Téléphonie mobile: le cadre juridique
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Téléphonie mobile: le cadre juridique
Téléphonie mobile: le cadre juridique La présente fiche d’information propose une vue d’ensemble du cadre juridique de la téléphonie mobile. Elle met l’accent sur l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI), les recommandations d’exécution s’y rapportant et certains aspects de la procédure relative à l’obtention du permis de construire. 1. Le principe L’autorisation relative aux sites de téléphonie mobile donne souvent lieu à des débats. Pourtant, la situation juridique concernant les antennes de téléphonie mobile est très clairement définie par l’ORNI, mais aussi par ses moyens d’exécution et plusieurs décisions de principe de la plus haute autorité. Comme pour tout projet de construction, le droit à la délivrance d’un permis de construire existe dès lors que les prescriptions applicables, dont l’ORNI, sont respectées. Des différences d’exécution existent entre les cantons, qui ne peuvent être présentées ici dans leur intégralité. 2. La loi sur les télécommunications La poste et les télécommunications relèvent de la compétence de la Confédération selon la constitution fédérale. La nouvelle loi sur les télécommunications en vigueur depuis le 1er janvier 1998 a introduit la libéralisation du marché des télécommunications et délégué cette tâche de la Confédération aux fournisseurs de services de télécommunication privés. Pour fournir des services de télécommunication et exploiter des installations de télécommunication majoritairement indépendantes, l’opérateur a besoin d’une concession. C’est la Commission fédérale de la communication (ComCom) qui est chargée d’attribuer les concessions dans le domaine des télécommunications. Celle-ci peut déléguer certaines tâches, telles que la préparation et l’exécution de la procédure préalables à l’attribution de la concession à l’OFCOM (Office fédéral de la communication). Une concession comprend le droit, mais aussi l’obligation de fournir les services de télécommunication correspondants. La loi sur les télécommunications (LTC) et ses ordonnances forment le cadre juridique. La LTC a pour but «d’assurer aux particuliers et aux milieux économiques des services de télécommunication variés, avantageux, de qualité et concurrentiels sur le plan national et international.» Elle doit en particulier «garantir qu’un service universel sûr et d’un prix abordable soit fourni à toutes les catégories de la population et dans tout le pays» et «permettre une concurrence efficace en matière de services de télécommunication». Suite à l’ouverture du marché en mai 1998, des concessions de téléphonie mobile GSM ont été attribuées à de nouveaux opérateurs en Suisse. En février 2001, les concessions UMTS ont suivi. En mettant aux enchères les fréquences actuelles et des fréquences supplémentaires début 2012, la ComCom a ouvert la voie à l’utilisation de technologies de téléphonie mobile modernes et performantes, comme le LTE (Long Term Evolution). Jusqu’à aujourd’hui, plus de 10 000 sites d’émetteurs ont été autorisés. L’extension du réseau concerne en premier lieu les technologies UMTS et LTE. Le cadre juridique repose notamment sur la loi sur la protection de l’environnement (LPE), l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) et les moyens d’exécution qui s’y rapportent. 1/6 3. La loi sur la protection de l’environnement: protection et précaution L’exploitation de stations émettrices pour la téléphonie mobile génère un rayonnement non ionisant. Ce rayonnement, considéré comme une atteinte qui peut être nuisible ou incommodante, doit donc être limité à la source. Les prescriptions légales correspondantes figurent notamment aux articles 11, 13 et 18 de la loi sur la protection de l’environnement (LPG, RS 814.01 du 7 octobre 1983). La LPE a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. A titre préventif, la LPE tient également compte des atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes. La LPE entend limiter les ondes radio, indépendamment des nuisances existantes, dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (LPE, art. 11, al. 2). Les émissions (rayonnements) doivent être limitées s’il est constaté que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes (LPE, art. 11 al. 3). Pour évaluer les atteintes nuisibles ou incommodantes, le Conseil fédéral fixe des valeurs limites d’immission (immission = atteinte) de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes et ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 13 et 14). 