votez sport », ou le grand oral du cnosf

Transcription

votez sport », ou le grand oral du cnosf
PRÉSIDENTIELLE 2007
Les politiques
dans l’arène sportive
Si en 2002 le sport avait constitué un enjeu d’image pour
les candidats à l’élection présidentielle, il est devenu en 2007
un vrai thème de campagne. Avec une confrontation des programmes
orchestrée par le Comité national olympique et sportif français.
le débat national ». Début janvier, ce fut
enfin au tour de François Bayrou et de l’UDF
de s’interroger sur le thème : « Quelles missions pour le sport ? »
uel qu’en soit le résultat, la présidentielle de 2007 aura vu l’irruption
du sport dans le débat électoral.
L’UMP de Nicolas Sarkozy a lancé le
débat dès mai 2006 avec sa convention « Oser le sport », qui dévoilait un programme détaillé et volontariste. Afin de ne
pas lui laisser le champ libre, le Parti socialiste a répliqué en septembre, avant même
de se choisir Ségolène Royal pour candidate,
par un colloque sur «Les enjeux du sport dans
Q
CONSENSUS ET DIFFÉRENCES
On peut voir dans cet intérêt manifeste le
signe que les partis, conscients du poids que
représentent les 15 millions de licenciés et les
30 millions de simples pratiquants, ne négligent plus le « vote sportif », comme l’observait
l’universitaire Alain Loret (1) dans la lettre
spécialisée infosport.org. Plus simplement,
cette prise en compte électorale du fait sportif traduit aussi l’importance qu’il occupe
dans notre société, que ce soit sur le plan éducatif, social ou économique. Certaines questions font d’ailleurs l’objet d’un large
consensus entre la plupart des acteurs politiques : « Qui peut-être contre le sport pour
tous ? le renforcement de la pratique sportive
pour ses vertus sociales, éducatives, de santé
C’est lors de la présentation de ses vœux
CNOSF
« VOTEZ SPORT », OU LE GRAND ORAL DU CNOSF
la grande salle du CNOSF (1), ces inter-
pour 2007 que le président du Comité
ventions d’une trentaine de minutes sans
national olympique et sportif français,
débat contradictoire ont été diffusées le
Henri Sérandour, a lancé son invitation
soir même sur La Chaîne Parlementaire
aux cinq candidats à l’élection présiden-
(LCP), partenaire de l’événement. Au
tielle issus de partis ayant une expé-
lendemain de celui-ci, Henri Sérandour
rience gouvernementale. Le jeudi 15
affichait sa « réelle satisfaction de voir
février, Marie-George Buffet, Dominique
le sport traité à sa juste mesure et placé
Voynet, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou
au niveau des sujets d’intérêts généraux de la politique de
étaient donc conviés à s’exprimer sur quatre thèmes mis en
notre pays ». Il s’est bien gardé de prendre parti, réaffirmant
avant par le livre blanc publié l’automne dernier par le CNOSF :
que « le sport doit rester apolitique au sens d’indépendant à
« Le mouvement sportif, un acteur majeur de la société fran-
l’égard des pouvoirs politiques et économiques. »
çaise » ; « La gouvernance du sport » ; « Le financement du
sport » ; « La reconnaissance du sport comme vecteur éducatif ». Prononcées devant un parterre de grands sportifs dans
12
Avril 2007
en jeu une autre idée du sport n°406
(1) Outre le ban et l’arrière-ban du mouvement sportif (dont les représentants
de l’Ufolep et de l’Usep), on reconnaissait entre autres : Béatrice Hess, Richard
Dacoury, Stéphane Diagana, Thierry Rey, Marie-Claire Restoux, Christine Caron,
Mahyar Monshipour, Raymond Domenech, Jean-Claude Skrela et Claude Bergeaud.
Bruno Bade / Presse-Sports
Le sport dans la campagne
Ségolène Royal entourée
de Ronald Pognon, Eunice
Barber et Christine Arron
lors de son forum sur le
sport, le 14 février à
Marcoussis (Essonne).
publique ? l’accessibilité de tous à la pratique
sportive ? Qui peut être contre la parité dans
la pratique sportive et dans l’accès aux responsabilités sportives des hommes et des
femmes ? Qui peut être contre une reconnaissance du bénévolat ? » soulignait Patrick
Bayeux (2). En revanche, d’autres sujets font
débat : les dispositifs de formation, le statut
du sport professionnel et celui du sport de
haut niveau public – concurrencé par des
écuries privées type Lagardère –, les équipements sportifs, la place du mouvement
sportif – faut-il renforcer le service public ou
bien accepter une organisation marchande ?
– ou encore les relations entre l’Etat et les
fédérations sportives.
En spectateur engagé, Alain Loret mettait
en cause « un service public qui, en promouvant d’abord le sport de compétition,
exclut une majorité de citoyens ». Ceci pour
mieux esquisser le portrait robot du ou de
la « candidat(e) capable de construire une
vision de l’activité physique pour tous » et
qui, en s’éloignant d’un discours « trop
convenu », rallierait « cette majorité des
pratiquants qui ne trouvent plus, dans l’offre
du service public, matière à assouvir son
envie de faire du sport. » On découvrit ultérieurement sur le blog thématique Désir de
sport qu’il fallait reconnaître… Ségolène
Royal.
