Les systèmes de gestion de la sécurité : une meilleure approche

Transcription

Les systèmes de gestion de la sécurité : une meilleure approche
Les systèmes de gestion de la sécurité :
une meilleure approche pour les transports?
Publication no 2013-77-F
Le 15 août 2013
Allison Padova
Division des affaires juridiques et sociales
Service d’information et de recherche parlementaires
Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols
de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et
renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le
Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue
des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi
qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations
parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale.
© Bibliothèque du Parlement, Ottawa, Canada, 2013
Les systèmes de gestion de la sécurité : une meilleure approche pour les transports?
(En bref)
o
Publication n 2013-77-F
This publication is also available in English.
TABLE DES MATIÈRES
1
INTRODUCTION ....................................................................................................... 1
2
L’ÉVOLUTION DES APPROCHES
EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INDUSTRIELLE ........................................................ 1
3
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ
DANS LES SECTEURS DES TRANSPORTS SOUS
RÉGLEMENTATION FÉDÉRALE AU CANADA....................................................... 2
3.1
Le transport aérien ................................................................................................. 2
3.2
Le transport maritime ............................................................................................. 3
3.3
Le transport ferroviaire ........................................................................................... 4
3.4
Le transport routier ................................................................................................. 4
3.5
Le transport des marchandises dangereuses ........................................................ 5
4
LES PROBLÈMES POSÉS PAR LES SYSTÈMES
DE GESTION DE LA SÉCURITÉ AU CANADA ....................................................... 6
5
CONCLUSION .......................................................................................................... 7
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
i
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ :
UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
1
INTRODUCTION
Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un plan officiel conçu pour favoriser
une culture de sécurité au sein d’une organisation en attribuant des responsabilités
et l’obligation de rendre compte en matière de sécurité à tous les niveaux. Il est
également conçu pour rendre les employés plus conscients de la sécurité dans leurs
activités quotidiennes et établir des voies de communication officielles au sein de
l’organisation pour la mise en commun de l’information relative aux dangers. En
accroissant la sensibilisation, la responsabilisation et la communication, le SGS doit
permettre de déceler les risques avant qu’ils deviennent des problèmes de sécurité.
En outre, les objectifs de sécurité mesurables et les audits internes périodiques
prévus par un SGS favorisent la formation continue au sein de l’organisation, ainsi
que l’amélioration constante du système. Normalement, dans le cadre d’un SGS,
la haute direction doit s’engager en ce qui concerne la sécurité et s’impliquer
en approuvant les politiques et objectifs de l’organisation dans ce domaine et en
en assurant le suivi. La mise en place d’un SGS efficace représente un défi, mais
a pour résultat de prévenir les accidents et, par conséquent, de réduire les coûts
et d’augmenter la compétitivité.
Au Canada, l’adoption d’un SGS est volontaire ou imposée par la loi dans divers
secteurs d’activité tels que le forage en mer, l’énergie nucléaire, la transformation
des aliments, le traitement chimique et les soins de santé. Le présent document
porte principalement sur les exigences fédérales relatives aux SGS dans le secteur
canadien des transports. Il commence par donner un aperçu de l’émergence des
SGS comme nouvelle approche de la sécurité industrielle, puis il passe brièvement
en revue l’imposition, par Transports Canada, de SGS dans les modes de transport
sous réglementation fédérale. Enfin, il analyse certains problèmes survenus dans
la mise en œuvre des SGS.
2
L’ÉVOLUTION DES APPROCHES
EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INDUSTRIELLE
Avant les années 1960, les approches en matière de sécurité dans les secteurs
d’activité à risque élevé reposaient sur l’ingénierie de la fiabilité, qui étudie et évalue,
entre autres, la probabilité de défaillance des équipements 1. Les améliorations
apportées à la sécurité se fondaient alors principalement sur les enquêtes au sujet
des accidents, qui fournissaient des données sur la probabilité de tels événements.
