colorants

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colorants
RESUME
Depuis quelques décennies, notre alimentation s’est enrichie en de nombreux additifs
alimentaires. Certains sont responsables d’allergies alimentaires, dont les colorants, à
manifestations principalement cutanées. Il est classique de distinguer les colorants naturels,
les colorants de synthèse et les colorants minéraux. Bien que de rares accidents ont été décrits
pour certains colorants naturels, les faits rapportés singularisent les colorants de synthèse.
Parmi eux, les plus nombreux sont les colorants azoïques dont le premier, la tartrazine suivis
des colorants rouges (amaranthe, érythrosine, rouge de cochenille…) qui sont à l’origine de
nombreuses manifestations cliniques allant de l’urticaire jusqu’au choc anaphylactique. Le
mécanisme des accidents dus aux colorants est basé sur une hypersensibilité qui fait appel à la
création d’un état immunologique particulier.
Dans le but de détecter une éventuelle allergie aux colorants alimentaires, un examen
faisant appel à un questionnaire complet est réalisé après apparition des premiers symptômes.
Puis, afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’une allergie alimentaire, des tests, des
épreuves de laboratoires et des manipulations diététiques peuvent être réalisés : il peut s’agir
de tests cutanés et de tests de provocation, d’études d’anticorps et/ou de diète d’élimination.
Des mesures préventives telles que la prise de médicaments sans colorants ou la suppression
de denrées contenant des colorants
de l’alimentation peuvent être prises afin de faire
disparaître les troubles allergiques. Afin que le patient allergique soit mieux informé sur la
composition des aliments pouvant contenir des allergènes, la Directive 2003/89 du CE du
Parlement Européen et du Conseil qui a été publiée le 25 novembre 2003 modifie la Directive
2000/13/CE concernant l’indication des ingrédients présents dans les denrées alimentaires.
Cette directive envisage de rendre obligatoire un étiquetage plus complet des ingrédients et
des additifs entrant dans la composition des denrées alimentaires. Une liste de ces ingrédients,
qui sera réexaminé au plus tard le 25 novembre 2005, a été adopté par la Commission
Européenne et fera l’objet de mise à jour systématique.
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION……………………………………………………………………………3
I_ GENERALITES………………………………………………...…………………............5
I_1 HISTORIQUE……………………………………………………………………………5
I_2 CLASSIFICATION DES COLORANTS………………………..……………………...5
I_2_1 Matières colorantes pour la coloration dans la masse et en surface……….……............6
I_2_2 Matières colorantes pour la coloration en surface uniquement….……………………...7
I_2_3 Matières colorantes pour certains usages seulement………….………………………...8
I_3 LES ALIMENTS CONCERNES PAR LA COLORATION…………………………..8
II_ L’ALLERGIE ALIMENTAIRE……………….………………………………………..9
II_1 DEFINITION……………………………...…………………………………………….9
II_2 ALLERGIE AUX COLORANTS ALIMENTAIRES...……………………………..10
II_2_1_Les principaux colorants incriminés : les colorants azoïques………………………..11
II_2_2 Les autres colorants incriminés …………………………..…………………………..15
II_2_3 Mécanismes…………………..……………………………………………………….15
II_2_4 Diagnostic…………………………..…………….…………………….……………..18
II_2_5 Traitement……………………………..…………..………………………………….20
III_ REGLEMENTATION…………………………………………………………………21
III _1 HISTORIQUE DE LA REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DES
COLORANTS ALIMENTAIRES EN FRANCE ET DANS L’UNION
EUROPEENNE……………………………………………………………………………...21
III_2 L’ETIQUETAGE DES DENREES ALIMENTAIRES……………..……………...23
CONCLUSION…………………………………...………………………………………….26
BIBLIOGRAPHIE…………………...…..………………………………………………….27
ANNEXES…………………………………………………………………………………....29
2
INTRODUCTION
L’allergie alimentaire « vraie » n’a que récemment acquis droit de citer en médecine, à la
suite de nos progrès scientifiques et de l’identification d’un mécanisme immunologique à la
base des réactions indésirables dues à certains aliments. Il est vrai que le rôle même du tube
digestif est de réaliser une assimilation métabolique des substances qui constituent depuis
l’antiquité notre alimentation. Mais outre que notre civilisation a des nourritures
traditionnelles (le poisson dans les régions nordiques, le lait dans les régions d’élevage, les
dérivés du blé dans les régions de culture), nos habitudes alimentaires ont considérablement
changé au cours de ces 40 dernières années. Toutes les technologies agroalimentaires qui
modifient la chimie des aliments introduisent des substances étrangères qui créent de
nouveaux risques. Elles permettent de prévoir une augmentation de l’ensemble des réactions
du tube digestif à ce nouvel environnement. Nous nous sommes particulièrement intéressé
durant cette étude aux additifs alimentaires plus précisément aux colorants alimentaires.
Le développement des industries chimiques, leur application aux industries alimentaires
ont amené une augmentation considérable du nombre d’additifs. Selon le décret du 18
septembre 1989 «Art.1er – On entend par additif alimentaire : toute substance habituellement
non consommée comme aliment en soi et habituellement non utilisée comme ingrédient
caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction
intentionnelle aux denrées alimentaires dans un but technologique au stade de leur fabrication,
transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour
effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu’elle devient elle-même, ou
que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composé de ces denrées
alimentaires ». On distingue les conservateurs, les agents gélifiant et épaississant, les
émulsifiants, les arômatiseurs et releveurs de goût et enfin les colorants. Ces derniers peuvent
être d’origine naturelle ou bien issus de synthèses. L’utilisation de colorants alimentaires à
pour but de redonner leur couleur native aux aliments, après les processus de cuisson, mise en
conserve, salaison, etc. C’est par intérêt économique que l’industrie alimentaire a développé
la coloration systématique de nombreux aliments. Dès lors le consommateur est plus influencé
par le signal coloré que par le goût de l’aliment qu’il ingère. La technologie alimentaire en est
arrivé, pour certains produits, à multiplier les colorants dans une même préparation : on peut
se demander si la volonté d’obtenir une certaine nuance mérite de faire avaler au
3
consommateur l’équivalent de la palette d’un peintre. Ce genre d’abus fut le départ d’une
certaine réflexion : « l’utilisation de colorants dans l’alimentation ne présente aucun intérêt
physiologique, ni technologique ; elle répond au simple désir d’une meilleur présentation ».
Or certains colorants sont capables de déclencher des allergies alimentaires.