DE L’IMAGE AU DISCOURS
Si le ralliement d’un universitaire comme Alain
Loret est – presque – passé inaperçu, la campagne électorale n’a pas non plus bruissé du
soutien apporté par tel ou tel sportif de renom
au candidat de son cœur. Certes, il y eut
quelques passes d’armes, par presse interposée,
entre Nicolas Sarkozy et Lilian Thuram sur les
questions de nationalité et d’immigration, et
le dîner – privé – du défenseur de l’équipe de
France avec la candidate socialiste. Une candidate socialiste qui, conseillée par le président
de la Fédération française d’athlétisme Bernard
Amsalem, réussit à installer une belle brochette d’athlètes français – Ronald Pognon,
Christine Arron, Eunice Barber… – au premier
rang du forum organisé le 14 mars à Marcoussis
(Essonne) sur le thème : « Le sport moteur du
lien social». De son côté, Nicolas Sarkozy peut
s’enorgueillir de son côté du ralliement de Guy
Roux, Basile Boli, Jean-Claude Bouttier, Richard
Gasquet ou Richard Virenque. Mais rien de
comparable, par exemple, à l’amitié très médiatisée de Jacques Chirac avec le judoka David
Douillet. Une fois passé le Mondial en
Allemagne, on n’a pas vu non plus les princiAvril 2007
paux candidats s’afficher à tout prix dans les
tribunes des stades – souvenez-vous du match
Chirac-Jospin, de 1998 à 2002 – ni mettre en
scène leurs talents sportifs devant la première
caméra venue. Non, vraiment, cette année le
sport était moins un enjeu d’image qu’un thème
de campagne à part entière.
L’implication du Comité national olympique et
sportif français y a largement contribué (lire
encadré). Certains pourront objecter que l’invitation n’était adressée qu’aux seuls candidats représentant un parti possédant une
expérience gouvernementale. Mais Arlette
Laguiller, Olivier Besancenot, José Bové, Philippe
de Villiers ou Jean-Marie Le Pen n’ont jamais été
très portés sur la chose... En revanche aucun des
cinq candidats sollicités ne s’est dérobé – Nicolas
Sarkozy, en déplacement à la Réunion, était
présent à travers un message enregistré.
CHACUN SON STYLE
Ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports
du gouvernement Jospin, Marie-George Buffet
(Parti communiste) était en terrain connu. Elle
ne se priva pas de faire la bise à Henri Sérandour
et d’évoquer son plaisir de revoir «un certain
nombre de visages» et à se souvenir «des combats communs». Très à son affaire, elle n’a pas
manqué d’évoquer les questions de la place des
en jeu une autre idée du sport n°406
13
femmes et du dopage. C’était d’ailleurs tout
autant un discours de ministre en exercice que
de candidate à la présidentielle… Sur un terrain qu’elle a avoué elle-même ne pas très bien
connaître, Dominique Voyet (Les Verts) prononça pour sa part une intervention très appliquée, avec le livre blanc pour fil rouge.
A l’inverse, Nicolas Sarkozy (UMP) prit ses distances avec le questionnement proposé par le
CNOSF pour décliner de façon très percutante ses
propres propositions. A l’instar du candidat UMP,
et sur la lancée de son forum sur le sport de la
veille, Ségolène Royal (PS) fit des promesses
budgétaires chiffrées et clama sa volonté de faire
de la France «une grande nation sportive».
Dernier à s’exprimer, dès sa première phrase
François Bayrou fit passer un frisson dans l’assistance: un lapsus lui avait fait parler de 15
millions de «salariés» sportifs quand il fallait
entendre «licenciés»... Il se singularisa également en refusant de se laisser aller à la moindre
promesse budgétaire.
La plupart des candidats firent également réfé-
rence à la manifestation d’une centaine de
jeunes professeurs d’EPS du Snep (Syndicat
national des professeurs d’éducation physique)
contre les suppressions de postes, chacun les
assurant plus ou moins vigoureusement de son
soutien. Tout comme ils saluèrent avec un bel
ensemble l’élection de Michel Platini à la présidence de l’UEFA.
RUPTURE OU PAS ?
Pensaient-ils à cet instant à une autre présidence, tout aussi convoitée ? Possible. Pour
autant, et malgré la promotion du sport au
rang de thème de campagne, il est peu probable
que ce soit celui qui détermine l’issue du scrutin des 22 avril et 6 mai. Les différences de sensibilités et de programme n’en sont pas moins
très nettes et si, pour le candidat de l’UMP,
le sport enseigne « le sens de l’effort, le courage, la volonté, le dépassement de soi », aux
yeux de sa concurrente PS il est avant tout le
« premier espace de citoyenneté et de prévention». Toute la question est de savoir si, au delà
de l’imagerie qu’elles convoquent, ces deux
visions se traduiraient dans les faits par des
politiques sportives réellement différentes.
La vision résolument libérale de Nicolas
Sarkozy promet néanmoins, en matière de
politique sportive en tout cas, une vraie «rupture ».
Pour l’heure, le suspense demeure. A la mimars, le jeu politique, qu’on croyait figé en
début de campagne, semblait vouloir s’inspirer
de la «glorieuse incertitude du sport» en faisant émerger un outsider inattendu à ce niveaulà. Mais prudence : en politique aussi les
pronostics sont risqués. ●
PHILIPPE BRENOT
(1) Professeur à l’université de Rouen, Alain Loret est l’auteur de Concevoir le sport pour un nouveau siècle (PUS, 2004).