La réglementation de la sécurité à cette époque est souvent dite « prescriptive ».
Une plus grande prise de conscience des risques industriels par le public aux
États-Unis tout au long des années 1960 a mené à une approche scientifique de la
prévention des accidents 2. Les recherches dans ce domaine ont fait ressortir des
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
1
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
facteurs clés de la sécurité industrielle, à savoir les causes des accidents, l’interface
humain-machine, le rôle de la direction et les paramètres de la sécurité liés à
l’économie et à l’efficience.
L’approche des SGS repose non seulement sur la prévention des accidents, mais
aussi sur un processus systématique de détection et de maîtrise des risques dérivant
de ce que l’industrie chimique appelle la « sécurité des procédés ». Ce principe est
issu d’une référence déontologique élaborée par l’industrie chimique canadienne
après la catastrophe survenue en 1984 dans une usine de produits chimiques à
Bhopal, en Inde. La gestion responsable – l’engagement de l’industrie en matière
de sécurité et de protection environnementale – a vu le jour en 1985 et a été adoptée
par des entreprises de produits chimiques dans 50 pays du monde 3.
Dans le secteur des transports, l’augmentation rapide du trafic, l’évolution constante
des technologies, les ressources limitées des organes de réglementation et
les possibilités restreintes d’investissement dans les infrastructures ont rendu
nécessaire l’adoption d’une approche plus efficace en matière de sécurité. À cela
s’ajoutaient des recherches montrant que les organisations pouvaient respecter les
règlements, sans pourtant gérer les risques à des niveaux acceptables 4. L’approche
des SGS est considérée comme un meilleur moyen d’inciter les entreprises à gérer
leurs propres risques, parce qu’elle les rend responsables des facteurs humains,
organisationnels, techniques et environnementaux à l’origine des accidents 5.
Depuis une dizaine d’années, le gouvernement fédéral utilise de plus en plus les
principes de la gestion des risques pour affecter plus efficacement des ressources
publiques limitées. L’approche des SGS est la stratégie adoptée par Transports
Canada pour maintenir et améliorer la sécurité du réseau de transport avec les
ressources disponibles. Dans un document d’orientation stratégique publié en 2007,
le Ministère déclare que l’industrie des transports sera dorénavant responsable de la
gestion proactive et systématique des risques qui pèsent sur ses activités, et que les
SGS constitueront, dans la mesure du possible, le principal outil pour s’acquitter de
cette responsabilité 6.
3
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ
DANS LES SECTEURS DES TRANSPORTS SOUS
RÉGLEMENTATION FÉDÉRALE AU CANADA
Des exigences fédérales en matière de SGS s’appliquent au transport aérien
et au transport maritime, de même qu’à la portion du transport ferroviaire sous
réglementation fédérale. Les principes des SGS, voire des dispositions précises,
se retrouvent aussi dans les règlements fédéraux régissant le transport de
marchandises dangereuses et la sécurité du transport routier.
3.1
LE TRANSPORT AÉRIEN
L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) recommande depuis 2000
à ses États membres d’adopter des SGS pour le secteur de l’aviation. Transports
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
2
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
Canada a été la première autorité de l’aviation civile dans le monde à adopter
un règlement obligeant les compagnies aériennes à mettre en place des SGS.
Les exigences relatives aux SGS pour le transport aérien sont énoncées dans
le Règlement de l’aviation canadien, pris en vertu de la Loi sur l’aéronautique 7.