Afin de mieux comprendre le rôle des colorants alimentaires dans les mécanismes
d’allergie alimentaire nous présenterons dans une première partie les principaux colorants
utilisés dans l’industrie agroalimentaire, puis nous parlerons des allergies qu’ils peuvent
provoquer et enfin nous citerons quelques aspects réglementaires.
4
I _ GENERALITES
I_1 HISTORIQUE
Les couleurs ont déjà, dans le passé, joué des rôles symboliques et émotionnels importants.
Dès les temps anciens, certaines épices étaient utilisées pour donner aux aliments des couleurs
vives et agréables à l’œil. Au milieu du siècle dernier, tous les colorants ajoutés étaient
d’origine naturelle : safran, orseille, cochenille, caramel, curcuma, rouge de betterave, etc…
En 1856, Sir William Perkins, en Angleterre, révolutionne l’industrie des colorants en
synthétisant une substance violacée soluble dans l’eau et l’alcool, la mauvéine. Les recherches
menées ont débouché sur la fabrication de très nombreuses familles de colorants, où l'on
trouve souvent des imitations de la structure chimique des colorants naturels. Cette recherche
a joué également un rôle important dans l'essor de la chimie organique et dans la
compréhension de la nature des molécules. Dès la fin du XIXe, les colorants synthétiques ont
intégré deux grands domaines, l’alimentation et la pharmacie [1].
I_2 CLASSIFICATION DES COLORANTS
Il y a plusieurs façons de classer les colorants. On peut le faire suivant leur propriété
principale qui est leur couleur. On peut le faire également suivant leur nature chimique ce qui
permet de faire un rapprochement entre plusieurs colorants (colorants azoïques,
polyphénoliques, etc…). Enfin, une classification suivant l’origine, naturelle ou synthétique,
peut également être réalisée :
-
les colorants naturels qui sont des substances colorées présentes dans les produits
naturels animaux, végétaux
-
les colorants synthétiques qui sont obtenus par synthèse chimique
Avant 1850, tous les colorants ajoutés dans l’alimentation étaient d’origine naturelle
(safran, cochenille, curcuma, rouge de betterave, etc…). C’est avec l’essor de la chimie
qu’apparurent les colorants synthétiques encore appelés à l’époque colorants dérivés de la
5
houille. Une troisième catégorie de colorants concerne certaines substances minérales à usage
particulier [2].
Il convient de signaler que la réglementation n’établit pas de différence entre les colorant
d’origine naturelle et ceux issus de la synthèse chimique. Du point de vue de l’étiquetage, les
colorants, quelque soit leur origine, doivent figurer dans la liste des ingrédients des produits
dans lesquels ils sont incorporés sous le nom « colorants », suivi de leur nom ou de leur
numéro d’identification
conventionnel. La référence au caractère naturel est admise
uniquement pour les colorants dont la partie colorante a été obtenue par des procédés
physiques appropriés (extraction par un solvant, par exemple) à partir d’une matière végétale.
La référence au caractère naturel ne pourra être admise pour les colorants lorsqu’ils ont été
modifiés ou isolés par voie chimique. Enfin, certains colorants peuvent être obtenus
indifféremment par extraction à partir de substances naturelles, ou bien par synthèse chimique
(riboflavine, β-carotène, …). Il importe à l’utilisateur du colorant de prendre toutes les
informations nécessaires auprès de son fournisseur.
Les colorants alimentaires sont répartis en trois catégories [1] [3].
I_2_1 Matières colorantes pour la coloration dans la masse et en surface : E 100 à E 163
Nom véritable de
l’additif
Nom de code
Couleur
Produit Naturel ou
synthétique
Curcumine
E 100
Naturel
Lactoflavine
E 101
Naturel
Tartrazine
E 102
Synthétique
Chrysoïne S
E 103
Synthétique
Jaune de quinoléine
E 104
Jaune solide
E 105
Jaune orangé S
E 110
Orange GGN
E 111
Cochenille
E 120
Naturel
Orseille, orcéine
E 121
Naturel
Azorubine
E 122
Amaranthe
E 123
Synthétique
Rouge de cochenille A
E 124
Synthétique
JAUNE
Synthétique
Synthétique
ORANGE
ROUGE
Synthétique
Synthétique
Synthétique
6
Ecarlate GN
E 125
Synthétique
Ponceau 6 R
E 126
Synthétique
Erythrosine
E 127
Synthétique
Bleu anthraquinoniquee
E 130
Synthétique
Bleu patenté V
E 131
Indigotine
E 132
Chlorophylles
E 140
Naturel
E 141
Synthétique
Synthétique
BLEU
Synthétique
Complexes cuivriques
des chlorophylles et des
chlorophyllines
VERT
Vert acide brillant BS
Caramel
E 142
synthétique
E 150
Brun
Naturel
E 151
Noir
Synthétique
E 152
Noir
Synthétique
E 153
Noir
Naturel
Caroténoïdes
E 160
Nuances diverses
Naturel
Xanthophylles
E 161
Nuances diverses
Naturel
E 161
Nuances diverses
Naturel
E 163
Nuances diverses
Naturel
Noir brillant BN
Noir 7984
Carbo medicinalis
vegetalis
Rouge de betterave,
bétamine
Anthocyanes
I_2_2 Matières colorantes pour la coloration en surface uniquement : E 170 à E 175
Nom véritable de l’additif
Nom de code
Carbonate de calcium
E 170
Bioxyde de titane
E 171
Oxydes et hydroxydes de fer
E 172
Aluminium
E 173
Argent
E 174
or
E 175
7
I_2_3 Matières colorantes pour certains usages seulement : E 180
Nom véritable de l’additif
Nom de code
Pigment rubis pour la coloration des croûtes
E 180
de fromages
I_3. LES ALIMENTS CONCERNES PAR LA COLORATION
Les colorants alimentaires améliorent l’apparence des aliments et les rendent plus
acceptables. On les utilise plus particulièrement dans les situations suivantes :
-
pour remplacer les colorants naturels qui ont été détruits ou modifiés par la chaleur ou
par les agents de conservation ;
-
pour uniformiser la couleur des divers lots d’aliments, lorsqu’on utilise des matières
premières dont la couleur varie en intensité ;
-
pour aviver la couleur naturelle des produits lorsqu’on croit que les consommateurs
préfèrent des couleurs plus vives ;
-
pour redonner de la couleur aux produits décolorés par la lumière ;
-
pour rendre appétissants certains produits.
