fecondite differentielle

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CHAPITRE IV : FECONDITE DIFFERENTIELLE
INTRODUCTION
Les informations recueillies lors du dénombrement du 3ème RGPH-2001 permettent
d’analyser les caractéristiques démographiques, socioéconomiques et culturelles de la
fécondité au Niger. Nous apprécions ainsi l’intensité et le calendrier de la fécondité à l’échelle
nationale et régionale selon ces différentes caractéristiques.
Au niveau des caractéristiques démographiques, l’âge et la situation matrimoniale
servent de base d’appréciation de l’intensité et du calendrier de la fécondité. Nous étudions le
niveau et le calendrier de la fécondité des adolescentes, de la fécondités des femmes âgées, de
la fécondité des célibataires, de la fécondité légitime et de la fécondité des femmes hors
mariage (veuves et divorcées). Il est en effet unanimement reconnu que l’intensité et le
calendrier de la fécondité évoluent selon que la femme appartient à l’un ou l’autre de ces
groupes. Il est donc nécessaire d’apprécier la part contributive de chaque catégorie de fe mme
dans l’accroissement naturel de la population nigérienne.
Au niveau des caractéristiques socioéconomiques, le niveau d’instruction, le type
d’activité et la situation dans l’occupation principale servent d’éléments d’appréciation de
l’intensité et du calendrier de la fécondité. En effet, ces variables confèrent à la femme un
statut socioéconomique qui influence sa fécondité. Nous étudions ainsi la fécondité des
femmes non instruites, la fécondité des femmes ayant atteint le niveau primaire, la fécondité
des femmes ayant atteint le niveau secondaire et plus et la fécondité des femmes ayant
fréquenté l’école coranique. Nous examinons également l’indice synthétique de fécondité des
femmes au foyer, des femmes au chômage, des femmes chefs de ménage, des femmes
travaillant dans le secteur primaire, des femmes travaillant dans le secteur secondaire et des
femmes travaillant dans le secteur tertiaire. Pour chacune de ces catégories de femmes, il
s’agira d’apprécier l’intensité et le calendrier de la fécondité relativement au statut
socioéconomique. Ces analyses sont menées à l’échelle nationale et régionale.
Concernant les caractéristiques socioculturelles, il ressort de la littérature que le milieu
de résidence, l’appartenance ethnique et l’appartenance religieuse impriment à la femme des
comportements procréateurs différents. Il est donc nécessaire de comparer l’indice
synthétique de fécondité des femmes vivant en milieu urbain à celui des femmes vivant en
milieu rural et l’indice synthétique des femmes appartenant aux grands groupes ethniques
nigériens (Haoussa, Djerma, Peuhls, Touareg, Arabe, Toubou, Gourmantché et Kanouri).
4.1 : F ECONDITE SELON L’ ETAT MATRIMONIAL DES FEMMES EN AGE DE PROCREER
Le statut matrimonial détermine le plus souvent l’exposition des femmes au risque de
procréer au cours de la vie génésique. En effet, dans les pays comme le Niger, à forte
traditions musulmanes, la procréation hors mariage n’est pas encore totalement admise même
si dans les milieux urbains une certaine forme de tolérance semble être observée à l’égard des
filles, des femmes divorcées ou des veuves qui tombent enceinte et accouchent en l’absence
d’un partenaire légalement reconnu par la société. Selon toutes les sources de données
actuellement disponibles, l’intensité de la fécondité des femmes hors mariage demeure encore
très faible.
Tableau 1 : Indice synthétique de fécondité selon l’état matrimonial des femmes en âge de procréer
Etat matrimonial
Célibataire *
Mariée monogame
Mariée polygame
Divorcée
Niger
1,44
8,17
7,78
3,64
Agadez
1,30
7,52
7,31
2,37
Diffa
1,88
8,15
7,34
3,53
Dosso
2,26
8,35
7,58
2,75
Maradi
4,10*
9,36
8,59
3,44
Tahoua
1,79
7,04
6,47
3,81
Tillabéry
1,22
8,51
8,06
5,03
Zinder
1,57
8,40
7,99
3,91
Niamey
0,89
7,17
6,57
3,01
Les résultats définitifs du 3ème RGPH-2001 confirme le niveau très faible de l’intensité
de la fécondité des femmes hors union légale. Sur l’ensemble du pays, la contribution des
femmes célibataires à l’indice synthétique de fécondité est inférieure à deux enfants par
femmes. Dans certaines régions les effectifs de naissances vivantes issues des femmes
célibataires sont très faibles pour permettre le calcul des indicateurs de fécondité.
