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RESUME Depuis quelques décennies, notre alimentation s’est enrichie en de nombreux additifs alimentaires. Certains sont responsables d’allergies alimentaires, dont les colorants, à manifestations principalement cutanées. Il est classique de distinguer les colorants naturels, les colorants de synthèse et les colorants minéraux. Bien que de rares accidents ont été décrits pour certains colorants naturels, les faits rapportés singularisent les colorants de synthèse. Parmi eux, les plus nombreux sont les colorants azoïques dont le premier, la tartrazine suivis des colorants rouges (amaranthe, érythrosine, rouge de cochenille…) qui sont à l’origine de nombreuses manifestations cliniques allant de l’urticaire jusqu’au choc anaphylactique. Le mécanisme des accidents dus aux colorants est basé sur une hypersensibilité qui fait appel à la création d’un état immunologique particulier. Dans le but de détecter une éventuelle allergie aux colorants alimentaires, un examen faisant appel à un questionnaire complet est réalisé après apparition des premiers symptômes. Puis, afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’une allergie alimentaire, des tests, des épreuves de laboratoires et des manipulations diététiques peuvent être réalisés : il peut s’agir de tests cutanés et de tests de provocation, d’études d’anticorps et/ou de diète d’élimination. Des mesures préventives telles que la prise de médicaments sans colorants ou la suppression de denrées contenant des colorants de l’alimentation peuvent être prises afin de faire disparaître les troubles allergiques. Afin que le patient allergique soit mieux informé sur la composition des aliments pouvant contenir des allergènes, la Directive 2003/89 du CE du Parlement Européen et du Conseil qui a été publiée le 25 novembre 2003 modifie la Directive 2000/13/CE concernant l’indication des ingrédients présents dans les denrées alimentaires. Cette directive envisage de rendre obligatoire un étiquetage plus complet des ingrédients et des additifs entrant dans la composition des denrées alimentaires. Une liste de ces ingrédients, qui sera réexaminé au plus tard le 25 novembre 2005, a été adopté par la Commission Européenne et fera l’objet de mise à jour systématique. 1 SOMMAIRE INTRODUCTION……………………………………………………………………………3 I_ GENERALITES………………………………………………...…………………............5 I_1 HISTORIQUE……………………………………………………………………………5 I_2 CLASSIFICATION DES COLORANTS………………………..……………………...5 I_2_1 Matières colorantes pour la coloration dans la masse et en surface……….……............6 I_2_2 Matières colorantes pour la coloration en surface uniquement….……………………...7 I_2_3 Matières colorantes pour certains usages seulement………….………………………...8 I_3 LES ALIMENTS CONCERNES PAR LA COLORATION…………………………..8 II_ L’ALLERGIE ALIMENTAIRE……………….………………………………………..9 II_1 DEFINITION……………………………...…………………………………………….9 II_2 ALLERGIE AUX COLORANTS ALIMENTAIRES...……………………………..10 II_2_1_Les principaux colorants incriminés : les colorants azoïques………………………..11 II_2_2 Les autres colorants incriminés …………………………..…………………………..15 II_2_3 Mécanismes…………………..……………………………………………………….15 II_2_4 Diagnostic…………………………..…………….…………………….……………..18 II_2_5 Traitement……………………………..…………..………………………………….20 III_ REGLEMENTATION…………………………………………………………………21 III _1 HISTORIQUE DE LA REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DES COLORANTS ALIMENTAIRES EN FRANCE ET DANS L’UNION EUROPEENNE……………………………………………………………………………...21 III_2 L’ETIQUETAGE DES DENREES ALIMENTAIRES……………..……………...23 CONCLUSION…………………………………...………………………………………….26 BIBLIOGRAPHIE…………………...…..………………………………………………….27 ANNEXES…………………………………………………………………………………....29 2 INTRODUCTION L’allergie alimentaire « vraie » n’a que récemment acquis droit de citer en médecine, à la suite de nos progrès scientifiques et de l’identification d’un mécanisme immunologique à la base des réactions indésirables dues à certains aliments. Il est vrai que le rôle même du tube digestif est de réaliser une assimilation métabolique des substances qui constituent depuis l’antiquité notre alimentation. Mais outre que notre civilisation a des nourritures traditionnelles (le poisson dans les régions nordiques, le lait dans les régions d’élevage, les dérivés du blé dans les régions de culture), nos habitudes alimentaires ont considérablement changé au cours de ces 40 dernières années. Toutes les technologies agroalimentaires qui modifient la chimie des aliments introduisent des substances étrangères qui créent de nouveaux risques. Elles permettent de prévoir une augmentation de l’ensemble des réactions du tube digestif à ce nouvel environnement. Nous nous sommes particulièrement intéressé durant cette étude aux additifs alimentaires plus précisément aux colorants alimentaires. Le développement des industries chimiques, leur application aux industries alimentaires ont amené une augmentation considérable du nombre d’additifs. Selon le décret du 18 septembre 1989 «Art.1er – On entend par additif alimentaire : toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires dans un but technologique au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu’elle devient elle-même, ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composé de ces denrées alimentaires ». On distingue les conservateurs, les agents gélifiant et épaississant, les émulsifiants, les arômatiseurs et releveurs de goût et enfin les colorants. Ces derniers peuvent être d’origine naturelle ou bien issus de synthèses. L’utilisation de colorants alimentaires à pour but de redonner leur couleur native aux aliments, après les processus de cuisson, mise en conserve, salaison, etc. C’est par intérêt économique que l’industrie alimentaire a développé la coloration systématique de nombreux aliments. Dès lors le consommateur est plus influencé par le signal coloré que par le goût de l’aliment qu’il ingère. La technologie alimentaire en est arrivé, pour certains produits, à multiplier les colorants dans une même préparation : on peut se demander si la volonté d’obtenir une certaine nuance mérite de faire avaler au 3 consommateur l’équivalent de la palette d’un peintre. Ce genre d’abus fut le départ d’une certaine réflexion : « l’utilisation de colorants dans l’alimentation ne présente aucun intérêt physiologique, ni technologique ; elle répond au simple désir d’une meilleur présentation ». Or certains colorants sont capables de déclencher des allergies alimentaires. Afin de mieux comprendre le rôle des colorants alimentaires dans les mécanismes d’allergie alimentaire nous présenterons dans une première partie les principaux colorants utilisés dans l’industrie agroalimentaire, puis nous parlerons des allergies qu’ils peuvent provoquer et enfin nous citerons quelques aspects réglementaires. 