Les aliments les plus colorés sont de multiples boissons, les confiseries, les laitages tels
que les yaourts, les potages en sachets, les charcuteries, les condiments et même les croûtes de
fromage. On peut distinguer deux catégories au sein de ces aliments : ceux qui relèvent d’une
marque industrielle et bénéficient, en France, d’un étiquetage obligatoire, et ceux qui sont
préparés artisanalement (glaces, gâteaux, charcuterie) auxquels il faut rajouter les boissons de
distributeurs automatiques, pour lesquels le colorant reste inconnu.
D’après la réglementation en vigueur, cinq points importants sont à signaler :
ƒ
Certains aliments ne peuvent en aucun cas être additionnés de colorants (annexe I-B
de l’arrêté du 2 octobre 1997) comme les denrées alimentaires non transformées, les
8
eaux en bouteilles ou conditionnées, le lait, les ovoproduits bruts, les huiles, les
confitures, les jus de fruits,…
ƒ
D’autres aliments ne peuvent être colorés que par certaines molécules (annexe I-C de
l’arrêté du 2 octobre 1997). Par exemple les fromages ne peuvent contenir que des
caroténoïdes et les bières que des caramels.
ƒ
Certains colorants ne sont autorisés que pour des catégories d'aliments définies
(annexe I-D de l’arrêté du 2 octobre 1997), comme le brun FK dans les poissons
séchés et fumés ou la canthaxanthine dans les saucisses de Strasbourg...
ƒ
Certains colorants peuvent être utilisés sans limitation quantitative comme le carotène
(annexe I-E première partie de l’arrêté du 2 octobre 1997).
ƒ
D’autres aliments ne peuvent pas contenir plus d’une certaine quantité de ces additifs,
tous colorants confondus (annexe I-E deuxième partie de l’arrêté du 2 octobre 1997) :
-
les boissons rafraîchissantes sans alcool (100 mg/L),
-
les desserts, les sauces, les légumes au vinaigre (150 mg/kg),
-
les décorations de confiserie et pâtisserie (1000 mg/kg).
II_ ALLERGIE ALIMENTAIRE
II_1 DEFINITION
Bien souvent, le terme de l'intolérance alimentaire est repris pour décrire toutes les
réactions inconfortables qui suivent la consommation de certains produits alimentaires, y
compris les allergies alimentaires. Pourtant, l'allergie alimentaire est un phénomène à part, car
elle implique une réaction du système immunitaire, réaction absente dans l'intolérance.
Un exemple d'intolérance alimentaire est l'intolérance au lactose. L'intolérance au lactose est
entraînée par l'absence d'une enzyme, la lactase, ce qui ne permet pas à l'individu de digérer le
lactose. L'excès de lactose provoque alors des douleurs au niveau de l'intestin et des diarrhées.
Un autre exemple est celui de la maladie cœliaque. Les patients cœliaques ne peuvent plus
manger du gluten. Cette protéine endommage les parois de l'intestin grêle et diminue donc
l'absorption intestinale des nutriments. Après avoir ingéré du gluten, ces patients ont de
sérieux maux de ventre et la diarrhée. En réduisant l'absorption des nutriments, la coeliaquie
s'accompagne souvent d'une diminution du poids corporel et dans certains cas d'un
9
ralentissement de la croissance. Le seul remède à cette maladie est un régime sans gluten
[8,9].
Les intolérances alimentaires se produisent plus souvent chez les enfants. Environ 20 % des
adultes au moins estiment avoir l'une ou l'autre intolérance alimentaire. D'après les études,
seuls 1 à 2 % des adultes ont réellement une intolérance alimentaire, prouvée par des tests
médicaux [6].
L’allergie alimentaire correspond à l’ensemble des manifestations cliniques liées à
l’ingestion d’un allergène alimentaire, appelé trophallergène,
impliquant un mécanisme
immunologique. Il s’agit d’une réaction classique d’hypersensibilité à des aliments ou à des
additifs alimentaires et impliquant l’existence d’anticorps IgE spécifique dont la liaison avec
l’antigène entraîne la libération de médiateurs chimiques [4]. Bien que parfois l’allergie
puisse ne pas dépendre uniquement de la présence d’IgE, la réaction allergique est toujours
d’ordre immunologique contrairement à ce qui se passe pour les réactions adverses aux
aliments : les intolérances alimentaires et les réactions pseudo-allergiques, qui ressemblent
cliniquement aux réactions allergiques mais ne répondent pas à un mécanisme immunoallergique proprement dit. Les manifestations cliniques de l’allergie alimentaire sont de
gravité très variable : prurit et œdème local, choc anaphylactique, atteintes cutanées (urticaire,
dermatite atopique), symptômes digestifs (diarrhée), troubles respiratoires (asthme, rhinite).
C’est donc une pathologie invalidante qui peut être grave voire mortelle dans ses
manifestations aiguës ou altérer profondément la qualité de vie des patients lors de
manifestations chroniques ou récidivantes [10].
Au regard de l’extraordinaire diversité des aliments et des substances qui leur sont
associées, il peut paraître surprenant que l’allergie alimentaire ne soit pas plus fréquente.
Suivant les statistiques, le pourcentage d’allergies alimentaires est estimé entre 0,3 et 7,5 %
chez l’enfant, l’incidence diminuant avec l’âge.
II_2 ALLERGIE AUX COLORANTS ALIMENTAIRES
Ils seraient responsables de plus de la moitié des accidents allergiques ou pseudoallergiques. Bien que de rares accidents aient été décrits pour certains colorants naturels, les
faits rapportés singularisent les colorants de synthèse. Or, ils sont privilégiés face aux
colorants naturels pour deux raisons : d’une part parce que ces derniers manquent de stabilité
10
et ne présentent pas, d’un lot à l’autre, une coloration uniforme et d’autre part parce que le
prix de revient des colorants de synthèse est plus intéressant. Les plus nombreux
appartiennent à la catégorie des colorants azoïques, dont le plus important, la tartrazine, suivi
des colorants rouges (amaranthe, érythrosine, rouge de cochenille, etc…). On décrit avec ces
colorants, des dermites de contact chez les enfants avec des bonbons colorés, chez les
boulangers pâtissiers, ou encore chez les professionnels préparant les denrées ci-dessus. Ces
dermites de contacts pourraient même être réveillées par l’ingestion, soit de dérivés colorés,
soit des médicaments appartenant au même groupe (anesthésiques locaux dérivés de la
procaïne, sulfamides, …). Les colorants azoïques ont une sensibilisation croisée (réaction
dues par des allergènes différents de celui responsable de l’immunisation du sujet) avec
l’aspirine et avec l’acide benzoïque contenu dans de nombreux produits alimentaires. Cette
sensibilisation croisée a été démontrée par des épreuves de provocation par re-introduction de
doses préétablies comme étant à l’origine d’urticaire, d’œdème de Quinke et même de
purpura.