4. L’ORNI et les moyens d’exécution L’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI, en vigueur depuis le 1er février 2000) régit la limitation des émissions des champs électriques et électromagnétiques générées par des installations stationnaires dans une plage de fréquence allant de 0 Hz à 300 GHz. Outre les installations de téléphonie mobile, sont concernés les lignes à haute tension, les transformateurs, les chemins de fer électriques ou les émetteurs radio. Les téléphones mobiles sont expressément exclus. Toutes les dispositions légales de Suisse (LPE, ORNI, moyens d’exécution, loi sur l’aménagement du territoire, etc.) forment l’une des réglementations les plus strictes au monde. Limitation des émissions Les installations de téléphonie mobile doivent être construites et exploitées de telle façon que les limitations préventives des émissions définies soient respectées (prévention, ORNI, art. 4 al. 1). Les groupes d’antennes qui émettent dans des conditions de proximité spatiale sont considérées comme une seule installation. Un groupe d’antennes comprend toutes les antennes émettrices fixées sur un mât ou sur un même bâtiment. Lieux à utilisation sensible Les nouvelles et les anciennes installations émettrices en mode d’exploitation déterminant doivent respecter les valeurs limites de l’installation dans les lieux à utilisation sensible. Aucune exception n’est prévue à cette prescription. Les lieux à utilisation sensible sont pour l’essentiel les locaux dans les bâtiments où séjournent régulièrement des personnes, les espaces destinés à de tels usages dans un plan d’aménagement (p. ex. aires de jeux) même si ces derniers ne sont pas encore bâtis. Mode d’exploitation Le mode d’exploitation déterminant pour l’exploitation est le trafic de données et de communication maximal à la puissance d’émission maximale. Les mesures montrent que l’intensité effective du signal est parfois bien inférieure aux valeurs maximales théoriques. Valeur limite d’immission La valeur limite d’immission (VLI) doit être respectée partout où des personnes peuvent séjourner pour une courte durée (lieux de séjour momentané, LSM). Pour la plage de fréquences de 400 à 2000 MHz, la VLI est comprise entre 39 et 58 V/m (volts par mètre). Pour la plage de 8 à 10 GHz, la VLI est fixée à 61 V/m. 2/6 Valeur limite de l’installation La valeur limite de l’installation (VLInst) repose sur le principe de précaution de la loi sur la protection de l’environnement. La VLInst est environ 10 fois inférieure à la valeur limite d’immission et s’applique à tous les lieux à utilisation sensible (LUS). Elle est déterminée en fonction des fréquences: dans la plage de fréquences autour de 900 MHz ou moins, à 4 V/m (volts par mètre) et pour les installations qui émettent exclusivement dans la plage de fréquences de 1800 MHz et plus, à 6 V/m. Pour les installations combinées, la VLInst est fixée à 5 V/m. Détermination des valeurs limites en Suisse Les valeurs limites d’immission en Suisse correspondent, dans la plupart des pays européens, aux valeurs limites recommandées par des organisations internationales telles que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et la CIPRNI (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants). Elles comportent des facteurs de sécurité importants et s’appuient sur le consensus international de scientifiques issus de différentes disciplines telles que la médecine, la biologie, la biophysique et la technique. Philosophie de la précaution Les valeurs limites d’installation fixées par la Suisse en matière d’intensité de champ sont dix fois plus sévères que les normes internationales (voire 100 fois plus sévères en ce qui concerne la densité surfacique de puissance qui détermine la charge individuelle). La loi suisse sur la protection de l’environnement et son principe de précaution garantissent une protection encore plus élevée. La loi sur l’aménagement du territoire, les règlements de construction cantonaux et les étapes de procédure démocratique complètent cette protection. 