1 CHARLES DE GAULLE SOBRE A EUROPA URL : http://www

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1 CHARLES DE GAULLE SOBRE A EUROPA URL : http://www
História das Ideias na Europa Contemporânea
Faculdade de Letras da Universidade de Lisboa
Citations du général de Gaulle sur l'Europe
1
CHARLES DE GAULLE
SOBRE A EUROPA
URL :
http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiersthematiques/de-gaulle-et-le-monde/de-gaulle-etlrsquoeurope/documents/citations-du-general-de-gaulle-sur-l-europe.php
Citations du général de Gaulle sur l'Europe
Quelques citations du général de GAULLE à propos de l'Europe, Espoir
n°76, 1991
AVANT-PROPOS par François GOGUEL
Les textes qui suivent sont ceux de trois communications présentées en
novembre 1990, aux Journées Internationales « De Gaulle en son siècle » par
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les professeurs Horst Môller, Irvin M. Wall et Richard F. Kuisel. Pour en
apprécier l'intérêt et la signification, il paraît utile de les placer dans le cadre de
la conception que le Général avait de « l'Union de l'Europe ».
Conception qui a été exposée avec une parfaite clarté dans l'article de Maurice
Couve de Murville sur « De Gaulle et la fin de l'Europe de Yalta » qui a été
publié dans le n° 70 d'Espoir, en mars 1990.
Selon Charles de Gaulle, toutes les nations européennes, celles de l'Est
comme celles de l'Ouest, avaient vocation à participer à une telle union. Celleci devrait respecter la souveraineté de chacun des Etats qui en seraient
membres, tout en assurant dans tous les domaines leur coopération. Enfin,
l'Union de l'Europe n'aurait de sens que dans une entière indépendance à
l'égard des Etats-Unis d'Amérique.
A la lecture de cet article de Maurice Couve de Murville, il m'est apparu que,
pour bien comprendre les communications qui vont suivre, il conviendrait
d'ajouter celle de certains textes écrits ou prononcés par Charles de Gaulle luimême. On pourra constater que ces textes confirment entièrement ce qu'a
exposé dans Espoir, en 1990, celui à qui, pendant dix années, le Général a
confié la direction des Affaires Etrangères de la France.
Tel est l'objet des citations qu'on va lire.
Extraits des Mémoires d'Espoir Tome 1, Plon, 1970.
Pages 181-182 :
« ...Pour moi j'ai, de tous temps, mais aujourd'hui plus que jamais, ressenti ce
qu'ont en commun les nations qui la peuplent. Toutes étant de même race
blanche, de même origine chrétienne, de même manière de vivre, liées entre
elles depuis toujours par d'innombrables relations de pensée, d'art, de science,
de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu'elles en viennent à
former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son organisation.
C'est en vertu de cette destination de l'Europe qu'y régnèrent les Empereurs
romains, que Charlemagne, Charles Quint, Napoléon, tentèrent de la
rassembler, qu'Hitler prétendit lui imposer son écrasante domination.
Comment, pourtant, ne pas observer qu'aucun de ces fédérateurs n'obtint des
pays soumis qu'ils renoncent à être eux-mêmes ?
Au contraire, l'arbitraire centralisation provoqua toujours, par choc en retour, la
virulence des nationalités. Je crois donc qu'à présent, non plus qu'à d'autres
époques, l'union de l'Europe ne saurait être la fusion des peuples, mais qu'elle
peut et doit résulter de leur systématique rapprochement. Or, tout les y pousse
en notre temps d'échanges massifs, d'entreprises communes, de science et de
technique sans frontières, de communications rapides, de voyages multipliés.
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Ma politique vise donc à l'institution du concert des Etats européens, afin qu'en
développant entre eux des liens de toutes sortes grandisse leur solidarité. Rien
n'empêche de penser, qu'à partir de là, et surtout s'ils sont un jour l'objet d'une
même menace, l'évolution puisse aboutir à leur confédération.
En fait, cela nous conduit à mettre en oeuvre la Communauté économique des
Six ; à provoquer leur concertation régulière dans le domaine politique ; à faire
en sorte que certains autres, avant tout la Grande-Bretagne, n'entraînent pas
l'Occident vers un système atlantique qui serait incompatible avec toute
possibilité d'une Europe européenne, mais qu'au contraire ces centrifuges se
décident à faire corps avec le continent en changeant d'orientation, d'habitudes
et de clientèles ; enfin à donner l'exemple de la détente, puis de l'entente et de
la coopération avec les pays de l'Est, dans la pensée que, par-dessus les
partis pris des régimes et des propagandes, ce sont la paix et le progrès qui
répondent aux besoins et aux désirs communs des hommes dans l'une et dans
l'autre moitié de l'Europe accidentellement brisée. »
pages 182-183 :
« Au coeur du problème et au centre du continent, il y a l'Allemagne. (...)
comment imaginer qu'une paix véritable et durable se fonde sur des bases
telles que ce grand peuple ne puisse s'y résigner, qu'une réelle union du
continent s'établisse sans qu'il y soit associé, que de part et d'autre du Rhin
soit dissipée l'hypothèque millénaire de la ruine et de la mort tant que se
prolongerait l'inimitié d'autrefois ? ».