Il est probable que l’incidence des intolérances aux colorants a été surestimé au début des
années 80 : de fait, selon deux grandes enquêtes épidémiologiques, elle varie actuellement
entre 0,040% et 0,80%. La fréquence des réactions adverses aux colorants et aux additifs
serait plus forte chez l’atopique.
II_2_1_Les principaux colorants incriminés : les colorants azoïques
Ils se caractérisent par la présence dans leur formule de deux atomes d’azote unis par une
double liaison, formant le groupe « azo ». La troisième valence de chaque atome d’azote
comporte un cycle aromatique (benzène ou naphtalène) qui présente diverses substitutions. La
substitution par un groupe aminé joue un rôle important dans le pouvoir sensibilisant.
a) La tartrazine
E 102 : il s’agit d’un colorant jaune, sel trisodique d’hydroxy-5-(sulfo-4-phényl)-1-(sulfo-4phénylazo)-4-H-pyrazole-carboxylate-3 de formule :
11
Na+, -O3S
O
N
C
N
HO
N
O-, Na+
N
SO3-, Na+
Figure n°1 : Formule développée de la tartrazine
La tartrazine sert essentiellement à colorer les croûtes de fromage, les enveloppes de
charcuterie, les crèmes glacées, les confiseries, les pâtisseries. Les patients sensibles à la
tartrazine peuvent réagir à l’acide benzoïque et à l’aspirine mais aussi à d’autres analgésiques
comme les dérivés de l’indol et surtout les pyrazolones. Les accidents dus à la tartrazine sont
de loin les plus nombreux, bien que certains puissent entrer dans le cadre d’intolérances
alimentaires. Les premières réactions allergiques à la tartrazine sont décrites dès 1959 :
apparition de prurit, démangeaisons et œdème de la langue et de la luette, urticaire généralisée
après prise d’un médicament coloré par la tartrazine. D’autres cas supplémentaires, décrit en
1969, attire l’attention sur l’absorption alimentaire de la tartrazine. En 1971, un nouveau cas
est décrit chez une personne qui présentant une rhinite allergique et une intolérance à
l’aspirine. Ces sujets présentaient tous une urticaire chronique.
b) Le jaune orange S
E 110: le jaune orange S est un colorant azoïque obtenu par synthèse chimique. Il s’agit du sel
disodique de l’acide Hydroxy-2-(sulfo-4-phénylazo)-1-naphtalènesulfonique-6, de formule
développée :
HO
NaO3S
N
N
SO3Na
Figure n°2 : Formule développée du jaune orange S
12
Il s’agit d’une poudre de couleur jaune orangé, soluble dans l’eau (180 g/L à 20°C), peu
soluble dans l’éthanol (0,1 g/L) et insoluble dans les huiles. Elle est stable jusqu’à 130°C et
rouge en milieu fortement alcalin.
Ce colorant est interdit aux Etats-Unis et en Australie.
c) L’Amaranthe
E123 : Il s’agit du sel trisodique de l’acide hydroxy-2-(sulfo-4-naphtylazo-1)-1naphtalènedisulfonique-3,6 de formule :
Figure n°3: Formule développée de l'Amaranthe
Ce colorant azoïque rouge est un des constituants de la grenadine à laquelle il confère sa
couleur. Dans les années 1970, des études russes ont montré un effet cancérigène et une
autoxicité chez la souris de cet additif et il fut retiré partout dans le monde. Dans les années
qui suivirent des chercheurs américains démontrèrent l’innocuité de l’amaranthe. Depuis, ce
colorant a été réintroduit mais son emploi en reste limité. En France, il est autorisé dans des
boissons renfermant moins de 15% en alcool ainsi que dans le caviar et les succédanés de
caviar.
d) Le Rouge cochenille (Ponceau 4R)
E124 : Il s’agit du sel trisodique de l’acide hydroxy-2-(sulfo-4-naphtylazo-1)-1naphtalènedisulfonique-6,8 de formule :
13
Figure n°4: Formule développée du rouge de cochenille
Ce colorant provoque rarement des allergies.
e) Le Jaune solide
E 105: ce colorant a été supprimé des pays de la CEE depuis 1977 par l’arrêté du 24/08/76 du
fait d’un risque allergène grave.
N° CEE
Nom de l’additif
Couleur
Origine
E102
Tartrazine
jaune
synthétique
E 110
Jaune orangé S
orange
synthétique
E 123
Amaranthe
E 124
Rouge Cochenille A
(Ponceau 4R)
E 127
Érythrosine
Commentaire
Risque important d'allergie,
de rhinite, d'asthme.
Interdit en Suisse.
Fort effet allergénique
connu. Déconseillé aux
allergiques à l’aspirine.
Interdit aux USA
synthétique
Fut interdit en France (sauf
dans le caviar), provoque
allergies (notamment sur
les sujets sensibles aux
salycidés)
rouge
synthétique
Risques d'allergie.
Probables effets
génotoxiques. Interdit aux
USA
rouge
synthétique
Allergies signalées
(notamment asthme,
urticaire, prurit).
rouge
Tableau 1 : Récapitulatif des principaux colorants responsables d’allergies alimentaires
14
II _ 2_ 2 Les autres colorants incriminés
Des mises en garde particulières concernent également les colorants suivants :
a) l’érythrosine E 127
Ce colorant rouge renferme 4 atomes d’iode dans sa molécule et de ce fait, afin d’éviter
des réactions adverses chez les personnes souffrant d’hyperthyroïdie ou d’allergie à l’iode, il a
été décidé d’en limiter son emploi dans les fruits et légumes transformés, notamment les
cerises pour cocktails et les cerises confites.
b) la canthaxanthine E 161
Ce colorant fait partie de la famille des caroténoïdes et le produit de synthèse a fait en 1988
d’une recommandation auprès des Etats membres d’en limiter l’emploi et de l’interdire dans
les fruits et légumes transformés, les soupes en sachet, boissons, etc. Les restrictions sont
sévères et son seul emploi autorisé concerne les saucisses de Strasbourg.
c) Les colorants naturels
Ils ne sont pas au-dessus de tout soupçons. Deux cas d’allergie aux carotènes ont été
rapportés ainsi qu’un cas d’allergie au rouge bétanine et aux chlorophylles. On peut évoquer
également la possibilité d’une allergie aux anthocyanes (E161) dans certains cas d’allergies
aux fruits de familles végétales pourtant différentes.
