de l`acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en
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DE L'ACCEPTATION À LA RECONNAISSANCE DE LA PERSONNE HANDICAPÉE EN FRANCE : UN LONG ET DIFFICILE PROCESSUS D'INTÉGRATION Roy Compte ERES | Empan 2008/2 - n° 70 pages 115 à 122 ISSN 1152-3336 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-empan-2008-2-page-115.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES Compte Roy, « De l'acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en France : un long et difficile processus d'intégration », Empan, 2008/2 n° 70, p. 115-122. DOI : 10.3917/empa.070.0115 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 6/08/08 18:39 Page 115 Roy Compte Ainsi 42 % de la population française déclarent être affectés d’au moins une déficience, 21 % disent avoir au moins une incapacité et 9 % doivent recourir à une aide humaine régulière pour accomplir des actes de la vie quotidienne ou de participation à la vie sociale et culturelle. 6,6 % de la population française vivant en institution ou en domicile ordinaire souffrent de déficience mentale ou intellectuelle, 13,4 % souffrent d’une déficience motrice plus ou moins invalidante (du rhumatisme à la tétraplégie) et 11,4 % sont atteints d’une déficience sensorielle. Notons que 650 000 à 700 000 personnes handicapées sont accueillies dans des institutions spécialisées. LES PERSONNES HANDICAPÉES EN FRANCE, UNE POPULATION Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES TRÈS HÉTÉROGÈNE S’interroger sur la question du handicap et la situation des personnes handicapées en France c’est s’interroger sur une réalité complexe, difficile à cerner, tant la nature, l’origine, et le degré de la déficience, tout autant que l’environnement qui révèle le handicap, sont divers. Cependant, l’enquête HID (handicaps, incapacité, dépendance), première enquête d’envergure sur le handicap, menée par l’INSEE 1 nous permet de donner une estimation du nombre de personnes vivant en domicile ordinaire ou en institution, touchées par les différents types de handicaps. Cette enquête repose sur les déclarations des personnes enquêtées sur leur état de santé. Ces chiffres montrent que le phénomène handicap, par son importance, sa complexité, sa diversité et par la réalité sociale qu’il recouvre, est d’un point de Roy Compte, docteur en sociologie, chercheur associé au laboratoire RELACS, université du Littoral, côte d’Opale, BP 5528, 59140 Dunkerque. [email protected] 1. Enquête de population menée par l’INSEE de 1998 à 2000 pour la population résidant dans les institutions sociales et médico-sociales et de 1999 à 2001 pour la population résidant à domicile. Voir P. Mormiche et le groupe de projet HID, Le handicap se conjugue au pluriel, INSEE Première, n° 742, octobre 2000. 115 Actualités du secteur De l’acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en France : un long et difficile processus d’intégration Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 EMPAN N° Page 116 70 vue sociologique un phénomène social total. Le handicap, réalité sociale objective par ce qu’il représente comme poids économique et social 2 est investi de sens par les acteurs sociaux c’est-à-dire par ceux qui sont confrontés idéologiquement, physiquement, affectivement, intellectuellement, économiquement, politiquement avec la réalité du handicap. Et c’est l’investissement de sens qui construit cette réalité et qui lui donne forme, existence, cadre, norme, figure sans toutefois lui donner une transparence idéologique 3. dienne…) les personnes, entre 3 et 15 % de la population française de 17-59 ans, se déclarent plus ou moins « handicapées 6 ». Le handicap apparaît donc comme une question tout autant subjective, ressentie et vécue par les individus concernés que relevant d’un problème de société dans ce que celle-ci peut faire pour rendre accessible, viable, l’environnement physique et humain. La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF 7) marque bien cette orientation nouvelle de la pensée sur le handicap en intégrant dans l’apparition, la réduction ou l’aggravation des handicaps, les facteurs contextuels et environnementaux. DE LA NÉCESSITÉ DE PRÉCISER LA NOTION DE HANDICAP Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES Handicap, handicapé, des mots qui recouvrent des réalités bien différentes dont le trisomique et le paraplégique, tous deux figures emblématiques de handicaps caractérisés, mental ou physique, ne peuvent pour autant en donner la mesure. Malgré la loi du 11 février 2005 pour l’égalité de droit et des chances de la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui pour la première fois donne une définition