4 I _ GENERALITES I_1 HISTORIQUE Les couleurs ont déjà, dans le passé, joué des rôles symboliques et émotionnels importants. Dès les temps anciens, certaines épices étaient utilisées pour donner aux aliments des couleurs vives et agréables à l’œil. Au milieu du siècle dernier, tous les colorants ajoutés étaient d’origine naturelle : safran, orseille, cochenille, caramel, curcuma, rouge de betterave, etc… En 1856, Sir William Perkins, en Angleterre, révolutionne l’industrie des colorants en synthétisant une substance violacée soluble dans l’eau et l’alcool, la mauvéine. Les recherches menées ont débouché sur la fabrication de très nombreuses familles de colorants, où l'on trouve souvent des imitations de la structure chimique des colorants naturels. Cette recherche a joué également un rôle important dans l'essor de la chimie organique et dans la compréhension de la nature des molécules. Dès la fin du XIXe, les colorants synthétiques ont intégré deux grands domaines, l’alimentation et la pharmacie [1]. I_2 CLASSIFICATION DES COLORANTS Il y a plusieurs façons de classer les colorants. On peut le faire suivant leur propriété principale qui est leur couleur. On peut le faire également suivant leur nature chimique ce qui permet de faire un rapprochement entre plusieurs colorants (colorants azoïques, polyphénoliques, etc…). Enfin, une classification suivant l’origine, naturelle ou synthétique, peut également être réalisée : - les colorants naturels qui sont des substances colorées présentes dans les produits naturels animaux, végétaux - les colorants synthétiques qui sont obtenus par synthèse chimique Avant 1850, tous les colorants ajoutés dans l’alimentation étaient d’origine naturelle (safran, cochenille, curcuma, rouge de betterave, etc…). C’est avec l’essor de la chimie qu’apparurent les colorants synthétiques encore appelés à l’époque colorants dérivés de la 5 houille. Une troisième catégorie de colorants concerne certaines substances minérales à usage particulier [2]. Il convient de signaler que la réglementation n’établit pas de différence entre les colorant d’origine naturelle et ceux issus de la synthèse chimique. Du point de vue de l’étiquetage, les colorants, quelque soit leur origine, doivent figurer dans la liste des ingrédients des produits dans lesquels ils sont incorporés sous le nom « colorants », suivi de leur nom ou de leur numéro d’identification conventionnel. La référence au caractère naturel est admise uniquement pour les colorants dont la partie colorante a été obtenue par des procédés physiques appropriés (extraction par un solvant, par exemple) à partir d’une matière végétale. La référence au caractère naturel ne pourra être admise pour les colorants lorsqu’ils ont été modifiés ou isolés par voie chimique. Enfin, certains colorants peuvent être obtenus indifféremment par extraction à partir de substances naturelles, ou bien par synthèse chimique (riboflavine, β-carotène, …). Il importe à l’utilisateur du colorant de prendre toutes les informations nécessaires auprès de son fournisseur. Les colorants alimentaires sont répartis en trois catégories [1] [3]. I_2_1 Matières colorantes pour la coloration dans la masse et en surface : E 100 à E 163 Nom véritable de l’additif Nom de code Couleur Produit Naturel ou synthétique Curcumine E 100 Naturel Lactoflavine E 101 Naturel Tartrazine E 102 Synthétique Chrysoïne S E 103 Synthétique Jaune de quinoléine E 104 Jaune solide E 105 Jaune orangé S E 110 Orange GGN E 111 Cochenille E 120 Naturel Orseille, orcéine E 121 Naturel Azorubine E 122 Amaranthe E 123 Synthétique Rouge de cochenille A E 124 Synthétique JAUNE Synthétique Synthétique ORANGE ROUGE Synthétique Synthétique Synthétique 6 Ecarlate GN E 125 Synthétique Ponceau 6 R E 126 Synthétique Erythrosine E 127 Synthétique Bleu anthraquinoniquee E 130 Synthétique Bleu patenté V E 131 Indigotine E 132 Chlorophylles E 140 Naturel E 141 Synthétique Synthétique BLEU Synthétique Complexes cuivriques des chlorophylles et des chlorophyllines VERT Vert acide brillant BS Caramel E 142 synthétique E 150 Brun Naturel E 151 Noir Synthétique E 152 Noir Synthétique E 153 Noir Naturel Caroténoïdes E 160 Nuances diverses Naturel Xanthophylles E 161 Nuances diverses Naturel E 161 Nuances diverses Naturel E 163 Nuances diverses Naturel Noir brillant BN Noir 7984 Carbo medicinalis vegetalis Rouge de betterave, bétamine Anthocyanes I_2_2 Matières colorantes pour la coloration en surface uniquement : E 170 à E 175 Nom véritable de l’additif Nom de code Carbonate de calcium E 170 Bioxyde de titane E 171 Oxydes et hydroxydes de fer E 172 Aluminium E 173 Argent E 174 or E 175 7 I_2_3 Matières colorantes pour certains usages seulement : E 180 Nom véritable de l’additif Nom de code Pigment rubis pour la coloration des croûtes E 180 de fromages I_3. LES ALIMENTS CONCERNES PAR LA COLORATION Les colorants alimentaires améliorent l’apparence des aliments et les rendent plus acceptables. On les utilise plus particulièrement dans les situations suivantes : - pour remplacer les colorants naturels qui ont été détruits ou modifiés par la chaleur ou par les agents de conservation ; - pour uniformiser la couleur des divers lots d’aliments, lorsqu’on utilise des matières premières dont la couleur varie en intensité ; - pour aviver la couleur naturelle des produits lorsqu’on croit que les