Les colorants alimentaires ont fait l’objet d’études approfondies au cours des années et
c’est ainsi qu’en 1974 neuf colorants furent retirés par manque d’informations complètes les
concernant. Des études toxicologiques sont en permanence en cours. Il est vivement conseillé
aux personnes pouvant présenter des intolérances à certains colorants alimentaires de bien lire
les étiquetages et de bannir les produits en vrac à l’étiquetage inexistant, surtout pour les
enfants.
II_2_3 Mécanismes
L'allergie se caractérise par une hypersensibilité développée contre des protéines
allergéniques présentes dans un aliment. Elle survient suite à l'ingestion au travers d'un
aliment d'un allergène qui va provoquer, dans la plupart des cas, une réaction du système
15
immunitaire de type IgE dépendant (voir Figure n°5). La manifestation allergique se produit en 2
étapes. La première est la phase de sensibilisation qui se produit lors du 1er contact et qui va
préparer l'organisme à réagir de façon immédiate lors d'un second contact avec l'allergène.
Lors de celui-ci, se déclenche la manifestation allergique proprement dite qui va entraîner,
lors de l'association des IgE avec les mastocytes, la libération des médiateurs de
l'inflammation, dont le principal est l'histamine.
Figure n°5: Mécanisme de l’allergie IgE-dépendante
Une substance chimique peut donner lieu à un accident par différents mécanismes tels que
l’hypersensibilité (de types variés) ou intolérance (de pathogénie beaucoup plus obscure).
L’hypersensibilité fait appel à la création d’un état immunologique particulier dont l’origine
réside dans une subpopulation de lymphocytes T sensibilisés. Pour créer une hypersensibilité
le colorant (substance chimique de petit poids moléculaire : haptène) doit se lier à une
16
protéine porteuse pour devenir un antigène complet. L’hypersensibilité peut être de différents
types, selon la classification de Gell et Coombs [19]. Il peut s’agir d’une hypersensibilité de
type IV. Ce mécanisme concerne les dermites aux colorants azoïques. La sensibilisation aux
colorants azoïques est croisée avec le groupe para. Les mécanismes biochimiques présidant à
la création d’une dermite de contact ont été décrit dès 1928 par Rudolf Mayer : les colorants
azoïques représentent un groupe chimique définit par la présence dans leur formule de deux
atomes d’azote unis par une double liaison [11]. La troisième valence de chaque atome
d’azote comporte un cycle aromatique (benzène ou naphtalène) qui présente diverses
substitutions. La substitution par un groupe aminé joue un rôle important dans le pouvoir
sensibilisant. Malgré une analogie de leur formule chimique le potentiel réactogène de deux
colorants peut être totalement différent. La moindre substitution peut modifier totalement le
pouvoir sensibilisant des colorants. Un métabolite commun à tous les corps de groupe
permettrait d’expliquer la sensibilisation croisée. Ce corps serait un dérivé de structure
quinonique. Ces dérivés quinoniques ayant une grande affinité pour les protéines riches en
groupe SH s’uniraient à certaines protéines de structure de la peau (kératine, collagène) pour
former une macromolécule qui serait l’antigène directement responsable de la réaction
allergique. La réaction de scission de la liaison azoïque n’est ni immédiate, ni constante. De
nombreux facteurs entrent en jeu dans le déclenchement de la scission et l’apparition des
accidents aux colorants azoïques : durée et répétition du contact avec le colorant, stabilité,
facteurs individuels…Elle peut avoir lieu dans l’intestin. Il est intéressant de noter que la
liaison aux protéines de la peau est possible, que le colorant soit appliqué sur elle, ou bien
qu’il y parvienne par voie endogène, après absorption digestive.
L’hypersensibilité de type I (choc anaphylactique, urticaire…) nécessite aussi la liaison du
colorant à la protéine de l’organisme. On admet actuellement que ce sont les complexes
antigéniques plurivalents (plusieurs déterminants antigéniques ou plusieurs molécules
d’haptène) qui sont les plus sensibilisants. Ils induisent la synthèse d’IgE spécifiques ou dans
certains cas d’un sous groupe d’IgG spécifiques [21, 22]. Les résidus de fabrication, les
métabolites intermédiaires ayant servi à produire le produit fini et dont l’épuration pourrait
être incomplète dans certains lots joueraient, dans certains cas un rôle important dans la
sensibilisation. En ce qui concerne la tartrazine, le clivage réducteur de la liaison azo, dans
l’intestin, produit d’une part l’acide sulfanilique d’autre part un dérivé pyrazolone. On peut
poser comme hypothèse que le corps sensibilisant est le pyrazolone. Ceci permettrait d’autre
part d’expliquer chez certains sujets des réactions à la tartrazine [17, 18].
17
La création d’une hypersensibilité réaginique par voie digestive est un fait actuellement
bien établi, tant par l’observation clinique que par l’expérimentation. On doit cependant la
concevoir comme une rupture de tolérance. En effet le tube digestif assure normalement la
notion de tolérance aux substances chimiques étrangères à l’organisme. La rupture de
tolérance est la traduction d’une anomalie fonctionnelle de la muqueuse digestive,
correspondant à des détériorations transitoires de ses mécanismes de défense, sous l’effet
d’agressions variées, médicamenteuses ou alimentaires (abus d’alcool, d’acides, d’épices…)
[1].
II_2_4 Diagnostic
Un bon questionnaire, détaillé, qui essaie de mettre en relation certains aliments avec la
symptomatologie, est le premier élément pour savoir si l’on peut prendre la piste de l’allergie
alimentaire. La chronologie entre l'ingestion d'un aliment et l'apparition des symptômes, le
détail de ces symptômes, la constance de ces symptômes avec les expositions successives au
même aliment, est toute des éléments importants à faire préciser par le patient. Il est aussi
important de vérifier jusqu'à quel point on doit accorder de l'importance aux aliments
soupçonnés par le patient, particulièrement en ce qui a trait aux urticaires chroniques ou aux
troubles digestifs d'allure fonctionnelle. Parfois, le questionnaire seul permet d'établir le
diagnostic, surtout dans les cas de réaction d'apparition rapide de type anaphylactique,
urticarien, ou asthmatique, particulièrement lorsque la prise d'un aliment fréquemment associé
à ces réactions est rapportée, et que ce n'est pas la première fois qu'elle se produit [6,7].
