Matériaux, procédés et fabrication : évolution ou révolution

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Matériaux, procédés et fabrication : évolution ou révolution
Mi-parcours du Predit 4 : le Carrefour de la recherche et de l'innovation dans les transports terrestres
Matériaux, procédés et fabrication : évolution ou
révolution?
Bertrand HAUET (Renault)
Frédéric Getton (PSA)
Jean-Louis DUVAL (ESI GROUP)
Jean-Marc VEILLE (Cooper Standard)
Gilles ROBERT (RHODIA)
L’atelier est animé par Sergio CAPITAO (Pôle IDforCAR)
.I
Introduction
Sergio CAPITAO rappelle l’importance de l’axe « process/fabrication » du Programme de
travail du GO 5, défini autour de trois grands thèmes :
•
matériaux et procédés ;
•
ingénierie et optimisation ;
•
organisation industrielle.
Le nombre des projets est en augmentation. Le lien avec l’axe « Outils, conception,
simulation » est évident. Six à dix technologies clés 2015 sont directement liées au sujet.
Le lien conception produits / process s’est développé.
.II
Présentations
.1 Contexte et enjeux d’aujourd’hui et de demain – Bertrand HAUET (Renault), Frédéric GETTON (PSA)
Dans le secteur automobile, toutes les filières doivent être fortes pour soutenir la
croissance. La filière des matériaux est donc centrale et amène les constructeurs et
l’ensemble de la filière à travailler ensemble. La crise doit être considérée comme une
opportunité pour s’emparer de nouveaux matériaux, en vue d’alléger les véhicules.
Il est demandé à la filière une mobilité à la fois éco-responsable et frugale en énergie. La
disparité de consommation d’énergie restera importante selon les aires géographiques,
même si les pays les plus consommateurs diminuent leur consommation. La mobilité,
longtemps restée centrée sur les produits pétroliers, se diversifie fortement, avec la
montée en puissance de l’électricité. L’ensemble des technologies qui font appel à cette
diversité vont cohabiter : l’évolution dépendra du ratio prestation/prix.
En termes de contexte, il faut s’attendre à une diminution des émissions de CO² à partir de
2020. Compte tenu de l’évolution de la réglementation, des progrès sont également
attendus : sur les moteurs diesel ; sur les moteurs à essence ; sur l’hybridation (avec un
ratio plus fort entre la puissance et l’autonomie embarquée, et entre la partie thermique et
la partie électrique) ; sur les véhicules électriques ; sur l’allégement SCx.
Le renchérissement des fonctionnalités du véhicule a été compensé par un renforcement
de la masse. Les activités qui s’intéressent à l’allégement se déploient sur tous les
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véhicules. La voiture de demain utilisera des matériaux verts et diminuera son émission de
CO².
Au plan des matériaux, les tendances vont aux aciers haute et très haute résistances ; aux
alliages aluminium ; au magnésium ; aux matrices composites polymères.
L’automobile fait partie des domaines les plus réglementés en termes de recyclage. L’écoconstruction contribue à la réutilisation des matériaux soient réutilisables, en s’appuyant
sur des fibres naturelles et des biomatériaux. Cela a des impacts sur les orientations
produits et la chaîne de production, concernant notamment l’allégement de la caisse et le
GMP.
Les principaux verrous à l’ensemble de cette chaîne concernent les matériaux & process,
avec des enjeux qui concernent :
•
le potentiel de production – l’évolution des usines semble indispensable pour satisfaire les contraintes de volumes de production et de coûts automobiles dans les dix
prochaines années ;
•
la disponibilité et l’évolution des prix ;
•
la question des changements de l’activité de la réparation ;
•
la mise en place d’une filière complète de la fabrication de matériaux à la fin de vie.
En termes d’impacts environnementaux, il est nécessaire de réaliser des analyses de
cycle de vie favorables. Le potentiel des nouveaux matériaux vise à satisfaire un haut
niveau de « recyclabilité ». La question de l’équilibre global des émissions de CO² est
centrale.
.2 Allégement des structures et process de fabrication – Jean-Louis DUVAL (ESI
GROUP)
ESI est expert dans le domaine de la physique des matériaux depuis les années 1970.
Dans la dynamique des enjeux de développement durable, ESI réduit le nombre de
prototypes physiques utilisés. Il semble désormais impossible de conserver une méthode
de conception dans laquelle bureau d’études et usine soient séparés. Auparavant, la
phase de conception incluait le dimensionnement tandis qu’une seconde étape
s’intéressait à la fabrication. En raison des problématiques d’allégement et de nouveaux
matériaux, ce modèle ne fonctionne plus et ne permet pas de réduire les marges. En
conséquence, un modèle de conception produits/process s’impose, dans lequel le produit
doit répondre aux critères de dimensionnement et de faisabilité. Il est donc nécessaire de
concevoir une chaîne complète de prototypage virtuel.
