C. A. Lyon, 31 janvier 2012, n° 09

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C. A. Lyon, 31 janvier 2012, n° 09
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 31 JANVIER 2012
APPELANTE :
Sabrina G. épouse B.
née le 18 Octobre 1978 à SAINT ETIENNE (42022)
représentée par Me Tahar SMIAI,
avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉES :
SAS VALETTE & GAURAND
représentée par la SCP ADK - DESCHODT KUNTZ & ASSOCIES
(Me Sophie LAURENDON), avocats au barreau de LYON
substituée par Me Aude BOUDIER-GILLES,
avocat au barreau de LYON
SA ID'EES INTÉRIM
représentée par Me Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Azza
BOUFLIJA, avocat au barreau de DIJON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE
représentée par Mme Frédérique BOUILLOC
en vertu d'un pouvoir général
PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 Avril 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Novembre 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistées pendant les débats de Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de
greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième
alinéa de l' article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Suzanne TRAN, Adjoint assermenté
faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat
signataire.
*************
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 31 mai 2001, Sabrina G. épouse B., salariée de la société de travail intérimaire S.A.
ID'EES INTÉRIM, a été victime d'un accident du travail alors qu'elle était à disposition de la
S.A.S. VALETTE & GAURAND.
Par jugement du 3 mars 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne a
retenu la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, a condamné la S.A.S. VALETTE &
GAURAND à garantir la S.A. ID'EES INTÉRIM des conséquences financières de la faute
inexcusable, a fixé la majoration de la rente au taux maximum, a organisé une expertise
médicale de Sabrina B. et a condamné la S.A.S. VALETTE & GAURAND à verser à Sabrina
B. la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
L'expert, le docteur VAN CUYCK, a déposé son rapport le 5 mai 2009.
Par jugement du 16 novembre 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale a fixé à la
somme de 22.600 euros le préjudice personnel de Sabrina B. et a condamné la S.A.S.
VALETTE & GAURAND à verser à Sabrina B. la somme de 1.200 euros au titre des frais
irrépétibles.
Sabrina B. a régulièrement interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Par arrêt en date du 12 avril 2011, la cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
- avant dire droit, sur l'indemnisation, ordonné un complément d'expertise médicale de
Sabrina B. confié au docteur VAN CUICK afin de déterminer et pouvoir évaluer les
préjudices qu'elle a subis et qui ne sont pas prévus par l' article L.452-3 du code de la sécurité
sociale .
Le complément d'expertise a été déposé le 21 juillet 2011.
Par conclusions écrites, déposées le 25 octobre 2011, visées par le greffier et soutenues
oralement, Sabrina B. demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la disposition relative à l' article 700
du code de procédure civile ,
Statuant à nouveau, fixer l'indemnisation de ses préjudices comme suit:
Préjudices patrimoniaux
* perte de revenus avant consolidation: 29.903,64 euros,
* déficit fonctionnel permanent: 11.230 euros
* préjudice professionnel: 50.000 euros,
* perte de chance de promotion professionnelle: 50.000 euros,
* perte de gains futurs: 267.698,43 euros,
Préjudices extra-patrimoniaux
* déficit fonctionnel temporaire: 10.195 euros,
* pretium doloris: 50.000 euros,
* préjudice esthétique: 5.000 euros,
* préjudice d'agrément: 20.000 euros,
- dire que ces sommes seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie de SaintEtienne qui en récupérera le montant auprès de la SAS. VALETIE & GAURAND et de la
S.A. ID'EES INTERIM, ou auprès de celle des deux qui sera tenue des conséquences de la
faute inexcusable,
- condamner la S.A.S. VALETTE & GAURAND à lui payer 3.000 euros en application de
l' article 700 du code de procédure civile et ce, pour la procédure d'appel,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la S.A.S. VALETTE & GAURAND à lui
payer 1.200 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier le 22 novembre 2011, soutenues
oralement, la S.A. ID'EES INTÉRIM demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à mérite de justice sur l'évaluation du préjudice de
Sabrina B.,
- rappeler en tant que de besoin, que la SAS. VALETTE & GAURAND doit la garantir des
conséquences financières de la faute inexcusable dont elle a été reconnue responsable,
- la condamner, en conséquence, au paiement de l'intégralité des sommes devant être allouées
au titre de la réparation de son entier préjudice à Sabrina B.,
- la condamner à lui payer la somme de 3.500 euros au titre des frais non répétibles exposés
pour l'ensemble de la procédure,
- condamner cette même société aux entiers dépens.