consommateurs préfèrent des couleurs plus vives ; - pour redonner de la couleur aux produits décolorés par la lumière ; - pour rendre appétissants certains produits. Les aliments les plus colorés sont de multiples boissons, les confiseries, les laitages tels que les yaourts, les potages en sachets, les charcuteries, les condiments et même les croûtes de fromage. On peut distinguer deux catégories au sein de ces aliments : ceux qui relèvent d’une marque industrielle et bénéficient, en France, d’un étiquetage obligatoire, et ceux qui sont préparés artisanalement (glaces, gâteaux, charcuterie) auxquels il faut rajouter les boissons de distributeurs automatiques, pour lesquels le colorant reste inconnu. D’après la réglementation en vigueur, cinq points importants sont à signaler : Certains aliments ne peuvent en aucun cas être additionnés de colorants (annexe I-B de l’arrêté du 2 octobre 1997) comme les denrées alimentaires non transformées, les 8 eaux en bouteilles ou conditionnées, le lait, les ovoproduits bruts, les huiles, les confitures, les jus de fruits,… D’autres aliments ne peuvent être colorés que par certaines molécules (annexe I-C de l’arrêté du 2 octobre 1997). Par exemple les fromages ne peuvent contenir que des caroténoïdes et les bières que des caramels. Certains colorants ne sont autorisés que pour des catégories d'aliments définies (annexe I-D de l’arrêté du 2 octobre 1997), comme le brun FK dans les poissons séchés et fumés ou la canthaxanthine dans les saucisses de Strasbourg... Certains colorants peuvent être utilisés sans limitation quantitative comme le carotène (annexe I-E première partie de l’arrêté du 2 octobre 1997). D’autres aliments ne peuvent pas contenir plus d’une certaine quantité de ces additifs, tous colorants confondus (annexe I-E deuxième partie de l’arrêté du 2 octobre 1997) : - les boissons rafraîchissantes sans alcool (100 mg/L), - les desserts, les sauces, les légumes au vinaigre (150 mg/kg), - les décorations de confiserie et pâtisserie (1000 mg/kg). II_ ALLERGIE ALIMENTAIRE II_1 DEFINITION Bien souvent, le terme de l'intolérance alimentaire est repris pour décrire toutes les réactions inconfortables qui suivent la consommation de certains produits alimentaires, y compris les allergies alimentaires. Pourtant, l'allergie alimentaire est un phénomène à part, car elle implique une réaction du système immunitaire, réaction absente dans l'intolérance. Un exemple d'intolérance alimentaire est l'intolérance au lactose. L'intolérance au lactose est entraînée par l'absence d'une enzyme, la lactase, ce qui ne permet pas à l'individu de digérer le lactose. L'excès de lactose provoque alors des douleurs au niveau de l'intestin et des diarrhées. Un autre exemple est celui de la maladie cœliaque. Les patients cœliaques ne peuvent plus manger du gluten. Cette protéine endommage les parois de l'intestin grêle et diminue donc l'absorption intestinale des nutriments. Après avoir ingéré du gluten, ces patients ont de sérieux maux de ventre et la diarrhée. En réduisant l'absorption des nutriments, la coeliaquie s'accompagne souvent d'une diminution du poids corporel et dans certains cas d'un 9 ralentissement de la croissance. Le seul remède à cette maladie est un régime sans gluten [8,9]. Les intolérances alimentaires se produisent plus souvent chez les enfants. Environ 20 % des adultes au moins estiment avoir l'une ou l'autre intolérance alimentaire. D'après les études, seuls 1 à 2 % des adultes ont réellement une intolérance alimentaire, prouvée par des tests médicaux [6]. L’allergie alimentaire correspond à l’ensemble des manifestations cliniques liées à l’ingestion d’un allergène alimentaire, appelé trophallergène, impliquant un mécanisme immunologique. Il s’agit d’une réaction classique d’hypersensibilité à des aliments ou à des additifs alimentaires et impliquant l’existence d’anticorps IgE spécifique dont la liaison avec l’antigène entraîne la libération de médiateurs chimiques [4]. Bien que parfois l’allergie puisse ne pas dépendre uniquement de la présence d’IgE, la réaction allergique est toujours d’ordre immunologique contrairement à ce qui se passe pour les réactions adverses aux aliments : les intolérances alimentaires et les réactions pseudo-allergiques, qui ressemblent cliniquement aux réactions allergiques mais ne répondent pas à un mécanisme immunoallergique proprement dit. Les manifestations cliniques de l’allergie alimentaire sont de gravité très variable : prurit et œdème local, choc anaphylactique, atteintes cutanées (urticaire, dermatite atopique), symptômes digestifs (diarrhée), troubles respiratoires (asthme, rhinite). C’est donc une pathologie invalidante qui peut être grave voire mortelle dans ses manifestations aiguës ou altérer profondément la qualité de vie des patients lors de manifestations chroniques ou récidivantes [10]. Au regard de l’extraordinaire diversité des aliments et des substances qui leur sont associées, il peut paraître surprenant que l’allergie alimentaire ne soit pas plus fréquente. Suivant les statistiques, le pourcentage d’allergies alimentaires est estimé entre 0,3 et 7,5 % chez l’enfant, l’incidence diminuant avec l’âge. II_2 ALLERGIE AUX COLORANTS ALIMENTAIRES Ils seraient responsables de plus de la moitié des accidents allergiques ou pseudoallergiques. Bien que de rares accidents aient été décrits pour certains colorants naturels, les faits rapportés singularisent les colorants de synthèse. Or, ils sont privilégiés face aux colorants naturels pour deux raisons : d’une part parce que ces derniers manquent de stabilité 10 et ne présentent pas, d’un lot à l’autre, une coloration uniforme et d’autre part parce que le prix de revient des colorants de synthèse est plus intéressant. Les plus nombreux appartiennent à la catégorie des colorants azoïques, dont le plus important, la tartrazine, suivi des colorants rouges (amaranthe, érythrosine, rouge de cochenille, etc…). On décrit avec ces colorants, des dermites de contact chez les enfants avec des bonbons colorés, chez les boulangers pâtissiers, ou encore chez