page 183 :
« ...j'estime nécessaire qu'elle (l'Allemagne) fasse partie intégrante de la
coopération organisée des Etats, à laquelle je vise pour l'ensemble de notre
Continent. Ainsi serait garantie la sécurité de tous entre l'Atlantique et l'Oural et
créé dans la situation des choses, des esprits et des rapports un changement
tel que la réunion des trois tronçons du peuple allemand y trouverait sans
doute sa chance. »
pages 187-188 :
« ...Pour Adenauer, non plus que pour moi, il ne saurait être question de faire
disparaître nos peuples, leurs Etats, leurs lois, dans quelque construction
apatride... »
page 200 :
« ...comme c'était à prévoir, on vérifie que pour aller à l'union de l'Europe, les
Etats sont les seuls éléments valables, que si l'intérêt national est en cause
rien ni personne ne doit pouvoir leur forcer la main et qu'aucune voie ne mène
nulle part sinon celle de leur coopération. »
page 207 :
« ...si les Occidentaux de l'Ancien Monde demeurent subordonnés au
Nouveau, jamais l'Europe ne sera européenne et jamais non plus elle ne
pourra rassembler ses deux moitiés. »
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pages 211-212 :
« ...Si nos voisins ont refusé de suivre l'appel de la France pour l'union et
l'indépendance d'une Europe européenne, c'est quelque peu pour cette raison
que, suivant leur tradition, ils redoutent notre primauté, mais c'est surtout parce
que, dans l'état de guerre froide où se trouve l'univers, tout passe pour eux
après le désir d'avoir la protection américaine. Or, sur ce point, notre
appréciation n'est pas la même que la leur. Eux voient encore les choses
comme elles étaient il y a quinze ans. Nous les voyons autrement.
Sans doute, après Yalta qui permettait à la Russie de Staline de s'adjoindre
d'office, lors de l'effondrement du Reich, l'Europe centrale et les Balkans,
pouvait-on redouter que le bloc soviétique voulût s'étendre plus loin. Dans
l'hypothèse d'une telle agression, les Etats occidentaux du Continent n'auraient
pu, par eux-mêmes, lui opposer une résistance assez puissante. L'organisation
franco-britannique de défense européenne, ébauchée en 1946 et qui
comportait le commandement unique du Maréchal Montgomery, n'y eût
évidemment pas suffi. Rien ne fut donc plus justifié et, peut-être, plus salutaire
que le concours américain, qui en vertu du Plan Marshall mettait l'Europe de
l'Ouest à même de rétablir ses moyens de production et lui évitait ainsi de
dramatiques secousses économiques, sociales et politiques, tandis que grâce
à l'armement atomique était assurée sa couverture. Mais une conséquence
quasi inévitable avait été l'institution de l'OTAN., système de sécurité suivant
lequel Washington disposait de la défense, par conséquent de la politique et,
même, du territoire de ses alliés. »
pages 212-213 :
« ...Or, en 1958, j'estime que la situation générale a changé par rapport à ce
qu'elle était lors de la création de l'O.T.A.N. Il semble maintenant assez
invraisemblable que, du côté soviétique, on entreprenne de marcher à la
conquête de l'Ouest, dès lors que tous les Etats y ont retrouvé des assises
normales et sont en progrès matériel incessant. Le communisme, qu'il surgisse
du dedans ou qu'il accoure du dehors, n'a de chances de s'implanter qu'à la
faveur du malheur national. Le Kremlin le sait fort bien. Quant à imposer le
joug totalitaire à trois cents millions d'étrangers récalcitrants, à quoi bon s'y
essayerait-il, alors qu'il a grand-peine à le maintenir sur trois fois moins de
sujets satellites ?
Encore faut-il ajouter que, suivant l'éternelle alternance qui domine l'histoire
des Russes, c'est aujourd'hui vers l'Asie, plutôt que vers l'Europe, qu'ils doivent
tourner leurs soucis à cause des ambitions de la Chine et pourvu que l'Ouest
ne les menace pas. Par-dessus tout, quelle folie ce serait pour Moscou,
comme pour quiconque, de déclencher un conflit mondial qui pourrait finir à
coups de bombes, par une destruction générale ! Mais, si on ne fait pas la
guerre, il faut, tôt ou tard, faire la paix. Il n'y a pas de régime, si écrasant qu'il
soit, capable de maintenir indéfiniment en état de tension belliqueuse des
peuples qui pensent qu'ils ne se battront pas. Tout donne donc à croire que
l'Est ressentira de plus en plus le besoin et l'attrait de la détente.
Du côté de l'Occident, d'ailleurs, les conditions militaires de la sécurité sont
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devenues, en douze ans, profondément différentes de ce qu'elles avaient été.
Car, à partir du moment où les Soviets ont acquis ce qu'il faut pour exterminer
l'Amérique, tout comme celle-ci a les moyens de les anéantir, peut-on penser
qu'éventuellement les deux rivaux en viendraient à se frapper l'un l'autre, sinon
en dernier ressort ? Mais qu'est-ce qui les retiendrait de lancer leurs bombes
entre eux deux, autrement dit sur l'Europe centrale et occidentale ? Pour les
Européens de l'Ouest, l'O.T.A.N. a donc cessé de garantir leur existence. Mais,
dès lors que l'efficacité de la protection est douteuse, pourquoi confierait-on
son destin au protecteur ? »
page 214 :
« Mon dessein consiste donc à dégager la France, non pas de l'alliance
atlantique que j'entends maintenir à titre d'ultime précaution, mais de
l'intégration réalisée par l'O.T.A.N. sous commandement américain ; à nouer
avec chacun des Etats du bloc de l'Est et, d'abord, avec la Russie des relations
visant à la détente, puis à l'entente et à la coopération ; à en faire autant, le
moment venu, avec la Chine ; enfin, à nous doter d'une puissance nucléaire
telle que nul ne puisse nous attaquer sans risquer d'effroyables blessures.
