Monsieur Vasak propose que la Francophonie reconnaisse le rôle actif des ONG des droits
de la personne et de la démocratie en créant à leur intention, auprès de l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie, un statut officiel. C’est là une position que le Centre Pearson appuie. Certes, le Centre Pearson n’est
pas une ONG dont le travail est essentiellement tourné vers la promotion et la défense des droits de la personne.
Toutefois, son cursus de formation en maintien de la paix démontre clairement qu’il joue, et jouera, un rôle de plus
en plus actif dans ce sens.
ANNEXE I
LE MANDAT DU CENTRE PEARSON
Le mandat du Centre Pearson pour la formation en maintien de la paix (CPP) est d’appuyer et d’améliorer la
contribution canadienne dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le monde. Le Centre
effectue des recherches en plus de dispenser une formation supérieure et des programmes éducatifs.
Le Centre Pearson est un organisme indépendant crée par le gouvernement du Canada en 1994. Il est une division de l’Institut canadien d’études stratégiques. Le Centre est financé en partie par les ministères des Affaires
étrangères et du Commerce international ainsi que par la Défense nationale.
La mise en œuvre du concept de Nouveau partenariat pour le maintien de la paix est réalisée grâce à une gamme
complète de cours et d’ateliers de formation, de conférences et de colloques présentés en français et en anglais au
campus du Centre Pearson, à Cornwallis en Nouvelle-Écosse, à Montréal et à l’étranger. Pour ce faire, le Centre
Pearson dispose d’un personnel éducatif permanent et de nombreux instructeurs et animateurs engagés selon les
besoins. De plus, le centre commandite un programme de recherche incluant des études sur le terrain auprès de
missions de paix. Les chercheurs peuvent avoir accès aux archives et à la bibliothèque du Centre. Le Canadian
Peacekeeping Press publie des rapports, revus, bulletins, bibliographies et livres tirés des programmes de formation du centre ou suggérés par des chercheurs. Enfin, le Centre peut répondre à des demandes spécifiques en matière
de recherches ou de programmes de formation sur mesure.
Expérience internationale
Depuis sa création, en 1994, le Centre Pearson a acquis une vaste expérience internationale. D’abord, il a attiré
dans ses cours, conférences et colloques des centaines de participants provenant de quelque 115 pays. Son cours
le plus important, celui portant sur les enjeux du maintien de la paix d’aujourd’hui (C-99), permet aux participants
de se rendre au siège des Nations Unies puis de visiter une mission de paix en opération. De plus, le Centre a créé
un cours itinérant qui a déjà été donné en Jamaïque, en Argentine, au Japon, en Ukraine ainsi qu’en Côte d’Ivoire,
à l’École de maintien de la paix de Zambakro. Enfin, le Centre offre les installations de son campus à des organisations internationales ou à certains groupes désireux d’y faire des exercices ou des réunions.
Installations physiques
Le campus du Centre Pearson est installé depuis 1995 dans les locaux de l’ancienne base militaire de Cornwallis,
en Nouvelle-Écosse. Il dispose de plusieurs vastes bâtiments qui accueillent les bureaux de l’administration, de la
bibliothèque, de la recherche et du développement, de la production du matériel didactique, des programmes de
formation. On y retrouve aussi les salles de cours, la régie technique, les cuisines et des salles de réception, les
dortoirs – tous équipés de chambres individuelles avec salle de bain – et même un mini-gymnase.
Depuis le 21 septembre 1999, le Centre Pearson dispose d’un bureau à Montréal dont le mandat est de développer les relations avec la Francophonie nationale et internationale.
ANNEXE II
DESCRIPTION DES COURS
C01 : Interdisciplinary co-operation :
The New Peacekeeping Partnership in Action
Ce cours présente le concept du nouveau partenariat du maintien de la paix de même que le rôle, les fonctions et les caractéristiques des différents partenaires engagés dans le maintien de la paix contemporain.