(2) Maître de conférence en gestion et droit du sport à l’université de Toulouse, Patrick Bayeux a cosigné cet éditorial
paru à la rentrée sur inforsport.org avec Jacques Vergnes, président de Sports et territoires.
L’USEP PREND POSITION
Au cours de la campagne électorale, l’Usep a eu – à leur
Le document pose ensuite une douzaine de principes d’action
demande ou à son initiative – plusieurs contacts avec les par-
(« La famille », « sport et santé », « citoyenneté », « petite
tis politiques « républicains », ceci sur la base d’un document
enfance », « culture sportive »…) et s’achève par une liste
intitulé «L’Usep prend position». Des échanges ont notamment
de propositions, parmi lesquelles :
eu lieu l’été dernier avec l’Association nationale des élus com-
• une pratique de l’EPS réaffirmée et aidée au sein de l’Ecole
munistes et républicains et, tout récemment, avec des repré-
publique ;
sentants du Parti socialiste (1). L’Usep a également été citée
• la reconnaissance du sport scolaire par : la constitution d’une
par l’UMP dans son programme « Oser le sport », tout comme
association Usep auprès de chaque école ; la place de la ren-
elle était représentée au forum « Votez sport » organisé le 15
contre sportive Usep dans les programmes de l’école pri-
février par le Comité national olympique et sportif français.
maire ; une mission donnée aux conseillers pédagogiques EPS
Le document – mis en ligne sur les sites nationaux de la fédé-
intégrant à la fois leur collaboration avec l’Usep et leur par-
ration et de la Ligue de l’enseignement – rappelle tout
ticipation à la mise en œuvre des rencontres sportives ;
d’abord ce qu’est l’Usep : une fédération qui a « l’enfant » pour
• la reconnaissance du sport scolaire éducatif par : l’intégra-
sujet, « le sport » pour objet et « l’école publique » pour
tion d’un programme éducatif dans le projet de chaque fédé-
cadre, qui rassemble 830 000 licenciés et touche chaque
ration sportive ; la mise en œuvre d’actions par chacune de
année deux millions d’enfants.
ces fédérations en liaison « incontournable » avec l’Usep ;
Suivent ensuite plusieurs constats : la diminution de l’EPS
• un poste (a minima) de délégué Usep à plein temps dans
en importance dans les programmes et en temps dans la pra-
chaque département ;
tique de classe ; le fait qu’il y a davantage d’EPS quand
• une formation initiale et continue en EPS des enseignants
l’Usep est présente et que les rencontres sportives sont un
en particulier et des acteurs institutionnels de l’Ecole, for-
point d’appui pour les enseignements, ce qui n’empêche pas
mations dans lesquelles l’Usep aura réellement sa juste place.
le sport scolaire du premier degré d’être « insuffisamment
(le document intégral est consultable sur www.usep.org rubrique
considéré », d’où un travail quotidien « dans la confidentia-
« dernières actus »)
lité » et « des difficultés à faire reconnaître réellement par
le mouvement sportif la place pour un sport éducatif ».
14
Avril 2007
en jeu une autre idée du sport n°406
(1) L’Usep a notamment été invitée par l’équipe de campagne de Ségolène Royal à s’exprimer mardi 14 février à la tribune du forum «Le sport moteur du lien social».
Le sport dans la campagne
ertus individuelles. «Vous avez devant
vous un candidat à la présidence de la
République qui aime profondément le
sport, qui le pratique beaucoup, qui le pratique
depuis longtemps. Pour en faire l’expérience
quasi quotidiennement, je sais l’importance du
sport pour la santé et je connais ses vertus
individuelles. Le sport enseigne le sens de l’effort le courage, la volonté, le dépassement de
soi. Il apprend que rien de précieux ne s’obtient
sans effort. (…) Quelle que soit leur discipline,
les sportifs, amateurs, de haut niveau, ou professionnels, ont un langage commun qui ne
trompe pas: celui de la persévérance, de l’humilité, de l’authenticité.»
Vertus collectives. « Je crois aussi dans les
vertus collectives du sport. Le sport enseigne
le respect des autres, le respect des règles, l’esprit d’équipe, l’engagement, la solidarité. Il
apprend à aider et à être aidé. Il transmet un
savoir-être aussi important que le savoir tout
court. Dans une société traversée de tant d’inégalités et de discriminations, le sport est fondamentalement égalitaire parce qu’il ne repose
que sur l’effort individuel, la volonté et le courage. Ma conviction profonde, c’est que notre
pays a besoin de plus de sport. Les pays scandinaves montrent l’exemple de sociétés dans
lesquelles près de 80 % de la population a une
pratique sportive régulière, et ce dans toutes
les catégories, qu’il s’agisse des jeunes, mais
aussi des femmes, des seniors, des personnes
handicapées… C’est le modèle dont je souhaite m’inspirer. »
À l’école. « La première priorité est de transformer la place du sport à l’école. Le sport
doit faire partie du socle des matières fondamentales. Le nombre d’heures consacrées au
sport doit être doublé, tant au primaire que
dans le secondaire. Le coefficient qui s’attache au sport dans les examens doit être augmenté. Je pense qu’il doit y avoir une épreuve
de sport à l’entrée de toutes les grandes écoles
et que le sport doit faire partie de chaque cursus universitaire. Cela supposera peut-être
des recrutements supplémentaires, mais cela
pourra aussi permettre de donner des heures
de travail rémunérées aux animateurs des
associations sportives des collectivités locales.