Dans le cas d’un développement d’un siège, le changement de fabrication impacte
également la nature des tissus utilisés et la partie assemblage, car le but est de parvenir à
une performance en matière de confort postural. L’interaction produits/process permet de
réduire le poids du produit tout en gardant une performance. La simulation permet
d’explorer d’autres champs, d’améliorer la performance du produit et d’innover.
Conception du dimensionnement et conception du process ne sont plus différentiées : ESI
propose un prototype virtuel intégral.
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.3 Les biomatériaux – Jean-Marc VEILLE, Cooper Standard
Le groupe américain Cooper Standard développe deux métiers en Bretagne : les
systèmes anti-vibratoire et l’étanchéité. Il fabrique par exemple des coulisses, étanches à
l’eau, à la poussière et aux bruits pour l’habitable. Le métier d’origine du groupe est le
caoutchouc. Or ce matériau est coûteux en énergie, avec des déchets importants non
recyclés qui sont brûlés en cimenterie. Peu à peu, le thermoplastique a été introduit : d’un
poids plus léger, il utilise moins d’énergie et ses déchets sont recyclables.
Le secteur automobile (Toyota, Ford, PSA, Mercedes) développe un intérêt croissant pour
les polymères en fibres végétales. Cooper Standard se positionne sur ces marchés en
visant plusieurs objectifs :
•
réduire la part de pétrole du produit, qui s’élève à 70 % ;
•
se différencier en proposant aux clients une offre actuellement inexistante en matière d’étanchéité ;
•
améliorer la fonctionnalité des produits, en termes de stabilité dimensionnelle ;
•
obtenir une réduction du poids.
La réflexion sur les fibres naturelles, initiée fin 2006, a abouti au projet collaboratif
CELASTOFIB : il s’agit de concevoir une nouvelle gamme d’élastomères souples incluant
des fibres naturelles, dans un budget de 1,8 million d’euros.
Deux gammes de matériaux sont utilisées : premièrement un mélange de thermoplastique
compact et de fibres végétales ; deuxièmement du thermoplastique cellulaire et des fibres
végétales.
Le but est de démontrer la possibilité d’utiliser la fibre de lin oléagineux. La formulation est
validée, des essais sur pilote laboratoires, des travaux sur l’interface ont été réalisés,
permettant de découvrir des propriétés inédites en matière d’acoustique. On peut
distinguer trois grandes filières : le chanvre, le lin fibre et le lin oléagineux.
La mise en œuvre de ce projet réunit cinq acteurs, associant les procédés industriels
suivants :
•
la culture génétique agronomique ;
•
le défibrage mécanique ;
•
le compoundage thermique, associant mécanique et rhéologie : assembler plastique et fibres naturelles n’est pas simple sur le plan technique ;
•
l’extrusion injection thermique associant également mécanique et rhéologie ;
•
l’assemblage.
Le projet global en agriculture est valorisé par la nutrition humaine et animale. Les pailles
sont défibrées. Le pétrole et le talc sont mélangés aux fibres. Trois grandes périodes
peuvent être circonscrites : le caoutchouc (1970-2020) ; le thermoplastique (1990-2030) ;
l’association thermoplastique et fibres naturelles (2010-2040) ; l’utilisation de 100 % de
ressources renouvelables (2020-2050).
Sergio CAPITAO souligne la dualité entre la recherche collaborative et la question de la
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maturité de la chaîne de valeur : comment passer de la recherche à l’industrie ? De plus,
la valorisation de la paille permet d’utiliser les déchets ce qui répond aux exigences du
secteur en matière de valorisation et de recyclage.
.4 Les thermoplastiques fibrés à applications structurelles – Gilles ROBERT, Rhodia
Rhodia, producteur essentiel du thermoplastique en France, développe deux approches
pour la conception, grâce aux calculs des process :
•
un procédé standard de simulation de la mise en forme et de la structure découplées ;
•
une approche intégrative qui permet de prendre en compte les complexités du comportement du matériau.
Il s’agit de parer les inconvénients de la méthode standard : le calcul de process est
découplé du calcul d’éléments finis. Les matériaux répondent en effet différemment. Le but
était d’être le plus prédictif possible quels que soient le chargement, la température et la
vitesse en prenant en compte l’orientation des fibres, l’homogénéisation, les lois de
comportement de la matrice et l’identification des paramètres du comportement de la
matrice.
Rhodia est le seul acteur capable en matière d’orientation des fibres de verre. De
nombreuses bases de données expérimentales ont ainsi été créées. Le projet DAMOFIP
présente des succès techniques importants et notamment une représentation quasi
parfaite du matériau grâce à la technologie développée, à condition de faire les bons choix
en matière :
•
de caractéristiques techniques ;
•
de mesures de l’orientation des fibres ;
•
au moment de l’homogénéisation.
