Notions de cohérence du rayonnement
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Notions de cohérence du rayonnement
Chapter 2 Notions de cohérence du rayonnement 2.1 Introduction: rayonnements cohérents et incohérents En optique physique on dénit habituellement la cohérence d'un rayonnement à partir de son aptitude à produire des phénomènes d'interférence. Cette notion de cohérence et d'interférence découle bien sûr à la nature ondulatoire de la lumière, que l'on a décrit jusqu'ici par la vibration ψ(~r, t), dont le carré du module |ψ(~r, t)|2 donne l'éclairement observable. Cette vibration est solution d'une équation de propagation, dont on peut montrer qu'elle a pour propriété que sa connaissance sur une surface Σ de l'espace ψΣ (~r, t) détermine sa valeur ψ(r~0 , t0 ) pour tout r~0 et pour tout t0 . Cette description est en fait une idéalisation correspondant au cas d'un rayonnement "parfaitement cohérent". En fait, il n'y a guère que certaines sources laser qui, un peu comme les émetteurs radio, produisent un rayonnement électromagnétique auquel on peut associer un champ électrique (et/ou magnétique) unique du type ψ(~r, t). En réalité dans la plupart des sources de lumière "classiques" telles que les lampes, le rayonnement est émis de manière indépendante par les diérents atomes de la source, l'ensemble produisant une superposition incohérente de champs cohérents. Car fondamentalement le champ électrique émis par un atome donné uctue de manière aléatoire. C'est cette uctuation qui est à l'origine de "l'incohérence" plus ou moins grande du rayonnement. Il n'empêche que l'on peut observer dans certaines conditions des franges d'interférence (plus ou moins nettes, comme on va le voir) dans une expérience utilisant de telles sources, que l'on peut expliquer "comme si" le rayonnement était "cohérent". L'illusion provient du fait que ce n'est pas le champ que l'on mesure directement en optique, mais l'éclairement, valeur moyenne du carré du champ aléatoire. Dans ce chapitre nous allons donner quelques indications permettant de 19 Figure 2.1: Diérents types de uctuations pouvant aecter une onde quasimonochromatique. On imagine que toutes peuvent coexister et se superposer: En particulier un "glissement de phase" implique une uctuation de fréquence. 20 comprendre dans quelles conditions une source "incohérente" peut être considérée comme "cohérente". Nous allons pour cela raisonner sur le cas particulier simple des "trous d'Young" éclairés par une source assimilable à une assemblée d'atomes émettant chacun un rayonnement "quasi-monochromatique". On entend par "quasi-monochromatique" un rayonnement qui ressemble à une vibration sinusoïdale de fréquence angulaire ω (à laquelle on peut associer une longueur d'onde λ = 2πc/ω et un module de vecteur d'onde k = ω/c) modulée par des uctuations (cf Fig.2.1). Ces uctuations peuvent être de diérentes natures: amplitude, fréquence, phase, mais on admet qu'elles peuvent être caractérisées par un temps caractéristique d'évolution τc . Le plus souvent on conçoit plutôt ce temps caractéritique comme une durée de stabilité, et on parle de "durée de corrélation", mais c'est exactement le même concept. Comme on l'a dit avant, ces uctuations se produisent le plus souvent de manière indépendante pour les diérents atomes, et c'est seulement dans le cas des lasers qu'un mécanisme spécial, "l'emission stimulée", permet de synchroniser les uctuations du rayonnement émis par les diérents atomes, qui émettent alors de manière collective un rayonnement "cohérent". 2.2 Trous d'Young éclairés par un atome émetteur unique On considère donc le cas où un "atome" unique ponctuel placé en P à égale distance des trous A1 et A2 émet des ondes sphériques sous la forme de "trains d'onde" de longueur lc incohérents entre eux (aucune relation de phase entre eux)1 . On observe l'éclairement au point M sur l'écran (cf Fig.2.2). Chaque trou se comporte comme une source secondaire émettant une onde sphérique cohérente avec l'onde émise depuis P . La vibration optique reçue en M s'écrit: ψ(M ) ∝ eikA1 M + eikA2 M = eikA1 M .[1 + eik(A2 M −A1 M ) ] et l'éclairement: I(M ) ∝ |1 + eik(A2 M −A1 M ) |2 = (1 + cos)2 + sin2 = 2[1 + cos k(A2 M − A1 M )] Dans le cas où a << D on a (A2 M − A1 M ) ∼ aX/D, où X est l'abscisse du point M comptée à partir du point O situé sur l'axe de symétrie, et: I(M ) = I0 [1 + cos 1 2πaX ] λD C'est une représentation simpliée de la réalité qui ignore la nature quantique du champ émis par un atome 21 Ceci n'est valable que si les trains d'onde arrivant en M et interférant ont été émis au même instant de P , c'est à dire si A2 M − A1 M < lc . Sinon il faut introduire un facteur correspondant au déphasage φ entre les trains d'onde: ψ(M ) ∝ eikA1 M + eikA2 M .eiφ et: 2πaX + φ)] λD Dans la mesure où φ varie aléatoirement en prenant toutes le valeurs possibles de manière uniforme, le cos varie aléatoirement entre −1 et +1 et la valeur moyenne dans le temps de l'éclairement, qui est ce qu'on observe en pratique vaut: < I(M ) >temps = I0 I(M ) = I0 [1 + cos( l'éclairement est uniforme et on n'observe pas d'interférences. Il est intéressant de noter que cette condition d'observation des interférences, permettant d'assimiler la source à une source "cohérente", A2 M − A1 M < lc peut s'écrire aussi ∆t < τc où ∆t est la diérence des temps de parcours de la lumière entre les chemins A1 M et A2 M . On peut montrer en théorie du signal que ce "temps de corrélation" τc est relié à la largeur ∆ν du "spectre" du rayonnement émis par la source ponctuelle placée en P , qu'on peut le mesurer avec un "spectromètre": τc ∼ 1 ∆ν qui rappelle les "relations d'incertitude" de la mécanique quantique 2,3. 