À l`origine, Bernard de Clairvaux, une personnalité

Transcription

À l`origine, Bernard de Clairvaux, une personnalité
Bernard de clairvaux
À l’origine, Bernard de Clairvaux, une
personnalité qui rayonna sur l’Occident
chrétien médiéval
« Mais plus il devient faible et languissant par les infirmités de son corps, plus il devient fort et
vigoureux par la grâce qui anime son esprit, ne cessant jamais de faire des choses dignes de
mémoire, et couronnant toujours ses actions qui sont très grandes par d’autres encore plus
grandes, qui méritent d’autant plus qu’on les rende publiques et connues en les écrivant, que lui les
tient secrètes et cachées en les taisant. »
C’est ainsi que Guillaume de Saint Thierry fait ses adieux à Bernard de Clairvaux dans la Première
Vie de Saint Bernard qu’il rédigea dans la seconde moitié du XIIe siècle.
Bernard de Clairvaux (1090-1153) est bien le personnage le plus célèbre de
l’ordre de Cîteaux, auquel il donna toute son ampleur ; issu de l’aristocratie bourguignonne, il fut
l’un des hommes les plus importants du XIIe siècle. Premier abbé du monastère de Clairvaux,
Bernard était un écrivain fécond. Il laisse une œuvre riche de plusieurs traités, recueils de sermons
et d’une correspondance très étoffée.
Saint Bernard joua un double rôle ; son impulsion fondatrice permit à Clairvaux d’essaimer
rapidement ; à la fin du XIIe siècle, l’abbaye ne comptait pas moins de 170 abbayes filles – des
abbayes fondées par des moines issus de Clairvaux et des abbayes indépendantes qui s’étaient mise
dans la dépendance de Clairvaux.
Il fut également mêlé à toutes les grandes affaires ecclésiastiques de son temps,
entre règlement d’élections papales, sauvegarde de l’orthodoxie, prédication de la deuxième
croisade, interventions politiques et missions diplomatiques. Au-delà du monachisme, saint Bernard
voulait contribuer à la réforme de la chrétienté toute entière.
Sa théologie mystique, élaborée dans le creuset du monachisme, influença profondément toute la
pensée chrétienne. La bibliothèque de l’abbaye est donc à l’image de son fondateur, personnalité la
plus influente du XIIe siècle.
Il fut canonisé en 1174
http://www.mediatheque.grand-troyes.fr/webmat2/expos/clairvaux/page7.html
Enfance et entrée au monastère
Basilique et maison natale de Saint Bernard à Fontaine-lès-Dijon face à l'église Saint-Bernard de
Fontaine-lès-Dijon.
Église Saint-Bernard de Fontaine-lès-Dijon.
Né en 1090 ou 10912 au château de Fontaine-lès-Dijon près de Dijon, dans une famille noble de
Bourgogne3, Bernard est le troisième des sept enfants (avec pour frère et sœur Saint Gérard de
Clairvaux et Sainte Ombeline de Jully). Fils du seigneur Tescelin le Roux (Tescelin Sorrel4) et de
Sainte Alette de Montbard. Son père, Tescelin, est un membre de la famille des seigneurs de
Châtillon-sur-Seine. Modeste chevalier, il est au service du duc de Bourgogne et a cherché à faire
un riche mariage. Il gère des terres autour de Montbard, d'Alise-Sainte-Reine, dans la vallée de la
Laignes ou au confluent de l'Aube et de l'Aujon en plus de sa seigneurie de Fontaine.
La famille de sa mère, Alette ou Aleth, est de plus haute lignée. Le grand-père de Bernard règne sur
la seigneurie de Montbard : ses terres s'étendent sur les plateaux situés entre l'Armançon et la Seine.
Son oncle, André de Montbard est l'un des neuf fondateurs de l'ordre du Temple et devient même
Grand Maître5. La famille de Bernard appartient donc à la moyenne noblesse6.