C02 : Creating common ground :
Ce cours permet d’acquérir une compréhension des théories de la négociation en situation de conflit et
d’acquérir les compétences pratiques nécessaires pour faire de la médiation et tenir des négociations efficaces tout en donnant aux participants l’occasion de s’initier à ces pratiques dans le cadre de simulations
d’opérations de maintien de la paix.
C03 : Myths and reality :
Ce cours fournit aux membres actifs dans différentes disciplines du maintien de la paix et aux personnes
qui travaillent dans le domaine juridique une compréhension approfondie du cadre juridique dans lequel
s’inscrit le maintien de la paix contemporain.
C04 : The humanitarian challenge :
Refugees and Internally Displaced Persons
Ce cours porte sur les défis posés par les réfugiés, les personnes déplacées et les opérations qui s’articulent autour des réfugiés pendant les missions de paix.
C06 : Live, move and work :
Technology and Engineering in Modern Peacekeeping
Ce cours fournit aux participants une connaissance de la portée et de la valeur de l’ingénierie et de la technologie afférents aux activités de maintien de la paix.
C11 : La coopération interdisciplinaire :
Le nouveau partenariat du maintien de la paix
Ce cours, offert en français, présente le concept du nouveau partenariat du maintien de la paix de même
que le rôle, les fonctions et les caractéristiques des différents partenariats engagés dans le nouveau type de
maintien de la paix.
C12 : The hard road home :
Disarmament, Demobilization and Reintegration
Ce cours permet aux participants d’acquérir une bonne compréhension des problèmes et des procédures
ayant trait aux opérations de désarmement, de démobilisation et de réintégration sociale à partir d’expériences contemporaines.
C16 : As pass on the seas :
The Maritime Dimension of Peacekeeping
Ce cours permet aux participants d’acquérir une connaissance approfondie des théories, des problèmes et
des techniques ayant trait aux opérations maritimes dans le maintien de la paix contemporain.
C25 : Free and equal :
Human Rights in Modern Peacekeeping
Le but de ce cours est de présenter et de discuter des préceptes des droits de la personne et de leur application dans les opérations de maintien de la paix. Le cours démontre qu’il est essentiel, dans les opérations
de maintien de la paix contemporain, d’être familiers avec les questions des droits de la personne et que
cela augmente les chances de succès de toute mission.
La formation en maintien de la paix…
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C26 : Libres et égaux :
Les droits de la personne et le maintien de la paix
Ce cours, offert en français, a pour but de présenter et de discuter des préceptes des droits de la personne
et de leur application dans les opérations de maintien de la paix. Le cours démontre qu’il est essentiel, dans
les opérations de maintien de la paix contemporain, d’être familiers avec les questions des droits de la personne et que cela augmente les chances de succès de toute mission.
CS46 : To secure the peace :
Civil-Military Co-operation in Modern Peacekeeping (CIMIC)
Ce cours a pour but de familiariser les participants avec le concept de la coopération civilo-militaire dans
toute sa complexité. Il vise à préparer les officiers et les sous-officiers supérieurs des Forces canadiennes
à occuper des postes vacants, tant au niveau opérationnel que de l’état-major.
CX77 : Le maintien de la paix, un concept en évolution :
Le nouveau partenariat pour le maintien de la paix en action
Ce cours donne un bon aperçu des problèmes posés par le maintien de la paix. Il est conçu pour permettre
aux participants de travailler efficacement dans l’environnement multi-dimensionnel qui caractérise le
maintien de la paix contemporain.
C99 : The advanced course :
Issues in Modern Peacekeeping
Ce cours poursuit le perfectionnement des civils et des militaires qui ont déjà de l’expérience, en introduisant les questions de planification et de préparation d’opérations de maintien de la paix aux niveaux
stratégiques et opérationnels.
E66 : Elderhostel :
Introduction to Modern Peacekeeping
Dans un environnement détendu, informel et récréatif, les participants aux cours se familiarisent avec les divers
aspects et les problèmes reliés au maintien de la paix contemporain.

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