Discours

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Discours
Ouverture de la 64e session nationale "Politique de défense"
Par le vice-amiral d’escadre Richard LABORDE
Directeur de l’IHEDN
Seul le prononcé fait foi.
Mesdames et messieurs les auditeurs de la 64e session nationale "Politique
de défense" de l’IHEDN, bienvenue !
(Auditeurs étrangers)
Bienvenue à
Madame Regiane DE MELO
Diplomate – Conseillère au cabinet du ministre des Relations extérieures au
Brésil.
Bienvenue au
Colonel Saeed Hussain RASHEED AL HAJERI (armée de Terre – des
Émirats arabes unis)
Colonel Marcos DE SOUZA AFFONSO DA COSTA (armée de Terre
brésilienne)
Colonel Gerhard Ernst-Peter KLAFFUS (armée de Terre allemande)
Colonel Maurizio RICCO (armée de Terre italienne)
Capitaine de vaisseau Iain RICHMOND (marine britannique)
(Parlementaires et élus)
Bienvenue à
Madame Géraldine DELORME
Conseiller régional des Pays de la Loire
22
Madame Corinne MINOT
Sous-préfet en charge de la politique de la ville auprès du préfet des Yvelines
Monsieur Rodrigue FLAHAUT
Secrétaire général adjoint – Conseil régional d’Île-de-France
Monsieur Sébastien MOSNERON DUPIN
Administrateur principal à la commission des affaires étrangères de la défense et
des forces armées – Sénat
(Industriels)
Bienvenue à
Madame Rachida BELLIARD
Directrice du développement – société Pertinence
Monsieur François BILLOT
Directeur offres et projets – Areva
Monsieur Jean-Marc BONNET
Directeur adjoint des programmes "Avions militaires" – Dassault aviation
Madame Marie-Laure BUISSON
Déléguée générale adjointe – Fondation Véolia Environnement
Monsieur Walter CAPPILATI
Directeur exécutif secteur aérospatiale et défense – Capgemini technologies
services
Monsieur Gilles COCHEVELOU
Directeur formation, éducation, université – Total
Monsieur Jérôme CORMOULS-HOULÈS
Responsable exploitation court et moyen courrier – Chef pilote Air France
Monsieur Khaled DRAZ
Directeur de Business Unit – Areva
Monsieur Christophe DUFOUR
Directeur du programme "Barracuda" – DCNS
22
Monsieur Henri de La FOLLYE de JOUX
Secrétaire général adjoint – Groupe France Télécom Orange
Monsieur Olivier GAUFFIN
Responsable d’un segment commercial – MBDA
Monsieur Pierre GODART
Directeur administratif et financier de l’entité Cassidian Air System – EADS
Madame Anne-Pascale GUÉDON
Vice-présidente financial engineering – EADS
Monsieur Michel LAGRAVE
Vice-président en charge du développement et des clients stratégiques – AOS
Studley
Monsieur Frédéric LASSARA
Responsable Global Sourcing – PSA Peugeot Citroën
Madame Gaëlle LE ROUX
Conseillère diplomatique au sein du secrétariat général – SNCF
Monsieur Thomas LEGRAIN
Associé gérant – TL Conseil
Madame Julia MARIS
Directeur du marketing, du développement et des relations extérieures – DCI
Madame Pascale MINDER
Responsable de la communication externe – Eramet France
Monsieur Pascal PICAVET
Vice-président fusions et acquisitions – Safran
Monsieur Bernard PROST
Directeur de projets au sein du département acquisitions de la direction
exploration-production – GDF Suez
Monsieur Philippe RIBATTO
Responsable commercial auprès des ministères – Société Lenovo France
22
Monsieur Joël RIOU
Président directeur général – Associés en Édition SA
Madame Marie-Line VAIANI
Déléguée Synergies – EDF
(Juristes)
Bienvenue à
Madame Emmanuelle DUCOS
Vice-présidente du Tribunal de grande instance de Créteil
Monsieur Marc SALVINI
Directeur délégué adjoint à l’administration régionale judiciaire de Paris –
ministère de la Justice et des Libertés
à maître Erwann BARRE, avocat
à maître Marie BURGUBURU, avocate
(Ecclésiastiques)
Bienvenue au Père Olivier RIBADEAU-DUMAS et au Père Brice de ROUX
(Journalistes)
Bienvenue à
Monsieur Didier ADÈS
Journaliste indépendant
Monsieur Jean-Claude GALLI
Journaliste – France Soir
Madame Isabelle de GAULMYN
Journaliste – La Croix
Monsieur David LE BAILLY
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Journaliste – Paris Match