Vers 1100 Saint-Bernard est envoyé à l'école de Saint-Vorles à Châtillon-sur-Seine
À l'âge de neuf ans, il est envoyé à l'école canoniale de Châtillon-sur-Seine. Après les rudiments, il
suit le trivium, premier cycle d'enseignement consacré aux lettres (grammaire, rhétorique et
dialectique). Montrant un goût particulier pour la littérature7, il acquiert une bonne connaissance de
la Bible, des Pères de l'Église et de divers auteurs latins : Horace, Lucain, Sénèque (Lettres à
Lucilius), Tacite, Juvénal, Perse, Stace, Térence et, surtout, Cicéron, Virgile et Ovide (y compris, de
ce dernier, l'Art d'aimer)8, ce qui fait de lui un parfait représentant des lettrés de son temps.
En revanche, il ne suivra pas le quadrivium (second cycle, portant sur l'arithmétique, la géométrie,
la cosmologie et la musique)9. À l'âge de seize ou dix-sept ans, il perd sa mère et en est très
vivement affecté. Il mène ensuite l'existence mondaine des jeunes nobles de son âge mais semble
très vite vouloir entrer dans les ordres. Dans un premier temps, il laisse entendre à sa famille qu'il
prépare un pèlerinage à Jérusalem pour ne pas inquiéter sa famille par ses préparatifs à la vie
monacale10.
En 1112, il entre à l'abbaye de Cîteaux avec trente membres de sa famille ou proches6. L'abbaye de
Cîteaux a été fondée en 1098 par Robert de Molesme, et Étienne Harding en est l'abbé depuis
janvier 1108. Les fondateurs se sont détachés de l'ordre de Cluny, alors en pleine gloire, pour vivre
intégralement la règle de saint Benoît. Ils souhaitent répondre à un idéal plus rigoureux : retour à la
simplicité dans la vie quotidienne, dans le culte et dans l'art ; rupture avec le monde, pauvreté,
silence, travail manuel, tels seront les éléments principaux de la création cistercienne. Cela
correspond aux souhaits de Bernard qui veut retourner à l'ascèse monastique la plus rude11. Cette
ascèse est comparable selon lui à la route de Jérusalem : « par la montée rude (...), vers la Jérusalem
de la liberté, celle d'en-haut, notre mère »10
La fondation de Clairvaux
Bernard de Clairvaux, manuscrit du XIIIe siècle
En 1115, Étienne Harding envoie le jeune homme à la tête d'un groupe de moines pour fonder une
nouvelle maison cistercienne dans une clairière isolée à une quinzaine de kilomètres de Bar-surAube, le Val d'Absinthe12, sur une terre donnée par le comte Hugues de Champagne. La fondation
est appelée « claire vallée » (clara vallis), qui devient ensuite « Clairvaux ». Bernard est élu abbé de
cette nouvelle abbaye, et confirmé à Châlons-en-Champagne par Guillaume de Champeaux, évêque
de Châlons-en-Champagne et célèbre théologien. Il demeure abbé de Clairvaux jusqu'à sa mort en
1153. Les débuts de Clairvaux sont difficiles : la discipline imposée par Bernard est très sévère.
Bernard poursuit ses études sur les Saintes Écritures et sur les Pères de l'Église.
Les gens affluent dans la nouvelle abbaye, et Bernard convertit même toute sa famille : son père,
Tescelin, et ses cinq frères entrent à Clairvaux en tant que moines. Sa sœur, Humbeline, prend
également l'habit au prieuré de Jully-les-Nonnains. L'attrait qu'exerce Bernard est parfaitement
illustré par cette anecdote : vers 1129, l'évêque de Lincoln s'étonne de ne pas avoir de nouvelle d'un
chevalier qui devait faire étape à Clairvaux sur la route des croisades. Bernard l'informe qu'il a
économisé la route de Jérusalem en entrant au monastère10. Dès 1118, de nouvelles maisons
doivent être fondées pour éviter l'engorgement de Clairvaux. Les trois premières fondations sont La
Ferté, Pontigny, Morimond. Ces premières fondations sont implantées dans les domaines des
seigneuries alliées ou amies. Ces trois abbayes, plus Cîteaux et Clairvaux sont les cinq têtes de pont
de l'ordre nouveau, chacune essaimant pour son compte13. De 1115 à 1133, Bernard et ses moines
vivent à Clairvaux dans les conditions les plus frustes. Le prieur du couvent (Geoffroy de
Rochetaille) et le maître des novices (Achard) convainquent Bernard d'agrandir le monastère en
1133. En 1145, l'église est enfin consacrée et, en 1153, la partie occidentale réservée aux frères
convers est achevée14.