(…) Nous ne devons pas avoir peur de la compétition, de la performance, même si le sport
à l’école doit être également une école d’hygiène et de bien-être physique. (...) Je souhaite
également que chaque enfant ait la possibilité, s’il le souhaite, de suivre un mi-temps
sportif. »
V
Montage photo / Documents CNOSF
Nicolas Sarkozy (UMP)*
Bénévolat. «Je propose trois
mesures simples : qu’une
année de bénévolat dans un
club ou une association
donne droit à un stage de
formation gratuit ; que 20
heures par mois de bénévolat effectuées régulièrement
donne droit à 10% de points
en plus pour les examens;
que dix ans de bénévolat
donnent droit à une année de
cotisation pour la retraite.»
Un autre ministère. « La
place du sport dans l’organisation actuelle des structures ministérielles n’est pas
satisfaisante. Le sport n’est
pas réservé à la jeunesse. Il
n’y a donc aucune raison de
mettre ensemble le sport et
la jeunesse. (…) Le sport
doit constituer un ministère
à part entière mais [être]
rattaché à un pôle santé et
qualité de la vie. (…) Nous
devons faire d’immenses progrès pour développer la pratique sportive de tous
nos concitoyens, notamment chez les femmes,
les actifs, les seniors, dans une perspective de
bien-être, de prévention et de santé. Il est donc
cohérent de mettre le sport dans un pôle santé.
Rattaché à un ministre de poids dans la structure gouvernementale, le sport aura de vraies
chances de bénéficier d’arbitrages positifs et
d’être doté des crédits nécessaires. Nous devons
porter le budget du ministère des sports à au
moins 3% du budget de l’Etat. J’ajoute qu’en
plaçant le sport dans un pôle ministériel santé,
nous confirmerons notre opposition résolue au
dopage.»
Organisation. « Je souhaite engager une
réforme de l’organisation du sport. (…) Le
modèle que je préconise est celui de l’autonomie, du professionnalisme et de la responsabilité des fédérations sportives. Les contrats
d’objectifs qui lient l’Etat aux fédérations doivent être plus exigeants et plus précis (…)
L’Etat doit fixer ses objectifs stratégiques, je
pense par exemple au développement de la pratique sportive pour tous, mais les fédérations
doivent être libres de leur mise en œuvre. En
contrepartie, les fédérations doivent être mieux
outillées, plus professionnelles. Je suis favorable
à la rémunération des dirigeants, puisque ce
sont de fait de vrais chefs d’entreprise, et je
Avril 2007
pense que les fédérations doivent pouvoir recruter des cadres de haut niveau. Je propose à
cette fin la création d’une grande école de
management sportif.»
L’argent. « Je suis favorable à l’entrée des
clubs en bourse, car l’épargne publique n’a
rien de malhonnête. Je pense que les clubs
doivent pouvoir être propriétaires de leurs
équipements. (…) Mais je souhaite également que nous engagions une démarche
européenne pour que l’excès d’argent dans
le sport ne pervertisse pas l’équité des compétitions sportives, leur suspense, et, audelà de tout, l’image et l’éthique du sport.
L’harmonisation de la législation fiscale qui
s’applique aux clubs professionnels, l’obligation pour les jeunes de signer leur premier
contrat dans le club qui les a formés, la limitation de l’endettement, des déficits, le cas
échéant de la masse salariale, sont des questions que nous devons porter au niveau européen. » ●
*Extraits des interventions prononcées devant le CNOSF
jeudi 15 février 2007, sélectionnés à partir du texte
validé par les candidats (à l’exception des interventions
de Dominique Voynet et Ségolène Royal, décryptées par
nos soins).
en jeu une autre idée du sport n°406
15
uel sport ? «Je crois en la nécessité de
favoriser le développement d’un sport
qui soit facteur d’équilibre, de santé,
d’épanouissement de chacun et de chacune. Je
crois en un sport qui soit un vecteur fondamental d’éducation, de culture et de vie sociale
et qui pour cela est accessible à tous et toutes.
Un sport accessible, c’est poursuivre une politique volontaire pour le développement de la
pratique féminine dans tous les sports et de sa
visibilité dans les médias. Un sport accessible,
c’est poursuivre le développement des fédérations handisport et de sport adapté et l’aménagement des installations sportives afin d’en
favoriser l’accès à tous les sportifs. Un sport
accessible, c’est poursuivre le développement
du sport en entreprise. Un sport accessible,
c’est une pratique qui se conjugue avec une formation permettant l’insertion professionnelle
après la carrière sportive. Un sport facteur de
santé, c’est un sport exercé dans un club, c’est
un sport qui résiste à la surcompétition liée à
des enjeux financiers. Un sport facteur d’équilibre, c’est le combat contre le dopage.»
Educatif. «S’il est naturel de reconnaître cette
dimension éducative, il ne faut pas demander
au sport de régler tous les problèmes; il ne faut
pas l’appeler au secours de l’urgence sociale; il
faut simplement lui donner les moyens de
répondre à ses propres objectifs.»