les professionnels préparant les denrées ci-dessus. Ces dermites de contacts pourraient même être réveillées par l’ingestion, soit de dérivés colorés, soit des médicaments appartenant au même groupe (anesthésiques locaux dérivés de la procaïne, sulfamides, …). Les colorants azoïques ont une sensibilisation croisée (réaction dues par des allergènes différents de celui responsable de l’immunisation du sujet) avec l’aspirine et avec l’acide benzoïque contenu dans de nombreux produits alimentaires. Cette sensibilisation croisée a été démontrée par des épreuves de provocation par re-introduction de doses préétablies comme étant à l’origine d’urticaire, d’œdème de Quinke et même de purpura. Il est probable que l’incidence des intolérances aux colorants a été surestimé au début des années 80 : de fait, selon deux grandes enquêtes épidémiologiques, elle varie actuellement entre 0,040% et 0,80%. La fréquence des réactions adverses aux colorants et aux additifs serait plus forte chez l’atopique. II_2_1_Les principaux colorants incriminés : les colorants azoïques Ils se caractérisent par la présence dans leur formule de deux atomes d’azote unis par une double liaison, formant le groupe « azo ». La troisième valence de chaque atome d’azote comporte un cycle aromatique (benzène ou naphtalène) qui présente diverses substitutions. La substitution par un groupe aminé joue un rôle important dans le pouvoir sensibilisant. a) La tartrazine E 102 : il s’agit d’un colorant jaune, sel trisodique d’hydroxy-5-(sulfo-4-phényl)-1-(sulfo-4phénylazo)-4-H-pyrazole-carboxylate-3 de formule : 11 Na+, -O3S O N C N HO N O-, Na+ N SO3-, Na+ Figure n°1 : Formule développée de la tartrazine La tartrazine sert essentiellement à colorer les croûtes de fromage, les enveloppes de charcuterie, les crèmes glacées, les confiseries, les pâtisseries. Les patients sensibles à la tartrazine peuvent réagir à l’acide benzoïque et à l’aspirine mais aussi à d’autres analgésiques comme les dérivés de l’indol et surtout les pyrazolones. Les accidents dus à la tartrazine sont de loin les plus nombreux, bien que certains puissent entrer dans le cadre d’intolérances alimentaires. Les premières réactions allergiques à la tartrazine sont décrites dès 1959 : apparition de prurit, démangeaisons et œdème de la langue et de la luette, urticaire généralisée après prise d’un médicament coloré par la tartrazine. D’autres cas supplémentaires, décrit en 1969, attire l’attention sur l’absorption alimentaire de la tartrazine. En 1971, un nouveau cas est décrit chez une personne qui présentant une rhinite allergique et une intolérance à l’aspirine. Ces sujets présentaient tous une urticaire chronique. b) Le jaune orange S E 110: le jaune orange S est un colorant azoïque obtenu par synthèse chimique. Il s’agit du sel disodique de l’acide Hydroxy-2-(sulfo-4-phénylazo)-1-naphtalènesulfonique-6, de formule développée : HO NaO3S N N SO3Na Figure n°2 : Formule développée du jaune orange S 12 Il s’agit d’une poudre de couleur jaune orangé, soluble dans l’eau (180 g/L à 20°C), peu soluble dans l’éthanol (0,1 g/L) et insoluble dans les huiles. Elle est stable jusqu’à 130°C et rouge en milieu fortement alcalin. Ce colorant est interdit aux Etats-Unis et en Australie. c) L’Amaranthe E123 : Il s’agit du sel trisodique de l’acide hydroxy-2-(sulfo-4-naphtylazo-1)-1naphtalènedisulfonique-3,6 de formule : Figure n°3: Formule développée de l'Amaranthe Ce colorant azoïque rouge est un des constituants de la grenadine à laquelle il confère sa couleur. Dans les années 1970, des études russes ont montré un effet cancérigène et une autoxicité chez la souris de cet additif et il fut retiré partout dans le monde. Dans les années qui suivirent des chercheurs américains démontrèrent l’innocuité de l’amaranthe. Depuis, ce colorant a été réintroduit mais son emploi en reste limité. En France, il est autorisé dans des boissons renfermant moins de 15% en alcool ainsi que dans le caviar et les succédanés de caviar. d) Le Rouge cochenille (Ponceau 4R) E124 : Il s’agit du sel trisodique de l’acide hydroxy-2-(sulfo-4-naphtylazo-1)-1naphtalènedisulfonique-6,8 de formule : 13 Figure n°4: Formule développée du rouge de cochenille Ce colorant provoque rarement des allergies. e) Le Jaune solide E 105: ce colorant a été supprimé des pays de la CEE depuis 1977 par l’arrêté du 24/08/76 du fait d’un risque allergène grave. N° CEE Nom de l’additif Couleur Origine E102 Tartrazine jaune synthétique E 110 Jaune orangé S orange synthétique E 123 Amaranthe E 124 Rouge Cochenille A (Ponceau 4R) E 127 Érythrosine Commentaire Risque important d'allergie, de rhinite, d'asthme. Interdit en Suisse. Fort effet allergénique connu. Déconseillé aux allergiques à l’aspirine. Interdit aux USA synthétique Fut interdit en France (sauf dans le caviar), provoque allergies (notamment sur les sujets sensibles aux salycidés) rouge synthétique Risques d'allergie. Probables effets génotoxiques. Interdit aux USA rouge synthétique Allergies signalées (notamment asthme, urticaire, prurit). rouge Tableau 1 : Récapitulatif des principaux colorants responsables d’allergies alimentaires 14 II _ 2_ 2 Les autres colorants incriminés Des mises en garde particulières concernent également les colorants suivants : a) l’érythrosine E 127 Ce colorant rouge renferme 4 atomes d’iode dans sa molécule et de ce fait, afin d’éviter des réactions adverses chez les personnes souffrant d’hyperthyroïdie ou d’allergie à l’iode, il a été décidé d’en limiter son emploi dans les fruits et légumes transformés, notamment les cerises pour cocktails et les cerises confites. b) la canthaxanthine E 161 Ce colorant fait partie de la famille des caroténoïdes et le produit de synthèse a fait en 1988 d’une recommandation auprès des Etats membres d’en limiter l’emploi et de l’interdire dans les fruits et légumes transformés, les soupes en sachet, boissons, etc. Les restrictions sont sévères et son seul emploi autorisé concerne les saucisses de Strasbourg. c) Les colorants naturels Ils ne sont pas au-dessus de tout soupçons. Deux cas d’allergie