Clairvaux donne naissance à soixante-huit abbayes nouvelles. En 1119, Bernard fait partie du
chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à
l'ordre. La « Charte de charité » qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il
fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.
Un conservateur engagé
Bernard de Clairvaux, v. 1450, musée de Cluny.
Dès le début de son abbatiat, Bernard rédige des traités, des homélies, et surtout une Apologie, écrite
sur la demande de Guillaume de Saint-Thierry, qui défend les bénédictins blancs (cisterciens) contre
les bénédictins noirs (clunisiens). À l'austérité cistercienne, élaborée à partir de la fuite du monde,
de la pauvreté et du travail manuel, Bernard ajoute la mise en valeur de la pureté et le mépris de la
culture et de tout ce qui peut sembler un divertissement pour l'esprit. Pierre le Vénérable, abbé de
Cluny, lui répond amicalement, et malgré leurs différends idéologiques, les deux hommes se lient
d'amitié. Il envoie également de nombreuses lettres pour inciter à la réforme le reste du clergé, en
particulier les évêques. Sa lettre à l'archevêque de Sens, Henri de Boisrogues dit Sanglier, intitulée
par la suite De Officiis Episcoporum (Sur la conduite des évêques) est révélatrice du rôle important
joué par les moines au XIIe siècle, et des tensions entre clergé régulier et séculier. Bernard a une
prédilection presque exclusive pour le Cantique de Salomon et pour saint Augustin. Il est le dernier
père de l'Église de par sa façon de raisonner15. Il considère que l'homme n'a pas à tenter d'élucider
les contradictions apparentes du dogme ou de trouver une explication rationnelle aux textes saints :
la foi que l'on reçoit doit être transmise inchangée. Il reste opaque aux changements de l'époque où,
avec la naissance des universités, de plus en plus d'esprits s'attaquent à la compréhension des textes
par la raison. Il défend avec la même fougue la société féodale, la division du monde en trois ordres,
la théocratie pontificale. Pour lui, l'ordre établi est voulu par Dieu. Il suffit de corriger les vices des
hommes pour résoudre les problèmes de la société16.
La spiritualité de Bernard est fortement marquée par la pénitence. Il fait subir à son corps les plus
cruels traitements, mettant ainsi sa santé en danger. Son goût pour l'austérité s'accorde à merveille
avec le dépouillement des églises cisterciennes. À ce sujet, il évoque « la sobre ivresse (sobria
ebrietas) qui jaillit du dedans et opère des mutations et des métamorphoses, sans pour autant
nécessiter le point d'appui d'une imagerie extérieure »17. Il fulmine d'ailleurs contre les cloîtres
sculptés à chapiteaux historiés dans son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry (vers 1123-1125). Il
considère que les décorations richement ornées de figures monstrueuses et que les narrations
souvent profanes et coûteuses sont de nature à détourner l'esprit du moine de la méditation18.
Il est aussi porté par un amour fervent pour Dieu et pour la Vierge pour qui il a une dévotion
particulière17. Toutes les églises cisterciennes sont dédiées à la Vierge et Bernard cherche à
développer le culte marial dans tout l'Occident16. Il est parfois présenté sur des tableaux buvant le
lait de la Vierge (lactation de saint Bernard)19. Il prône une religion faite d'élan du cœur plus que
de comptabilité des actions bonnes ou mauvaises.
Un abbé engagé dans les affaires de son temps
Moine cistercien, Sainte Humbeline, sœur de Bernard et Jeanne de Boubais, abbesse de l'abbaye de
Flines, aux pieds de la Vierge à l'Enfant, triptyque du Cellier, tempera sur bois, Jehan Bellegambe,
v. 150920.