du handicap 4, les handicapés constituent, comme le notait Claude Veil, un groupe social aux contours imprécis 5. L’enquête HID montre bien que selon les critères retenus (santé, travail, loisirs, vie quoti- Le vocable handicap, handicapé, a été employé pour la première fois dans un texte de loi concernant l’emploi des travailleurs handicapés en 1957 8. Ce recours d’un vocable jugé moins discriminatoire après d’autres dénominations comme infirme, inadapté, incapable, invalide va être officialisé et entrer dans le langage courant avec la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. En changeant de vocabulaire et en adoptant les termes handicap/handicapé, la société a cherché d’une part à supprimer les connotations négatives et stigmatisantes des 2. En 2001, les prestations sociales versées au titre du handicap, de l’invalidité et des accidents de travail se sont élevées à 25,6 milliards d’euros, soit 6,1 % de l’ensemble des dépenses de prestations de protection sociale. Voir le compte social du handicap de 1995 à 2001, dans Le handicap en chiffres, Paris, CTNERHI, février 2004. 3. Roy Compte, La figure du handicap, analyse d’une construction sociale et politique, thèse de doctorat, Montpellier III, 1999. 4. Article 2, « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison de son altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble invalidant ». 5. C. Veil, Handicap et société, Paris, Flammarion, 1968, p. 130. 6. A. Fronteau, P. Le Quéau, « Le handicap : du problème personnel à la reconnaissance sociale », Credoc consommation et mode de vie, n° 163, avril 2003. 7. Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, OMS, http://www.who.int/icidh 8. Cf. Loi n° 57-1223 du 23 novembre 1957, article 13. 116 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 Page 117 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES termes utilisés jusqu’alors pour désigner les personnes différentes et en difficultés, d’autre part à ancrer le handicap dans le social comme notion éminemment sociale. Le choix d’un tel vocable marque aussi la volonté de notre société d’utiliser un nouveau mode de gestion de l’altérité. handicap et normaliser son image, le structure à son corps défendant autour de l’anormalité et de la marginalité. Aussi, on peut penser que le champ du handicap se constitue autant dans l’oscillation permanente entre médical et social que dans la représentation du normal et du pathologique. La notion de handicap se trouve ainsi imbriquée dans le champ de la santé par sa dimension individuelle et dans le champ législatif par sa dimension sociale car c’est la loi qui définit qui est handicapé ou qui ne l’est pas. C’est au travers la commission des Droits et de l’autonomie des personnes handicapées 9, instance de désignation seule compétente pour apprécier le taux d’incapacité de la personne handicapée, attribuer la prestation de compensation, reconnaître la qualité de travailleur handicapé, se prononcer sur les mesures de compensation facilitant l’insertion scolaire… que la personne handicapée accède au statut d’ayant droit tel que le stipule la loi du 11 février 2005 (art. 2) : droit à la solidarité nationale qui lui garantit l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. De ce point de vue, notre manière de penser le handicap se construit certes, autour des organisations, des institutions qui sont autant de déterminants sociaux qui génèrent des modèles de pensée mais aussi dans les rapports complexes qui peuvent se nouer entre sujet handicapé et non handicapé. Face aux situations de handicap et d’inadaptation (physiques, mentales, sociales) et des réponses apportées par les politiques sociales, le rapport au handicap évolue dans le cadre d’une réalité objectivée, concrète, observable à laquelle se juxtapose une interface imaginaire et symbolique 10. Ici, les représentations sociales du handicap ont une place primordiale dans la construction de la figure du handicap. LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU HANDICAP AU CENTRE DU PROCESSUS D’ACCEPTATION DU SUJET HANDICAPÉ Le terme de handicap, handicapé, est utilisé aussi bien et indifféremment dans le champ médical pour désigner les personnes souffrant de déficiences et/ou d’incapacités, celles-ci désignant le handicap, que dans le champ social pour spécifier le niveau de contrainte, de difficulté ou de désavantage. Ainsi, si la prise en charge socio-économique essaie de gommer, dans un modèle social du handicap, la singularité du sujet, celui-ci se trouve au centre d’enjeux de « pouvoir » (médical, politique, économique,…) qui, au lieu de banaliser le Les représentations sociales sont au centre de cette construction de la réalité sociale du handicap en étant la traduction de relations complexes, réelles et imaginaires, objectives et symboliques à l’égard du handicap. Ainsi le statut de la personne en situation de handicap a les plus grandes difficultés à se démarquer du statut du corps handicapé. D’une pathologisation extrême à une stigmatisation sournoise, le corps handicapé n’échappe pas au cadre normatif dominant 9. Cf. Loi n° 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Article 66. 