Mais, ce chemin, je veux le suivre à pas comptés, en liant chaque étape à
l'évolution générale et sans cesser de ménager les amitiés traditionnelles de la
France. »
Extraits des Discours et Messages Tome V, Plon, 1970.
pages 42-43 :
Réponse au toast adressé par S.E. M.N.V. Podgorny, Président du
Présidium du Soviet Suprême de l'URSS, le 20 juin 1966 à Moscou
« ...Nous, Français, vous rendons visite, convaincus qu'il y a lieu de resserrer
et de multiplier, dans tous les domaines, les rapports de nos deux pays. Nous
pensons, en effet, que leur coopération plus directe et plus étendue doit aider
l'Europe à prendre le chemin de l'union et le monde celui de l'équilibre, du
progrès et de la paix.
Or, n'est-ce pas de cela qu'il s'agit pardessus tout ? Certes, sous les régimes
vraiment très différents qu'ont institués chez eux les vicissitudes très diverses
de leur existence nationale et internationale, les peuples modernes, tous
semblablement en cette ère industrielle, poursuivent les buts et se soumettent
aux lois de la même civilisation mécanique et scientifique et, de ce fait, ont en
réalité, pour se comprendre et pour collaborer, plus de raisons que jamais.
Mais d'autres conditions contrarient ces perspectives. La guerre mondiale, telle
qu'elle fut déchaînée et conduite par l'ambition que l'on sait, a causé dans
l'univers, et tout d'abord en Europe, un ébranlement et des déchirements qui
ne sont pas encore réparés.
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D'autre part, l'accroissement soudain de la puissance relative de deux grands
Etats, l'Amérique et l'Union Soviétique, ainsi que l'opposition de leurs
idéologies respectives, les ont conduits à la rivalité, tandis qu'autour d'eux
leurs voisins étaient répartis en deux blocs et que la guerre froide s'étendait
sur le monde. Enfin, les armements nucléaires réalisés de part et d'autre, bien
que leur effrayant potentiel porte leurs détenteurs à la circonspection, n'en
maintiennent pas moins entre eux une atmosphère de crainte et de méfiance
qui les détourne de se rapprocher.
On ne saurait en rester là. Sans doute, la coexistence pacifique actuellement
pratiquée a-t-elle atténué ce que l'état de tension permanente entre l'Est et
l'Ouest avait d'immédiatement dangereux. Mais la situation n'en demeure pas
moins précaire et, d'ailleurs, les événements qui surviennent à l'extérieur des
deux camps, notamment la guerre qui sévit en Asie, ne laissent pas de le
démontrer. C'est pourquoi la France, pour sa part, ne s'accommode pas de
cette confrontation rigide de deux organisations. Sans qu'elle cesse, bien au
contraire, d'être par excellence un pays de liberté et une nation occidentale,
elle voudrait que le charme malfaisant soit rompu et que, tout au moins pour ce
qui la concerne, se déclenche avec les Etats européens dits « de l'Est » la
mise en oeuvre de rapports nouveaux visant à la détente, à l'entente et à la
coopération.
Bien entendu, c'est en premier lieu avec l'Union Soviétique qu'elle souhaite y
parvenir. Les raisons de ce choix primordial sont évidentes. La Russie est, en
effet, à tous égards, la puissance principale de la région du monde où elle se
trouve située. D'autre part, elle apparaît à la France comme un interlocuteur
avec lequel la compréhension et la collaboration sont éminemment naturelles.
Il y a là une réalité politique et affective aussi ancienne que nos deux pays, qui
tient à leur histoire et à leur géographie, au fait qu'aucun grief fondamental ne
les opposa jamais, même au temps de « Guerre et Paix » ou à l'époque de
Sébastopol, enfin à des affinités qui se manifestent clairement, aussi bien au
niveau de leurs élites, intellectuelles, littéraires, artistiques et scientifiques,
qu'entre leurs peuples eux-mêmes. Il va de soi que leur alliance au cours des
guerres mondiales et, notamment, la part capitale que l'Union Soviétique prit à
la victoire décisive qui couronna la Deuxième n'ont fait que renforcer, chez les
Français, le sentiment de cette solidarité. Bref, puisqu'il s'agit de faire évoluer
dans le bon sens la situation internationale, Paris, pour en parler à l'Est,
s'adresse nécessairement à Moscou.
D'autant plus que, pour la France, sans qu'elle méconnaisse aucunement le
rôle essentiel que les Etats-Unis ont à jouer dans la pacification et la
transformation du monde, c'est le rétablissement de l'Europe en un ensemble
fécond, au lieu qu'elle soit paralysée par une division stérile, qui en est la
première condition. Aussi, l'entente entre des Etats jusqu'à présent
antagonistes est-elle surtout, suivant les Français, un problème européen.
C'est le cas pour les échanges intellectuels et matériels qui favorisent les
progrès communs. C'est le cas pour le règlement qui, un jour, devra fixer le
sort de l'ensemble de l'Allemagne et la sécurité de notre continent. C'est le cas
pour ce qui doit être fait afin que l'Asie, l'Amérique latine et l'Afrique soient,
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elles aussi, assurées de la paix et, en outre, aidées dans les efforts qu'elles
déploient pour leur propre mise en valeur.
En attendant que l'Europe tout entière en vienne à se concerter au sujet des
voies et moyens qui la mèneraient vers ces buts nécessaires, tout, nous
semble-t-il, engage la France et l'Union Soviétique à le faire entre elles dès à
présent. »
pages 212-213 :
Discours prononcé devant la Diète polonaise, le 11 septembre 1967
« ...que viennent à s'établir entre tous, de l'Atlantique à l'Oural, une politique et
une pratique délibérées de détente, d'entente et de coopération, il y aurait
alors toutes chances pour que, dans les conditions et l'atmosphère nouvelles
qui seraient ainsi créées, les peuples européens puissent aborder en commun
et régler eux-mêmes les questions qui sont de leur ressort, parmi lesquelles la
principale est le destin du peuple allemand.