Les transporteurs aériens dont les aéronefs transportent plus de 20 passagers
(et les entreprises qui assurent l’entretien de leurs aéronefs) ont été les premières
compagnies du secteur à devoir appliquer dans leurs activités des politiques,
procédures et processus liés à des SGS. La réglementation en matière de SGS
applicable à ces compagnies a été adoptée en 2005, mais la conformité n’est
devenue obligatoire qu’en 2008. La réglementation des SGS pour les aéroports et
les fournisseurs de services de navigation aérienne est entrée en vigueur en 2008
et en 2009, respectivement, et son respect devait être évalué en 2012 et en 2013,
respectivement 8. Transports Canada serait en train d’évaluer des possibilités
d’étendre les SGS à d’autres secteurs de l’aviation 9, dont les suivants :
•
les petits exploitants (y compris les exploitants de services de taxi aérien et de
navette aérienne) et les entreprises qui assurent l’entretien de leurs aéronefs;
•
les unités de formation au pilotage d’aéronefs et d’hélicoptères;
•
les entreprises auxquelles Transports Canada délègue le pouvoir de certifier
des aéronefs;
•
les constructeurs d’aéronefs, les héliports et les hydroaéroports 10.
3.2
LE TRANSPORT MARITIME
L’Organisation maritime internationale a élaboré ses premières lignes directrices
sur les SGS en 1989. L’expérience de leur application a servi de fondement au
Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la
prévention de la pollution (Code ISM), qui a été adopté en 1993, puis est devenu
obligatoire en 1998 11.
En 1998, afin de satisfaire aux exigences du Code ISM, Transports Canada a pris le
Règlement sur la gestion pour la sécurité de l’exploitation des bâtiments 12 en vertu de
la Loi sur la marine marchande du Canada. Ce règlement, entré en vigueur en 2002,
continue de s’appliquer sous le régime de la Loi de 2001 sur la marine marchande du
Canada et vise les navires à passagers et les navires de charge canadiens assujettis
à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
(Convention SOLAS) 13.
Transports Canada élabore actuellement un règlement sur la gestion de la sécurité
pour les navires canadiens non visés par la Convention SOLAS (p. ex. les autres
navires à passagers et navires de charge canadiens). Les consultations les
plus récentes à cet égard ont eu lieu à l’automne 2012. Entre temps, le Ministère
encourage les propriétaires et les exploitants de navires canadiens non assujettis à
la Convention SOLAS à se doter volontairement d’un SGS conforme au Code ISM.
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
3
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
3.3
LE TRANSPORT FERROVIAIRE
Depuis 2001, Transports Canada exige des compagnies de chemin de fer sous
réglementation fédérale qu’elles aient un SGS. Les exigences à cet égard sont
prévues dans le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire,
pris en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire 14.
Dans un rapport de 2007, un comité consultatif indépendant a examiné la Loi sur la
sécurité ferroviaire, analysé la mise en œuvre des SGS et formulé des recommandations 15. Pour donner suite à ces recommandations, Transports Canada a mis sur
pied le Groupe de travail sur les systèmes de gestion de la sécurité, composé de
représentants de l’industrie, des syndicats et du Ministère. À ce jour, le Groupe de
travail a produit une définition de la « culture de sécurité » pour l’industrie, une liste
des principales pratiques à l’appui d’une telle culture et une liste de contrôle pour
permettre aux organisations d’évaluer leur culture de sécurité 16.
Des modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire qui ont reçu la sanction royale
en 2012 et sont entrées en vigueur en mai 2013 habilitent le gouverneur en conseil à
prendre d’autres règlements concernant les exigences relatives aux SGS applicables
aux compagnies de chemin de fer. Il peut maintenant prendre des règlements pour
exiger qu’un SGS comprenne :
•
un système de production de rapports à l’abri des représailles pour les employés
qui expriment des inquiétudes relativement à la sécurité de pratiques ferroviaires;
•
une surveillance continue et des évaluations régulières du niveau de sécurité
atteint par la compagnie;
•
la participation des employés et de leurs représentants syndicaux à l’élaboration
et à la mise en œuvre du SGS;
•
la désignation d’un gestionnaire supérieur responsable du respect des exigences
du SGS de la compagnie 17.
Après l’accident de la société Montreal, Maine & Atlantic qui a fait 47 morts et détruit
une partie du centre-ville de Lac-Mégantic, au Québec, en juillet 2013, le public
suivra probablement de plus près la sécurité ferroviaire et les SGS. Les médias
ont laissé entendre que le programme d’inspection des voies ferrées de Transports
Canada serait insuffisant depuis la mise en place de SGS dans le secteur 18.