Monsieur Frédéric PAYA
Journaliste – Valeurs Actuelles
Madame Florence TRAULLÉ
Journaliste – Nord Eclair
Bienvenue à
Monsieur Jean-François PACTET
Conseiller des affaires étrangères, représentation permanente de la France auprès
de l’Otan
Monsieur Éric BERTI
Chef du service des affaires juridiques internes – Ministère des affaires
étrangères et européennes
Monsieur Jean-Philippe AUBERTEL
Directeur de département gestion des risques – Agence française de
développement
Monsieur Gautier BERANGER
Directeur de cabinet du secrétaire général à l’immigration et à l’intégration du
ministère de l’Intérieur
Monsieur Nicolas CLOÜET
Inspecteur de l’administration de 1ère classe, inspection générale de
l’administration – Ministère de l’Intérieur, de l'Outre Mer, des Collectivités
territoriales et de l'Immigration
Monsieur Michel ROUZEAU
Inspecteur général de l’administration – Ministère de l’Intérieur, de l'Outre Mer,
des Collectivités territoriales et de l'Immigration
Monsieur Christophe BOURDILLON
Délégué permanent auprès des institutions européennes – Caisse des dépôts et
consignations
Madame Corinne CABALLERO
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Chef du service des relations extérieures et conseiller presse – Assemblée de
l’Union de l’Europe occidentale
Monsieur Léonardo CARROZO
Directeur d’école primaire – Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse
et de la vie associative
Monsieur Pierre DEPROST
Inspecteur général des finances – Ministère de l’Économie, des Finances et de
l’Industrie
Monsieur François DESGRANDCHAMPS
Professeur d’urologie et chef de service – Hôpital Saint-Louis
Madame Elvire FABRY
Chercheur sénior, Think Tank "Notre Europe"
Madame Faouzia FEKIRI
Adjointe au directeur général des services et directrice des ressources humaines
de l’université d’Angers
Monsieur Frédéric GONAND
Membre du collège décisionnel de la commission de régulation de l’énergie –
Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
Monsieur Christian LE ROUX
Directeur du cabinet du président du Conseil économique, social et
environnemental
Monsieur Philippe LOPES
Maître de conférences à l’université d’Évry
Monsieur Olivier MASSERET
Administrateur civil hors classe – Délégation aux affaires stratégiques du
ministère de la Défense
Monsieur François-Xavier PESTEL
Inspecteur d’académie adjoint – Ministère de l’Éducation nationale
Monsieur Frédéric RETAILLEAU
Chef de secteur – Ministère de la Défense
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Madame Danièle ROUSSELLE
Chef de projet, direction matières et environnement – CEA
Monsieur Lucien VALVERDE
Représentant national, syndicat national de l’encadrement, confédération
générale des cadres – Groupe BPCE
(Officiers)
Bienvenue aux colonels (Terre)
Franck BARRERA
Régis COLCOMBET
Arnaud DUPUY de la GRAND’RIVE
Pierre-Joseph GIVRE
Jérôme GOISQUE
Nicolas KOTCHINE
Eric KUNZELMANN
Denis MISTRAL
Marc OLLIER
Pierre SCHILL
Stéphane ZUGETTA
Au commissaire en chef de 1ère classe (service du Commissariat des armées)
Philippe JACOB
Aux capitaines de vaisseau
Denis BERTRAND
Thierry CATARD
Thierry DURTESTE
Didier MALETERRE
Bernard VELLY
Aux colonels (Air)
Jean-Christophe BOERI
Michel FRIEDLING
Guy GAULTIER
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Didier LOOTEN
Jérôme MAECHLER
Philippe MORALES
Aux colonels (Gendarmerie nationale)
Christophe MARIETTI
Pierre SAUVEGRAIN
À l’ingénieur général de l’armement
Pierre SERIS
À l’ingénieur en chef de l’armement
Thierry CARLIER
Au médecin en chef du Service de santé des armées
Edouard HALBERT
Au médecin en chef du Service de santé des armées
Éric DARRE
Au contrôleur des armées
Nicolas CHAPON
Aurais-je oublié quelqu’un ? non…
Alors une nouvelle fois, bienvenue !
Bienvenue à vous tous, mesdames et messieurs les auditeurs, dans les murs
chargés d’histoire de l’École militaire, avec une mention toute particulière pour
nos camarades étrangers.