Concernant les femmes divorcées, les niveaux de l’indice synthétique de fécondité
obtenus à partir des résultats définitifs du 3ème RGPH-2001 montrent la part importante des
unions dans la fécondité totale. En effet, l’ISF des femmes divorcées est pratiquement égale à
la moitié de celui des femmes en union dans toutes les régions du pays. La permanence des
unions affecte indéniablement l’intensité de la fécondité.
Indice synthétique de fécondité
Figure 1 : Répartition de l'indice synthétique de fécondité par régions selon l'état matrimoniale des femmes en
âge de procréer
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Niger
Agadez
Diffa
Dosso
Maradi Tahoua Tillabéry Zinder
Niamey
Régions
Mariée monogame
Mariée polygame
Divorcée
Cependant, même au sein des femmes en union, une différence significative existe en
l’intensité de la fécondité des monogames et celle des polygames (Graphique 3.1). Le nombre
moyen d’enfants par femme polygame est inférieur à celui des femmes vivant dans un
ménage monogamique.
4.2 : F ECONDITE SELON LE NI VEAU D’INSTRUCTION DES FEMMES EN AGE DE
PROCREER
Comme nous l’avons rappelé dans le premier chapitre, la plupart des études montre
que l’intensité et le calendrier de la fécondité se modifient selon le niveau d’instruction des
femmes. Nous avons calculé l’indice synthétique de fécondité selon le niveau d’instruction
des femmes en âge de procréer (tableau 3.2). Globalement, ce sont les femmes qui ont
fréquenté l’école coranique qui présentent l’ISF le plus élevé, suivies de celles sans
instruction. Comme on si attendait, l’ISF diminue à mesure que le niveau d’instruction
augmente.
Tableau 2: Indice synthétique de fécondité selon le niveau d’instruction des femmes en âge
de procréer
Niveau d’instruction
Sans
niveau
d’instruction
Ecole coranique
Primaire 1
Primaire 2
Secondaire
Niger Agadez Diffa Dosso Maradi Tahoua Tillabéry Zinder Niamey
7,24 5,99
7,37 7,08 8,52
6,06
7,18
7,60 5,68
7,4
7,24
6,32
4,46
6,62
6,29
5,07
4,53
7,82
8,05
7,6
5,43
7,64
7,44
6,55
4,53
8,27
9,21
8,17
6,49
6,55
6,90
6.15
4,58
7,11
7,53
6,74
5,04
7,92
8,55
8,03
5,90
6,26
4,99
4,48
3,51
Supérieur
3,14
3,46
1,74 2,33
3,64
3,53
2,13
4,42
3,08
: Répartition de l'indice synthétique de fécondité par régions selon le niveau
d'instruction
Indice synthétique de fécondité
Figure 2
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Niger
Agadez
Diffa
Dosso
Maradi
Tahoua Tillabéry
Zinder
Niamey
Régions
Sans niveau d'instruction
Primaire 2
Ecole coranique
Niveau sécondaire
Primaire 1
Niveau supérieur
Dans toutes les régions du pays, les femmes de niveau d’instruction supérieur
présentent quasiment la moitié de l’ISF de celles qui sont sans instruction. La fréquentation de
l’école coranique semble aussi liée à des niveaux élevés de fécondité traduisant ainsi l’effet de
la religion musulmane sur le comportement procréateur. Il est, en effet, couramment admis
que la pratique religieuse est synonyme d’absence de contrôle de la fécondité à travers les
méthodes contraceptives modernes, de précocité du mariage et d’exposition fréquente au
risque de grossesse du fait de la permanence des unions conjugales car il est recommandé à la
femme en âge de procréer de se marier.
4.3 : F ECONDITE SELON L’APPARTENANCE ETHNIQUE DES FEMMES EN AGE DE
PROCREER
La seconde caractéristique culturelle qui influence l’intensité et le calendrier de la
fécondité concerne l’appartenance ethnique. Les résultats de plusieurs études ont montré que
l’exposition au risque de grossesse et la pratique de la planification familiale à travers le
contrôle des naissances sont guidées par des considérations d’ordre communautaire.
Au Niger, huit grands groupes ethniques se partagent l’espace de vie. La répartition de
l’indice synthétique de fécondité (ISF) selon les différents groupes ethniques montre qu’en
2001, ce sont les femmes Haoussa, Peuhls et Toubou qui présentent les niveaux d’ISF
supérieurs à la moyenne nationale. Par contre les femmes Touareg, Gourmantché et Djerma
songhay ont des niveaux d’ISF plus faibles que la moyenne nationale. En définitive, les
femmes Arabes ont le niveau d’ISF le plus faible.