La France qui, comme la Pologne, est voisine de ce grand pays et a de tout
temps, surtout en ce siècle même, gravement souffert des ambitions
germaniques, entreprend cependant, après l'effondrement du Reich et dès lors
que l'Allemagne en renie les méfaits, d'avoir avec son voisin d'outre-Rhin de
francs rapports de réconciliation. En même temps, elle s'applique à renforcer
en tous domaines ses contacts cordiaux et constructifs avec les Etats de l'Est
et du Centre de l'Europe, comme elle le fait avec ceux de l'Ouest. Ne peut-on
espérer qu'ainsi se fonde progressivement, pour la sécurité commune, un
ordre européen auquel participeraient et que garantiraient solidairement tous
les pays du continent ? Mais, pour atteindre un tel but, ne faut-il pas que la
Pologne et la France suivent côte à côte la route qui y conduit ?
Au demeurant, une Europe qui ne serait plus divisée, de quel poids pèseraitelle pour soutenir et maintenir la paix dans toutes les parties du monde ! »
pages 332-335 :
Conférence de presse tenue au Palais de l'Elysée le 9 septembre 1968
« La division en deux blocs — vous savez ce que j'en pense depuis l'origine
— qui a été imposée à l'Europe à la faveur de ses déchirements, est pour elle
un malheur succédant aux autres malheurs. Cette division constitue, en effet,
pour les peuples de notre continent, un empiétement permanent sur leur droit à
l'indépendance, alors que chacun d'eux est, par excellence, capable de se
conduire lui-même. D'ailleurs, répartir les nations de l'Europe en deux camps,
dominés par deux rivaux, c'est empêcher que s'établissent normalement entre
elles les rapports économiques, culturels, humains, qui sont conformes à leur
nature et à leurs tendances millénaires, alors qu'à notre époque, où tout
dépend du développement moderne, ce sont la détente, l'entente et la
coopération, qu'exige leur intérêt commun. Enfin, la tension politique et
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militaire entretenue entre les unes et les autres met constamment la paix en
question. Il n'y a pas d'idéologie qui puisse justifier une situation aussi
artificielle et aussi dangereuse.
Cette situation, la France l'a, depuis l'origine, réprouvée. Ai-je besoin de
rappeler qu'à Moscou, en décembre 1944, j'ai, au sujet de la Pologne, refusé
de souscrire et de donner d'avance mon aval à la suzeraineté soviétique que
Staline allait lui imposer par le moyen du communisme et à travers un
gouvernement formé à sa discrétion ? Ai-je besoin de rappeler aussi, qu'en
1945, la France, bien qu'elle fût belligérante, en possession de sa
souveraineté, de son territoire, de son Empire, de ses armées, ne fut pas
conviée à Yalta, par entente calculée de Washington et de Moscou ; qu'avant
l'ouverture de la Conférence, j'en avais, par tous les moyens, contesté la
composition ; qu'une fois connues ses conclusions je ne les ai pas adoptées et
que, pour marquer publiquement mon désaccord, je ne me suis pas rendu aux
entretiens auxquels me convoquait spectaculairement Roosevelt ?
Je ne pouvais, en effet, accepter que le sort de l'Europe fût, en fait, fixé sans
l'Europe. D'autre part et quelles que fussent les vagues formules de principe
qui couvraient cette usurpation, je n'admettais pas, non plus, le droit suprême
de disposer des autres — ennemis ou alliés — que deux puissances, déjà
rivales, s'attribuaient d'office, chacune d'un côté de la ligne de démarcation
qu'ensemble elles avaient tracée à leurs troupes, livrant inévitablement à la
domination soviétique la partie centrale et orientale de notre continent et, du
coup, le coupant en deux. Si, par la suite, mon gouvernement a reconnu que
les faits étaient accomplis, faute de pouvoir les empêcher, il n'a jamais reconnu
qu'ils étaient justifiables ni justifiés.
Depuis 1958, nous, Français, n'avons pas cessé de travailler à mettre un terme
au régime des deux blocs. C'est ainsi que tout en pratiquant d'étroites relations
avec les pays de l'Ouest européen et en allant jusqu'à changer, à l'égard de
l'Allemagne, notre ancienne inimitié en cordiale coopération, nous nous
sommes progressivement détachés de l'organisation militaire de l'OTAN, qui
subordonne les Européens aux Américains. C'est ainsi que, tout en participant
au marché commun, nous n'avons jamais consenti pour les Six au système dit
« supranational » qui noierait la France dans un ensemble apatride et n'aurait
d'autre politique que celle du protecteur d'outre-Océan. C'est ainsi que notre
volonté de ne point risquer cette absorption atlantique est l'une des raisons
pour lesquelles, à notre grand regret, nous avons jusqu'à présent différé
l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'actuelle Communauté.
En même temps, tandis que nous rendions impossible chez nous l'avènement
du régime communiste, nous avons renoué avec les pays de l'Est, et d'abord
avec la Russie, des rapports pratiques grandissants. Par là, nous aidions,
certes, aux progrès économiques, scientifiques, techniques et culturels
communs, mais aussi nous favorisions la détente politique ; nous
recommencions à tisser, avec les pays de la Vistule, du Danube, des Balkans,
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les liens privilégiés qui, depuis bien des siècles nous ont unis à eux à tant
d'égards ; nous donnions à comprendre au grand peuple russe, dont au long
de l'Histoire le peuple français, par raison et par sentiment, estime qu'il est son
ami désigné, que l'Europe tout entière attend de lui bien autre chose et
beaucoup mieux que de le voir s'enfermer et enchaîner ses satellites à
l'intérieur des clôtures d'un totalitarisme écrasant.
