OLIVER TWIST, de David Lean, 1948

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OLIVER TWIST, de David Lean, 1948
OLIVER TWIST, de David Lean, 1948
Marilyne Brulé
1. LA VISION D'UNE SCRIPTE SUR UN FILM
a. Les conditions d'un tournage
Lorsqu'on tourne un film, on ne le tourne pas (ou exceptionnellement) dans
l'ordre de l'histoire, pour des raisons de logistique (nombreux camions de matériel à
installer et désinstaller, personnel à déplacer en fonction des décors) mais aussi parfois
de disponibilité de comédiens (Monsieur X n'est disponible que la première semaine de
tournage, nous tournerons donc toutes les scènes dans lesquelles il apparait cette
semaine-là) ou de décor (la supérette dans laquelle nous allons faire plusieurs scènes ne
nous autorise à tourner que le lundi car c'est son jour de fermeture et qu'elle ne veut pas
que l'on gêne ses clients, nous ne pourrons y tourner que le premier jour de tournage,
alors que nous devons y tourner la dernière séquence du film).
Du fait de cette décomposition de l'histoire en "séquences" tournées chaque jour
(unité de temps, de lieu, ou d'action), des séquences qui se suivent au scénario et donc
au montage peuvent être tournées à des semaines d'intervalle. Ce qui peut poser de
nombreux soucis de "raccords".
b.Les rôles principaux de la scripte pendant le tournage
Alors que chaque membre de l'équipe s'efforce de faire au mieux son travail
technique sur chaque séquence, sans avoir à se préoccuper de ce que la scène raconte, la
scripte, elle, est justement là pour resituer la séquence dans l'ensemble du scénario et
ainsi épauler le réalisateur.
Elle veille:
-aux enjeux dramatiques (à ce moment là de l'histoire, le personnage est-il déjà au
courant que sa femme l'a trompé?)
-aux cohérences de jeu (ce personnage qui a eu un accident est sensé boiter pendant la
séquence que l'on tourne, même si on n'a pas encore tourné l'accident lui-même)
-aux cohérences de dialogue (si un comédien oublie une réplique très importante, ou si
le réalisateur a envie de rajouter du texte, mais on se rend compte que ça va provoquer
des redites avec d'autres séquences déjà écrites...)
-à la cohérence d'un découpage technique: une séquence se découpe en plusieurs
plans. En fonction de l'emplacement de la caméra (face au personnage, ¾ ou profil,
dos?), de l'échelle de plan (gros plan, plan taille, plan large...), de l'action que l'on filme
pendant chaque prise, les plans seront-ils montable? Le monteur va-t-il avoir plusieurs
options de montage ou va-t-il se retrouver en difficulté avec la matière que l'on va lui
apporter? Ce que nous filmons est-il en accord avec les intentions du scenario?
-aux raccords costumes, maquillage, coiffure entre les séquences et pendant les
séquences (on tourne dans un appartement à Paris, puis on fait croire que l'appartement
est en fait à Brest. Lorsqu'on vient tourner à Brest, 2 mois après l'intérieur à Paris, la
scripte veille à ce que l'habilleuse ait mis le bon costume au comédien. Et le chapeau?
Dans quelle main l'avais-je? demande le comédien. -Il était déjà mis sur la tête dans la
prise que le réalisateur préfèrait...)
-aux raccords accessoires / décoration entre les séquences et pendant les séquences
(lors de plusieurs séquences de mariage, en est-on au début? Au milieu? À la fin? La
décoration ne sera pas la même au fur et à mesure de la soirée...)
-en plus de ces préoccupations techniques et artistiques, la scripte a aussi un devoir
administratif quotidien pendant le tournage de transmission d'informations pour la
production, le monteur, mais aussi d'autres taches en amont qu'il est moins intéressant
de développer ici.
Pour veiller à tout cela la scripte ne quitte que très rarement le plateau et reste au plus
près du réalisateur. L'oeil toujours rivé vers ce qui est filmé, elle se questionne sans
cesse sur la pertinence des choix artistiques effectués pour transmettre les émotions
et/ou les intentions qui n'étaient alors que des mots sur du papier.
La transformation des mots en images est donc un des enjeux forts de mon métier, c'est
pourquoi je m'intéresserai tout particulièrement à essayer de comprendre par quels
processus Oliver Twist nous emmène dans l'univers de Dickens et nous place en
empathie avec le personnage D'Oliver.