Par conclusions écrites, déposées le 18 novembre 2011, visées par le greffier et soutenues
oralement, la S.A.S. VALETTE & GAURAND demande à la cour de:
1) Sur les préjudices indemnisés par le livre IV du code de la sécurité sociale
A titre principal
- constater que Sabrina B. a été indemnisée des préjudices suivants: la perte de revenu avant
consolidation, le déficit fonctionnel permanent, la perte de gains futurs, le déficit fonctionnel
temporaire,
- en conséquence, débouter Sabrina B. des ses demandes au versement des sommes de:
* 61.951,80 euros au titre de la perte de revenus avant consolidation,
* 11.230 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 267.698,43 euros au titre de la perte de gains futurs,
* 10.195 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
A titre subsidiaire, sur le quantum,
- constater que les compléments sollicités par Sabrina B. au titre de la perte de
revenus avant consolidation et la perte de gains futurs ne sont pas certains,
- dire et juger que le caractère forfaitaire des sommes allouées à Sabrina B. au titre de la perte
de revenus avant consolidation et au titre de la perte de gains futurs est conforme à la
constitution,
- débouter Sabrina B. de sa demande d'indemnisation d'une prétendue perte de revenus avant
consolidation,
A titre infiniment subsidiaire, sur la perte de revenus avant consolidation;
- constater que Sabrina B. n'a pas retranché l'intégralité des indemnités journalières qu'elle
avait perçues de sa demande au titre de la perte de revenus avant consolidation,
- ramener à la somme de 17.392,80 euros la somme allouée à Sabrina B. au titre de la perte de
revenus avant consolidation,
sur la perte de gains professionnels futurs :
- constater que Sabrina B. est parfaitement apte à travailler,
- constater que Sabrina B. était salariée intérimaire au moment de son accident,
- débouter Sabrina B. de toute demande au titre de la perte de gains professionnels futurs,
2) Sur les préjudices mentionnés à l' article L. 452-3 du code de la sécurité sociale
sur le pretium doloris
- à titre principal, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Sabrina B. une somme
de 12.000 euros en réparation de son pretium doloris de 4/7 et ramener à de plus justes
proportions la somme allouée à Sabrina B.,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris,
sur les autres chefs de préjudice
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris notamment en ce qu'il a débouté
Sabrina B. de sa demande au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,
- rejeter toutes les autres demandes de Sabrina B..
Par conclusions écrites, déposées le 4 novembre 2011, visées par le greffier et soutenues
oralement, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire demande à la cour de lui donner
acte qu'elle versera directement à l'intéressée les sommes allouées en réparation des seuls
préjudices visés à l' article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et en recouvrera le montant
sur l'employeur et qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en
application de l' article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et
soutenues oralement.
MOTIFS DE LA DECISION
L'accident est survenu le 31 mai 2001 ; la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a fixé, sur
avis de son médecin conseil, la consolidation au 15 octobre 2004 ; cette date n'a pas été
querellée et s'impose.
Sabrina B. est née le 18 octobre 1978 ; elle était âgée de 22 ans à la date de l'accident et de 26
ans à la date de consolidation ; elle est mariée et mère de trois enfants.
Par décision n 2010-08 Q.P.C. du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a reconnu au
salarié victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur la
possibilité de pouvoir réclamer devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de
l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Sur la perte de gains professionnels avant la consolidation :
Les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas juges de la constitutionnalité des lois ;
en conséquence, la S.A.S. VALETTE ET GAURAND doit être déboutée de sa demande
tendant à voir déclarer conforme à la Constitution la disposition du code de la sécurité sociale
organisant l'indemnisation de la perte de revenu subie par la victime d'un accident du travail
avant sa consolidation ; les parties n'ont pas entendu soumettre à la cour une question
prioritaire de constitutionnalité.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a versé à Sabrina B. des indemnités journalières du
1er juin 2001 au 15 octobre 2004 pour un montant de 44.943,36 euros.
