Infos de Serre - Réseau Action Climat France

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Infos de Serre - Réseau Action Climat France
Infos de Serre
Bulletin mensuel sur les changements climatiques
EDITO
L’île des Dieux n’a pas eu l’effet divin espéré !
N°56 - Janvier 2008
Edition spéciale consacrée
à la conférence des
Nations unies sur les
changements climatiques.
Bali, 3 au 14 décemre 2007
Sommaire
Edito :
L’île des Dieux n’a pas eu l’effet divin
espéré !
Feuille de route de Bali : établissement
d’un processus... sans substance !
Transfert de technologies : passage à
la vitesse supérieure !
Déforestation : un pas un avant !
Side Event du RAC-F
Adaptation, énergie et déforestation
évitée : propositions communes des
ONG francophones
Une bonne nouvelle sur le front de
l’adaptation !
Publication nationale
Cette année, le changement climatique a battu tous les records d’entrée : près
de 10 000 participants se sont pressés aux portes de la conférence de Bali !
Il faut dire que l’enjeu était de taille : s’accorder sur une feuille de route pour
conduire la communauté internationale vers un nouvel accord mondial de
lutte contre le changement climatique. Détail qui a son importance : cet objectif doit être atteint en 2009, ce qui ne laisse plus que deux ans de négociations !
La 1e période d’application de Kyoto expirant en 2012, une 2e période d’engagement doit dès à présent être négociée.
Très vite, et alors que le climat apaisant de Bali aurait dû inspirer à la sagesse, le ton est monté parmi les délégués. Le point d’achoppement : l’équité
dans le partage, entre pays industrialisés et pays en développement, du futur
effort à fournir pour stabiliser le climat.
Les pays en développement ont d’emblé joués carte sur table : ils se sont dits
prêts, après 2012, à contribuer davantage à la lutte contre le dérèglement climatique si les pays industrialisés renforcent les financements et les transferts
de technologies. Cette position, bien que légitime, a étonné certains Etats,
avec au premier rang, et sans surprise, le Canada et les Etats-Unis. Ces deux
pays, loin d’avoir démontrer leur sérieux vis-à-vis du changement climatique,
souhaitaient que les pays en développement les plus avancés économiquement (Chine, Inde, Brésil), s’engagent de la même façon que les pays industrialisés. Compromis bien évidemment inacceptable pour les pays en développement.
Les négociations ont vite tourné au vinaigre. Alors qu’un accord était attendu
pour le vendredi soir, à 17h le lendemain, le bras de fer entre pays en développement et Union européenne d’un côté et Etats-Unis de l’autre tenait bon !
Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations unies, s’en ait mêlé en revenant
de toute urgence à Bali pour exhorter les délégués à surmonter leurs divergences.
Finalement, le salut de la Conférence de Bali est venu des plusieurs délégués
de pays en développement qui, fatigués de cette presque nuit blanche, ont
perdu l’usage du langage diplomatique… Alors que les Etats-Unis restaient
campés sur leur position et bloquaient toute avancée des négociations, certains délégués de pays en développement, et notamment celui de la
Papouasie Nouvelle Guinée1, ont dénoncé sans langue de bois le comportement des Etats-Unis. Hués de tous côtés, ces derniers ont fini par abdiquer.
Même si l’ambiance électrique s’est transformée en explosion de joie, la portée de la décision adoptée reste à relativiser (voir article sur la feuille de route de
Bali, page 2). Comme l’a justement rappelé le délégué chinois en guise de
conclusion, “les Etats-Unis sont montés à bord du bus mais n’ont pas pris la
place du chauffeur”.
1 - Voir la vidéo sur www.youtube.com : “PNG helps save Bali climate talk”
Infos de serre n°56 - Janvier 2008 - page 1
Feuille de route de Bali : établissement d’un processus... sans substance !
Les 180 pays présents à Bali se sont mis d’accord sur une
feuille de route, un “mandat”, devant conduire d’ici les deux
prochaines années à l’adoption d’un nouvel accord international de lutte contre le changement climatique. Le principal
défi consistait à trouver un processus de négociation englobant l’ensemble des pays, à la fois industrialisés et en développement.
Depuis fin 2005, les pays industrialisés de l’Annexe I (ceux
ayant souscrits à un objectif chiffré de réduction de leurs
émissions entre 2008-2012) négocient de nouveaux objectifs pour après 2012, au sein d’un “Groupe de Travail
Spécial”, qui doit conclure ses travaux pour fin 2009.