Figure 3 : Indice
synthétique de fécondité par appartenance ethnique selon quelques sources de
9
8
7
6
5
4
3
2
1
RGPH-1988
RGPH-2001 (12-49ans)
To
ub
ou
Au
tre
se
thn
ies
Ethnie
To
ua
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Pe
uh
l
Ka
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Ha
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on
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Ar
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e
0
Ni
ge
r
Indice synthétique de fécondité
données
RGPH-2001 (15-49ans)
Source : Résultats définitifs du 2ème RGP/H 1988 et 3ème RGPH-2001
Comparés aux résultats du deuxième recensement général de la population et de
l’habitation de 1988, on constate des changements importants dans la classification des
groupes ethniques selon le niveau d’ISF. En effet, l’intensité de la fécondité semble avoir
baissé chez les Arabe, les Djerma Sonrhaï, les Gourmantché et les autres ethnies nigériennes
alors qu’elle aurait augmenté chez les Haoussa, les Kanouri, les peuhl, les Touareg et les
Toubou. Si ces tendances se confirment, il y a lieu de mieux cibler les actions de planification
familiale vers ces groupes ethniques.
4.4 : F ECONDITE SELON LE STATUT SOCIOECONO MIQUE DES FEMMES EN AGE DE
PROCREER
La répartition des femmes selon leur statut socioprofessionnel en fonction des
modalités retenues lors du dénombrement général de la population réalisé en mai-juin 2001 ne
favorise pas une exploitation détaillée des résultats définitifs du RGPH en matière de
fécondité. Certaines catégories (telles que employeuses, cadres professionnelles, exploitantes
agricoles) retenues dans le questionnaire présentent des effectifs très faibles au niveau
régional de telle sorte que les indicateurs calculés ne fournissent que des ordres de grandeurs.
Il ressort, malgré tout, des résultats définitifs du 3ème RGPH-2001 que les tendances
généralement observées dans les autres pays sont respectées. En effet, les femmes au chômage
et les cadres supérieurs présentent les indices de fécondité les plus faibles. Il en est de même
des employeuses du milieu urbain. Par contre les employeuses du milieu rural présentent des
niveaux élevés de fécondité.
Figure 4 : Indice
synthétique de fécondité par région selon le statut socioéconomique des mères
9
8
7
6
5
4
3
2
1
Région
Chômeuses
Ouvrières
Inactives
Employées
Exploitante agricole
Cadre professionnelle
Artisanes
Employeuses
Ni
am
ey
Zin
de
r
Til
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M
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Ni
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Indice synthétique de fécondité
10
Le conflit de rôle entre le statut socioprofessionnel et le rôle de mère semble être lié au
type d’activité. Les activités de types primaires (agriculture, artisanat, etc.), demandant
beaucoup plus de main-d’œuvre, favorisent une forte fécondité tandis que les activités de type
tertiaire ne s’y prêtent pas.
La répartition des taux de fécondité par groupe d’âge des femmes indique que pour les
artisanes, les ouvrières, les exploitantes agricoles et les inactives, la fécondité est très précoce.
Ces femmes commencent à donner naissances très tôt alors que pour celles des autres
catégories telles que les cadres professionnelles et les employeuses du milieu urbain, les taux
de fécondité ne deviennent significative qu’à partir de 25-30 ans.
CONCLUSION
L’étude de l’intensité de la fécondité selon les différentes caractéristiques
socioéconomiques et culturelles à partir des résultats définitifs du 3ème RGPH-2001 indique
des variations importantes qui seraient intervenues au cours de la période inter censitaire
1988-2001. Au niveau de certains groupes sociolinguistiques tels que les Arabes, les Djerma
Sonraï et dans une moindre mesure les Gourmantché, le niveau de fécondité aurait baissé
entre 1988 et 2001. Il aurait par contre considérablement augmenté au niveau des autres
ethnies telles que les Haoussa, les Kanouri, les Peuhl, les Touareg et les Toubou.
Relativement au statut socioprofessionnel et au niveau d’instruction des femmes, les
tendances observées en matière de fécondité correspondent à celles qui étaient attendues. Les
femmes instruites et celles qui travaillent dans les secteurs secondaire et tertiaire font moins
d’enfants et démarrent plus tard leur fécondité que les autres.
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