5. Recommandations d’exécution et de mesure Recommandations d’exécution et de mesure Depuis le 28 juin 2002, des recommandations d’exécution détaillées ont été publiées et des recommandations de mesure ont été élaborées conjointement avec l’Office fédéral de métrologie et d’accréditation (METAS). Ces recommandations définissent les modalités d’évaluation des installations de téléphonie mobile GSM et UMTS dans le cadre de la procédure d’autorisation selon l’ORNI, précisent les notions juridiques de l’ordonnance et fournissent des instructions claires concernant le modèle de calcul et la mesure des ondes radio des stations émettrices. Les recommandations s’appuient également sur les dernières décisions rendues par le Tribunal fédéral. Le 1er juillet 2009, le Conseil fédéral a décidé de modifier l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI). Le texte révisé est entré en vigueur le 1er septembre 2009. La nouvelle recommandation d’exécution portant sur les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) n’a pas encore été publiée. Qualité pour faire opposition et recourir A qualité pour recourir quiconque est spécialement atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Il peut s’agir de personnes vivant à proximité d’un site où une installation de téléphonie mobile est projetée (ATF 128 II 168), définies plus précisément par un cercle autour de l’installation en projet dont le rayon est égal à la distance à laquelle l’intensité du rayonnement dans la direction principale de rayonnement peut correspondre à un dixième de la valeur limite de l’installation (VLInst) (ATF 128 I 59). Selon le Tribunal fédéral, ce calcul est facile à effectuer et définit très largement le cercle des personnes ayant qualité pour recourir, car il ne tient compte ni de l’atténuation de la puissance, ni de l’atténuation causée par les immeubles. Pour simplifier la procédure et la participation de la population aux décisions, ce rayon est également appliqué lorsqu’il est possible d’établir que l’intensité du signal attendue est inférieure à 10% de la VLInst Notion d’installation Plusieurs groupes d’installations sont traités comme une seule installation lorsqu’ils sont fixés sur le même mât notamment sur la façade ou le toit d’un même bâtiment, ou émettent dans des conditions de 3/6 proximité spatiale et fonctionnelle. Seules sont prises en compte les installations dont l’ERP (Effective Radiated Power, puissance apparente rayonnée) est d’au moins 6 W. Un périmètre est déterminé autour des installations pour une définition précise. Deux groupes d’antennes émettent dans des conditions de proximité spatiale dès lors qu’au moins une antenne émettrice de chaque groupe se trouve dans le périmètre de l’autre groupe. Le périmètre de l’installation est défini par «l’isoligne» dont le rayon est déterminé par la puissance d’émission maximale autorisée. Installations d’émission de différents opérateurs de téléphonie mobile L’ORNI ne fait pas la distinction entre les différents opérateurs de téléphonie mobile dans sa définition de la notion d’installation. Concernant la question de la proximité fonctionnelle, le Tribunal fédéral a souligné dans un arrêt (ATF 1A.10/2001) que les antennes émettrices pouvaient former une installation indépendamment du fait qu’elles soient exploitées par un seul ou plusieurs opérateurs de téléphonie mobile. Microcellules Les installations émettrices d’une EPR de 6 W (puissance apparente rayonnée) ou moins, appelées microcellules, ne sont pas incluses dans le champ d’application de l’annexe 1 de l’ORNI. Lieux à utilisation sensible (LUS) Les LUS sont des lieux dans lesquels des personnes peuvent ou pourront séjourner durant une période prolongée, les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement et les parties de terrains non bâtis sur lesquelles les activités ci-dessus sont permises. Dans ces lieux, la valeur limite d’installation doit être respectée. Selon la recommandation d’exécution, font partie de ces lieux: - les pièces de séjour - les écoles et jardins d’enfants - les hôpitaux, homes pour personnes âgées et homes médicalisés - les postes de travail permanents (selon la définition donnée par le Secrétariat d’Etat à l’économie, SECO, on entend par poste de travail permanent, un poste correspondant au secteur dans lequel un travailleur – ou plusieurs successivement – se tient pendant plus de deux jours et demi par semaine). Les places de jeux définies dans un plan d’aménagement sont expressément qualifiées de LUS. En revanche, les balcons et les toits plats sont pas des LUS. Le Tribunal fédéral l’a confirmé à plusieurs reprises. Fiche de données spécifiques au site La fiche de données spécifiques au site sert à prouver à l’autorité d’autorisation (généralement la commune) que l’installation en projet respecte la valeur limite. La fiche de données spécifiques au site doit être jointe à chaque demande d’autorisation d’une antenne de téléphonie mobile et contient des paramètres techniques ainsi que les valeurs maximales calculées pour les intensités de champ dans les lieux environnants. A partir de ces informations, qui sont contrôlées par les services cantonaux spécialisés, l’autorité compétente peut prendre une décision concernant l’autorisation d’une installation de téléphonie mobile. 