Lors d’une réunion d’urgence convoquée en juillet 2013, le Comité permanent
des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes
a convenu « [d’entreprendre] une étude sur la sécurité ferroviaire lorsque de plus
amples résultats de l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur le désastre
survenu à Lac-Mégantic seront disponibles 19 ».
3.4
LE TRANSPORT ROUTIER
Bien que la plupart des aspects de l’utilisation des véhicules automobiles relèvent de
la compétence provinciale ou territoriale, le gouvernement fédéral a deux rôles à
jouer en ce qui concerne la sécurité routière. Ainsi, Transports Canada réglemente :
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
4
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
•
le rendement en matière de sécurité des véhicules neufs et importés, en vertu
de la Loi sur la sécurité automobile (LSA);
•
la sécurité des entreprises de camionnage et de transport par autocar
interprovincial, en vertu de la Loi sur les transports routiers (LTR).
La signalisation routière, la délivrance des permis de conduire, l’immatriculation
des véhicules, l’inspection des véhicules commerciaux, le code de la route et son
application relèvent tous de la compétence provinciale ou territoriale.
Une étude de faisabilité concernant l’utilisation des SGS dans l’industrie du transport
routier interprovincial a été réalisée à la demande de Transports Canada et ses
résultats ont été publiés en 2006 20. Dans leur rapport, les consultants signalent
qu’au Canada, les organisations sont en général de petite taille dans le cas du
camionnage et du transport par autocar ou inexistantes dans celui des propriétairesexploitants. Ils mentionnent aussi qu’on n’a pratiquement jamais appliqué de régime
de SGS aux petits exploitants, où que ce soit, et ils avancent qu’il ne sera peut-être
pas possible de le faire. Jusqu’à présent, Transports Canada n’a ni exigé ni
encouragé l’adoption de SGS par les entreprises qui fournissent des services
interprovinciaux et internationaux de camionnage et de transport par autocar.
Dans son document d’orientation stratégique de 2007 sur la sécurité des transports,
Transports Canada déclare qu’il n’y a aucune exigence précise relative aux SGS
dans la LSA ou la LTR. Le Ministère souligne toutefois que les principes du SGS sont
compris dans la fabrication et la certification des véhicules sous le régime de la LSA,
et qu’il teste les véhicules et vérifie les dossiers des fabricants. On trouve aussi des
principes du SGS dans les critères de rendement établis dans le Code canadien de
sécurité, « un code de normes de rendement minimum qui s’applique à toutes les
personnes responsables de la sécurité d’utilisation des véhicules commerciaux »,
sous le régime de la LTR. Il incombe aux gouvernements provinciaux et territoriaux
de faire appliquer le Code 21.
3.5
LE TRANSPORT DES MARCHANDISES DANGEREUSES
La Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses (LTMD) du
gouvernement fédéral et le Règlement sur le transport des marchandises
dangereuses pris en vertu de cette loi régissent le confinement et le marquage des
marchandises dangereuses, ainsi que les mesures d’intervention d’urgence en cas
d’accident mettant en cause de telles marchandises. Les règlements qui s’appliquent
au mode de transport employé (aérien, maritime, ferroviaire ou routier) régissent,
quant à eux, la conduite d’un véhicule transportant des marchandises dangereuses.
Ni la LTMD ni le Règlement ne comportent de dispositions particulières sur les SGS.
Cependant, d’autres facteurs atténuent les risques et rendent moins nécessaire
l’adoption de telles dispositions 22. Tout d’abord, le taux d’accidents est très faible
dans le transport des marchandises dangereuses, et bon nombre de stratégies
en matière de SGS se trouvent déjà dans la LTMD, le Règlement et les normes 23.