L'examen aide surtout en phase symptomatique, en permettant d'objectiver les symptômes
décrits. Suite à cela, des tests d'allergie, des épreuves de laboratoire et des manipulations
diététiques (voir figure n°6) peuvent être utilisés pour confirmer ou infirmer un diagnostic
d'allergie alimentaire :
-
En faisant des tests cutanés. On pique le patient à travers une goutte de solution
allergénique déposé sur sa peau avec une aiguille (Pick test). Ce test qui est très
pratique présente un inconvénient majeur. En effet la solution allergénique ne contient
pas toujours les bons allergènes pour chaque aliment ce qui peut conduire à des faux
négatifs.
18
-
L’étude des anticorps sériques (IgE), totaux, ou spécifiques dirigés contre tel ou tel
aliment, se heurte au même problème de pureté de l’allergène alimentaire. Elle n’est
valable que pour les allergies médiées par les IgE. Les tests cutanés par la méthode de
scarification [12] sont surtout utiles s'ils sont négatifs à l'aliment suspecté, car il est
assez rare d'avoir un faux négatif dans le cas d'une réaction immédiate médiée par un
IgE. Par contre on a souvent des tests aux aliments qui sont positifs sans que ceux-ci
provoquent de symptômes lors de leur ingestion: on parle de faux positifs. Il existe une
bonne corrélation entre un test positif à certains aliments (noix, oeufs, blé, arachides,
poisson et lait de vache) et l'apparition de symptômes allergiques lors de leur ingestion
[13]. Les tests cutanés aux aliments par intradermoréaction ne sont généralement pas
pratiqués à cause d'un risque accru de réaction systémique, de même que d'un taux
plus élevé de faux positif, probablement par irritation. Quand on suspecte fortement un
aliment comme cause d'une réaction allergique médiée par les IgE et que le test par
scarification avec les extraits commerciaux est négatif, on peut procéder à un test par
scarification avec l'aliment naturel [14].
-
On peut pratiquer une diète d’élimination. Il s'agit dans un cas simple d'éliminer de la
diète l'aliment ou groupe d'aliments suspectés pendant au moins deux semaines, et s'il
y a amélioration des symptômes, de réintroduire l'aliment afin de voir s'il y a
réapparition des symptômes. Bien entendu on ne peut se permettre de réintroduire
l'aliment suspecté après amélioration que si la symptomatologie au départ n'était pas
trop sévère, car si ce n'est pas le cas, il y a un risque de chocs graves. Dans certains cas
de symptômes chroniques, tels une urticaire rebelle, un asthme intrinsèque sévère et
difficile à contrôler ou un eczéma atopique très marqué, on peut tenter une diète
d'élimination sévère pendant au moins deux semaines, et si il y a amélioration,
réintroduire à tous les trois jours un nouvel aliment, jusqu'à réapparition des
symptômes: le dernier aliment introduit sera alors mis en cause. Ceci permet parfois
de trouver une cause alimentaire à ces problèmes. S'il n'y a pas d'amélioration sous
cette diète ceci permet d'exclure avec un très faible risque d'erreur une allergie
alimentaire [15,5].
-
Le test de provocation à pour but de reproduire un symptôme. Soit de façon réaliste en
faisant ingérer l’aliment ou la boisson, soit au moyen d’un extrait allergénique ingéré
ou éventuellement déposé directement dans le tube digestif au cours de l’examen
19
endoscopique. En plus aucun test de provocation n’est sans risque, et le patient doit
être mis au courant; ces tests doivent être faits sous contrôle médical étroit, le plus
souvent en milieu hospitalier [16,5].
Figure n°6: Exemple d’arbre de décision d’une recherche d’allergie alimentaire [5]
II_2_5 Traitement
Il est avant tout préventif afin d’éviter la constitution de l’allergie alimentaire. Pour
prévenir les récidives d’urticaire ou l’évolution souvent longue de certaines urticaires
chroniques, il faudrait donc éviter les aliments et les remèdes contenant des colorants, de
l’acide benzoïque, de l’aspirine et des dérivés de la pyrazolone. D’où la nécessité de faire
attention à la composition des médicaments afin d’éviter les allergies croisées. Les aliments
susceptibles d’être conseillés sont ceux ne comportant en principe pas d’additifs : le pain, le
riz, les fruits, les légumes secs, etc. Quand une allergie alimentaire a été mise en évidence
chez un adulte ou chez un enfant, il suffit théoriquement d’éliminer le ou les aliments pour
faire disparaître les troubles. Les principaux colorants qu’il convient d’éviter ou de supprimer
en cas de terrain atopique avec manifestations allergiques chroniques sont la tartrazine
(E102), les autres colorants azoïques (E122 à E 127), en particulier l’érythrosine (E127) et le
rouge de cochenille (E124), le jaune orangé S (E110) ainsi que les colorants identifiés sous les
numéros E104 (jaune de quinoléine) et E131 (bleu patenté V). Eliminer un aliment, un
20
condiment, ou un additif de consommation courante est problématique sinon impossible pour
celui qui prend par exemple ses repas au restaurant [5,6]. De plus actuellement il existe peu
d’aliments qui ne soient passés par une préparation industrielle et l’affichage, pourtant
obligatoire sur les emballages n’est pas toujours éloquent. La suppression d’aliments d’un
régime alimentaire (appelé aussi éviction) doit être présentée psychologiquement de façon
acceptable. Il est également nécessaire de limiter le nombre d’aliments interdits afin de ne pas
en arriver à des régimes de restriction soit préjudiciables, soit obsédants, soit rejetés parce que
trop draconiens. Il existe aussi un risque de carences alimentaires. Le régime d’éviction
poursuivi suffisamment longtemps permet habituellement de guérir. Quelques mois plus tard
la réintroduction de l’aliment pourra être tentée, souvent avec succès, toujours avec prudence.
Mais dans 10 % des cas l’allergie est définitive. Quand un aliment dit usuel ne peut être
éliminé du régime alimentaire certains médecins proposent une désensibilisation spécifique
(sous réserve qu’il s’agisse bien d’un mécanisme allergique et que l’on dispose de l’allergène
alimentaire purifié) [7].
Parmi les médicaments, les antihistaminiques n’ont jamais une efficacité absolue. En
revanche le cromoglycate de sodium qui n’est pas un antihistaminique a un effet protecteur
très précieux sur la muqueuse digestive permettant souvent la réintroduction des aliments. Il
doit être administré à doses progressivement croissantes car il peut, en début de traitement
aggraver un eczéma atopique ou entraîner une gastroentérite, ce qui ne signifie pas qu’il est
inefficace mais, au contraire qu’il faut moduler la posologie [20].