Une autre voie, de discussions cette fois-ci, a été instaurée
par le sommet de Montréal de 2005. Il s’agit d’un Dialogue
sous la Convention climat, donc entre tous les pays, sur
une action de long terme pour lutter contre le changement
climatique. Cependant, il avait été explicitement précisé à
Montréal que ce dialogue ne devait conduire à aucun nouvel engagement. Difficile de négocier de nouvelles actions
de lutte contre le changement climatique dans de telles
conditions…
Une date butoir est également fixée pour les négociations :
fin 2009 au plus tard, afin d’éviter toute césure entre la 1e et
la 2e période d’application du protocole de Kyoto.
Un processus est donc acté, mais sans contenu. En effet,
tous les chiffres qui devaient figurer dans la feuille de route
n’ont pas résisté à la pression de certains pays, tels que les
Etats-Unis et le Canada.
Il en va ainsi de la fourchette de réduction des émissions
des pays industrialisés pour 2020, de 25 à 40 % par rapport
à 1990, issue du 4e rapport du GIEC, ou encore de la nécessité d’atteindre un pic des émissions mondiales d’ici les 10
à 15 prochaines années.
Les pays ont donc échoué à se mettre d’accord sur cette
vision partagée, préférant encore une fois remettre à plus
tard, les décisions qui s’imposaient aujourd’hui.
La Conférence de Bali, et c’est sa principale avancée, a
permis de transformer ce dialogue informel en un véritable
processus de négociations. Les pays en développement
devront prendre, dès 2012, des actions nationales appropriées de réduction de leurs émissions. En contrepartie, les
pays industrialisés devront les aider par des financements
et des transferts de technologies effectifs.
Transfert de technologies : passage à la vitesse supérieure !
Le transfert de technologies a été l’invité surprise de ce rendez-vous marathon et, contre toute attente, il s’est donc retrouvé au cœur des négociations.
Les pays en développement - Chine et Inde notamment - ont tapé du poing sur la table dès le début de la conférence,
exaspérés que ce sujet, d’une haute importance, ne s’enlise dans des débats méthodologiques.
Les pays industrialisés fournisseurs de technologies n’ont pas résistés longtemps à la fronde de la Chine et de l’Inde, présentant l’accès aux technologies et l’augmentation des financements comme des conditions sine qua none de leur participation aux efforts mondiaux en matière de réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
La feuille de route de Bali sur le futur du régime climatique est explicite sur ce point et dans les différentes décisions, les
pays industrialisés sont clairement mis face à leurs engagements. En atteste l’élaboration d’indicateurs de performance
pour mesurer et contrôler l’efficacité des mesures mises en œuvre par les pays industrialisés sur le transfert de technologies.
Si les pays en développement n’ont pas obtenu la création d’un mécanisme financier spécifique sur le transfert de technologie, les conditions existent maintenant pour identifier les besoins précis en financement pour accéder à des technologies propres. Un programme stratégique est créé sous le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). L’heure est donc
à l’évaluation, sur la base des projets existants au sein du FEM et des autres Fonds de la Convention climat, des besoins
nouveaux et des priorités stratégiques pour le futur.
Malgré ces avancées, les attentes des pays en développement restent entières sur des questions telles que le financement de ces technologies et l’appui à leur utilisation, les droits de propriété intellectuelle et les outils tels que les licences
obligatoires utilisées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les produits pharmaceutiques.
L’utilisation de ce type d’outils pourrait faciliter le transfert de technologies sobres en carbone et en énergie. La Chine et
l’Inde en particulier ne manqueront pas de le rappeler, au sein de la Convention climat comme à l’OMC.
Infos de serre n°56 - Janvier 2008 - page 2
Déforestation : un pas un avant !
Le mécanisme de réduction des émissions issues de la
déforestation dans les pays en développement (REDD pour
Reducing emissions from deforestation and degradation in
developing countries) a été un sujet phare à Bali.
La déforestation, qui représente 18 à 25% des émissions
mondiales de gaz à effet de serre (GES), est un enjeu
important à intégrer dans le régime global de négociation
après 2012, comme l’ont demandé, il y a deux ans, la
Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Costa Rica. Ces deux
dernières années ont donc vu se succéder des ateliers
d’experts pour aboutir à un texte qui a été négocié à Bali.