Il s'est écoulé 40,5 mois entre la date de l'accident et celle de la consolidation ; Sabrina B.
percevait un salaire mensuel net de 6252,87 francs soit 953,24 euros selon le bulletin de
salaire de mai 2001 régulièrement versé aux débats ; aussi, dans l'hypothèse où Sabrina B.
aurait continué à travailler, elle aurait perçu a minima des salaires à hauteur de 38.606,22
euros.
Les indemnités journalières ont donc entièrement suppléé la perte de salaire.
En conséquence, Sabrina B. doit être déboutée de sa demande fondée sur la perte de gains
professionnels avant consolidation.
Sur le préjudice professionnel et la perte de gains futurs :
L'expert relève que Sabrina B. n'a pas retrouvé du travail depuis l'accident ; elle a été
reconnue inapte à tout travail debout et travailleur handicapé ; ses recherches de reclassement
professionnel sont restées vaines.
Sabrina B. réclame l'indemnisation d'un préjudice professionnel qu'elle caractérise par le fait
qu'elle n'a pas retrouvé du travail et l'indemnisation de la perte de gains futurs qui résulte du
fait qu'elle n'a pas retrouvé du travail.
Les deux préjudices se confondent puisqu'ils sont caractérisés par la perte de revenus
professionnels ; ils ne peuvent donner lieu à double indemnisation.
En vertu de l' article L. 452-2 du code de la sécurité sociale , le salarié victime d'un accident
du travail imputable à la faute inexcusable de son employeur a droit à une rente majorée
destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité ; par décision n 2010-8
Q.P.C. le Conseil Constitutionnel a déclaré ce texte conforme à la Constitution Française et
n'a pas émis de réserve en ce qui concerne la rente ou son capital représentatif.
Ainsi, le mécanisme d'indemnisation de la perte de gains professionnels dérogeant au droit
commun de la responsabilité a été validé ; il empêche Sabrina B. de réclamer l'indemnisation
de la perte de ses revenus professionnels subie postérieurement à la consolidation.
En conséquence, Sabrina B. doit être déboutée de sa demande fondée sur la perte de gains
futurs et sur le préjudice professionnel.
Sur la perte de chance de promotion professionnelle :
La victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de son employeur a droit
à être indemnisée du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de
promotion professionnelle ; la perte de chance doit présenter un caractère sérieux et non
hypothétique ; aussi, la victime doit avoir amorcé un cursus de qualification professionnelle
laissant supposer que, sans l'accident, ce cursus aurait continué et qu'en raison de l'accident et
de ses conséquences, elle ne peut plus exercer son métier.
Sabrina B. est titulaire d'un B.E.P. de maintenance obtenu en 1990 après redoublement de la
seconde année de formation ; elle a suivi un stage de développement de l'emploi féminin
innovant d'une durée de 340 heures du 24 septembre au 30 novembre 1999 et une formation
de conductrice sur commandes numériques de 420 heures du 20 décembre 1999 au 17 mars
2000 ; après avoir effectué deux missions d'intérim comme agent de fabrication du 17 avril au
17 juillet 2000, elle a travaillé comme opérateur sur commande numérique du 10 juillet au 24
octobre 2000 sous couvert de huit contrats d'intérim conclus avec la société MANPOWER ; la
mission au sein de la S.A.S. VALETTE et GAURAND, au cours de laquelle est survenu
l'accident du travail, avait débuté le 2 mai 2001 et devait s'achever le 1er juin 2001.
Il résulte de ces éléments que le passé professionnel d'opératrice sur commandes numériques
de Sabrina B. était très limité, qu'il n'était sanctionné par aucun diplôme et qu'il a seulement
été initié dans le cadre de missions d'intérim.
Il n'est donc pas démontré que Sabrina B. avait amorcé un cursus de qualification
professionnelle laissant supposer que, sans l'accident, ce cursus aurait continué.
