Le giving pledge des Américains laisse les Français de marbre

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Le giving pledge des Américains laisse les Français de marbre
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Le giving pledge des Américains
laisse les Français de marbre
Parmi les 55 milliardaires qui ont rejoint Bill Gates et Warren Buffett pour promettre
de donner la moitié de leur patrimoine à des causes, pas une fortune hexagonale.
Des raisons fiscales et juridiques sont souvent invoquées pour justifier cette abstention.
d’actions, sinon entre eux », précise le président-fondateur.
Et puis, « en droit français, il y a la
réserve héréditaire », rappelle Xavier Niel (12e). On ne peut disposer
que de 33 % de son patrimoine avec
deux enfants, et encore moins avec
une plus grande famille ». PierreCharles Ranouil, avocat associé au
cabinet August & Debouzy, enfonce
le clou : « Aujourd’hui, pour disposer librement de tous ses biens, il ne
faut avoir ni descendance ni
conjoint survivant. » Rien de tel
aux Etats-Unis, où chacun peut disposer librement de son patrimoine.
dassault
e
G. Rolle/Réa
Discrétion de mise
«
L
es milliardaires
font ce qu’ils veulent. » Serge Dassault n’y va pas
par quatre chemins. Interrogé
sur l’initiative de Bill Gates et Warren Buffett, la sixième fortune professionnelle française se gausse
gentiment de cette idée qui vient
des Etats-Unis, « là où les milliardaires sont bienvenus, alors qu’en
France tous s’en vont pour échapper au fisc ». Le 4 août 2010, le fondateur de Microsoft et celui de la
société d’investissement Berkshire
Hathaway signaient avec 38 compatriotes milliardaires un giving
pledge, l’engagement moral de verser, de leur vivant ou à leur mort, au
moins la moitié de leur fortune à des
causes d’intérêt général. Depuis,
17 autres les ont rejoints. Mais pas
un Français ne les a ralliés.
52 쎲
Serge Dassault.
Pour l’industriel,
l’initiative
de Bill Gates
et Warren Buffett
est bonne pour
les Etats-Unis,
« là où les
milliardaires sont
les bienvenus,
alors qu’en
France tous
s’en vont pour
échapper
au fisc ».
Sa philanthropie
s’exerce plus
discrètement :
il finance
notamment
des résidences
pour handicapés.
CHALLENGES N°264 - 7 JUILLET 2011
Bill Gates était pourtant de passage
à Paris le 5 avril. Dans la soirée, il
avait convié à un cocktail quelques
politiques et des grands patrons
pour leur parler de sa fondation
mais aussi d’aide au développement
des pays pauvres. Ni Bernard Arnault, ni François Pinault, ni Xavier
Niel, invités, ne se sont déplacés.
« C’est plus facile de faire passer
l’idée du giving pledge en Chine et
en Inde car il y a moins de groupes
dynastiques qu’en France », a reconnu Bill Gates lors de cette soirée.
« Tout notre patrimoine familial
est investi dans l’entreprise pour
qu’elle reste indépendante », rappelle Pierre Bellon (24e fortune française). Du coup, les 25 % de Sodexo
détenus par les Bellon sont quasiment inaliénables : « Ce qui lie mes
enfants, auxquels j’ai transféré le
contrôle de l’entreprise, c’est justement qu’ils ne peuvent pas vendre
Pris dans ces contraintes, les patrons français n’apprécient guère de
recevoir des leçons des deux Américains. « A la différence de personnalités comme Buffett, Gérard Mulliez a développé une entreprise, a
expliqué Arnaud Mulliez, le fils du
fondateur d’Auchan. Nous partageons les résultats de l’entreprise
avec les collaborateurs du groupe,
qui perçoivent un tiers du résultat
net avant impôt. »
D’autres jouent aussi les philanthropes, mais discrètement. Serge
Dassault finance des résidences
pour l’accompagnement d’adultes
handicapés. Pierre Bellon a fait inscrire dans les statuts que « 5 à 10 %
des profits de Bellon SA, le holding
de contrôle, doivent être consacrés à
des missions dans le développement humain ». D’autres créent des
fondations. La première d’entre
elles, la fondation Bettencourt
Schueller, dispose d’un capital de
750 millions d’euros. Xavier Niel en
a créé une, mais ne veut rien en dire :
« Cela se fait, mais ça ne se dit pas,
ce n’est pas un objet de communication. » Une différence de plus avec
les Américains.
Irène Inchauspé
왘

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