En conséquence, les risques dans ce secteur peuvent être gérés convenablement
en appliquant les dispositions existantes relatives, entre autres, à la gestion des
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
5
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
risques, aux mesures d’intervention d’urgence et à la responsabilisation de l’industrie
par l’application des lois 24. Ensuite, les modifications apportées à la LTMD en 2009
ont renforcé les dispositions concernant les documents des organisations, les pouvoirs des inspecteurs fédéraux et d’autres processus visant à assurer la sécurité du
transport de marchandises dangereuses 25. Enfin, lorsque des marchandises dangereuses sont expédiées par transport aérien, maritime ou ferroviaire, les dispositions
en matière de SGS des lois fédérales relatives à ces secteurs s’appliquent.
4
LES PROBLÈMES POSÉS PAR LES SYSTÈMES
DE GESTION DE LA SÉCURITÉ AU CANADA
Depuis l’adoption d’exigences relatives aux SGS au Canada, le Comité permanent
des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes
a entendu les témoignages d’une grande variété d’intervenants aux points de vue
différents sur l’efficacité des SGS dans les transports aérien et ferroviaire 26. Les
associations industrielles qui représentent les compagnies de chemin de fer et les
exploitants aériens sont d’avis que les SGS ont une incidence positive sur la sécurité
dans leur secteur, tandis que les employés et les représentants des syndicats des
transports sont en général d’avis contraire.
Le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a fait rapport à deux reprises
sur les SGS dans l’aviation civile au pays depuis leur mise en place, et dans les deux
cas, il mentionnait des difficultés au chapitre du passage à l’approche axée sur
les SGS. Dans son rapport de mai 2008, le BVG constate que, durant la transition,
Transports Canada a sous-estimé les risques qu’elle présentait, de même que l’incidence du transfert de ressources jusque-là affectées à des activités de surveillance
traditionnelles 27. En 2012, le BVG a de nouveau examiné la surveillance de l’aviation
civile par Transports Canada et déclaré que le Ministère était en retard dans ses
inspections, qu’il n’était pas certain du nombre d’inspecteurs et d’ingénieurs requis,
et qu’il n’avait toujours pas défini le niveau de surveillance minimal acceptable 28.
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a également souligné des
problèmes survenus dans d’autres modes de transport pendant la transition entre la
réglementation traditionnelle en matière de sécurité et les SGS. Il a ajouté les SGS
dans les transports aérien et maritime à sa Liste de surveillance 2012, qui « énumère
les problèmes de sécurité qui posent les plus grands risques aux Canadiens et aux
Canadiennes 29 ». En ce qui concerne le transport maritime, le BST constate que
« Transports Canada n’effectue pas toujours un contrôle efficace des sociétés
de transport maritime qui sont en train de se doter d’un système de gestion de la
sécurité ». En ce qui a trait au transport aérien au Canada, le BST fait remarquer que
les exploitants aériens ont eu du mal à passer à l’approche axée sur les SGS et il
recommande que Transports Canada surveille davantage les entreprises en période
de transition. Malgré les problèmes liés à la transition, le BST exhorte le Ministère
à poursuivre la mise en œuvre des exigences relatives aux SGS pour les navires
commerciaux canadiens ainsi que pour les petites entreprises d’aviation, comme les
exploitants de services de taxi aérien et de navette aérienne. Une représentante du
BST constate que « [r]ien ne garantira jamais que l’on pourra trouver, analyser et
traiter toutes les situations dangereuses dans les activités d’exploitation
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
6
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
quotidienne », mais elle conclut toutefois que les SGS constituent un avantage
lorsqu’ils sont mis en œuvre efficacement 30.
Enfin, le Comité consultatif sur l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire conclut,
après avoir réalisé des études indépendantes, que l’intégration des SGS dans le
transport ferroviaire et la surveillance de ces systèmes par Transports Canada ne
sont pas uniformes. Toutefois, il conclut aussi que « le SGS confère un très net
avantage par rapport aux modèles de réglementation traditionnels qui sont
exclusivement prescriptifs », et il recommande que « les compagnies de chemin
de fer et Transports Canada concentrent leurs efforts sur l’amélioration de sa
mise en œuvre 31 ».