Cela, qui peut le faire, sinon, d'abord, la France ? N'est-ce pas cela, d'abord,
qui répond à sa vocation ? Qu'attend-t-on d'elle, partout, au fond des âmes,
sinon, d'abord, cela ?
Voilà pourquoi les événements dont la Tchécoslovaquie vient d'être le théâtre
et la victime à l'intérieur du bloc communiste nous apparaissent comme
condamnables, notamment parce qu'ils sont absurdes au regard des
perspectives de détente européenne. Nous tenions pour le signe d'une
évolution favorable à l'Europe tout entière le fait que ce pays, que la France, il
y a cinquante ans, a plus que quiconque contribué à établir en Etat
indépendant, mais qui, en 1948, sortant à peine de la tyrannie nazie, s'est
trouvé incorporé au bloc soviétique par un coup de force communiste, marquait
son intention de reprendre dans une certaine mesure possession de lui-même
et de s'ouvrir quelque peu vers l'Occident. Au contraire, le retour à la
soumission exigé et obtenu des dirigeants de Prague par une intervention
armée sous le couvert de ce que les intéressés appellent « la solidarité
socialiste », et qui n'est rien que l'expression de l'hégémonie soviétique, étale
à nos yeux le maintien du bloc de l'Est et, par là, celui du bloc de l'Ouest dans
ce qu'ils ont de plus contraire à ce qui est dû à l'Europe.
Mais, en même temps, ce qui s'est passé en Tchécoslovaquie, je veux dire
l'élan de son peuple pour obtenir un début de libération, puis sa cohésion
morale vis-à-vis de l'occupant, enfin sa répugnance à accepter le retour à
l'asservissement, tout de même que la réprobation ressentie partout à l'Ouest
de notre continent devant le risque de voir revenir la guerre froide, démontrent
que notre politique, pour momentanément contrariée qu'elle paraisse, est
conforme aux profondes réalités européennes et, par conséquent, qu'elle est
bonne. Etant donné la marche des choses, et à moins qu'on en vienne à
changer, par un nouveau conflit mondial, toutes les données des problèmes,
l'évolution se poursuivra inéluctablement. Il est, en effet, trop tard pour que la
domination étrangère puisse acquérir, où que ce soit, l'adhésion des nations
lors même qu'elle a conquis leur territoire. Quant à les convertir, il est trop tard
pour qu'aucune idéologie, notamment le communisme, l'emporte sur le
sentiment national. Compte tenu de l'aspiration générale vers le progrès et
vers l'apaisement, il est trop tard pour réussir à diviser pour toujours l'Europe
en deux blocs opposés. C'est dire que la France, tout en se dotant des moyens
voulus pour rester elle-même et survivre quoi qu'il arrive, continuera à travailler
partout, et d'abord sur notre continent, d'une part pour l'indépendance des
peuples et la liberté des hommes, d'autre part pour la détente, l'entente et la
coopération, autrement dit pour la paix. »
De Gaulle a déclaré, Espoir n°26, 1979
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Le 23 février 1953 :
« Pour pouvoir aboutir à des solutions valables, il faut tenir compte de la
réalité. La politique n'est rien d'autre que l'art des réalités. Or, la réalité, c'est
qu'actuellement l'Europe se compose de nations. C'est à partir de ces nations
qu'il faut organiser l'Europe et, s'il y a lieu, la défendre ».
Et ensuite il précise :
« Sur la base de cette alliance, il faut bâtir une Confédération, c'est-à-dire un
organisme commun auquel les divers Etats, sans perdre leur corps, leur âme,
leur figure, délèguent une part de leur souveraineté en matière stratégique,
économique, culturelle.
Mais, à cette Confédération, on doit donner une base populaire et
démocratique. Ce sont les peuples qui ont à la créer. Encore faut-il le leur
demander. La première étape doit être un vaste référendum, organisé
simultanément dans tous les pays intéressés. Il y aura là, au surplus, une
grande force pour appuyer ceux qui veulent la communauté et une affirmation
vis-à-vis des Etats totalitaires au-delà du rideau de fer.
Mon opinion est que les institutions confédérales doivent comporter : le Conseil
des Premiers ministres ; une Assemblée procédant du suffrage universel et
une autre représentant les réalités régionales, économiques, intellectuelles,
morales, des Etats participants ; enfin une Cour, dont les membres,
inamovibles, seront choisis parmi des magistrats.
Ainsi se mettent à vivre en coopération régulière et organisée les peuples de
l'Europe. Le temps et les événements auront à faire ensuite le reste. Je crois
bien qu'ils le feront parce qu'à moins de catastrophes, en marchant vers l'unité
de l'Europe, on marche dans le sens de l'Histoire ».
On le voit de Gaulle n'envisage qu'une Confédération d'Etats et fait précéder
toute élection au suffrage universel (il ne précise pas si c'est suffrage direct ou
indirect) d'une Assemblée, d'un référendum « organisé simultanément dans
tous les pays intéressés ». De plus, De Gaulle envisage alors deux
Assemblées dont l'une « représenterait les réalités régionales, économiques,
intellectuelles, morales, des états participants ».
Il nous semble indispensable pour la clarté du débat de rappeler les plus
importantes et les plus récentes prises de position du général de Gaulle sur le
sujet.
Le 13 décembre 1959.
« L'essentiel, pour jouerun rôle international, c'est d'exister par soi-même, chez
soi. Il n'y a pas de réalité internationale qui ne soit d'abord une réalité nationale
».
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Le 5 septembre 1960. Conférence de presse.