10. Ali Sami, L’espace imaginaire, Paris Gallimard, 1974. 117 Actualités du secteur De l’acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 EMPAN N° Page 118 70 d’un corps esthétique, productif et rentable et le problème que pose toute réflexion sur le handicap est celui de l’écart à la norme, à la normalité. la réalité. La personne handicapée physique appelle à la compassion mais rassure. Sa souffrance, son état sont compréhensibles par la raison. Ils ont un sens. S’interroger sur le handicap, c’est s’interroger sur l’apparence, sur l’intégrité et la conformité de l’être. C’est poser la question de la différence et de son acceptation qu’Albert Jacquard 11 nous demande de reconnaître comme une richesse mais qui, dans notre société, marginalise ou exclut. Toute différence physique, psychologique, mentale, intellectuelle de l’ordre du hors norme n’est pas admise comme expression particulière de l’essence de l’homme mais comme expression anormale de celle-ci. Pour comprendre le système de représentation du handicap et de la personne handicapée, il ne faut pas y voir simplement l’expression d’une singularité, mais en reconnaître la dimension symbolique qui surligne le handicap comme figures troubles, inquiétantes, fantasmatiques dans l’organisation sociale, remettant en cause l’état de cohésion interne à laquelle aspire toute société. La figure du handicap comme figure de l’étranger Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES Les représentations sociales de la personne handicapée viennent s’inscrire dans un univers symbolique où la place du malade mental, du handicapé mental ou du handicapé physique est différente et caractéristique 12. Si les personnes handicapées physiques apparaissent comme la représentation iconique du handicap recentrant tous les discours du champ, il reste comme insensible à toute approche, ancré dans l’imaginaire, la représentation inquiétante du handicapé mental, du malade mental, confondus dans une même globalité sémantique. De ce point de vue, la figure du handicap est figure de l’étranger car elle renvoie à cet autre, à la fois si différent et si semblable à soi, inconnu menaçant, « inquiétante étrangeté 13 », difficile à intérioriser. La réduction au même souhaitée par les personnes handicapées et les associations représentatives du handicap en voulant que la personne handicapée soit « comme les autres » est l’expression inconsciente d’une volonté de réduire toute altérité. Impossible quête, surtout quand l’autre éveille en nous l’insupportable, le caché, l’ignoré, le refoulé et nous confronte à notre fantasme d’une unité intérieure. La nature de la déficience, motrice, mentale ou psychique, n’est pas étrangère à l’acceptation du sujet handicapé dans une société de valides, qui vit et qui pense sur ce modèle. Le malade mental, et par extension le handicapé mental, font peur d’autant plus s’ils portent sur eux les stigmates de leur « folie ». D’une certaine façon, ils sont l’incarnation de la déraison et leur déficience met le sujet hors de l’ordre symbolique de L’expérience de l’altérité à laquelle nous soumet la vision du handicap constitue donc une rupture dans la croyance du même, rupture conflictuelle et douloureuse que cherchent à atténuer la négation de l’étranger et le refus de voir ce qu’il y a de l’autre en soi. Il y a, dans cette attitude, un réflexe protecteur, face à la régression, l’al- 11. A. Jacquard, Éloge de la différence, Paris, Le Seuil, 1978. 12. A. Giami, La figure fondamentale du handicap, représentations et figures fantasmatiques, rapport de la convention de recherche entre Mire et le Geral, 1988. 13. S. Freud, L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985. 