III_REGLEMENTATION
III _1 HISTORIQUE DE LA REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DES
COLORANTS ALIMENTAIRES EN FRANCE ET DANS L’UNION
EUROPENNE
La préoccupation de l’innocuité des colorants est illustrée avant le début du siècle par
l’exemple de Pasteur, avalisant l’utilisation de sulfate de cuivre comme agent de verdissage
des légumes en conserve sous réserve d’en avertir les consommateurs. Dès le début du siècle
(loi du 1er août 1905) le législateur se préoccupe de réprimer l’emploi abusif d’additifs. En
1909 Roux propose de constituer une liste positive permettant l’emploi de substances ayant
21
fait la preuve de leur innocuité. En 1912, un décret établit la consultation obligatoire du
Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine, en matière de dispositions
légales concernant les colorants. L’arrêté du 28 juin 1912 règle l’addition de substances
chimiques aux aliments. Ce texte de portée générale, interdit la vente de denrées destinées à
l’alimentation, qui ont été additionnées soit pour leur conservation, soit pour leur coloration,
de produits chimiques autres que ceux dont l’emploi est déclaré licite par un règlement, puis
en application de l’article 11 de la loi
du 1er août 1905 et autorisé par un arrêté
interministériel pris après avis du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de
médecine. Cet arrêté du 28 juin 1912 codifie notamment la liste et les emplois particuliers des
divers colorants utilisables dans l’alimentation. Ces derniers sont alors au nombre de 22 (3
roses, 8 rouges, 1 orangé, 3 jaunes, 2 verts, 3 bleus et 2 violets). Diverses circulaires
modifient par la suite cette liste par additions ou retraits successifs (ou alterné) d’autres
dérivés. L’arrêté du 28 mars 1958 vient modifier l’ arrêté du 28 juin 1912 suite à des travaux
d’hygiénistes et de toxicologues, parait une nouvelle liste comportant 6 colorants minéraux,
21 colorants naturels et 14 colorants synthétiques. En 1962 ka C.E.E. publie une liste de 36
colorants naturels de synthèse autorisés en alimentation (parue dans le journal officiel du 11
novembre 1962). Un arrêté du 15 octobre 1964 met en application en France, la directive de la
C.E.E. et autorise l’usage des 36 colorants dont 16 de synthèse, 13 d’origine végétale, et 7
d’origine minérale. La pureté des colorants fait l’objet de prescriptions sévères (arrêtés du 31
mars 1967, puis du 13 février 1970). En fait si depuis 1912 les colorants autorisés en France
l’ont été sur l’avis favorable du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de médecine
il apparaît dès 1964 que certains produits ont été admis parc que leur emploi depuis un certain
temps n’avait pas entraîné de risque évident, mais sans dossier suffisants. C’est pourquoi
parait le décret de février 1973 : « Tout additif est interdit s’il n’a pas explicitement été
autorisé par un arrêté pris après avis du Conseil Supérieur de l’Hygiène et de l’Académie de
médecine. ».
En août 1976 parait l’arrêté limitant l’emploi des colorants alimentaires. Les matières
colorantes ci après sont supprimées à la date du 1er janvier 1997 de la liste des substances
admises pour l’usage alimentaire :
-
E103 : chrysoïne (colorant azoïque)
-
E105 : jaune solide (colorant azoïque)
-
E111 : orange GGN (colorant azoïque)
22
-
E121 : orseille, orcéine
-
E125 : écarlate GN
-
E126 : ponceau 6R (colorant azoïque)
-
E130 : bleu anthraquinonique (bleu solanthrène RS)
-
E152 : noir 7984
-
E181 : terre d’ombre brûlée.
Le commerce des denrées alimentaires contenant une ou plusieurs des matières colorantes
énumérées est interdit à partir de 1978. Les autorisations d’emploi de l’amaranthe (E123) sont
rapportées sauf en ce qui concerne la caviar et les succédant de caviar. Le commerce des
denrées alimentaires colorées au moyen de l’amaranthe, à l’exception du caviar et des
succédant de caviar est interdit à partir du 1er janvier 1997. Cinq colorants azoïques ont donc
été supprimés il restent la tartrazine, le jaune orangé S, l’azorubine, le rouge de cochenille A,
le noir brillant BN [1].
III_2 L’ETIQUETAGE DES DENREES ALIMENTAIRES
La Directive 2003/89 du CE du Parlement Européen et du Conseil qui a été publiée le 25
novembre 2003 (J.O. de l’Union Européenne L308/15) modifie la Directive 2000/13/CE
concernant l’indication des ingrédients présents dans les denrées alimentaires. Cette directive
envisage de rendre obligatoire un étiquetage plus complet des ingrédients entrant dans la
composition des denrées alimentaires.
Les Etats Membres avaient un délai fixé au 25 novembre 2004 pour adopter les
dispositions nécessaires de façon à permettre la vente des produits conformes à partir de cette
date. Toutefois, les produits mis sur le marché ou étiquetés avant cette date pourront être
commercialisés jusqu’à épuisement des stocks.
Le préambule reconnaît la nécessité que les patients souffrant d’allergies alimentaires
trouvent par l’étiquetage « une information plus complète ». En effet, le repérage de
l’allergène en cause est difficile lorsque la substance n’est pas étiquetée. Le médecin doit
alors prendre contact avec l’entreprise pour connaître la composition exacte de la denrée
responsable des réactions allergiques chez les patients. [22]
23
Cette directive prévoit une liste d’ingrédients ou de produits issus de ces ingrédients ou
dérivés de ces ingrédients qui doivent être toujours étiquetés sauf à ce que le professionnel
démontre l’absence de pouvoir allergène. La nouvelle liste (ANNEXE III bis Ingrédients
visés à l’article 6, paragraphes 3 bis, 10 et 11) proposée par la Commission Européenne
énumère :
•
Céréales contenant du gluten (à savoir blé, seigle, orge, épeautre, kamut ou
leurs souches hybridées) et produits de base de ces céréales.
•
Crustacés et produits à base de crustacés
•
Œufs et produits à base d’œufs
•
Poissons et produits à base de poissons
•
Arachides et produits à base d’arachides
•
Soja et produits à base de soja
•
Lait et produits à base de lait (y compris le lactose)
•
Fruits à coque, à savoir amandes (Amygdalus communis L.), noisettes (Corylus
avellana), noix (Juglans regia), noix de cajou (Anacardium occidentale), noix
de Pécan [Carya illinoiesis (Wangenh.) K. Koch], noix du Brésil (Bertholletia
excelsa), pistaches (Pistacia vera), noix de Macadamia et noix du Queensland
(Macadamia ternifolia) et produits à base de ces fruits.
•
Céleri et produits à base de céleri.
•
Moutarde et produits à base de moutarde.
•
Graines de sésame et produits à base de graines de sésame.