« Encore une fois, il est tout naturel que les Etats de l'Europe aient à leur
disposition des organismes spécialisés pour les problèmes qui leur sont
communs, pour préparer et au besoin pour suivre leurs décisions, mais ces
décisions leur appartiennent. Elles ne peuvent appartenir qu'à eux et ils ne
peuvent les prendre que par coopération. Assurer la coopération régulière de
l'Europe occidentale, c'est ce que la France considère comme étant
souhaitable, comme étant possible et comme étant pratique, dans le domaine
politique, dans le domaine économique, dans le domaine culturel et dans celui
de la défense. Cela comporte un concert organisé régulier des Gouvernements
responsables et puis, aussi, le travail d'organismes spécialisés dans chacun
des domaines communs, organismes subordonnés aux Gouvernements ; cela
comporte la délibération périodique d'une assemblée qui soit formée par les
délégués des parlements nationaux et, à mon sens, cela doit comporter, le
plus tôt possible, un solennel référendum européen, de manière à donner à ce
départ de l'Europe le caractère d'adhésion et de conviction populaires qui lui
est indispensable ».
Le 15 mai 1962.
« Qu'est-ce que la France propose à ses cinq partenaires ? Je le répète une
fois de plus. Pour nous organiser politiquement, commençons par le
commencement. Organisons notre coopération. Réunissons périodiquement
nos Chefs d'Etat ou de Gouvernement pour qu'ils examinent en commun les
problèmes qui sont les nôtres et pour qu'ils prennent à leur égard des
décisions qui seront celles de l'Europe. Formons une commission politique,
une commission de défense et une commission culturelle, de même que nous
avons déjà une commission économique à Bruxelles qui étudie les questions
communes et qui prépare les décisions des six Gouvernements.
Naturellement, la commission politique et les autres procéderont, à cet égard,
dans des conditions propres aux domaines particuliers qui seront les leurs. En
outre, les ministres compétents à ces divers points de vue se réuniront chaque
fois qu'il le faudra pour appliquer de concert les décisions qui auront été prises
par le Conseil. Enfin, nous avons une Assemblée parlementaire européenne
qui siège à Strasbourg et qui est composée de délégations de nos six
Parlements nationaux. Mettons cette Assemblée à même de discuter des
questions politiques communes comme elle discute déjà les questions
économiques. Après expérience, nous verrons dans trois ans comment nous
pourrons faire pour resserrer nos liens. Mais, tout au moins, nous aurons
commencé à prendre l'habitude de vivre et d'agir ensemble. Voilà ce que la
France a proposé. Elle croit que c'est là ce qui peut être fait de plus pratique ».
Le 19 avril 1963. Conférence de presse.
« Tout système qui consisterait à transmettre notre souveraineté à des
aréopages internationaux serait incompatible avec les droits et les devoirs de
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la République française. Mais aussi, un pareil système se trouverait, à coup
sûr, impuissant à entraîner et à diriger les peuples et, pour commencer, le
nôtre, dans des domaines où leur âme et leur chair sont en cause. Cette
abdication des Etats européens, en particulier de la France, aboutirait
inévitablement à une sujétion extérieure. C'est, d'ailleurs, pour éviter une telle
inconsistance et, de ce fait, une telle dépendance, que nous tenons à voir
l'union de l'Europe constituée par des nations qui puissent et veuillent
réellement lui appartenir ».
Le 23 juillet 1964. Conférence de presse.
« Une Europe européenne signifie qu'elle existe par elle-même et pour ellemême, autrement dit qu'au milieu du monde elle ait sa propre politique. Or,
justement, c'est cela que rejettent, consciemment, ou inconsciemment, certains
qui prétendent cependant vouloir qu'elle se réalise. Au fond, le fait que
l'Europe, n'ayant pas de politique, resterait soumise à celle qui lui viendrait de
l'autre bord de l'Atlantique leur paraît, aujourd'hui encore, normal et
satisfaisant.
On a donc vu nombre d'esprits, souvent d'ailleurs valables et sincères,
préconiser pour l'Europe, non point une politique indépendante, qu'en vérité ils
n'imaginent pas, mais une organisation inapte à en avoir une, rattachée dans
ce domaine, comme dans celui de la défense et celui de l'économie, à un
système atlantique, c'est-à-dire américain, et subordonnée, par conséquent, à
ce que les Etats-Unis appellent leur « leadership ». Cette organisation,
qualifiée de fédérale, aurait eu comme fondements, d'une part un aréopage de
compétences soustraites à l'appartenance des Etats et qu'on eût baptisé «
Exécutif », d'autre part un Parlement sans qualifications nationales et qu'on eût
dit « Législatif ». Sans doute, chacun de ces deux éléments aurait-il fourni ce à
quoi il eût été approprié, savoir : des études pour l'aréopage et des débats
pour le Parlement. Mais, à coup sûr, aucun des deux n 'aurait fait ce qu'en
somme on ne voulait pas qu'il fasse, c'est-à-dire une politique. Car, si la
politique doit évidemment tenir compte des débats et des études, elle est tout
autre chose que des études et des débats.
La politique est une action, c'est-à-dire un ensemble de décisions que l'on
prend, de choses que l'on fait, de risques que l'on assume, le tout avec l'appui
d'un peuple. Seuls peuvent en être capables, et responsables, les
Gouvernements des nations. Il n'est certes pas interdit d'imaginer qu'un jour
tous les peuples de notre continent n'en feront qu'un et qu'alors il pourrait y
avoir un Gouvernement de l'Europe, mais il serait dérisoire de faire comme si
ce jour était venu ».
Le 4 février 1965. Conférence de presse.
« Il s'agit que l'Europe, mère de la civilisation moderne, s'établisse de
l'Atlantique à l'Oural, dans la concorde et dans la coopération en vue du
développement de ses immenses ressources et de manière à jouer,
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13
conjointement avec l'Amérique sa fille le rôle qui lui revient quant au progrès
de deux milliards d'hommes qui en ont terriblement besoin ».