aux carotènes ont été rapportés ainsi qu’un cas d’allergie au rouge bétanine et aux chlorophylles. On peut évoquer également la possibilité d’une allergie aux anthocyanes (E161) dans certains cas d’allergies aux fruits de familles végétales pourtant différentes. Les colorants alimentaires ont fait l’objet d’études approfondies au cours des années et c’est ainsi qu’en 1974 neuf colorants furent retirés par manque d’informations complètes les concernant. Des études toxicologiques sont en permanence en cours. Il est vivement conseillé aux personnes pouvant présenter des intolérances à certains colorants alimentaires de bien lire les étiquetages et de bannir les produits en vrac à l’étiquetage inexistant, surtout pour les enfants. II_2_3 Mécanismes L'allergie se caractérise par une hypersensibilité développée contre des protéines allergéniques présentes dans un aliment. Elle survient suite à l'ingestion au travers d'un aliment d'un allergène qui va provoquer, dans la plupart des cas, une réaction du système 15 immunitaire de type IgE dépendant (voir Figure n°5). La manifestation allergique se produit en 2 étapes. La première est la phase de sensibilisation qui se produit lors du 1er contact et qui va préparer l'organisme à réagir de façon immédiate lors d'un second contact avec l'allergène. Lors de celui-ci, se déclenche la manifestation allergique proprement dite qui va entraîner, lors de l'association des IgE avec les mastocytes, la libération des médiateurs de l'inflammation, dont le principal est l'histamine. Figure n°5: Mécanisme de l’allergie IgE-dépendante Une substance chimique peut donner lieu à un accident par différents mécanismes tels que l’hypersensibilité (de types variés) ou intolérance (de pathogénie beaucoup plus obscure). L’hypersensibilité fait appel à la création d’un état immunologique particulier dont l’origine réside dans une subpopulation de lymphocytes T sensibilisés. Pour créer une hypersensibilité le colorant (substance chimique de petit poids moléculaire : haptène) doit se lier à une 16 protéine porteuse pour devenir un antigène complet. L’hypersensibilité peut être de différents types, selon la classification de Gell et Coombs [19]. Il peut s’agir d’une hypersensibilité de type IV. Ce mécanisme concerne les dermites aux colorants azoïques. La sensibilisation aux colorants azoïques est croisée avec le groupe para. Les mécanismes biochimiques présidant à la création d’une dermite de contact ont été décrit dès 1928 par Rudolf Mayer : les colorants azoïques représentent un groupe chimique définit par la présence dans leur formule de deux atomes d’azote unis par une double liaison [11]. La troisième valence de chaque atome d’azote comporte un cycle aromatique (benzène ou naphtalène) qui présente diverses substitutions. La substitution par un groupe aminé joue un rôle important dans le pouvoir sensibilisant. Malgré une analogie de leur formule chimique le potentiel réactogène de deux colorants peut être totalement différent. La moindre substitution peut modifier totalement le pouvoir sensibilisant des colorants. Un métabolite commun à tous les corps de groupe permettrait d’expliquer la sensibilisation croisée. Ce corps serait un dérivé de structure quinonique. Ces dérivés quinoniques ayant une grande affinité pour les protéines riches en groupe SH s’uniraient à certaines protéines de structure de la peau (kératine, collagène) pour former une macromolécule qui serait l’antigène directement responsable de la réaction allergique. La réaction de scission de la liaison azoïque n’est ni immédiate, ni constante. De nombreux facteurs entrent en jeu dans le déclenchement de la scission et l’apparition des accidents aux colorants azoïques : durée et répétition du contact avec le colorant, stabilité, facteurs individuels…Elle peut avoir lieu dans l’intestin. Il est intéressant de noter que la liaison aux protéines de la peau est possible, que le colorant soit appliqué sur elle, ou bien qu’il y parvienne par voie endogène, après absorption digestive. L’hypersensibilité de type I (choc anaphylactique, urticaire…) nécessite aussi la liaison du colorant à la protéine de l’organisme. On admet actuellement que ce sont les complexes antigéniques plurivalents (plusieurs déterminants antigéniques ou plusieurs molécules d’haptène) qui sont les plus sensibilisants. Ils induisent la synthèse d’IgE spécifiques ou dans certains cas d’un sous groupe d’IgG spécifiques [21, 22]. Les résidus de fabrication, les métabolites intermédiaires ayant servi à produire le produit fini et dont l’épuration pourrait être incomplète dans certains lots joueraient, dans certains cas un rôle important dans la sensibilisation. En ce qui concerne la tartrazine, le clivage réducteur de la liaison azo, dans l’intestin, produit d’une part l’acide sulfanilique d’autre part un dérivé pyrazolone. On peut poser comme hypothèse que le corps sensibilisant est le pyrazolone. Ceci permettrait d’autre part d’expliquer chez certains sujets des réactions à la tartrazine [17, 18]. 17 La création d’une hypersensibilité réaginique par voie digestive est un fait actuellement bien établi, tant par l’observation clinique que par l’expérimentation. On doit cependant la concevoir comme une rupture de tolérance. En effet le tube digestif assure normalement la notion de tolérance aux substances chimiques étrangères à l’organisme. La rupture de tolérance est la traduction d’une anomalie fonctionnelle de la muqueuse digestive, correspondant à des détériorations transitoires de ses mécanismes de défense, sous l’effet d’agressions variées, médicamenteuses ou alimentaires (abus d’alcool, d’acides, d’épices…) [1]. II_2_4 Diagnostic Un bon questionnaire, détaillé, qui essaie de mettre en relation certains aliments avec la symptomatologie, est le premier élément pour savoir si l’on peut prendre la piste de l’allergie alimentaire. La chronologie entre l'ingestion d'un aliment et l'apparition des symptômes, le détail de ces symptômes, la constance de ces symptômes avec les expositions successives au même aliment, est toute des