2 – OLIVER TWIST: LES TECHNIQUES DE CINEMA AU
SERVICE DES ENJEUX DRAMATIQUES D'UN ROMAN
a. Le montage
-un récit monté en boucle infernale:
Le montage du film Oliver Twist reproduit une sorte de spirale qui emmène
Oliver dans des cercles de plus en plus dangereux. Ainsi, toute sa vie dans la première
heure du film n'est qu'éternel recommencement, chaque lueur d'espoir étant anéantie par
une malchance.
A peine né dans une petite chambre, sa mère meurt et il est envoyé à l'orphelinat.
Recruté pour travailler à l'hospice, il commet une outrance et est vendu à M.
Sowerberry comme apprenti.
Arrivé chez Sowerberry, il démarre sa nouvelle vie d'apprenti mais se dispute avec
Noah et décide de s'échapper.
Arrivé dans la bande de Fagin, à Londres, il démarre sa nouvelle vie d'apprenti
pickpocket mais il se fait arrêter et est emmené par M. Browlonw.
Pris en charge par M. Brownlow, il démarre sa nouvelle vie d'enfant choyé mais est
kidnappé lors de sa première sortie en ville.
Suite à cette première heure très rythmée, Lean casse le cycle pour développer
l'intrigue des adultes, dans laquelle Oliver ne devient plus qu'un témoin inoffensif, voire
un personnage secondaire (le kidnapping, les arrangements avec Monk, la préparation
d'un cambriolage...). La seconde phase du film peut donc en toute logique paraître plus
longue pour le spectateur en comparaison au rythme effréné de la première partie. La
situation d'Oliver y est tout de même la plus extrême, puisqu'il sera poussé à participer
au cambriolage, menacé par l'arme de Sikes. Heureusement, la dernière boucle de la
spirale s'arrêtera sur une note positive, puisqu'Oliver retrouvera enfin son grand-père.
-petits effets ironiques de montage au service de la critique:
Par quelques effets de montage, Lean se met au service de Dickens pour
critiquer la société anglaise de l'époque, et notamment les rapports entre la bourgeoisie
et l'extrême pauvreté. Ainsi, lorsque le conseil de l'hospice se réunit pour dénoncer " ces
pauvres qui abusent de notre bonté et prennent cette maison pour un lieu de
complaisance", Lean interrompt le plan avec un travelling suivant Oliver et le Bedeau
qui traversent une immense buanderie où tous les pauvres, même les personnes agées,
travaillent de manière acharnée.
Dans le même esprit, mais l'impact de montage est tellement fort que Lean se
passe de dialogues, l'enchaînement des plans de repas des enfants dans le réfectoire
avec le repas du personnel de l'hospice dénonce clairement le système.
b. Les décors et leur lumière
-Intérieur ou Extérieur, des décors qui marquent l'enfermement:
Oliver twist naît dans l'hospice où il reste enfermé pendant 9ans. Comme dans
une prison, il ne voit jamais l'extérieur, et cet enfermement est souligné par les décors.
En sous-sol, dans des intérieurs aux hauts murs de pierre, sans possibilité de voir au
loin, le spectateur est enfermé avec lui. La seule découverte vers le ciel se trouve dans
le bureau du conseil de l'hospice, mais là encore, la fenêtre est du coté des bourgeois, et
Oliver, lui, est enfermé dans son cadre.
Même lorsqu'il est embauché comme apprenti, il arrive en ville de nuit, par des
petites ruelles sans horizon, tout est sombre. De plus, il retourne au sous-sol comme une
nouvelle descente aux enfers.
La première fois qu'on le voit en extérieur jour, encore à l'hospice, la hauteur des
murs et la forme des crochets souslesquels passent les enfants ne donnent aucune
impression de liberté. La seconde fois qu'on le voit en extérieur jour, c'est habillé en
deuil au service du fabriquant de cercueils. La notion d'extérieur n'apporte donc pas
forcément plus d'oxygène au protagoniste, qui lorsqu'il n'est pas enfermé physiquement,
l'est moralement.
Il en sera de même pour le traitement visuel de Londres, aux extérieurs aussi
étroits ou murés que les intérieurs.