Vous avez pu constater, au cours de ce qui n’était pas un appel, mais une rapide
présentation, toute la richesse et la diversité de vos origines professionnelles.
Pour vous, auditeurs, cette journée constitue le point de départ d’un cycle de
plusieurs mois que vous allez passer ensemble à vous former, à échanger et à
débattre.
22
Pour le directeur de l’IHEDN que je suis, cette journée est le début d’une
nouvelle aventure, aventure que j’appréhende une nouvelle fois avec un grand
plaisir, et ce pour la troisième année consécutive.
***
Avant de commencer cette année, il me paraît utile de vous rappeler les
domaines et finalités de cet organisme de formation que constitue l’IHEDN,
l’Institut qui vous accueille et qui est désormais le vôtre.
Comme vous le savez, « L’Institut a pour mission de développer l’esprit de
défense et de sensibiliser aux questions internationales ». Ses champs
disciplinaires ont trait aux questions de défense, de politique étrangère,
d’armement et d’économie de défense, domaines pour lesquels l’Institut joue un
rôle soit "d’approfondissement", soit de "promotion et de diffusion".
Pour réaliser l’ensemble de ces missions de formation, de sensibilisation et de
rayonnement, nous organisons deux sessions nationales, la vôtre, la 64e et la
48e session nationale "Armement et économie de défense" qui effectuera sa
rentrée la semaine prochaine, des sessions régionales comme la 185e qui vient de
se terminer aux Antilles, Guyane et Brésil et la 186e qui va débuter à
Brest/rennes et Nantes, des sessions internationales ainsi que des séminaires,
stages et formations ad hoc, en France comme à l’étranger.
L’Institut voit ainsi passer quelque 4000 auditeurs par an. Vous êtes une
centaine, vos camarades de la 48e une cinquantaine.
Vous vous inscrivez donc dans un ensemble vaste et complexe que je souhaitais
esquisser ce matin et que je détaillerai un peu plus au cours du séminaire de
rentrée.
Pour manœuvrer ce porte-avions que constitue l’IHEDN, vous comprendrez
bien vite pourquoi je parle de porte-avions, le directeur que je suis serait bien
impuissant sans un équipage totalement dévoué à sa bonne marche.
Cet équipage, c’est une centaine de personnes. Parmi celles-ci, certaines
exercent des responsabilités particulières et vous seront rapidement familières.
22
Je vous voudrais notamment citer :
•
Le préfet Patrice Molle, directeur adjoint, qui exerce une fonction de
secrétaire général de l’Institut et la tutelle des activités "Politique de
défense", c’est aussi symboliquement le représentant de l’État dans sa
dimension civile et notre point d’entrée dans les rouages parfois
compliqués de l’administration ;
•
L’ingénieur général de l’armement Robert Ranquet, directeur adjoint, en
charge de la tutelle des activités "Armement et économie de défense" et
de la stratégie de l’Institut ; c’est aussi notre point d’entrée dans le secteur
économique et le domaine de l’armement ;
•
Le professeur Michel Foucher directeur de la formation des études et de
la recherche. C’est notamment lui qui détermine les grandes orientations
pédagogiques des sessions et stages de l’IHEDN ; il aura l’occasion de
vous les présenter dans le détail ;
•
L’ambassadeur Joël De Zorzi, conseiller diplomatique de l’Institut et
directeur des "Activités internationales". L’ambassadeur Joël De Zorzi
rejoint l’IHEDN cette année. À l’heure de la mondialisation, il est un
acteur majeur de l’évolution de l’Institut, dans l’espace européen, mais
aussi à l’échelle de la planète ;
•
Si la guerre a changé de visage, l’argent demeure le nerf de la guerre. Je
vous présente donc un homme très important, Francis Béard, grand
argentier de l’Institut en tant que directeur de l’administration générale. Il
veille à ce que l’Institut puisse assurer sa mission dans les meilleures
conditions en essayant de satisfaire votre curiosité dans le respect des
contraintes budgétaires qui nous sont imposées aujourd’hui ;
•
Le contre-amiral (2S) Bruno Sarrade, chef du département "Sessions
nationales et régionales", qui assure la cohérence de ces formations avec
l’ICA Jean Pierre Bessis ;
22
•
et le grand organisateur de votre session, le colonel Axel Egnel qui exerce
les responsabilités de chef du bureau session nationale "Politique de
défense".