éléments importants à faire préciser par le patient. Il est aussi important de vérifier jusqu'à quel point on doit accorder de l'importance aux aliments soupçonnés par le patient, particulièrement en ce qui a trait aux urticaires chroniques ou aux troubles digestifs d'allure fonctionnelle. Parfois, le questionnaire seul permet d'établir le diagnostic, surtout dans les cas de réaction d'apparition rapide de type anaphylactique, urticarien, ou asthmatique, particulièrement lorsque la prise d'un aliment fréquemment associé à ces réactions est rapportée, et que ce n'est pas la première fois qu'elle se produit [6,7]. L'examen aide surtout en phase symptomatique, en permettant d'objectiver les symptômes décrits. Suite à cela, des tests d'allergie, des épreuves de laboratoire et des manipulations diététiques (voir figure n°6) peuvent être utilisés pour confirmer ou infirmer un diagnostic d'allergie alimentaire : - En faisant des tests cutanés. On pique le patient à travers une goutte de solution allergénique déposé sur sa peau avec une aiguille (Pick test). Ce test qui est très pratique présente un inconvénient majeur. En effet la solution allergénique ne contient pas toujours les bons allergènes pour chaque aliment ce qui peut conduire à des faux négatifs. 18 - L’étude des anticorps sériques (IgE), totaux, ou spécifiques dirigés contre tel ou tel aliment, se heurte au même problème de pureté de l’allergène alimentaire. Elle n’est valable que pour les allergies médiées par les IgE. Les tests cutanés par la méthode de scarification [12] sont surtout utiles s'ils sont négatifs à l'aliment suspecté, car il est assez rare d'avoir un faux négatif dans le cas d'une réaction immédiate médiée par un IgE. Par contre on a souvent des tests aux aliments qui sont positifs sans que ceux-ci provoquent de symptômes lors de leur ingestion: on parle de faux positifs. Il existe une bonne corrélation entre un test positif à certains aliments (noix, oeufs, blé, arachides, poisson et lait de vache) et l'apparition de symptômes allergiques lors de leur ingestion [13]. Les tests cutanés aux aliments par intradermoréaction ne sont généralement pas pratiqués à cause d'un risque accru de réaction systémique, de même que d'un taux plus élevé de faux positif, probablement par irritation. Quand on suspecte fortement un aliment comme cause d'une réaction allergique médiée par les IgE et que le test par scarification avec les extraits commerciaux est négatif, on peut procéder à un test par scarification avec l'aliment naturel [14]. - On peut pratiquer une diète d’élimination. Il s'agit dans un cas simple d'éliminer de la diète l'aliment ou groupe d'aliments suspectés pendant au moins deux semaines, et s'il y a amélioration des symptômes, de réintroduire l'aliment afin de voir s'il y a réapparition des symptômes. Bien entendu on ne peut se permettre de réintroduire l'aliment suspecté après amélioration que si la symptomatologie au départ n'était pas trop sévère, car si ce n'est pas le cas, il y a un risque de chocs graves. Dans certains cas de symptômes chroniques, tels une urticaire rebelle, un asthme intrinsèque sévère et difficile à contrôler ou un eczéma atopique très marqué, on peut tenter une diète d'élimination sévère pendant au moins deux semaines, et si il y a amélioration, réintroduire à tous les trois jours un nouvel aliment, jusqu'à réapparition des symptômes: le dernier aliment introduit sera alors mis en cause. Ceci permet parfois de trouver une cause alimentaire à ces problèmes. S'il n'y a pas d'amélioration sous cette diète ceci permet d'exclure avec un très faible risque d'erreur une allergie alimentaire [15,5]. - Le test de provocation à pour but de reproduire un symptôme. Soit de façon réaliste en faisant ingérer l’aliment ou la boisson, soit au moyen d’un extrait allergénique ingéré ou éventuellement déposé directement dans le tube digestif au cours de l’examen 19 endoscopique. En plus aucun test de provocation n’est sans risque, et le patient doit être mis au courant; ces tests doivent être faits sous contrôle médical étroit, le plus souvent en milieu hospitalier [16,5]. Figure n°6: Exemple d’arbre de décision d’une recherche d’allergie alimentaire [5] II_2_5 Traitement Il est avant tout préventif afin d’éviter la constitution de l’allergie alimentaire. Pour prévenir les récidives d’urticaire ou l’évolution souvent longue de certaines urticaires chroniques, il faudrait donc éviter les aliments et les remèdes contenant des colorants, de l’acide benzoïque, de l’aspirine et des dérivés de la pyrazolone. D’où la nécessité de faire attention à la composition des médicaments afin d’éviter les allergies croisées. Les aliments susceptibles d’être conseillés sont ceux ne comportant en principe pas d’additifs : le pain, le riz, les fruits, les légumes secs, etc. Quand une allergie alimentaire a été mise en évidence chez un adulte ou chez un enfant, il suffit théoriquement d’éliminer le ou les aliments pour faire disparaître les troubles. Les principaux colorants qu’il convient d’éviter ou de supprimer en cas de terrain atopique avec manifestations allergiques chroniques sont la tartrazine (E102), les autres colorants azoïques (E122 à E 127), en particulier l’érythrosine (E127) et le rouge de cochenille (E124), le jaune orangé S (E110) ainsi que les colorants identifiés sous les numéros E104 (jaune de quinoléine) et E131 (bleu patenté V). Eliminer un aliment, un 20 condiment, ou un additif de consommation courante est problématique sinon impossible pour celui qui prend par exemple ses repas au restaurant [5,6]. De plus actuellement il existe peu d’aliments qui ne soient passés par une préparation industrielle et l’affichage, pourtant obligatoire sur les emballages n’est pas toujours éloquent. La suppression d’aliments d’un régime alimentaire (appelé aussi éviction) doit être présentée psychologiquement de façon acceptable. Il est également nécessaire de limiter le nombre d’aliments interdits afin de ne pas en arriver à des régimes de restriction soit préjudiciables, soit obsédants, soit rejetés parce