6. Procédure d’octroi de permis de construire Si la téléphonie mobile est une infrastructure publique, la procédure d’octroi de permis de construire est soumise au droit privé de la construction. Les étapes décrites ci-dessous varient d’un canton à l’autre et ne s’appliquent donc pas à tous les cas. Il s’agit de principes. Permis de construire Pour construire une antenne de téléphonie mobile, il faut un permis de construire. La demande doit être déposée auprès de la commission locale des constructions, que le site se trouve dans la zone à bâtir ou non. La commission des constructions suit la procédure ordinaire de publication. La commission communale des constructions statue elle-même concernant les demandes dans la zone à bâtir. Pour les demandes en dehors de la zone à bâtir, la demande de permis est transmise à l’autorité cantonale au terme de la procédure de consultation. 4/6 Opposition A qualité pour recourir quiconque est spécialement concerné par le projet de construction et a un intérêt digne de protection au refus ou à la modification de la demande de permis. L’opposant doit donc être davantage concerné que n’importe quel citoyen. Les intérêts dignes de protection peuvent être par exemple un risque pour la santé ou des questions esthétiques, mais non ceux qui n’ont rien à voir avec le droit de la construction ou de l’environnement. La qualité pour former opposition est généralement indiquée dans la fiche de données spécifiques au site (distance maximale pour pouvoir former opposition). En cas d’opposition formée par des groupes de signataires, chacun est considéré comme un opposant et donc partie à la procédure. L’autorité compétente peut toutefois exiger qu’une personne soit désignée pour représenter collectivement les opposants ou le groupe d’opposants. Dans ce cas, la correspondance est adressée au représentant. Conformité à l’affectation de la zone En principe, les constructions doivent être érigées dans la zone à bâtir. A l’extérieur de la zone à bâtir, pour être conformes à l’affectation de la zone, les constructions et les installations doivent être affectées à un lieu hors de la zone à bâtir, comme c’est le cas dans l’agriculture ou la sylviculture. La construction d’antennes de téléphonie mobile hors des zones à bâtir requiert donc une dérogation. Selon la loi sur l’aménagement du territoire, de telles installations peuvent être construites si des raisons techniques, économiques ou découlant de la configuration du sol, justifient la réalisation de l’ouvrage projeté hors de la zone à bâtir (implantation positive imposée par la destination) ou si les ouvrages ou installations ne peuvent pas être autorisés dans la zone à bâtir pour des certaines raisons architecturales ou esthétiques par exemple (implantation négative). Une antenne bénéficiera d’une implantation positive aussi dans l’éventualité où un déficit de couverture ne peut être résolu pour des raisons techniques par une installation dans la zone à bâtir. 7. Répartition des tâches entre les cantons et les communes Commune Contrôle d’exhaustivité - demande de permis de construire - fiche de données spécifiques au site avec ses annexes - plans - profils de construction Canton Lancement de la procédure d’octroi de permis de construire selon l’ordonnance cantonale sur les constructions avec - publication - contrôle formel - contrôle profils de construction Contrôle des calculs RNI (si non effectué par la commune) - fiche de données spécifiques au site - périmètre de l’installation - LUS/LSM - données de l’installation Traitement des oppositions Permis de construire dans le cas d’ouvrage hors des zones à bâtir Permis de construire global 5/6 8. Instances de décision et de recours La législation prévoit en règle générale (non universelle) les possibilités d’opposition et de recours suivantes: Instances dans la zone à bâtir Commission des constructions Conseil communal Département des travaux publics Tribunal administratif Instances hors de la zone à bâtir Commission des constructions --- Nature Opposition Recours Département des travaux publics Recours Tribunal administratif Tribunal fédéral Tribunal fédéral Recours de droit administratif Recours de droit public, éventuellement recours de droit administratif 9. Obligation de délivrer l’autorisation Si toutes les exigences légales sont remplies, l’opérateur a droit à un permis de construire. Dans de tels cas, une opposition n’aboutit pas en règle générale. Les prescriptions du droit de la construction applicables au cas en question et de l’ORNI doivent être respectées. Octobre 2012 Contact: [email protected] 6/6