-la dimension du soleil dans les décors:
Il faut en fait attendre 29 minutes pour qu'on puisse enfin découvrir Oliver libre,
en extérieur jour campagne ensoleillée, avec un horizon symbole d'une nouvelle vie qui
s'offre à lui. Ce cadre fait d'ailleurs écho au 5e plan du film dans lequel apparaissait sa
mère, de face, dans la tempète. Ici, le ciel est bleu et Oliver part de dos, l'avenir face à
lui.
L'arrivée à Londres est elle aussi marquée par des rayons de soleil, notemment
lorsqu'il rencontre Finaud. Mais aussitôt pris en charge par ce dernier, s'enfonçant des
les petites rues, la lumière qui était très contrastée et qui apportait beaucoup de blancs
cède à un éventail de tons gris et une musique menaçante.
On ne retrouve du soleil que lorsque Oliver revient en ville avec ses comparses
pour apprendre à voler. C'est lors de cette séquence qu'il rencontrera M. Brownlow.
Deslors, toutes les séquences filmées dans la maison Brownlow seront marquées par la
lumière du soleil, tandis que le reste du film est très souvent éclairé à la bougie, dans
des recoins sombres et inquiétants.
Petit comparatif simple: les oppositions visuels entre le dernier plan du film et
les premiers.
c.L'importance du cadre: le choix du point de vue
-les plongées /contre plongées:
La première fois que nous découvrons Oliver enfant, il est filmé en plongée, de
dos, agenouillé pour laver le sol. Le choix de ce type de cadre pour présenter le héros
du film montre bien la volonter de D. Lean de mettre Oliver en situation de victime. Il
est écrasé par la caméra qui le filme alors du point de vue des adultes. Il en est de même
lorsqu'il vient redemander de la soupe. S'approchant d'abord dans un plan large, au
niveau de ses camarades, le surveillant parait immense, puis Oliver, perçu de son point
de vue, est totalement écrasé.
Ces rapports de dominant/dominé se retrouvent très souvent tout au long du
film qui use de ce processus pour dénoncer tous ceux qui, dans la société anglaise de
l'époque, profitent du moindre grade ou semblant d'autorité pour écraser les plus faibles
qu'eux.
Pour l'anecdote, il est donc très facile d'analyser les rapports entre M. Bumble
et Ms Corney...
-la double fonction du hors-champ:
Les actes les plus violents de Oliver Twist sont toujours filmés en hors-champ.
Qu'il s'agisse de Oliver qui reçoit des coups de baton, de Sikes qui tue Nancy ou de la
propre mort de Sikes, David Lean refuse de filmer ces actes.
Dans la première situation, le hors-champ nous maintient dans l'émotion d'Oliver
qui subit les coups puisqu'il est filmé en gros plan. Lean alterne avec un gros plan de
Noah qui se réjouit d'abord de cette sentance, mais son visage s'assombrit brusquement,
comme si cette position de voyeur ne l'amusait plus tant que ça.
Dans le second cas, Lean se sert du chien de Sikes pour nous figurer l'horreur.
Le but ici du hors-champ est donc d'éviter de mettre le spectateur dans une position
presque insoutenable de voyeur; d'autant plus que le film est destiné à être montré
autant aux enfants qu'aux adultes. Se servir du chien comme "témoin involontaire" du
crime sauvage permet à chacun de laisser son imagination agir et, à son niveau,
d'imaginer le pire. Dans la même intention, la mort de Sikes, résumée à la corde qui se
tend et un regard choqué d'Oliver, est toute aussi radicalement symbolisée.
-les plans dits "subjectifs":
Dans un souci constant de placer le spectateur dans la peau du protagoniste,
Lean va jusqu'à se servir de la caméra pour incarner Oliver. On voit ainsi le monde à
travers ses yeux.
Les cas très précis de caméra subjective sont utilisés lors de scène d'émotion
intense, notamment lorsqu'Oliver arrive au repère de Fagin et des enfants, où les
escaliers, puis les marches, sont filmées en travelling avant et à hauteur d'Oliver.
On retrouve ce procédé lorsqu'il est poursuivi dans les rues de Londres, accusé
de vol. Le premier plan en travelling avant nous précipite sur des paniers de pommes, le
deuxième nous montre un individu qui tente d'attrapper la caméra, toujours en travelling
avant, et pour finir, un autre homme met fin à la course en simulant un coup de poing
vers la caméra, plan enchaîné sans transition par un noir.