Bien d’autres acteurs seront à vos côtés pendant ces quelques mois, je voudrais
notamment citer Linda Thisse, en charge de la communication de l’Institut. Je
ne saurais non plus oublier les cadres de comité, anciens auditeurs, qui vous
suivront tout au long de l’année. Certains sont parmi nous ce matin.
Tous seront heureux de vous accompagner et je les remercie par avance de vous
aider à faire en sorte que cette 64e session soit la meilleure !
Enfin, parmi ces nombreux acteurs qui accompagneront votre session, un
acteur particulier, moi, directeur de l’IHEDN. Comme vous l’aurez
remarqué, je suis officier de marine, et ce depuis maintenant quelque trente-six
ans. Je suis "surfacier".
J’ai eu la chance de commander trois fois. J’ai commencé par l’un des plus
petits patrouilleurs pour terminer par le plus gros des bâtiments de combat de la
marine nationale, le porte-avions Charles De Gaulle.
Mes dernières responsabilités exercées ont eu pour cadre l’interarmées et pour
dominante la planification capacitaire, la réflexion stratégique et les opérations.
Je dirige l’IHEDN et l’Enseignement militaire supérieur, c‘est à dire l’École de
guerre, le CHEM et le CDEM, depuis l’été 2009. C’est donc ma troisième
rentrée.
***
Je souhaiterais maintenant tenter de vous fixer quel doit être le niveau
d’ambition de votre session, c’est dire de répondre à cette simple question, du
moins simple en apparence : pourquoi sommes nous là, ensemble, ce matin ? En
un mot, esquisser d’abord le "pourquoi" avant de détailler le "comment".
Les premiers éléments de réponse nous sont fournis par le nouveau décret relatif
à l’Institut des hautes études de défense nationale.
22
Ce texte, en date du mois de juin 2009, stipule que l’Institut « réunit des
responsables de haut niveau appartenant à la fonction publique civile et
militaire ainsi qu’aux différents secteurs d’activité de la Nation, des États
membres de l’Union européenne ou d’autres États, en vue d’approfondir en
commun leur connaissance des questions de défense, de politique étrangère,
d’armement et d’économie de défense. »
Approfondir en commun les connaissances des questions de défense et de
politique étrangère, telle est la vocation première de la session nationale
"Politique de défense" de l’Institut.
Des questions complexes d’autant qu’empreintes d’incertitudes et de
contradictions, souvent apparentes, auxquelles il nous appartiendra d’apporter,
ensemble, des éléments de réponse tout au long de cette année. Cette complexité
est tout à la fois conjoncturelle et structurelle.
Commençons par le plus simple, la conjoncture.
Votre session va se dérouler dans un contexte en pleine mutation. La phase de
mise en œuvre des réformes majeures liées à la parution du dernier Livre blanc
et aux décisions consécutives de la révision générale des politiques publiques, la
RGPP, est largement engagée. Ces mutations profondes et indispensables
doivent être menées à bien alors que la défense, comme les autres ministères,
doit faire face à une surprise stratégique d’ordre financier. Dans le même temps,
la pression opérationnelle est forte. Pendant les travaux, la vente continue, si
vous me permettez l’expression.
Ainsi, pour la première fois depuis soixante ans, les armées sont soumises à une
transformation de première grandeur, à des contraintes budgétaires pour le
moins importantes et à un fort taux d’engagement opérationnel.
Toutes ces évolutions vont profondément modifier la physionomie des armées,
de la défense. Elles sont essentielles. Pour autant, elles ne sont que le contenu et
non le contenant, que le signifié et non le signifiant. Ce qui m’amène maintenant
à esquisser quelques éléments qui devraient permettre de structurer votre
réflexion en matière de politique de défense.
22
***
Tout d’abord, un regard sur notre monde, pas nécessairement devenu plus
dangereux, mais certainement plus instable et plus imprévisible, voire plus
contradictoire que par le passé. À cet égard, la situation actuelle est relativement
inédite et hautement déstabilisante du point de vue de la sécurité.
Le XXIe siècle sera celui de la mondialisation, à l’évidence source de progrès et
d’intégration, mais qui présente aussi un versant négatif, voire chaotique. Les
menaces et les risques afférents sont nombreux et de nature multiple. Je parle de
ceux qui peuvent menacer la vie des nations, la bonne marche des institutions.
Ils se conjuguent sans s’y substituer aux relations et effets du système
interétatique classique. Ils appartiennent au domaine de la contingence. Dès lors
le contexte international appelle-t-il la prise en compte de l’incertitude
stratégique comme fondement de la pensée.