Ecole. «Aujourd’hui, plutôt que de donner à
l’école les moyens dont elle a besoin, je constate
que la pratique sportive est remise en cause dans
Q
les cursus éducatifs. Et plus grave encore, je
constate que les associations sportives scolaires sont menacées. (…) Le projet de réforme
du décret du 25 mai 1950 sur le service hebdomadaire des personnels enseignants du
second degré, couplé avec les disparitions de
postes d’enseignants, annonce un véritable
déclin du sport scolaire.»
Citoyenneté. «Le sport est déterminant pour
faire grandir les valeurs de citoyenneté, au sein
même de l’association, avec la prise de responsabilités et l’engagement bénévole. Il est un
des éléments de la vie démocratique de notre
pays. Et cette utilité sociale, ce sont évidemment les clubs, cellules de base de tout le sport
français, les fédérations et le CNOSF qui en sont
les premiers dépositaires.»
Sport pro. «Je n’ai jamais tenu un discours ou
pris des mesures allant dans le sens d’une coupure entre un sport professionnel qui n’aurait
rien à attendre ni rien à devoir de la puissance
publique, et un sport amateur qui lui devrait
tout. (…) Je tiens évidemment à préserver,
voire à amplifier les systèmes de péréquation
et de redistribution vers les clubs des moyens
prélevés sur les sommes importantes issues de
contrats entre des fédérations, des ligues professionnelles et les médias. J’accorde une
grande importance à ce que le sport professionnel demeure au sein des fédérations nationales et qu’il participe au financement de
toutes les pratiques. (…) Je tiens à réaffirmer
mon opposition ferme à la cotation en bourse
CNOSF
Marie-George Buffet (PCF)
des clubs sportifs. C’est peut-être une réussite
financière. Mais c’est un échec pour le sport
et ses valeurs. »
Budget. « Je propose d’augmenter le budget
du ministère de la Jeunesse, des Sports et de
la Vie Associative jusqu’à 1 % du PIB (…) ce
qui serait déjà une augmentation de 4 à 5 fois
l’existant. »
Bénévolat. « C’est un capital humain formidable qui doit être respecté et conforté. Je
pense qu’il faudra engager la mise en place
d’un véritable statut du bénévole, ce qui vaut
d’ailleurs pour l’ensemble du mouvement associatif.» ●
Dominique Voynet (Les Verts)
ivre blanc. «Je reconnais que [le sport]
est un monde que je connais mal alors que
j’ai pratiqué un sport et que je suis toujours licenciée d’une fédération sportive (…)
Mais il vaut mieux admettre la réalité: j’ai beaucoup appris en lisant le Livre blanc et je crois
que cette lecture, parfois un peu ardue et technique, a contribué à lever des préventions et à
surmonter des préjugés.»
Gouvernance. «On conteste [parfois] à l’Etat,
qui est le garant de l’intérêt général, une intervention dans le monde du sport [alors qu’on]
peine à contester à des puissances médiatiques
et à des acteurs économiques un rôle qui est parfois tout aussi directif et tout aussi lourd.»
L
16
Avril 2007
Europe. «Bien qu’européenne convaincue, je
pense que le futur arrêt Oulmers (du nom d’un
international marocain, joueur d’un club belge,
qui s’était blessé en sélection, NDLR) n’aurait
jamais dû exister. (…) Je rappelle à cette occasion mon attachement au principe de la suprématie des sélections nationales sur les clubs.»
Licenciés. «Que veut dire le mot d’ordre d’atteindre un million de licenciés de plus d’ici
2012? Est-ce que ça correspond aux capacités
actuelles des fédérations? Quels sont les moyens
mobilisés pour y parvenir? Vous comprendrez
que je sois plus attentive au programme de
développement dont les fédérations devraient
se doter.»
en jeu une autre idée du sport n°406
Brevets fédéraux. «Vous avez pointé dans le
Livre blanc qu’aucun des brevets fédéraux ne
permettait d’enseigner contre rémunération et
vous proposez (…) d’aller vers une reconnaissance de la valeur professionnelle de ces brevets. J’y suis pour ma part favorable et je ne vois
pas de meilleur partenaire que les régions pour
avancer dans cette direction.»
Elus. «Il est primordial que les structures sportives, les fédérations, élisent leurs présidents
ou leurs présidentes au suffrage direct avec
une vraie campagne auprès des licenciés. (…)
Je ne crois pas sur ce sujet précis au bien fondé
de l’exception sportive et à la cooptation entre
pairs.»
Handicap. «La pratique sportive ne doit pas être
un lieu d’exclusion supplémentaire. (…) Le
nombre de personnes handicapées qui pratiquent un sport ou une activité physique de
manière encadrée est très peu élevé puisque
les trois fédérations du handicap: Handisport,
Sport adapté, Fédération sportive des sourds
de France, comptaient au total un peu plus de
50000 licenciés en 2004, soit seulement 1%
des personnes handicapées, alors que ce taux
s’élève à 17% pour les personnes valides.»
Dopage. «La piste de réflexion avancée par certains de voir des fédérations ou des organisateurs
d’événements demander réparation financière au
regard du préjudice subit à des personnes convaincues de dopage est à suivre. Une réflexion devra
aussi s’engager sur le rythme des compétitions.»
Racisme. «Les efforts des pouvoirs publics et
des clubs devront encore s’intensifier pour faire
cesser toute manifestation de racisme, de xénophobie, d’homophobie, que ce soit sur le terrain ou dans les tribunes des petits et des grands
événements.»