La décision finale de la COP va
permettre de développer des
projets pilotes qui serviront de
base aux projets officiels après
2012. Ils seront financés par des
contributions volontaires, via un
fonds de la banque mondiale
spécialement dédié à ces activités, le Forest Carbon
Partnership Facility. La Norvège a également annoncé
qu’elle mobiliserait 500 millions de dollars par an sur 5 ans
pour lutter contre la déforestation.
Une des question importante, qui portait sur le choix du
mode de financement (marché carbone ou fonds alimenté volontairement ou non - par les pays industrialisés), à été
renvoyé au second plan. Plusieurs autres thématiques ont
fait débat :
° l’inclusion de la dégradation dans le mécanisme, a été
validé. La dégradation (augmentation des émissions de la
forêt sans diminution de la canopée) peut en effet avoir un
impact important sur les émissions de GES et être un prélude à la déforestation complète.
° le respect des droits des populations autochtones pour
éviter les violations des droits locaux et les conflits fonciers,
est mentionné dans le texte final.
° la conservation des forêts et l’augmentation des stocks de
carbone (comme les plantations) ne réduisent pas les émissions et pose la question de la légitimité d’être traité sous la
Convention climat. Elle sont finalement mentionnées dans
le texte.
Ces avancées montrent que la Communauté Internationale
prend à cœur la question de la déforestation et de la dégradation et permettent d’intégrer les pays en développement
dans un mécanisme important du régime international pour
après 2012.
Cependant, même si l’approche par projets doit converger
vers une approche nationale, plus à même d’éviter les fuites
entre projets (baisse de la déforestation dans une zone
mais augmentation dans une autre sans faire diminuer les
émissions globales), la méthodologie, et notamment l’établissement de scénarios de référence et d’indicateurs permettant d’évaluer le succès des politiques de lutte contre la
déforestation, reste à préciser. Des rencontres d’experts
sont prévues cette année.
Finalement, pour lutter efficacement contre la déforestation,
il est nécessaire que les pays industrialisés s’interrogent sur
la cohérence de leurs politiques agricoles et notamment
dans le domaine des agrocarburants, afin de ne pas détruire d’une main ce qu’ils construisent de l’autre !
Side Event du RAC-F
Adaptation, énergie et déforestation évitée :
propositions communes des ONG francophones
Lors de la conférence de Bali, le RAC-F et ENDA ont participé, dans le cadre du projet
de renforcement de capacité des ONG francophones, au side event de l’Institut de
l'Énergie et de l'Environnement de la Francophonie (IEPF).
L’exposé avait pour but de présenter le travail accompli en 2007 pour renforcer les
connaissances des ONG francophones dans le contexte des négociations climat après2012, en se focalisant sur 3 sujets clés : l’adaptation aux changements climatiques, l’accès à l’énergie dans les pays africains et la déforestation évitée.
Ont suivies, les presentations de l’association Sylva sur l’impact des changements climatiques sur l’agriculture en Arique et de Pierre Radanne sur une feuille de route pour l’apres 2012 avec un scenario
gagnant pour les pays en développement.
Les exposés ont laissé la place aux questions. De nombreux négociateurs africains étaient présents et se sont intéressés aux revendications des ONG pour les futures négociations climat. La conclusion de ce side-event a été de réaffirmé le besoin d’expertise et de position commune sur des sujets complexes et multilatéraux
comme ceux des négociations internationales.
Le RAC-F souhaite continuer le travail commencé et d’autres
projets verront peut-être le jour dans les années à venir.
Télécharger l’étude du RAC-F, ENDA et Equiterre au format PDF sur
www.rac-f.org/article.php3?id_article=1312
Infos de serre n°56 - Janvier 2008- page 3
Une bonne nouvelle sur le front de l’adaptation !
Une des bonnes nouvelles de Bali est venu en direction du
Fonds pour l’adaptation du protocole de Kyoto, qui est enfin
devenu opérationnel ! Les pays Parties au Protocole se
sont mis d’accord sur la gouvernance du fonds, dernier
point de blocage pour sa mise en oeuvre. Cela signifie que
des projets concrets en matière d’adaptation vont enfin pouvoir être financés.