Les marges d’erreur ont été divisées par dix sur ce type de matériaux. Tous les
engagements ont été tenus dans les délais impartis. La technologie « MMI confident
design » génère des conséquences économiques positives pour Rhodia. Une base de
données est mise à disposition des clients. Les perspectives techniques sont également
nombreuses notamment en matière de connexion des pièces plastiques.
Le projet DAMOFIP vise la simulation prédictive de pièces polyamide renforcées de fibres
sollicitées en fatigue. Le projet participe au 12ème appel du FUI. Rassemblant tous les
acteurs de la chaîne de valeur, il s’inscrit dans la logique du véhicule allégé. Les percées
techniques peuvent donner un avantage concurrentiel à la filière.
Un consortium a été bâti pour les constructeurs automobiles ou aéronautiques, les
équipements, les producteurs de machines outillages et outil ainsi que pour les
producteurs de matériaux. Plusieurs partenaires universitaires de qualité sont associés.
Misant sur l’importance de la simulation, Rhodia souhaite être présent sur les applications
embryonnaires. Une usine de 50 000 tonnes de PA à transformer en Europe, un effectif de
150 personnes pour Rhodia et 1 000 personnes chez les clients sont en jeu. Cette
nouvelle technologie se révèle à la fois commerciale, ouverte et modulaire.
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.III
Débat
Sergio CAPITAO souligne la nécessité du continuum entre les projets, avec une évolution
et une stratégie long terme. Leur évolution requiert la bonne utilisation des matériaux – qui
ne sont pas spécialement de nouveaux matériaux.
Un intervenant, équipementier électronique, retient deux facteurs clés pour les objectifs
liés en matière de consommation énergétique et pollution. Tout d’abord, l’allégement est
un levier stratégique à savoir utiliser. Ainsi, les convergences aéronautiques et
automobiles portent des objectifs d’allégement de la structure depuis longtemps. Ensuite,
trois IRT sur les six sélectionnés sont concernés. L’IRT Jules Verne présente des contenus
coordonnés à celui d’AES. A la fois très ancien et d’actualité, ce champ reste à explorer.
L’électronique est un vecteur important de l’innovation, pour aboutir à la satisfaction
d’objectifs d’allégement. Un système électronique embarqué permet de contrôler et
demeure en lien avec l’humain.
Bertrand HAUET souligne l’utilité du rapprochement entre automobile et aéronautique. Au
sein de Jules Verne, l’objectif est de bénéficier des synergies, en n’oubliant pas que les
cahiers des charges sont différents dans les deux secteurs.
De plus, pourquoi ne pas imaginer des matériaux intelligents ? Les multi-matériaux offrent
des possibilités intéressantes.
L’importance de la modélisation numérique a été soulignée. Pourquoi ne pas avoir
abandonné les anciens matériaux ? La modélisation en crash, par une simulation multi
critères, permet de gagner plusieurs dizaines de kilos sur 150.
Enfin, le background concernant l’acier reste important. Il n’est pas possible de reculer sur
la compétitivité sans amener un package complet. D’où la nécessité de s’ouvrir ; les IRT,
de ce point de vue, constituent une opportunité formidable.
Un intervenant de l’ADEME note que les métiers d’expertise ont été évoqués, mais estime
que la synthèse de l’automobile représente un autre cœur de métier. A l’image du
réaménagement des Airbus A320, le potentiel d’allégement doit être envisagé par rapport
à l’adéquation à l’usage, en reconsidérant certaines prestations. La TWIZZY de Renault
s’inscrit dans cette voie. Y a-t-il d’autres projets du même type ?
Bertrand HAUET confirme qu’il s’agit de retirer ce qui est inutile pour aboutir à un
compromis entre prestation et allégement : les constructeurs gèrent les tendances et
attentes des clients. Dans certains véhicules, il faudra garder une grande offre d’options
pour la satisfaction de la clientèle haute gamme. Condamné à gérer la diversité, Renault
identifie les critères d’achat. Il faut des réponses à toutes les solutions ainsi qu’une grande
réactivité au marché. Qui aurait prévu une prise de conscience aussi brutale sur l’énergie
et le respect de l’environnement ?
Un intervenant, de l’ADEME, indique que le modèle de l’automobile « couteau suisse »
n’est pas toujours optimal. En France, l’importance de la notion de crash test diminue,
comme le confirme l’envolée des achats de scooter. Il restera une frange de clientèle
premium. La clientèle classique se reporte sur des véhicules dont les contenus prestations
ne sont pas ceux d’il y a vingt ans.
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Bertrand HAUET remarque que la course à l’enrichissement des équipements se stabilise.
Les industriels peuvent contribuer à éduquer la clientèle grâce aux incitations fiscales,
mais construire un véhicule au prix modique, sans énergie, présentant toutes les
connectivités possibles, reste infaisable.11h
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