Règle. «Dans un monde où on conçoit souvent la règle comme injuste, arbitraire ou comme
l’expression de la loi du plus fort, le sport peut
inspirer. Il n’est pas éducatif en soi mais il l’est
par ses règles et parce que des éducateurs
veillent à la bonne application de celles-ci.»
Ecole. «L’importance de la pratique sportive à
l’école est de placer les filles et les garçons en
situation de mixité sportive dès la maternelle
et le primaire. (…) C’est à l’école souvent que
les filles et les garçons découvrent le sport.» ●
CNOSF
Le sport dans la campagne
ouvernance. « C’est important d’avoir
au sein du gouvernement une autorité
qui soit chargée du sport [tout comme]
il est indispensable que l’Etat rencontre en face
de lui une société civile organisée (…) capable
de promouvoir elle-même sa propre gouvernance. (…) Donc je soutiens l’idée d’une organisation d’une gouvernance autonome, forte,
reconnue, respectée, du monde du sport face à
l’Etat.»
Lien social. «Le sport joue un rôle irremplaçable
[de] lien social dans un monde où hélas! ce
lien social est en train de céder, dans les quartiers, dans les cours d’école, aux endroits les
plus fragiles de la société française. Précisément
là où l’Etat est absent. Et plus particulièrement les associations sportives sont la main qui
se tend et le moyen de retisser le lien spécialement à l’intention ou à l’endroit des jeunes.
(…) On l’a encore vérifié au moment des
émeutes de 2005.»
Santé. «Le sport (…) permet des actions de prévention en matière de santé. (…) Je pense en
particulier à l’obésité. (…) Il y a aussi la prévention des maladies cardio-vasculaires, enfin
tout ce qui est du domaine de la santé d’une
personne active.»
Règles. «Tout ce qui touche à la reconnaissance des règles (…) donne au sport un rôleclé dans l’évolution de la société française. (…)
Il est bon que l’Etat pense, sur un certain
nombre des missions d’utilité sociale ou d’utilité civique qu’il croyait jusqu’à maintenant
être le seul à remplir, à les déléguer (…) à des
structures plus autonomes comme celles du
monde associatif.»
G
Handicap. «Il y a dans l’engagement sportif des
handicapés un moyen, probablement le plus
efficace, probablement le plus heureux de faire
que chacun, lorsqu’il est atteint par un handicap, puisse mesurer que sa place (…), sa légitimité, sa reconnaissance dans la société n’a pas
changé, au contraire. Et donc l’idée que chaque
fédération doit être incitée à s’ouvrir sur le
handicap dans le sport pour tous (…) me paraît
tout à fait essentielle.»
Reconversion. «Je suis frappé par le problème de
la reconversion [des sportifs de haut niveau]. C’est
pourquoi je suis favorable à l’idée d’un plan
d’épargne-reconversion. Que des conditions fiscales très avantageuses soient faites à ceux qui
choisiront de préparer [ainsi] leur avenir.»
Education nationale. «Le sport est, en France,
un des manques les plus grands dans l’Education
nationale. (…) Lorsque j’en étais ministre, j’ai
poussé à un certain nombre d’expériences
(…) de type anglo-saxon ou allemand qui
consistaient à proposer qu’une partie de la
journée scolaire, l’après-midi ou une partie de
l’après-midi, soit réservée à des activités sportives ou artistiques. Et vous savez pourquoi
ce type d’expériences ne s’est pas perpétué :
c’est parce que cela coûte extrêmement cher.
D’abord pour la première raison qu’il faut doubler la surface des classes et la surface des
stades,(…) puis cela pose évidemment des
problèmes d’organisation à l’intérieur des établissements. Cependant je n’ai jamais perdu
de vue l’idée que le sport était éducatif. »
Promesses budgétaires. «Je pense qu’il est
juste de réfléchir à l’amélioration du financement du sport (…) mais je me refuse à prendre
Avril 2007
CNOSF
François Bayrou (UDF)
des engagements dont je sais très bien qu’ils ne
seront pas respectés.»
Bénévolat. «Ce n’est pas uniquement dans le
domaine du sport qu’il faut reconnaître le bénévolat. Il y a trois directions raisonnables. La première est d’améliorer les conditions matérielles
d’exercice du bénévolat. (…) Je pense [au]
remboursement des frais engagés. (…)
Deuxième piste, (…) la validation des acquis,
de l’expérience (…) acquise dans l’animation
d’un groupe d’hommes et de jeunes doit être
validée et présentable dans un curriculum vitae.