2.3 Source ponctuelle contenant plusieurs atomes indépendants Dans ce cas chacun des atomes émet ses trains d'onde indépendemment des autres. On observe la superposition des éclairements résultant des interférences produites par chacun des atomes. Cependant s'ils émettent depuis la même position des trains d'onde de mêmes caractéristiques (fréquence 2 Le fait qu'un temps de corrélation ni puisse être en relation avec le spectre peut se concevoir par le fait qu'un "glissement de phase" tel que montré sur la Fig. 2.1 impose que la fréquence du rayonnement change. Une autre façon de voir les choses est de réaliser que la gure d'interférences observée avec un éclairement qui n'est pas parfaitement monochromatique est la superposition des gures d'interférence formées par chaque longueur d'onde présente dans le spectre: ces interférences se brouillent lorsque la diérence de marche est telle qu'elle conduit à des déphasage diérents de π pour les longueurs d'onde marquant les limites inférieure er supérieure du spectre 3 Noter que le "spectre" d'un rayonnement ne dénit pas complètement ses caractéristiques; ainsi deux rayonnements ayant des dépendances temporelles diérentes ψ1 (t) et ψ2 (t) peuvent avoir le même spectre (cf Cours de maths) 22 Figure 2.2: Schéma de l'expérience des trous d'Young éclairés par une source ponctuelle. Cette source émet des "trains d'onde" de longueur lc (ou de "durée" τc = lc /c, incohérents entre eux. On n'observera sur l'écran en M des franges d'interférences stables d'un train d'onde à l'autre que si ce sont des trains d'onde émis au même instant qui interfèrent. Il faut pour cela que A1 M-A2 M soit plus petit que lc 23 Figure 2.3: Schéma de l'expérience des trous d'Young éclairés par une source étendue. moyenne et durée de corrélation) ces gures d'interférence sont identiques, et tout se passe comme si on n'avait qu'un seul émetteur. 2.4 Source étendue On se place maintenant dans le cas où diérents atomes sont disposés à diérents endroits, répartis uniformément sur un segment de droite P1 P2 de longueur d perpendiculaire et symétrique par rapport à l'axe optique (Fig. 2.3) Chaque atome situé au point P d'abscisse x produit sa propre gure d'interférence. Ceux situés en x = 0 produisent une répartition d'éclairement (cf précédemment): 2πaX Ix=0 (X) = I0 (1 + cos ) λD Ceux situés à l'abscisse x produisent une répartition d'éclairement simi- 24 laire, mais décalée, centrée autour de l'abscisse Xx : Ix (X) = I0 (1 + cos 2πa(X − Xx ) ) λD En supposant |x| << R on a Xx ∼ −xD/R, et la répartition d'intensité résultant de la superposition des gures d'interférences produites par tous les atomes répartis entre x = −d/2 et x = +d/2 s'écrit: Z Itotal (X) = K d/2 −d/2 soit: Itotal (X) = KI0 [x + Itotal (X) = KI0 d[1 + 2πa(X + xD/R) )dx λD I0 (1 + cos sin( 2πa λD (X + 2πa D λD R sin( 2πa λD (X + xD R )) d/2 ]−d/2 aD R )) − sin( 2πa λD (X − 2πa d( λR ) aD R )) ] qui se réduit à Itotal (X) = KI0 d[1 + cos 2πaX sin πad λR ] πad λD λR que l'on peut réécrire: Itotal (X) = KI0 d[1 + cos 2πaX × C] λD Cette expression correspond à une gure d'interférence de contraste atténué par le facteur C lié à l'extension spatiale de la source (C = 1 pour une source ponctuelle). Ce facteur C reste de l'ordre de l'unité tant que πda/λR < π soit a < λR/d = λ/∆θ où on fait apparaître l'angle ∆θ sous lequel on voit la source étendue. Cette quantité δ = λ/∆θ représente la distance suivant laquelle "tout se passe comme si" on avait aaire à une source ponctuelle, on l'appelle "largeur de cohérence"; elle dépend à la fois de la source et de l'endroit où l'on se trouve. 2.5 Conclusion Nous avons donc introduit deux longueurs caractéristiques permettant de dénir les conditions dans lesquelles une source lumineuse peut être considérée comme émettant un rayonnement "cohérent", c'est à dire descriptible en pratique en ce qui nous concerne par une vibration du type ψ(r, t) = ψ0 exp i[φ(r) − ωt]: La première est la "longueur de cohérence" δc , la seconde est la "largeur de cohérence" δ . Ainsi: 25 C 1 0 λR/d λ 2 R/d Figure 2.4: Variation du facteur C = πad λR πad λR sin λ 3 R/d λ 4 R/d a donnant le contraste des franges d'Young en fonction de la distance entre les trous A1 et A2 . -Les vibrations lumineuses issues d'une source pourront être considérées comme cohérentes si leur diérence de marche depuis cette source est plus petite que δc -Les vibrations lumineuses en deux points d'une surface perpendiculaire à la direction d'émission peuvent être considérées comme cohérentes si leur distance mutuelle est plus petite que δ . 26