Le 14 décembre 1965. Entretien télévisé.
« Dès lors que nous ne nous battons plus entre Européens occidentaux, dès
lors qu'il n'y a plus de rivalités immédiates et qu 'il n 'y a pas de guerre, ni
même de guerre imaginable, entre la France et l'Allemagne, entre la France et
l'Italie et, bien entendu, entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre, eh
bien ! il est absolument normal que s'établisse entre ces pays occidentaux une
solidarité. C'est cela l'Europe, et je crois que cette solidarité doit être
organisée. Il s'agit de savoir comment et sous quelle forme.
Alors, il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de
politique autrement que sur les réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa
chaise comme un cabri en disant « l'Europe ! », « l'Europe ! », « l'Europe ! »
mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien.
Je répète : il faut prendre les choses comme elles sont. Comment sont-elles ?
Vous avez un pays français, on ne peut pas le discuter, il y en a un. Vous avez
un pays allemand, on ne peut pas le discuter, il y en a un. Vous avez un pays
italien, vous avez un pays belge, vous avez un pays hollandais, vous avez un
pays luxembourgeois et vous avez, un peu plus loin, un pays anglais et vous
avez un pays espagnol, etc. Ce sont des pays, ils ont leur histoire, ils ont leur
langue, ils ont leur manière de vivre et ils sont des Français, des Allemands,
des Italiens, des Anglais, des Hollandais, des Belges, des Espagnols, des
Luxembourgeois. Ce sont ces pays-là qu'il faut habituer progressivement à
vivre ensemble et à agir ensemble. A cet égard, je suis le premier à
reconnaître et à penser que le Marché commun est essentiel, car si on arrive à
l'organiser, et, par conséquent, à établir une réelle solidarité économique entre
ces pays européens, on aura fait beaucoup pour le rapprochement
fondamental et pour la vie commune. »
(...)
« Alors, vous en avez qui crient : « Mais l'Europe, l'Europe supranationale ! il
n'y a qu'à mettre tout cela ensemble, il n'y a qu'à fondre tout cela ensemble,
les Français avec les Allemands, les Italiens avec les Anglais », etc. Oui, vous
savez, c'est commode et quelquefois c'est assez séduisant, on va sur des
chimères, on va sur des mythes. Mais il y a les réalités et les réalités ne se
traitent pas comme cela. Les réalités se traitent à partir d'elles-mêmes.
C'est ce que nous nous efforçons de faire, et c'est ce que nous proposons de
continuer de faire. Si nous arrivons à surmonter l'épreuve du Marché commun
— j'espère bien que nous le ferons — il faudra reprendre ce que la France a
proposé en 1961 et qui n'avait pas réussi du premier coup, c'est-à-dire
l'organisation d'une coopération politique naissante entre les Etats de l'Europe
occidentale. A ce moment-là, il est fort probable qu'un peu plus tôt, un peu plus
tard, l'Angleterre viendra se joindre à nous et ce sera tout naturel. Bien
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14
entendu, cette Europe-là ne sera pas comme on dit supranationale. Elle sera
comme elle est. Elle commencera par être une coopération, peut-être qu'après,
à force de vivre ensemble, elle deviendra une confédération ».
Le 28 octobre 1966. Conférence de presse.
« Pour ce qui est de l'Allemagne, malgré toutes les pertes que nous ont fait
subir les guerres déclenchées par le premier Reich et par le troisième Reich,
nous lui avons offert une franche réconciliation. J'ai moi-même parcouru ses
villes, ses usines, ses campagnes, pour le criera son peuple, au nom de la
France de toujours. Nous avons même été, il y aura bientôt quatre ans, jusqu'à
conclure avec la République fédérale, et à sa demande, un traité qui aurait pu
servir de base à une coopération particulière des deux pays dans les domaines
de la politique, de l'économie, de l'agriculture et de la défense.
Ce n'est pas notre fait si les liens préférentiels, contractés en dehors de nous
et sans cesse resserrés par Bonn et Washington, ont privé d'inspiration et de
substance cet accord franco-allemand. Il est bien possible que, de ce fait, nos
voisins d'outre-Rhin aient perdu quelques occasions quant à ce qui aurait pu
être l'action commune des deux nations, parce que, pendant qu'ils
appliquaient, non pas notre traité bilatéral, mais le préambule unilatéral qui en
changeait tout le sens et qu'eux-mêmes y avaient ajouté, les événements
marchaient ailleurs et notamment à l'Est et même peut-être à Washington,
brouillant les données de l'affaire telles qu'elles étaient au départ. »
(…) « Au surplus, pour que la Communauté économique des Six soit durable
et pour qu'elle puisse aller en se développant, la coopération politique des
Etats qui en sont membres est à coup sûr indispensable. Or, nous n'avons
cessé de proposer qu'une telle coopération s'organise progressivement, à la
seule condition qu'elle vise à définir et à suivre une politique qui soit
européenne, et non point à se conformer par principe et nécessairement à une
politique qui ne l'est pas. C'est cette condition qui a empêché jusqu'à présent
le plan français d'être adopté, bien qu'aucun autre n'ait été formulé ».
Le 9 septembre 1968. Conférence de presse.
« Depuis 1958, nous, Français, n'avons pas cessé de travailler à mettre un
terme au régime des blocs. C'est ainsi que, tout en pratiquant d'étroites
relations avec les pays de l'Ouest européen et en allant jusqu'à changer, à
l'égard de l'Allemagne, notre ancienne inimitié en cordiale coopération, nous
nous sommes progressivement détachés de l'organisation militaire de
l'O.T.A.N. qui subordonne les Européens aux Américains. C'est ainsi que, tout
en participant au Marché commun, nous n'avons jamais consenti pour les Six
au système dit « supranational » qui noierait la France dans un ensemble
apatride et n'aurait d'autre politique que celle du protecteurd'outre-Océan.