De la même façon, l'évanouissement d'Oliver à la fin du procès est filmé en
caméra subjective. Ajouté aux distorsions des voix, tout est mis en place pour que l'on
se sente aussi mal que lui.
d La bande sonore au service de la tragédie
-créer une ambiance sonore qui souligne le propos:
La naissance d'Oliver est marquée par les bruits de tonnerre, de vent, de corbeau
qui croassent, de pluie, pour indiquer la menace qui va peser sur lui tout le début de sa
vie. Lorsqu'il vient de naître, qu'il est dans les bras de sa mère encore en vie, des bruits
de pas ou de toux dans les couloirs sont très présents, ce qui prouve la volonté de ne pas
faire de cette petite chambre un refuge douillet, mais au contraire, de marquer qu'il ne
faut pas oublier l'endroit sinistre où ils sont.
Lorsqu'il arrive à Londres, le brouhaha créé des bruits d'animaux, voix, cris,
musique d'orchestre est très oppressant et marque la rupture avec l'univers sonore du
plan précédant, celui de l'évasion d'Oliver, soulignée par une musique très douce et des
sifflements de petits oiseaux.
-oublier le réalisme au profit d'un point de vue:
Lors du repas du personnel de l'hospice: viande arrachée, mastiquée, pain
croqué... tous ces bruits sont amplifiés pour marquer l'envie des enfants qui les
observent.
Lorsque Oliver traverse le réfectoire pour demander une portion supplémentaire:
il n'y a aucun son en dehors des petits pas que fait lentement Oliver.
Aussi, lorsque ce dernier est battu par l'entrepreneur de pompes funèbres, les
coups de baton résonnent terriblement.
Au procès, lorsqu'Oliver s'évanouit, les voix se déforment, sont amplifiées en
écho, plongeant le spectateur dans la peau du protagoniste.
-créer une composition musicale en phase avec chaque scène:
La musique est très présente dans Oliver Twist; rares sont les séquences qui ne
sont soulignées d'aucune note. Les exemples sont très nombreux tout au long du film
pour prouver que la musique reste toujours dans le ton de la scène. Lorsqu'Oliver
découvre qu'il va dormir au milieu des cercueils, la musique souligne par le volume, les
notes jouées et le rythme toute l'appréhension de ce dernier à traverser la pièce avant de
se réfugier sur ce qui lui sert de lit.
Lors d'une séquence inquiétante, la musique sera inquiétante. Lors d'une scène plus
légère, la musique le sera également. Lors d'une scène de course, le rythme est très
rapide... On peut dire d'elle qu'elle est emphatique.
La musique témoigne même par instants de l'état intérieur d'Oliver. Lorsque
Noah insulte sa mère, une note grave apparait doucement et s'amplifie au fur et à
mesure qu'il médit sur elle, qui symbolise la montée de tension d'Oliver qui écoute avec
peine. Subitement, Oliver ne se contient plus et se rue sur Noah, en même temps que la
musique explose, très instrumentale, au rythme très rapide et au volume fort. Toute la
bagarre est soulignée par une orchestration dense, des cris, des bruits de coups toujours
très amplifiés, de la vaisselle brisée, et l'ensemble s'arrête net lorsque la porte claque sur
Oliver enfermé.
A l'inverse, lorsque celui-ci se réveille chez M. Brownlow, la musique est très
douce; nous sommes comme dans un rêve, celui qu'il peut faire car il dort encore, mais
aussi celui qu'il pourra faire "éveillé" tant qu'il restera chez Brownlow.
e. les personnages caricaturaux
Tout comme beaucoup de partis pris techniques, le traitement des personnages, tant par
leurs costumes que par leur jeu, est poussé de manière plutôt radicale, voire
caricaturale.
- la caricature dans les costumes, le maquillage: vêtements déchirés, cheveux sales,
dents très noircies ou manquantes, ou, à l'inverse, cols blancs, pantalons aux plis
impeccables, et chapeaux hauts de forme, les effets de maquillage, de costume et
d'habillage sont nombreux pour distinguer chacun des personnages et les situer dans son
contexte social.