Bernard, pourtant si engagé dans son monastère, sillonne les routes d'Europe pour défendre l'Église
et porter témoignage de sa vision de Dieu. En 1129, il participe au concile de Troyes, convoqué par
le pape Honorius II et présidé par Matthieu d'Albano, légat du pape. Bernard est nommé secrétaire
du concile, mais en même temps il est contesté par une partie du clergé, qui pense que Bernard,
simple moine, se mêle de choses qui ne le regardent pas. Il finit par se disculper. C'est lors de ce
concile que Bernard fait reconnaître les statuts de la milice du Temple, les Templiers, dont il a
grandement influencé la rédaction. L'existence d'un ordre de moines appelés à manier l'épée et à
verser le sang était, selon Jean Flori, une « monstruosité doctrinale » que Bernard de Clairvaux
réussit à faire accepter par le concile. Ce qui officialisa l'intégration définitive, dans la doctrine de
l'église romaine, de la notion de guerre sainte21. En 1130, il adresse une lettre aux chevaliers du
Temple. Il explique que pour un chrétien il est plus difficile de donner la mort que de la recevoir. Il
fustige le « chevalier du siècle » qui engage des guerres. Il rappelle que le Templier est un
combattant discipliné sans orgueil et sans haine22.
Devenu une personnalité importante et écoutée dans la chrétienté, il intervient dans les affaires
publiques, il défend les droits de l'Église contre les princes temporels, et conseille les papes. Il
attache en effet, une grande vénération au trône de saint Pierre.
http://www.templiers.net/saint-bernard/
Bernard de Clairvaux : le maître spirituel
"Elevez-vous par l'humilité, telle est la voie ; il n'y en a pas d'autres" - Saint Bernard
Bernard naît en 1090 et est le fils d'un des seigneurs de Fontaines situé à
quelques kilomètres de Dijon. Il bénéficie d'une éducation complète en
étudiant les trois disciplines fondamentales : la grammaire, la rhétorique
(art de bien parler) et la dialectique (art de raisonner).
Attiré par la ferveur de ses moines, il rejoint le monastère de Cîteaux en
1112 accompagné de 30 compagnons dont 4 de ses frères et 2 de ses oncles
maternels.
Statue de Saint Bernard, église de Fontaine-lès-Dijon
Doté d'une intelligence, d'un dynamisme et d'une sensibilité
exceptionnelle, il assurera le véritable rayonnement à l'ordre : sa
force de conviction et sa notoriété attireront de nombreuses
vocations (par exemple, 60 postulants le suivront après son prêche
pour la 2ème croisade en 1147).
Il lui est confié à seulement 25 ans la charge de créer l'abbaye de
Clairvaux en 1115, 3ème abbaye fille de Cîteaux et qui deviendra
l'une des plus célèbres abbayes. En 38 ans d'abbatiat, il contribue à
la création de 68 abbayes filles de Clairvaux, et sa filiation
comptera 165 établissements !
Retable de Clairvaux, musée des Beaux-Arts de Dijon
Dénonciateur de l'ordre de Cluny : il n'aura de cesse de critiquer :
• les écarts faits à la règle de Saint Benoit : mets surabondants, coquetterie, habitudes et trains
de vie princiers,
• le cadre de certains monastères, leur décoration somptueuse, peintures ou sculptures
évoquant des messages bibliques, qui sont utiles au fidèle mais pas au moine.
Deux citations de Saint Bernard issue de son apologie à Guillaume :
• "O vanité des vanités, mais plus insensée encore que vaine : l'église resplendit sur
ses murailles et elle manque de tout dans ses pauvres".
• "Sans parler de l'immense élévation de vos oratoires, de leur longueur démesurée,
de leur largeur excessive, de leur décoration somptueuse et de leurs peintures
plaisantes dont l'effet est d'attirer sur elles l'attention des fidèles et de diminuer le
recueillement".
Un personnage de 1er plan dans la vie médiévale :
• il donnera aux templiers les fondements de leur règle, qui
concilie l'état monastique et militaire (cette règle sera
également reprise par de nombreuses milices),
• il tentera de purifier le clergé séculier, rappelant au besoin les
devoirs des évêques,
• lors du schisme de 1130 provoqué par l'élection de 2 Papes, il
pacifiera la situation en ralliant les rois, princes et évêques au
Pape Innocent II
1ère page de la règle du
Temple
A sa mort au milieu du XIIe, il laisse derrière lui plus de 160 moines à Clairvaux, l'ordre compte
près de 350 abbayes et la moitié des moines français sont cisterciens !
S'il n'est pas le fondateur de l'ordre de Cîteaux, il aura été sa plus grande gloire et son maître
spirituel. Il sera canonisé en 1174 par le pape Alexandre III.
http://jean-francois.mangin.pagesperso-orange.fr/capetiens/capetiens_cisterciens.htm