Aujourd’hui, la seule certitude est celle de l’imprévisible. 1989, 2001, 2008,
2010, les surprises stratégiques de toute nature se succèdent. Quelle sera la
prochaine ?
Dans ce monde désordonné et en pleine ré articulation, l’ambition française est
de ne pas subir les effets dangereux de cette incertitude, dans toutes leurs
dimensions, de faire en sorte de demeurer l’acteur de sa propre liberté.
Cette ambition a conduit à la définition d’une stratégie nouvelle, la stratégie de
sécurité nationale.
Cette stratégie de sécurité nationale a pour objectif de parer aux risques ou
menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation. Elle associe,
sans les confondre, la politique de défense, en totalité, les politiques de
sécurité intérieure et de sécurité civile, pour tout ce qui ne relève pas de la
sécurité quotidienne et individuelle des personnes et des biens, la politique
étrangère et la politique économique.
Gardant une place primordiale au côté des autres institutions en charge de la
sécurité de la Nation, la défense s’est adaptée afin de prendre en compte ces
bouleversements.
22
***
Ce qui m’amène à évoquer les trois missions majeures que les armées exercent
dans le cadre d’une stratégie de sécurité nationale pensée de façon globale.
Tout d’abord assurer la protection des concitoyens et des intérêts nationaux
contre les menaces et les risques effectifs et immédiats.
Dans un environnement marqué par la difficulté d’établir une séparation claire
entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, la protection de la population, du
territoire et des intérêts sous responsabilité française répond à l’une des
inflexions premières du dernier Livre blanc.
Aujourd’hui, dans les espaces sous souveraineté nationale comme dans les
espaces internationaux, les armées contribuent à des objectifs essentiels de
sécurité ne renvoyant pas à un adversaire militaire. C’est notamment le cas de
Vigipirate, de la lutte contre la piraterie ou de la lutte contre les orpailleurs en
Guyane.
Ensuite, contribuer à la stabilité internationale en agissant sur les foyers de
crise et en prévenant leur embrasement.
Dans l’environnement complexe que constitue la gestion des crises
multidimensionnelles, les armées sont au cœur du succès stratégique, car elles
seules sont capables d’obtenir le silence des armes. Pour autant, elles n’en
demeurent pas moins insuffisantes, à elles seules, pour réaliser le dessein
politique. L’efficience dans l’emploi des moyens militaires impose de les
inscrire dans une démarche interministérielle, recherchant à articuler l’action
militaire avec les différents processus diplomatiques, sécuritaires et
économiques à la gestion des crises.
Ces interventions commandent ainsi une approche globale qui associe tous les
acteurs concernés ; elles sont strictement articulées avec le droit international;
elles s’inscrivent dans un cadre multinational et dans la perspective d’une
ambition européenne réaffirmée.
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Ces interventions ce sont notamment l'Afghanistan, et la lutte contre le
terrorisme et la sécurisation de ce pays, la Côte d'Ivoire et la protection de nos
ressortissants, la Libye et la première application du principe de protection des
populations, le Liban et la stabilisation de la région.
Enfin, pouvoir faire face à une aggravation brutale de la situation
internationale.
La France doit pouvoir faire face à une aggravation brutale de la situation en
conservant la possibilité d’intervenir hors de ses frontières, dans le cadre d’un
conflit de grande ampleur qui mettrait en jeu la sécurité du pays, de l’Europe ou
de ses alliés.
Le Livre blanc retient la plausibilité de guerre interétatique. Les armées
sont dimensionnées, organisées et entraînées pour pouvoir y participer.
Chacun des volets de ce triptyque participe au succès de notre stratégie militaire
qui repose sur la dissuasion nucléaire, l’autonomie d’appréciation de situation et
le choix de demeurer une puissance militaire complète.
***
Que retenir à ce stade pour ce qui vous concerne, vous auditeur de la 64e
session nationale ?
Retenez d'abord que quelque cinquante ans après l’ordonnance de 59 posant les
principes de la défense globale, quinze ans après une importante réforme de
l’appareil de défense national, l’évolution radicale d’un monde marqué par les
effets de la mondialisation a imposé l’adoption d’un nouveau concept de
sécurité nationale, accompagnée d’une nouvelle restructuration majeure de
l’outil de défense.
Retenez aussi que même s’il convient de faire la part des continuités et des
ruptures, cette stratégie nouvelle ne remet pas en cause les fondements
politiques anciens, je veux parler de ceux qui ont conduit à l'édification d'un
État-Nation s'affirmant sujet et non objet de l'histoire, pour reprendre les propos
du général Poirier, qu’il s’agisse de peser sur les événements, d’indépendance
nationale, d’universalisme, de souci du rang ou de leadership européen.