Selon un rapport du Secrétariat de la Convention, de 80 à
300 millions de dollars par an devraient transités par le
Fonds pour l’adaptation entre 2008 et 2012.
Bien évidemment, ces montants seront fonction de la quantité d’unités de réduction d’émissions certifiées émises par
le Conseil exécutif du Mécanisme de Développement
Propre (MDP) et du prix de la tonne de carbone.
Le Fonds pour l’adaptation sera supervisé et géré par un
Conseil, en charge d’élaborer des priorités politiques et des
lignes directrices stratégiques. Les décisions seront adoptées par la Réunion des Parties au protocole de Kyoto
(MOP) : décision des projets et de l’allocation des financements, assurance du suivi et de l’évaluation de la mise en
œuvre des activités et monétarisation des unités de réduction certifiée des émissions délivrées par le Conseil exécutif du MDP.
Dans ce Conseil, les petits Etats insulaires et les pays les
moins avancés, pays les plus vulnérables aux changements climatiques, auront chacun un siège en plus de ceux
prévus pour les pays en développement. Le Conseil sera
appuyé pendant une période intérimaire (jusqu’en 2010)
par un secrétariat - le Fonds pour l’environnement mondial
(FEM) et par la Banque mondiale.
Le FEM, qui avait cristallisé les oppositions lors de la 2e
Réunion des Parties au protocole de Kyoto au Kenya en
2007, est finalement réduit à un rôle essentiellement administratif et très peu politique.
Si le Fonds pour l’adaptation est opérationnel, les montants
disponibles restent néanmoins très inférieurs aux besoins
en matière d’adaptation, estimés à plusieurs dizaines de
milliards d’ici 2030. Les financements dégagés par la
coopération bilatérale ne permettront pas non plus de combler ces besoins. Autre point noir, l’incertitude concernant la
suite du MDP après 2012. Ce double constat plaide pour la
mise au point de financements innovants et l’extension de
la taxe du Fonds aux autres mécanismes de flexibilité du
Protocole.
La signature d’un accord en 2009 sur les engagements
futurs des pays industrialisés pour l’après-2012, incluant le
MDP, sera aussi vitale. Au-delà des enceintes onusiennes,
le monde du développement est aussi interpellé pour
concevoir des programmes et des projets prenant en compte les défis en matière d’adaptation.
Retrouvez la rubrique dédiée à la conférence de Bali sur le
site Internet du RAC-F :
Publication nationale
www.rac-f.org/rubrique.php3?id_rubrique=341
- Dix ans de Kyoto : bilan et perspectives (document PDF- 20 p.)
- Revue de presse
- Point de vue du RAC-F
- Bulletin quotidien des ONG : ECO, réalisé en direct de Bali
- Fossile du Jour : remise du prix quotidien des ONG aux Etats
contre-productifs lors de la conférence de Bali
Retrouver toutes les décisions de la Conférence de Bali sur le
site Internet de l’UNFCCC :
http://unfccc.int/meetings/cop_13/items/4049.php
Infos de serre
Ce numéro spécial d’Infos de Serre a été rédigé par :
Morgane Créach (RAC-F),
Diane Vandaele (RAC-F),
Benoit Faraco (Fondation Nicolas Hulot)
Anne Chetaille (GRET)
Responsable du journal : S. Mathy
Rédactrice en chef : D. Vandaele
Abonnements : [email protected]
http://www.rac-f.org
Face à la menace climatique,
l’illusion du nucléaire.
Ce livret inter-associatif (RAC-F, Réseau Sortir du
Nucléaire, FNE, Amis de la Terre, Greenpeace, WWF, Agir
pour l’environnement) présente une série de fiches-arguments : Non, le nucléaire n’est pas une solution au dérèglement climatique.
Au contraire, il constitue un frein aux politiques nécessaires
tant au niveau mondial que français. Ce document a pour
but de sensibiliser les citoyens et de trouver de nouvelles
raisons de préconiser la sobriété et l’efficacité énergétique,
ainsi que le développement des énergies renouvelables.
Ces arguments toucheront, nous l’espérons, des décideurs
français trop souvent enclins à
préférer le nucléaire, même
contre l’intérêt de la planète.
Ouvrage de 64 pages, couleur.
Prix d’achat : 5 euros + frais de
port
Commande : [email protected] 01 48 58 83 92
Infos de serre n°56 - Janvier 2008 - page 4

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