118 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 Page 119 tération, la déchirure de l’image de soi que nous impose la personne handicapée. les certitudes d’une vision normée sur les individus. Ainsi, toute réflexion sur le handicap s’inscrit dans une problématique du regard. Regard construit à travers le prisme des représentations d’une réalité qui mêle, articule, entrechoque ses trois dimensions : le réel, l’imaginaire et le symbolique. La figure du handicap est aussi figure de l’étranger à la fois comme autre stigmatisé et « autre culturel 14 » car le handicap peut être perçu avec son langage propre, son organisation sociale particulière, ses modes d’interactions, comme autre culture par rapport à la culture dominante des valides. Actualités du secteur De l’acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en France L’image de l’autre handicapé se construit à travers un regard trop souvent biaisé par les préjugés et les stéréotypes divers. La manière dont nous percevons autrui tel qu’il est mais plus encore tel que nous nous le représentons, nous conduit à penser et à agir en fonction de cette représentation. Il s’agit alors, pour répondre à la formule incantatoire, de « changer le regard », de voir dans l’autre, non plus l’autiste, le trisomique, le handicapé mais la personne. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES Voir le handicap comme l’expression d’une autre culture, c’est rejoindre l’idée d’une différence culturelle exprimée par René Kaës 15 dont il résulte, pour ceux qui y sont confrontés, deux sortes de conjonctures : soit un effort pour mieux connaître l’autre culture, en emprunter les valeurs dans un phénomène d’acculturation (immigrés, exilés) soit, au contraire, un refus de reconnaître l’autre comme identique à soi, répondant à un phénomène de distanciation entre soi et l’autre, refusant le risque d’être envahi, contaminé, assimilé. Ainsi, l’autre culturel, hors de système de représentation partagée ou partageable par un groupe social ou un ensemble humain est l’étranger, un monstre, un sous-homme, un sauvage… figuration de l’inquiétant, de l’inconnu et de l’imprévisible. C’est la seule façon possible, la seule posture éthique qui institue le sujet, lui donne consistance et fait accéder chacun à une égale dignité. Si Kant nous affirme que tous les hommes sont dignes et que cette dignité est intrinsèque et inaliénable à la personne humaine, cette dignité a besoin du regard d’autrui pour advenir à la reconnaissance, alors, la personne sera traitée, selon la formule kantienne, comme « une fin et jamais simplement comme un moyen 16 ». C’est le sens de l’article 4 de la loi du 2 janvier 2002 qui garantit à la personne handicapée l’exercice des droits et des libertés individuels, le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité 17. CHANGER LE REGARD SUR LE HANDICAP ET SUR LA PERSONNE HANDICAPÉE Le regard porté sur l’anormalité humaine est la projection d’une vision de la société, car c’est bien en fonction des normes sociales que l’individu apparaît conforme ou non conforme, normal ou anormal. Le handicap est toujours le signe patent d’un semblable qui est différent, en cela il détruit Le regard porté sur le handicap et sur la personne handicapée est au fondement des 14. R. Shusterman, « Identité, multiculturalisme et l’autre en moi », dans Prétentaine, n° 9-10, Montpellier, avril 1998, p. 199 à 205. 15. R. Kaës, « Différence culturelle, souffrance de la langue et travail du préconscient dans deux dispositifs de groupe », dans Différence culturelle et souffrances de l’identité, ouvrage collectif, Paris, Dunod, 1998, p. 45 à 87. 16. E. Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, Paris, Delegrave, 1957. 17. Loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. 119 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 EMPAN N° Page 120 70 représentations sur le sujet. Son importance est cruciale car le rapport entre la personne handicapée et son environnement est largement conditionné, altéré par les représentations du handicap et de celui qui en souffre. Les stigmates, c’est-à-dire « l’attribut qui jette un discrédit profond 18 », dont sont porteuses les personnes handicapées, les placent dans une position inégalitaire permanente qui se traduit non seulement par le « regard implacable car normatif et exclusif 19 » dont ils sont l’objet, mais aussi par une dépendance plus ou moins importante à l’égard des actes et relations de la vie quotidienne. La question de l’intégration est alors émergente. tion voire d’exclusion, aussi bien matérielles que psychosociales à l’égard des personnes en situation de handicap, qu’une politique d’intégration doit s’exercer. Pour le haut conseil de l’intégration, il faut penser « l’intégration non comme une voie moyenne entre l’assimilation et l’insertion, mais comme une sorte de processus spécifique 22 ». L’emploi parfois indifférencié de termes tels que assimilation, insertion, intégration, inclusion utilisés pour des populations en butte à des formes de marginalisation ou d’exclusions diverses mérite que nous les définissions au regard du champ du handicap. Le terme assimilation, comme nous l’indique le dictionnaire