En conséquence, Sabrina B. doit être déboutée de sa demande fondée sur la perte ou la
diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
Le déficit fonctionnel temporaire correspond à la gêne dans les actes de la vie courante
pendant la période d'incapacité antérieure à la date de consolidation fixée au 15 octobre 2004.
Ce préjudice n'est indemnisé ni par les indemnités journalières qui compensent la perte de
revenu ni par la rente servie postérieurement à la consolidation.
L'expert a noté que Sabrina B. avait été hospitalisée et se trouvait dans l'incapacité totale de
poursuivre ses activités personnelles du 31 mai 2001 au 5 juin 2001, du 27 mai 2002 au 31
mai 2002, le 6 décembre 2001, le 21 octobre 2002, le 29 mars 2004, le 30 mars 2004 et le 13
novembre 2006 ; cette dernière hospitalisation est liée à une rechute et n'a pas a être prise en
considération ; il s'ensuit 15 jours d'hospitalisation.
Sabrina B. réclame la somme de 160 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ; les
éléments de la cause conduisent à faire droit à cette demande.
Sabrina B. a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de la date de l'accident, 31 mai
2001, à la date de consolidation, 15 octobre 2004, déduction à faire des 15 jours d'incapacité
totale ; l'incapacité temporaire partielle a ainsi duré 1218 jours, précision étant faite que
l'année 2004 est une année bissextile ; l'expert a relevé que Sabrina B. avait eu recours à
l'assistance occasionnelle d'une tierce personne durant six mois.
Sabrina B. réclame la somme de 5 euros par jour ; les éléments de la cause conduisent à
retenir cette somme journalière.
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire partiel se monte donc à la somme de 6.090
euros.
En conséquence, l'indemnité au titre du déficit fonctionnel temporaire s'établit à la somme
totale de 6.250 euros.
Sur le déficit fonctionnel permanent :
En l'espèce, le déficit fonctionnel permanent correspond à la gêne dans les actes de la vie
courante causée par l'incapacité postérieure à la date de consolidation.
En application des articles L.434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale , la rente versée à
la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et
l'incidence professionnelle de l'incapacité, et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent; en
l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, la rente indemnise
nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent; en cas de
perte de gains professionnels, la rente indemnise cette perte mais n'indemnise pas le poste de
préjudice personnel du déficit fonctionnel.
En l'espèce, Sabrina B. n'a pas retrouvé du travail depuis l'accident ; elle a été reconnue inapte
à tout travail debout ; elle subit une perte de gains professionnels ; dans ces conditions, la
rente indemnise cette perte de revenu mais n'indemnise pas la gêne dans la vie courante
résultant du déficit fonctionnel permanent.
Ce poste de préjudice est donc indemnisable.
L'expert a chiffré le déficit fonctionnel permanent à 10 % ; eu égard au sexe de la victime et à
son âge à la date de consolidation, il doit être fait droit à la demande de Sabrina B. tendant à
voir fixer le point de déficit à 1.123 euros.
En conséquence, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent se monte à la somme de
11.230 euros.
Sur les souffrances endurées :
L'expert a évalué les souffrances à 4/7 ; Sabrina B. a été victime d'un écrasement du pied et a
subi cinq interventions.
Sabrina B. ne démontre pas que son préjudice peut recevoir une évaluation supérieure à celle
retenue par l'expert.
Au vu de ces éléments, les souffrances endurées doivent être réparées par la somme de 12.000
euros.
Sur le préjudice esthétique :
L'expert a évalué le préjudice esthétique à 2,5/7 en raison de la boiterie à la marche, de
l'aspect disgracieux d'un orteil et de l'impossibilité de porter des chaussures à talon haut.
Au vu de ces éléments, le préjudice esthétique doit être réparé par la somme de 2.600 euros.
Sur le préjudice d'agrément :
L'expert a retenu que la marche était limitée à 30 minutes, la station debout à 10 minutes et la
conduite d'une automobile à 10 minutes ; il a relevé l'impossibilité de sauter, de courir, de
faire du vélo et de s'occuper de personnes handicapées.