22
Retenez surtout que fidèle à sa posture stratégique, la France demeure encore
aujourd’hui une puissance militaire complète dont l’outil lui garantit une
assurance vie, il s’agit de la dissuasion ; une assurance maladie, il s’agit de la
protection de nos concitoyens ; une assurance multi risque, il s’agit de la
protection de nos intérêts, mais aussi de nos valeurs, où qu’ils soient menacés.
Cet outil n’est que la traduction de nos ambitions sur la scène
internationale.
Aujourd’hui la fragilité de nos modèles économiques, les crises de société et les
difficultés conceptuelles que pose le cadre actuel des engagements se conjuguent
avec des interrogations chez certains de nos concitoyens sur la légitimité des
efforts consentis à la défense, voire sur les finalités mêmes d’une défense.
Pourtant la réponse est immuable. Les armées cela sert à vivre en paix et
rester libre. Assurer la sécurité et préserver l’autonomie, double fonction
indissociable de l’outil de défense.
Mesdames et messieurs les auditeurs, vous allez consacrer de nombreuses
journées de réflexions aux questions de défense et de politique étrangère. Votre
session s’inscrit pleinement dans ce qui constitue la vocation de l’Institut :
participer à la prise de conscience collective des enjeux de défense.
Ne vous méprenez pas sur mes propos. Il ne s’agit pas de revenir à une
surévaluation du facteur militaire, mais la nouvelle donne me semble imposer
une posture stratégique équilibrée dans laquelle la dévaluation du critère
militaire serait synonyme de renoncement de nos ambitions.
***
Après ces propos, me demanderez-vous, quelle ambition avez-vous fixé à la
64e session nationale ?
Je vous ai dressé à grands traits l’économie de la stratégie des fins, son
évolution, ses incertitudes.
Vous aurez compris combien, en matière de défense et de politique étrangère, le
champ de la réflexion est ouvert. De nombreux sujets restent à éclairer à l’aune
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de la nouvelle donne stratégique. Je vous ai parlé de dissuasion nucléaire,
d’autonomie d’appréciation de situation et du choix de demeurer une puissance
militaire complète.
En cette année marquée par des échéances électorales majeures, par les premiers
travaux d’actualisation du Livre blanc et par la révision de la programmation
militaire, ces trois domaines seront sujets à réflexion. Ils sont loin d’être les
seuls.
Je citerais sans exhaustive le terrorisme, la défense antimissile balistique, la
maîtrise des conflits "post-industriel", l’évolution du positionnement stratégique
des États-Unis, de la Chine, la relation UE-Otan, l’articulation entre
souveraineté et interdépendance capacitaire, la prise en compte des deux
nouveaux champs de conflictualité (Espace, cyberespace)
Nicolas Baverez rappelle que Raymond Aron avait fait graver sur son épée
d’académicien la maxime suivante : « Nul homme sensé ne peut préférer la
guerre à la paix puisque, à la guerre, ce sont les pères qui enterrent leurs fils
alors qu’en temps de paix, ce sont les fils qui enterrent leurs pères ».
Nous ne pouvons aimer la violence et il ne s’agit pas pour moi de jouer les
Cassandre, mais nous sommes aujourd’hui entrés dans une période de désordres
mondiaux permanents tout autant qu’imprévisibles.
Alors l’ambition que je vous fixe est simple. Elle est d’avoir l’esprit en
mouvement. Elle est prendre le recul nécessaire, de vous ouvrir sur d’autres
analyses, sur d’autres points de vue afin de participer, à votre niveau et en
toute connaissance de cause, à la réflexion sur les mutations en cours au
sein du système international, dans le domaine de la défense, à la réflexion
sur cette nouvelle économie de violences.
Et pour cela, cette année, le thème d’études qui vous est proposé, thème
volontairement commun aux deux sessions nationales, est celui de : la France et
ses partenaires de l’Union européenne, de l’Otan et en Eurasie, face aux
enjeux stratégiques et géopolitiques globaux : une vision prospective.
Vous aurez à penser en termes globaux, ceux de la mondialisation. Vous aurez à
revisiter les facteurs de puissance dans un monde en pleine recomposition. Vous
22
aurez à juger les facteurs de force et de faiblesse nationaux et européens en
matière de défense.