(…) Dernier point: tout le monde sait que la
réforme des retraites est devant nous comme
une contrainte. (…) Et cette réforme des
retraites devra permettre à chacun de se constituer un certain nombre de droits. Il me semble
que, parmi ces droits, l’exercice d’un bénévolat dans une association devrait donner lieu à
un certain nombre d’avantages-retraite lorsque
le terme de sa vie professionnelle arrive.» ●
en jeu une autre idée du sport n°406
17
PS à l’école. «Je voudrais prendre devant
vous l’engagement que les moyens de
l’Education nationale seront remis à
niveau. (…) Je rétablirai les trois heures forfaitaires dans le service des enseignants d’EPS
leur permettant d’assurer l’encadrement des
associations sportives scolaires. (…) Je les
vois ces jeunes en souffrance, dans les universités, dans les Staps, parce qu’on leur avait promis des débouchés, (…) je les ai reçus dans
la région que je préside (…). Il y a quelque
chose qui relève du mensonge d’Etat lorsqu’on incite les jeunes à rentrer dans les
filières sportives et puis qu’en cours d’étude
on supprime 70 % des débouchés, c’est à dire
des postes au Capes (…). Il va falloir reconquérir ces 70 % de postes. »
Régions et CNOSF. « Avec l’Association des
régions de France, nous avons signé une convention avec le CNOSF pour nous substituer au
désengagement de l’actuel gouvernement. Nous
avons même repris des emplois-jeunes qui
avaient été supprimés en créant des emploistremplins: dans la région que je préside c’est
cent emplois-jeunes que j’ai mis à la disposition
du Comité régional olympique et sportif français pour qu’il puisse assumer ses responsabilités. [En contrepartie] je demande au mouvement
sportif une évaluation de ce qu’il fait, parce
qu’on est dans une logique gagnant-gagnant,
et en particulier sur (…) la démocratisation de
l’accès au sport, les partenariats avec les organisations territoriales, le développement de
l’intégration des personnes en situation de
handicap et la féminisation des pratiques sportives.»
Citoyenneté. « Le mouvement sportif est
d’abord une école de citoyenneté. Un licencié
sur deux a moins de vingt ans et c’est là, dans
le sport, que l’on apprend la maîtrise de soi, le
goût de l’effort, le sens de l’écoute, le respect
de l’autre, l’apprentissage des règles. Le premier
apprentissage de la loi commune pour un jeune
ou pour un enfant, c’est la règle sportive, c’est
l’interdiction de tricher, c’est le respect de l’adversaire, c’est l’effort collectif, c’est la reconnaissance des talents individuels, et c’est aussi
la perception, très tôt, que le talent individuel
n’est rien sans l’effort collectif. (…) J’en ai vu,
des expériences réussies, pour des jeunes «décrocheurs» scolaires qui se sont raccrochés à la
réussite scolaire grâce au sport et grâce à leurs
enseignants en EPS parce qu’un autre regard est
porté sur eux, une autre forme de réussite.»
Rappels. «Oui, le sport est un vecteur essentiel de lutte contre toutes les formes de discri-
E
18
Avril 2007
CNOSF
Ségolène Royal (PS)
mination et de violence et je veux faire du
sport un espace privilégié d’intégration et de
mixité (…). Je veux faire reconnaître le
sport comme vecteur d’éducation avec, je le
rappelle : le doublement du budget du sport,
70 % de postes en plus ouverts au Capes
d’EPS, la troisième heure de sport dans les
lycées, le rétablissement des moyens à l’UNSS,
et enfin une partie des 500000 emplois-tremplins, qui font partie de mon pacte présidentiel
et que les régions ont déjà mis en place, une partie de ces emplois-tremplins [devant aller] aux
associations et aux fédérations sportives.»
Bénévolat. «Je veux encourager l’engagement
bénévole (…). Là aussi, dans la région que je
préside, j’ai mis en place des formations professionnelles gratuites pour les bénévoles.»
Santé. «Si le sport était davantage développé,
(…) il y aurait sans doute beaucoup moins de
dépenses de Sécurité sociale. (…) Je pense au
développement du sport chez les seniors [et
aux] associations du troisième âge et maisons de
retraite qui ont intégré le sport aux activités
des personnes âgées – et même très âgées: eh
bien ces activités sont extrêmement bénéfiques,
non seulement sur la santé mais aussi sur le
moral. Donc voyez l’utilité du sport à tous les
âges de la vie.»
Budget. « Je souhaite doubler le budget du
sport, parce que je crois qu’il faut être crédible
en jeu une autre idée du sport n°406
dans les engagements que l’on prend.
L’ensemble de la dépense publique, si l’on ajoute
l’Etat, les régions, les départements, les communes, s’élève à peu près à 10 milliards d’euros quand le budget de l’Etat est modeste avec
771 millions d’euros. Si l’Etat fait cet effort de
doublement pour passer à 1,5 milliard, on aura
autant d’effet-levier sur les collectivités territoriales.»
Filière économique. «Le sport est une vraie
filière de développement économique. Regardez
autour des grandes manifestations sportives, le
développement de l’hôtellerie, de la restauration, des services. (…) Cela se voit aussi sur les
territoires: à partir des activités sportives, à partir du développement du tourisme sportif, à partir de l’accompagnement des événements
sportifs il y a une opportunité extraordinaire
à saisir, des débouchés très importants pour les
jeunes, qui constituent en plus des emplois
non délocalisables.»
Amour des sportifs. « Les sportifs de haut
niveau sont les héros des temps modernes.
(…) Je voudrais vous dire pour terminer
mon attachement profond aux activités sportives. J’aime le sport, j’aime les bénévoles,
les fédérations, les encadrants et les sportifs,
et l’esprit sportif tout simplement, qui
d’ailleurs manque parfois un peu en politique. »
Le sport dans la campagne
Ces sportifs qui nous gouvernent
ilhouette athlétique, peau hâlée et
foulée tout en souplesse: en cette
fin d’été 2005, Dominique de Villepin
apparaît sans conteste comme le
premier ministre le plus sportif qu’ait
jamais connu la France. L’université d’été de
l’UMP vient d’ouvrir ses portes à la Baule et les
caméras le filment en train de sortir de l’océan
après un crawl impeccable, puis d’effectuer un
jogging de très bonne tenue… Notre homme a
même invité Nicolas Sarkozy à partager avec lui
les joies de la course à pied au petit matin.