5
CONCLUSION
En raison du coût élevé des accidents industriels pour les organisations comme pour
la société en général, les recherches multidisciplinaires et l’élaboration de politiques
publiques sur la sécurité et la prévention des accidents se poursuivent. Après le
milieu du XXe siècle, il s’est produit un tournant dans l’approche la plus répandue en
matière de sécurité industrielle : les enquêtes menées sur les accidents ont cédé la
place à la prévention au moyen mesures de maîtrise des risques. Les SGS, qui sont
des plans officiels exigeant une sensibilisation à la sécurité et une responsabilisation
à tous les niveaux d’une organisation, sont généralement considérés comme
l’approche la plus efficace pour réduire les risques d’accident industriel. Les
organisations internationales qui régissent les secteurs de l’aviation, du transport
maritime et de l’énergie nucléaire obligent les États membres à exiger la mise en
place de SGS dans ces secteurs.
Même s’il semble y avoir pour l’instant relativement peu de recherches sur l’incidence des SGS sur la sécurité – que ce soit au Canada ou sur la scène internationale –, bon nombre de pays, y compris le Canada, ont pris un engagement concret
concernant l’approche axée sur les SGS et sont disposés à en adapter les exigences
au fil du temps et s’il y a lieu. Transports Canada évalue l’efficacité des SGS dans
le secteur des transports dans le cadre de ses activités d’application de la loi et
au moyen d’indicateurs du rendement en matière de sécurité. Étant donné le coût
et la complexité de la mise en œuvre des SGS, cette approche peut ne pas convenir
à des secteurs où la majorité des entreprises ont une structure organisationnelle
minimale, par exemple le secteur du transport routier au Canada.
Les industries sous réglementation fédérale du secteur canadien des transports sont
actuellement à différents stades d’évaluation, d’adoption et de mise en œuvre des
SGS. Les entreprises complexes sont maintenant obligées, par règlement, d’avoir des
SGS, tandis que les entreprises plus petites, moins réglementées, et celles qui ne
relèvent pas de la compétence fédérale sont simplement encouragées à en adopter.
Il ressort des examens de la mise en œuvre des SGS par Transports Canada
effectués par le BVG, le BST et le Comité consultatif sur l’examen de la Loi sur la
sécurité ferroviaire que le passage aux SGS s’avère difficile tant pour le secteur des
transports que pour l’organe de réglementation. Cependant, tous ces organismes
indépendants reconnaissent que les SGS efficaces constituent un bien pour la sécurité
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
7
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
des transports. Étant donné les avantages que présentent les SGS et le fait que ses
ressources ne peuvent suivre la croissance de l’industrie, Transports Canada entend
utiliser des stratégies s’appuyant sur les SGS pour réduire le taux d’accidents et leur
nombre absolu dans le secteur des transports.
NOTES
1.
Geoffrey R. McIntyre, Patterns in Safety Thinking: A Literature Guide to Air
Transportation Safety, Burlington (Vermont), Ashgate Publishing Ltd., 2000.
2.
Ibid.
3.
Association canadienne de l’industrie de la chimie, Gestion responsable.
4.
Transports Canada, citant Ludwig Benner Jr., « What Is this Thing Called a Safety
Regulation? », Journal of Safety Research, vol. 14, 1983, p. 139 à 143.
5.
Le modèle du « fromage suisse » de la causalité des accidents proposé par James
Reason est l’illustration la plus connue de la relation entre les accidents et le cumul
des défaillances sur le plan organisationnel et de la gestion. Voir James Reason,
« Human error: models and management », British Medical Journal, vol. 320,
18 mars 2000, p. 768 à 770.
6.