Nous en arrivons à la dernière partie de mon adresse : le comment ? Rassurezvous, je serai plus bref.
***
Durant soixante-cinq jours, de nombreux conférenciers parmi lesquels les plus
hautes autorités civiles et militaires seront amenées à "plancher" devant vous.
Leurs présentations vous permettront d’appréhender les grandes
problématiques des armées, de la politique de défense et de la politique
étrangère.
Durant cette année, j’attends de vous : de l’ouverture d’esprit, le sens des
responsabilités, de la modestie, mais aussi de la discrétion.
Vous devrez faire preuve d’ouverture d’esprit et de curiosité :
Notre mission est de réunir des responsables de hauts niveaux, civils et
militaires afin de leur permettre d’approfondir en commun leur
connaissance des questions de défense, de politique étrangère, d’armement
et d’économie de défense.
Cette mission n’est pas simple, mais elle n’est pas la plus compliquée.
Car cette indispensable alchimie entre civils et militaires, entre acteurs de la
fonction publique et du monde économique, il vous appartient, et à vous seuls,
de la faire fonctionner, en gardant votre esprit ouvert, ouvert comme un
parachute.
S’agissant de votre curiosité et de votre ouverture d’esprit, je pourrais faire
référence à Sir Thomas Robert (1864-1930), qui assurait en son temps « minds
are like parachutes, they only fonction when they are open ». Cet homme avait
beau être distillateur de whisky écossais, sa maxime constitue un bon vademecum de l’auditeur idéal…
22
Une précision toutefois afin de répondre à une remarque pertinente qui m’a été
faite l’année dernière. Il s’agit d’un parachute ascensionnel, bien sûr.
Curiosité aussi dans cette volonté de vous informer, de vous perfectionner ou de
vous former afin de mieux percevoir les réalités des nouveaux concepts
stratégiques.
En effet, la nature des débats, de vos prises de paroles, de l’écoute que vous
manifesterez, s’inscrit à l’évidence dans un contexte de convivialité, mais aussi
d’efficacité.
Enfin, ouverture d’esprit afin d’acquérir une bonne connaissance mutuelle de
l’identité et de la culture des différents acteurs de la défense, de la sécurité
nationale, et plus globalement, de la construction de la résilience au sein de la
Nation. Cette connaissance mutuelle est essentielle. Vous y participerez très
directement.
Au cours de cette année, vous, auditeurs de la 64e session "Politique de défense"
bénéficierez de conférences, de visites et de travaux de comité communs avec
les auditeurs de la 48e session "Armement et économie de défense", afin de
croiser vos expertises autour de thèmes d'intérêts partagés et de vous enrichir
plus encore.
De même des conférences communes, des travaux communs seront organisés
avec les auditeurs de l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice
(INHESJ), qui forme le pôle "Sécurité – justice".
Un séminaire de rentrée, inauguré par le Premier ministre le 8 octobre prochain,
rassemblera les 300 auditeurs des deux Instituts intéressant la défense et la
sécurité, l'IHEDN et de l'INHESJ.
Vous ferez acte de responsabilité, aussi.
Aujourd’hui plus encore qu’hier, l’efficacité de l’appareil de défense tout
comme la légitimité des efforts qui lui sont consentis reposent sur l’adhésion
de la Nation.
22
Nous devons, les uns et les autres, expliquer à nos concitoyens le sens de la
politique de défense, de la stratégie de sécurité nationale. Et pour cela, il nous
faut bien connaître ces sujets complexes.
Comme le souligne Régis Debray, on ne défend que ce avec quoi on fait
corps.
Les sociétés attendent en général le péril du dehors, elles sont régulièrement
désarçonnées lorsqu’il surgit du dedans, qu’il s’agisse d’un affaiblissement
du sentiment d’appartenance ou d’une réaction à une crise.
Vous êtes déjà, et vous serez demain plus encore des acteurs de la nécessaire
« prise de conscience collective des enjeux de défense et de sécurité ».
Durant dix mois, vous allez bénéficier d’une formation exemplaire. En retour,
j’attends de vous loyauté et dévouement. Chacun d’entre vous, à sa place,
représente l’Institut. Vous participez à son rayonnement et à la diffusion des
valeurs qui sont les nôtres.
L’imprévisibilité du monde qui nous entoure, le changement de l’économie des
menaces qui pèsent sur nos sociétés, la nécessaire construction de la résilience
commandent l’information du plus grand nombre sur les enjeux de la politique
de défense.