•
Anhydride sulfureux et sulfites en concentrations de plus de 10 mg/Kg ou
mg/litre exprimées en SO2.
Il est assuré que cette liste fera l’objet de réexamen systématique après avis de l’autorité
européenne de sécurité des aliments avec mise à jour sur la base des connaissances les plus
récentes. Le premier réexamen aura lieu au plus tard le 25 novembre 2005.
La Directive prévoit également la suppression de la règle dite des 25% à savoir « Si un
ingrédient composé défini par la réglementation ou consacré par les usages entre pour moins
de 25% dans la composition du produit final alors ses constituants n’ont pas obligatoirement à
être indiqués dans la liste des ingrédients figurant sur l’étiquetage du produit ». Cette règle ne
permettant pas de connaître la composition exacte du produit, les dérogations pour
l’indication des composants de certains ingrédients composés ne seront admises que pour les
24
ingrédients représentants moins de 2% du produit fini et pour un nombre limité de cas. Par
conséquent, la liste des composants n’est pas requise si ces composants ne font pas partie de
la liste des allergènes, ou bien s’il s’agit d’épices ou de plantes aromatiques, ou bien « lorsque
sa composition est définie dans le cadre d’une réglementation communautaire en vigueur ».
L’application de cette Directive constituera un progrès pour les patients ayant des allergies
alimentaires identifiées. Les allergologues sont bien conscients qu’elle entérine les
connaissances actuelles et qu’elle ne sera d’aucune aide pour le dépistage des nouvelles
allergies. Ils devront donc comme par le passé réaliser des prick-tests réalistes aux aliments
suspects, obtenir de l’industrie la composition complète de leurs produits, puis rechercher une
sensibilisation à tous les constituants. Il faut certes espérer que les industriels accepteront
cette transparence et ne feront pas une interprétation perverse de la Directive, en omettant
d’informer sur la nature des ingrédients qui ne sont pas obligatoires selon cette Directive.
25
CONCLUSION
Le développement des industries chimiques, leur application aux industries alimentaires
ont amené une augmentation considérable du nombre de colorants alimentaires. C’est par
intérêt économique que l’industrie alimentaire a développé la coloration systématique de
nombreux aliments. Or nous avons pu constater que les colorants et particulièrement les
colorants azoïques pouvaient entraîner des allergies alimentaires. Ils sont responsables de
dermites de contact, d’urticaire, d’œdème de Quincke et même de purpura… Ils peuvent avoir
une sensibilisation croisée avec l’aspirine et avec l’acide benzoïque contenu dans de
nombreux produits alimentaires. L’incidence des allergies aux colorants est très faible, elle
varie actuellement entre 0,040% et 0,80%. Cette approche du problème est sans doute
inadéquat dans la mesure où l’on ne diagnostique bien que ce que l’on a appris à connaître. En
effet les réactions sont de faible intensité, rendant difficile l’interprétation des tests de
provocation. Le traitement est avant tout préventif afin d’éviter la constitution de l’allergie
alimentaire. Il est donc conseillé d’éviter tous les aliments susceptibles de contenir des
colorants azoïques ainsi que la prise de certains médicaments comme l’aspirine. Mais cela
reste difficile à réaliser car il existe peu d’aliments qui ne soient passés par une préparation
industrielle. Des mesures concernant l’étiquetage ont été prises par les autorités afin que le
patient allergique soit mieux informé sur la composition des aliments pouvant contenir des
allergènes. L’industrie alimentaire à son tour renchérit sur la loi et commercialise de
nouveaux produits garantis sans colorants. IL faut espérer que les industriels respecteront la
loi et n’omettront pas d’informer le consommateur sur la nature exact des ingrédients
contenus dans leurs produits.
26
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages et Revues :
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alimentaires et pharmaceutiques, Juin 1977, Editions Masson, pages 8 à 13, 110 à 118.
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DUNOD, pages 20 à 29.
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Médicales, pages 58 à 60.
[4] Professeur L.F PERRIN, Vaincre les allergies, Octobre 1987, Editions du Rocher, pages
157 à 170.
[5] Professeur L.F. PERRIN, Allergologie pratique, Août 1998, 3ème édition, Editons
MASSON, pages 69 à 87.
[6] Professeur M. FRANCOIS BERBARD, Dr Jean BOUSQUET, Les allergies « fin d’une
énigme », Mars 1997, Editions HACHETTE Pratique, pages 99 à 109.
[7] Dr Michel PLANES, Guide pratique des allergies, Juin 1988, Editions CIL pages 85 à 93
[8] Professeur Claude MONTINA, Vivre avec une allergie, 1993, Editons du Rocher, pages
133 à 141.
[9] Antoine ROIG, Guides des additifs et des polluant alimentaires, les poisons de votre
alimentation, 1988, Editions du Rocher, pages 408 à 416, 394, 395.
[10] MANFRED et Nicole MOLL, Précis des risques alimentaires, 2000, Editions technique
et documentation, pages 52 à 58, 161 à 181.
[11] Anne MONERET –VAUTRIN et Claude ANDRE, Immunopathologie de l’allergie
alimentaire et fausses allergies alimentaires, 1983, Editions MASSON, pages 181 à 198.
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diagnosis of hypersensitivity to food in children, Clin, Allergy, 1977, volume 7 pages 375 à
383.
[13] K. AAS, The diagnosis of hypersensitivity to ingested foods, Clin. Allergy, 1978,
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[14] ROSEN, J.P., SELCOW, J.E., Skin testing with natural food in patients suspected of
having food allergies: Is it a necessity?, J Allergy Clin Immunol, 1994, volume 93 pages 1068
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27
[15] Methods for diagnosis of adverse reactions to foods. Dans: American Academy of
Allergy and Immunology (AAAI), Committee on Adverse Reactions to Foods, and National
Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID). Adverse Reactions to Foods, NIH
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and Foods Additives. Blackwell Scientific Publications, éd., 1991.
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Rapports :
Carine DUBOUISSON, Allergies alimentaires : états des lieux et propositions d’orientations,
Janvier 2OO2, AFSSA.
Sites Internet :
[23] Zoltan ZALAY, Allergies alimentaires et Codex Alimentarius, [En, ligne], Disponible
sur : http://www.prevention-allergies.asso.fr/codex.html (consulté le 12 novembre 2004)
28
ANNEXES
ANNEXE 1 : DIRECTIVE 2003/89/CE du parlement européen et du conseil du 10
novembre 2003 modifiant la DIRECTIVE 2000/13/CE
ANNEXE 2 : Mécanisme d’une réaction causée par un allergène
29

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