Le Robert, signifie à la fois l’action de rendre semblable mais aussi l’acte de l’esprit qui considère comme semblable ce qui est distinct. Le processus d’assimilation serait donc un processus initié unilatéralement pour résorber, gommer toutes différences et conduire à l’unité. LA QUESTION RÉCURRENTE DE L’INTÉGRATION DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP DANS NOTRE SOCIÉTÉ Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES La problématique de l’intégration reste toujours posée de manière récurrente quand les politiques sociales, dans un souci égalitaire, renvoient à la logique de la compensation 20. La compensation plutôt que l’assistance, comme l’expression d’un droit d’équité. Certes, aujourd’hui il s’agit d’un droit nouveau inscrit dans la loi 21. Droit qui reconnaît les conséquences sociales du handicap et la nécessaire solidarité nationale « pour garantir les conditions d’une vie autonome et digne » mais qui, in fine, renforce le statut particulier de ce public et réactive l’idée que c’est bien parce qu’il y a des pratiques de discrimination, de ségréga- La notion d’insertion, « action de mettre dans », marque une incorporation de fait sans qu’il y ait pour autant une modification ou une transformation de l’ensemble du fait de l’insertion d’un élément. L’inclusion, « action d’inclure, mettre dans » vient, sous l’influence anglosaxonne, supplanter ici ou là la notion d’intégration sans pour autant en apporter un éclairage nouveau. 18. E. Goffman, Stigmates. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Édition de minuit, 1975. 19. Nuss, « Un autre regard », dans Une nouvelle approche de la différence, comment repenser le handicap, Éd. Médecine de Genève, 2001. 20. En 1995, lors de leur 36e congrès l’Association des Paralysés de France (AFP) ne veut plus s’inscrire dans une logique d’assistance et être assimilée à l’ensemble des catégories d’assistés. Elle revendique des moyens nécessaires pour compenser leur différence et pour choisir leur mode de vie. 21. Loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, article. 22. Cf. Pour un modèle français d’intégration, rapport au Premier ministre, Haut Conseil à l’immigration, Paris, la Documentation française, 1991. 120 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 Page 121 l’intégration à quatre niveaux qui sont autant d’étapes permettant de juger de la dimension de l’action intégrative entreprise. La notion d’intégration, « faire entrer dans un ensemble en tant que partie intégrante » pose l’idée d’une incorporation, d’une dynamique interactive, d’une compréhension au sens de « prendre avec ». Appliquée aux groupes sociaux, l’intégration établit donc une relation d’interdépendance qui modifie en profondeur les différents éléments de la relation pour en donner un contenu nouveau, original. La notion d’intégration est floue. Elle prend sens dans les interactions sujetsociété et dans des contextes bien définis. La réussite ou l’échec de l’intégration pour les personnes handicapées se jouent au travers d’échanges d’histoires individuelles tout autant que dans son rapport à l’environnement culturel, social, économique ou politique. L’accompagnement prenant une place prépondérante dans le processus intégratif. L’intégration est donc un processus d’ajustements réciproques des rapports sociaux qui implique autant des acteurs que des structures, une dynamique de transformation. Transformation parfois difficile amenant à un conflit de représentations car comme on ne saurait décréter l’intégration, celle-ci ne s’impose pas d’elle-même. Actualités du secteur De l’acceptation à la reconnaissance de la personne handicapée en France L’EXEMPLE DE L’INTÉGRATION SCOLAIRE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES L’accent mis par la loi du 11 février 2005 24, après la loi fondatrice de 1975 et une pléthore de circulaires, sur la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et des jeunes en situation de handicap soulignent les objectifs d’intégration poursuivis à leur encontre depuis plus de trente ans. Ce qui montre que les textes de loi, les dispositifs et les politiques mises en place ont les plus grandes difficultés à lever les freins et les blocages autant matériels que psychologiques ou sociologiques. À propos de l’intégration des personnes en situation de handicap, il semble difficile d’en donner la pertinence et la réalité en référence à une définition générale. Il est alors nécessaire d’avoir une grille de lecture concernant cette intégration en rapport avec le handicap de la personne et la situation dans laquelle elle se trouve. De l’intégration physique qui consiste en une coprésence réduisant la distance qui sépare physiquement la personne handicapée de celle qui ne l’est pas, à l’intégration sociétale où chacun a la même possibilité d’accès aux ressources sociales disponibles, des chances égales d’agir sur les conditions d’existence et de faire partie d’une communauté sociale. Martin Söder 23 nous propose une grille de lecture et d’interprétation de Cependant, au regard des derniers chiffres statistiques 25, on constate aujourd’hui une évolution significative de la scolarisation de ces publics. 