que trop draconiens. Il existe aussi un risque de carences alimentaires. Le régime d’éviction poursuivi suffisamment longtemps permet habituellement de guérir. Quelques mois plus tard la réintroduction de l’aliment pourra être tentée, souvent avec succès, toujours avec prudence. Mais dans 10 % des cas l’allergie est définitive. Quand un aliment dit usuel ne peut être éliminé du régime alimentaire certains médecins proposent une désensibilisation spécifique (sous réserve qu’il s’agisse bien d’un mécanisme allergique et que l’on dispose de l’allergène alimentaire purifié) [7]. Parmi les médicaments, les antihistaminiques n’ont jamais une efficacité absolue. En revanche le cromoglycate de sodium qui n’est pas un antihistaminique a un effet protecteur très précieux sur la muqueuse digestive permettant souvent la réintroduction des aliments. Il doit être administré à doses progressivement croissantes car il peut, en début de traitement aggraver un eczéma atopique ou entraîner une gastroentérite, ce qui ne signifie pas qu’il est inefficace mais, au contraire qu’il faut moduler la posologie [20]. III_REGLEMENTATION III _1 HISTORIQUE DE LA REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DES COLORANTS ALIMENTAIRES EN FRANCE ET DANS L’UNION EUROPENNE La préoccupation de l’innocuité des colorants est illustrée avant le début du siècle par l’exemple de Pasteur, avalisant l’utilisation de sulfate de cuivre comme agent de verdissage des légumes en conserve sous réserve d’en avertir les consommateurs. Dès le début du siècle (loi du 1er août 1905) le législateur se préoccupe de réprimer l’emploi abusif d’additifs. En 1909 Roux propose de constituer une liste positive permettant l’emploi de substances ayant 21 fait la preuve de leur innocuité. En 1912, un décret établit la consultation obligatoire du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine, en matière de dispositions légales concernant les colorants. L’arrêté du 28 juin 1912 règle l’addition de substances chimiques aux aliments. Ce texte de portée générale, interdit la vente de denrées destinées à l’alimentation, qui ont été additionnées soit pour leur conservation, soit pour leur coloration, de produits chimiques autres que ceux dont l’emploi est déclaré licite par un règlement, puis en application de l’article 11 de la loi du 1er août 1905 et autorisé par un arrêté interministériel pris après avis du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine. Cet arrêté du 28 juin 1912 codifie notamment la liste et les emplois particuliers des divers colorants utilisables dans l’alimentation. Ces derniers sont alors au nombre de 22 (3 roses, 8 rouges, 1 orangé, 3 jaunes, 2 verts, 3 bleus et 2 violets). Diverses circulaires modifient par la suite cette liste par additions ou retraits successifs (ou alterné) d’autres dérivés. L’arrêté du 28 mars 1958 vient modifier l’ arrêté du 28 juin 1912 suite à des travaux d’hygiénistes et de toxicologues, parait une nouvelle liste comportant 6 colorants minéraux, 21 colorants naturels et 14 colorants synthétiques. En 1962 ka C.E.E. publie une liste de 36 colorants naturels de synthèse autorisés en alimentation (parue dans le journal officiel du 11 novembre 1962). Un arrêté du 15 octobre 1964 met en application en France, la directive de la C.E.E. et autorise l’usage des 36 colorants dont 16 de synthèse, 13 d’origine végétale, et 7 d’origine minérale. La pureté des colorants fait l’objet de prescriptions sévères (arrêtés du 31 mars 1967, puis du 13 février 1970). En fait si depuis 1912 les colorants autorisés en France l’ont été sur l’avis favorable du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine il apparaît dès 1964 que certains produits ont été admis parc que leur emploi depuis un certain temps n’avait pas entraîné de risque évident, mais sans dossier suffisants. C’est pourquoi parait le décret de février 1973 : « Tout additif est interdit s’il n’a pas explicitement été autorisé par un arrêté pris après avis du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine. ». En août 1976 parait l’arrêté limitant l’emploi des colorants alimentaires. Les matières colorantes ci après sont supprimées à la date du 1er janvier 1997 de la liste des substances admises pour l’usage alimentaire : - E103 : chrysoïne (colorant azoïque) - E105 : jaune solide (colorant azoïque) - E111 : orange GGN (colorant azoïque) 22 - E121 : orseille, orcéine - E125 : écarlate GN - E126 : ponceau 6R (colorant azoïque) - E130 : bleu anthraquinonique (bleu solanthrène RS) - E152 : noir 7984 - E181 : terre d’ombre brûlée. Le commerce des denrées alimentaires contenant une ou plusieurs des matières colorantes énumérées est interdit à partir de 1978. Les autorisations d’emploi de l’amaranthe (E123) sont rapportées sauf en ce qui concerne la caviar et les succédant de caviar. Le commerce des denrées alimentaires colorées au moyen de l’amaranthe, à l’exception du caviar et des succédant de caviar est interdit à partir du 1er janvier 1997. Cinq colorants azoïques ont donc été supprimés il restent la tartrazine, le jaune orangé S, l’azorubine, le rouge de cochenille A, le noir brillant BN [1]. III_2 L’ETIQUETAGE DES DENREES ALIMENTAIRES La Directive 2003/89 du CE du Parlement Européen et du Conseil qui a été publiée le 25 novembre 2003 (J.O. de l’Union Européenne L308/15) modifie la Directive 2000/13/CE concernant l’indication des ingrédients présents dans les denrées alimentaires. Cette directive envisage de rendre obligatoire un étiquetage plus complet des ingrédients entrant dans la composition des denrées alimentaires. Les Etats Membres avaient un délai fixé au 25 novembre 2004 pour adopter les dispositions nécessaires de façon à permettre la vente des produits conformes à partir de cette date. Toutefois, les produits mis sur le marché ou étiquetés avant cette date pourront être commercialisés jusqu’à épuisement des stocks. Le préambule reconnaît la nécessité que les patients souffrant d’allergies alimentaires trouvent par l’étiquetage « une information plus complète ». En effet, le repérage de l’allergène