C'est ainsi que notre volonté de ne point risquer cette absorption atlantique est
l'une des raisons pour lesquelles, à notre grand regret, nous avons jusqu'à
présent différé l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'actuelle Communauté ».
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Avril 1970. Mémoire d'Espoir — Tome I.
« Je crois donc qu'à présent, non plus qu'à d'autres époques, l'union de
l'Europe ne saurait être la fusion des peuples, mais qu'elle peut et doit résulter
de leur systématique rapprochement. Or, tout les y pousse en notre temps
d'échanges massifs, d'entreprises communes, de science et de technique sans
frontière, de communications rapides, de voyages multiples. Ma politique vise
donc à l'institution du concert des Etats européens, afin qu'en développant
entre eux des liens de toutes sortes grandisse leur solidarité. Rien n'empêche
de penser, qu'à partir de là, et surtout s'ils sont un jour l'objet d'une même
menace, l'évolution puisse aboutir à une confédération.
En fait, cela nous conduit à mettre en œuvre la Communauté économique des
Six : à provoquer leur concertation régulière dans le domaine politique ; à faire
en sorte que certaines autres, avant tout la Grande-Bretagne, n'entraînent pas
l'Occident vers un système atlantique qui serait incompatible avec toute
possibilité d'une Europe européenne, mais qu'au contraire ces centrifuges se
décident à faire corps avec le continent en changeant d'orientation, d'habitudes
et de clientèles ; enfin, à donner l'exemple de la détente, puis de l'entente et de
la coopération avec les pays de l'Est, dans la pensée que, par-dessus les
partis pris des régimes et des propagandes, ce sont la paix et le progrès qui
répondent aux besoins et aux désirs communs des hommes dans l'une et dans
l'autre
moitié
de
l'Europe
accidentellement
brisée
».
(… )
« D'autre part, les mêmes créateurs de mythes veulent faire voir dans
l'Assemblée réunissant à Strasbourg des députés et des sénateurs délégués
par les Chambres des pays membres, un « Parlement européen » lequel n'a,
sans doute, aucun pouvoir effectif mais donne à l'« exécutif » de Bruxelles une
apparence
de
responsabilité
démocratique
».
(…)
« A quelle profondeur d'illusion ou de parti pris faudrait-il plonger, en effet, pour
croire que des nations européennes, forgées au long des siècles par des
efforts et des douleurs sans nombre, ayant chacune sa géographie, son
histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d'être
elles-mêmes et n'en plus former qu'une seule ?
A quelles vues sommaires répond la comparaison, souvent brandie par des
naïfs, entre ce que l'Europe devrait faire et ce qu'ont fait les Etats-Unis, alors
que ceux-ci furent créés, eux, à partir de rien, sur une terre toute nouvelle, par
des flots successifs de colons déracinés ? Pour les Six, en particulier,
comment imaginer que leurs buts extérieurs leur deviennent soudain
communs, alors que leur origine, leur situation, leur ambition, sont très
différentes ? Dans la décolonisation, que la France doit, dans l'immédiat,
mener à son terme, que viendraient faire ses voisins ? Si, de tous temps, il est
dans sa nature d'accomplir « les gestes de Dieu », de répandre la pensée libre,
d'être un champion de l'Humanité, pourquoi serait-ce au même titre, l'affaire de
ses partenaires ? L'Allemagne frustrée par sa défaite de l'espoir de dominer, à
présent divisée et, aux yeux de beaucoup, suspectée de chercher sa
revanche, a désormais sa grande blessure. Au nom de quoi faudrait-il que ce
devienne automatiquement celle des autres ?
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Dès lors que l'Italie, cessant d'être l'annexe de l'Empire des Germaniques, ou
bien de celui des Français, puis écartée des Balkans où elle avait voulu
s'étendre, demeure péninsulaire, confinée en Méditerranée et naturellement
placée dans l'orbite des puissances maritimes, pour quelle raison se
confondrait-elle avec les Continentaux ? Les Pays-Bas, qui depuis toujours ne
doivent leur vie qu'aux navires et leur indépendance qu'aux recours venus
d'outre-mer, par quel miracle consentiraient-ils à s'absorber parmi les terriens ?
Comment la Belgique, tendue à maintenir en un tout la juxtaposition des
Flamands et des Wallons, depuis que, par compromis, les puissances rivales
parvinrent à faire d'elle un Etat, pourrait-elle se consacrer sincèrement à autre
chose ? Au milieu des arrangements succédant aux rivalités des deux grands
pays riverains de la Moselle, quel souci dominant peuvent avoir les
Luxembourgeois,
sinon
que
dure
le
Luxembourg
?
»(...)
« Tout de même que la transformation de la France est réclamée à grands cris
par les féodalités économiques et sociales et les partis politiques français,
mais que toute réforme qui change l'ordre établi est mal accueillie par tous,
ainsi l'union du continent, proclamée comme nécessaire par les milieux
dirigeants de nos partenaires européens et par nos propres chapelles, se
heurtera-t-elle à un mur de réserves, d'exégèses et de surenchères quand je
tâcherai de lui frayer la voie. Mais je pense que, si Rome ne fut pas bâtie en un
jour, il est dans l'ordre des choses que la construction de l'Europe requière des
efforts prolongés ».
Fonte :
http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiersthematiques/de-gaulle-et-le-monde/de-gaulle-etlrsquoeurope/documents/citations-du-general-de-gaulle-sur-l-europe.php

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