Transports Canada, Allons de l’avant – changer la culture de sécurité et sûreté (orientation
stratégique pour une gestion de la sécurité et de la sûreté), no T22-135 au catalogue,
Ottawa, 2007. Ce document d’orientation stratégique traite également de l’utilisation des
systèmes de gestion de la sécurité dans le réseau de transport sous réglementation
fédérale.
7.
Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433.
8.
Transports Canada, « Calendrier de la mise en œuvre », Système de gestion de la
sécurité (SGS).
9.
Ibid.
10.
Bureau du vérificateur général du Canada, « Chapitre 3 – La surveillance de la sécurité
du transport aérien – Transports Canada », 2008 mai – Rapport de la vérificatrice
générale du Canada.
11.
Organisation maritime internationale, « Development of the ISM Code », Safety
management.
12.
Règlement sur la gestion pour la sécurité de l’exploitation des bâtiments, DORS/98-348.
13.
Transports Canada, « Système de gestion de la sécurité (SGS) », Surveillance
règlementaire des bâtiments canadiens.
14.
Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, DORS/2001-37.
15.
Transports Canada, « Chapitre 5 : Systèmes de gestion de la sécurité », Examen de la
Loi sur la sécurité ferroviaire – Renforcer les liens : un engagement partagé pour la
sécurité ferroviaire.
16.
Transports Canada, « La création d’une culture de sécurité fructueuse », Sécurité
ferroviaire au Canada.
17.
Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. 1985, ch. 32 (4e suppl.), art. 47.1.
18.
Jessica McDiarmid, « Lac-Megantic train explosion: a regulatory failure? », Toronto Star,
29 juillet 2013.
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
8
PUBLICATION No 2013-77-F
LES SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ : UNE MEILLEURE APPROCHE POUR LES TRANSPORTS?
19.
Chambre des communes, Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des
collectivités, Procès-verbal, 1re session, 41e législature, 23 juillet 2013.
20.
SYPHER, Étude de faisabilité concernant l’applicabilité des systèmes de gestion de la
sécurité à l’industrie du transport routier au Canada, rapport final soumis à Transports
Canada, juin 2006.
21.
Transports Canada, « Code national de sécurité », Transporteurs routiers.
22.
Transports Canada (2007), Allons de l’avant, p. 29 et 30.
23.
Ibid., p. 31.
24.
Ibid., p. 33.
25.
Projet de loi C-9 : Loi modifiant la Loi de 1992 sur le transport des marchandises
dangereuses, 2e session, 40e législature (L.C. 2009, ch. 9).
26.
Le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la
Chambre des communes s’est penché sur la sécurité du transport aérien au cours
de la 1re session de la 39e législature, et sur la sécurité ferroviaire durant la 2e session
de la 39e législature. Pour l’étude sur la sécurité du transport aérien, voir Chambre des
communes, Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités
(TRAN), Huitième rapport, 1re session, 39e législature. Voir aussi TRAN, Rapport du
Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités sur la sécurité
ferroviaire au Canada, 2e session, 39e législature, mai 2008.
27.
Bureau du vérificateur général du Canada (2008).
28.
Bureau du vérificateur général du Canada, « Chapitre 5 – La surveillance de l’aviation
civile – Transports Canada », Printemps 2012 – Rapport du vérificateur général du
Canada.
29.
Bureau de la sécurité des transports du Canada, Liste de surveillance 2012.
30.
Kathy Fox, membre du Bureau de la sécurité des transports du Canada, Approches
évolutives de la gestion de la sécurité et des enquêtes sur les accidents – « De la gestion
individuelle à la gestion organisationnelle de la sécurité », discours prononcé à la
Conférence internationale Women in Aviation, Orlando (Floride), 27 février 2010,
présentation en PowerPoint intégrée, diapositive 22.
31.
Transports Canada, « Chapitre 5 : Systèmes de gestion de la sécurité », Examen de la
Loi sur la sécurité ferroviaire – Renforcer les liens : un engagement partagé pour la
sécurité ferroviaire.
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
9
PUBLICATION No 2013-77-F