en cause est difficile lorsque la substance n’est pas étiquetée. Le médecin doit alors prendre contact avec l’entreprise pour connaître la composition exacte de la denrée responsable des réactions allergiques chez les patients. [22] 23 Cette directive prévoit une liste d’ingrédients ou de produits issus de ces ingrédients ou dérivés de ces ingrédients qui doivent être toujours étiquetés sauf à ce que le professionnel démontre l’absence de pouvoir allergène. La nouvelle liste (ANNEXE III bis Ingrédients visés à l’article 6, paragraphes 3 bis, 10 et 11) proposée par la Commission Européenne énumère : • Céréales contenant du gluten (à savoir blé, seigle, orge, épeautre, kamut ou leurs souches hybridées) et produits de base de ces céréales. • Crustacés et produits à base de crustacés • Œufs et produits à base d’œufs • Poissons et produits à base de poissons • Arachides et produits à base d’arachides • Soja et produits à base de soja • Lait et produits à base de lait (y compris le lactose) • Fruits à coque, à savoir amandes (Amygdalus communis L.), noisettes (Corylus avellana), noix (Juglans regia), noix de cajou (Anacardium occidentale), noix de Pécan [Carya illinoiesis (Wangenh.) K. Koch], noix du Brésil (Bertholletia excelsa), pistaches (Pistacia vera), noix de Macadamia et noix du Queensland (Macadamia ternifolia) et produits à base de ces fruits. • Céleri et produits à base de céleri. • Moutarde et produits à base de moutarde. • Graines de sésame et produits à base de graines de sésame. • Anhydride sulfureux et sulfites en concentrations de plus de 10 mg/Kg ou mg/litre exprimées en SO2. Il est assuré que cette liste fera l’objet de réexamen systématique après avis de l’autorité européenne de sécurité des aliments avec mise à jour sur la base des connaissances les plus récentes. Le premier réexamen aura lieu au plus tard le 25 novembre 2005. La Directive prévoit également la suppression de la règle dite des 25% à savoir « Si un ingrédient composé défini par la réglementation ou consacré par les usages entre pour moins de 25% dans la composition du produit final alors ses constituants n’ont pas obligatoirement à être indiqués dans la liste des ingrédients figurant sur l’étiquetage du produit ». Cette règle ne permettant pas de connaître la composition exacte du produit, les dérogations pour l’indication des composants de certains ingrédients composés ne seront admises que pour les 24 ingrédients représentants moins de 2% du produit fini et pour un nombre limité de cas. Par conséquent, la liste des composants n’est pas requise si ces composants ne font pas partie de la liste des allergènes, ou bien s’il s’agit d’épices ou de plantes aromatiques, ou bien « lorsque sa composition est définie dans le cadre d’une réglementation communautaire en vigueur ». L’application de cette Directive constituera un progrès pour les patients ayant des allergies alimentaires identifiées. Les allergologues sont bien conscients qu’elle entérine les connaissances actuelles et qu’elle ne sera d’aucune aide pour le dépistage des nouvelles allergies. Ils devront donc comme par le passé réaliser des prick-tests réalistes aux aliments suspects, obtenir de l’industrie la composition complète de leurs produits, puis rechercher une sensibilisation à tous les constituants. Il faut certes espérer que les industriels accepteront cette transparence et ne feront pas une interprétation perverse de la Directive, en omettant d’informer sur la nature des ingrédients qui ne sont pas obligatoires selon cette Directive. 25 CONCLUSION Le développement des industries chimiques, leur application aux industries alimentaires ont amené une augmentation considérable du nombre de colorants alimentaires. C’est par intérêt économique que l’industrie alimentaire a développé la coloration systématique de nombreux aliments. Or nous avons pu constater que les colorants et particulièrement les colorants azoïques pouvaient entraîner des allergies alimentaires. Ils sont responsables de dermites de contact, d’urticaire, d’œdème de Quincke et même de purpura… Ils peuvent avoir une sensibilisation croisée avec l’aspirine et avec l’acide benzoïque contenu dans de nombreux produits alimentaires. L’incidence des allergies aux colorants est très faible, elle varie actuellement entre 0,040% et 0,80%. Cette approche du problème est sans doute inadéquat dans la mesure où l’on ne diagnostique bien que ce que l’on a appris à connaître. En effet les réactions sont de faible intensité, rendant difficile l’interprétation des tests de provocation. Le traitement est avant tout préventif afin d’éviter la constitution de l’allergie alimentaire. Il est donc conseillé d’éviter tous les aliments susceptibles de contenir des colorants azoïques ainsi que la prise de certains médicaments comme l’aspirine. Mais cela reste difficile à réaliser car il existe peu d’aliments qui ne soient passés par une préparation industrielle. Des mesures concernant l’étiquetage ont été prises par les autorités afin que le patient allergique soit mieux informé sur la composition des aliments pouvant contenir des allergènes. L’industrie alimentaire à son tour renchérit sur la loi et commercialise de nouveaux produits garantis sans colorants. IL faut espérer que les industriels respecteront la loi et n’omettront pas d’informer le consommateur sur la nature exact des ingrédients contenus dans leurs produits. 26 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages et Revues : [1] D.A MONERET VAUTRIN/ B. AUBERT, Le risque de sensibilisation aux colorants alimentaires et pharmaceutiques, Juin 1977, Editions Masson, pages 8 à 13, 110 à 118. 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Sites Internet : [23] Zoltan ZALAY, Allergies alimentaires et Codex Alimentarius, [En, ligne], Disponible sur : http://www.prevention-allergies.asso.fr/codex.html (consulté le 12 novembre 2004) 28 ANNEXES ANNEXE 1 : DIRECTIVE 2003/89/CE du parlement européen et du conseil du 10 novembre 2003 modifiant la DIRECTIVE 2000/13/CE ANNEXE 2 : Mécanisme d’une réaction causée par un allergène 29