Mais, après avoir d’abord accepté l’invitation,
le patron de l’UMP se rétracte en prétextant un
rhume. Ceci sur les conseils de ses proches, qui
craignaient que la comparaison ne tourne à
son désavantage. Il ne rejoindra donc son
ennemi intime que pour un petit-déjeuner en
tête-à-tête. Mais le mal est fait: dans la bataille
des images, le premier ministre a remporté la
manche…
Une victoire très relative quand on connaît la
suite de l’histoire: ni un jogging bien mis en
scène ni une couverture de magazine sportif
(Dominique de Villepin s’est vu offrir en octobre
dernier celle de l’hebdo gratuit Sport) ne suffisent à faire un candidat à la présidentielle. Mais
l’histoire révèle en filigrane combien le sport
est devenu aujourd’hui un élément important
dans la construction de l’image des hommes politiques. Il est loin le temps où un Winston
Churchill goguenard révélait à la presse le secret
de sa longévité : « Sport. Never sport. » Quel
politique se risquerait aujourd’hui à se vanter
qu’il ne fait jamais d’exercice physique et qu’il
a le football en horreur ? « Dans une société
fondée sur le culte de la performance, pour
reprendre l’expression d’Alain Ehrenberg, le sport
est présenté couramment comme une activité
intrinsèquement bénéfique, analyse le sociologue Christian Hazard. Il est donc logique que
les responsables politiques cherchent à s’afficher visiblement sur ce terrain-là.»
S
PLAISIRS SIMPLES
Un terrain qui a l’avantage de jouer sur différents tableaux. Celui de la proximité avec les
électeurs tout d’abord. Rappelez-vous quand,
en 1981, Jacques Delors fut filmé arrivant au
Martin / Presse-Sports
Le sport étant un thème fédérateur, les politiques le pratiquent
ostensiblement ou s’affichent dans les tribunes pour surfer
sur les valeurs positives qui y sont attachées.
Pas de jaloux ! Jacques Chirac
et Lionel Jospin repartiront
chacun avec le maillot de
l’équipe de France de hand,
championne du monde 2001.
conseil des ministres avec le quotidien L’Equipe
sous le bras... «L’image a frappé parce qu’elle
allait à l’encontre d’une certaine représentation
des hommes politiques : celle d’une élite planant dans les hautes sphères, loin du commun
des mortels, explique Christian Hazard. Loin
de le décrédibiliser, ce détail l’a rendu sympathique à un certain nombre de Français, qui ont
estimé qu’il était à même de les comprendre et
qu’à ce titre, on pouvait lui faire confiance.»
Mais aujourd’hui les politiques ne se contentent
plus de jouer les simples lecteurs ou spectateurs.
Ils mouillent eux-mêmes le maillot et, surtout,
n’ont de cesse de le faire savoir. Puisque le sport
est père de toutes les vertus, il est fondamental de montrer qu’on en fait. La tendance nous
vient tout droit d’Outre-atlantique où, depuis
les années cinquante, tout le marketing des
politiques consiste à renvoyer au grand public
une impression de dynamisme et de volonté,
sensée se transposer mutatis mutandis dans la
conduite des affaires du pays. Bill Clinton a
excellé dans cet exercice.
Au delà de l’image qu’elle véhicule sur le
plan personnel, la pratique du sport permet
aussi à certains politiques de prôner la vertu
de l’exemplarité. Ainsi George Bush Jr, qui
court le marathon, a-t-il encouragé tous les
Américains à l’imiter et à suivre son programme « Healthier US initiative » pour lutter contre l’obésité et l’excès de sédentarité.
Avril 2007
En Allemagne, Joschka Fischer, ministre des
Affaires étrangères issu des Verts, a pour sa
part initié il y a quelques années une campagne électorale d’un genre nouveau, en
invitant à chacune de ses étapes les volontaires à l’accompagner dans son jogging sur
quelques kilomètres ! Comme les manifs à
vélo de l’écologiste français René Dumont,
il s’agissait de montrer que si on le veut, on
peut se déplacer sans polluer. En suggérant
au passage une synthèse entre individualisme
(le jogging) et collectif (courir en groupe).
En France aussi, les politiques se sont mis à
faire de l’exercice. « Pour être honnête, il ne
s’agit pas toujours d’un affichage dicté par
l’opportunisme, mais plus simplement le reflet
de notre société, tempère Christian Hazard.
Les responsables politiques sont comme le reste
des Français : ils ont pris l’habitude de pratiquer une activité sportive dans leur jeunesse
et en vieillissant, ils surveillent attentivement
leur santé. » Ce qui ne les empêche pas d’instrumentaliser dès qu’ils le peuvent ce pan de
leur biographie. Même si le sport qu’ils pratiquent correspond au départ à une préférence personnelle, il n’est pas anodin que
Lionel Jospin, soucieux de rompre une image
trop « austère » ait affirmé avoir joué au basket ou que Nicolas Sarkozy revendique haut
et fort son goût pour le vélo. ●
SOPHIE GUILLOU
en jeu une autre idée du sport n°406
19