67 % (151 500) de l’ensemble des élèves handicapés 26 en 2006 contre 52 % en 1999 ont été scolarisés dans 23. M. Söder, « Les chemins de la participation », dans Le courrier de l’UNESCO, juin 1981. Les quatre niveaux d’intégration concernant les personnes handicapées définis par Martin Söder, sociologue suédois, sont : l’intégration physique, l’intégration fonctionnelle, l’intégration sociale, l’intégration sociétale. 24. « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école, le collège ou le lycée le plus proche de son domicile qui constitue son établissement de référence », loi du 11 février 2005, art. 19. 25. Cf. DRESS, Études et résultats, n° 564 mars 2007. 26. Des élèves scolarisés dans une structure de l’éducation nationale ou dans un établissement médico-éducatif ou hospitalier. 121 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70 6/08/08 18:39 EMPAN N° Page 122 70 laisser croire qu’à le porter, il ait pu devenir différent de nous ; en même temps, on exige qu’il se tienne à une distance telle que nous puissions entretenir sans peine l’image que nous nous faisons de lui. En d’autres termes, on lui conseille de s’accepter et de nous accepter, en remerciement naturel d’une tolérance première que nous ne lui avons jamais totalement accordée. Ainsi une acceptation fantôme est à la base d’une normalité fantôme 29. » une structure de l’éducation nationale. Notons que la scolarisation dans un établissement de l’éducation nationale peut prendre deux formes : une scolarisation individuelle dans une classe ordinaire ou dans une classe adaptée 27, une scolarisation dite « collective » dans des classes spécifiques pour accueillir avec un enseignement différencié, les élèves en situation de handicap. 104 824 élèves ont été ainsi scolarisés en milieu ordinaire, dont 64 994 scolarisés individuellement. Dans l’acceptation et la reconnaissance, seules à même de favoriser un processus d’intégration de la personne en situation de handicap dans notre société, le non-dit est omniprésent. La résurgence d’un « effroi archaïque » marque les comportements et les attitudes ambivalentes à l’égard de ceux qui sont porteurs d’une différence radicale. Les interactions qui en découlent sont marquées inconsciemment par ces représentations que l’exigence sociale de la relation atténue sans leur enlever leur force évocatrice. Aujourd’hui les réponses institutionnelles tendent à uniformiser les opinions, à banaliser, à normaliser ce qui constitue une perpétuelle provocation à l’harmonie d’un système visant à la cohésion sociale. Ainsi, la figure du handicap remet en question un imaginaire collectif qui se voudrait sans fracture et dénie, en définitive, toute tentative de reconnaissance et d’intégration qui reposerait sur le seul principe de solidarité. En 2006, 119 700 élèves étaient accueillis dans les 2 100 établissements spécialisés. 13 345 en établissements hospitaliers, 104 378 en établissements médico-éducatifs. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES Ces chiffres, significatifs, montrent que l’intégration scolaire (terme non repris dans la loi de 2005) comme prérequis à l’intégration sociale, comme le définissaient déjà les circulaires du 22 avril 1976, et du 29 janvier 1982 28, peut jouer aujourd’hui son rôle et participer à l’acceptation et à la reconnaissance des personnes en situation de handicap dès le plus jeune âge. Il reste encore 20 000 enfants et adolescents, soumis à l’obligation scolaire, non scolarisés. CONCLUSION « On demande à l’individu stigmatisé de nier le poids de son fardeau et de ne jamais 27. Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) mises en place dans 1 500 établissements d’enseignement du second degré, établissements régionaux d’enseignement adapté 6 300 élèves en 2006 (EREA), 80 établissements existants, 1 500 élèves en 2006. 28. Circulaire du 22 avril 1976 relative aux commissions d’éducation spéciale, circulaire du 29 janvier 1982 pour la mise en œuvre d’une politique d’intégration en faveur des enfants et adolescents handicapés. 29. E. Goffman, op. cit., p. 145. 122 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.233.93.82 - 30/01/2014 19h46. © ERES 00 EMPAN N° 70