Maya Angelou - Scholarship@Western
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Mouvances Francophones Volume 1 Number 1 Echos de la Francophonie et de l'Institut africain de UW(O) Article 1 2012 Maya Angelou Annick MacAskill University of Western (Ontario), [email protected] Follow this and additional works at: http://ir.lib.uwo.ca/mf Part of the Other French and Francophone Language and Literature Commons Recommended Citation MacAskill, Annick (2012) "Maya Angelou," Mouvances Francophones: Vol. 1: No. 1, Article 1. Available at: http://ir.lib.uwo.ca/mf/vol1/iss1/1 This Article is brought to you for free and open access by Scholarship@Western. It has been accepted for inclusion in Mouvances Francophones by an authorized administrator of Scholarship@Western. For more information, please contact [email protected]. MacAskill: Maya Angelou Le bureau des étudiants sous gradués de la faculté des humanités (Arts and Humanities) de l’Université Western Ontario a invité Dr Maya Angelou à présenter un discours jeudi, le 3 novembre à 19h dans l’amphithéâtre Alumni Hall. La salle était pleine, des étudiants, professeurs et membres de la communauté réunis pour écouter la poète, autobiographe et activiste américaine renommée. Devenue célèbre à la suite de la publication de son roman autobiographique Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage (I Know Why the Caged Bird Sings) en 1969, témoignage de son enfance de jeune fille noire dans l’Arkansas, elle a depuis publié des récits autobiographiques, des recueils de poésies, des essais, des pièces de théâtre et des livres jeunesse. Mais elle est toujours surtout connue pour son premier chef-d’œuvre, dans lequel elle raconte son viol à l’âge de sept ans et la période suivante pendant laquelle elle refusait de parler, jusqu’à ce qu’elle trouve sa voix dans la poésie. Prenant comme thème le courage, Angelou a chanté au long de son discours un refrain : « Be a rainbow in the clouds », métaphore tirée du chapitre 9 du livre de la Genèse et reprise dans un chant religieux gospel, « God Put a Rainbow in the Clouds ». Le courage prôné par Angelou est un optimisme, celui qui lui a permis de briser son silence, ainsi qu’une qualité incarnée par ceux qui se donnent à leurs prochains. Elle cite comme exemples son oncle Willie, handicapé qui lui a appris à lire, ainsi qu’une de ses premiers enseignants, Mrs Flowers. Dans cette quête pour sa voix, la poésie pour Angelou a été une source de réconfort. Enfant pendant l’ère de la ségrégation aux États-Unis, elle fut envoyée à l’école « noire » où elle rencontra Mrs Flowers, qui l’encourageait à lire tous les livres de la bibliothèque. Elle éprouva très tôt un goût pour la poésie en particulier, forme qu’elle dit « nous appartient tous ». Toujours muette, c’était son enseignante qui lui apprenait que la poésie est faite pour être lue à voix haute, leçon qui pousse Angelou à réapprendre à parler. Dans son discours, Angelou a fait le lien entre la poésie qui l’a sauvée et la poésie des chants des Noirs aux Etats-Unis pendant l’esclavage et puis la ségrégation : « The poetry in the blues and the spirituals, that poetry kept us alive ». Elle a privilégié la lecture de poètes et chanteurs noirs dans sa présentation, citant Paul Laurence Dunmar, poète du dix-neuvième siècle qui fut aussi auteur de romans et d’essais, parmi d’autres. Mais la poésie pour Angelou est universelle et ainsi elle aime et connaît par cœur des poèmes de Shakespeare, de Poe et d’Edna Vincent Millay. Elle a récité le sonnet 29 de Shakespeare, « Hap’ly I think of thee, and then my state », qu’elle avait appris dans la bibliothèque de Mrs Flowers et dans lequel elle pouvait voir sa propre situation : « Pendant longtemps, je pensais que Shakespeare était aussi une jeune fille noire. » Son message pour les étudiants était clair : lire de la poésie, et de la poésie qui vous force à élargir votre monde. S’adressant à la communauté de la région de London, elle dit, « Je sais que nous sommes au Canada… mais demain, quand vous vous réveillez, appelez votre bibliothécaire… et dites-lui, ‘Madame Angelou a suggéré que je lise des poètes noirs américains.’ » Si Angelou a pu entendre chez Shakespeare des résonances de ses expériences, elle semble soutenir la même sorte de compréhension pour les jeunes Canadiens de notre université. Published by Scholarship@Western, 2012 1 Mouvances Francophones, Vol. 1 [2012], No. 1, Art. 1 Revendiquant le pouvoir des vers, Angelou récite ses citations, elle les chante et elle les rappe même, expliquant que pour elle « The Raven » de Poe a été écrit pour en faire un rap. De cette manière elle souligne implicitement les origines orales de toute poésie. En effet, du lyrisme classique destiné aux chants accompagnés de la lyre aux romans versifiés du Moyen Âge récités par des jongleurs, des sonnets de Ronsard écrits pour la cour française aux chants de travail noirs répétés d’une génération à l’autre, les courants poétiques de plusieurs générations ont tous comme point de départ l’oralité. Même si elle n’est pas forcément destinée au chant, la poésie se distingue des autres genres puisqu’elle exige que l’auteur prête attention à la cadence, au rythme. Cet historicisme implicite ne va pas sans des anachronismes, clairement voulus, qui mettent en relief son principe que la poésie appartient à tous. Si pour elle Shakespeare s’exprime dans la voix d’une jeune fille violée, si Poe écrit comme un rappeur, il existe aussi des poèmes, tels ceux des poètes noirs américains, qui permettraient aux jeunes Canadiens eux aussi d’ « élargir » leurs vies. Pour illustrer cette idée d’universalisme, elle cite Terence, esclave africain à Rome qui devint écrivain dans la langue qui lui a été imposée : « Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. » Mêlant la lecture de vers à son discours sur le courage et l’optimisme, Maya Angelou présente la poésie comme l’expression privilégiée de cette humanité universelle. Au dixneuvième siècle, le roman a commencé à prendre son essor comme le genre littéraire le plus démocratique, jusqu’à ce qu’il dépasse complètement la poésie, éclipse qui n’échappe pas à la critique contemporaine1. L’éloge de la poésie prononcée par Angelou sonne presque comme une apologie, surtout si l’on est conscient de cette soi-disant disparition. Si la lecture des vers se présente comme un défi pour un public habitué aux romans, la voix d’une poète peut rappeler la singularité de cette forme dans son partage de l’expérience – partage rendu possible dans sa souplesse de structure et de sens – et dans l’harmonie de son public. 1 Effacement constaté, par exemple, par Jacques Roubaud dans un article publié en janvier 2010 (« Obstination de la poésie », Le Monde diplomatique). http://ir.lib.uwo.ca/mf/vol1/iss1/1 2