Sabrina B. a été bénévole au sein de la section natation de l'association handisport de SAINTETIENNE de septembre 1998 à février 2001 ; une amie atteste qu'elle pratiquait le footing
ensemble avant l'accident ; elle est mariée et mère de trois jeunes enfants ; ainsi, outre la gêne
dans la vie courante indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, le handicap prive
Sabrina B. de la possibilité de pratiquer ses loisirs sportifs et de partager avec son mari et ses
enfants des loisirs et des jeux.
Au vu de ces éléments, le préjudice d'agrément résultant de la privation des loisirs sportifs et
de la privation de pouvoir partager des loisirs avec sa famille doit être réparé par la somme de
20.000 euros.
Sur le montant de l'indemnité totale revenant à Sabrina B. :
L'indemnisation totale se monte à la somme de 52.080 euros.
La gêne dans la vie courante, le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique caractérisé par
une boiterie sont des postes de préjudices personnels résultant du déficit fonctionnel ;
cependant, dans la mesure la perte de gains est bien supérieure à la rente servie( rente annuelle
de 1255,20 euros), il n'y a pas lieu à imputation de la rente sur l'indemnité ainsi chiffrée.
En conséquence, il doit être alloué à Sabrina B. la somme de 52.080 euros en réparation de
ses préjudices consécutifs à l'accident du travail du 31 mai 2001 et le jugement entrepris doit
être infirmé.
Sur l'obligation de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie :
La réserve apportée par le Conseil Constitutionnel le 18 juin 2010 modifie uniquement le
premier aliéna de l' article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; elle ne change pas le
dernier alinéa de cet article qui dispose : 'La réparation de ces préjudices est versée
directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur'.
L'obligation de faire l'avance pesant sur la caisse s'étend donc à l'ensemble des préjudices y
compris ceux désormais indemnisés par l'effet de la réserve du Conseil Constitutionnel.
En conséquence, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la LOIRE doit faire l'avance de
l'intégralité de l'indemnité revenant à Sabrina B. à charge pour elle d'en recouvrer le montant
auprès de l'employeur, la S.A. ID'EES INTÉRIM laquelle est garantie par la S.A.S.
VALETTE ET GAURAND.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n'a pas lieu de statuer sur les frais d'expertise médicale et irrépétibles de première instance,
la Cour, dans son précédent arrêt du 12 avril 2011 ayant déjà statué sur ces demandes.
En application des articles L. 144-5, R. 144-10 et R. 144-11 du code de la sécurité sociale , la
procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; en conséquence,
les demandes présentées au titre des dépens sont dénuées d'objet et le jugement entrepris doit
être infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société ID'EES INTERIM et la société
VALETTE ET GAURAND aux dépens.
L'équité commande de condamner la S.A.S. VALETTE ET GAURAND à verser à Sabrina B.
la somme de 1.500 euros en cause d'appel au titre de l' article 700 du code de procédure civile
et de débouter la S.A. ID'EES INTÉRIM de sa demande présentée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 52.080 euros la somme revenant à Sabrina B. en réparation de ses
préjudices consécutifs à l'accident du travail du 31 mai 2001,
Juge que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la LOIRE doit faire l'avance à Sabrina B.
de la somme de 52.080 euros à charge pour elle d'en recouvrer le montant auprès de
l'employeur la S.A. ID'EES INTÉRIM garantie par la S.A.S. VALETTE ET GAURAND,
Juge dénuées d'objet les demandes relatives aux frais de l'expertise médicale, aux frais
irrépétibles de première instance et aux dépens,
Ajoutant,
Déboute la S.A.S. VALETTE ET GAURAND de sa demande tendant à voir déclarer
conforme à la Constitution la disposition du code de la sécurité sociale organisant
l'indemnisation de la perte de revenu subie par la victime d'un accident du travail avant sa
consolidation,
Condamne la S.A.S. VALETTE ET GAURAND à verser à Sabrina B. la somme de 1.500
euros en cause d'appel au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
Déboute la S.A. ID'EES INTÉRIM de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'
article 700 du code de procédure civile .
Le Greffier Le Président
Suzanne TRAN Nicole BURKEL