- la caricature dans le jeu: Entre les regards implorants d'Oliver, les sourires
manipulateurs de Fagin, le regard diabolique de Sikes, la froideur machiavelique de
Monk, la bêtise de Bumble, l'hystérie de Nancy, la méchanceté de Ms Corney, la
bienveillance paternelle de Brownlow, le desespoir de la mère d'Oliver... Chaque
comédien est poussé dans son rôle à l'extrême, voire de façon caricaturale. Très peu de
personnages évoluent en leur for intérieur. Seule leur situation change. Oliver, par
exemple, retrouvera sa famille à la fin, mais son innocence et sa passivité sont restés
constants du début à la fin.
f. Exemple d'analyse: la construction de la première séquence
d'Oliver Twist
La première séquence d'un film est cruciale. Elle doit à la fois accrocher le
spectateur pour le plonger dans le film, susciter sa curiosité, mais aussi installer un
contexte, situer les personnages , nous donner des clés pour le récit.
Le film débute d'entrée de jeu par un univers sonore menaçant: le tonnerre
gronde, le vent souffle, un corbeau croasse, la pluie tombe sur la mère de Oliver qui
peine à atteindre l'hospice.
Le premier plan du film est un ciel menaçant, qui se couvre, déchiré par quelques
éclairs. Puis une branche noueuse d'arbre est filmée en contre-plongée, ce qui la rend
d'autant plus menaçante, et elle perd sa dernière feuille. Le reflet des nuages dans l'eau
calme est brouillé par le vent qui agite aussi les herbes sauvages. La nature nous est
hostile. Le soleil disparait derrière un gros nuage, ce qui plonge la mère d'Oliver dans la
nuit.
Par le montage, D. Lean fait un parallèle entre le personnage qui se courbe à
cause d'une contraction, et une ronce qui se courbe avec le vent. En plus d'être
menaçante, cette ronce évoque la douleur des contractions que ressent la mère. C'est
d'ailleurs sur ces deux plans qu'apparaissent aussi trois notes de musiques, stridentes,
angoissantes, qui symbolisent le pic de douleur.
David Lean fait le choix de ne pas utiliser de dialogue lors de cette première
séquence; il appuie donc les émotions par des cardages qui accentuent ces émotions:
lors d'une autre contraction, un travelling avant "débullé" se rapproche de la
comédienne qui s'aggrippe à un tronc. Puis la caméra se remet à l'endroit, la
comédienne souffle, la contraction est passée.
Lorsqu'elle arrive à la porte de l'hospice, un simple panoramique vertical indique
au spectateur où elle trouve refuge, ce qui évite une fois de plus tout dialogue explicatif.
Puis l'orage passe. La lune qui réapparait derrière le nuage marque une ellipse: il
s'est passé du temps. Le vent reste présent. La première voix que l'on tentend du film est
celle d'Oliver, mais c'est un cri de bébé qui pleure. Même si on est dans une petite
chambre avec Oliver et sa mère, des bruits de l'extérieur dans les couloirs sont très
présents, ce qui prouve la volonté de ne pas faire de cette petite chambre un refuge
douillet.
La mère se réveille. Le plan flou sur les bougies plonge le spectateur dans le
point de vue de la mère. C'est aussi par son point de vue que l'on découvre les deux
autres personnages présents dans la pièce: elle lève les yeux, attirée par un bruit (Le
médecin et Mle Sally se frottent les mains); on apprend par ce geste qu'il fait froid.
La mère meurt des suites de l'accouchement, et, comme une ironie, on entend
cette phrase: "Remerçions le Seigneur de ce qu'il nous accorde". En 6 minutes, le ton
est donné. La naissance d'Oliver est d'ores et déjà liée à une sensation sonore
d'angoisse, avec une touche d'ironie pour critiquer la société de l'époque.
La musique démarre à l'ouverture des volets (il fait jour), comme pour signifier
l'aube de la vie d'Oliver, qui pourtant ne va pas profiter de la lumière extérieure tout de
suite puisqu'il est emené dans les sous-sols de l'hospice avec les autres orphelins.
Une énorme attention est déployée pour mettre en valeur le médaillon de la mère
d'Oliver qui est vu pour la première fois par Sally (elle se fige, écarquille les yeux, sur
une note de musique puissante), on découvre alors le bijou, grâce à une direction de
lumière très exagérée. On y reviendra même en très gros plan, toujours dans le regard
de Sally qui s'est rapprochée. Tous les éléments cinématographiques sont donc mis en
oeuvre pour indiquer au spectateur l'importance cruciale de ce médaillon, qui passera de
main en main tout au long du film et sera la preuve de l'identité d'Oliver.

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