En effet, la réalité des risques et des menaces, pourtant bien concrètes, suscite
une certaine incrédulité. Les menaces militaires sont souvent perçues comme
lointaines et ne mettant pas en cause nos intérêts nationaux. Plus globalement,
notre action s’inscrit dans un espace européen dont l’insularité stratégique se
double aujourd’hui d’un désarmement structurel.
Diffuser la culture de défense, c’est aussi faire comprendre que le
rayonnement, la prospérité et la sécurité de la France ne sont pas des acquis
éternels.
Il ne s’agit pas de dramatiser les risques encourus, mais de préparer la Nation à
l’éventualité d’une crise grave. Cette information doit être précédée d’un travail
régulier de formation et de sensibilisation.
22
La résilience repose sur les structures et organisations de l’État. Elle repose
aussi sur cette volonté partagée de faire face, cette volonté d’assumer son
message universaliste par la diplomatie, mais aussi par la force des armes
lorsque nécessaire, cette volonté dont tout le reste découle. Et cette volonté,
c’est aussi l’esprit de défense.
Vous serez astreint à la modestie :
« Sois modeste, c’est le genre d’orgueil qui déplaît le moins », disait Jules
Renard.
Le travail en comité que nous pratiquons dans ces murs vous conduira à exercer
cette vertu, et peut être la mettra-t-elle légèrement à l’épreuve. L’apprentissage y
sera permanent et la réflexion devra se confronter aux observations, voire aux
critiques de vos pairs. Pour cela, vous serez également aidés par les cadres de
comité, anciens auditeurs, qui vous suivront jusqu’au mois de décembre.
Pour terminer, je vous demande de faire preuve de discrétion. Je vous
demande d’appliquer la règle de l’IHEDN. De nombreux conférenciers parmi
lesquels les plus hautes autorités civiles et militaires vont "plancher" devant
vous, répondre à vos questions, participer à vos débats.
Leur analyse, leur réponse, les échanges qui se dérouleront à l’Institut ne doivent
pas quitter l’enceinte de l’École militaire. Le respect de cette règle est la garantie
d’un échange fructueux. Vos interlocuteurs s’exprimeront avec une liberté de
ton d’autant plus grande qu’ils ont la certitude qu’ils s’adressent
uniquement à des auditeurs de l’IHEDN.
***
Mesdames et messieurs les auditeurs,
vous avez été sélectionnés selon des critères qui permettront de réaliser un
brassage fécond.
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Une session de l’IHEDN, c’est avant tout un lieu de rencontre d’hommes et de
femmes, de jeunes et de moins jeunes, de français et d’étrangers, de Parisiens et
de provinciaux, de civils et de militaires, de responsables des secteurs public et
privé, de gendarmes, policiers et avocats, de spécialistes des sciences dures et
des sciences moles, de docteurs du corps et de l’âme.
Tous unis par l’intérêt qu’ils portent aux questions de défense.
Il vous appartient à vous et à vous seuls :
• de partager vos expériences de hauts responsables issus du service public
et de la société civile en dépassant les segmentations
socioprofessionnelles et nationales ;
•
de brasser des idées, dans un espace de libre débat ouvert à la réflexion
personnelle et collective, afin d’appréhender les différents vecteurs de la
politique de défense et de mieux comprendre l’environnement de sécurité
international et européen au sein duquel vous agirez demain.
Enfin, cet esprit en mouvement que je vous propose ne doit pas être stérile.
La vigueur de vos réflexions, la qualité de vos travaux, la pertinence de vos
propositions ne seront au niveau que j’attends de vous, qu’à condition que vous
vous mettiez vous-mêmes au niveau de l’autorité qui est susceptible de les lire,
celle qui assure la tutelle de l’IHEDN : le Premier ministre.
***
Mesdames et messieurs les auditeurs, l'ambition que je vous propose est grande.
Elle est à la hauteur des enjeux de défense.
Je voudrais aussi saluer l’engagement personnel qui vous a conduit ici.
« Servir son pays, c’est lui donner un peu plus que ce qu’il nous donne » comme
l’a dit récemment le Premier ministre.
Je souhaite que cette année, que votre année soit riche, structurante et bénéfique
à tous.
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J’espère qu’elle vous apportera une grande satisfaction.
Sachez que la mienne est grande d’accompagner tout au long de l’année votre
formation et votre réflexion au service de ce qui nous rassemble, c’est-à-dire
tout simplement le rayonnement et l’honneur de la France.
Je déclare officiellement ouverte la 64e Session nationale "Politique de
Défense".
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